Karol Wojtyła, jeune prêtre avec ses étudiants à Cracovie (1950)
Il revient ensuite en Pologne et, en juin 1948, est envoyé à NiegowićB 8, un petit village de la campagne
galicienne à cinquante kilomètres de CracovieA 22. Il y découvre le développement du stalinisme en Pologne.
Il lit Lénine et Karl Marx, afin de mieux comprendre la logique communisteA 23. Il défend cette conception :
« Le socialisme n'est pas contraire aux enseignements de l'Église, mais les méthodes des communistes sont
contre l'Église. Le communisme prétend imposer aux gens des conceptions matérialistes, il torture la
nation »A 23. Face aux pressions faites par le régime communiste, Karol Wojtyła conseillait de ne jamais
résister, affirmant que « les choses mauvaises, disait-il, doivent être vaincues par la bonté. Nous devons
montrer le bon exemple, faire preuve d'humilité »A 24.
Le cardinal Sapieha le nomme en mars 1949 à la paroisse universitaire de Saint-Florian de Cracovie. Pendant
cette période il découvre « l'importance fondamentale de la jeunesse »A 24,Note 4. Il encadre alors un groupe de
jeunes, à qui il donne des conférencesB 9.
Il apprend avec eux, fait du ski avec euxB 10 et organise une nouvelle forme d'évangélisationA 24. Il organise des
excursionsB 9, composées de temps de réflexion, de prière et de sport, ceci deux fois par an pendant quinze
joursB 11. Il célèbre la messe sur un canoë, chose assez rare avant le Concile Vatican II, s'habille en civil, afin
de ne pas se faire repérer par le régime communisteA 25. Au cours de ces excursions, il écoute et discute
beaucoup avec des jeunes, souvent fiancés, avec qui il parle des différents aspects de la vie conjugaleA 25. Il
innove en discutant ouvertement de la sexualitéA 26. Il invitait les hommes et les femmes « à apprendre à être
ensemble avant de s'engager dans une relation plus intime. Ils devraient apprendre à se comporter l'un vis-à-
vis de l'autre, à être patients, à s'entendre, à se comprendre mutuellement »A 27. Il développe une réflexion
profonde sur la vocation du mariage, qui restera toute sa vie l'une des grandes thématique de son
enseignementA 27.
Karol Wojtyła pendant une excursion
Il est nommé à l'université par le cardinal Sapieha, contre sa volontéB 12.
Il étudie alors pour faire une thèse de philosophie. Il se spécialise en
éthique et précisément la question de l'amour en général et de l'amour
conjugalB 13. Il étudie la philosophie de Saint Thomas d'Aquin et les
phénoménologues, dont Edith SteinG 14, et sa thèse porte sur le
phénoménologue Max Scheler. Il apprend alors l'allemand afin de
pouvoir mieux comprendre Max SchelerB 14. Il obtient alors un
doctorat de philosophie, en 1953B 14. Il continue cependant ses
excursions avec les jeunes pendant l'étéB 14.
En 1953, il assume la chaire de théologie morale et d’éthique sociale de
la Faculté de théologie de CracovieB 15. Il écrit des poèmes sous le
pseudonyme d'Andrzej JawienB 16. Le régime soviétique accentue
alors la répression, développant le culte de la personnalité autour de
Staline. Des personnalités catholiques comme le cardinal Stefan
Wyszyński sont emprisonnées en septembre 1953A 28. Le prêtre responsable du Rosaire Vivant fut condamné
à mortA 28. L'enseignement catholique est interdit dans les écolesA 29, et la faculté de théologie de l'Université
Jagellonne où il enseigne, est ferméeB 17 en octobre 1954A 28. À partir de la mort de Staline, les relations sont
plus libres. Des manifestations en faveur de la liberté religieuse apparaissent et le cardinal Stefan Wyszyński
est libéréB 18 en 1956A 30. En 1954, il est nommé professeur d’éthique à l’Université catholique de Lublin. Il
fonde dans cette ville un Institut de morale dont il conserve la direction jusqu’en 1978.
Karol Wojtyła participe alors secrètement autour du doyen des professeurs de philosophie à des réunions afin
de discuter de la situation de l'Église et de la nation. Ils développent alors des moyens subtils afin de saper le
communisme de l'intérieur, spirituellement et philosophiquement. Karol Wojtyła critique alors le
communisme, en considérant que l'éthique marxiste ne permettait pas d'appréhender la réalité de l'homme en
tant que telA 31. Ainsi il considère que les marxistes « considèrent l'homme comme quelque chose qui peut
être créé dans le communisme - mais il n'y a pas de place pour l'individu, pour l'essence de l'homme. Parce
que l'essence de l'homme s'incarne en chaque individu »A 31. Karol Wojtyła considère que l'approche
chrétienne de la vie et de la société était extrêmement réaliste, alors que l'approche marxiste finissait par
« être purement idéaliste, faute d'être concrète »A 31. Face à cette opposition, Karol Wojtyła ne cherche
jamais à développer une confrontation armée ou violente avec les communistes. Il cherche ainsi à fuir les
problèmes politiques et les conflits, afin de ne pas gaspiller de temps, mais se concentrer à élargir la
connaissance, afin de se consacrer à un travail positifA 31. Ainsi on ne trouve pas de réaction officielle de
Karol Wojtyła lors des évènements de PoznanA 31.