TP23 Synthèse d’un biocarburant Objectif : - Réaliser la synthèse d’un biocarburant. Dès 1987, la France a autorisé la fabrication de biocarburants, destinés à être incorporés aux carburants et au fioul domestique. Les biocarburants sont des carburants issus de la biomasse, c'est-àdire issus de matières végétales. Ils sont produits à partir de plantes (betterave, maïs, canne à sucre, colza,). Ils se substituent partiellement aux carburants pétroliers. Il existe plusieurs types de biocarburants. Parmi eux, on trouve les esters éthyliques d’huiles végétales (E.E.H.V) synthétisés à partir d’huile de colza ou d’huile de tournesol. DOCUMENTS MIS A DISPOSITION : DOC. 1 : La réaction de transestérification Les réactions d’estérification ou de transestérification sont des réactions limitées (nécessité d’introduire un réactif en excès), lentes (nécessité d’un catalyseur pour accélérer la réaction) et athermiques (le fait de chauffer le milieu réactionnel permet d’atteindre l’équilibre plus rapidement mais n’intervient pas dans le rendement). - L’équation générale d’une estérification est : acide + alcool ⇌ ester + eau L’équation générale d’une transestérification est : ester1 + alcool1 ⇌ ester2 + alcool2 La transestérification est la technique classique de production de biodiesel : les huiles végétales, les graisses animales ou les huiles à base de microalgues sont mélangées à froid à un alcool (éthanol ou méthanol) en présence d'un catalyseur (hydroxyde de sodium ou de potassium). DOC. 2 : Caractéristiques de quelques espèces chimiques Nom Huile de colza Éthanol Diester Potasse Glycérol Masse molaire (g/mol) 884 46 310 92 Masse volumique (g/mL) 0,90 0,79 0,88 1,25 Température d'ébullition (°C) > 200 78 > 200 148 Miscibilité dans l'éthanol moyenne - forte faible forte Miscibilité dans le diester forte forte - nulle moyenne Miscibilité dans l'eau salée très faible forte faible forte Forte Formule chimique DOC. 3 : Les deux grandes filières de production des biocarburants La filière biocarburant essence Cette filière comprend l’éthanol et l’ETBE (éthyl-tertiobutyl-éther) La filière biocarburant gazole Elle correspond aux EMAG (esters méthyliques d’acides gras), qui sont fabriqués à partir d’huiles végétales, de graisses animales ou d’huiles usagées recyclées. D’après IFP Énergies Nouvelles 1. Étude préliminaire L'Huile Végétale Brute (HVB, ou HVP) peut être utilisée directement dans les moteurs diesels adaptés. Les triglycérides qui constituent les huiles végétales peuvent également être transformés en monoesters éthyliques (Esters Éthyliques d'Huile Végétale ou EEHV) et en glycérol par une réaction de transestérification avec des molécules d’éthanol. Les molécules plus petites du biodiesel ainsi obtenues peuvent alors être utilisées comme carburant dans les moteurs à allumage par compression. Ce biodiesel (appelé « diester » en France) ne contient pas de soufre, n'est pas toxique et est hautement biodégradable. Questions Q1. Écrire les formules des acides gras suivants (le préfixe « octadéc- » correspond à 18 C) : - acide oléique ou acide octadéc-9-ènoïque ; acide linoléique ou acide octadéca-9,12-dièneoïque ; acide linolénique ou acide octadéca-9,12,15,-triènoïque. Q2. @ Qu’appelle-t-on biocarburants de première, deuxième et troisième génération ? Q3. Compléter la première ligne du tableau du document 2. Q4. @ Pourquoi le biocarburant est-il qualifié d’agroressource ? Q5. Définir le tep (tonne équivalent pétrole). Q6. Convertir 1 million de tep en joule puis en kWh. 2. Synthèse du biodiesel 2.1. Synthèse Diester est la contraction des mots Diesel et ester. Il est produit à partir d'huile de colza et d'éthanol. L’huile de colza subit en présence d’éthanol une transformation chimique, appelée transestérification. Il se forme ainsi du glycérol et le diester que l’on veut récupérer, suivant la réaction : Huile de colza + éthanol glycérol + diester Remarque : L’huile de colza est constituée essentiellement de trioléate de glycéryle (58 %) , trilinoléate de glycéryle (22 %) et de trilinolénate de glycéryle (9 %), qui sont des triesters du glycérol (propane 1-2-3 triol) et d’acides gras insaturés et d’autres triester d’acide gras saturés mais on considérera néanmoins, pour simplifier, uniquement le constituant majoritaire, le trioléate de glycéryle. L’équation de la réaction est : C17H33 COO C17H33 COO C17H33 COO trioléate de glycéryl + 3 CH3 CH2 OH 3 C17H33 O HO C O CH2CH3 + HO HO éthanol oléate d'éthyle glycérol La réaction de transestérification permet ici de transformer un alcool (l'éthanol) et un ester (ici « naturel », présent dans le colza) en un autre ester (ici le biocarburant ) et un autre alcool ( ici, le glycérol ). Elle se réalise en milieu non-aqueux (vaisselle sèche). Protocole expérimental : Hémi-synthèse Allumer le chauffe-ballon et régler le thermostat pour obtenir un chauffage modéré. Introduire, dans un ballon bicol sec de 250 mL, 0,9 g de potasse ou hydroxyde de potassium KOH(s) (catalyseur) et 50 mL d'éthanol. Agiter longuement à l’aide d’un bâton de verre pour dissoudre au maximum la potasse. Ajouter 100 mL d'huile de colza puis des grains de pierre ponce (il est impératif d’agiter en permanence le milieu réactionnel). Porter le milieu à reflux pendant 50 min. Extraction Défaire le montage et laisser refroidir le contenu du ballon en le posant sur un valet. Relargage (pour gagner du temps, il sera effectué sur une production antérieure) Verser le mélange réactionnel dans une ampoule à décanter. Ajouter très doucement environ 50 mL d’eau salée saturée. Agiter doucement afin de ne pas créer d’émulsion, puis laisser décanter dix minutes. Séchage Récupérer la phase organique. La sécher à l’aide de sulfate de magnésium anhydre. 2.2. Identification On peut identifier l’oléate d’éthyle (diester) par : - Sa densité ; Élaborer et mettre en œuvre un protocole pour réaliser cette méthode d’identification). - La mesure de son indice de réfraction à 25°C. Sa valeur théorique est : 1,443 < n < 1,450. Le réfractomètre d’Abbe permet cette mesure (notice à côté de l’appareil) On peut aussi enflammer le diester obtenu afin de vérifier une propriété essentielle pour un carburant : celle d’être facilement inflammable (mais ce n’est pas à proprement parler une identification). 2.3. Exploitation Questions Q7. Légender le schéma du montage ci-dessus. Q8. Dresser un tableau d’avancement (avec valeurs numérique) de la réaction et déterminer le réactif limitant. Q9. Calculer le volume de glycérol obtenu si la réaction était totale Q10. Quelle opération supplémentaire pourrait-on envisager pour purifier le produit ? 3. Conclusion Faites un bilan de la séance en répondant à la question suivante : que doit-on retenir de cette activité ? CORRECTION 1. Étude préliminaire Q2. Biocarburants de première, deuxième et troisième génération : Q3. Tableau à compléter : Nom Formule chimique Huile de colza Éthanol Diester Potasse Glycérol C57H104O6 C2H6O C20H38O2 KOH C3H8O3 Q4. Le biocarburant est un carburant produit à partir de matériaux organiques non fossiles, provenant de la biomasse : c’est un agrocarburant. Les agroressources sont les végétaux qui fournissent des composés de base nécessaires à l'énergie, la chimie et les matériaux, ce sont des matières premières renouvelables. Q5. Le tep : unité conventionnelle permettant de réaliser des bilans énergétiques multi-énergies avec comme référence l'équivalence en pétrole. Elle vaut par définition 41,868 gigajoules (GJ), ce qui correspond au pouvoir calorifique d'une tonne de pétrole. 1 GJ = 1 109 J 2. Synthèse du biodiesel Q7. Schéma légendé : Réfrigérant à boules ou condenseur à eau Ballon Chauffe-ballon Sortie d’eau tiède Entrée d’eau froide Mélange réactionnel + grains de pierre-ponce Élévateur à croisillon Cette réaction est nommée hémisynthèse car elle part de réactifs qui sont déjà des produits élaborés. Cette réaction se produit en milieu anhydre : la verrerie doit être sèche et l’éthanol doit être absolu (100%). Ne disposant que d’alcool à 95%, une réaction parasite se produit : la saponification de l’huile. Enfin elle est lente et limitée. Q8. Tableau d’avancement : x (mol) C17H33 COO C17H33 COO C17H33 COO trioléate de glycéryl Etat initial 0 En cours x Etat final xf 0,10 0,10-x 0,10- xf + 3 CH3 CH2 OH 3 C17H33 O HO C O CH2CH3 + HO HO éthanol 0,86 0,86-3x 0,86-3 xf oléate d'éthyle 0 3x 3 xf glycérol 0 x xf Calcul des quantités de matière initiales : m V 0,90 100 nhuile initial 0,10mol M M ce qui donne 884 et 0,79 50 nthanol initial 0,86mol 46 n Calcul du réactif limitant C’est un calcul théorique puisque l’état maximal n’est pas atteint (le texte dit que la réaction est limitée). On détermine le réactif limitant en supposant que l’un puis l’autre des réactifs est épuisé et en comparant les valeurs obtenues pour l’avancement maximal. Si c’est l’huile 0,10-xmax=0 donne xmax=0,10 mol Si c’est l’éthanol 0,86-3xmax=0 donne xmax = 0,29mol. C’est donc l’huile le réactif limitant. Elle n’est pourtant pas forcément épuisée à l’état final puisque xf<xmax (réaction limitée). Cependant, non seulement l’huile est en défaut, mais l’éthanol est en très large excès ce qui provoque un déplacement d’équilibre. Celui-ci va donc se déplacer dans le sens direct (celui de la consommation des réactifs) et on peut supposer que l’huile sera entièrement consommée à la fin. Analyse du mode opératoire. La potasse est peu soluble dans l’huile et moyennement dans l’éthanol. On commence par la dissoudre à chaud dans l’éthanol afin qu’elle intervienne dans le milieu réactionnel. Les réactifs éthanol et huile sont moyennement miscibles. Or il est indispensable, pour qu’une réaction ait lieu, que les molécules de réactifs se rencontrent : il faut donc agiter sans cesse le milieu réactionnel. C’est le rôle des grains de pierre ponce (si non, on peut utiliser un chauffe-ballon avec agitateur magnétique incorporé). La masse de potasse ne doit pas dépasser 10% de celle d’huile pour éviter une réaction de saponification. Or celle-ci a lieu en milieu aqueux et il faut donc éviter toute trace d’eau, ce qui est impossible dans le cas où on utilise de l’alcool à 95%, c’où cette réaction parasite qui produit un savon que l’on voit floculer après le refroidissement. La réaction est lente : la potasse KOH et le chauffage à reflux permettent de l’accélérer (on dit que la présence du catalyseur et l’élévation de température sont des facteurs cinétiques favorables). Par ailleurs, le réfrigérant du montage à reflux permet d’éviter les pertes de réactifs en condensant leurs vapeurs. Lorsque l’on verse le mélange réactionnel dans l’eau salée (relargage), il contient a priori ; de l’éthanol (qui était en excès), du diester, du glycérol, de la potasse et des grains de pierre-ponce (on suppose que l’huile de colza n’est plus qu’à l’état de trace, compte-tenu du déplacement de l’équilibre). D’après le tableau de solubilité : l’éthanol et le glycérol (et la potasse) sont dans la phase aqueuse de densité supérieure (donc la phase inférieure) et le diester (d=0 ,88) dans la phase supérieure. Cette phase supérieure doit être séchée à l’aide de sulfate de magnésium pour être débarrassée des traces d’eau. Le test d’inflammabilité permet de vérifier que la substance produite peut effectivement servir de carburant, mais ce n’est pas un test d’identification. Le biodiesel est-il un carburant vert ? L’idée première d’un biocarburant, c’est qu’étant produit à partir de la biomasse, le CO2 qu’il rejette dans l’atmosphère1 lorsqu’il brûle est « compensé » par le CO2 qu’il fixe pendant sa croissance végétale. Autrement dit, contrairement aux combustibles fossiles qui dégagent du CO2 qu’ils ont fixé il y a des millions d’années, les biocarburants pourraient présenter un bilan carbone quasi nul sur une courte durée et ne contribueraient pas à augmenter la proportion de GES dans notre atmosphère. Ils produisent par ailleurs des tourteaux utilisés dans l’alimentation animale et du glycérol utilisé dans l’industrie chimique. Malheureusement, pour fabriquer ce biocarburant, il faut transporter les récoltes (en France, sur 250 km en moyenne), puis nous avons vu qu’il faut chauffer le milieu réactionnel, donc dépenser de l’énergie. Certes, on récupère plus de deux fois plus d’énergie que celle que l’on a dépensée (EE=2,2), mais cette énergie dépensée provient la plupart du temps de la combustion de combustibles fossiles. Par ailleurs ces biocarburants ne sont pas utilisés seuls mais en additifs des combustibles à base de pétrole. Ils ne constituent donc pas vraiment une alternative à l’utilisation de ces derniers. Enfin la production des végétaux elle-même pose problème. De faibles rendements, ou alors une utilisation renforcée d’engrais ce qui augmente les couts de production. Les biocarburants de première génération dans la production desquels le Brésil s’est lancé à grande échelle, posent un autre problème puisqu’ils privent l’agriculture d’une superficie d’exploitation. Est-il raisonnable de faire pousser du colza ou de la canne à sucre pour faire rouler des véhicules alors que la planète n’arrive pas à nourrir toute sa population ? Les biocarburants de deuxième et troisième génération utilisent maintenant des débris végétaux ce qui est une piste intéressante, mais limitée en terme de volume. Q10. On pourrait faire une distillation fractionnée du filtrat afin d’obtenir un diester quasiment pur. 1 Il ne faut pas perdre de vue que toute molécule organique brûle dans le dioxygène est dégageant du CO 2 !