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UAND LES HOMMES PARLENT A
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:
un parcours comparatiste sur la signification de la prière
dans les trois religions abrahamiques
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Uni. Fri. - Faculté de Théologie
AA. 2012-2013 – SP
La prière juive expliqué par les juifs
La loi judaïque nous fait une obligation de prier trois fois par jour : le matin, l'après-midi et le soir
la tombée de la nuit). Ces prières sont appelées : Cha'harith (prière du matin), Min'hah (prière de
l'après-midi) et Arvith ou Maariv (prière du soir).
Nos Sages nous disent que la coutume de prier trois fois par jour fut originairement introduite par
nos Patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Abraham introduisit la prière du matin, Isaac celle de
l’après-midi, et Jacob y ajouta celle du soir
1
.
Dans le Zohar est révélée la signification profonde de la Torah et dans la 'Hassidout
'Habad
2
, il est expliqué que chacun des trois Patriarches représentait une qualité particulière qu'il
introduisit dans le service divin. Abraham servait Dieu avec amour ; Isaac, avec crainte et respect ;
Jacob, avec pitié. Non que les qualités de chacun fissent défaut aux autres ; seulement, chacun
d'eux avait une qualité prédominante. Ainsi, Abraham se distinguait particulièrement par la bonté
('Hessed) et l’amour (Ahavah), tandis qu'Isaac excellait dans la justice (Dine) et le respect (Yirah), et
Jacob, ayant hérité des qualités des deux autres Patriarches, les combinait en une double qualité
nouvelle où s’équilibraient la vérité (Emeth) et la compassion (Ra'hamim).
Nous, enfants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, avons reçu en héritage toutes ces grandes qualités
de nos Patriarches ; ce qui nous rend capables de servir Dieu et de prier avec amour, crainte
(respect) et pitié. Cette dernière qualité intervient quand nous prenons conscience que notre âme
est une partie de la Divinité ; alors nous avons pitié d'elle parce qu'elle est si souvent distraite de
Dieu par les aspects matériels de la vie quotidienne.
Apprendre, instruire, guider
Lors du Don de la Torah au mont Sinaï, notre mode de vie nous fut fixé par Dieu. Torah signifie
« enseigner », « instruire », « guider » ; car la Torah nous enseigne la conduite à tenir dans chaque
détail de notre vie quotidienne. La Torah contient 613 commandements. Parmi eux est celui qui
prescrit « de servir Dieu de tout notre cœur et de toute notre âme »
3
. Comment servir Dieu avec
notre cœur ? En Lui adressant nos Prières. Ce faisant, nous observons non seulement le
commandement relatif à la prière, mais aussi les autres, tels que d’aimer Dieu et de Le craindre,
lesquels sont des commandements séparés.
Durant le premier millénaire, depuis le temps de Moché Rabbénou, il n’y avait pas d'ordre fixé
pour les prières. Chaque individu avait le devoir de prier Dieu tous les jours ; mais la forme de la
prière, ainsi que le nombre de fois par jour étaient laissés à l'appréciation du fidèle
4
.
1
Talmud Berakhoth 26b.
2
v. Zohar I, 96a ; Torah Or, 17a, 23d, etc
3
Deutéronome 11,13.
4
Maïmonide, Hilkhoth Tefilah 1:3
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Il y avait cependant un ordre établi pour le service au Beth Hamikdache relativement aux sacrifices
du jour, matin et soir, tandis que les sacrifices du soir se prolongeaient dans la nuit. Les jours
spéciaux tels que le Chabbat, Roch 'Hodèche et les Fêtes, des sacrifices « additionnels » (Moussaf)
avaient lieu. De même, il n'était peut-être pas inhabituel pour certains Juifs de prier trois fois par
jour, le matin, le soir et la nuit, chacun à leur manière. Le roi David, par exemple, déclarait qu'il
priait trois fois par jour
5
; et Daniel Babylone) priait lui aussi trois fois par jour, le visage et le
corps orientés vers Jérusalem
6
.
Il a été prouvé qu'il existait, même au temps du premier Beth
Hamikdache, des lieux de prières publics appelés « Beth HaAm »
7
, que les Chaldéens (les
Babyloniens) détruisirent lors de la destruction de Jérusalem et du Beth Hamikdache.
Ezra le Scribe
Après ce tragique événement, et que les Juifs eurent été emmenés en captivité à Babylone, les Juifs
continuèrent à se rassembler et à prier ensemble. Les lieux de prières devinrent comme de « petits
sanctuaires » beth mikdache méat
8
. Mais durant les années d’exil, les enfants nés et élevés à
Babylone manquaient de la connaissance adéquate de la Langue Sainte (l'hébreu) et parlaient une
langue que les mélanges avaient rendue impure. C'est pourquoi, quand les Juifs revinrent dans
leur patrie après les soixante-dix ans d'exil, Ezra le Scribe, de concert avec les Hommes de la
Grande Assemblée (composée de prophètes et de Sages, dont le nombre se montait à 120), fixa le
texte de la prière quotidienne (Chemoneh Esréh les « Dix-huit Bénédictions »), en faisant une
institution permanente, et un devoir pour le Juif de réciter cette prière trois fois par jour. Depuis,
elle devint partie de la loi judaïque (Halakhah) prescrivant à chaque Juif de réciter ces prières dans
l'ordre fixé, trois fois par jour, correspondant aux sacrifices quotidiens au Beth Hamikdache, avec
des prières additionnelles le Chabbat, à Roch 'Hodèche et aux Fêtes, et une prière de conclusion
(Neïlah) à Yom Kippour.
Ainsi, les parties principales des prières quotidiennes furent formulées par nos Sages. Celles-ci
comprenaient le Chema et le Chemoneh Esréh, qui constituent toujours les parties les plus
importantes de nos prières du matin et du soir, leChemoneh Esréh formant également la partie
principale de l'office de Min'hah. Le Psaume quotidien que les Lévites avaient l'habitude de
chanter au Beth Hamikdache faisait aussi partie de la prière du matin. D'autres psaumes de David
furent inclus dans cette dernière prière, et des Actions de grâces spéciales avant et après le Chema y
furent ajoutées. Au temps où Rabbi Judah le Prince rédigea la Michna (environ en l’an 3910, ou 149
de l’ère vulgaire, quelque cinq cents ans après Ezra) et plus particulièrement lors de l'achèvement
du Talmud environ trois cents ans plus tard, ou il y a environ 1500 ans) l’ordre de base de nos
prières, telles que nous les connaissons aujourd’hui, avait été fixé.
5
Psaumes 55,18.
6
Daniel 6,11.
7
Jérémie 39,8.
8
Ezra 11,16
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La prière juive est-elle intrinsèquement paradoxale ?
par Tzvi Freeman
En priant Dieu, nous nous mettons dans une position assez absurde : nous reconnaissons qu’Il
existe...
1. Sur l’absurdité de la prière
Quiconque a observé un minyane du matin standard sait que la prière juive n’est pas normale. Ce
n’est pas normal de s’envelopper d’un drap de laine blanc, s’attacher des boites de cuir contenant
des parchemins sur son bras et sa tête, se balancer d’avant en arrière avec vos collègues en
chantant des incantations en hébreu et lire un rouleau de parchemin. Ce n’est pas normal de se
tenir devant un mur et d’avoir l’air de lui parler. Ce n’est pas normal de nos jours et cela n’a sans
doute jamais été normal, quelle que soit l’époque.
De nombreuses questions peuvent être soulevées : Pourquoi passons-nous tellement de temps à
glorifier Dieu ? Ne connait-Il pas sa propre grandeur ? Pourquoi nous rassemblons-nous pour
nous adresser à Lui ? Ne devrait-ce pas être une interaction plutôt personnelle ? Pourquoi
répétons-nous les mêmes mots, jour après jour ?
Nous aborderons ces questions et beaucoup d’autres dans les articles suivants. Mais, en premier
lieu, tournons-nous vers l’aspect le plus déroutant de la prière qui son concept même. Voyez-vous,
en priant Dieu, nous nous mettons dans une position assez absurde. En Le priant, nous
reconnaissons qu’Il est :
Bienfaisant
– Il veut faire des bonnes choses pour nous
Omnipotent
– Il peut tout faire. La réalité dépend de Son imagination.
Omniscient
Il connaît nos besoins mieux que nous. Et non seulement entend-Il nos prières, Il entend nos
pensées également. (Après tout, si elles viennent de Lui, Il doit forcément les connaître, n’est-ce
pas ?)
9
Absolu
– Il ne délègue pas Sa responsabilité et n’a besoin de la permission de personne. Il n’y a que Lui.
...et ce faisant, nous semblons avoir éliminé tout besoin de prier :
S’Il est bienfaisant et que tout ce qu’Il fait est bien...
...alors pourquoi voudriez-vous Lui demander de changer quoi que ce soit ?
S’Il est omnipotent et peut faire les choses comme Il le désire...
...pourquoi les choses ne sont pas comme Il le désire ?
S’Il est omniscient, sait ce dont nous avons besoin et veut nous faire du bien...
...pourquoi attend-Il que nous le Lui demandions ?
S’Il est l’Autorité Absolue...
9
La prière silencieuse standard (la Amidah”) s’achève par ce verset des Psaumes Puissent les paroles de ma
bouche et les pensées de mon cœur être agrées par Toi, Éternel, ma force et mon rédempteur” (Psaumes 19,15).
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Cher Dieu Omniscient, Omnipotent, Bienfaisant, j’ai une plainte à formuler......pourquoi
s’autorise-t-Il à être sensible par nos demandes ?
En bref : si nous croyons en un Dieu Omniscient, Omnipotent et Bienfaisant, pourquoi prier ? Un
Être Infini a-t-Il réellement besoin que nous Lui disions quoi faire ?
2. La réponse du philosophe
Peut-être n’a-t-Il pas besoin de nos prières. Peut-être que le seul objet de la prière est de nous
élever. De nombreux auteurs ont compris que c’est exactement ce que Maïmonide veut dire dans
ce passage du Guide des Égarés :
La prière, la récitation du Chéma, les Grâces après les repas et toutes les nédictions, la
bénédiction des Cohanim, les Téfilines, la Mézouza, les Tsitsit, l’acquisition du rouleau de la Torah
et sa lecture aux moments appropriés : toutes ces mitsvas ont pour but que nous nous rappelions
de Dieu continuellement, que nous venions à L’aimer et à Le craindre, et avoir foi en Lui et
accepter toutes ses mitsvas
10
.
Dans ce passage et d’autres déclarations similaires, Maïmonide établit clairement que D.ieu
pourrait parfaitement gérer l’univers sans nos prières. L’implication est que c’est nous qui avons
besoin de prière, pour Le connecter à nos vies.
En fait, il se peut que nous n’utilisions pas le terme approprié. Le mot français, prière, signifie
solliciter, implorer, supplier pour quelque chose.
Prière=bakachah=השקבIl existe un autre mot, bakachahהשקב, qui inclut tous ces sens. Mais ce n’est
pas le mot que nous employons. Nous disons tefilah. Mais tefilah veut-il dire « prière » ?
Tefilah est étymologiquement lié au mot tofel, qui signifie connecter ou attacher.
Connecter=tefilah=הלפתLorsque vous ajoutez un morceau d’argile à une poterie en argile, vous
êtes tofel cette argile. Lorsque la servante de Rachel, Bilah, eut un enfant (Genèse 30, 8), elle
l’appela « Naftali », signifiant « j’ai été connecté », de la même étymologie. De la même manière,
lorsque nous nous rebranchons à notre Source Originelle trois fois par jour (ou à chaque fois que
c’est nécessaire), nous appelons cela tefilah : se reconnecter
11
.
Si c’est ainsi, il y a une différence essentielle entre tefilah et prière : « prière » signifie qu’il y a un
être inférieur qui implore un être distinct supérieur de répondre à ses besoins. « Tefilah » signifie
attacher ensemble ces deux entités. Vous connectez vous-même et votre monde avec l’Être
Suprême, pour qu’une énergie divine puisse y pénétrer pour guérir les malades, faire tomber la
pluie et arranger tout ce qui n’est pas synchro ici-bas
12
.
Voilà qui est beaucoup plus intelligible. Une réponse tout à fait rationnelle, car le philosophe ne
veut certainement pas être pris à se compromettre dans l’irrationnel et l’absurde.
3. De retour au tableau noir
Très rationnel, certes, mais pourtant totalement incohérent avec le sens simple de nos prières
quotidiennes :
10
Maïmonide, Guide des Égarés (Moreh Nevoukhim) 3:44.
11
Nous développerons le thème de cette relation dans de prochains articles, avec l’aide de Dieu.
12
Voir Likoutei Si’hot vol. 2 p. 410 ; Rachi sur Genèse 30,8 ; Ohr HaTorah du Tsema’h Tsedek, vol. 2, 380a
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Nous ne nous contentons pas de venir déclamer à la synagogue : « Oui, Tu es le Roi Omnipotent et
nous Te devons tout. » Nous poursuivons en demandant, en suppliant, en implorant qu’Il change
la situation. Nous répétons encore et encore « Puisse être Ta volonté... », impliquant directement
que ce que nous requérons n’est actuellement pas Sa volonté et que notre intention est de changer
cela.
C’est bien d’une révolution qu’il s’agit : ceux qui sont en bas dictent leur volonté à Celui qui réside
En-Haut. Nos prières sont loin d’être passives. Nous tenons un rôle de parfaits noudniks, casse-
pieds et raseurs à souhait.
Et c’est une mitsva, c’est Lui qui nous a dit de le faire ! Dans les mots du même Maïmonide qui a
écrit les très raisonnables propos rapportés plus haut :
C’est un commandement positif de prier chaque jour, comme le dit le verset : « et vous servirez
l’Éternel votre Dieu. » la tradition enseigne que ceci se rapporte à la prière.
...ce commandement oblige chaque personne à offrir des supplications et des prières chaque jour et
à dire les louanges du Saint béni soit-Il ; puis demander pour tous ses besoins avec des requêtes
et des supplications
13
; et finalement, louer et remercier Dieu pour la bonté qu’Il lui a prodiguée ;
chacun selon sa capacité
14
.
Nous voilà de retour à la question : Pourquoi le Grand Ordonnateur de l’univers aurait-Il besoin
d’une armée d’inspecteurs des travaux finis ?
Je vais vous laisser une petite semaine pour réfléchir à tout cela. En attendant, voici une délicieuse
histoire venue tout droit du Talmud qui illustre bien tout ce dont nous avons parlé :
Il arriva une fois qu’Adar, le cinquième mois de la saison des pluies, avait presque entièrement
passé sans que la pluie ne tombe. Ils se rendirent chez ‘Honi le Faiseur de cercles et lui
demandèrent de prier pour la pluie. Il leur dit : « Allez mettre à l’abri vos fours de terre qui se
trouvent dans vos patios, afin qu’ils ne fondent pas sous la pluie. »
Alors il se mit à prier, mais la pluie ne tomba pas. Que fit-il ? Il traça un cercle au sol et se tint à
l’intérieur comme le prophète ‘Habakouk l’avait fait une fois
15
. Alors il s’adressa à Dieu et Lui dit :
« Maître de l’univers ! Tes enfants se sont tournés vers moi car ils me considèrent comme un
membre de ta Maisonnée. Je jure par Ton grand nom que je ne bougerai pas d’ici jusqu’à ce que Tu
aies pitié de Tes enfants. »
Une fine bruine commença à tomber. Les disciples de ‘Honi lui dirent : « Maître ! Nous avons vu ce
que tu as fait, mais nous ne voulons pas mourir ! Il semble que la pluie ne tombe que pour que tu
sois libéré de ton serment ! »
Alors il dit à Dieu : « Ce n’est pas ce que j’ai demandé ! Ce qu’il nous faut, c’est de l’eau pour
remplir les citernes, les fossés et les cavernes ! »
La pluie se mit à tomber furieusement. Ses disciples lui dirent : « Maître ! Nous avons vu ce que tu
as fait, mais nous ne voulons pas mourir ! Il semble que la pluie ne tombe que pour détruire le
monde ! »
Alors il dit : « Ce n’est pas ce que j’ai demandé ! Ce qu’il nous faut, c’est une pluie de bonne
volonté, de bénédiction et de bienfaisance ! »
13
L’accentuation est de mon fait.
14
Michné Torah, Lois de la Prière, 1:1
15
Voir ‘Habakouk 2,1
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