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Bernard Vanhove
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marché de ce type de médicament, ce qui incite les diverses sociétés à investir de
plus en plus dans cette recherche en xénotransplantation.
Le déficit de greffes et l’intérêt des patients ne sont pas seuls en cause : s’exprime
ici également l’esprit d’aventure des chercheurs, esprit qui se manifeste depuis
longtemps car des xénotransplantations ont été réalisées dès le début du XXesiècle ;
il s’agissait alors de cas isolés de médecins et de chirurgiens qui ont essayé in extre-
mis de sauver des patients en leur transplantant des organes animaux provenant de
porc, de lapin, de chèvre, de mouton ; l’organe concerné était la plupart du temps le
rein, mais parfois aussi le cœur et le foie. Tous ces essais se sont jusqu’à présent sol-
dés par un échec.
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS D’UN DONNEUR ANIMAL
Il est légitime de se demander quels sont les avantages et les inconvénients d’un
donneur animal par rapport à un donneur humain, en dehors du manque croissant de
donneurs humains, déjà évoqué.
Si l’on fait abstraction de toutes les difficultés inhérentes à la xénotransplantation,
dont il va être question par la suite, si l’on imagine un monde où les organes ani-
maux peuvent techniquement être greffés chez l’homme, à ce moment-là on perd le
lien entre le décès d’une personne et la survie d’une autre personne, car on ne tra-
vaille plus avec un don d’organe, mais avec un produit pharmaceutique qui pourrait
alors être disponible de manière illimitée et standardisée. En outre, le fait de dispo-
ser de cellules ou d’organes animaux préparés à l’avance permettrait d’effectuer les
transplantations dans de meilleures conditions et non pas dans l’urgence : cette
transplantation deviendrait une intervention planifiée, préparée à tous les niveaux.
Enfin, depuis un certain nombre d’années, nous savons modifier génétiquement
les animaux, et les biologistes moléculaires, les généticiens savent que, chez ces
animaux, on peut rectifier certaines caractéristiques qui, nous l’espérons, pourront
supprimer ou atténuer le rejet qui survient actuellement lorsqu’on transplante un or-
gane animal chez l’homme. Cependant, cette opération n’est pas dénuée de risque ;
elle est même très risquée, le risque principal étant justement qu’on ne le connaît
pas... On sait que, chez de nombreux animaux, il existe des rétrovirus intégrés dans
le génome, dont on ne connaît pas bien le rôle : on ne sait pas s’ils sont pathogènes,
mais on sait qu’en théorie ces virus peuvent se transmettre à l’homme, du moins in
vitro. On ne sait pas si ces virus sont dangereux pour l’homme, et cela génère une
grande peur dans la communauté scientifique, la peur d’induire une nouvelle zoono-
se, une nouvelle maladie chez l’homme, due à la transplantation d’organes animaux.
C’est une entrave énorme à la recherche en xénotransplantation. C’est le frein ma-
jeur qui s’oppose à ses avantages potentiels.