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Chapitre 5 : L’INVESTISSEMENT
Au coeur de la polémique, l’investissement est à la fois le produit et l’un des moteurs de
la croissance économique. Cette variable essentielle pour le bon fonctionnement de l’appareil
productif recouvre une réalité aux contours relativement flous.
L’investissement détermine largement les capacités de production et indirectement le niveau
de l’emploi. On comprend, dès lors, qu’il soit au cœur des débats et l’un des enjeux des
politiques économiques, tant pour ses déterminants que pour ses effets.
1. Notion d’investissement
1.1 Définition
Au sens étroit, acquisition de biens de production en vue de l’exploitation d’une
entreprise et de dégager un revenu ou une augmentation de la capacité de production.
Au sens large acquisition d’un capital en vue d’en percevoir ou d’en consommer le
revenu.
Au sens de la comptabilité nationale, l’investissement comprend le renouvellement des
équipements et l’augmentation apportée au cours d’une période au patrimoine d’un
agent. L’ensemble de ces opérations constitue la Formation Brute de capital fixe
(FBCF). La FBCF est réalisée par les entreprises, ou les administrations, mais
également par les ménages dont l’acquisition de logements est considérée comme un
investissement. Pour mesurer l’investissement, il faut distinguer le taux
d’Investissement du taux de variation d’Investissement :
Taux d’Investissement = effort d’Investissement = (FBCF/VAB) x 100
Taux de variation de l’investissement = évolution de l’Investissement dans le
temps = {(I1-I0)/I0} x 100
On peut donc considérer comme investissement : l’achat d’un logement, l’éducation et
les dépenses de recherche et développement (investissement immatériel), l’acquisition
de moyens de production par une entreprise, les dépenses d’infrastructure des
administrations publiques (investissement collectif), l’acquisition d’un fonds de
commerce, de brevets et de licences (investissements incorporels) etc.
1.2 Formes d’investissement
Les principales classifications sont :
Selon la classification comptable, basée sur le critère des actifs investis, on distingue
trois catégories d’investissement : les actifs corporels correspondant aux biens
physiques (équipements, installations techniques, machines et outillage, etc.), les actifs
incorporels ou investissements immatériels (fonds de commerce, brevets, licences,
logiciels informatiques, etc.) et les actifs financiers supports à une prise de
participation et de contrôle. Cette classification des investissements est celle retracée
dans le bilan comptable d’une entreprise.
En fonction des effets attendus sur la structure productive, on distingue habituellement :
- L’investissement de capacité correspond à une augmentation de la capacité
de production. On installe de nouvelles machines, une nouvelle chaîne de
montage, etc., pour répondre à une augmentation de la demande ;
- L’investissement de remplacement représente l’acquisition de machines dans
le but de renouveler le capital usé ou obsolète ;
- L’investissement de productivité ou de rationalisation a pour objet d’accroître
l’efficacité du travail humain. Il peut parfois se traduire par le remplacement des
hommes par des machines.
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2. Les fondements théoriques
L’investissement, constitue depuis longtemps un des principaux domaines de recherche de la
théorie économique, mais aussi l’un des terrains de controverses les plus vives.
2.1 La vision des classiques
Fondamentalement macroéconomique, la théorie classique, fournit un cadre très insuffisant
pour l’analyse de l’investissement. La théorie économique ne lui réserve qu’une place implicite.
Pour les auteurs classiques, l’investissement constitue un préalable nécessaire au
développement de l’industrie; mais demeure tributaire de la détermination des fonds
d’épargne. Il est fini comme la partie de la production qui n’est pas destinée à la
consommation immédiate et que les agents économiques conservent dans le but de s’assurer
des satisfactions futures. L’équilibre suppose que la demande prévue des biens
d’investissement soit égale à l’épargne. Le mécanisme de l’offre et de la demande permet
d’atteindre cet équilibre. L’épargne constitue l’offre des fonds destinés au financement de
l’investissement. Cette offre est une fonction croissante de son prix « taux d’intérêt ».
2.2 La vision keynésienne
Keynes remet en cause certaines hypothèses de la théorie classique. Cette dernière
considérait que si le revenu augmente, l’investissement sera toujours suffisant pour absorber
la partie de ce revenu non consommé. Pour Keynes, au contraire, les évolutions de
l’investissement et du revenu sont indépendantes.
Le maintien de l’équilibre de plein emploi en cas de demande d’investissement insuffisante
exige l’intervention des pouvoirs publics par le biais de la demande de l’investissement public.
L’investissement privé ne dépend plus du revenu national mais des perspectives de profit des
entrepreneurs en comparant le taux de rendement de l’investissement et son coût (le taux
d’intérêt).
Keynes conteste aussi la manière dont le taux d’intérêt est déterminé chez les classiques, le
taux d’intérêt n’apparaît plus comme un prix, il est déterminé par des phénomènes d’ordre
monétaire (offre et demande de monnaie) et psychologique (préférence pour la liquidité)
indépendants de l’investissement.
3. Les déterminants de l’investissement
Investir, c’est pour un entrepreneur faire un pari sur l’avenir. De fait, les dépenses engagées
n’auront des effets que ultérieurement. L’investissement relève ainsi d’une cision
microéconomique et d’un ensemble de paramètres le conditionnant en tant que phénomène
macroéconomique.
3.1 L’investissement comme décision microéconomique
Du point de vue empirique et microéconomique, la décision d’investissement s’explique par
des motifs et des contraintes divers : la recherche du profit, la possibilité d’autofinancement,
l’accroissement du pouvoir de l’entreprise, les possibilités d’accès peu onéreux au crédit, l’effet
benchmarking, etc.
Mais les modèles théoriques privilégient le seul motif de rentabilité, en tenant compte du coût
d’opportunité (ce que rapporterait le placement du montant de l’investissement dans une autre
opération substituable) et de la préférence pour le présent.
Il ne suffit pas de décider d’investir, il faut également en avoir les moyens. Pour ce faire,
l’entreprise a la possibili de faire appel à un financement externe, par emprunt ou
augmentation de capital, ou puiser dans ses réserves par autofinancement.
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3.2 L’investissement comme phénomène macroéconomique
Si la décision d’investir est d’abord microéconomique, c'est-à-dire qu’il dépend de
l’entrepreneur, il dépend ensuite et surtout de paramètres macroéconomiques.
a- L’influence du taux d’intérêt
Un niveau élevé de taux d’intérêt est généralement considéré comme un frein à
l’investissement. Mais cela dépend du rendement attendu de l’investissement. La notion
d’efficacité marginale du capital, introduite par Keynes, permet ainsi de savoir si un
investissement peut être réalisée, compte tenu du niveau du taux d’intérêt. C’est en comparant
l’efficacité marginale du capital et le taux d’intérêt que l’entrepreneur prendra sa décision
d’investir ou non. Il ne réalisera l’investissement que si l’efficacité marginale du capital est
supérieure au taux d’intérêt.
b- L’influence de la demande
La demande influence l’investissement. Elle est composée de la consommation des ménages,
de la demande extérieure (les exportations), mais également de l’investissement, qui
correspond à une demande de biens de production. Pour que les entreprises décident
d’investir, il faut que leur capacité productive soit durablement inférieure à la demande qu’elles
anticipent. Ainsi le taux d’utilisation des capacités de production permet d’anticiper l’évolution
de l’investissement.
Cet effet de la demande sur le volume de l’investissement est formalisé dans le mécanisme de
l’accélérateur (voir encadré suivant). Les variations de la demande exercent un effet
amplificateur sur celles de l’investissement.
L’accélérateur
Le principe de l’accélérateur repose sur l’existence d’un effet de capacité. S’il existe une
liaison stable entre le niveau de la demande et les équipements nécessaires, alors toute
hausse de la demande entraîne une augmentation plus forte de l’investissement.
L’effet accélérateur repose cependant sur plusieurs hypothèses qui en atténuent la
portée notamment :
Il n’existe pas de capacité de production inemployée. L’effet ne joue à plein que si les
entreprises sont obligées d’augmenter leur capital pour faire face à l’accroissement de
la demande. Dans l’hypothèse courante lors de récession, les entreprises disposent
de capacités de production inemployées, l’effet ne joue pas ;
Les entreprises cherchent systématiquement à répondre à l’augmentation de la
demande. On pourrait envisager que l’ajustement entre l’offre et la demande se fasse
par une augmentation des prix. Pierre André Corpron
4. Les effets économiques de l’investissement
Les conséquences économiques de l’investissement sont multiples. Seule opération majeure à
avoir une influence tant du côté de l’offre que de la demande, son impact sur la croissance
économique et sur l’emploi peut être considérable.
4.1 Effets d’offre et de demande
L’investissement fait d’abord partie des composantes de la demande. En effet il
correspond à une demande exprimée auprès des producteurs de biens d’équipement.
Lorsque les entreprises investissent, le flux de dépenses qu’elles réalisent donne lieu à
une distribution de revenus. Ainsi une dépense initiale d’investissement se traduit par
une succession de flux de revenus et de dépense. C’est ce mécanisme que l’on
appelle, à la suite de Keynes, le multiplicateur d’investissement. Il montre qu’en
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définitive, une dépense d’investissement supplémentaire se traduit par une
augmentation plus que proportionnelle du niveau de la demande. L’effet multiplicateur
est d’autant plus grand que la propension marginale à consommer est forte c'est-à-
dire que les ménages consacrent à la consommation une fraction importante de leur
supplément de revenu et que la propension marginale à importer est faible.
L’investissement contribue également à accroître l’offre en augmentant les capacités
productives. Ses effets diffèrent cependant selon la forme qu’il revêt. Par nature, un
investissement de capacité accroît l’offre. Il correspond à une volonté de produire
davantage et traduit le désir d’augmenter la taille de l’entreprise. Dans le cas d’un
investissement de productivité, c’est la compétitivité de l’entreprise qui est en jeu. Son
amélioration est redue possible par la diminution des coûts unitaires de production.
L’entreprise peut ainsi gagner des part de marché et, à terme, voir sa production
augmenter. Quant à l’investissement de remplacement, sa croissance permet un
rajeunissement du capital en accélérant le renouvellement des équipements usagés. En
revanche, son recul est dangereux car il provoque, à terme, un vieillissement de
l’appareil productif.
4.2 Investissement et croissance
Les trente glorieuses ont été marquées par un taux d’investissement et un taux de croissance
économique exceptionnellement élevés. La corrélation entre taux de croissance et taux
d’investissement apparaît nettement. La contribution de l’investissement à la croissance se
mesure par le produit de son taux de croissance par son poids dans le PIB.
Une augmentation des investissements entraîne une croissance des revenus, en vertu de
l’effet multiplicateur, et donc une augmentation de la demande. Cette demande
supplémentaire provoque un besoin de capital nouveau qui se traduit par des investissements
(effet accélérateur).
4.3 Investissement et emploi
La question des effets de l’investissement sur l’emploi est très controversée ; les
conséquences dépendent essentiellement du type d’investissement réalisé.
Dans le cadre d’un investissement de capacité, l’emploi a toutes les chances de
progresser.
A court terme, l’investissement de productivité peut provoquer du chômage. Certes, il
crée des emplois dans les secteurs qui produisent les nouveaux biens d’équipement,
mais il contribue souvent à en détruire dans les secteurs traditionnels. Rien ne permet
d’affirmer que les deux phénomènes se compensent. De plus, les qualifications
nécessaires pour les nouveaux emplois ne correspondent pas cessairement à celles
des emplois supprimés. Il n’y a donc pas de substitution totale des emplois détruits par
les emplois crées.
Une autre question se pose avec acuité depuis quelques années. Celle de la destination
géographique des investissements. L’ouverture des économies s’est traduite par un
accroissement des investissements directs à l’étranger. Les entreprises vont chercher les lieux
de production les plus efficaces ou les plus proches des marchés. Si le coût du travail,
productivité comparable, est plus faible à l’étranger, cela peut conduire à des suppressions
d’emplois.
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