La crise financière a provoqué une récession particulièrement sévère dans les pays développés en 2008 et en 2009. L’analyse des composantes de la croissance du PIB montre que c’est l’investissement qui a contribué le plus à la chute de l’activité. L’élasticité des dépenses des entreprises à leur situation financière (conditions de crédit et position bilancielle) a été plus forte que lors des récessions passées. Ce mécanisme, désigné sous le terme d’accélérateur financier, a été tellement puissant que la majorité des instituts de prévisions conjoncturelles a été surprise par l’ampleur du choc économique qu’il a engendré. Etant donné la réduction sensible du stress financier depuis la fin du premier trimestre 2009, l’accélérateur financier devrait a contrario générer un rebond marqué de l’investissement au cours de l’année 2010. Ce phénomène n’est néanmoins pas bénin pour l’économie. Il revêt un caractère dégénérescent, avec une portée déflationniste, si les instances en charge des politiques monétaire et budgétaire n’interviennent pas de manière rapide et massive. Ses effets se caractérisent par ailleurs par deux asymétries. Leur intensité est plus forte en récession qu’en phase de reprise, et ils affectent davantage les petites entreprises, comme nous l’avons vérifié pour la France. Ils induisent alors une perte de potentiel de croissance et une déstabilisation du tissu productif. Une meilleure prise en compte de ces spécificités par les autorités, tant au niveau de l’évaluation des tensions financières que des politiques contracycliques adoptées, permettrait vraisemblablement d’améliorer l’efficacité de l’action publique. amundi.com Working paper Amundi # 4 - Janvier 2010 Transmission d'un choc financier à la sphère réelle : le rôle de l'accélérateur financier Cathy Dolignon, Florian Roger Transmission d'un choc financier à la sphère réelle : le rôle de l'accélérateur financier Working paper Amundi 4 - Janvier 2010 # # 4 - Janvier 2010 WorkingPaper_couvDef_Janvier2010_-ok 20/01/10 10:58 Page1 # 4 Une société de Crédit Agricole / Société Générale Transmission d'un choc financier à la sphère réelle : le rôle de l'accélérateur financier Florian Roger Stratégiste Cathy Dolignon Stratégiste junior P3 A PROPOS DES AUTEURS Florian Roger (7 ans d’expérience professionnelle) est stratégiste global à Amundi depuis 2007. Il est chargé du scénario et des prévisions économiques pour les pays du G7 (croissance, inflation, politique monétaire) en vue de recommandations d’allocations d’actifs globales. De 2004 à 2007, il travaillait pour Crédit Agricole S.A., en tant qu’économiste auprès du conseiller du Président et du Directeur Général puis au sein du Département des Etudes Economiques. Auparavant, de 2002 à 2004, il était économiste de marché junior chez Calyon. Florian Roger est titulaire d’une Maîtrise d’Econométrie et d’un DESS Banque-Finance, et il est diplômé du Magistère d’Economie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il poursuit actuellement un Doctorat es Sciences Economiques à l’Université Paris 1 PanthéonSorbonne. Cathy Dolignon est stratégiste global junior à Amundi (en stage). Elle est diplômée de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et possède un Master Recherche en Macroéconomie. Elle est également diplômée de l’ENSAE. Les auteurs remercient A. Beaudu, M.-A. Ben Abdallah, P. de Fraguier, A. Derambure, B. Drut, J.-P. Hervieu, M.-E. Laporte Dit Cussy, C. Louail, F. Padellec pour leur commentaires et suggestions. Les remarques peuvent être envoyées à [email protected] P5 SOMMAIRE Introduction p7 Le mécanisme d’Accélérateur Financier p8 Aspects conceptuels p8 Caractéristiques de l’accélérateur financier p10 Constats empiriques et développements p11 L’accélérateur financier lors de la crise financière de 2007 dans les principaux pays développés p16 Dynamiques d’investissement p16 Etudes de cas : Etats-Unis, Zone Euro p19 Perspectives de sortie de crise - Impact sur le scénario économique pour 2010 p26 Impacts microéconomiques de l’accélérateur financier sur le tissu productif français p28 Etapes de la construction de l’échantillon p28 Observation empirique de l’échantillon et faits stylisés p33 Estimations économétriques p38 Conclusions et perspectives p46 Bibliographie p50 Annexes p55 Annexe A : Faits stylisés de la littérature sur l'Accélérateur Financier p56 Annexe B : Schémas des mécanismes de l’accélérateur financier p62 Annexe C : Développement du stress financier durant la crise de 2007 p66 Annexe D : Compléments statistiques et économétriques p68 Annexe E : Quel objectif d’inflation des prix d’actifs pour les banques centrales ? p73 Annexe F : OSEO et le FSI p77 P7 INTRODUCTION En étudiant la typologie des récessions économiques, le FMI [2009] montre que celles engendrées par des crises financières sont à la fois plus longues et plus intenses que les autres. Cette observation empirique se vérifie clairement dans la crise de 20071. L’économie mondiale vient de connaître une contraction d’activité sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. La plupart des pays développés ont été confrontés à des creux conjoncturels inférieurs à -6 % sur leur PIB, en variation trimestrielle annualisée. Le FMI prévoit au total une baisse du PIB proche de -3.5 % pour les économies développées en 2009 et une reprise seulement graduelle au cours de l’année 2010. L’analyse des composantes de la croissance révèle que c’est l’investissement qui a contribué le plus à la chute de l’activité. Ce résultat corrobore les conclusions de la théorie économique, attenante aux effets d’accélérateur financier. Ces mécanismes, dont les fondements se retrouvent dans l’analyse de Fisher [1933] sur la grande dépression des années 1930, ont été caractérisés par Bernanke et Gertler [1989]. Ces auteurs montrent qu’un choc financier entraîne la formation de boucles délétères sur les décisions d’investissement des entreprises, pouvant faire basculer l’économie en déflation et même en dépression. Comprendre comment ces phénomènes se sont manifestés lors de la crise financière de 2007 est fondamental pour en analyser les développements macro-économiques. Dans cet article, nous tenterons d’apporter un éclairage sur ce sujet concernant la France. Pour cela, en recensant les papiers traitant de l’accélérateur financier dans la littérature, nous examinerons comment il se diffuse au sein de l’économie. Nous mettrons alors en parallèle les résultats obtenus et les faits observés pour les principaux pays développés dans la perspective d’une comparaison internationale. Enfin, nous mènerons une étude économétrique en panel pour le cas français afin d’analyser les aspects micro-économiques. P8 Le rôle de l'accélérateur financier LE MÉCANISME D’ACCÉLÉRATEUR FINANCIER Aspects conceptuels L’accélérateur financier peut se définir, de manière générale, comme un catalyseur, entraînant l’amplification et la propagation d’un choc financier à l’activité économique. Ce mécanisme s’autoalimente. Ainsi, la dégradation de la richesse des agents provoque un ralentissement de la demande agrégée et de la production nationale, ce qui crée une nouvelle diminution de la richesse... Si aucune mesure de politique économique n’est entreprise afin de contrecarrer les effets de l’accélérateur, il s’en suit une récession sévère et durable de l’économie. Le mécanisme d’accélérateur trouve ses racines dans les imperfections des systèmes financiers. La présence d’asymétries d’information, entre les “principaux” - les prêteurs - et les “agents” - les emprunteurs, implique des coûts d’agence liés à la nécessité de surveillance et de collecte d’informations sur la qualité des projets à financer (Stiglitz et Weiss [1981]). Ces imperfections se traduisent par le versement d’une prime de financement externe pour les investisseurs, Bernanke [1983]. Lors de l’éclatement d’une crise financière, cette prime augmente mécaniquement en raison de l’accentuation du climat d’incertitude régnant sur les marchés et du renforcement des problèmes d’asymétrie d’information. Il en résulte de multiples conséquences pour les agents économiques : • Les entreprises, qui subissent une augmentation du coût d’accès aux ressources financières, sont contraintes de restreindre leurs dépenses d’investissement, et par ce biais leur niveau de production. Cette baisse d’activité accentue la réticence des banques à fournir des prêts. Cela induit une augmentation des défauts des entreprises, accentuant à nouveau la chute de la production. Un cercle vicieux se forme entre dégradation de la valeur nette des firmes et accès aux crédits bancaires. P9 • Les ménages pâtissent directement de cette situation. La chute de la production implique des pressions négatives sur l’emploi et le revenu. Dans le même temps, le choc financier provoque une érosion de richesse et restreint leur capacité d’endettement, puisque le patrimoine sert souvent de collatéral pour l’obtention d’un prêt. Les pays dans lesquels l’octroi de crédits se base sur des critères de “loan-to-value” 2 sont logiquement les plus impactés, comme le montrent Almeida, Campello et Liu [2005]. Ce type d’effets de richesse négatif affecte durablement la consommation, Mishkin [1978] ; Boissay [2001] ; Almeida & al. [2005]. L’accélérateur financier agit ainsi par le biais du “canal du bilan”, ou “canal large du crédit” : c’est la dégradation de la position bilancielle des agents qui déclenche la propagation du choc initial, Bernanke, Gertler & Gilchrist [1996 & 1999]. Ce mécanisme contribue à expliquer qu’il y ait des liens si étroits entre la sphère réelle et la sphère financière, puisqu’il renforce considérablement les effets liés à la simple diminution du volume de prêts octroyés par les banques, appelée “canal étroit du crédit”. En analysant le cycle du crédit, Kiyotaki & Moore [1997] soulignent d’ailleurs que, dans la mesure où de nombreuses immobilisations corporelles servent à la fois de facteur de production et de collatéral au crédit, un choc sur la valeur de ces actifs se traduit par un resserrement amplifié des conditions d’accès au financement intermédié. Les fluctuations procycliques des prix des actifs génèrent des modifications de la valeur des collatéraux, réduisent les possibilités d'emprunt et donc les dépenses des agents, ce qui diminue d'autant la valeur des actifs de l'entreprise et donc les possibilités de prêts des agents à la période suivante. Cette dynamique dégénérescente est désignée par les auteurs sous la terminologie d’“effet multiplicateur intertemporel”. P10 Le rôle de l'accélérateur financier Caractéristiques de l’accélérateur financier La prime de financement externe est inversement corrélée à la situation financière des emprunteurs : plus celle-ci est solide, moins la prime est élevée. Une baisse de la richesse des emprunteurs accroît de ce fait mécaniquement la prime exigée par les banques. De plus, ces dernières réduisent la part de fonds alloués à des projets incertains, qui nécessitent une surveillance accrue (Bernanke, Gertler & Gilchrist [1996]) et préfèrent se réfugier vers des projets sécurisés, pour lesquels le risque d’agence est moindre, principalement des projets émanant des entreprises de taille importante. Celles-ci offrent à la fois une plus grande diversification des risques, une plus large assise financière et des économies d’échelle dans la collecte d’informations. Ce mouvement de “flight to quality” implique une asymétrie marquée dans les effets d’accélérateur financier selon la taille des entreprises : les PME sont largement plus impactées que les grandes entreprises, Gertler & Gilchrist [1994]. Une seconde forme d’asymétrie apparaît de manière récurrente au cours du cycle. L’effet accélérateur est plus puissant durant les phases de ralentissement qu’au cours des périodes d’expansion économique, Bernanke & Gertler [1989] et Gertler & Gilchrist [1994]. Ce fait saillant contribue à expliquer l’intensité des récessions déclenchées par une crise financière et le caractère seulement partiel des périodes de reprise. Il est vérifié dans de nombreuses études empiriques, notamment Sharpe [1994], Bernanke & al. [1996] et Berg & al. [2004]. D’une manière générale, Belin & Debrand [2002] confirment la présence de la double asymétrie de l’effet accélérateur pour les entreprises françaises. Au niveau européen, Vermeulen [2000] fait état d’une différence de sensibilité de l’investissement des firmes pour la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, mais souligne que les effets d’accélérateur sont plus importants à la baisse qu’à la hausse pour ces quatre pays. Il montre également un impact décroissant selon la taille de l’entreprise. Par ailleurs, Gertler & Gilchrist [1994] prouvent que le volume de crédits octroyés aux grandes entreprises a paradoxalement tendance à augmenter au début d’une récession. Ces dernières bénéficient P11 souvent de lignes de crédits qu’elles peuvent tirer pour lisser leur production. Cela intensifie indirectement le phénomène de “flight to quality”. Constats empiriques et développements A la suite de ces articles fondateurs, la théorie de l’accélérateur financier a fait l’objet d’un grand nombre de développements 3 analysant ses effets sur différentes variables économiques et sur diverses zones géographiques. Impacts sur différentes variables économiques L’investissement en capital physique est la variable initialement (et la plus communément) considérée pour appréhender les effets d’accélérateur lors d’un choc négatif sur la richesse des agents. Plusieurs auteurs ont étudié sa sensibilité à différents paramètres. Fazzari, Hubbard & Petersen [1988] mettent en évidence l’existence d’une relation entre le mode de financement des entreprises et l’élasticité de leurs dépenses d’investissement selon la position de leur bilan. Les entreprises ayant un accès restreint au financement intermédié font preuve d’une sensibilité accrue de leurs dépenses en investissement productif au montant de cash flow disponible. Cantor [1990] indique que les entreprises les plus endettées sont les plus sensibles à la fluctuation de leur cash flow. Carlson, King & Lewis [2008] montrent par ailleurs que l’ampleur des effets d’accélérateur dépend de la santé du système financier. Lorsque celle-ci est fragile, les chocs sont amplifiés et la diffusion aux autres secteurs est accélérée. Boissay [2001] s’intéresse, quant à lui, à l’influence de la nature des actifs qui composent le bilan des agents économiques. Des actifs tangibles, qui peuvent servir de collatéraux à l’obtention de prêts, aident à atténuer l’impact d’un choc financier ; tandis qu’un bilan composé d’actifs intangibles tend à en être un catalyseur. De manière générale, en période de stress financier, l’incidence des effets d’accélérateur sur les décisions d’investissement est tellement importante que la prime de risque high yield devient le meilleur P12 Le rôle de l'accélérateur financier indicateur financier pour prévoir l’évolution des dépenses en capital des entreprises, Mody & al [2007]. Parmi les autres variables étudiées, les stocks apparaissent particulièrement sujets aux effets d’accélérateur en cas de choc financier. Kashyap, Lamont et Stein [1992] estiment qu’en moyenne la vitesse de diminution des stocks est de 14 % à 26 % par trimestre lors de la phase récessive. L’accentuation des contraintes de financement entraîne une hausse de la volatilité des stocks, et cette dernière est d’autant plus forte que les entreprises sont petites et dépendantes du crédit bancaire (Carpenter & al. [1993] ; Kashyap & al. [1992]). Belin & Debrand [2002], en étudiant les entreprises françaises au cours des années 1990, soulignent également que les firmes les plus contraintes financièrement, ou les plus dépendantes de leur niveau de liquidités, sont les plus réactives tant en intensité qu’en vitesse dans l’ajustement de leurs stocks. Par ailleurs, l’effet de l’accélérateur financier sur les stocks est là aussi plus élevé durant les périodes de récession que lors des phases d’expansion. En période de reprise, selon Carpenter [1993], les investissements des petites entreprises dans les stocks sont en volume un tiers plus élevés que ceux des grandes entreprises durant la même période. Les coûts d’ajustement des dépenses en R&D et de l’emploi conduisent traditionnellement ces dépenses à être moins volatiles que l’investissement ou les stocks. Néanmoins, lorsque les difficultés de financement sont durables, les entreprises interviennent également sur ces variables. Himmelberg & Petersen [1994] le montrent pour la R&D, lors d’une hausse de la prime de financement externe. Cantor [1990] & Sharpe [1994] le vérifient pour l’emploi dans le cas d’une restriction des possibilités de financement. Les entreprises ayant le niveau d’endettement le plus élevé, ou ayant le moins accès au financement via les marchés obligataires, ajustent plus rapidement leur niveau de main-d’œuvre ; tandis que les grandes entreprises, généralement moins contraintes financièrement, effectuent historiquement davantage de rétention de main-d’œuvre lors des chocs financiers négatifs. Cela implique une cyclicité de l’emploi fonction inverse de la taille des entreprises (Sharpe [1994]). Au final, suite à une élévation de la prime de financement externe, la P13 fonction de production des firmes apparaît déformée. Face à une moindre disponibilité de fonds pour financer son activité usuelle, une petite entreprise est contrainte de diminuer considérablement ses dépenses d’investissement et de procéder à un déstockage massif, ayant pour unique objectif sa survie économique et non ses perspectives de croissance de long terme. Puis elle se voit contrainte dans un second temps de réduire son niveau d’emploi. Ces mécanismes, en entraînant un affaiblissement de la demande agrégée, se renforcent entre eux. Ils débouchent sur une accentuation de l’incertitude régnant sur les marchés financiers, ce qui contribue à amplifier la hausse de la prime de financement externe et de ses mécanismes sous-jacents. Le schéma suivant résume l’enchaînement de ces mécanismes 4 : Schéma n°1 Mécanismes globaux de l’accélérateur financier appliqués à la crise de 2007 P14 Le rôle de l'accélérateur financier Spécificités régionales Un certain nombre d’articles examinent comment s’est diffusé l’accélérateur financier lors de différentes crises et offrent des comparaisons sur son intensité selon les pays. Les économistes de la Banque Centrale du Japon (BoJ) relèvent l’existence d’effets d’accélérateur financier sur la décennie 1990 au Japon, qui seraient à l’origine de l’amplification de la crise initiale (l’éclatement de la bulle immobilière de 1989) et du basculement en déflation (Fuchi, Muto & Ugai [2005]). Ils estiment qu’un choc négatif de 10 % sur la richesse nette des entreprises entraîne une réduction de 40 % des dépenses en investissement, et persiste durant plus de 16 trimestres (4 à 5 ans). Mody & al. [2007] montrent qu’il existe une corrélation forte entre les cycles économiques des pays développés. La présence de mécanismes d’accélérateur financier semble empêcher pour le moment tout découplage des cycles, étant donné la répartition mondiale des centres financiers et le caractère globalisé de la finance. Ils indiquent néanmoins qu’un choc de crédit est plus persistant en Europe qu’en Amérique du Nord, ce qu’ils expliquent par des disparités dans le mode de fonctionnement du secteur financier (renégociations usuelles des prêts aux Etats-Unis, taux variables,…) et par une profondeur moindre des marchés européens. Les effets d’accélérateur se font ressentir en moyenne 15 trimestres (4 ans) au sein des pays européens, alors qu’ils disparaissent au bout de 7 trimestres (moins de deux ans) en Amérique du Nord. A contrario, la réaction de l’investissement face à un choc temporaire sur l’accès au crédit pour les entreprises est initialement plus violente aux Etats-Unis qu’en Europe (élasticité de 65 % aux Etats-Unis contre 43 % en France). Martinez-Carrascal & Ferrando [2000] analysent la sensibilité du taux d’investissement aux variations de la position financière des entreprises (disponibilité en cash flow ; endettement ; charge des paiements d’intérêts) pour six pays européens (Belgique, Allemagne, France, Italie, Espagne, PaysBas). Il apparaît une inégalité des sensibilités entre les pays, en fonction de P15 l’hétérogénéité des structures financières. L’Allemagne se distingue par la sensibilité la plus faible des dépenses en capital aux variations des conditions de financement. Cela est expliqué par une meilleure situation financière des entreprises allemandes et par des partenariats entre les banques et les PME dans le Mittelstand. La France et la Belgique, pays pour lesquels le financement par émission d’actions est relativement développé et où il existe de solides relations entre les banques et les entreprises, font également preuve d’une faible sensibilité de l’investissement aux variations de la richesse des firmes. En revanche, le Royaume-Uni s’illustre par une forte élasticité entre la variation de cash flow et le taux d’investissement des firmes, ce qui est justifié par une plus faible intermédiation du système financier et par des relations bancaires moins développées entre les banques et les entreprises (banque à l’acte principalement). L’Italie affiche de même une sensibilité élevée, qui serait liée à la position financière en moyenne plus fragile des entreprises italiennes et à une valeur moindre de leurs collatéraux. Tous ces articles montrent que l’accélérateur financier transite à travers des canaux extrêmement complexes et variés. Ses effets se font ressentir sur une multitude de variables économiques, contribuant à la sévérité des récessions économiques que connaissent les pays frappés par un choc financier. P16 Le rôle de l'accélérateur financier L’ACCÉLÉRATEUR FINANCIER LORS DE LA CRISE FINANCIÈRE DE 2007 DANS LES PRINCIPAUX PAYS DÉVELOPPÉS Au regard de tous les résultats obtenus par la littérature économique sur les effets d’accélérateur financier lors des récessions économiques antérieures, nous avons analysé comment ces effets se sont manifestés lors de la crise de 2007. Nous avons ainsi cherché à identifier des faits stylisés sur un plan macro-économique, en menant une comparaison internationale pour les principaux pays développés. Dynamiques d’investissement Empiriquement, l’investissement est un agrégat économique plus volatil que la demande finale. Lors d’une récession, malgré un poids moindre que la consommation dans le PIB, sa contribution à l’évolution de la croissance devient prépondérante. Ce constat, vérifié pour quasiment l’ensemble des cycles récessifs passés dans les pays développés, est clairement valable pour la crise de 2007. Aux Etats-Unis, en considérant tous les trimestres consécutifs de contraction du PIB (du quatrième trimestre 2007 au second trimestre 2009 5), la demande domestique a baissé de 3,99 %. La contribution de l’investissement s’est élevée à -3,45 %, tandis que celle de la consommation privée et de la demande publique n’ont été respectivement que de -1,25 % et +0,71 %. La même conclusion peut être formulée pour les autres principaux pays développés (cf graphique 1). P17 Graphique 1 Contributions à la demande domestique lors de la période de contraction d’activité récente La baisse de l’investissement a été tellement brutale, qu’elle a surpris pratiquement tous les instituts en charge des prévisions conjoncturelles. Le FMI, l’OCDE, la Banque Mondiale, les banques centrales, mais également les économistes de nombreux établissements privés, dont les estimations médianes sont relayées par les chiffres du consensus de marché, ont dû considérablement revoir leurs perspectives de croissance à la baisse, notamment lors des mois qui ont suivi la chute de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers (septembre 2008). Au moment où le stress financier était le plus intense (cf annexe C), ces révisions négatives opérées pour tous les pays développés (mais également pour une grande partie du monde émergent) et l’ampleur du choc qui a in fine affecté les dépenses en capital des entreprises, laissent présager la présence d’effets d’accélérateur financier. Ces derniers semblent transparaître plus nettement dans les chiffres, lorsqu’en considérant toute la période de contraction d’activité, le niveau final obtenu pour chaque composante du PIB est comparé au niveau initial, re b a s é à 1 0 0 . U n d é c a l a g e s u b s t a n t i e l s ’ e s t f o r m é e n t re l e n i v e a u d e l’investissement et celui atteint par la demande finale pour l’ensemble des pays développés (cf tableau 1). P18 Le rôle de l'accélérateur financier Tableau 1 Niveau des agrégats économiques à la fin de la période de contraction d’activité Pour apprécier les effets d’accélérateur financier, il convient néanmoins d’analyser la dynamique des dépenses en capital des entreprises. En effet, une chute de l’investissement productif peut résulter d’une situation de surinvestissement initiale. Les cycles de croissance génèrent souvent des excès (crédits, investissement, consommation…) que les contractions économiques viennent corriger. House [2006] indique d’ailleurs que lorsqu’un nouveau paradigme économique (type apparition des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) en 2000) engendre conjointement une situation de surinvestissement et de surévaluation des actifs boursiers, les effets accélérateurs ne se révèlent pas nécessairement déstabilisants, puisqu’ils permettent de normaliser les excès du passé. Pour caractériser les situations de surinvestissement, une des approches les plus simples est d’observer l’évolution du taux d’investissement productif 6 avant les phases récessives, notamment au regard de sa moyenne de long terme 7 . Cette dernière constitue une référence, en postulant qu’il n’y ait pas de modifications structurelles du tissu productif. Du fait des données disponibles et des difficultés de mesure, nous avons mené cette étude plus précise pour les Etats-Unis ainsi que pour les deux principaux pays de la Zone Euro, l’Allemagne et la France. L’observation du taux d’investissement avant la crise suggère une accumulation relativement forte de capital lors des années 2005 et 2006. Des différences notoires apparaissent néanmoins entre les Etats-Unis et les pays européens. P19 Etudes de cas Etats-Unis Le taux d’investissement productif a fortement augmenté entre le premier trimestre 2004 et le quatrième trimestre 2007. Il est passé plus d’un écart type au-dessus de sa moyenne de long terme. (cf graphique 2a). La chute brutale d’activité a considérablement rectifié cette évolution puisque le taux d’investissement se situe désormais sous sa moyenne de long terme. Graphique 2.a Etats-Unis - Taux d’investissement productif, % P20 Le rôle de l'accélérateur financier Graphique 2.b Etats-Unis - Taux d’investissement productif - composante équipements et logiciels, % Les données publiées par le Bureau of Economic Analysis (BEA) sur la comptabilité nationale américaine permettent de distinguer les investissements de structure et les investissements en équipements et logiciels. L’analyse des deux séries montre que c’est le taux d’investissement de structure qui augmentait considérablement avant la crise, tandis que le taux d’investissement en équipements et logiciels demeurait sur des niveaux faibles (cf graphique 2b). Ce dernier a toutefois fortement diminué et se situe dorénavant sur des niveaux historiquement bas. L’ensemble de ces éléments, tant au niveau de la brutalité de l’ajustement par rapport à la demande finale, qu’au niveau du spectre des composantes concernées, montre que la chute de l’investissement productif ne peut pas s’expliquer seulement comme une correction consécutive à une situation de surinvestissement et met en exergue la présence d’effets d’accélérateur financier. Afin de caractériser l’intensité de ces effets, nous avons mis en perspective la crise de 2007 et les trois récessions américaines antérieures. P21 Tableau 2 Niveau des agrégats économiques en fin de récessions américaines Lors de la récession du début des années 1980 (datée par le NBER du troisième trimestre 1981 au quatrième trimestre 1982), le taux d’investissement productif se situait largement au-dessus de sa moyenne de long terme (cf graphique 2a). Le niveau atteint constitue d’ailleurs un record depuis le début des années 1970 (et même depuis la seconde guerre mondiale). En phase de contraction d’activité, le taux d’investissement a par conséquent considérablement décliné. La dynamique a été beaucoup plus marquée que la baisse de la demande finale. Néanmoins, le décalage dans l’évolution de ces deux agrégats économiques est deux fois inférieur à ce qui est observé pour la crise de 2007 (cf tableau 2). La crise du début des années 1990 (datée par le NBER du troisième trimestre 1990 au premier trimestre 1991) ne se caractérisait pas par un surinvestissement productif. Les déséquilibres économiques se retrouvaient principalement sur le marché de l’immobilier résidentiel. De ce fait, la baisse de l’investissement productif a été limitée, sans que ne se crée un décalage important entre l’évolution de la FBCF et celle de la demande finale. La bulle internet, qui a engendré une récession économique du premier trimestre 2001 au quatrième trimestre 2001 selon le NBER, s’est caractérisée par une situation de surinvestissement relativement importante, surtout pour la composante équipements et logiciels. La correction sur l’investissement a p e r m i s d e r é s o r b e r c e s e x c è s m a i s l e d é c a l a g e e n t re l ’ é v o l u t i o n d e l’investissement et l’évolution de la demande finale a été bien moindre que celui constaté lors de la récession de 2007. P22 Le rôle de l'accélérateur financier Le décalage observé entre l’évolution de la FBCF et celle de la demande totale lors de la crise de 2007 est donc a minima deux fois supérieur à ce qui avait été constaté lors des trois dernières récessions (cf tableau 2). Cela ne peut pas s’expliquer par une situation singulière de surinvestissement initial (cf graphique 2a). Dès lors, dans un contexte de stress financier élevé, les effets d’accélérateur financier semblent avoir été plus forts que par le passé. Zone Euro L’investissement a baissé plus fortement que la demande finale lors de la phase de contraction discontinue de l’activité du second trimestre 2008 au troisième trimestre 2009 8 . Le décalage entre l’évolution de ces deux agrégats économiques a néanmoins été inférieur à celui observé pour les Etats-Unis, ce qui corrobore les conclusions de Mody & al. [2007] (cf tableau 1). En regardant plus précisément les deux principaux pays de la Zone Euro – la France et l’Allemagne, le décalage entre l’évolution de la FBCF et l’évolution de la demande finale paraît assez similaire, bien que légèrement supérieur en Allemagne. En Allemagne, seule la récession de 2001 peut être utilisée comme référence comparative avec la crise de 2007 du fait de la réunification. Cette dernière restreint également l’analyse du taux d’investissement productif car la moyenne historique est calculée sur une période relativement courte. Il apparaît néanmoins un taux d’investissement supérieur en 2001 par rapport à 2008, où une situation de surinvestissement ne peut pas être caractérisée au regard de la moyenne de long terme du taux d’investissement productif (graphique 3). En comparant l’évolution de la FBCF et de la demande finale depuis le second trimestre 2008, un décalage plus de deux fois supérieur s’est créé. Comme aux Etats-Unis, cela suggère la présence d’effets d’accélérateur financier et une intensité nettement plus forte de ces effets que par le passé. P23 Tableau 3 Niveau des agrégats économiques en fin de récessions allemandes Graphique 3 Taux d’investissement productif Allemagne, % En France, nos données, permettant de calculer un taux d’investissement productif, offrent un historique depuis 1978 (cf graphique 4). Il est alors possible de réaliser une comparaison par rapport aux trois dernières phases de contraction d’activité. Lors de la récession du début des années 1980 (datée par le CEPR du premier trimestre 1980 au troisième trimestre 1982), le taux d’investissement productif se situait initialement largement au-dessus de sa moyenne de long terme, laissant présager une situation de surinvestissement. La correction opérée a normalisé ces excès et l’investissement a plus chuté que la demande finale, même après la fin de la phase de contraction de l’activité. Avant la récession du début des années 1990 (datée par le CEPR du premier trimestre 1992 au troisième trimestre 1993), le taux d’investissement P24 Le rôle de l'accélérateur financier productif dépassait de nouveau sa moyenne de long terme, mais de façon m o i n s m a rq u é e q u ’ a u d é b u t d e s a n n é e s 1 9 8 0 . P o u r t a n t , l a b a i s s e d e l’investissement a été encore plus importante. Cela peut s’expliquer en partie par des perspectives de demande finale amoindries (du fait notamment de l’éclatement de la bulle immobilière et de la montée d’un chômage de masse). Cependant, les tensions qui sévissaient sur le marché du crédit laissent également supposer le développement d’effets d’accélérateur financier plus importants qu’au début des années 1980. La récession du début des années 2000, consécutive à l’éclatement de la bulle des NTIC (datée par le CEPR du premier trimestre 2001 au troisième trimestre 2001) a engendré une baisse plus forte de la FBCF relativement à la baisse de la demande finale, mais le décalage est plus faible que lors des récessions précédentes. En entrée de crise, le taux d’investissement productif était proche de sa moyenne de long terme, et une situation de surinvestissement ne pouvait être caractérisée (comme pour les Etats-Unis, une différenciation des composantes est à opérer). La correction de l’investissement relativement moins forte que lors des crises passées peut donc tout à fait se justifier. Au début de la crise de 2007, le taux d’investissement productif se situait largement au-dessus de sa moyenne de long terme, après une nette accélération de 2006 à 2008. Ce mouvement survient cependant après une longue phase de sous-investissement. Il s’agit alors peut-être davantage d’un rattrapage que la marque d’une véritable situation de surinvestissement. Cette dynamique d’accumulation du capital empêche cependant de discerner précisément les effets d’accélérateur financier, bien que l’investissement ait nettement plus diminué que la demande finale durant la récession. Tableau 4 Niveau des agrégats économiques en fin de récessions françaises P25 Graphique 4 Taux d’investissement productif France, % Conclusions Les observations empiriques pour les pays développés suggèrent la présence d’effets d’accélérateur financier dans la chute d’activité lors de la crise de 2007. Ces effets apparaissent plus puissants pour les Etats-Unis que pour les pays européens, ce qui est conforme aux résultats de Mody & al. [2007]. Une comparaison avec les récessions antérieures, menée pour les Etats-Unis, l’Allemagne et la France, indique que l’intensité des effets d’accélérateur semble avoir été plus forte aujourd’hui que par le passé, même si ce résultat ne peut être observé distinctement pour la France du fait d’une possible situation de surinvestissement au début de la crise de 2007. Cet impact supérieur des effets d’accélérateur financier peut s’expliquer de prime abord par deux facteurs. Premièrement, la financiarisation croissante de l’économie, induite notamment par les innovations financières et le développement des normes comptables en valeur de marché9, est de nature à renforcer l’influence de la sphère financière sur la sphère réelle. Deuxièmement, la crise de 2007 est par essence une crise bancaire et financière. Or, cette spécificité dans l’origine du choc confère au secteur financier un rôle prépondérant dans le déclenchement et la diffusion de la récession, ce qui tend à exacerber les effets d’accélérateur financier. P26 Le rôle de l'accélérateur financier Perspectives de sortie de crise – Impact sur le scénario économique pour 2010 L’acuité des effets d’accélérateur financier lors de la crise a provoqué un choc d’activité particulièrement marqué en 2008 et en 2009. L’action rapide et massive des autorités, en termes de politiques monétaire et budgétaire, a en revanche permis d’éviter que cette phase de récession intense ne se transforme en dépression. La sphère financière a pu être stabilisée et le stress financier a considérablement reflué. Les interventions publiques ont favorisé un rebond de la croissance des pays développés au cours du second semestre 2009, grâce à la mise en œuvre d’importants plans de relance (prime à la casse, baisse d’impôts...). En étant stimulés par des aides fiscales, les agents économiques ne se sont pas positionnés dans une posture déflationniste, caractérisée par un report des décisions d’achat dans l’attente de baisses de prix. Si de telles dynamiques négatives ont pu être évitées, d’autres améliorations doivent encore être constatées pour s’assurer de la pérennité de la reprise. En particulier, au début de l’année 2010, une fin des destructions d’emplois est nécessaire (ce qui ne veut pas dire encore une stabilisation du taux de chômage étant donné les variations de la population active) pour réduire les pressions baissières sur le revenu des ménages. Dans le cas contraire, le risque de déflation serait renforcé, avec en corollaire des regains de tensions sur les marchés financiers et un possible retour de boucles délétères. En revanche, si le rebond d’activité génère une fin des destructions d’emplois, comme semblent l’indiquer les indicateurs avancés sur la fin de l’année 2009, les inquiétudes vont diminuer sur le front de la consommation, permettant d’écarter les risques de déflation. Dans ce contexte, la détente financière devrait perdurer et l’accélérateur financier aura des effets positifs sur la croissance. La poursuite de l’amélioration des conditions de crédit et de la situation bilancielle des entreprises offrirait ainsi un levier pour une reprise des dépenses d’investissement. Dans de nombreux pays développés, notamment aux Etats-Unis, le taux d’investissement productif en équipements et logiciels se situe dorénavant sur des niveaux particulièrement faibles, du P27 fait des coupes budgétaires opérées durant la crise. La diminution de ce type de dépenses a été nettement plus forte que la demande finale, provoquant des situations de tension, avec une obsolescence d’une partie du capital productif. En phase de reprise, des “effets d’élastique” devraient alors se faire ressentir. Empiriquement, l’accélérateur financier est plus fort en récession qu’en phase de reprise. Le rebond de l’investissement ne devrait donc être que limité par rapport à la baisse constatée en 2008-2009, traduisant une perte de croissance potentielle pour les économies. Cependant, même dans le cadre d’une reprise partielle de l’investissement, vu l’ampleur de sa chute au cours des années 2008-2009, il devrait apporter une contribution notable à la croissance en 2010. Historiquement, les effets techniques séquentiels se font ressentir (en moyenne) le plus fortement deux ans après le pic de la crise. Si ce timing est respecté, l’impact de la reprise de l’investissement devrait intervenir principalement au cours du second semestre de l’année. P28 Le rôle de l'accélérateur financier IMPACTS MICROÉCONOMIQUES DE L’ACCÉLÉRATEUR FINANCIER SUR LE TISSU PRODUCTIF FRANÇAIS Une simple analyse macroéconomique ne permet pas d’appréhender précisément les effets d’accélérateur financier pour la France lors de la crise de 2007. Afin de les discerner plus nettement, nous avons alors adopté une démarche microéconomique, en menant une étude économétrique en données de panel sur le bilan et le compte de résultat des entreprises françaises. Nous avons utilisé les données annuelles fournies par la base Diane 10 . Il s’agit d’une base de données restituant, sur plusieurs années, la situation financière de plus d’un million d’entreprises en France, à partir de leur bilan et de leur compte d’exploitation. Etapes de la construction de l’échantillon Les critères sélectionnés pour construire notre échantillon reposent sur : - la forme juridique, car nous souhaitons conserver uniquement les e n t re p r i s e s c o m m e rc i a l e s 1 1 a f i n d e l i m i t e r l e s r i s q u e s d e b i a i s d a n s l e comportement d’investissement. Les structures à but non lucratif, notamment de type associatif, peuvent gérer leur activité et leur développement selon des modalités spécifiques, indépendantes des conditions de marché (financement par cotisation,…) - l’indépendance des firmes vis-à-vis de leur actionnariat (aucun actionnaire renseigné avec une participation directe ou totale supérieure à 25 %). Cela permet d’exclure les entreprises qui pourraient bénéficier d’un soutien de la maison mère lorsque les conditions de financement externe deviennent moins favorables. L’élasticité des dépenses de ces entreprises à leur situation financière s’en trouve nécessairement altérée. P29 - l’obligation que le critère d’effectif soit renseigné et supérieur à 0 pour toutes les années. Nous obtenons un panel de 4039 entreprises sur la période 1999-2008. Une analyse en données de panel plutôt qu’en données agrégées présente l’avantage de conserver les caractéristiques individuelles et temporelles des entreprises, et de mettre en évidence l’influence des conditions de financement sur le comportement d’investissement de ces firmes. Contraints par la disponibilité de certaines données, nous nous concentrons sur les neuf variables suivantes : - le chiffre d’affaires, traduisant le montant total des ventes de biens et services au cours d’un exercice annuel ; - la valeur ajoutée, calculée comme la différence entre la valeur de la production et la valeur des consommations intermédiaires ; - le fonds de roulement, défini comme le solde entre les ressources “stables” (i.e. à plus d’un an) et les immobilisations (i.e. emplois stables à plus d’un an) ; - le montant des immobilisations corporelles, correspondant aux dépenses en terrains, constructions, infrastructures et matériel technique des entreprises ; - le montant d’immobilisations incorporelles, exprimant les dépenses de recherche et développement, d’achats de logiciels et de brevets des entreprises ; - le montant d’immobilisations financières, représentant les actifs financiers stables des entreprises ; - le total de l’actif des entreprises ; - les dettes de caractère financier, regroupant les emprunts obligataires, les dettes contractées auprès des établissements de crédit, et les dettes financières de nature diverse ; - le taux de charge financière, calculé comme le rapport de la charge P30 Le rôle de l'accélérateur financier d’intérêts sur le chiffre d’affaires net (en pourcentage). Dans la base Diane, ce ratio est appelé “taux d’intérêt financier”. Nous avons préféré modifier cette dénomination pour qu’il n’y ait pas de confusions avec les notions usuelles de taux d’intérêt, car les valeurs prises par cette variable apparaîtraient alors aberrantes. Excepté le taux de charge financière, toutes ces variables sont exprimées en milliers d’euros. Leurs caractéristiques statistiques préliminaires sont résumées dans le tableau suivant : Tableau 5 caractéristiques statistiques de l’échantillon brut sur toute la période : P31 Nous obtenons un panel non cylindré (“unbalanced panel”) : certaines entreprises n’existent pas à toutes les dates. Nous choisissons de les laisser au sein de l’échantillon afin de ne pas être confrontés à un “biais de survie” des entreprises. La méthode économétrique que nous utiliserons (Méthode des Moments Généralisés - GMM) nous permet de traiter ce type de données. Cependant, les principales statistiques de l’échantillon brut ne sont clairement pas satisfaisantes, au regard de la valeur des écarts-types et des distorsions entre moyennes et médianes 12 . Il paraît donc indispensable de nettoyer les données, afin d’ôter les points aberrants qui pourraient fausser nos estimations économétriques. Pour cela, nous considérons diverses alternatives, selon les préconisations de E. Kremp [1995]. La méthode que nous avons retenue, après comparaison des résultats obtenus, revient à éliminer les observations situées à plus de trois intervalles interquartiles des 1er et 3ème quartiles13. Dans un second temps, nous restreignons notre échantillon aux seules valeurs positives pour les variables de chiffre d’affaires, de valeur ajoutée, de fonds de roulement, d’immobilisations corporelles, incorporelles et financières, et d’actif total, dans la mesure où des valeurs négatives seraient incohérentes. Nous obtenons au total une réduction de près de 32 % des données par rapport à leur nombre initial. Le tableau 6 résume les caractéristiques statistiques principales de notre base de données 14 : P32 Le rôle de l'accélérateur financier Tableau 6 caractéristiques statistiques de l’échantillon final sur toute la période Afin de cerner le comportement financier des firmes, les échantillons ont été analysés selon un critère de taille fondé sur les effectifs. Ce critère semble mieux convenir pour une analyse à long terme qu’une répartition établie en fonction du chiffre d’affaires, dans la mesure où il est moins sensible aux évolutions conjoncturelles de l’activité économique. Nous avons distingué les entreprises de 0 à 9 salariés, celles de 10 à 49, et celles de 50 à 250 salariés 15 . Leur répartition par année est indiquée dans le tableau 7. Nous remarquons que notre échantillon est majoritairement composé de microentreprises, ce qui est représentatif de la composition du tissu productif français. P33 Tableau 7 Répartition des individus selon les catégories d'entreprises Observation empirique de l’échantillon et faits stylisés L’analyse de l’évolution des variables selon la catégorie d’entreprises et leur variation relative permettent de mettre en exergue diverses caractéristiques statistiques. Certaines observations résultent simplement des effets de taille liés à la composition des différentes classes d’entreprises au sein de notre échantillon : • le chiffre d’affaires des entreprises de taille moyenne est cinq fois supérieur à celui des micro-entreprises ; • la volatilité accrue du chiffre d’affaires des moyennes entreprises par rapport aux autres catégories d’entreprises s’explique par l’hétérogénéité dans ce groupe. Le critère “effectif compris entre 50 et 250” est en effet assez vaste ; • le niveau moyen d’actif total des moyennes entreprises est plus du double de celui des petites entreprises et plus du quadruple de celui des micro-entreprises ; P34 Le rôle de l'accélérateur financier • le montant moyen de fonds de roulement des micro-entreprises représente moins de la moitié de celui des petites entreprises et moins du tiers de celui des moyennes entreprises ; et il demeure par ailleurs plus volatil pour les petites et micro-entreprises que pour les moyennes entreprises. • les montants de dépenses d’immobilisations corporelles de la catégorie des moyennes entreprises apparaissent particulièrement volatils. (cf graphique 5c). Etant donné que nous n’avons pas cylindré notre échantillon pour éviter les biais de survie, des fluctuations démographiques surviennent au sein des différentes classes d’entreprises. Les moyennes entreprises ont une population plus réduite que les autres. Les changements de population tendent alors à avoir un impact notable sur les résultats. Afin d’atténuer les effets liés à cette volatilité, nous utilisons les valeurs médianes pour les différentes classes lorsque nous menons des analyses comparatives 16 (cf graphiques 6 et 7). Par ailleurs, nous procédons à une partition différente pour nos estimations économétriques pour ne pas biaiser nos résultats (cf partie 3.3). D’autres faits empiriques semblent en revanche résulter de mécanismes économiques conformes aux conclusions de la théorie de l’accélérateur financier : • le niveau moyen d’immobilisations corporelles des petites et micro entreprises fluctue inversement au taux de charge financière ; alors que ce mouvement n’est pas observé pour les moyennes entreprises (graphiques 5.a / 5.b/ 5.c). Cela suggère que les petites et micro entreprises sont plus sensibles au poids de la charge d’intérêts dans leurs décisions de dépenses en immobilisations corporelles. Cette évolution peut aussi s’appréhender sous un angle différent : un montant élevé d’immobilisations corporelles, dans la mesure où celles-ci servent de collatéral à l’obtention d’un financement, permet de réduire le coût d’accès au crédit bancaire, et diminue donc le poids de la charge financière supportée par les entreprises. P35 Graphique 5.a Taux de charge financière et immobilisations corporelles des micro-entreprises Graphique 5.b Taux de charge financière et immobilisations corporelles des petites entreprises P36 Le rôle de l'accélérateur financier Graphique 5.c Taux de charge financière et immobilisations corporelles des moyennes entreprises • l e s m i c ro - e n t re p r i s e s e n re g i s t re n t l a p l u s f o r t e d i m i n u t i o n d e l e u r s immobilisations corporelles en 2008 (graphique 6). Elles semblent ainsi plus précocement et plus fortement impactées par la crise de 2007 que les autres catégories d’entreprises. Graphique 6 Immobilisations corporelles médianes, par catégorie d’entreprises, données Z-score P37 • de même, les micro-entreprises enregistrent une contraction marquée de leur niveau de dettes financières en 2007 et en 2008 ; tandis que la diminution observée pour les petites et moyennes entreprises est nettement moindre (cf graphique 7). Cette asymétrie peut notamment s’expliquer par un mouvement de “flight to quality” et par la capacité des plus grandes entreprises à bénéficier de lignes de crédit négociées antérieurement à la crise, alors que les entreprises de plus petite taille se voient dans l’incapacité d’accéder à de telles possibilités de ressources externes. Graphique 7 Dettes financières médianes, par catégorie d’entreprises, données Z-score Cette approche statistique préliminaire laisse donc apparaître différents faits empiriques qui semblent corroborer la théorie de l’accélérateur financier. Le résultat le plus marquant demeure l’asymétrie relevée dans le comportement d’accumulation de dettes financières selon la taille des entreprises. L’endettement diminue nettement plus pour les micro-entreprises dès 2007. Ces faits nécessitent néanmoins un examen économétrique plus approfondi pour être validés. Il semblerait qu’effectivement les entreprises de petite taille ajustent plus fortement à la baisse leur niveau d’immobilisations corporelles P38 Le rôle de l'accélérateur financier lors d’un choc financier négatif dans l’économie, illustrant leurs contraintes financières plus fortes en période de crise financière, tandis que les plus grandes entreprises de l’échantillon présenteraient une meilleure solidité financière et bénéficieraient d’un mouvement de “flight to quality” ainsi que d’une plus grande capacité à tirer des lignes de crédit. Estimations économétriques Notre échantillon étant en données de panel, nous choisissons d’utiliser l a m é t h o d e d e s m o m e n t s g é n é r a l i s é s 17 ( G M M ) p o u r n o s e s t i m a t i o n s , conformément à la méthodologie adoptée dans les études antérieures abordant ce type de sujet [Vermeulen, 2000 ; Belin & Debrand, 2002 ; Martinez-Carrascal & Ferrando, 2008]. Le modèle estimé est un modèle dynamique, en différences premières, permettant d’éliminer les effets fixes potentiels. La spécification en termes dynamiques induit que l’on introduise la variable expliquée avec retard dans la liste des régresseurs. Cette modélisation soulève la question de la simultanéité de cette variable avec l’erreur résiduelle. Pour surmonter ce problème et prendre en compte d’autres difficultés liées aux éventuelles erreurs de mesure des régresseurs, aux problèmes d’hétéroscédasticité ou encore de corrélation temporelle des erreurs, la méthode des moments généralisés telle que développée par Arellano & Bond [1991] et [1996] semble particulièrement bien adaptée. Cette méthodologie requiert la définition d’instruments permettant d’estimer la variable expliquée sans corrélation potentielle avec les termes d’erreur. En suivant une approche similaire à celle de Kremp & Stoss [2001], nous choisissons plusieurs jeux d’instruments alternatifs, afin d’en comparer la pertinence et les résultats des estimations obtenus. Cinq modèles différents sont ainsi définis : i) un modèle exogène, regroupant la variable expliquée avec des retards P39 au minimum d’ordre deux dans la liste d’instruments, ainsi que chacune des autres variables explicatives (en différences premières); ii) un modèle endogène, dans lequel la liste d’instruments est constituée des retards au minimum d’ordre deux de la variable expliquée, et des retards à l’ordre deux de chacune des autres variables explicatives en niveau ; iii) un second modèle endogène, identique au précédent, mais dans lequel figurent également les retards à l’ordre trois de chacune des variables explicatives en niveau ; iv) un modèle mixte, contenant les retards de la variable expliquée, les retards à l’ordre deux de la variable “valeur ajoutée”, les retards à l’ordre deux et trois de la variable représentant les conditions de financement des firmes, et les autres variables explicatives (en différences premières); v) un second modèle mixte, dans lequel nous ne prenons que les retards à l’ordre deux et trois de la variable des conditions de financement, ainsi que les retards de la variable expliquée, et les autres variables explicatives (en différences premières). Ces spécifications alternatives sont elles-mêmes estimées sur différents échantillons : d’abord sur notre échantillon au niveau agrégé ; puis sur une partition de l’échantillon selon la taille des entreprises. Afin de vérifier la validité de la spécification de notre modèle, nous procédons au test de sur-identification de Sargan-Hansen. Celui-ci consiste à tester l’hypothèse nulle de validité des variables retardées comme instruments dans le modèle, contre l’hypothèse alternative de non validité des instruments. Une p-value supérieure à un seuil de première espèce de 5 % nous permet de valider le choix des instruments utilisés. Cherchant à déterminer les facteurs microéconomiques influençant le comportement d’investissement des entreprises et leur réaction face à des modifications des conditions de financement, nous estimons dans un premier temps le modèle suivant : P40 (1) Nous utilisons comme proxy de la variation annuelle de l’investissement des entreprises, la variation du montant annuel des immobilisations corporelles. Nous considérons ensuite trois variables alternatives pour représenter les conditions de financement des firmes : i) le taux de charge financière à la période t ; ii) les conditions de distribution de crédits aux petites et moyennes entreprises de la période précédente, issues de l’enquête réalisée par la Banque de France auprès des établissements de crédit (un solde net supérieur à zéro est synonyme de durcissement des conditions de crédit) ; iii) les conditions de distribution de crédits aux entreprises de la période précédente, issues de la même enquête, mais au niveau agrégé. Il est à noter que lorsque les conditions de distribution de crédits sont utilisées dans le modèle, la plage temporelle des estimations est réduite à la période 2003-2008, du fait de l’indisponibilité de ces deux variables pour une date antérieure. En outre, alors que les variables utilisées dans l’estimation de (1) sont disponibles individuellement pour chaque entreprise, les deux variables relatives aux conditions de crédit ne sont disponibles qu’au niveau agrégé. La réduction de la fiabilité des résultats estimés sur cette période restreinte et le caractère agrégé de ces variables nous conduisent à privilégier les résultats obtenus avec le taux de charge financière, qui portent sur la période 1999-2008. Les résultats obtenus lors de l’estimation de (1) au niveau agrégé sont les suivants : *, **, *** : significatif respectivement au seuil de première espèce de 1%, 5 % et 10 % Tous les modèles sont estimés en différence première et incluent des indicatrices temporelles. Les instruments sont en niveau. Modèle 1 exogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives exogènes. Modèle 2 endogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives retardées à t-2. Modèle 3 endogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives retardées à t-2 et t-3. Modèle 4 mixte: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, valeur ajoutée retardée à t-2, conditions de financement retardées à t-2 et t-3, autres variables explicatives exogènes. Modèle 5 mixte: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, conditions de financement retardées à t-2 et t-3, autres variables explicatives exogènes. Fonction de dépenses d'investissement estimée en dynamique (1999-2008 ou ajusté), niveau agrégé Tableau 8 P41 P42 Le rôle de l'accélérateur financier Plusieurs enseignements peuvent être tirés de ces premières estimations. Premièrement, les deux modèles endogènes que nous avons testés n’apportent pas de résultats satisfaisants, dans la mesure où la significativité des conditions de financement n’est pas validée quelle que soit la variable retenue. Cela suggère qu’une spécification du modèle où toutes les variables explicatives sont considérées comme endogènes conduit à une dégradation de la précision du modèle. Deuxièmement, pour les modèles exogène et mixtes, seul le taux de charge financière apparaît significatif à un seuil de première espèce raisonnable ; tandis que les deux variables représentant les conditions de crédit n’apparaissent jamais statistiquement significatives. Comme nous l’avons déjà précisé, les résultats obtenus avec ces deux variables portent sur une période plus restreinte et ne sont pas des données individuelles, ce qui réduit leur robustesse et rend leur interprétation fragile. Nous nous concentrerons donc davantage sur les résultats obtenus avec la variable de charge financière. Troisièmement, les résultats des estimations obtenues avec les modèles 1, 4 et 5 et le taux de charge financière sont particulièrement intéressants. On observe en effet que le taux de charge financière a un impact négatif et statistiquement significatif sur les dépenses d’investissement des entreprises, et d’une ampleur non négligeable. Cette influence négative du coefficient associé au taux de charge financière valide l’existence d’un lien entre conditions de financement et dépenses d’investissement: un durcissement de ces conditions, qui se reflète par un accroissement du montant de la charge financière supportée par les firmes, entraîne une chute rapide et substantielle des dépenses d’investissement des entreprises au niveau agrégé18. Quatrièmement, les autres variables explicatives introduites dans les modèles sont dans la majeure partie des cas significatives à un seuil de première espèce de 1 ou 5 % ; et les coefficients estimés sont relativement stables d’un modèle à un autre. Cela tend à indiquer que la spécification du modèle (1) est adaptée pour décrire le comportement d’investissement des firmes. P43 L’analyse descriptive a mis en évidence la nécessité d’étudier spécifiquement le comportement des entreprises selon leur taille. De plus, l’asymétrie des effets d’accélérateur financier selon la taille des firmes est une des caractéristiques fondamentales de ce mécanisme. Toutes ces raisons nous conduisent à évaluer dans un second temps la sensibilité de l’investissement des entreprises, en la décomposant par classes d’effectif. Seulement, comparer les déterminants microéconomiques du comportement d’investissement des entreprises sur une même période suppose d’avoir un nombre suffisant d’entreprises dans chacune des classes construites. Les propriétés de la méthode des GMM reposent sur des échantillons de taille importante, ce qui n’est pas le cas pour la classe des moyennes entreprises précédemment construite. En conséquence, nous procédons à une nouvelle partition des entreprises, en considérant cette fois deux classes au lieu de trois : la classe des très petites entreprises (TPE), dont le nombre de salariés est inférieur à 20 ; et la classe des petites et moyennes entreprises, dont l’effectif est compris entre 20 et 250. Cette méthode reste naturellement compatible avec l’analyse des effets accélérateurs, tout en devenant robuste à notre procédure économétrique. Les résultats de cette seconde série d’estimations sur les deux sous-échantillons sont présentés dans le tableau 9 : *, **, *** : significatif respectivement au seuil de première espèce de 1 %, 5 % et 10 % Tous les modèles sont estimés en différence première et incluent des indicatrices temporelles. Les instruments sont en niveau. Modèle 1 exogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives exogènes. Modèle 2 endogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives retardées à t-2. Modèle 3 endogène: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, autres variables explicatives retardées à t-2 et t-3. Modèle 4 mixte: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, valeur ajoutée retardée à t-2, conditions de financement retardées à t-2 et t-3, autres variables explicatives exogènes. Modèle 5 mixte: instruments: variable endogène retardée de t-2 et plus, conditions de financement retardées à t-2 et t-3, autres variables explicatives exogènes. Fonction de dépenses d'investissement estimée en dynamique (1999-2008 ou ajusté), par catégorie d'entreprises Tableau 9 P44 P45 Les modèles mixtes et exogènes présentent à nouveau les résultats les plus convaincants. Le coefficient associé au taux de charge financière ressort négatif et statistiquement significatif pour la catégorie des très petites entreprises, alors qu’il n’est pas significatif pour les petites et moyennes entreprises. La p-value associée au test de Sargan pour ces modèles est quant à elle assez élevée dans les deux cas pour accepter l’hypothèse de validité des instruments utilisés. Les coefficients relatifs aux autres variables explicatives du modèle apparaissent dans la majorité des cas significatifs à un seuil de première espèce de 1 %, exceptés ceux associés à la valeur ajoutée pour les modèles 4 et 5, et le modèle 1 estimé pour les PME. Cela valide notre spécification du modèle et permet d’exploiter les observations obtenues : • Les très petites entreprises (TPE) font preuve d’une sensibilité forte de leurs dépenses en investissement au coût de l’accès au financement externe, représenté par le taux de charge financière. Le coefficient estimé, significatif et de signe négatif, indique que ces entreprises réduisent leurs dépenses d’investissement face à une augmentation de leur charge financière. Les entreprises de taille plus importante ne montrent pas une telle sensibilité aux conditions de financement : les coefficients liés à ces conditions ne ressortent pas statistiquement significatifs lors de nos estimations. Ces faits confirment l’hypothèse d’une relation inverse entre taille des firmes et sensibilité aux conditions de financement, qui influence directement les dépenses d’investissement. L’asymétrie des effets d’accélérateur financier selon la taille des entreprises est donc vérifiée pour la France selon nos estimations. • L’existence d’une relation négative entre l’augmentation du taux de charge financière et les dépenses consacrées à l’investissement transparaît également pour l’échantillon total. En revanche, la robustesse des résultats obtenus est limitée (faible p-value du test de Sargan) du fait de l’impact différent selon les tailles des firmes. L’adjonction des moyennes entreprises (qui ne montrent pas d’effets accélérateur significatifs lorsqu’elles sont étudiées individuellement) aux petites entreprises, amoindrit ainsi la significativité du taux d’intérêt dans les estimations, ce qui renforce encore la pertinence d’une analyse avec décomposition par taille d’entreprises. P46 Le rôle de l'accélérateur financier CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Notre étude a révélé la présence d’un accélérateur financier plus puissant aujourd’hui que par le passé dans les principaux pays développés. L’asymétrie des effets selon la taille des entreprises est également vérifiée dans notre analyse en données de panel pour la France. Il émane de ces résultats diverses implications, tant au niveau des conséquences macro-économiques que des perspectives de politiques publiques : • Premièrement, l’intensification des effets d’accélérateur financier renforce l’impact de la sphère financière sur la sphère réelle. Les variations de la richesse nette et des positions bilancielles des agents jouent un rôle fondamental dans la propagation des chocs et le cycle économique. La volatilité financière peut alors s’avérer de plus en plus déstabilisante, dans la mesure où les effets d’accélérateur financier sont plus importants en période de récession qu’en phase de reprise. Il en résulte une perte nette de potentiel de croissance, avec des conséquences néfastes sur l’emploi. Une telle observation doit naturellement être prise en compte dans l’évolution des règles comptables, notamment avec l’instauration des normes IFRS en valeur de marché. Elle renvoie également à la controverse sur la nécessité que les autorités publiques, particulièrement les banques centrales, considèrent dans leurs objectifs de limiter la volatilité des prix des actifs, d’autant que cette dernière, en plus d’altérer le potentiel de croissance des économies, est porteuse de germes déflationnistes, du fait du caractère dégénérescent des effets d’accélérateur financier en phase de récession. Ce débat est déjà extensif dans la littérature du fait de la multiplicité et de la complexité de ses implications (cf annexe E). Cependant, l’ouverture du spectre d’action des banques centrales lors de la crise de 2007 offre des perspectives nouvelles sur le sujet. Structurellement, les banques centrales pourraient mener des stratégies duales, en continuant de fixer leur taux d’intérêt directeur selon les critères traditionnels d’inflation des prix des biens P47 et des services (et de croissance de l’activité), et en développant des mesures “non conventionnelles” lorsque la volatilité sur les prix de certains actifs devient excessive et risque de se révéler déstabilisante pour l’économie. Ce type de mode opératoire, selon deux canaux distincts, pourrait éviter aux banques centrales de se retrouver face à des conflits d’intérêt (entre inflation réelle et inflation financière) et offrir des possibilités d’intervention plus amples et potentiellement plus efficaces. Par ailleurs, pour contrer les effets d’accélérateur financier, en cas de stress intense, la réaction des banques centrales doit être rapide et massive, ce qui va à l’encontre du gradualisme généralement préconisé pour une gestion “courante” de politique monétaire. Lors de la crise de 2007, la réactivité des banques centrales a certainement été un élément fondamental pour éviter que la récession ne dégénère en dépression. L’ensemble des mesures adoptées, tant au niveau des taux d’intérêt directeurs que des pratiques dites non conventionnelles a permis un reflux considérable du stress financier et une amélioration de la situation bilancielle des entreprises (dont les acteurs financiers). Si cette dynamique perdure, les effets d’accélérateur financier devraient s’inverser et permettre un rebond de l’investissement en 2010, particulièrement sur la seconde partie de l’année. • Deuxièmement, la vérification de l’asymétrie des effets d’accélérateur selon la taille des entreprises induit de prendre en compte ce critère pour examiner la diffusion d’un choc financier au sein de l’économie. Les indicateurs agrégés peuvent ne révéler que des informations parcellaires, voire même trompeuses. Ainsi, au cours du premier semestre 2008, l’indice de masse monétaire M3 progressait en France, avec un dynamisme des crédits aux entreprises (cf annexe C). Pourtant, en décomposant les données par taille, il apparaît que seules les entreprises les plus grandes bénéficiaient d’une croissance des prêts, en tirant vraisemblablement sur des lignes de crédit déjà existantes pour compenser les difficultés rencontrées sur les marchés financiers. Les petites entreprises, davantage dépendantes du financement bancaire, subissaient en contrepartie une contraction du crédit, consécutive aux difficultés de refinancement subies par certains établissements financiers. P48 Le rôle de l'accélérateur financier De tels développements sont naturellement néfastes pour l’activité et pour l’emploi, avec une portée potentiellement déflationniste. La croissance de la masse monétaire M3 ne traduisait donc pas un risque de dérive inflationniste. Dans une autre perspective, afin de limiter le développement des effets d’accélérateur financier sur les petites entreprises, l’instauration de stabilisateurs automatiques sur le crédit pourrait s’avérer une option bénéfique en entrée de crise. Plus précisément, il s’agirait que les PME puissent tirer des lignes de crédits auprès d’une autorité publique, lorsque les banques deviennent contraintes sur leur liquidité et peuvent plus difficilement concourir à leur financement (soit par des quantités de crédits moindres, soit par un coût du crédit renchéri du fait des conditions de marché). Cela amortirait la diffusion d’un choc financier inter national sur le marché domestique et les PME, permettant de soulager les acteurs bancaires dans leur diversification du risque et d’offrir davantage de latitude aux petites entreprises pour ajuster leurs dépenses d’investissement et d’emploi. Les effets d’accélérateur financier s’en trouveraient atténués, ce qui permettrait in fine une plus grande stabilité économique et moins de pertes de potentiel de croissance lors des crises financières. Un tel dispositif pourrait être financé par le versement d’une prime d’assurance en phase d’expansion, qui aurait en outre l’avantage de jouer un rôle stabilisant. Naturellement, cela requiert, de la part de l’organisme public concerné, une analyse en termes de risques de crédit et de potentiel de développement des PME, afin de distinguer les entreprises qui sont conjoncturellement mises en difficulté du fait de l’intensité du stress financier, de celles qui doivent faire faillite parce que leur activité est structurellement non rentable ou parce que leur gestion est inappropriée. Pour la France, en 2005, Oséo a été créé afin d’apporter un soutien public à l’innovation et à la croissance des PME. Sa mission est notamment de faciliter le financement des projets d’investissement, en accordant aux entreprises des garanties auprès des banques ou en leur offrant des conditions de crédit avantageuses (cf annexe F). Ces dispositions vont clairement dans le sens des remarques précédentes et leur développement, notamment en termes de moyens et de capacités opérationnelles, semble P49 nécessaire pour contrer les effets d’accélérateur financier et favoriser l’activité économique. D’autres développements seraient intéressants à mener en complément de notre étude, notamment en opérant des partitions sectorielles. Cela permettrait d’observer plus finement la diffusion des effets d’accélérateur financier au travers du tissu productif. Nous ne bénéficions malheureusement pas de données suffisantes pour réaliser un tel travail. Nous n’avons également pas pu analyser la seconde forme d’asymétrie caractéristique de l’accélérateur financier, à savoir un différenciel d’intensité de ses effets en période de récession et en phase de reprise. Nos données ne commencent en effet qu’en 1999 et nos modèles nécessitent de prendre en compte des retards sur plusieurs périodes pour obtenir des estimations robustes. Dès lors, nous ne pouvons pas considérer toutes les phases de la récession de 2001. Surtout, nous n’avons pas le recul nécessaire pour traiter complètement de la crise de 2007. Or, il s er a p ar t icu lièremen t in t éres s ant de mesurer les effets d’accélérateur en phase de reprise par rapport à ce qu’ils ont été en période récessive lorsque nous bénéficierons des données nécessaires. P50 Le rôle de l'accélérateur financier BIBLIOGRAPHIE Almeida, Campello et Liu, “The financial accelerator : evidence from the international housing markets”, Working Paper NBER, 2005 Belin & Debrand, “Evolution des stocks et facteurs financiers. Une étude sur données d’entreprises françaises”, Revue Economique, 2002 Bernanke, “Nonmonetary effects of the financial crisis in the propagation of the great depression”, American Economic Review, 1983 Bernanke, “the financial accelerator and the credit channel”, speech at the The Credit Channel of Monetary Policy in the Twenty-first Century Conference, Federal Reserve Bank of Atlanta, juin 2007 Bernanke & Gertler, “Agency costs, net worth, and business fluctuations”, American Economic Review, 1989 Bernanke & Gertler, “Inside the black box : the credit channel of monetary policy transmission”, Journal of Economic Perspectives, 1995 Bernanke, Gertler & Gilchrist, “The financial accelerator and the flight to quality”, The review of Economics and Statistics, 1996 Bernanke, Gertler & Gilchrist, “The financial accelerator in a quantitative business cycle framework”, Handbook of Macroeconomics, chapter 21, 1999 Berg, Hansen & Sellin : “The financial accelerator & corporate investment”, Economic Review, 2004 Boissay, “Credit rationing, output gap, and business cycles”, Working Paper BCE, 2001 Cantor, “Effects of leverage corporate investment and hiring decisions”, Quarterly Review, 1990 P51 Carlson, King, Lewis, “Distress in the financial sector and economic activity”, Finance and Economics Discussion Series, Federal Reserve Board, 2008 Carpenter, Fazzari & Petersen, “Inventory (dis)investment, internal finance fluctuations, and the business cycle”, 1993 Clerc, “Le cycle du crédit, une revue de littérature”, Bulletin de la Banque de France, 2001 Espinoza, “Les stabilisateurs automatiques en France”, Economie et Prévision, 2007 Fazzari, Hubbard & Petersen, “Financing constraints and corporate investment”, Brooking papers on economic activity, 1988 Fisher, “The debt-deflation of great depressions”, Econometrica, 1933 FMI, “Systemic banking crises : a new database”, IFM Working Paper, 2008 FMI, “From recession to recovery : how soon and how strong ?”, World Economic Outlook “Crisis and recovery”, avril 2009 Fuchi, Muto & Ugai, “A historical evaluation of financial accelerator effects in Japan’s economy”, Working Paper Bank of Japon, 2005 Gertler & Gilchrist, “Monetary policy, business cycles, and the behavior of small manufacturing firms”, The Quarterly journal of Economics, 1994 Gertler & Gilchrist, “The role of credit market imperfections in the monetary transmission mechanism : arguments and evidence”, The Scandinavian Journal of Economics, 1995 Gilchrist, Hairault, Kempf, “Monetary policy and the financial accelerator in a monetary union”, 2002 Himmelberg & Petersen, “R&D and internal finance : a panel study of small firms in high-tech industries”, Review of Economics and Statistics, 1994 P52 Le rôle de l'accélérateur financier House, “Adverse selection and the financial accelerator”, 2006 Kashyap, Lamont et Stein, “credit conditions and the cyclical behavior of inventories : a case study of the 1981-82 recession”, Working paper NBER, 1992 Kiyotaki & Moore, “Credit cycles”, Journal of Political Economy, 1997 Kremp, “Nettoyage de fichiers dans le cas de données individuelles”, Economie et Prévision, 1995 Kremp & Stöss, “L’endettement des entreprises industrielles françaises et allemandes : des évolutions distinctes malgré des déterminants proches”, Economie et Statistiques, 2001 Levin, Natalucci, Zakrajsek, “The magnitude and cyclical behaviour of financial market frictions”, Discussion Series Board Fed, 2004 Martinez-Carrascal & Ferrando, “The impact of financial position on investment : an analysis for non-financial corporations in the euro area”, Working Paper BCE, 2000 Mishkin, “The Household balance sheet and the great depression”, Journal of Economic History, 1978 Mishkin, “The Causes and Propagation of Financial Instability : Lessons for Policymakers”, Federal Reserve Bank of Kansas City, 1997 Mishkin, discours des 5/11/2007 & 11/01/2008 Mody, Sarno & Taylor, “A cross-country financial accelerator : evidence from North America & Europe”, Journal of International Money and Finance, 2007 OCDE, “Policy responses to the Economic crisis : investing in innovation for long-term growth”, 2009 Rosenwald, “Coût du crédit et montant des prêts ; une interprétation en termes de canal large du crédit”, Revue Economique, 1998 P53 Rosenwald, “L’impact des conditions financières sur la décision d’investissement”, Economie et Statistique, 2001 Sharpe, “Financial market imperfections, firm leverage, and the cyclicality of employment”, American Economic Review, 1994 Trognon, “L’économétrie des panels en perspective”, Revue d’Economie Politique, 2003 Vermeulen, “Business fixed investment : evidence of a financial accelerator in Europe”, Working Paper BCE, 2000 & Oxford Bulletin of Economics and Statistics, 2002 P55 ANNEXES Fazzari, Hubbard & Petersen (1988) Bernanke (1983) Mishkin (1978) Fisher (1933) Auteurs les variations de la valeur du bilan des ménages peuvent expliquer la sévérité de la contraction économique de la Grande Dépression cadre d'imperfection des marchés financiers et asymétrie d'information; hausse du coût d'intermédiation bancaire qui explique la diffusion du choc choc de richesse sur le bilan des ménages durant la Grande Dépression aux US analyse des facteurs de propagation de la crise des années 1930 les entreprises ayant un accès restreint au financement intermédié ont des dépenses d'investissement plus volatiles ; corrélation entre montant de cash flow et dépenses d'investissement productif ; différences entre les firmes dans la sensibilité de l'investissement aux composantes du bilan enchaînement des mécanismes débouchant à une dépression puis déflation si aucune mesure de politique monétaire correctrice n'est mise en place la diffusion de la crise financière à l'économie américaine durant la Grande Dépression relation entre le mode de financement des firmes et leurs dépenses d'investissement; pecking order ; imperfections des marchés financiers et asymétries d'information; entreprises manufacturières américaines sur 1970-1984. Apports Champs d'étude Annexe A : Faits stylisés de la littérature sur l'Accélérateur Financier statistiques descriptives sur les firmes, leur taille et leur mode de financement; régressions avec MCO, puis décomposition sectorielle des firmes régressions MCO sur la période 1919-1941 statistiques descriptives ; estimation de l'hypothèse de cycle de vie et de liquidité statistiques descriptives Méthode d'estimation avec MCO; variable expliquée = I/K ; variables explicatives = cash flow/K; valeur Q de la firme; sales/K ; variable expliquée = taux de croissance du PIB; variables explicatives = taux de croissance de M1, des prix de gros, le retard des dépôts des banques en faillite et le retard du passif des entreprises en faillite MCO - Modèle estimé P56 Carpenter, Fazzari & Petersen (1993) Kashyap, Lamont & Stein (1992) Cantor (1990) Bernanke & Gertler (1989) Auteurs les entreprises les plus dépendantes du financement bancaire sont celles qui réduisent le plus leurs dépenses dans les stocks lors du resserrement des conditions d'accès au crédit les ralentissements économiques conduisent à durcir les contraintes de financement interne, et les stocks sont ajustés en premier lieu car faibles coûts d'ajustement; réaction plus forte des petites entreprises par rapport aux grandes entreprises ; double asymétrie de l'Accélérateur financier; au début de reprise, hausse des stocks 1/3 plus élevée pour les petites entreprises que pour les grandes: rattrapent leur déstockage précédent relation entre conditions d'accès aux crédits bancaires et variation de stocks; étude de la récession de 1982 aux Etats-Unis relation entre les contraintes de financement et les variations de stocks ; étude de la récession de 1982 données de panel trimestrielles sur 1981-1991, décomposition en plages temporelles et taille des firmes selon la valeur de leurs actifs ; statistiques descriptives les entreprises les plus endettées montrent une décomposition de l'échantillon en plus grande volatilité de leur investissement et deux groupes selon le niveau de leur emploi; et sont aussi les plus sensibles d'endettement (faible ou élevé); aux variations de cash flow ; plus grande réactivité des entreprises fortement endettées face aux variations de cash flow: coefficient doublé pour la variation de l'investissement et de l'emploi comparé aux autres firmes. relation entre endettement des entreprises et leurs dépenses d'investissement et d'emploi ; 586 entreprises américaines sur 1968-1987 modèle RBC à générations imbriquées; Méthode d'estimation relation inverse entre richesse des agents et coûts d'agence supportés; le mécanisme d'accélérateur financier: la variation de la richesse nette des agents conduit à l'amplification des chocs et leur diffusion à l'économie réelle Apports rôle du bilan des emprunteurs dans la diffusion des chocs ; coûts d'agence Champs d'étude variation de stocks expliquée par variation des ventes et variation des cash flow. régressions avec variable expliquée = volatilité de l'inv des firmes ou volatilité de l'emploi / variables explicatives= taille de la firme, taux de croissance, variation des ventes, variation des cash flow, indicatrices du niveau d'endettement des firmes modèle microfondé, pas d'estimation Modèle estimé P57 Gertler & Gilchrist (1995) Sharpe (1994) Himmelberg & Petersen (1994) Gertler & Gilchrist (1994) Auteurs grande différence de réaction entre petites et grandes entreprises suite à une contraction monétaire; les petites entreprises diminuent drastiquement leurs stocks et leurs dépenses, et n'ont plus accès au crédit ; tandis que les grandes entreprises lissent leur production et continuent à emprunter pour cela ; les petites entreprises ne peuvent se financer que par fonds propres et crédits bancaires, tandis que les grandes entreprises ont souvent recours à l'émission de titres sur les marchés financiers. les variations de cash flow des firmes entraînent une forte réponse de l'investissement physique, et une réponse moindre des dépenses en R&D car elles sont plus lissées en raison des coûts d'ajustement et d'opportunité. plus grande sensibilité de l'emploi des firmes les plus endettées aux conditions d'accès sur les marchés financiers et à la position du cycle; asymétrie selon la phase du cycle: les petites entreprises endettées réagissent plus vite et plus fortement en phase de ralentissement économique qu'en phase d'expansion, sur leur niveau de main-d’oeuvre. Les grandes entreprises ont la possibilité de faire de la rétention de main-d’oeuvre dans les phases descendantes du cycle. les petites entreprises réagissent plus vivement suite au durcissement de politique monétaire, elles réduisent rapidement leurs stocks; asymétrie de réaction selon la position cyclique: réaction plus forte des petites entreprises en phase de ralentissement économique qu'en période d'expansion économique; les petites entreprises sont celles qui subissent la plus forte prime de financement externe revue de littérature des éléments sur le canal du crédit et l'accélérateur financier; recherche empirique des effets d'un durcissement monétaire sur les conditions de crédits et les dépenses des entreprises relation entre endettement des entreprises, cycle économique et cycle de l'emploi ; sur plus de 2000 entreprises américaines sur 1959-1985, comparaison de la réaction des petites entreprises manufacturières américaines et des grandes entreprises à un durcissement de politique monétaire relation entre contraintes de financement interne et dépenses de R&D et d'investissement physique. Apports Champs d'étude Modèle estimé régression de la variation de l'emploi sur la variation de la production industrielle ou sur la variation des ventes, en contrôlant par la taille des entreprises et le leverage VAR bivarié sur les ventes ou les stocks ou les dettes de court terme, avec une indicatrice de durcissement monétaire; puis VAR multivarié avec toutes les variables ; régression par GMM de la variation des stocks sur la variation des ventes, le coverage ratio et le taux d'intérêt de court terme. données du QFR, 8 classes d'entreprises selon la taille de leurs actifs; statistiques descriptives; estimation d'un VAR sur 1960-1991; puis régressions en GMM pour étudier l'impact du coverage ratio variables expliquées = dépenses de R&D et dépenses d'investissement; variables explicatives = cash flow, variation des ventes, valeur Q données annuelles sur 2192 ets manufacturières américaines sur la période 1959-1985 ; division de l'échantillon en 2 groupes, selon forte ou faible corrélation des ventes au GNP. MCO et variables instrumentales. étude de 179 petites entreprises du secteur "high tech" des US sur 1983-1987, estimation MCO et GMM. estimations sur 1975-1991 avec VAR sur log du PIB, taux un modèle VAR; distinction petites d'inflation, taux directeur de la et grandes entreprises Fed, log d'une variable d'intérêt ; analyse des fonctions impulseréponse suite à un durcissement de politique monétaire Méthode d'estimation P58 Belin & Debrand (2002) Boissay (2001) Vermeulen (2000) Bernanke, Gertler & Gilchrist (1996) Auteurs le financement externe est plus onéreux que le financement interne à cause des coûts d'agence; la prime de financement externe est inversement corrélée à la richesse de l'emprunteur; la dégradation de la valeur de la richesse des agents diminue leurs dépenses et leur production; "fly to quality"; effets accentués pour les petites entreprises lors d'une récession par rapport aux grandes entreprises, car contraintes de financement plus fortes il existe bien un effet accélérateur sur les pays européens ; asymétrie selon la phase du cycle: les petites ets réagissent fortement en phase de ralentissement économique, les moyennes entreprises ne subissent l'effet accélérateur que durant les phases de ralentissement; hétérogénéité selon les pays: effets plus forts dans les phases de récession pour la France et l'Italie. les effets de l'AF dépendent de la composition du bilan des agents: la diffusion est liée aux actifs tangibles, l'amplification est liée aux cash flow. Effets plus sévères qu'avec l'AF basé sur la hausse du prix du financement externe, car le rationnement entraîne une sousutilisation des facteurs de production ; persistance du choc sur la consommation, il existe bien un effet accélérateur en France ; les variations des stocks des petites entreprises sont plus sensibles aux fluctuations de leur situation financière; effet accentué lors des phases de ralentissement économique; la volatilité des stocks est inversement proportionnelle à la taille de l'entreprise. recherche de l'existence d'un effet accélérateur dans 4 pays de la ZE (France, Allemagne, Italie, Espagne), en regardant les effets lors de la récession de 1992/1993 modèle AF alternatif basé sur le rationnement du crédit (canal étroit du crédit) ; cadre DSGE relation entre coût du financement du capital et variations des stocks; études sur les entreprises françaises de 1987 à 1995 Apports l'amplification des chocs à travers la dégradation des conditions d'accès aux crédits ; cadre de principal-agent; introduction d'une contrainte d'emprunt des firmes: elles ne peuvent pas emprunter plus que la valeur actualisée de leurs collatéraux Champs d'étude base DIANE : 835 entreprises du secteur manufacturier; données individuelles annuelles; décomposition de l'échantillon selon la taille de l'ets (effectif); et selon le versement de dividendes ou non. Mesures alternatives des conditions de financement: coût apparent et coût réel du capital, Statistiques descriptives. modèle micro-fondé, cadre RBC base BACH; statistiques descriptives, décomposition de l'échantillon en 3 catégories de firmes selon le montant du chiffre d’affaires; différentes variables pour représenter la situation du bilan des firmes modèle microfondé, basé sur Kiyotaki &Moore; stats descriptives, données du QFR 1977- 1991 Méthode d'estimation avec GMM; variable expliquée = la variation des stocks; variables explicatives = variation du chiffre d’affaires; variation des conditions de financement; niveau des stocks retardé; chiffre d'affaires retardé; conditions de financement retardées simulation et calibration des paramètres estimation par GMM; variable expliquée = variation du ratio Inv/ capital ; variables explicatives = variation de inv/capital retardée, variation des stocks/capital, variation de la situation du bilan; puis indicatrices de la taille des firmes, de la phase du cycle et des pays - Modèle estimé P59 Fuchi, Muto & Ugai (2005) Almeida, Campello & Liu (2005) Berg, Hansen & Sellin (2004) Levin, Natalucci & Zakrajsek (2004) Auteurs corrélation négative entre prime de risque et dépenses d'investissement; effet accélérateur plus important dans les phases de ralentissement économique un choc initial qui affaiblit la richesse des ménages via une baisse des prix immobiliers diminue leur capacité d'emprunt, ce qui amplifie le choc initial: impact durable sur la consommation ; la capacité d'endettement est plus volatile pour les pays ayant un ratio LTV élevé persistance d'un choc du bilan sur l'investissement et le PIB: dure de 4 à 5 ans. Une baisse de 10 % de la valeur du bilan entraîne une baisse de 4 % de l'investissement. Puis cela entraîne une baisse du PIB et du CPI: a débouché sur la déflation au Japon. effet accélérateur dans le secteur immobilier; comparaison de plusieurs pays selon le ratio "loan to value" recherche de l'effet accélérateur au Japon durant la décennie 1990 l'importance de la prime de financement externe dépend du paramètre de probabilité de faillite des firmes; explique la hausse des spread en 2000 Apports relation entre bilan des entreprises et conditions de crédit; impact de la politique monétaire; recherche de l'effet AF sur l'économie suédoise, avec 3 mesures alternatives de la prime de risque frictions sur les marchés financiers; existence de coûts de faillite pris en compte par les banques; étude de 900 entreprises américaines de 1997 à 2003 Champs d'étude d'abord étude du choc par un VAR, données trimestrielles sur 1971-1999; puis modèle microfondé basé sur BGG 99, estimé par GMM base de données sur 26 pays, sur 1970-1999, provenant du FMI ; statistiques descriptives; régressions MCO. spread des taux comme proxy de la prime de financement externe; fonction d'investissement avec q de Tobin; estimation sur 1989-2003 base de données avec les informations du bilan, des mesures du taux de défaut, et des spreads de crédit pour 900 entreprises américaines sur 19972003; cadre d'analyse de BGG 99 avec introduction d'hétérogénéité entre les emprunteurs, Méthode d'estimation VAR sur CPI, PIB, taux d'intérêt directeur, M1, ratio equity_value ; GMM sur 1981-2003 régression de la variation du log des prix de l'immobilier sur variation du log du PIB (avec retards), variation du log des prix immobiliers retardés, le taux d'intérêt, le taux d'inflation ; puis estimations avec variables instrumentales et GMM. prime de risque estimée selon: 1) spread taux des prêts bancaires et taux à 3 mois des bons du Trésor ; 2) spread taux des obligations à 5 ans des ets et taux des bons du Trésor à 5 ans; 3) spread taux des prêts bancaires et taux des obligations des ets à 5 ans. Moindres Carrés non linéaires; rejet de l'hypothèse nulle d'absence de frictions sur les marchés financiers. Modèle estimé P60 Carlson, King & Lewis (2008) MartinezCarrascal & Ferrando (2008) Mody, Sarno & Taylor (2007) House (2006) Auteurs l'effet accélérateur peut entraîner des effets stabilisateurs: permet aux firmes en sousinvestissement ou sur-investissement d'atteindre le niveau optimal de capital physique ; effets accélérateurs décomposés selon 5 effets ; investissement jusqu'à ce que son coût marginal égalise sa production marginale; le financement de l'investissement par émission d'actions ou par contrat optimal permet d'atteindre un équilibre stable l'accélérateur relie les pays et empêche tout decoupling ; le spread high-yield est le meilleur indicateur pour prévoir l'activité économique ; l'impact d'un choc de crédit est plus persistant en Europe qu'aux US, mais il est initialement plus intense aux US; les frictions sur les marchés financiers amplifient les fluctuations des dépenses des emprunteurs, les positions financières des entreprises conditionnent leurs dépenses en capital; hétérogénéité de résultats selon les pays, liée à la différence de structure financière des entreprises (relation de proximité avec leur banque ou recours fréquent aux marchés obligataires) relation entre stabilité financière et investissement des firmes: si mauvaise santé des marchés financiers et durcissement des conditions d'accès au crédit: cela amplifie les chocs sur les autres secteurs de l'économie. comparaison de l'effet accélérateur entre Amérique du Nord et Europe; analyse de la corrélation des cycles au niveau mondial, sur 19732001, étude de la sensibilité des taux d'investissement aux variations de la position financière des ets; sur 6 pays de la ZE: France, Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique relation entre santé du secteur financier et l'économie; études des plus grandes institutions et entreprises US, sur 1973-2007 Apports étude de l'impact des frictions sur les marchés financiers lorsqu'elles sont dues à un problème de sélection adverse Champs d'étude modèle de pricing de Merton; estimation d'un VAR pour analyser l'effet d'un choc sur les profits sur la variable d'investissement base de données Amadeus, sur 120 000 ets sur 1990-2005; 85 % de ces ets sont des PME; 3 indicateurs de la position financière des firmes: la rofitabilité, l'endettement net, la charge d'intérêts. Statistiques descriptives et graphes VAR et filtre de Kalman ; données trimestrielles du FMI sur 19732001 pour US, Canada, France, Allemagne modèle microfondé à partir de celui de Stiglitz & Weiss et de DeMeza & Webb Méthode d'estimation VAR avec profits non financiers (déflatés), investissement fixe non résidentiel, spread entre AAA et B, médiane de l'indicateur de distance construit. données de panel, estimation par GMM, et modèle à correction d'erreur; variable expliquée = I/K(1) ; variables explicatives = I(-1)/K(-2), variation des ventes et variation des ventes retardée, (stock de capital fixe réel variation des ventes), variable financière (3 alternatives), variable de contrôle du secteur d'activité. VAR sur croissance du PIB, composante régionale du crédit bancaire, composante nationale du crédit bancaire calibration et simulation Modèle estimé P61 P62 Le rôle de l'accélérateur financier Annexe B : Schémas des mécanismes de l’accélérateur financier Schéma n°1 Conséquences d’un choc financier sur la sphère financière P63 Schéma n°2 Conséquences d’un choc financier sur la sphère réelle P64 Le rôle de l'accélérateur financier Schéma n°3 Le canal étroit du crédit dans un contexte de crise financière P65 Schéma n°4 Le canal large du crédit dans un contexte de crise financière P66 Le rôle de l'accélérateur financier Annexe C : Développement du stress financier durant la crise de 2007 Le stress financier transparaît au travers de multiples indicateurs. Cette annexe met en exergue divers graphiques relatifs aux conditions de crédit bancaire pour les entreprises, aux variations de primes de risque sur le marché obligataire et à la volatilité sur le marché actions. L’évolution des agrégats monétaires pour la Zone Euro ainsi que les liens entre les conditions de financement et les dépenses d’investissement des entreprises, l’emploi et les stocks sont également présentés pour différents pays, en référence aux aspects développés dans notre article. UEM : Conditions de crédit aux entreprises Etats-Unis : Senior loan officer survey: Conditions de crédit par tailles d’entreprises* Etats-Unis : Primes de risques 7-10 ans vs oblig. d’Etat (Indices Merrill Lynch) Volatility implicite : VIX index - Marché actions américain P67 Masse monétaire M3, g.a., % France : Crédits aux Entreprises (g.a., %) Etats-Unis : Prime de risque et investissement Etats-Unis : Condition de crédit et investissement Etats-Unis : Conditions de crédit et Stocks Etats-Unis : Conditions de crédit et emploi Le rôle de l'accélérateur financier P68 Annexe D : Compléments statistiques et économétriques Nous présentons dans cette annexe des statistiques plus précises sur les données utilisées lors de notre estimation du comportement d’investissement des entreprises françaises ; et nous rappelons les principes généraux de la méthode économétrique employée. i) Compléments statistiques Les caractéristiques statistiques de nos variables selon la taille des entreprises considérée sont résumées dans les tableaux suivants : P69 P70 Le rôle de l'accélérateur financier ii) Compléments économétriques L’utilisation de données de panel offre un atout considérable dans la conduite de notre étude, puisqu’elle a l’avantage de conserver les effets spécifiques des individus de l’échantillon en estimant un modèle de la forme : basé sur l’observation de i = 1,…, N entreprises, suivies pendant plusieurs périodes successives t = 1,…, T, et où représente l’effet individuel et est un terme représentant les chocs idiosyncratiques. Afin de ne pas être confrontés aux problèmes de non convergence des estimateurs traditionnels “between” (régression sur les variables prises en moyenne), “within” (régression sur les variables prises en écart à leurs moyennes), et des moindres carrés quasi-généralisés, nous avons choisi d’adopter la technique des moments généralisés. Celle-ci permet de relâcher l’ensemble des hypothèses portant sur les résidus, et de faire face aux problèmes de non convergence des estimateurs liés à l’endogénéité de certaines variables explicatives. La méthode des GMM, largement utilisée en données de panel depuis la fin des années 1990, permet donc de traiter avec robustesse ce type de données, dans la mesure où les estimateurs obtenus sont convergents et asymptotiquement normaux. Plus précisément, nous avons appliqué la méthode de GMM dite en panel dynamique et différence première, proposée par Arellano & Bond [1991]. Les estimateurs sont convergents pour les modèles dynamiques quelle que soit la nature des corrélations entre les composants du résidu et les variables du m o d è l e , t o u t e n p re n a n t e n c o n s i d é r a t i o n l ’ a u t o c o r r é l a t i o n d e s c h o c s idiosyncratiques. Cette procédure se déroule en deux étapes afin d’exploiter au mieux toute l’information disponible. La première étape consiste à neutraliser l’impact de l’endogénéité de certaines variables explicatives avec le terme d’erreur, en instrumentant les variables potentiellement corrélées. La seconde étape consiste à utiliser le vecteur des résidus estimés dans l’étape précédente, P71 de manière à obtenir un estimateur asymptotiquement convergent. La spécification en différence première du modèle conduit à prendre pour chaque période la différence première de l’équation à estimer pour traiter les effets spécifiques à chaque individu ; et la terminologie “dynamique” signifie l’inclusion des retards de la variable expliquée dans la liste des variables explicatives. Nous estimons notre modèle en considérant un modèle à effets fixes (les erreurs sont considérées comme des paramètres spécifiques à chaque individu) plutôt qu’aléatoires (les erreurs sont considérées comme des variables aléatoires inobservables et constantes dans le temps) 19 . Cette méthode consiste plus formellement à minimiser la quantité : par rapport au vecteur des paramètres à estimer : ; où Z est la matrice de variables instrumentales, Ω la matrice de variance- covariance des perturbations . Pour un nombre de périodes T fini et pour un nombre d’individus N important, nous pouvons utiliser la généralisation du résultat de White [1980] et nous estimons de façon convergente par : où est le vecteur des résidus estimés lors de la première étape (i.e. avec Ω=I). Le vecteur des paramètres obtenu à la deuxième étape s’écrit donc : Avec X : la matrice des variables explicatives ; y : le vecteur de la variable expliquée. P72 Le rôle de l'accélérateur financier L’utilisation des GMM requiert la définition de variables instrumentales. Les listes alternatives d’instruments que nous avons utilisées dans notre étude sont présentées dans la partie 2.2.3. Nous avons eu le soin de tester la validité de ces combinaisons d’instruments après chacune de nos estimations, au moyen du test de sur-identification de Sargan (1958). Ce dernier repose sur l’hypothèse que les résidus sont non corrélés avec la liste des variables exogènes, si les instruments utilisés sont purement exogènes. L’hypothèse nulle du test accepte la validité des variables retardées utilisées comme instruments (en niveau ou en différence), lorsque la p-value associée au test est supérieure au seuil de première espèce spécifié. P73 Annexe E : Quel objectif d’inflation des prix d’actifs pour les banques centrales ? La prise en compte de la volatilité des prix d’actifs dans la gestion de la politique monétaire suscite un vif débat dans la littérature économique. L’objet de cette annexe n’est naturellement pas d’en faire une revue exhaustive, mais d’en indiquer succinctement les arguments principaux ainsi que les perspectives nouvelles soulevées par la crise. D’un point de vue formel, les modèles analytiques (cadre DSGE) développés pour mesurer le gain de bien-être obtenu avec une cible de prix d’actifs par la banque centrale apportent des résultats contrastés. Bernanke & Gertler [1999] montrent que cet objectif n’octroie pas de bienêtre supplémentaire à l’économie : la cible unique de stabilité d’inflation suffit pour juguler les mouvements spéculatifs sur les actifs, puisque les effets inflationnistes engendrés par une bulle sont normalement intégrés dans les anticipations de la banque centrale. Filardo [2001] indique par ailleurs que la volatilité des prix d’actifs est difficilement conciliable avec la pratique de lissage des taux d’intérêt. Bernanke & Gertler [2001] approfondissent leurs travaux et confirment leur conclusion antérieure : “la meilleure politique monétaire est celle dictée par une règle agressive envers l’inflation, avec cible d’output gap, mais sans référence directe aux prix d’actifs.” Herrera & Perry [2003], Borio & Lowe [2003] soulignent également la relation entre évolution des prix des actifs et cycle du crédit : la hausse des prix d’actifs semble être très fréquemment précédée d’une expansion rapide du crédit, ce qui offre à la croissance des agrégats monétaires un rôle suffisamment prédictif. Dans la littérature, les contributions récentes, défendant cette position, se réfèrent souvent aux arguments suivants : i) Détecter les bulles sur les cours des actifs s’avère particulièrement P74 Le rôle de l'accélérateur financier délicat, surtout en temps réel (difficulté d’estimer la valeur fondamentale d’un actif par rapport à sa valeur de marché) et une Banque Centrale n’est pas mieux positionnée que les acteurs de marché pour cela. ii) Une Banque Centrale perdrait de la crédibilité en cas de mauvais diagnostic d’un choc sur les prix d’actifs, ce qui pourrait altérer sa capacité à guider les anticipations des agents. Une erreur de politique monétaire serait en outre directement néfaste pour l’économie. iii) Les réactions des Banques Centrales pourraient se révéler trop brutales, étant donné que les prix d’actifs sont volatils. Des fluctuations trop amples et fréquentes des taux directeurs deviendraient déstabilisantes pour les marchés. iv) Des divergences dans l’évolution des prix des biens et des services et de la dynamique des cours des actifs boursiers pourraient créer des conflits d’intérêt pour les banques centrales et nuire à la crédibilité de leur stratégie de politique monétaire. v) La cible unique d’inflation des biens et des services favorise la stabilité macroéconomique et de ce fait contribue à endiguer la volatilité financière. D’autres simulations de modèles DSGE aboutissent à des conclusions différentes. Cecchetti & al [2000, 2003] montrent que la prise en compte de l’évolution des prix des actifs dans la décision de politique monétaire permet de soutenir une meilleure performance macroéconomique dans la réalisation des objectifs traditionnels de ciblage de taux d’inflation et de niveau d’output gap 20 . Plus précisément, ce gain s’obtient lorsque les banques centrales réagissent aux fluctuations brutales des prix des actifs, ce qui est différent de l’introduction d’un objectif de cible de prix d’actifs dans la fonction de réaction de la banque centrale. Les banques centrales devraient donc réagir aux fluctuations des prix des actifs, et non cibler un niveau de prix d’actifs. D’autres avantages de la prise en compte des mouvements des prix des actifs sont avancés dans la littérature : P75 i) D’importants déséquilibres mondiaux se sont créés au cours des dix dernières années dans un contexte de liquidité abondante. Cela est propice à la formation de bulles sur les prix des actifs financiers. De tels phénomènes peuvent se révéler particulièrement nuisibles à la stabilité des économies, surtout lorsque les effets d’accélérateur financier sont puissants. ii) La définition d’un cadre d’intervention pour la politique monétaire lors de l’apparition d’une bulle sur les marchés financiers peut permettre de mieux guider les prévisions des agents et ainsi prévenir la volatilité des prix d’actifs. Cela se révèlerait in fine bénéfique pour ancrer les anticipations d’inflation. iii) Les économies développées et les indices d’inflation domestique subissent une influence externe de plus en plus importante, du fait de la mondialisation et du caractère globalisé de la sphère financière. Les prix des actifs financiers deviennent alors de plus en plus pertinents pour rendre compte des dynamiques économiques et des trajectoires qui se profilent. Le débat sur la nécessité d’un objectif de prix d’actifs dans la gestion de la politique monétaire ne peut être tranché aisément vu la complexité et la multiplicité de ses implications. Néanmoins, l’ouverture du spectre d’action des banques centrales lors de la crise de 2007 offre des perspectives nouvelles sur le sujet. Structurellement, les banques centrales pourraient continuer d’ajuster leurs taux directeurs sans objectif sur les cours financiers, mais procéder à des mesures “non conventionnelles” pour atténuer la volatilité sur les prix d’actifs. Ce mode d’intervention différencié selon deux canaux permettrait d’éviter les conflits d’intérêt tout en devenant plus complet et potentiellement plus efficace pour prévenir des situations d’instabilité économique. De plus, ce dispositif pourrait être développé en promouvant encore davantage la coopération des banques centrales, ce qui constituerait un atout supplémentaire pour limiter les tensions sur les prix d’actifs dans un environnement de déséquilibres mondiaux importants. P76 Le rôle de l'accélérateur financier Références bibliographiques Bernanke & Gertler, “Should central bank respond to movements in asset prices ?”, American Economic Review, 2001 Borio & Lowe, “Imbalances or bubbles? Implications for monetary and financial stability”, in Asset Prices bubbles : the implications for monetary, regulatory and international policies, chapter 17, 2003 Cecchetti, Genberg, Lipsky & Wadhwani, “Asset prices and central bank policy”, International Center for Monetary and Banking Studies, 2000 Cecchetti, Genberg & Wadhwani, “Asset prices in a flexible ination targeting framework”, in Asset Prices bubbles : the implications for monetary, regulatory and international policies, chapter 30, 2003 Clerc, “La politique monétaire doit-elle prendre en compte les fluctuations des prix des actifs ? Une application à la zone euro”, 2001 Filardo, “Should Monetary Policy respond to asset prices bubbles? Some experimental results”, Research Working Paper, Federal Reserve Bank of Kansas City, 2001 Gouteron & Szpiro, “Monnaie et prix des actifs”, 2007 Herrerra & Perry, “Tropical bubbles : asset prices in Latin America, 19802001”, in Asset Prices bubbles : the implications for monetary, regulatory and international policies, chapter 9, 2003 P77 Annexe F : OSEO et le FSI L’organisme public français Oséo 21 est né du rapprochement de l’ANVAR (Agence Nationale de la Valorisation de la Recherche) et de la BDPME (Banque du Développement et des PME) en 2005. Son objectif est de “favoriser l’entreprenariat, l’innovation, la compétitivité, le maintien et la création d’emplois, grâce à la simplification de l’accès au financement privé et public des petites et moyennes entreprises”. Sa mission principale est donc le soutien à l’innovation et à la croissance des PME, mission d’autant plus importante depuis la crise financière qu’il s’agit de la catégorie d’entreprises la plus frappée par les effets négatifs de l’accélérateur financier. En 2008, près de 70 000 TPE ou PME ont eu recours à Oséo afin d’obtenir une facilité d’accès au financement bancaire. Trois fonctions principales lui sont attribuées : i) la garantie des financements bancaires ; ii) le cofinancement avec les banques ; iii) le soutien à l’innovation. En complément d’OSEO, le Fonds Stratégique d’Investissement (FSI) a été créé en 2008 par l’Etat français sous forme de Société Anonyme. Son objectif est de faciliter le financement d’entreprises désignées comme “porteuses de croissance” mais qui éprouvent des difficultés à trouver des investisseurs stables. Doté de 20 milliards de fonds propres en 2009, cet organisme a pour fonction de sécuriser le capital d’entreprises stratégiques déjà existantes. Ces deux institutions sont en charge de l’application d’une partie des plans de relance définis par le gouvernement en 2008 et en 2009. En effet, ces derniers sont largement consacrés au soutien des entreprises les plus fragilisées par la crise financière. 26 milliards des 48 milliards totaux du plan de relance budgétaire d’octobre 2008 sont destinés aux PME. Les mesures phares visent d’une part le renforcement de la garantie d’une partie des prêts accordés par les banques, avec une dotation de 8 milliards pour couvrir les prêts non remboursés à l’échéance 2010/2011 ; d’autre part la consolidation des fonds propres de certaines entreprises innovantes via le FSI, avec un ajout de 2 milliards d’euros aux 20 milliards dont il dispose déjà. Cette aide sera accordée aux entreprises éligibles sous forme d’obligations convertibles P78 Le rôle de l'accélérateur financier ou de prêts participatifs rémunérés à taux fixe ou variable, compris entre 6 et 9.5 %. Comme indiqué dans les conclusions de notre étude, un développement structurel de certaines mesures de soutien mises en place par Oséo et le FSI paraît souhaitable, en particulier le fonds de garantie “Lignes de Crédit confirmé” d’Oséo, qui permet aux entreprises éligibles (TPE et PME) rencontrant des difficultés de financement de nature conjoncturelle de disposer de lignes de crédit à court terme, obligatoirement confirmées, sur une durée de 12 à 18 mois maximum. La quotité de garantie varie de 50 à 90 % selon les conditions, et le plafond de risques maximum pour les TPE et PME est pour le moment de 1,5 millions d’euros. La crise financière a provoqué une récession particulièrement sévère dans les pays développés en 2008 et en 2009. L’analyse des composantes de la croissance du PIB montre que c’est l’investissement qui a contribué le plus à la chute de l’activité. L’élasticité des dépenses des entreprises à leur situation financière (conditions de crédit et position bilancielle) a été plus forte que lors des récessions passées. Ce mécanisme, désigné sous le terme d’accélérateur financier, a été tellement puissant que la majorité des instituts de prévisions conjoncturelles a été surprise par l’ampleur du choc économique qu’il a engendré. Etant donné la réduction sensible du stress financier depuis la fin du premier trimestre 2009, l’accélérateur financier devrait a contrario générer un rebond marqué de l’investissement au cours de l’année 2010. Ce phénomène n’est néanmoins pas bénin pour l’économie. Il revêt un caractère dégénérescent, avec une portée déflationniste, si les instances en charge des politiques monétaire et budgétaire n’interviennent pas de manière rapide et massive. Ses effets se caractérisent par ailleurs par deux asymétries. Leur intensité est plus forte en récession qu’en phase de reprise, et ils affectent davantage les petites entreprises, comme nous l’avons vérifié pour la France. Ils induisent alors une perte de potentiel de croissance et une déstabilisation du tissu productif. Une meilleure prise en compte de ces spécificités par les autorités, tant au niveau de l’évaluation des tensions financières que des politiques contracycliques adoptées, permettrait vraisemblablement d’améliorer l’efficacité de l’action publique. amundi.com Working paper Amundi # 4 - Janvier 2010 Transmission d'un choc financier à la sphère réelle : le rôle de l'accélérateur financier Cathy Dolignon, Florian Roger Transmission d'un choc financier à la sphère réelle : le rôle de l'accélérateur financier Working paper Amundi 4 - Janvier 2010 # # 4 - Janvier 2010 WorkingPaper_couvDef_Janvier2010_-ok 20/01/10 10:58 Page1 # 4 Une société de Crédit Agricole / Société Générale P79 NOTES 1 Nous désignons par ce terme l’ensemble de la crise financière et économique qui a frappé les pays développés à partir de l’éclatement des difficultés des subprimes américains. 2 Dans un système de prêts en loan to value, le volume de crédits octroyés est indexé à la valeur du bien acheté et à celle du patrimoine des agents. 3 L’annexe A regroupe tous les travaux que nous avons recensés dans la littérature sur l’accélérateur financier. 4 L’annexe B reprend les mécanismes de l’accélérateur financier de manière nettement plus détaillée. 5 Nous considérons toute cette période pour la contraction d’activité. Le chiffre du T2 2008 a certes été positif mais cela s’explique par des effets mécaniques dus à l’entrée en vigueur de mesures fiscales et n’a modifié en rien la dynamique en cours. 6 Le taux d’investissement productif est calculé comme le ratio de l’investissement non résidentiel sur la valeur ajoutée hors secteur financier. 7 La moyenne de long terme a été calculée pour les pays en fonction des données disponibles et dans le but d’éviter les changements de structure. Elle couvre la période 1970-2009 pour les Etats-Unis, 1978-2009 pour la France et 1991-2009 pour l’Allemagne. 8 Pour dater les récessions en Zone Euro, nous utilisons les travaux du Centre for Economic Policy Research. 9 Les normes comptables en valeur de marché reflètent par définition plus fidèlement la valeur courante des entreprises que des normes en valeur historique. Cela peut structurellement être un atout pour accompagner la croissance des entreprises. En revanche, en cas de choc financier sur la valorisation des entreprises, cette méthode tend à générer un effet pro-cyclique. P80 Le rôle de l'accélérateur financier 10 Disponible sur : https://diane.bvdep.com/version 2009819/cgi/template.dll?product=8 11 SA, SARL, Société en nom collectif, Société en commandite simple, EURL, SA Directoire, Société en action simple. 12 Cela est également le cas pour les statistiques de skewness et kurtosis. 13 Les autres méthodes testées sont : i) la standardisation des variables avec la moyenne tronquée à 1% et le pseudo écart-type ; ii) la standardisation des variables avec la moyenne tronquée à 1% et l’intervalle interquartile. 14 Les statistiques détaillées selon la taille des entreprises figurent en annexe D. 15 Nous ne faisons pas apparaître les résultats obtenus pour la catégorie “grandes entreprises” (effectif supérieur à 250), qui regroupe un trop faible nombre d’individus. Nous avons pu observer que leur inclusion parmi le groupe des moyennes entreprises ne modifiait que peu les mouvements généraux des variables. Nous préférons donc écarter cette catégorie de firmes de notre analyse, afin de ne pas être confrontés à des biais d’interprétation de nos résultats. 16 Les données sont également centrées et normées pour traiter des différences de taille entre les catégories d’entreprises. 17 Davantage de détails sur cette méthode économétrique figurent en annexe D. 18 Toutefois, la p-value associée au test de Sargan concernant la validité des instruments est relativement faible pour ces spécifications, ce qui pourrait atténuer la robustesse de nos résultats. 19 Pour davantage d’informations sur cette méthode, voir “Panel Data Econometrics”, Arellano, 2003 P81 20 “[a] central bank concerned with both hitting an inflation target at a given time horizon, and achieving as smooth a path as possible for inflation, is likely to achieve superior performance by adjusting its policy instruments not only to inflation (or to its inflation forecast) and the output gap, but to asset prices as well”, Cecchetti, Genberg, Lipsky & Wadhwani, “Asset prices and central bank policy”, International Center for Monetary and Banking Studies, 2000. 21 Plus d’informations sur Oséo sont disponibles sur : http://www.oseo.fr/ 22 Plus d’informations sur le FSI sont disponibles sur : http://www.fonds-fsi.fr/ P83 Bien que les informations contenues dans cette publication soient prises à des sources considérées comme dignes de foi, notre responsabilité n'est pas engagée. Cette publication ne peut être reproduite, en totalité ou en partie, ou communiquée à des tiers sans notre autorisation. Edité par AMUNDI - Siège social : 90, boulevard Pasteur - 75015 Paris - France. Adresse postale : 90, boulevard Pasteur - 75730 Paris Cedex 15 - France - Tél. : + 33 (0)1 43 23 30 30 www.amundi.com. Société anonyme au capital de 578 002 350 euros - Société de gestion de portefeuille agréée par l'AMF n° GP 04000036 - 437 574 452 RCS Paris. Ce document utilise la certification PEFC garantissant la gestion durable des forêts. Ce document a été imprimé par un professionnel labellisé Imprim’Vert.