. LA PRESSE MONTRÉAL JEUDI 21 OCTOBRE 2004 ACTUEL 7 llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll ACTUEL L’obligation éthique Une marque peut-elle incarner des valeurs morales ? Des publicitaires s’interrogent. SILVIA GALIPEAU E st-ce que Pampers est une meilleure entreprise parce qu’elle ne vend pas seulement des couches, mais accompagne aussi les nouvelles mamans dans toutes leurs interrogations, leur offrant trucs et astuces d’experts ? Est-ce que Ben & Jerry’s est une meilleure marque de crème glacée parce qu’elle verse une partie de ses profits à des oeuvres de charité ? Et Starbuck’s estelle un modèle de citoyenneté parce qu’elle offre aussi du café équitable ? En d’autres mots, ces prises de position sont-elles de simples coups de pub, ou de sincères engagements moraux ? Une marque peut-elle seulement aspirer à un tel qualificatif éthique ? Grandes questions, pensez-vous... Ce sont pourtant sur celles-ci que des publicitaires montréalais se sont penchés dans le cadre d’une journée de réflexion portant sur les marques et l’éthique, organisée dernièrement par le magazine Infopresse. Pour y répondre, Georges Lewi, président du groupe français Branding Expert Center, grand expert en la matière, a rappelé une petite anecdote. C’était il y a deux ans. McDonald’s lançait alors en France un avis général d’intérêt public. En gros, l’entreprise soulignait que, vu le contexte de lutte contre l’obésité, elle recommandait au public français de ne fréquenter ses restaurants qu’une seule fois par semaine. Illico, branle-bas de combat au sein du monde de la pub et des médias français : que se passait-il ? L’entreprise était-elle en train de se tirer dans le pied ? Avait-elle eu un éveil lucide de santé publique ? Finie la course aux gras profits, elle pensait désormais à la santé de ses chers consommateurs ? Bref : était-ce possible ? Le géant de la restauration rapide venait-il de faire preuve d’éthique ? À l’époque, Georges Lewi avait Pizza Hut comme client. Ce dernier n’a pas été dupe une seconde de l’affaire. « Combien de fois en moyenne les clients français vontils chez McDo pensez-vous ? a-t-il demandé à son conseiller. Tous les 11 jours ! » Derrière ce si beau message de santé publique, McDonald’s avait en fait réalisé un coup de pub géant : sous le couvert de l’intérêt public, on incitait ici les gens à venir plus souvent encore se gaver de frites. De quoi mettre le débat de la marque et de l’éthique en perspective... PHOTO TOBY TALBOT, ASSOCIATED PRESS © Le sourire éthique. Ben Cohen et Jerry Greenfield, lors du 20 e anniversaire de la compagnie Ben & Jerry’s en 1998. Fondée par ces deux anciens hippies, la célèbre marque de crème glacée américaine verse une partie de ses profits à des oeuvres de charité. Une morale des affaires Avant de parler de marque éthique, si une telle bête existe, encore faut-il savoir ce que l’on entend par « marque ». « Une marque a une fonction presque unique, a rappelé Georges Lewi à son auditoire : développer des parts de marché. C’est une valeur ajoutée qui permet de vendre un produit un peu plus cher. » En un mot, comme si vous ne le saviez pas déjà, c’est à cause de son petit logo que l’on paie un sac Vuitton une telle fortune. Ce « repère mental sur le marché » a trois fonctions : une fonction transactionnelle (faisant allusion au prix bien sûr, mais aussi à la qualité et à la garantie d’un produit), une fonction identitaire (un pull du Village des valeurs ou de chez Mexx ?) et une fonction aspirationnelle (faisant référence aux idées et valeurs véhiculées par une marque). Altermondialisme oblige, alors en collaboration avec présente le que l’on pourrait croire que les consommateurs, avides de produits équitables et bios, misent davantage sur les valeurs aspirationnelles, il n’en est rien. Sondage après sondage, les mêmes réponses reviennent : « En premier lieu, les consommateurs nous disent : donneznous des bons produits », a souligné Georges Lewi. Pas forcément des produits de luxe, ni des produits qui respectent l’environnement, mais des produits de qualité. C’est la première préoccupation des gens : le rapport qualité-prix. Cela ne veut pas dire qu’ils ne se préoccupent pas de pollution ou d’équité. Mais là n’est pas leur premier intérêt. Ces notions de respect des salariés, de l’environnement et du respect des fournisseurs, vien- nent respectivement en deuxième, troisième et quatrième position. De leur côté, les Shell et Monsanto de ce monde, ayant analysé ces résultats de sondage, les classent dans leurs classeurs de « gestion de risque ». Résultat : « On ne fait pas trop d’émissions polluantes, on offre des salaires satisfaisants, on ne fait pas de discrimination ni travailler les enfants, a résumé Georges Lewi. Parce que lorsqu’il y a crise, cela peut coûter très cher. » IKEA, Gap et Nike, pour ne nommer que ceux-là, en savent quelque chose. Si les marques traitent correctement leurs employés seulement parce qu’elles craignent les conséquences néfastes qui pourraient advenir dans le cas contraire, peut-on toujours franchement parler d’éthique ? Nous sommes en effet ici bien loin de la définition philosophique originelle de la morale, de cette « science du bien et du mal » et de « l’impératif catégorique » kantien. Sans tomber dans le cynisme, Georges Lewi a plutôt opté pour le réalisme : « Admettons qu’une entreprise puisse être honnête et en même temps rechercher que ça lui rapporte, a-t-il suggéré. J’aurais aussi tendance à dire : éliminons la notion de marque éthique et parlons plutôt de morale des affaires. » Car selon lui, la question de la morale ou de l’éthique n’est pas tant l’affaire d’une marque, que celle des hommes derrière une entreprise. Et sous cet angle, oui, il peut y avoir des bonnes et des mauvaises consciences, croit-il. Mais encore là, les entreprises ne font pas, selon lui, des gestes plus ou moins éthiques simplement pour la cause. On ne réduit pas ses émissions polluantes seulement parce qu’on y croit, mais aussi à cause de tous les risques que l’on court si l’on ne le fait pas, dit-il. Car les entreprises savent bien une chose : un consommateur ne favorisera pas nécessairement une compagnie propre, mais aura souvent tendance à punir une compagnie sale. « Les entreprises ont plus à perdre à ne pas mettre en place certaines mesures éthiques qu’elles ont à gagner à les mettre en place. » Obligées d’être éthiques, finalement. .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... . Autres texte en page 8 Gaz Bar Blues invité spécial : Bob Walsh 219 PHOTO BLOOMBERG NEWS Les consommateurs ont tendance à faire payer le prix aux compagnies qu’ils jugent non éthique, telle Nike. première partie : Harry Manx S, L’HARMONICISTE GUY ACCOMPAGNÉS DE 5 MUSICIEN ENTISTE CLAUDE FRADETTE BÉLANGER ET LE MULTI-INSTRUM E SONORE DE GAZ BAR BLUES RECRÉERONT SUR SCÈNE LA TRAM JEUDI, 21 OCTOBRE, 20 h SPECTRUM DE MONTRÉAL - 22,50 $ Renseignements : (514) 871-1881 ou 1 888 515-0515 www.montrealjazzfest.com Billets en vente sur www.ticketpro.ca ou au (514) 908-9090 .