HISTOIRE DES ANCIENS PAYS-BAS ET DE LA BELGIQUE
Introduction
a. Terminologie
Belge/Belgique
L’histoire de la Belgique commence strictement en 1830 mais avant l’émergence de cet état-nation
existait déjà un territoire constitué.
Les Belges de Jules César occupent un territoire qui s’étend de la Mer du Nord à la Marne et jusqu’au
Rhin. À la conquête romaine, on crée une région: la Provincia Gallia Belgica. Avec le démantèlement
de l’Empire puis la chute des Mérovingiens se créent de nouvelles régions comme la Lotharingie qui
est parfois évoquée dans les écrits savants par le terme Belgique.
C’est à la Renaissance que ce terme revient, notamment chez Charles le Téméraire (Duc de
Bourgogne à la fin du XVIème) qui est parfois qualifié de Rex Belgorum: c’est une notion qui traverse le
temps en s’adaptant aux réalités actuelles.
Au XVIème apparaît la langue vulgaire (le français) qui est de plus en plus utilisée. C’est en français
qu’apparaît le terme « Belgique », utilisé comme adjectif. Les Anciens Pays-Bas sont parfois nommés
les Provinces Belgiques, ce qui sera courant comme appellation jusqu’au XVIIIème.
En 1789, la Révolution brabançonne se relève face aux réformes de Joseph II et provoque l’expulsion
des forces militaires d’Autriche. Elle permet à ce territoire de devenir indépendant durant un an sous
le nom d’États Belgiques Unis (référence aux États-Unis d’Amérique, fraîchement indépendants). Les
Autrichiens reprennent vite le dessus et récupèrent ces territoires.
De 1794 à 1815 les Pays-Bas passent aux mains de la France. Ils sont découpés en de nouveaux
départements dont les noms s’écartent volontairement des traditions (départements de la Dyle, de
la Meuse, de l’Escaut, des Forêts,…) mais sont toujours nommés dans leur ensemble par « Ci-devant
Belgique ».
A la chute de Napoléon, cette région conserve ce nom au sein du nouveau royaume des Pays-Bas.
Flandre
La Flandre est à la fois une région mais aussi deux provinces. Il s’agit d’un ancien comté médiéval qui
faisait partie des Anciens Pays-Bas. C’est une région prospère possédant de grandes villes bien
connues. Les voyageurs qui la traversent disent qu’ils ont été en Flandre et non dans l’État Belgique.
On constate d’ailleurs facilement une sorte d’indépendance dans l’appellation de peinture ou de
tapisserie flamandes qui pourtant ne sont pas uniquement originaires de cette région (Tournai est un
grand centre de peinture de ce style).
Entre 1740 et 1780 Marguerite d’Autriche gouverne les Pays-Bas depuis Vienne, elle n’y est jamais
venue. Durant la guerre de 7 ans des soldats hollandais sont envoyés pour soutenir ses troupes: elle
les nomme les soldats flamands, ce qui désigne en réalité tous les habitants des Pays-Bas autrichiens.
Wallonie
La Wallonie est la région méridionale de la Belgique. Il s’agit d’un terme récent: 1962. Le terme
« wallon » est lui plus ancien, il désigne les habitants de langue romane dans les anciens Pays-Bas. Le
terme « wallon » est donc plus marqué d’un facteur linguistique que « flamand ». Ce territoire a été
le plus touché par la romanisation alors que le nord du pays avait plus de contacts avec les Germains.
C’est dans ce territoire qu’on constate une plus forte implantation d’abbayes car elles utilisent le
latin et s’implantent donc logiquement plus dans le sud du pays, d’influence romane.
Dès le VIIIème on constate le début d’une sorte de césure linguistique (la frontière est dessinée en
fonction de la prédominance de la langue qui date des incursions germaniques dans l’empire
romain). Sous l’Ancien Régime les césures linguistiques sont plus que courantes: les Habsbourg
Marie-Thérèse et Joseph II gèrent un territoire dans lequel on parle 14 langues différentes (sans
compter les patois). C’est sur l’unité religieuse et non linguistique que se basent les États de cette
époque.
Pays-Bas
Ce terme a toujours été utilisé au pluriel. Les Pays-Bas sous Charles Quint s’étendent quasi sur tout le
territoire du Benelux. Il s’agit d’un ensemble de principautés placées sous la tutelle d’un seul prince,
Charles Quint qui porte tous les titres (à la fois Duc de Brabant, Comte de Flandre etc. mais ne
possède pas de titre global pour tout le territoire). Aucun souverain n’a réussi à fondre tous ces
territoires médiévaux en une seule entité pouvant être par exemple gérée par un roi, c’est un
système totalement différent de celui de la France. Chaque territoire qui est conquis/acheté/reçu est
accumulé aux autres et non rallié à une entité.
C’est à la fin du XVème que sous les Habsbourg on parle de Pays-Bas: c’est par rapport à l’Autriche que
ces pays sont désignés comme « bas » et sont parfois nommés par « ces provinces »: toujours au
pluriel.
Depuis la fondation des Pays-Bas bourguignons au XVIIIème, une partie (variable) de ce territoire a
toujours été sous la tutelle d’un même souverain.
La majorité des noms de provinces sont historiques mais ne se retrouvent pas du tout aux mêmes
endroits: les noms sont restés mais la réalité géographique a changé.
La principauté de Liège restera indépendante jusqu’à la fin de l’Ancien Régime (1794) alors qu’elle
est totalement enclavée dans les Pays-Bas. Dès leur annexion, les Liégeois soutiennent et partagent
le sort des Belges: l’amalgame est très vite fait. La césure linguistique est déjà clairement marquée si
ce n’est à Liège qui est une principauté ecclésiastique et est donc unie grâce à la religion.
L’expansion maximale est atteinte en 1543 sous Charles Quint, il y a alors 17 provinces (Benelux
actuel+ le nord de la France la principauté épiscopale de liège).
Sous Charles Quint et Philippe II, ces régions ont été rapidement converties au calvinisme qui s’y
développe partout: c’est une réponse de la population aux problèmes économiques des artisans des
villes, or c’était une région très urbanisée. Pour Philippe II la priorité est de se maintenir dans les
Pays-Bas et donc de tenter une répression. La montée du protestantisme se mue en révolte puis en
révolte ouverte. Dès 1566, Philippe II ne trouve d’autre réponse que les armes. Un front se crée
progressivement avec au Sud les troupes espagnoles menées par le roi. Les troupes espagnoles
tentent de récupérer ces territoires par le Sud pour s’arrêter globalement à hauteur d’Anvers alors
que les « rebelles » résistent au Nord, dans les régions où Philippe II a une trop faible assise. C’est
cette reconquête qui provoque une césure entre le Nord et le Sud. Le Nord s’autoproclame
indépendant: scission des Pays-Bas dont la frontière est alors très découpée et très étrange (le
Brabant est scindé lui aussi) car il s’agit en réalité de la ligne de front. Le Sud est forcé de redevenir
catholique: l’unité du territoire est exclusivement religieuse.
C’est donc en 1579 que les Provinces-Unies se créent et se lancent dans le grand commerce
international (il y était déjà développé auparavant mais autour du port d’Anvers qui a été repris par
l’Espagne alors qu’elle ne contrôle pas d’accès à la mer) autour du port d’Amsterdam. C’est la partie
sud de ce territoire qui conserve le nom de Pays-Bas espagnols. Quelques enclaves restent
indépendantes: la principauté de Liège, Stavelot-Malmédy et le duché de Bouillon. C’est cette
scission qui marque globalement la frontière nord de la Belgique. Il faudra attendre 1648 pour que
l’Espagne accepte l’indépendance des Provinces-Unies.
Louis XIV a acquis par les armes de nombreux territoires belges (Lille, Valencienne): tout le Nord de la
France est devenu français durant la seconde moitié du XVIIème alors que les Pays-Bas étaient
espagnols.
Au XVIIIème, les Pays-Bas passent à l’Autriche après la crise de succession d’Espagne qui provoque la
scission des Habsbourg.
Du XVIème au XVIIIème, le souverain qui gouvernait les Pays-Bas était installé à distance de ces
territoires (en Espagne pour Philippe II, à Vienne pour les Habsbourg), seul Joseph II fera le voyage.
En 1794, l’ancienne région des Pays-Bas autrichiens passe aux Français et est découpée en 9
départements dont les noms s’éloignent volontairement des traditions anciennes. C’est la première
fois qu’il n’y a plus de trace de la principauté de Liège: les frontières de cette époque s’éloignent des
actuelles.
En 1815, après la chute de Napoléon, les frontières sont redessinées et on forme le royaume des
Pays-Bas qui correspond globalement aux Pays-Bas de Charles Quint mais aussi au Benelux. La
Flandre est divisée en deux, les noms sont revenus en souvenir mais ont bougé au niveau
géographique. Les territoires belges prennent déjà les noms des provinces actuelles avec le
Luxembourg actuel (Grand Duché + province du Luxembourg).
En 1830 c’est la partie méridionale qui prend le nom de Belgique. En 10 ans tout est renversé, c’est
aujourd’hui la partie nord qui porte le nom de Pays-Bas.
On a donc gardé des noms anciens pour désigner des entités mouvantes.
b. La « Nation belge »
Existe-t-il une nation belge dès 1830? Pourquoi nos territoires ont-ils ressenti le besoin de se
détacher des Pays-Bas? Y avait-il une nation belge avant l’indépendance de la Belgique?
Certaines thèses affirment qu’il existe des nations belges et pas une unique.
La thèse d’Henri Pirenne (1862-1935): extrait de « La nation belge », discours prononcés par Henri
Pirenne le 1 octobre 1899. Henri Pirenne a écrit une gigantesque histoire de Belgique où il développe
beaucoup la thèse de l’existence d’une nation belge. Il marque un tournant dans l’historiographie
belge. Il ne veut plus d’une histoire-bataille, c’est l’un des premiers à se tourner vers l’histoire sociale
et économique, ce qui fait de son ouvrage un livre très moderne car il atteint une compréhension
globale de la Belgique.
Pour lui, avant me la formation d’un État, il existait une volonté de vivre ensemble sur les rives de
l’Escaut. C’était un espace très urbanisé et donc socialement et économiquement uni.
Cela n’a été possible que par une faiblesse passagère de la France (affaiblie par la guerre de Cent
Ans) et du Saint-Empire germanique (dirigé par la maison de Luxembourg). Pour lui nos régions
étaient unies en une seule région de culture intellectuelle comme de solidarité économique en dépit
du morcellement et du bilinguisme. Si l’on applique cette thèse, pourquoi la principauté de Liège est-
elle restée indépendante alors qu’elle présentait les mêmes caractéristiques sociales et
économiques? Comment les Liégeois n’ont-ils mis qu’une petite dizaine d’années à se sentir belges
après la fusion de la Belgique et de Liège? (C’est entre autres sur ce point-là que Stengers diverge de
Pirenne).
Pour comprendre la formation de la Belgique, il faut remonter au XVème pour des raisons structurelles
et étudier la société et les institutions des Anciens Pays-Bas du XVème jusqu’à l’Ancien Régime. C’est la
formation des États bourguignons qui est le ciment des provinces qui formeront la Belgique.
Trois ouvrages fondamentaux traitent de la question sous des angles différents:
WILS Lode, Histoire des Nations belges, Belgique, Flandre, Wallonie: Quinze siècles de passé commun,
éditions Quorum, 1996
STENGERS Jean, Les racines de la Belgique jusqu’à la révolution de 1830, histoire du sentiment
national en Belgique des origines à 1918, Bruxelles, éditions Racine, 2000.
DUBOIS Sébastien, L’invention de la Belgique, Genèse d’un état-nation 1648-1830, Bruxelles, éditions
Racine, 2005.
Les deux derniers livres soutiennent qu’il existait une nation belge avant l’indépendance. C’est en
vivant dans un cadre défini (l’État) qu’une uniformité se crée et offre un sentiment d’appartenance à
un groupe.
L’État est une structure plus légère qu’aujourd’hui
L’Encyclopédie décrit une nation comme la population d’un État. « Une quantité considérable de
peuple qui habite une certaine étendue de pays, renfermé dans certaines limites et qui obéit au
même gouvernement ».
On retrouve alors toute une série de facteurs facilitant l’unité au sein du territoire :
Le prince auquel on doit fidélité (la plupart des États sont des monarchies mais pas tous,
comme les Pays-Bas. C’est d’avoir le même prince qui est le ciment d’un État.)
Les organes représentatifs (assemblées servant d’interlocuteurs au prince où sont en
principe représentées toutes les catégories de la population, ce qui n’est pas le cas en
pratique).
L’impôt (cela nécessite la mise en place d’une administration pour encadrer ces ensembles
pour le prélèvement de l’impôt).
La guerre (agression de l’extérieur ou participation à une campagne. Toute la défense du
territoire est gérée par l’État et la population est donc rappelée à cette unité).
La justice n’est pas un facteur d’unité car le système juridique est très complexe et diffère selon les
régions et surtout selon les classes sociales. L’idée que « la loi vaut pour tout le monde » n’est pas
encore d’actualité. Au fil des siècles on constate des tentatives d’uniformisation de la justice. De plus
ce n’est qu’au XVIème que les lois vont systématiquement être mises par écrit. Joseph II a voulu
réaliser une réforme globale visant à cette uniformité mais les magistrats hollandais seront fort
virulents à cet égard et la révolution brabançonne la coupera définitivement.
Les marques de la souveraineté:
Les droits de la guerre
Les impôts
Le respect et la publication des lois (De la fin du Moyen Age à l’Ancien Régime, le souverain
met en place des lois pour l’ensemble du pays).
La justice
Le son des cloches (Dans la société de l’Ancien Régime, la communication était bien sûr plus
difficile que de nos jours: le moyen de transport le plus rapide était le cheval. L’espace de
déplacement de la population était très réduit mais on trouve un moyen de diffusion de
l’information: le son des cloches qui répand de village en village les bonnes comme les
mauvaises nouvelles.)
Les Te Deum et prières pour le prince (maladie, funérailles. C’est par le son des cloches que
se répand l’appel à la prière. Elles sonnent par exemple lorsque le gouverneur des Pays-Bas
tombe malade et que l’on invoque la prière publique. Cela offre la conscience qu’on est
gouverné par un prince qui est souvent éloigné de tout un chacun: prier pour lui est une
façon de rapprocher le souverain de ses citoyens.)
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