1 Favoriser l`invention, l`innovation et l`investissement*Horst Siebert

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Favoriser l’invention, l’innovation et l’investissement*Horst Siebert
Exergue : « Pour la croissance, nous avons besoin d’entrepreneurs qui prennent des
risques. Et en Europe, nous avons besoin d’en avoir davantage.
Les trois pays d’Europe continentale les plus importants, la France, l’Italie et surtout
l’Allemagne, affichent une croissance relativement faible depuis le milieu des années
1990, surtout si on la replace dans le contexte international. Comment pourraient-ils
améliorer leur trajectoire de croissance ? Quels sont les composants stratégiques de
ce processus de croissance ?
Il y a quatre grands leviers à actionner. Primo, le progrès technique, c’est-à-dire les
nouveaux produits et processus de production ainsi que les changements
organisationnels et sectoriels, sans oublier l’augmentation du capital, notamment les
nouvelles machines et nouveaux matériels. Deusio, l’amélioration des ressources
humaines, qui pourrait bien être le facteur de croissance le plus important dans notre
société moderne de l’information. Tertio, la suppression des obstacles actuels à la
croissance, c’est-à-dire des inefficacités et dispositifs institutionnels limitant le
potentiel de production. La rigidité du marché de l’emploi en est l’exemple le plus
frappant. Quarto, l’ouverture à la concurrence étrangère qui stimule les
performances.
Premièrement, nous devons créer un environnement économique favorisant
l’invention, l’innovation et l’investissement. Il faut également soutenir l’évolution
technologique comme processus endogène de l’économie. L’entrepreneur, tel que
l’entendait Schumpeter, joue à cet égard un rôle décisif. Il prend des risques et
invente de nouvelles combinaisons des facteurs de production. Pour la croissance,
nous avons besoin d’entrepreneurs. Et en Europe, nous avons besoin d’en avoir
davantage.
Dans les industries nouvelles comme dans les secteurs plus traditionnels, il est
indispensable de faciliter l’accès aux marchés afin de stimuler le dynamisme
économique. C’est particulièrement important dans les nouveaux domaines de la
biotechnologie, de la pharmacie, de la communication et de l’information. Les
réglementations sur les autorisations commerciales, la construction d’une usine ou
d’un nouvel immeuble et le brevet d’un nouveau produit déterminent l’accès aux
marchés. Les dispositions régissant les sorties du marché affectent également
l’accès aux marchés. Autre condition préalable : l’accès aux capitaux sur le marché
du capital risque, en contournant les contraintes habituelles imposées par les
banques comme seuls intermédiaires financiers.
Nous devons ouvrir nos marchés de produits à la concurrence si ce n’est déjà fait et
les déréglementer lorsqu’une réglementation n’est plus justifiée. L’Europe a déjà
* Presenté à une conference « Objectif 3 % », Paris, Mai 14 2003.
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progressé dans cette voie. Mais certains secteurs se caractérisent encore par
l’absence de concurrence, notamment dans les industries de réseau (énergie, gaz,
eau et une partie des communications) et dans les entreprises auparavant publiques,
telles que les services postaux. Sur les industries en aval, les prix élevés pratiqués
par ces secteurs protégés représentent l’équivalent d’une taxation. Pour stimuler le
processus endogène du changement technologique, il faut un système fiscal incitant
les entreprises à investir et à innover sans ralentir ni restreindre leurs efforts. La
volonté d’entreprendre en est l’un des principaux rouages.
Deuxièmement, le capital humain étant un déterminant majeur de la croissance
économique, nous devons améliorer les systèmes nationaux de formation de ce
capital humain. Le système fiscal ne doit pas défavoriser l’accumulation du capital
humain par rapport au capital physique. Il ne suffit pas de diminuer l’impôt sur les
sociétés. Perçus sur les revenus du travail, les taux des autres prélèvements
obligatoires que sont les cotisations sociales sont élevés, qu’il s’agisse des taux
marginaux ou des taux moyens. Il faut donc aussi les baisser.
Les contributions finançant les systèmes de sécurité sociale impliquent des taux
élevés de prélèvements (moyens et marginaux) sur les revenus du travail. Les
prélèvements sociaux sont de l’ordre de 15 à 20% du PIB dans les trois grands pays
continentaux d`Europe, contre 6% au Royaume-Uni et 7% aux Etats-Unis. Il s’agit
d’une ponction importante qui n’incite ni à la formation du capital humain… ni tout
simplement à l’effort.
Ici, les chantiers d’action sont nombreux. Fournir aux personnes une assurance
obligatoire pour les risques majeurs et les laisser souscrire une assurance privée
pour les risques moins importants. Remplacer en partie le système de retraite par
répartition par un système de capitalisation. Découpler le financement de la sécurité
sociale du contrat de travail - non pas en finançant la sécurité sociale par des taxes
mais en prélevant les cotisations pour les risques moins importants sur les revenus
personnels.
Les structures de formation du capital humain sont déterminantes pour la stratégie
de croissance. Il convient de s’assurer de l’efficacité des systèmes scolaires primaire
et secondaire. Au niveau de l’enseignement supérieur, la future élite de notre planète
est formée majoritairement aux Etats-Unis. La raison en est simple. Les principaux
pays européens ont un système universitaire inflexible et rigide, obéissant à des
procédures administratives, avec une planification centralisée. Il faut ouvrir ce
système à la concurrence. Aux universités de se disputer les meilleurs chercheurs et
étudiants, aux étudiants de se disputer les meilleures universités. Il faut veiller à
utiliser tous les talents qu’offre la société, à ouvrir le système éducatif à toutes les
compétences… et à ne pas favoriser ceux dont les parents ont de l’argent.
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Troisièmement, pour libérer les moteurs de la croissance, il convient d’en supprimer
les freins. Le plus important est la rigidité du marché du travail. Nous devons nous en
affranchir. Les institutions que nous avons mises au point sur le marché du travail
dans la plupart des pays européens fonctionnent mal. Le chômage augmente à
chaque récession, produisant un phénomène d’hystérésis. Les chocs extérieurs se
répercutent plus violemment et plus durablement sur les salariés européens que sur
ceux d’autres pays. Il est donc nécessaire de repenser l’organisation du marché du
travail dans les pays européens. Ces institutions étant nationales (et devant le
rester), la réorganisation du marché du travail est une mission nationale.
La flexibilité des horaires de travail permet des gains de productivité à partager entre
les salariés (pour augmenter leur salaires) et les entreprises (pour augmenter leur
compétitivité). L’Allemagne en fournit un bon exemple avec son budget annuel
d’heures de travail. Ce système offre plus de flexibilité que la semaine de 35 heures.
Par ailleurs, dans chaque grand pays européen, les écarts salariaux sont
relativement peu élevés. Ces écarts de salaires sont pourtant nécessaires car les
qualifications diffèrent ainsi que les situations géographiques et les conditions de
travail. Nous devons donc rechercher des systèmes de négociation décentralisés
permettant une différenciation des salaires.
Assurons-nous que toutes les réglementations défavorables aux chômeurs soient
changées. Abolissons toutes les barrières à l’entrée sur le marché du travail pour les
chômeurs. Ne protégeons pas les salariés en place si cette protection condamne les
autres au chômage. Autorisons les dérogations aux règles salariales si cela permet
de créer ou de conserver des emplois. Laissons davantage la formation du niveau
des salaires au jeu du marché. Abandonnons même la notion de salaire minimum car
l’imposition d’un tel salaire pénalise l’emploi (par exemple pour les jeunes, ou dans
les régions défavorisées). Le salaire minimum est à l’origine du chômage des jeunes.
Quatrièmement, il faut s’en remettre à la concurrence et à une économie ouverte
pour trouver des solutions et bousculer le statu quo. La concurrence par la
géographie et par les institutions forge des économies solides, pousse les
entreprises à se servir de leur imagination pour réduire les coûts et créer de
nouveaux produits. La concurrence se révélera être un processus de découverte de
solutions plus efficaces. Elle fabriquera une économie solide et robuste à long terme.
Enfin, l’équité ne peut plus être envisagée comme une notion statique. Nous
devrions interpréter l’idée de l’équité de la distribution des revenus dans un contexte
dynamique, sans trop mettre l’accent sur l’équité sociale à court terme. Il est plus
important aujourd’hui de se demander si le revenu par tête va s’améliorer à moyen
terme, si les chances existent pour les moins favorisés d’accroître leurs revenus
dans les cinq ou les dix prochaines années. Nous devrions adopter une approche à
plus long terme de l’égalité sociale. La croissance peut améliorer la situation de tous.
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L’objectif politique consiste à développer une situation de gagnant-gagnant
permettant une large diffusion des bénéfices.
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