Développement d`un réel en fractions continues

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eveloppement d’un r´eel en fractions continues
Introduction et commentaires
Ce document a ´et´ecrit pour les ´etudiants pr´eparant l’agr´egation interne.
Ce qui suit est une pr´esentation de l’algorithme des fractions continues et deux applications :
la premi`ere, tr`es naturelle, porte sur le probl`eme de meilleure approximation des r´eels par
des rationnels. Le lecteur pourra consulter le livre de Roger Descombes, pour un expos´e
bien plus complet, mais plus difficile ;
la seconde est une application `al´equation de Pell-Fermat. Il s’agit de r´esoudre, en nombres
entiers, les ´equations de la forme
x2dy2=1
o`udest un entier naturel, qui n’est pas le carr´e d’un entier. Ce qui revient `ad´eterminer les
inversibles de l’anneau Z[d], de norme 1. La difficult´e est de montrer que cette ´equation
poss`ede une solution non triviale. C’est une cons´equence d’un th´eor`eme plus g´en´eral que
l’on peut trouver, par exemple, dans le livre de Pierre Samuel. De ce point de vue, la
emonstration repose sur le lemme de Minkowski qui suppose connu un minimum de
th´eorie de la mesure. La d´emonstration propos´ee dans la suite est plus ´el´ementaire, et de
plus elle fournit un algorithme qui d´etermine toutes les solutions. Je me suis tr`es fortement
inspir´e d’un livre de Alan Baker. Voir la bibliographie.
Il s’agit d’un codage des nombres r´eels, donn´e par un algorithme. Ce codage ´etablit une
bijection de l’ensemble des irrationnels sur l’ensemble des suites (a0,a
1,a
2,...) d’entiers o`u
a1,a
2,... sont strictement positifs. Les rationnels sont en bijection avec l’ensemble des suites
finies d’entiers (a0,a
1,...,a
n)o`ua1,...,a
nsont strictement positifs et an2 lorsque nest non
nul.
§1. Fractions continues formelles
Soient nun entier et X0,X
1, ,... ,X
ndes variables.
—sin= 0 on consid`ere la fraction rationnelle
F0=X0
—sin= 1 on consid`ere la fraction rationnelle
F1=X0+1
X1
—sin= 2 on consid`ere la fraction rationnelle
F2=X0+1
X1+1
X2
— D’une mani`ere g´en´erale, on consid`ere la fraction rationnelle
Fn=X0+1
X1+1
...
Xn2+1
Xn1+1
Xn
(1)
Université de Rennes 1
Préparation à l’agrégation
de mathématiques
Auteur du document :
M. Couchouron
2
De mani`ere plus formelle, on peut d´efinir Fnpar r´ecurrence par
Fn+1(X0,...,X
n,X
n+1)=Fn(X0,...,X
n1,X
n+1
Xn+1
)
Notations. De mani`ere ´evidente ces ´ecritures sont rapidement trop lourdes et inexploitables.
Dans la suite la fraction rationnelle Fnci-dessus sera not´ee
Fn=[X0,X
1,,...,X
n](2)
Parfois, cette fraction rationnelle Fnest aussi not´ee Fn=X0+1
X1+|
1
X2+|... 1
|Xn
Proposition 0.0.1 Il existe une suite (Pn)de polynˆomes telle que pour tout entier n0,le
polynˆome Pnne d´epende que des variables X0,...,X
net telle que les conditions suivantes soient
erifi´ees.
1. P0=X0P1=X0X1+1
2. Pour tout entier n2:Pn=XnPn1+Pn2
— Il existe une suite (Qn)de polynˆomes telle que pour tout entier n0, le polynˆome Qn
ne d´epende que des variables X1,...,X
net telle que les conditions suivantes soient v´erifi´ees :
1. Q0=1 Q1=X1
2. Pour tout entier n2:Qn=XnQn1+Qn2
— Les coefficients de Pnet de Qnsont des entiers naturels.
Pour tout entier n:Pnest un polynˆome de degr´e n+1, dont la partie homog`ene de degr´e
n+1 est r´eduite au monˆome X0X1...X
net Qnest un polynˆome de degr´e n, dont la partie
homog`ene de degr´e nest r´eduite au monˆome X1...X
n.
emonstration: La v´erification se fait par r´ecurrence.
Th´eor`eme 0.0.2 Pour tout entier n0:
Fn=[X0,X
1, ,... ,X
n]= Pn
Qn
emonstration: La d´emonstration se fait par r´ecurrence sur n.
Pour n= 0 c’est ´evident car F0=X0,P0=X0et Q0=1
Pour n= 1 : dans ce cas F1=X0+1
X1,P1=X0X1+1etQ1=X1.L´egalit´e F1=P1
Q1est
bien vraie.
Soit n2 un entier et supposons que pour tout entier knl’´egalit´e Fk=Pk
Qksoit vraie.
On a donc, en utilisant la d´efinition des polynˆomes Pnet Qn:
Fn=[X0,X
1,,...,X
n]= Pn
Qn
=XnPn1+Pn2
XnQn1+Qn2
et donc :
[X0,X
1, ,... ,X
n+1]=X0,X
1,,...,X
n1,X
n+1
Xn+1
=(Xn+1
Xn+1 )Pn1+Pn2
(Xn+1
Xn+1 )Qn1+Qn2
D’o`u en multipliant le num´erateur et le d´enominateur par Xn+1 :
[X0,X
1,,...,X
n+1]= Xn+1 (XnPn1+Pn2]+Pn1
Xn+1 (XnQn1+Qn2)+Qn1
3
Compte tenu de la d´efinition des polynˆomes Pnet Qn:
[X0,X
1, ,... ,X
n+1]= Xn+1 Pn+Pn1
Xn+1 Qn+Qn1
=Pn+1
Qn+1
Ce qui d´emontre le th´eor`eme.
§2. Algorithme des fractions continues
Soit θun nombre r´eel.
On consid`ere sa partie enti`ere a0=[θ].
—Siθest un entier θ=a0et l’algorithme s’arrˆete.
— Sinon θn’est pas un entier θa0est un r´eel tel que 0 a0<1. Il s’´ecrit donc sous
la forme 1
θ1
,avecθ1>1. Dans ce cas on a donc :
θ=a0+1
θ1
Dans ce cas le proc´ed´eser´eit`ere en rempla¸cant θpar θ1: soit a1la partie enti`ere de θ1.
—Siθ1est un entier donc ´egal `a a1, l’algorithme s’arrˆete, et on a l’´egalit´e:
θ=a0+1
a1
— Sinon θ1n’est pas un entier et θ1a1est un r´eel qui s’´ecrit sous la forme 1
θ2
,avecθ2>1.
Dans ce cas le mˆeme proc´ed´e s’applique `a θ2.
Ce processus s’arrˆete au cran nsi et seulement si θnest un entier, ´egal `a sa partie enti`ere
an. Dans ce cas on a l’´egalit´e:
θ=a0+1
a1+1
...
an2+1
an1+1
an
(3)
Lemme 0.0.3 eciproquement si θest un nombre rationnel, l’algorithme des fractions contin-
ues s’arrˆete apr`es un nombre fini d’it´erations, et que de plus si θ=p/q les calculs des nombres ak
peuvent se faire par des divisions euclidiennes successives, comme dans l’algorithme d’Euclide.
emonstration: La d´emonstration est laiss´ee en exercice.
Si θn’est pas rationnel, il existe donc une suite (an) d’entiers qui, sauf peut-ˆetre le premier
a0, sont sup´erieurs ou ´egaux `a 1 et une suite (θn)n
1de r´eels strictement plus grands que 1
erifiant les relations :
θn=an+1
θn+1
(4)
De plus pour tout entier nona:
θ=a0+1
a1+1
...
an2+1
an+1
θn+1
(5)
4
Dans la suite on suppose que, dans l’algorithme des fractions continues, nit´erations sont
possibles, et produisent donc des entiers a0,a
1,...,a
n, qui `a l’exception de a0sont strictement
positifs, et des r´eels θ1,...,θ
n
n+1 strictement plus grands que 1. Dans la fraction rationnelle
Fn,d´efinie en (1), on peut donc substituer (a0,...,a
n)`a(X0,...,X
n).
Notations. Dans la suite, si x0,x
1,...,x
nsont des nombres tels que Fn(x0,x
1,...,x
n) soit
efinie, on notera
[x0,x
1,...,x
n]=Fn(x0,x
1,...,x
n).
Lorsque θest un nombre rationnel, l’´egalit´e (3) s’´ecrit donc :
θ=[a0,a
1,...,a
n]
De mˆeme, l’´egalit´e (5) se notera aussi :
θ=[a0,a
1,...,a
n
n+1](6)
efinition 0.0.4 En conservant les notations pr´ec´edentes et en supposant a0,a
1,...,a
nefinis :
1. Pour tout entier kn,aks’appelle le quotient incomplet de θd’indice ket θks’appelle
le quotient complet de θd’indice k.
2. Le nombre rationnel [a0,a
1,...,a
k]s’appelle la r´eduite d’indice k.
En substituant (a0,a
1...,a
n)`a(X0,X
1...,X
n) dans les polynˆomes Pnet Qn, on obtient des
nombres qui seront not´es pnet qnrespectivement. Comme ces polynˆomes sont `a coefficients
entiers, les nombres pnet qnsont eux-mˆemes des entiers. De plus, pour tout entier ktel que
1knon a ak1 et donc : qkqk1+qk2.
D’autre part, pour tout entier n2, les suites d’entiers (pn)et(qn)v´erifient les relations
suivantes.
pn=anpn1+pn2
(7)
qn=anqn1+qn2
(8)
Ceci r´esulte de la d´efinition mˆeme des polynˆomes Pnet Qn.Ilenr´esulte par une r´ecurrence
imm´ediate que pour tout entier n:qnn.
Lemme 0.0.5 Les suites d’entiers (pn)et (qn)erifient les relations suivantes.
pnqn1pn1qn=(1)n+1
(9)
pnqn2pn2qn=(1)nan
(10)
emonstration: notons δn=pnqn1pn1qn. Par combinaison lin´eaire des deux ´equations
pr´ec´edentes on obtient pnqn1pn1qn=(pn1qn2pn2qn1), soit encore : δn=δn1
et donc δn=(1)n1δ0=(1)n1.
la seconde partie se d´emontre de la mˆeme mani`ere.
Corollaire 0.0.6 Les entiers pnet qnsont premiers entre eux, et l’´ecriture de la r´eduite
[a0,a
1,...,a
n]=pn/qnest l’´ecriture de la fraction sous forme irr´eductible.
Lemme 0.0.7 Pour tout entier non a la relation
θ=θn+1pn+pn1
θn+1qn+qn1
5
emonstration: Onal´egalit´e: θ=[a0,a
1,...,a
n
n+1]=Fn+1(a0,a
1,...,a
n
n+1), qui
s’obtient `a partir de l’´egalit´e formelle
Fn+1(X0,X
1,...,X
n,X
n+1)= Pn+1
Qn+1
=Xn+1Pn+Pn1
Xn+1Qn+Qn1
en substituant (a0,a
1,...,a
n
n+1)`a(X0,X
1,...,X
n,X
n+1) dans Fn+1.
§3 Meilleure approximation
Dans la suite on consid`ere un nombre r´eel θirrationnel.
On notera (an)la suite des quotients incomplets et (θn)la suite des quotients
complets. On conviendra parfois que θ0=θ.
Les nombres pnet qnesigneront toujours les entiers d´efinis pr´ec´edemment.
Lemme 0.0.8 Pour tout entier n1, on a la relation :
(θpn/qn)= (1)n
qn(θn+1qn+qn1)
(11)
emonstration: Onal´egalit´e:
(θpn/qn)=θn+1pn+pn1
θn+1qn+qn1pn
θn+1qn+qn1
=pn1qnpnqn1
qn(θn+1qn+qn1)
=(1)n
qn(θn+1qn+qn1)
Proposition 0.0.9 Les r´eduites d’indices pairs f2n=p2n/q2net les r´eduites d’indices impairs
f2n+1 forment deux suites adjacentes, telles que la sous-suite des termes d’indice pair est
croissante et la sous-suite des termes d’indice impair est d´ecroissante. La suite des r´eduites
converge vers θ.
Pour tout indice n1on a l’in´egalit´e:
|θpn/qn|<1
qnqn+1
emonstration: En ce qui concerne la premi`ere partie, il suffit, dans les ´egalit´es du lemme
(0.0.5) de diviser chaque membre par qnqn1.
La derni`ere in´egalit´er´esulte du lemme pr´ec´edent, en remarquant que θn+1qn+qn1>q
n+1,
car θn+1 >1.
Corollaire 0.0.10 Si θest un nombre irrationnel, il existe une infinit´e de nombres rationnels
de la forme p/q tels que
|θp/q |<1/q2
Proposition 0.0.11 1. Pour tout entier nles nombres qnθpnet qn+1θpn+1 sont de signes
contraires.
2.La suite de terme g´en´eral |qnθpn|est d´ecroissante.
emonstration: La premi`ere partie r´esulte du lemme (0.0.8) ci-dessus. Le mˆeme lemme montre
qu’il suffit de d´emontrer que qn+1(θn+2qn+1 +qn)>q
n(θn+1qn+qn1). Cette in´egalit´er´esulte
des in´egalit´es : θn+2 >1etθn+1 <1+an+1.
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