L’École des femmes – 5
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Scène 1 de l’acte I
(p. 16, v . 103, à p. 19, v . 1 72)
UNE EXPOSITION DYNAMIQUE
u La pièce s’ouvre sur l’annonce du mariage d’Arnolphe. C’est Chrysalde qui en parle le premier, donnant
ainsi l’illusion de poursuivre une conversation commencée avant le lever du rideau. Le
« oui »
d’Arnolphe
au vers 2 vient confirmer l’information.
La nouvelle du mariage d’Arnolphe constitue l’arrière-plan du passage étudié, comme en témoigne la
récurrence du mot
« femme »
(avec la polysémie « sexe féminin / épouse ») dans le dialogue et plus
particulièrement aux vers 124, 126, 130 (le pronom
« elle »
désigne précisément la jeune fille choisie par
le barbon ; ce pronom est repris sous sa forme sujet comme sous sa forme complément dans la suite de
la scène) et 154 (le mot
« choix »
est un écho du vers 126).
v Le mariage d’Arnolphe pose problème à plus d’un titre :
– s’il est question de l’amour d’Arnolphe pour Agnès (v. 130), cet amour s’attache à une enfant de 4 ans et
n’est jamais présenté comme réciproque ;
– l’écart d’âge est marqué : Arnolphe a 42 ans (v. 170) et il épouse une jeune fille tout juste sortie d’un
« petit couvent »
;
– pourquoi Arnolphe se marie-t-il s’il a une si piètre opinion des femmes ?
Le thème du mariage étant posé dès le premier vers de la pièce, nous voilà placés d’emblée dans l’univers
traditionnel de la comédie. En outre, étant présenté dans une phrase interrogative (v. 1), ce mariage
semble bien au cœur de l’intrigue. Le dialogue avec Chrysalde, qui désapprouve le projet de son ami,
montre également que ce mariage est source de conflits.
Habituellement, les pères et les prétendants sont deux emplois distincts, mais, ici, Molière a choisi de
suivre une voie plus originale bien que déjà empruntée par Plaute
(Le Marchand, Casina)
: le barbon
s’intéresse à son propre mariage. On retrouvera cette configuration dans
L’Avare
en 1668.
w Molière écrit sa pièce en alexandrins et a recours aux rimes plates.
Le spectateur est plus habitué à écouter des tragédies en vers que des comédies, et sans doute le
dramaturge a-t-il voulu donner au genre de la comédie ses lettres de noblesse. La pièce comprend cinq
actes, comme les tragédies, et le spectateur est invité à la prendre au sérieux, même s’il s’agit aussi, bien
entendu, de rire. Ainsi le thème traité – celui de la place et de l’éducation des femmes – acquiert-il, grâce
à la versification, une légitimité littéraire.
x On relève, dans cet extrait, de nombreux enjambements : v. 104-105, v. 107-108, v. 109-110, v. 125-126,
v. 127-128… Ce procédé assouplit le rythme des vers et rend le dialogue plus prosaïque. Molière apprécie
l’alexandrin mais il en use avec souplesse, de façon à garder à l’échange des propos son naturel et sa
spontanéité. L’enjambement préserve le ton léger et enlevé de la comédie.
y Pour toucher son public, Molière compose une exposition dynamique. On pourra étudier :
– la modalité interrogative qui rompt la monotonie des phrases déclaratives ; l’interrogation rhétorique
renforce la conviction du personnage (v. 107-108) ;
– la longueur variée des répliques : Arnolphe coupe la parole à Chrysalde – ce qui peut être souligné par
un jeu de scène ;
– les alexandrins assouplis par une syntaxe fluide, les enjambements (
cf.
question 3) ;
– l’illusion de réel : Arnolphe évoque des faits antérieurs à la représentation, de la rencontre avec Agnès
quand elle avait 4 ans à son installation dans une de ses maisons. Cette
« autre maison »
(v. 146),
« à
l’écart »
(v. 145), crée également l’illusion d’un espace plus large que la scène ;
– le conflit entre les deux personnages malgré une amitié que l’on devine dans les efforts de conciliation
de Chrysalde (v. 155 :
« J’y consens »
) ;
– les procédés comiques : comique de caractère (naïveté de la jeune fille aux v. 161-164, obstination
déraisonnable d’Arnolphe), comique de mots (v. 170-171) ;
– l’attente du spectateur : qui est ce
« elle »
dont Arnolphe parle tant sans jamais la nommer ? est-elle
aussi
« idiote »
que le barbon le dit ?