Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
w.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance)
Chronologie de la Pologne 1918-1948
Longtemps partagée entre les empires russe, autrichien et allemand (1795-1918), la Pologne
recouvre son indépendance le 11 novembre 1918. Ses frontières de référence sont reconnues par la
Société des Nations (SDN) en 1923, après plusieurs campagnes militaires. C’est un territoire de
plaines qui s’étend sur 389 000 km2, limité à l’ouest par les districts de Katowice, Poznań et Toruń
avec un accès à la mer baltique près de Dantzig ville libre (Gdańsk), et à l’est par Wilno (Vilnius),
Tarnopol et Stanisławów. Le nouvel Etat adopte une constitution démocratique parlementaire en
1921. A cette date, il compte 31,9 millions d’habitants dont plusieurs minorités – Ukrainiens 14, 3 %,
Juifs 7,8 %, Biélorusses 3,9 % et Allemands 3,9 % –, et tous sont citoyens polonais (Glowny Urzad
Statystyczny, 2003: 382).
Pendant trente années au cours de la première moitié du XXe siècle, ce pays subit plusieurs vagues
de violences mais d’ampleur très différente. Pendant les vingt premières années et dans l’immédiat
après guerre, les tensions politiques et inter-minorités se soldent par un climat d’insécurité pour de
larges pans de la population, et par des victimes civiles lors d’affrontements armés. En revanche, les
violences de masse atteignent une ampleur sans précédent pendant la guerre (1939-1945), qui se
solde pour la Pologne par la perte de plus de 17 % de sa population civile (dont 90 % des Juifs
polonais). Décidés lors des conférences interalliées de Yalta et Potsdam (1945), les déplacements de
frontières et les transferts de populations allemandes, ukrainiennes et polonaises façonnent, à partir
de 1948, une société mono-ethnique. Ces vagues de violences s’étalent sur quatre périodes :
- Tensions et violences contre les minorités (1918-1939)
- Terreur nazie et répression stalinienne (1939-1941)
- Extermination des Juifs et l’épuration raciale du territoire (1941-1945)
- Prise du pouvoir par les communistes (1945-1948)
I. Tensions et violences contre les minorités (1918-1939)
La nouvelle Pologne fondée le 11 novembre 1918, avec à sa tête Józef Piłsudski (1867-1935), connaît
une situation politique délicate. Elle entreprend d’unifier trois territoires séparés pendant le XIXe
siècle, et de moderniser une économie à dominante agricole ; elle forme une administration et une
armée, tout en étant engagée par six conflits à ses frontières, notamment avec la Russie
bolchevique. Dévastée par la Première Guerre mondiale dont elle fut un des principaux terrains de
manoeuvre, la Pologne doit faire face à des tensions internes avec les minorités. Dans les régions
dites des « Confins » à l’est, là où les Polonais sont minoritaires (sauf dans les villes), les frontières
orientales sont âprement disputées entre 1919 et 1921 (conquête de Wilno (Vilnius), guerre
polono-soviétique et polono-ukrainienne), au prix d’affrontements nationaux meurtriers pour les
populations civiles. Au sud, un soulèvement des Polonais permet le rattachement de la Haute-Silésie
(août 1920).
Le nouvel Etat indépendant qui voit la reconnaissance internationale de ses frontières par la SDN en
1922-1923, adopte une constitution démocratique de type parlementaire, inspirée du modèle
Page 1 of 26
Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
w.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance)
républicain français (1921). Mais le pouvoir exécutif rencontre de nombreuses difficultés face à une
surenchère parlementaire et aux troubles de la rue, que symbolise l’assassinat du premier président
de la République, Gabriel Narutowicz (1865-1922), deux jours à peine après son entrée en fonction.
En 1926, le maréchal Józef Piłsudski, soutenu par la gauche et les minorités nationales, reprend les
rênes du pouvoir à la suite d’un coup de force. Il limite les pouvoirs des parlementaires et lance un «
assainissement » (sanacją ), d’abord propice à l’épanouissement du pays ; puis avec les difficultés
économiques et sociales, il limite les libertés politiques et concentre de plus en plus de pouvoirs
entre ses mains. Peu avant sa mort, ses successeurs réforment la constitution (1934) et
transforment le régime en un Etat semi-dictatorial.
Dès le début des années vingt, les autorités polonaises s’engagent dans des politiques de «
polonisation » qui exacerbent les revendications nationales, et accumulent des contentieux pour
l’avenir. Bien que bénéficiant constitutionnellement des mêmes droits – la Pologne a ratifié en 1920
le Traité des Minorités annexé au Traité de Versailles – les populations minoritaires (Allemands,
Ukrainiens, Biélorusses, Juifs, etc.) se plaignent de multiples discriminations. Les engagements du
Traité ne sont pas respectés. Ainsi, les Ukrainiens de la Galicie occidentale et de la Volhynie
(annexées en 1923) se heurtent à des politiques d’assimilation forcée et de colonisation qui tournent
– sous couvert de « pacification » – à l’affrontement sanglant avec les nationalistes (attentats). De
même, les sentiments antisémites qu’attisent des groupes nationalistes polonais et l’Eglise
catholique, se transforment en actes violents souvent très meurtriers : boycott des entreprises et
des commerces juifs, quotas et « ghettos des bancs » à l’université, pogroms, etc. D’ailleurs, après
avoir rompu avec le Traité des Minorités (adopté sous l’égide de la SDN en 1934), le gouvernement
finit par faire voter en 1938 des lois ouvertement antisémites (limitation de l’abattage rituel), et
donne l’ordre à l’armée de détruire les églises orthodoxes dans les zones ukrainiennes pendant l’été
1938 (Korzec, 1980: 248 et sq. ; Beauvois, 1995: 318).
Dans le même temps, l’agitation sociale gagne les grandes villes (Varsovie, Łódź, Lwów) alors que
l’économie se redresse et que s’esquisse à gauche la perspective d’un « front populaire ». Toutefois,
la violente répression des grèves et des mouvements paysans (1936-1937) et la limitation des
libertés politiques bloquent cette issue. Les gouvernants tirent arguments des tensions pour limiter
les libertés civiques et arrêter des responsables de l’opposition.
A l’extérieur, les dirigeants polonais cherchent à neutraliser les deux grands voisins selon un «
principe d’équilibre » établi par le maréchal Józef Piłsudski. Ils signent des traités de non agression
avec la Russie stalinienne (1932) et l’Allemagne nazie (1934), tout en admettant des garanties de la
France et du Royaume-Uni. Face à la pression allemande qui exige le rattachement de Dantzig au
Reich, la politique d’apaisement des Britanniques et des Français (accord de Munich, 1938), place les
dirigeants polonais dans une impasse. Ce qui contribue, malgré un regain économique, à nourrir des
fuites en avant nationalistes (ultimatum à la Lituanie et annexion de Tesin, 1938), et conduit le pays
au désastre. De plus, ces dirigeants ne peuvent anticiper le rapprochement entre Hitler et Staline
(Pacte germano-soviétique, août 1939) qui rend possible l’offensive hitlérienne et un nouveau
partage de la Pologne (Cienciala, 2007).
Chronologie
1918-1919. Pogroms à Wilno, Lwów, Pińsk et autres villes**
La conquête des frontières orientales de la Pologne est l’occasion de débordements nationalistes et
antisémites à l’origine d’une vague de pogroms sanglants qui aurait touché une centaine de
localités. Les pillages sont souvent au centre des massacres. Ainsi à Lwów, après l’entrée des
troupes polonaises, les 22-24 novembre 1918, les soldats se déchaînent contre les Juifs à l’occasion
d’un « quartier libre » : 72 morts, 300 blessés, 3 synagogues détruites, selon une commission
Page 2 of 26
Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
w.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance)
d’enquête internationale dépêchée sur place peu après (Cohn, Renaudel, Schaper et Shaw, 1920:
16). De même, à Pińsk, en avril 1919, les troupes polonaises qui venaient de reconquérir la ville
massacrent 35 Juifs accusés de « judéo-bolchevisme » ; à Vilnius, après trois jours de combat (avril
1919), les Juifs sont accusés d’avoir aidé l’armée rouge : « Il y a eu 67 morts, hommes, femmes et
enfants. Le pillage qui a suivi l’entrée des troupes n’a pas seulement duré quelques jours, mais des
semaines » (Cohn et al., 1920: 28) ; à Minsk, le 8 août, dès l’entrée des troupes polonaises le
quartier juif est pillé (37 morts) ainsi que les villages alentours (environ 160 morts). Cette fièvre
antisémite ne se limite pas aux Confins. A Kielce, le pillage du quartier juif, en novembre 1918, fait 4
morts et des centaines de blessés (Maciągowski, 2008: 38) et même à Cracovie, il y a 2 morts sur le
marché, en juin 1919 (Cohn et al., 1920: 16-30 ; Korzec, 1980: 75-85 ; Tomaszewski, 1984 ; Engel,
2003).
1930-1938. La « pacification » des territoires ukrainiens*
Le rattachement de l’Ukraine occidentale (Galicie, Volhynie) à la nouvelle Pologne indépendante,
acté par la Conférence des ambassadeurs de la SDN (15 mars 1923), devait s’accompagner de
mesures d’autonomie pour les Ruthènes (uniates) et les Ukrainiens (chrétiens orthodoxes),
majoritaires dans les campagnes. Or, les autorités polonaises ne respectent pas les engagements du
Traité des minorités. Elles multiplient les mesures de « polonisation » : prédominance du polonais
dans les écoles ukrainiennes, colonisation par l’installation dans les campagnes de dizaines de
milliers de Polonais (notamment des soldats démobilisés de la guerre contre les bolcheviques), refus
d’autonomie pour les collectivités locales, etc. Cette assimilation forcée produit inévitablement une
réaction inverse de celle recherchée. Les groupes nationalistes se radicalisent, multiplient les
attentats terroristes qui font des dizaines de victimes (dont en juin 1934, le ministre de l’Intérieur
Bronisław Pieracki) ; ils revendiquent un Etat indépendant avec un réel écho dans la population
ukrainienne. Les autorités polonaises y répondent par de vastes campagnes de répression policière,
ferment des églises et des universités. Du 16 septembre au 30 novembre 1930, l’armée « pacifie »
la région de Lwów, « arrête 1 739 personnes et en juge 1 143. Les lycées ukrainiens de Rohatyn,
Drohobycz et Tarnopol sont fermés. » (Beauvois, 1995: 318). Cette répression s’étend sur toute la
période, jusqu’en 1938 qui voit la fermeture par l’armée de 190 églises orthodoxes. Les nationalistes
– particulièrement l’OUN (Organisation des nationalistes ukrainiens) et sa branche armée,
l’Organisation militaire ukrainienne (UVO) – en tirent avantage, repoussent tout compromis,
redoublent les actions terroristes, et se tournent même vers les services secrets allemands, leurs
membres étant entraînés dans l’école du Parti national socialiste des travailleurs allemands (NSDAP)
à Leipzig. Le nombre de victimes civiles de ces dix années de conflit est mal connu, mais il construit
une haine entre les populations polonaises et ukrainiennes dont les conséquences seront tragiques
dans les années 1940 (Beauvois, 2005 ; Paczkowski, 2007).
1935-1937. Violences à Grodno, Varsovie et en Galicie*
A l’appel de groupes antisémites (ONR, nationalistes radicaux) liés au gouvernement, les attaques
de boutiques juives, les agressions individuelles et même les attaques à la bombe se multiplient au
milieu des années trente. Une vague de violences se répand dans les Confins de l’est, au point que
l’on a parlé de pogroms (Cała, Węgrzynek et Zalewska, 2000: 258) à Grodno (juin 1935), puis à
Mińsk Mazowiecki, Odrzywół, Truskolas, Kłobuck, Przytyk, Brześć et dans de nombreuses autres
localités (1936-1937) : « Les incidents surviennent avec une grande facilité. Il suffit, en effet, qu’un
seul Juif soit pris en défaut pour que la communauté juive toute entière ait à répondre de ses actes »
(Korzec, 1980: 246). Il reste que l’évaluation de l’importance de ces violences est encore incertaine.
Les travaux les plus récents tendent à minimiser le nombre de victimes, sur une centaine d’actions
violentes documentées, quatorze victimes ont été recensées (Żyndul, 1994).
II. Terreur nazie et répression stalinienne (1939-1941)
Page 3 of 26
Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
w.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance)
L’attaque allemande de la Pologne, le 1er septembre 1939, est suivie le 17 d’une invasion des
régions de l’est par les troupes soviétiques. L’armée polonaise, mal préparée et moins bien équipée
que ses adversaires, résiste difficilement tandis que la population civile tente de fuir – plus de 600
000 personnes y parviennent, dont 270 000 Juifs (Sienkiewicz et Hryciuk, 2008: 34, 106). Le
gouvernement polonais se réfugie en Roumanie pendant la nuit du 17 au 18 septembre ; la
population de Varsovie résiste jusqu’au 28.
Cette « campagne de septembre » se solde pour l’armée polonaise par 70 000 morts (officiers et
soldats) et 133 000 blessés. Trois cent mille hommes sont faits prisonniers par les Allemands, 230
000 par les Soviétiques, et 83 000 s’enfuient (par la Hongrie et la Roumanie) ou encore se cachent
(Łuczak, 2007: 24 et sq. ; Roszkowski, 2005: 91). Les deux occupants se partagent le territoire
polonais le long d’une frontière fixée le 28 septembre 1939 par un nouvel accord germano-
soviétique.
A l’ouest , la zone allemande comprend 48,4 % du territoire polonais et 62,7 % de la population
(22,1 millions). Une partie (Toruń, Poznań, Łódź et Katowice) est intégrée, avec la ville de Gdańsk, au
IIIe Reich sous le nom de Warthegau (la Warta est la rivière de Poznań), tandis qu’est formé avec les
quatre provinces centrales un Generalgouvernement Polen (Gouvernement général), sous l’autorité
d’une administration allemande que commande le gouverneur général Hans Frank (1900-1946), un
proche d’Hitler. Sur l’ensemble de la zone, l’occupant met immédiatement en place un appareil
répressif gigantesque contre les habitants : des milliers de camps de travail et de transit, 18 camps
de concentration (Stutthof, septembre 1939 ; Auschwitz, mai 1940 ; etc.), 500 prisons de la gestapo
où la torture est régulière (Chmielarz 2009: 91-100).
La terreur contre les populations civiles commence dès septembre. Elle est d’emblée raciale et
exterminatrice. A l’arrière des troupes de la Wehrmacht , des unités spéciales (la police allemande,
huit Einsatzgruppen, « groupes d’intervention » particulièrement préparés, et des unités de
Volksdeutsches ) multiplient les arrestations et les exécutions de masse de Juifs, de prêtres et de
l’élite polonaise, jugés « anti-allemands » (cf. Browning, 2007: 31, 45). Les populations de nationalité
allemande ou d’origine allemande des territoires occupés sont recensées selon quatre catégories
définies par Himmler ; deux millions d’entre eux, dont la moitié en Silésie, signent – parfois sous la
contrainte – une Deutsche Volksliste (DVL) qui signifie un ralliement à l’occupant (Paczkowski, 1995:
24). Selon leur catégorie, ils bénéficient d’avantages en nature (logement, alimentation) ; environ
375 000 sont incorporés dans la Wehrmacht alors que seulement 40 % étaient « polonais de
nationalité allemande » avant la guerre (Zmyślony, 2009).
Des « transferts » de centaines de milliers de personnes sont organisés d’une zone à l’autre, en vue
de dégager un « espace vital » sans Juifs ni Tsiganes, avec un minimum de « Slaves » réduits à
l’esclavage. Tout citoyen polonais est contraint au travail dès l’âge de 14 ans (12 ans pour les Juifs).
L’administration nazie les réquisitionne et les envoie en Allemagne – 2,85 millions de 1939 à 1944
(Glowny Urzad Statystyczny, 2003: 366) –, à l’exception des Juifs qui sont dirigés vers des chantiers
et des camps de travail sur le territoire occupé.
Dès les premiers jours d’occupation, les Juifs sont soumis à de multiples interdictions. Ils sont
recensés, marqués (port d’un brassard blanc avec une étoile de David bleue) et isolés des autres
populations. A partir d’octobre 1939 (à Piotrków Trybunalski), les Allemands les enferment dans des
quartiers séparés par des murs ou des barbelés, les ghettos. Auparavant, des « Conseils juifs »
(Judenrat ) et une « police juive » ont été nommés pour « une parfaite exécution » des ordres nazis
(cf. Hilberg, 1991: 168). Dans ces ghettos – environ 400 – où pendant deux ans survivent plus de 90
% des Juifs polonais, le taux de mortalité (faim, typhus, etc.) est très élevé (Hilberg, 1991: 199 et
sq.).
Pour l’Obergruppenführer SS Reinhard Heydrich (1904-1942), le grand organisateur nazi de cette
Page 4 of 26
Published on Encyclopédie des violences de masse (http://ww
w.sciencespo.fr/mass-violence-war-massacre-resistance)
terreur, la ghettoïsation des Juifs doit servir à la germanisation complète de l’« espace vital ». Elle
est également une étape intermédiaire vers une « solution finale de la question juive », d’abord
pensée via une expulsion vers des terres lointaines, à Madagascar ou en Sibérie (Hilberg, 1991:188).
A l’est , la répression soviétique obéit à une autre logique. Le 17 septembre 1939 à 2h du matin,
l’ambassadeur polonais est convoqué à Moscou, et les autorités lui signifient qu’au « vu de la
banqueroute de l’Etat polonais », l’Armée rouge est entrée sur le territoire polonais « pour protéger
les populations biélorusses et ukrainiennes » (cf. Roszkowski, 2005: 90). La zone occupée englobe
13,1 millions d’habitants sur les 51,6 % restant du territoire polonais. Ils sont intégrés dès novembre
1939 aux républiques soviétiques d’Ukraine, de Biélorussie et, en août 1940, de Lituanie. Les élites
locales, principalement polonaises, sont démantelées ; nombres de responsables civils ou religieux
sont arrêtés ; les petits propriétaires et commerçants expropriés. La terreur stalinienne fait appel à
une rhétorique populiste qui mélange les oppositions de classe et les haines nationales pour habiller
des objectifs impériaux. Les élites de l’administration de la IIe République polonaise, les propriétaires
terriens et les quelques industriels, généralement polonais et catholiques, sont désignés à la vindicte
des ouvriers et des paysans pauvres principalement ukrainiens, biélorusses ou lituaniens. Quant aux
Juifs, pris au milieu de ces conflits qu’alimente le Commissariat du peuple aux Affaires intérieures
(NKVD), s’ils apprécient l’absence de discriminations antisémites officielles, ils n’échappent pas aux
attaques du nouveau régime en leur qualité de religieux ou petits commerçants. La plupart des
réfugiés refuse le passeport soviétique que leur impose Staline, et sont déportés avec « les éléments
socialement étrangers » de la population locale vers les « colonies » du Goulag.
Au total, environ 110 000 civils ont été arrêtés sur les territoires occupés par l’Union soviétique, et
au moins 320 000 civils polonais (dont 18 % de Juifs), déportés en quatre vagues à l’est de l’URSS
(Glowny Urzad Statystyczny, 2003: 368). Il faut y ajouter les 45 387 prisonniers de guerre et internés
dans plusieurs camps de rééducation. En avril-mai 1940, 14 587 soldats et officiers polonais sont
exécutés d’une balle dans la nuque sur ordre de Staline, dont 4 404 officiers dans la forêt de Katyń
(Zaslavsky, 2003 ; Grabowski, 2009: 17).
Chronologie dans la zone allemande
Septembre 1939-printemps 1940 : la « purification radicale »***
Dès l’entrée de la Wehrmacht sur le territoire polonais, les Einsatzgruppen (3 000 hommes)
procèdent à des arrestations et des exécutions de civils. Leurs cibles ont été désignées dans un
ordre d’Heydrich : « les Juifs, l’intelligentsia, le clergé, la noblesse » (Browning, 2007: 33). Ils
effectuent aussitôt plus de 10 000 arrestations et exécutent environ 17 000 personnes jusqu’à la fin
octobre. Le 2 septembre, près de Gdańsk, est ouvert un premier camp de concentration à Stutthof
(Sztutowo) où les Allemands emprisonnent environ 250 Polonais. Des volontaires de la minorité
allemande forment des unités auxiliaires, les Selbstschutz , qui se distinguent par leur sauvagerie
(notamment à Bydgoszcz, les 8-10 septembre). Début octobre, elles comptent 17 667 hommes en
Prusse occidentale et ont déjà exécuté 2 247 Polonais. La « purification radicale » (Flurbereinigung )
devient alors systématique. Commencée en Prusse orientale et dans le Warthegau à l’automne
1939, poursuivie dans la Prusse du Sud-Est en hiver, elle gagne le Gouvernement général au
printemps 1940. Le nombre de victimes de ces exécutions sommaires est estimé à 60 000 pour cette
période. Les massacres sont accompagnés d’arrestations et de déportations touchant toutes les
catégories de population. Ainsi, 531 villes et villages sont brûlés en un mois ; le 6 novembre, 183
professeurs de l’université de Cracovie sont envoyés dans des camps d’où la plupart ne reviendront
pas. Les établissements scolaires du secondaire et du supérieur sont fermés le 15 novembre, ceux
du primaire le 4 décembre (Browning, 2007: 44-51 ; Łuczak, 2007: 56).
Automne 1939. Euthanasie***
Page 5 of 26
1 / 26 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !