Introduction La microéconomie ou l`analyse des choix

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Introduction
La microéconomie
ou l’analyse des choix rationnels
Ce cours a pour objet l’analyse des décisions des consommateurs, des entreprises,
de l’État et, plus généralement, des propriétaires d’actifs (immobiliers, financiers,
naturels, …). Comprendre les choix individuels et leurs conséquences sera au centre de
nos préoccupations. Le principe élémentaire qui sera décliné tout au long de ce livre
est que l’action humaine est toujours motivée par recherche du profit. Parfois, ce profit
sera matériel et aura une valeur matérielle. Parfois, ce profit, tout comme les coûts à
supporter, sera non pécuniaire (c’est-à-dire psychologique). Toutes nos décisions
supposent une comparaison des gains et des coûts, psychologiques ou non, à attendre.
C’est là un principe de rationalité qui permettra de comprendre tant les comportements individuels que le fonctionnement et les résultats de marché.
Section 1
Comportements des individus
et fonctionnement des marchés
La théorie microéconomique ou théorie des prix a pour objet l’étude du comportement
économique des centres de décision composant une économie de marché tels que les
consommateurs, les producteurs et les propriétaires des ressources. Cette définition de
la théorie appelle plusieurs remarques :
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MÉMENTO – MICROÉCONOMIE
– la notion de théorie : le but d’une théorie est d’expliquer et de prévoir. Une théorie
est une hypothèse qui a été vérifiée avec succès. Une hypothèse est une proposition
du type « si... alors » (si les quantités offertes diminuent alors le prix augmentera) (non
encore soumise à la vérification). Une hypothèse se vérifie non en raison du caractère
réaliste de ses prémisses mais par sa capacité à expliquer et à prévoir avec précision.
Enfin, lorsque la théorie s’avère toujours vraie dans des circonstances identiques, on
parle de loi économique (loi de l’offre et de la demande, loi d’airain des salaires, loi de
la baisse tendancielle du taux de profit, etc.) ;
– la notion de comportement économique : le caractère économique d’un comportement est étroitement associé à la notion de rareté (l’économie est la lutte organisée
contre la rareté). Comme les ressources nécessaires à la fabrication des biens demandés sont en quantité limitée, elles ont un prix. De cette façon on définit un bien économique (c’est-à-dire un bien ayant un prix). Les biens économiques se différencient donc
des biens non économiques en raison de leur rareté. Les biens économiques satisfont
des besoins économiques.
Par besoin économique on entend toute sensation d’insatisfaction qui ne peut être réduite
qu’au prix d’un travail, d’un effort. De là tout besoin qui peut être satisfait sans le moindre
effort (comme le besoin de respirer) ne peut être qualifié de besoin économique.
Par bien économique on entend tout bien capable de réduire l’intensité d’un besoin,
qui n’existe pas ou très rarement dans la nature et qui, en conséquence, exige, pour
qu’il soit obtenu, un effort de la part de l’homme.
On le voit donc, la rareté constitue l’élément clé de tout problème économique. Si les
biens n’étaient pas rares tous nos besoins pourraient être satisfaits. Sous cette hypothèse,
nous ne serions jamais confrontés à un problème de choix d’utilisations de nos ressources
entre des usages alternatifs. La rareté contraint donc à choisir (écouter un cours d’économie plutôt que de voir un film, par exemple). Le choix implique alors un coût qui se
mesure en termes de biens, services ou usages auxquels on a renoncé. Tout choix
implique alors un coût d’opportunité (c’est-à-dire le coût des opportunités abandonnées)
en raison de la rareté. La répartition du revenu entre les différents postes de consommation, par exemple, pose le même problème. En choisissant de consommer tel bien plutôt
que tel autre, le consommateur renonce à certaines utilisations de son revenu.
Section 2
Rareté, prix et système économique
C’est donc la rareté des biens face au caractère infini de nos besoins qui crée un
problème économique, un problème de choix. En raison de la rareté, toutes les sociétés sont confrontées aux mêmes problèmes : Que produire ? Comment produire ? Pour
qui produire ? Deux systèmes économiques permettent de répondre aux trois questions
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Introduction
de Samuelson : le marché et le plan. Dans une économie de marché où l’État n’intervient pas, ces problèmes sont résolus par le mécanisme des prix. Reprenons les trois
questions de Samuelson.
« Que produire ? » signifie quels biens ou services faut-il produire ? En quelle
quantité ? Comme les ressources sont rares ou limitées, aucune économie ne peut
produire autant de biens et services que ses membres pourraient en désirer. Si l’on
produit davantage d’un bien, il faudra réduire la production d’un ou plusieurs autres
biens. Ici, c’est le mécanisme des prix qui joue le rôle de guide. Seuls seront produits
les biens et services pour lesquels les consommateurs seront prêts à payer un prix suffisamment élevé pour, au moins, couvrir les coûts de production.
« Comment produire ? » pose la question de la combinaison des facteurs. Le
problème est alors de savoir quelle technique utiliser pour produire un bien, sachant
qu’il existe plusieurs combinaisons alternatives. À nouveau le choix d’une technique de
production (c’est-à-dire d’un certain arrangement capital/travail) va être guidée par les
prix des facteurs de production. En d’autres termes, c’est la relative abondance ou
rareté des facteurs qui influera sur le choix d’une combinaison de production. Si le prix
d’un facteur de production augmente par rapport à un autre, les producteurs choisiront des techniques qui permettent d’économiser sur le facteur onéreux.
« Pour qui produire ? » pose le problème de la répartition de la production entre les
consommateurs. Ce problème est encore une fois résolu par le système des prix.
Effectivement, l’économie produira les biens et services qui satisfont le mieux les
besoins des consommateurs qui ont la capacité de payer.
Dans une économie de marché, c’est donc le mécanisme des prix qui permet de
répondre aux trois questions de Samuelson. Ainsi, les prix s’ajustent jusqu’à ce que les
plans de consommation et de production soient rendus compatibles (c’est-à-dire jusqu’à
ce que les offreurs et les demandeurs de biens ou de services s’accordent sur un prix).
Section 3
Optimisation et équilibre
Nous avons dit que la microéconomie avait pour objet l’étude des choix individuels. Deux
principes directeurs servent de base à l’analyse : 1 – l’optimisation et 2 – l’équilibre.
1 • RATIONALITÉ, OPTIMISATION
ET RAISONNEMENT À LA MARGE
Le principe d’optimisation conduit à énoncer que : parmi les différentes structures
de consommation ou de production que les agents peuvent acquérir, les individus
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essaient toujours de choisir les meilleures. Cela signifie que les individus choisissent ce
qu’ils aiment plutôt que ce qu’ils n’aiment pas ; qu’ils sélectionnent les techniques de
production efficaces plutôt que celles non efficaces ou plus coûteuses.
Définition : l’optimisation se définit comme la maximisation (du chiffre d’affaires, du bien-être, de
la satisfaction) compte tenu des contraintes budgétaire, temporelle et/ou technique auxquelles
l’agent économique est confronté.
Les choix, des entreprises ou des ménages, relèvent toujours de comportements
optimisateurs et sont alors qualifiés de rationnels. Agir rationnellement, c’est utiliser
ses ressources au mieux. Agir rationnellement consiste, pour le consommateur, à
dépenser son revenu aux usages qui lui procurent le plus de satisfaction. Agir rationnellement consiste, pour le producteur, à combiner travail et capital de sorte que son
profit soit le plus grand possible.
Les choix sont-ils toujours rationnels ? N’y a-t-il pas des situations où les choix
pourraient ne pas répondre à cette logique de l’optimisation ? Cherchons-nous
toujours PLUS ? La réponse à ces questions nécessite de se rappeler que les objectifs
des agents économiques ne sont pas simplement financiers. Le consommateur, par
exemple, ne cherche pas à faire du profit mais à maximiser la satisfaction que lui
procure les biens qu’il consomme. En conséquence, s’il a choisi certains biens, s’il a
décidé de mener telles actions plutôt que telles autres, c’est que ces biens ou actions
lui procuraient le maximum de satisfaction. De fait, tout comportement est, par définition, rationnel. Le suicide est-il un comportement rationnel ? Oui, car il signifie que la
mort était préférable à la vie. Le mariage répond-il à la rationalité économique ? Oui,
car pour chaque partenaire, il s’agit de maximiser ses gains (pécuniaires et affectifs !).
Bien entendu, les agents, différant par leurs préférences et leurs revenus, ne réaliseront
pas forcément les mêmes choix. Mais, les critères de décision employés par des individus différents seront les mêmes. S’ils agissent rationnellement, les agents cherchent à
maximiser leur satisfaction, leur profit : ils agiront tant qu’un intérêt à agir existe, tant
qu’il existe un profit à réaliser. Maximiser signifie donc produire ou consommer jusqu’à
ce que la dernière unité ne rapporte pratiquement plus rien. C’est d’ailleurs ce que
tente de montrer l’analyse néoclassique en se fondant sur le raisonnement à la marge.
Le calcul à la marge (initié par Jevons, Menger et Walras) implique que l’on s’intéresse
aux variations plus qu’aux niveaux absolus que les variables atteignent. Le producteur,
par exemple, incorporera des facteurs à la production tant que la recette retirée d’une
unité supplémentaire soit au moins égale au coût du facteur supplémentaire. Si, par
exemple, pour produire 1 € de plus il faut à la firme 2 € de travail ou de capital, la firme
choisira de ne pas produire une unité supplémentaire. L’entreprise produira donc
jusqu’à ce que le bénéfice marginal (le bénéfice procuré par l’achat d’une unité supplémentaire de travail) soit nul (au delà il deviendrait négatif). On retiendra donc que le
calcul à la marge revient à s’interroger sur les effets de la consommation ou de la
production d’une unité supplémentaire d’un bien ou d’un facteur.
Concernant le consommateur, la théorie microéconomique est sous-tendue par la
théorie de la valeur utilité. L’utilité est le degré de satisfaction généré par la consommation d’un bien ou d’un service. Le consommateur choisira donc de consommer un
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Introduction
bien tant que l’utilité marginale retirée de la consommation d’une unité supplémentaire excèdera la désutilité engendrée par l’achat du bien (c’est-à-dire le prix à payer).
De même, concernant l’entreprise, le principe directeur est que la firme produit, achète
des facteurs de production, tant qu’un euro de dépense supplémentaire génère au
moins 1 € de recette supplémentaire. Supposons, par exemple, qu’une entreprise
estime qu’une dépense publicitaire (P) supplémentaire de 1 € accroisse le volume de
ses recettes (R) de 2 €, on dira alors que la recette marginale a été de 2 :
Recette marginale = 2/1 = ∆R/∆P
Cette firme continue alors à incorporer des dépenses publicitaires, mais observe que :
∆R2/∆P2 = 1,5 et ∆R3/∆P3 = 1,1
On dira alors que le revenu marginal des dépenses publicitaires est décroissant. Le
revenu diminue à mesure que des dépenses publicitaires augmentent. La décroissance
de la recette publicitaire marginale pose un problème intéressant : déterminer quand il
devient inutile d’incorporer des dépenses supplémentaires.
Supposons que ∆R4/∆P4 = 0,9999. L’entreprise aura-t-elle intérêt à dépenser un
quatrième euro en publicité ? Non, puisque la recette publicitaire serait inférieure à son
coût. Dans ce cas, le comportement maximisateur de l’entreprise doit la conduire à
investir 3 € en publicité.
Supposons, en revanche, que ∆R4/∆P4 = 1,000001 (et ∆R5/∆P5 = 0,9999). L’entreprise
aura-t-elle intérêt à dépenser un quatrième euro en publicité ? Oui, puisque la recette
publicitaire serait supérieure à son coût. Dans ce cas, le comportement maximisateur
de l’entreprise doit la conduire à investir 4 € en publicité.
En d’autres termes, un comportement maximisateur consiste à saisir tout profit, aussi
infime soit-il (même s’il n’y avait qu’un milliardième d’euro à gagner, mieux vaudrait le
récupérer que le laisser). Optimiser, c’est-à-dire maximiser sous contrainte, signifie
donc que le gain procuré par le énième euro de dépense (on dira « le gain procuré par
l’euro marginal ») soit nul, tout investissement au delà cet euro marginal ayant un
rendement négatif.
Lorsque l’agent a maximisé son bien-être ou son profit, il n’aura alors plus d’incitations
à modifier ses choix. Cette situation conduit alors à définir le second principe directeur
de la microéconomie : l’équilibre.
2 • INCITATION À AGIR, ÉQUILIBRE ET OPTIMUM
Le principe d’équilibre conduit à énoncer qu’une fois l’équilibre atteint, les agents
n’ont plus aucune incitation à modifier leur comportement. S’ils sont à l’équilibre, les
consommateurs n’ont aucune incitation à consommer (ou à demander) plus d’un bien,
et les producteurs n’ont aucune incitation à produire et offrir plus de biens et services.
La notion d’équilibre est donc, en premier lieu, une notion relative aux agents économiques. Mais, elle est aussi une notion relative à l’interaction entre ces mêmes agents,
ce qui nous conduit à voir des équilibres partiels et un équilibre général :
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– équilibre d’agent : à l’équilibre, l’agent (consommateur ou producteur) n’a plus
aucune incitation à modifier ses choix, à changer la répartition de son revenu entre
épargne et consommation, à réviser ses choix entre les différents postes de consommation (à opter pour plus de bien X que de bien Y),… Les équilibres d’agent
permettent de définir les offres et les demandes individuelles ;
– équilibre partiel (ou équilibre de marché) : évoquer l’équilibre sur un marché particulier (celui du café, par exemple), c’est s’interroger sur la compatibilité des plans de
production et de consommation sur ce marché. Sous cette hypothèse, imaginez que
les producteurs offrent plus de biens que ce que les consommateurs demandent. Dans
ce cas, les entreprises ne pourraient écouler la totalité de leur production. Seraient-elles
alors à l’équilibre ? Auraient-elles une incitation à modifier leurs choix ? La réponse est,
évidemment, positive, les entreprises décidant, par la suite de revoir leurs plans de
production à la baisse. L’action humaine doit donc être conçue comme un correctif à
un déséquilibre. Ces déséquilibres sur les marchés, entre quantités offertes et demandées, ont aussi des répercussions sur les prix. À 100 € le kilo de café, par exemple, il
peut exister une offre excédentaire (par rapport à la demande). Le prix devrait donc
baisser, incitant alors des firmes à quitter le marché ou à réduire leur production.
Lorsque le prix se stabilise, il n’existe alors plus aucune force influençant les prix. On
parle alors de prix d’équilibre. Le prix d’équilibre se définit comme le niveau de prix
pour lequel ni les consommateurs, ni les producteurs n’ont intérêt à modifier leurs
plans de consommation ou de production. L’équilibre de marché permet donc
d’établir les prix et les quantités qui seront échangées sur chaque marché pris
isolément ;
– équilibre général : à l’équilibre général, aucun agent sur aucun marché n’a intérêt
à modifier ses décisions de consommation et de production. S’il y a un équilibre
général, la somme des offres, sur tous les marchés, est égale à la somme des demandes
sur l’ensemble de ces mêmes marchés. L’équilibre général permet donc d’analyser
la cohérence des décisions individuelles prises sur l’ensemble des marchés.
Généralement, les économistes évoquent trois grandes catégories de marché : le
marché des produits ; le marché du travail et le marché de la monnaie. Pourquoi y
aurait-il égalité entre la somme des offres sur tous ces marchés et la somme des
demandes sur ces mêmes marchés ?
Pour le comprendre, imaginons la situation suivante :
a. l’offre de biens et services est excédentaire ⇒ OB-S > DB-S ;
b. dans ce cas, les entreprises ont trop produit et donc trop embauché. Elles ont donc
trop demandé de travail ⇒ DTRAVAIL > OTRAVAIL ;
c. l’excédent d’offre sur le marché des biens a donc, pour corollaire un excédent de
demande sur le marché du travail. Mais, si l’on ajoutait toutes les demandes (sur les marchés
du travail et des biens et services) et toutes les offres, on aurait un équilibre général.
Ces déséquilibres partiels peuvent-ils perdurer ? non, car l’incompatibilité des plans
d’offre et de demande va conduire à des modifications des comportements et donc des
prix sur chacun de ces marchés jusqu’à ce que toute incitation à agir disparaisse (le prix
du travail va augmenter et inciter de nouveaux agents à offrir leur force de travail ; le
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prix des biens et services diminuera, stimulant ainsi la consommation des ménages). En
d’autres termes, s’il y a équilibre général, les déséquilibres partiels seront, à
terme résorbés.
Mais, que se serait-il passé s’il y avait eu un déséquilibre général ?
Pour le comprendre, imaginons la situation suivante :
a. sur le marché des biens et services, aucun agent n’est incité à modifier ses choix et
ses plans de production ou de consommation ⇒ OB-S = DB-S ;
b. sur le marché du travail, cependant, il y a du chômage ⇒ OTRAVAIL > DTRAVAIL ;
Sous cette configuration, les entreprises ne sont pas incitées à produire plus, donc à
embaucher plus (c’est-à-dire à demander plus de travail), car elles savent qu’elles ne
pourront pas écouler leur production. En effet, le marché des biens et services étant à
l’équilibre, toute offre supplémentaire de biens et services serait, par définition
excédentaire. Il y aurait, ici, un déséquilibre général : la somme des offres excéderait la
somme des demandes ;
c. la baisse du prix du travail permettrait-elle de résorber le déséquilibre ? non, car dans
ce cas, la demande de biens et services diminuerait et l’on constaterait une offre
excédentaire sur le marché des biens et services ⇒ DB-S < OB-S et OTRAVAIL = DTRAVAIL. Le
déséquilibre général perdurerait donc (mais cette fois, il y aurait une offre excédentaire
de biens et non plus un équilibre).
Évoquer l’équilibre général, c’est poser les deux questions suivantes :
1. L’équilibre général existe-t-il ? Les économistes néoclassiques, à commencer par
Walras, pensent effectivement que les marchés fonctionnent toujours efficacement et
donnent aux individus les bonnes incitations à agir. En d’autres termes, le libre
fonctionnement des marchés conduit à l’équilibre général. Toutefois, cette vision idéale
du marché, fera l’objet de très sérieuses attaques, notamment de la part de Keynes
pour qui le fonctionnement réel des marchés implique des dysfonctionnements. Pour
s’en convaincre, il suffit par exemple de donner le cas de la France, où les prix à la
consommation sont stables alors que le chômage touche 9 % de la population active.
Il n’y a donc pas d’équilibre général. Peut-on alors compter sur le libre fonctionnement
des marchés pour y parvenir ? Non, car la stabilité des prix à la consommation n’encourage pas les entreprises à embaucher.
2. L’équilibre général conduit-il à une situation optimale ?
Définition : l’optimum (de Pareto) se définit comme la situation où le bien-être collectif ne peut
être accru et où, en conséquence, seul un transfert (de richesses, de revenus,…) permettrait d’améliorer le sort de certains (au détriment d’autres agents économiques).
À l’optimum, le sort d’aucun agent ne peut donc être amélioré (du moins en l’absence
de transferts). Présenté ainsi, quelle différence y aurait-il entre équilibre et optimum ?
Si à l’équilibre les agents ont maximisé leur bien-être (satisfaction, revenu, richesse…),
pourquoi cela ne constituerait-il pas la situation optimale ? Pourquoi l’équilibre général
différerait-il de l’optimum de Pareto ? En réalité, optimum de Pareto et équilibre
général diffèrent dès lors que les choix individuels influencent les décisions (et les coûts
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supportés par) d’autres agents. Considérons, par exemple, le comportement des
ménages français face à la redevance audiovisuelle. À l’équilibre, personne n’a intérêt
à payer puisque de toute façon les services télévisuels pourront être consommés. Dans
ce cas, « ne pas payer » constitue une stratégie d’équilibre. Toutefois, une telle stratégie n’est pas un optimum car si tout le monde se comportait de la même manière le
service « télévision » ne serait pas fourni. Il serait alors possible d’améliorer le bien-être
collectif en produisant le bien et donc en forçant les agents à payer (« faire payer » les
ménages est une stratégie conduisant à l’optimum de Pareto). Lorsque l’équilibre
diverge de l’optimum, l’intervention publique s’avère nécessaire.
Traditionnellement, on différencie analyse positive et analyse normative.
Définition : l’économie positive a trait aux explications objectives des comportements et des situations prévalant sur les marchés. L’économie normative a trait aux prescriptions et recommandations
fondées sur des jugements de valeur, sur des normes que l’on qualifie de souhaitables ou de
désirables.
Dans cette perspective, l’objectif assigné à ce livre est double :
– Premièrement, il s’agit de donner des clés de lecture permettant de comprendre la
vie des acteurs économiques et des marchés. En ce sens, ce cours cherche à décrire les
modes de décision des entreprises, des ménages et des gouvernements ainsi que le
fonctionnement des marchés. Dans cette perspective, nous tenterons de répondre à
des questions aussi diverses que : « Comment les ménages établissent-ils leurs choix de
consommation ? » ; « Les entreprises ont-elles toujours intérêt à augmenter leur
taille ? » ; « Comment les entreprises, mais également les particuliers, peuvent-ils profiter des marchés financiers ? ».
– Deuxièmement, il s’agira d’expliquer les prescriptions et recommandations que les
économistes, mais également les juristes et les politologues formulent afin d’améliorer,
ou d’amender, le fonctionnement des marchés. Les toutes premières interrogations
quant à l’efficacité et l’équité d’un système reposant sur l’individualisme et le libre
fonctionnement des marchés portent, évidemment, sur les résultats à attendre d’une
économie de marché : « L’économie de marché est-elle source d’injustices ? d’inégalités ? » ; « Les résultats d’une économie de marché peuvent-ils être jugés indépendamment de la répartition initiale des richesses et des revenus ? », et finalement, « faut-il
corriger les inégalités initiales ? ». Mais, les prescriptions et recommandations portent
également sur les moyens d’améliorer le fonctionnement d’une économie de marché :
« quelles règles imposer aux dirigeants d’entreprise ? » ; « les petits actionnaires
doivent-ils être protégés contre les comportements des hauts dirigeants de société ? » ;
« quelles règles l’État doit-il instaurer afin de promouvoir la concurrence entre les entreprises ? » ; « où fixer la ligne de partage entre les sphères publique et privée ? ». Aspects
positifs et normatifs s’imbriqueront tout au long de ce cours qui s’articule autour des
deux parties suivantes :
La première partie « Les déterminants des comportements individuels » permettra
de comprendre la façon dont les consommateurs et les entreprises agissent. L’objectif
assigné à cette partie est double. Tout d’abord, l’objectif est de décrire les choix individuels et de donner quelques grandes tendances. Nous verrons, par exemple, comment
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la productivité du travail ou du capital a évolué en France. Nous verrons également
comment la révolution des nouvelles technologies a influencé les choix des entreprises,
leurs modes de production. Le second objectif assigné à ce chapitre est plus normatif.
Nous verrons, en effet, comment l’État peut inciter les acteurs à agir conformément à
ce qui serait socialement désirable. Nous nous demanderons, par exemple, si les taxes
sur le tabac nuisent vraiment au tabagisme ou si cette fiscalité, rapportant quelque
10 milliards d’€ à l’État (dont 280 millions d’€ payés par les fumeurs de 18 ans), n’est
pas une simple « vache à lait ». Nous nous interrogerons également sur le rôle de l’État
lorsque les consommateurs sont incertains quant à la qualité des biens. Cette première
partie aura donc une teneur positive et normative.
La seconde partie, « Les conséquences de l’interaction entre agents rationnels »,
nous conduira à analyser les choix d’agents non plus isolés mais confrontés aux
décisions d’autres agents. En d’autres termes, il s’agira de juger de la façon dont l’interaction affecte l’action individuelle. À nouveau cette partie aura des applications
positives et normatives. Nous décrirons, tout d’abord, les conséquences de la croissance des firmes et des organisations. Nous verrons que la centralisation des décisions
crée toujours un risque d’opportunisme, de comportement resquilleur. À ce titre, les
scandales financiers fournissent une parfaite illustration de ce type de comportement
et pose le problème de la gouvernance d’entreprise. Comment améliorer la gouvernance d’entreprise ? Comment éviter que les dirigeants de grandes entreprises n’agissent de manière frauduleuse ? La question de la gouvernance d’entreprise nous
amènera aussi à réfléchir sur les conséquences de la concurrence et ses vertus disciplinantes. Dans cette perspective, nous décrirons les comportements concurrentiels afin
de déterminer si le libre fonctionnement des marchés conduit à des situations socialement désirables.
On retiendra que :
• Les choix des agents sont toujours rationnels.
• Est rationnel tout comportement visant à maximiser un gain (financier ou non).
• L’optimisation se traduit par un raisonnement à la marge.
• À l’équilibre, les agents n’ont plus aucune incitation à modifier leurs choix.
• À l’équilibre, offreurs et demandeurs s’accordent sur les prix et les quantités à
échanger.
• L’efficacité de l’économie de marché a pour corollaire l’existence de l’équilibre
général.
• À l’optimum, le bien-être d’aucun agent ne peut être amélioré.
• Équilibre et optimum ne coïncident pas nécessairement.
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