scientifiques et politiques dans le souci affirmé par son secré-
taire Jules Mohl de contribuer à la connaissance de l’Orient 
ancien dans le respect de l’Orient moderne. 
La Société asiatique et ses archives,  
du XiXe au XXe siècle
Le prestige de la Société asiatique s’est accru au cours des ans, 
survivant aux changements politiques, aux guerres de  1870 
et de 1914-1918, et à la formidable évolution du monde dans 
la  première  moitié  du  xxe siècle  (Filliozat  2003).  Parmi les 
présidents qui succèdent à S. de Sacy, citons Jules Mohl qui 
œuvre beaucoup pour l’institution et le Journal asiatique, en 
particulier dans le troisième quart du xixe siècle, Ernest Renan 
– qui  occupe  diverses  fonctions  au  sein du Conseil  à  partir 
de 1860, y compris celle de bibliothécaire entre 1863 et 1866 
–  entre 1884  et 1892,  ou  encore  l’indianiste  Émile  Senart 
de 1908 à 1928. Outre les études linguistiques et philologiques 
qui sont à l’origine de sa création, la société s’intéresse à l’his-
toire, aux religions, au patrimoine au sens large de l’Orient, 
accueillant notamment les études et témoignages de voyageurs 
(militaires,  archéologues,  géographes,  architectes,  hommes 
d’Église...). Par ses membres, elle est liée à d’autres institutions 
françaises (École des langues  orientales ; Collège de France ; 
Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres ;  École  française 
d’Extrême-Orient...) et collabore avec de nombreuses institu-
tions étrangères dans le monde. La célébration de son cente-
naire en 1922 atteste de la vitalité et de la notoriété de la vieille 
dame (Société asiatique 1922a et b). Trois jours de festivités 
(11-13 juillet) marquent l’événement, dont une « séance solen-
nelle à la Sorbonne sous la présidence de M. le Président de la 
République », une « réception chez le Prince Roland Bonaparte, 
membre du Conseil  de  la  Société asiatique »,  une « réception 
à  l’Hôtel  de Ville  par  la  Municipalité  de  Paris »,  un  « dîner 
au  Palais d’Orsay,  sous  la  présidence  de  M. Albert Sarraut, 
Ministre des Colonies ». La société reçoit, de la part d’acadé-
mies, universités et sociétés savantes d’Europe, d’Amérique et 
d’Asie, des lettres de félicitations et de souhaits de longue pros-
périté scientifique. Ses contributions importantes aux Congrès 
internationaux  des  Orientalistes  – le  premier  se  tint  à  Paris 
en 1873 – et la part qu’elle a prise à la création de la Fédération 
des Sociétés orientales interalliées en 1919 sont rappelées et 
saluées par l’ensemble des orateurs et des adresses.
La  Perse  et  la  Mésopotamie  sont  loin  de  constituer  son 
principal centre d’intérêt, même à ses débuts.  L’orientalisme 
qu’elle  défend  doit  s’entendre  dans  une  acception  très 
large,  depuis  l’Afrique du  Nord  jusqu’à  l’Extrême-Orient. Le 
bilan  présenté  lors  du  centenaire  répartit  ainsi  ses  activités 
en  treize  « départements »  présentés  comme  suit :  égypto-
logie,  assyriologie,  exégèse  biblique,  études  araméennes, 
études  éthiopiennes,  islamisme,  études  arméniennes,  india-
nisme,  Indonésie  et  Indochine,  sinologie,  études  japonaises, 
géographie. Cinquante ans plus tard (Société asiatique 1973), 
on  en  compte  dix-huit,  ainsi  répartis :  assyriologie,  égyp-
tologie,  études  sémitiques,  hébraïques,  arabes  et  berbères, 
turques ;  Orient  chrétien,  Iran  ancien,  Iran  moderne,  Asie 
centrale  et  études  mongoles,  études  tibétaines ;  indianisme ; 
Asie  du  Sud-Est :  péninsule  indochinoise,  monde  insulin-
dien ; études chinoises, coréennes, japonaises. Ces deux listes 
témoignent non seulement de l’étendue des champs embrassés 
par la Société asiatique, mais aussi de l’évolution de l’orien-
talisme  en  général  en  deux  siècles.  La  bibliothèque  de  la 
société,  née  dès 1822  d’un  don  du  duc  d’Orléans,  n’a  cessé 
de  voir  ses  collections  grandir  dans  tous  ces  domaines,  au 
rythme des achats et surtout des dons, legs et échanges. Riche 
de plus de 100 000 volumes, parmi lesquels  des publications 
anciennes et/ou étrangères devenues rares, elle compte aussi 
de  nombreux  textes  orientaux,  i. e. originaux  ou  copies 
–  manuscrits,  imprimés  ou  estampages  –  de  textes  khmers, 
tibétains, sanskrits, arabes… ; à titre d’exemple nous citerons 
les archives du dernier royaume du Panduranga-Campa (xviie-
xixe siècle). Les déménagements successifs de la bibliothèque 
jusqu’à son adresse actuelle au 52, rue du Cardinal Lemoine 
(Paris 5e) ont perturbé l’ensemble des fonds et il est difficile 
de  suivre  dans  le  détail  leur  historique.  Les  archives,  qui 
d’ailleurs n’ont jamais fait l’objet d’un recensement véritable, 
ont le plus  souffert  de  ces aléas ;  elles sont majoritairement 
conservées dans des cartons de déménagement, avec parfois 
un  intitulé  sommaire.  Un  inventaire  général  inédit,  réalisé 
dans  le  prolongement  de  l’inventaire  du  fonds  Foucher, 
permet à présent d’en esquisser les grands traits. 
La Société asiatique possède ses propres archives adminis-
tratives – correspondance, comptabilité, rapports et comptes 
rendus  de  séances,  registres,  dossiers  sur  les  congrès  des 
orientalistes,  coupures  de  presse,  photographies  d’orienta-
listes…  Même  si  l’ensemble  est  malheureusement  lacunaire, 
comme le signale Louis Finot qui semble avoir examiné ces 
papiers  pour  écrire l’histoire  de  l’institution  à  l’occasion  du 
centenaire  (Société  asiatique  1922a :  2-65,  spéc. 2),  l’étude 
d’un  tel  fonds  offrirait  un  grand  intérêt  pour  l’histoire  de 
l’orientalisme.
Les archives scientifiques, quant à elles, correspondent à 
autant de dons et legs de membres de la société ou de leurs 
proches, reçus dès le milieu du xixe siècle. Du legs Édouard-
Simon  Ariel (1818-1854)  –  sous-commissaire  de  la  Marine 
et conservateur de la bibliothèque publique et des anciennes 
archives  de  Pondichéry  –  transféré  par  Jules  Mohl  à  la 
Bibliothèque  impériale,  restent  quelques  éléments  d’études 
de sanskrit et d’histoire des religions. Du philologue Gustave 
Garrez,  la  Société  asiatique  conserve  également  quelques 
notes scientifiques sur la littérature et la philologie indiennes 
et  le  bouddhisme,  ainsi  que  sur  l’histoire  et  la  littérature 
grecques, la Perse ou le judaïsme ; du père jésuite Augustin-
Marie Boyer, sanskritiste, des papiers relatifs à des « matériaux 
védiques et iraniens ». 
Deux  fonds  d’archives  d’éminents  indianistes  ont  été 
préservés par l’institution : ceux d’Alfred Foucher (1865-1952, 
voir infra) et de Jean Filliozat (1906-1982), directeur de l’École 
française d’Extrême-Orient (Éfeo) de 1956 à 1977, professeur 
au Collège de France et fondateur de l’Institut français d’indo-
logie de Pondichéry en 1955. Avec la partie de sa bibliothèque 
traitant de la médecine indienne, ses enfants ont donné à la 
société  tous  ses  papiers  scientifiques,  après  un  classement 
d’ensemble (ces archives sont consultables sur autorisation).