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Circulations et constructions spatiales
La diffusion d’un livre de coutumes dans le monde
ashkénaze : le ‘Seyfer ha-Minhogim’ de Shimon
ben Yehuda ha-Levi Guenzburg (Venise, 1589)
Jean Baumgarten, Centre de recherches historiques (EHESS/CNRS)
La culture ashkénaze est par définition transnationale ; non pas qu’il
faille l’appréhender en faisant fi des ancrages locaux, des découpages admi-
nistratifs et des frontières géopolitiques. Dans de nombreuses cités, les privi-
lèges limitaient le droit de résidence, voire interdisaient la présence des Juifs,
et leurs déplacements dépendaient de l’obtention de sauf-conduits octroyés
par les autorités seigneuriales. L’ensemble de ces interdictions limitaient
la circulation économique et la mobilité dans le cadre local, régional ou au
sein de l’espace ashkénaze. Toutefois, la dispersion des communautés, les
relations interfamiliales, les contacts commerciaux, les échanges intellectuels
entre savants et rabbins, la circulation des objets sacrés, des biens et des
idées, supposaient des réseaux intercommunautaires que seule la dimension
transnationale peut dévoiler1. Si les monographies centrées sur l’histoire d’une
communauté particulière ont longtemps constitué un modèle pour l’historio-
graphie juive2, ces dernières décennies, l’étude du judaïsme ashkénaze s’est
1. Communication in the Jewish Diaspora, the Pre-Modern World, éd. par Sophia Menache, Leyde,
Brill, 1996 ; voir dans ce même ouvrage, l’article de Sophia Menache, «Communication in the
Jewish Diaspora : a Survey », p. 15-57. Pour le monde séfarade, voir Oliel-Grausz Evelyne : «Cir-
culations, frontières et mobilités séfarades à l’époque moderne », Cahiers du Centre de recherches
historiques, Paris, Centre de recherches historiques, n°42, 2008, p. 31-47.
2. Deux ouvrages, entre autres, représentent bien ce modèle historiographique fondé sur l’histoire