NOTRE DÉMARCHE
La Passion est une formidable force de subversion.
La lutte épique et universelle entre Passion et normes sociales nous questionne sur ce qui produit ces normes dans notre société. Les
médias de masse sont aujourd’hui un vecteur essentiel de ces normes : ils incarnent les valeurs de la société, en transmettent le cadre,
influencent et valident nos goûts, nos comportements, et même nos opinions…
À la relecture de Roméo et Juliette au travers du prisme des médias, nous avons découvert tous les éléments d’un thriller médiatique :
des passions brûlantes, du suspens, des rebondissements et un dénouement réconciliateur... mais, force était de constater que les
nouveaux médias ont bouleversé notre définition de l’intime. Les outils qui facilitent l’exposition publique de la vie privée ne laissent
presqu’aucun lieu, aucun événement à l’abri du regard des autres : comment préserver le secret des amants de Vérone ?
Cette « peopolisation » de la société donne lieu à un voyeurisme qui fait voler en éclat l’idée même de la sphère privée. En échange de
quoi, la vie intime des célébrités et le quotidien de parfaits inconnus, nous sont jetés en pâture : cela bouleverse les rapports humains et
le concept de secret risque de disparaître.
De plus, l’information n’a jamais circulé aussi vite et nos façons d’appréhender le monde, de percevoir les histoires et de les raconter en
sont profondément changées. Nous assistons à la « BFMisation » des médias, à l’avènement de l’immédiateté, de l’information en
continu, de la recherche permanente de l’exclusivité, de l’info-spectacle et de sa nécessité de dramatisation et de surenchère pour
capter et maintenir l’audience, avec tous les risques de dérapage que cela comporte.
Ce parcours nous a conduit à adapter les procédés de narration en gardant la langue de Shakespeare, et à offrir une place de choix aux
médias. Autour du nœud dramatique du secret de la relation de Roméo et Juliette, les médias de Vérone, plongés dans la course au
scoop, développeront un point de vue inattendu : ils construiront une version de l’histoire erronée, mais tout aussi crédible que la
« véritable histoire » à laquelle nous aurons assisté.
Notre questionnement sur l’omnipotence de l’image et l’omniprésence de l’émotionnel, nous emmènera au paroxysme du dérapage
médiatique : Roméo, figure de la Passion amoureuse deviendra l’Ennemi public n°1.
Nous nous interrogerons ainsi sur la place des médias dans nos sociétés, sur les rapports que nous entretenons avec eux, et
sur cette vie par procuration qui nous attend si nous leur abandonnons notre jugement.