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différents lieux de l’action, tout en rappelant sans cesse à l’audience le caractère fictionnel de la
pièce et répondant ainsi au thème shakespearien du monde perçu comme un théâtre.
La mise en lumière a également son importance dans cet aspect de la mise en scène, nous allons
donc à présent étudier sa place dans la pièce. Les projecteurs visibles depuis la salle permettent
au public de découvrir un plan de feux simple mais plutôt chargé : sur le gril, une rangée de
cycliodes et trois rangées de pars ; sur les latéraux, des svobodas sur pieds ; à la face au sol, des
tubes fluorescents et des mickeys ; à la face, dans la salle, des découpes. Quasiment tous les
projecteurs sont équipés de filtres CTB dont le rendu est une lumière très froide (les seules
sources chaudes semblent être les lampes encadrant le miroir). La totalité du plateau est
constamment éclairée de façon homogène à intensité plutôt faible mais avec des sources
nombreuses, qui produisent ainsi une assez grande luminosité. Cette mise en lumière ne semble
pas conçue pour recréer des images réelles d’instants de la journée ou de lieux, elle est plutôt
symboliste et reste relativement constante tout au long de la pièce.
Des changements sont tout de même remarquables lors de certains moments clés. Dès le début
de l’action, après le prologue, tout semble se mettre en place : les décors sont acheminés sur
scène et un rideau de tubes fluorescents s’illumine au lointain. Il fait partie intégrante du décor et
reste éclairé durant la quasi-totalité de la pièce. Lors du bal des Capulet, durant lequel Roméo et
Juliette se rencontrent pour la première fois, une guirlande est installée sur scène et un rideau
constitué de trois pans de gélatine rouge surgit des cintres : cela contribue à l’atmosphère festive
de la scène, mais pas seulement. Ce rideau de gélatine s’interpose, dans un premier temps,
entre les deux enfants des familles rivales : Juliette se trouve derrière, sur un praticable, et Roméo
devant. Alors que tous les invités font la fête, le temps semble s’être arrêté pour les deux
amoureux, qui se rejoignent finalement devant ce fameux rideau, comme s’ils se retrouvaient
isolés du reste du monde : celui-ci semble à la fois représenter l’opposition des deux familles,
ainsi que la passion qui unit Roméo et Juliette. Lors de leur première nuit passée ensemble après
leur mariage, les deux amants sont une fois de plus éclairés d’une manière différente : la lumière
est plus chaude, et un éclairage en clair-obscur laisse deviner les corps nus des deux comédiens,
accentuant le caractère érotique de la scène. Et finalement, à la fin de la pièce, lorsque Roméo et
Juliette se donnent la mort, le rideau de gélatine rouge réapparaît, symbolisant une fois de plus la
relation passionnée des jeunes époux, ainsi que la violence qu’elle engendre. Autre élément
remarquable dans la mise en lumière du spectacle : au début de la pièce (durant tout le prologue)
puis au retour des spectateurs après l’entracte, la salle reste allumée. Cela n’est pas sans
évoquer le théâtre élisabéthain, dont les pièces se jouaient en journée à ciel ouvert. Une fois de
plus, tout est visible pour le public : la salle, les autres spectateurs, le plateau, les décors, les
comédiens… Par ce type de procédé, Olivier Py rend une nouvelle fois hommage au théâtre
shakespearien tout rappelant une fois de plus au public sa position de spectateur.
Pour conclure, cette mise en scène de Roméo et Juliette associe de manière judicieuse tradition et
modernité. La nouvelle traduction du texte par Olivier Py est certes plus moderne, plus actuelle,
mais dans le but, semble-t-il, de coller plus que jamais au texte d’origine (la forme versifiée est
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