Le sport : un facteur d`intégration ou d`exclusion sociale

Le sport : un facteur d’intégration
ou d’exclusion sociale ?
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Mabillard Vincent
Septembre-octobre 2012
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Table des matières
Introduction............................................................................................................................. 3
Intégration sociale des groupes discriminés : les vertus du sport......................................... 3
Les politiques d’inclusion sociale par le sport....................................................................... 4
L’importance du sport dans les sociétés contemporaines...................................................... 6
Les défis de l’intégration par le sport..................................................................................... 7
Le sport comme facteur potentiel d’exclusion sociale......................................................... 10
Conclusion............................................................................................................................. 11
Bibliographie......................................................................................................................... 12
Crédits photo : © http://www.arsenal.com/community/social-inclusion
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Le sport : un facteur d’intégration ou d’exclusion sociale ?
Introduction
Cet article se concentre avant tout sur la capacité du sport à mobiliser et à intégrer
certains groupes, notamment les populations immigrées et les individus subissant une
exclusion sociale (genre, niveau socio-culturel, revenu, handicap) à l’intérieur d’une même
société. Les valeurs diffusées par le sport, comme le fair-play, l’esprit d’équipe, la réussite
individuelle et collective, sont très largement répandues au sein des cercles dirigeants et
fortement prônées par les politiciens de tous bords. Elles contribuent souvent au
développement de communautés diverses dans le monde. Cette image positive du sport se
reflète dans la définition retenue par le Conseil de l’Europe (2001) : « On entend par "sport"
toutes formes d’activités physiques qui, à travers une participation organisée ou non, ont pour
objectif l’expression ou l’amélioration de la condition physique et psychique, le
développement des relations sociales ou l’obtention de résultats en compétition de tous
niveaux »1. Dans son Livre blanc sur le sport, l’Union Européenne (UE) rappelle que le sport
génère des valeurs essentielles, telles que la solidarité et la tolérance. De plus, il encourage le
développement ainsi que l’épanouissement personnels et stimule l’activité citoyenne.
Toutefois, de nombreux bémols subsistent et mettent à mal l’image idéale décrite ci-
dessus. Dans la deuxième partie de cet article, nous reviendrons sur les obstacles qui entravent
les mécanismes d’intégration par le sport. Dans sa pratique quotidienne, il fait en effet face à
de nombreux actes de racisme et d’homophobie, ainsi qu’à une violence endémique à
l’intérieur et autour des stades. Mais la menace la plus sérieuse se trouve dans l’essence même
du sport, dans son pouvoir d’exclure les individus de la pratique. Ainsi, il creuse les
différences entre les groupes sociaux. En outre, de nombreuses barrières d’ordre plus
structurel (moyens financiers, infrastructures, temps, etc.) nuisent au rayonnement du sport au
sein de toutes les couches de la société. C’est cette balance inclusion/exclusion sociale que
nous nous proposons d’analyser dans ce texte.
Intégration sociale des groupes discriminés : les vertus du sport
De manière générale, la pratique du sport est actuellement encouragée, voire quasi-
vénérée. Les valeurs qu’elle véhicule et les supposés bienfaits qui en découlent expliquent un
tel engouement. Au-delà de l’apport au plan individuel, nous pouvons ici affirmer que le sport
joue un rôle sociétal important, notamment en ce qui concerne les questions de santé
publique, mais aussi en raison de sa dimension éducative et de son aspect récréatif (le
« défouloir »). Si des réserves peuvent être émises sur le rapport forcément bénéfique entre
sport et santé, les cas de blessures liées au sport étant fréquentes, la relation sport-intégration
se doit d’être encore plus nuancée. Cependant, il existe de réelles opportunités d’inclusion
sociale par le biais du sport. De nombreuses études ont en effet révélé l’impact positif du
sport sur les mécanismes d’intégration2. Nous pouvons notamment relever les apports
suivants :
- Une amélioration de la qualité de vie
- Une amélioration de la productivité au travail
1 COMMISSION EUROPEENNE, Livre blanc sur le sport, 11.07.2007
2 COLLINS Michael F., KAY Tess, Sport and Social Exclusion, London, Routledge, 2003, pp. 27-29
4
- Un accroissement de la cohésion nationale, communautaire et familiale
- Une plus grande estime de soi et une plus grande confiance en soi
- Une réduction des comportements anti-sociaux
- Un élargissement des réseaux sociaux par l’augmentation des interactions
- La création d’emplois dans le domaine du sport
- Une possibilité de mobilité sociale
Tout d’abord, qu’est-ce que l’intégration ? Selon Patrick Mignon, c’est ce « processus
continu par lequel une société transcende les différences entre les populations vivant sur son
territoire. Elle désigne les formes de participation à la société globale par l’activité
professionnelle, l’apprentissage des normes de consommation matérielle, l’adoption des
comportements familiaux et culturels »3. Si l’on y ajoute la dimension sportive, il devient
possible d’affirmer que le sport peut gommer certaines différences intra-sociétales.
L’intégration se ferait alors par la participation globale des athlètes en tous genres à leur(s)
discipline(s) sportive(s) de prédilection, contribuant ainsi à lever des barrières propres à leur
communauté d’appartenance. Cette conviction semble assez répandue et ce sentiment prévaut
parmi les responsables politiques, au sein des organisations non-gouvernementales (ONG) et
de la population même. En effet, la relation naturelle entre sport et intégration se banalise, elle
devient un constat rendu presque « nécessaire » pour ses défenseurs dans le cadre de sociétés
métissées ou multiculturelles. Pour ne donner qu’un exemple, la stratégie nationale pour le
sport écossais pour la période 2003-2007 prétend que « la participation sportive peut
améliorer la qualité de vie des individus et des communautés, promouvoir l’inclusion sociale,
améliorer la santé, lutter contre les comportements anti-sociaux, accroître la confiance et
l’estime de soi, et élargir les horizons »4.
Nous ajouterons ici que la pratique du sport, qu’elle soit individuelle ou collective,
favorise la découverte de soi de par le contact avec les coéquipiers ou les adversaires. Il s’agit
aussi d’un apprentissage de la vie collective dans un cadre normé, d’une véritable instance de
socialisation dans laquelle chacun jouit, subit et découvre en même temps la distribution des
rôles sociaux. Le sport initie également aux valeurs de justice et d’égalité, conjuguées à
l’esprit du fair-play. Ce dernier rend possible l’acception de la défaite, le respect de
l’adversaire. Il pousse à la maîtrise de soi. Dans cette optique, le sport joue un rôle sociétal
majeur. Ses vertus permettent une intégration plus facile des populations vivant en retrait de
la société.
Les politiques d’inclusion sociale par le sport
Les gouvernements et les instances supranationales du système politique européen ont
décidé de faire du sport une priorité dans le domaine de l’intégration. Selon eux, il est
nécessaire de préserver les racines culturelles des peuples tout en développant un sentiment
citoyen européen. De ce fait, les questions d’inclusion et de cohésion sociale sont devenues
des priorités à l’agenda des politiques publiques à l’intérieur de l’UE. Elles se basent sur les
concepts de « citoyenneté active » et de « capital social ». La citoyenneté active se définit
comme toute forme de contribution active à la société. Dans ce contexte, la participation d’un
athlète dans un club, une association, une ONG voire une fédération peut être considérée
comme de la citoyenneté active. Il en va de même pour les actions bénévoles ainsi que
l’investissement dans une structure de formation ou de relève sportive. Quant au capital
3 MIGNON Patrick, « Sport, Insertion, Intégration », in Hommes et Migrations, n°1226, Juillet-août 2000, p. 15
4 SPORT 21, The National Strategy for Sport (2003-2007), Mars 2003. Traduction libre
5
social, il se rapporte aux relations sociales afférentes à un acteur. Il s’agit des ressources
potentielles ou réelles liées à la possession d’un réseau social par un individu. Pour le
politologue américain Robert D. Putnam, une communauté riche en capital social doit
répondre aux critères suivants : réseaux communautaires solides, appuyés par l’infrastructure
nécessaire ainsi qu’un engagement étendu dans l’organisation de la vie communautaire ; un
sens aigü de l’identité, de la solidarité et de l’égalité au plan local ; de hauts niveaux de
confiance interpersonnelle et un soutien réciproque dans la majorité des situations5.
Plusieurs programmes gouvernementaux ont donc choisi d’accorder une priorité toute
particulière au pouvoir intégrateur du sport. Nous passons ici en revue les exemples
finlandais, allemand et suisse. Dans le cas de la Finlande, les autorités ont opté pour un
programme conjoint avec les secteurs de l’éducation et de la culture, qui a pour but d’intégrer
plus facilement les personnes immigrées. L’objectif ultime est de permettre à ces populations
de jouir des mêmes possibilités que les autres résidents en termes d’accès aux activités
sportives6. Le gouvernement finlandais espère ainsi renforcer l’inclusion des immigrants en
élargissant leur réseau de relations sociales. De nombreuses dispositions ont été prises à cet
égard. Il s’agit notamment d’améliorer les structures et d’insister sur leur accessibilité auprès
des immigrants ; d’attribuer une part du budget aux adultes et enfants d’origine étrangère ; de
développer des indicateurs qui rendent compte de l’impact du sport sur leur intégration ; et de
discuter de la question de l’immigration dans la réforme structurelle du Conseil national du
sport. Avec un budget annuel de 5 millions d’euros, l’Office fédéral allemand pour la
migration et les réfugiés soutient fortement les programmes d’intégration des immigrants par
le biais du sport, du théâtre, de la musique et de la danse. Aux yeux des responsables
allemands, il paraît nécessaire pour les jeunes immigrés de s’initier à la pratique sportive dans
le cadre d’un club local. Cela leur permet de tisser des liens entre les différentes cultures, de
construire une confiance mutuelle et de renforcer leur sentiment d’appartenance. Le
programme « Intégration par le sport » vise donc à rassembler les individus dans un esprit de
fair-play, à réduire les actes de violence et à favoriser les interactions sociales. Ce programme
a fait l’objet d’une expertise par l’Université de Potsdam et semble donner entière
satisfaction7. Dans le cas suisse, on mise avant tout sur la promotion de la tolérance et du
respect mutuel par le sport. De plus, avec un taux de population étrangère atteignant les 20%,
la question de l’intégration des immigrants s’impose tout naturellement. Le programme suisse
en la matière préconise une pratique sportive régulière et l’inscription dans des clubs, car des
incidences positives sur la vie sociale, l’apprentissage de la langue, la réussite scolaire ou la
formation, et même l’intégration professionnelle en découlent. Il fait également part de deux
constats qui rendent l’encouragement du sport et de l’intégration incontournables : d’une part,
il existe une sous-représentation des migrants au sein des fédérations sportives ; d’autre part,
un nombre très faible d’étrangers occupent des positions bénévoles dans les clubs et
associations8.
Plus généralement de nombreux gouvernements, entourés par leurs partenaires sociaux et
par les membres de la société civile, ont insisté sur la nécessité de rendre le sport accessible à
tous. Après tout, le baron Pierre de Coubertin lui-même n’avait-il pas affirmé que « le sport
5 PUTNAM Robert. D., Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community. New York: Simon
& Schuster, 2000
6 OPETUS- JA KULTTUURRIMINISTERIÖ, Programme for integrating immigrants through sports,
28.04.2010
7 BUNDESAMT FÜR MIGRATION UND FLÜCHTLINGE, Integration durch Sport, 18.01.2011
8 OFFICE FEDERAL DU SPORT, Le potentiel intégrateur du sport, 31.08.2010
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