Institut National des Sciences Appliquées de Strasbourg GENIE CLIMATIQUE ET ENERGETIQUE FICHE DE LECTURE ETUDE DE SOLUTIONS DE RENOVATION DE BATIMENTS TRADITIONNELS EN ECOSSE Par MARIE JONNARD Tutrice : C. VASILE Tuteur entreprise : J. BROS WILLIAMSON Septembre 2014 L’Ecosse compte aujourd’hui 400 000 bâtiments traditionnels, construits avant 1919, ce qui représente 20 % du parc immobilier écossais. Face aux attentes de la Réglementation Thermique 2020, plusieurs organisations gouvernementales ont été mandatées afin d’améliorer l’efficacité énergétique de ces bâtiments historiques. Le Scottish Energy Centre réalise des travaux de recherche pour ces organisations de préservation du patrimoine. Cette étude a pour objet de présenter les spécificités du bâtiment traditionnel écossais, ainsi que les solutions de rénovations pouvant être mises en place facilement et à moindre coût. L’étude portera ensuite sur l’impact de ces solutions, à travers l’analyse des phénomènes de condensation dans la masse. Enfin, une dernière partie développera l’outil de calcul mis en place pour déterminer le bilan annuel de condensation d’une paroi. Figure 1 : Bâtiments traditionnels étudiés 1. Spécificités du bâtiment traditionnel écossais Historic Scotland définit le bâtiment traditionnel écossais de la façon suivante, « un bâtiment construit avant 1919, composé de mur porteurs en maçonnerie lourde et d’un toit pentu recouvert d’ardoises ou d’un autre matériau de couverture naturel ». Les parois sont généralement constituées de quatre couches comme le montre la figure 2 : un mur en pierre (traditionnellement du grès), une cavité d’air de 4 cm, une couche de lattes de bois et plâtre, et un revêtement intérieur en plâtre. Les fenêtres sont de simples vitrages de type guillotine (figure 3). Figure 2 : Coupe schématique d’un mur traditionnel Figure 3 : Fenêtres à guillotine à Edimbourg Face aux spécificités des bâtiments traditionnels écossais, certaines méthodes de rénovation se sont développées. Des isolants comme la perlite, la ouate de cellulose ou les billes de polystyrène expansé sont soufflés ou versés dans la cavité d’air. Des panneaux de silicate de sodium ou de l’aérogel sont appliqués directement sur la couche de lattes de bois et de plâtre. Pour les vitrages, des volets intérieurs sont installés, plus faciles à mettre en place que des volets extérieurs. Des solutions alternatives comme le second vitrage ou le film thermique sont également mises en place. Jonnard Marie Tutrice : Vasile C. Etude de solutions de rénovation de bâtiments traditionnels en Ecosse Septembre 2014 1 2. Amélioration des parois et des fenêtres Les parois et les ouvrants font partie des plus grosses sources de déperditions d’un bâtiment. Des solutions accessibles peuvent réduire considérablement les pertes de chaleur. Cette étude développe certaines de ces solutions testées sur une propriété traditionnelle, nommée Wee Causeway et située à Culross (figure 4). Les parois ont été rénovées en 2012 avec trois isolants différents : Des billes de polystyrène expansé soufflées dans la cavité d’air réduisant la valeur de U de 1.4 à 0.5 W/m².K Des panneaux de silicate de calcium de 15 mm d’épaisseur réduisant la valeur de U de 1.5 à 0.7 W/m².K Une couche d’aérogel de 10 mm d’épaisseur appliqué sur la surface (figure 5), réduisant la valeur de U de 1.4 à 0.9 W/m².K Le plafond a été isolé avec 275 mm de laine de chanvre. En 2013, un film thermique de faible émissivité a été appliqué sur les fenêtres de la façade Est, et des volets intérieurs ont été mis en place sur la façade Ouest. La valeur de U du simple vitrage a été enregistrée à 5.2 W/m².K. Le film thermique diminue cette valeur à 4.3 W/m².K et les volets la diminuent à 1.1 W/m².K. Notons que les volets ne sont pas systématiquement fermés et que donc la valeur de U varie entre 5.2 et 1.1 W/m².K. Figure 4 : Wee Causeway, façade avant avec trois volets fermés Figure 5 : Mise en place de l’aérogel dans la chambre au premier étage Etude comparative des résultats Pour comparer les différentes améliorations apportées à Wee Causeway, plusieurs modèles ont été construits à l’aide du logiciel Standard Assessment Procedure (SAP). Ce programme se base sur une méthode de calcul fournie par le gouvernement qui permet de comparer les performances énergétiques et environnementales de plusieurs bâtiments. SAP réalise une analyse complète du bâtiment, et calcule entre autres la consommation énergétique en fonction de la surface du bâtiment. Neuf modèles ont été créés sous SAP afin d’évaluer l’impact des solutions testées. - Scénario 1 : Scénario de référence, Wee Causeway avant tout travaux de rénovation. - Scénario 2 : Après rénovation, Wee Causeway actuellement. - Scénarios 3 à 6 : Basés sur le scénario de référence, ils détaillent les améliorations apportées par les trois types d’isolation dans les parois et celle installée dans le plafond - Scénarios 7 et 8 : Egalement basés sur le scénario de référence, ils montrent l’impact des volets et du film sur les fenêtres. - Scénario 9 : Meilleure solution de rénovation, ce scénario a été construit aux vues du meilleur modèle de parois et d’ouvrants. Jonnard Marie Tutrice : Vasile C. Etude de solutions de rénovation de bâtiments traditionnels en Ecosse Septembre 2014 2 La meilleure solution de rénovation s’appuie sur la comparaison des consommations d’énergie annuelles pour le chauffage, du classement énergétique et du classement des émissions de gaz. Les coûts et la complexité de l’installation de chaque matériau n’ont pas été pris en considération. Les matériaux choisis pour le scénario 9 sont les suivants : Les billes de polystyrène expansé, car cet isolant présente la meilleure réduction de la valeur de U dans les parois (1.4 à 0.5 W/m².K) La laine de chanvre a été installée dans le plafond. Seul isolant testé, elle permet une diminution des consommations d’énergies pour le chauffage de 261 kWh/m².an à 235 kWh/m².an. La valeur de U a été réduite de 1.4 W/m2K à 0.2 W/m2K. Le film thermique a été appliqué à toutes les fenêtres car il diminue la valeur de U de 5.2 à 3.4 W/m2K. Les volets réduisent la valeur de U de 5.2 à 1.1 W/m2K mais uniquement lorsqu’ils sont fermés. Lorsque le pourcentage d’ouverture des volets est appliqué, la valeur de consommation énergétique de chauffage est de 257 kWh/m².an pour les volets contre 255 kWh/m².an pour le film. De plus, la mise en place du film est plus économique que celle de volets intérieurs. Cette étude a donc permis de définir une nouvelle solution de rénovation à partir des améliorations apportées à Wee Causeway. Les contraintes étaient assez importantes pour ce projet : - Réduire les consommations de chauffage à moindre coût - Réaliser les travaux sans déloger l’habitant (logements sociaux) - S’adapter à la structure du bâtiment, ne pas démolir de parois Face à ces contraintes, il était très difficile d’atteindre les exigences requises en France. Cependant les améliorations apportées sont non négligeables et répondent parfaitement aux contraintes (gain de 32% sur la consommation énergétique de chauffage entre les modèles 1 et 9). 3. Impact de la rénovation : Transferts d’humidité et condensation dans la masse Depuis 2010, l’organisation gouvernementale Historic Scotland a rénové différentes propriétés construites entre la fin du 17ème siècle et le début du 19ème siècle. L’ajout des isolants dans les parois perturbe les flux de chaleur et les déplacements d’humidité dans les matériaux de construction, pouvant créer un phénomène de condensation dans la masse. Pour déterminer le risque de condensation dans les parois, la méthode de Glaser a été utilisée. Celle-ci provient de la norme EN ISO 13788. Elle permet de calculer les valeurs théoriques de pression de vapeur et pression de vapeur saturante dans la masse. Un diagramme de Glaser peut ensuite être tracé afin d’obtenir une représentation graphique du risque de condensation (figure 6). Sur ce même diagramme, il est possible d’ajouter les valeurs réelles de température et d’humidité relative relevées dans la cavité d’air ; et donc de les comparer aux prédictions de Glaser. Trois parois isolées différemment ont été testées pour cette étude : la première rénovée avec de l’aérogel appliqué sur la couche de lattes de bois et plâtre, la deuxième rénovée avec de la ouate de cellulose soufflée dans la cavité d’air, et enfin une troisième paroi rénovée avec de la perlite versée dans la cavité d’air. Jonnard Marie Tutrice : Vasile C. Etude de solutions de rénovation de bâtiments traditionnels en Ecosse Septembre 2014 3 Figure 6 : Mise en évidence d’une zone de condensation théorique après rénovation avec de l’aérogel Les résultats de l’étude montrent que les valeurs théoriques annoncent systématiquement un risque de condensation dans la masse après rénovation. En revanche les valeurs réelles présentent un résultat différent. L’analyse de ces valeurs pour l’aérogel ne fait apparaître aucun risque de condensation dans la cavité. Pour la ouate de cellulose et la perlite, les valeurs réelles montrent qu’aucun épisode de condensation n’est survenu dans la paroi, cependant certaines valeurs sont très proches des valeurs limites de condensation. Le fait de remplir la cavité d’air avec l’isolant, empêche les circulations d’air à travers le mur. Dans la solution avec l’aérogel cela est possible car la cavité est laissée vide, le risque de condensation est donc réduit. La différence entre les valeurs théoriques et réelles peut être expliquée par un phénomène qui n’est pas pris en compte dans la méthode de Glaser : l’évaporation des condensats dans la masse. Ce phénomène naturel peut être mis en évidence à partir du calcul du bilan annuel de condensation. 4. Bilan annuel de condensation dans une paroi On dit souvent que les parois traditionnelles en pierre « respirent», puisque les transferts de chaleur et d’humidité se font naturellement entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Ces parois auraient donc la capacité d’évacuer le surplus d’humidité afin de se préserver d’une éventuelle détérioration. Cette propriété peut être mise en évidence en dressant un bilan annuel de condensation. Celui-ci indique la quantité d’humidité accumulée dans le mur, résultante par la condensation dans la masse. Afin de déterminer ce bilan annuel de condensation pour différent types de parois, un calculateur a été développé à partir de la partie 6 de la norme BS EN ISO 13788 : 2012. Il permet l’analyse d’une paroi composée de quatre couches. Jonnard Marie Tutrice : Vasile C. Etude de solutions de rénovation de bâtiments traditionnels en Ecosse Septembre 2014 4 Le calcul s’effectue mois par mois, chaque résultat mensuel s’ajoutant pour donner une quantité d’humidité annuelle en grammes d’eau par m² (représentation graphique en figure 7). En rouge, le phénomène de condensation est visible de Novembre à Février. Puis de Mars à Octobre, le mur évacue le surplus d’humidité, c’est l’évaporation. Figure 7 : Bilan de condensation annuel pour un mur traditionnel écossais non rénové La norme NF EN ISO 13788 indique que cette méthode « est une évaluation plutôt qu’un outil de prédiction précis ». Elle s’avère donc très utile pour étudier l’influence d’un nouveau matériau dans la structure, par exemple en rénovation lors de l’application d’un isolant. C’est un excellent outil de comparaison. L’analyse du bilan annuel de condensation devrait être systématiquement réalisée lors de travaux de rénovation, pour s’assurer que l’isolant choisi s’adapte bien à la paroi. Face aux exigences de la Réglementation Thermique 2020, il est essentiel de s’intéresser de près à la rénovation des bâtiments traditionnels. L’Ecosse a compris cet enjeu et rénove de nombreuses propriétés depuis une dizaine d’années. Le gouvernement a également mis en place un suivi des travaux et une analyse post-intervention afin d’évaluer l’impact des choix de rénovation. L’approche écossaise est très différente de celle que nous avons en France. Dans l’Hexagone, on cherche une excellente performance à travers les travaux de rénovation. Le coût des travaux est donc élevé, et le nombre de rénovations très faible. On peut alors se demander si, à l’échelle d’un pays, il n’est pas préférable de diminuer de 25 à 30% la consommation énergétique d’un nombre élevé de logements ; plutôt que de la diviser par 4 pour un nombre réduit d’entre eux. L’impact de la rénovation des bâtiments traditionnels est conséquent et cette étude prouve que des solutions efficaces ont été mises en place en Ecosse et pourraient l’être aussi dans d’autres pays comme en France. Jonnard Marie Tutrice : Vasile C. Etude de solutions de rénovation de bâtiments traditionnels en Ecosse Septembre 2014 5