Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
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d’enquête internationale dépêchée sur place peu après (Cohn, Renaudel, Schaper et Shaw, 1920:
16). De même, à Pińsk, en avril 1919, les troupes polonaises qui venaient de reconquérir la ville
massacrent 35 Juifs accusés de « judéo-bolchevisme » ; à Vilnius, après trois jours de combat (avril
1919), les Juifs sont accusés d’avoir aidé l’armée rouge : « Il y a eu 67 morts, hommes, femmes et
enfants. Le pillage qui a suivi l’entrée des troupes n’a pas seulement duré quelques jours, mais des
semaines » (Cohn et al., 1920: 28) ; à Minsk, le 8 août, dès l’entrée des troupes polonaises le
quartier juif est pillé (37 morts) ainsi que les villages alentours (environ 160 morts). Cette fièvre
antisémite ne se limite pas aux Confins. A Kielce, le pillage du quartier juif, en novembre 1918, fait 4
morts et des centaines de blessés (Maciągowski, 2008: 38) et même à Cracovie, il y a 2 morts sur le
marché, en juin 1919 (Cohn et al., 1920: 16-30 ; Korzec, 1980: 75-85 ; Tomaszewski, 1984 ; Engel,
2003).
1930-1938. La « pacification » des territoires ukrainiens*
Le rattachement de l’Ukraine occidentale (Galicie, Volhynie) à la nouvelle Pologne indépendante,
acté par la Conférence des ambassadeurs de la SDN (15 mars 1923), devait s’accompagner de
mesures d’autonomie pour les Ruthènes (uniates) et les Ukrainiens (chrétiens orthodoxes),
majoritaires dans les campagnes. Or, les autorités polonaises ne respectent pas les engagements du
Traité des minorités. Elles multiplient les mesures de « polonisation » : prédominance du polonais
dans les écoles ukrainiennes, colonisation par l’installation dans les campagnes de dizaines de
milliers de Polonais (notamment des soldats démobilisés de la guerre contre les bolcheviques), refus
d’autonomie pour les collectivités locales, etc. Cette assimilation forcée produit inévitablement une
réaction inverse de celle recherchée. Les groupes nationalistes se radicalisent, multiplient les
attentats terroristes qui font des dizaines de victimes (dont en juin 1934, le ministre de l’Intérieur
Bronisław Pieracki) ; ils revendiquent un Etat indépendant avec un réel écho dans la population
ukrainienne. Les autorités polonaises y répondent par de vastes campagnes de répression policière,
ferment des églises et des universités. Du 16 septembre au 30 novembre 1930, l’armée « pacifie »
la région de Lwów, « arrête 1 739 personnes et en juge 1 143. Les lycées ukrainiens de Rohatyn,
Drohobycz et Tarnopol sont fermés. » (Beauvois, 1995: 318). Cette répression s’étend sur toute la
période, jusqu’en 1938 qui voit la fermeture par l’armée de 190 églises orthodoxes. Les nationalistes
– particulièrement l’OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et sa branche armée,
l’Organisation militaire ukrainienne (UVO) – en tirent avantage, repoussent tout compromis,
redoublent les actions terroristes, et se tournent même vers les services secrets allemands, leurs
membres étant entraînés dans l’école du Parti national socialiste des travailleurs allemands (NSDAP)
à Leipzig. Le nombre de victimes civiles de ces dix années de conflit est mal connu, mais il construit
une haine entre les populations polonaises et ukrainiennes dont les conséquences seront tragiques
dans les années 1940 (Beauvois, 2005 ; Paczkowski, 2007).
1935-1937. Violences à Grodno, Varsovie et en Galicie*
A l’appel de groupes antisémites (ONR, nationalistes radicaux) liés au gouvernement, les attaques
de boutiques juives, les agressions individuelles et même les attaques à la bombe se multiplient au
milieu des années trente. Une vague de violences se répand dans les Confins de l’est, au point que
l’on a parlé de pogroms (Cała, Węgrzynek et Zalewska, 2000: 258) à Grodno (juin 1935), puis à
Mińsk Mazowiecki, Odrzywół, Truskolas, Kłobuck, Przytyk, Brześć et dans de nombreuses autres
localités (1936-1937) : « Les incidents surviennent avec une grande facilité. Il suffit, en effet, qu’un
seul Juif soit pris en défaut pour que la communauté juive toute entière ait à répondre de ses actes »
(Korzec, 1980: 246). Il reste que l’évaluation de l’importance de ces violences est encore incertaine.
Les travaux les plus récents tendent à minimiser le nombre de victimes, sur une centaine d’actions
violentes documentées, quatorze victimes ont été recensées (Żyndul, 1994).
II. Terreur nazie et répression stalinienne (1939-1941)
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