Propriétés d`une matrice stochastique précisées par son algèbre 1

Propriétés d’une matrice stochastique précisées par
son algèbre
J. Parizet
15 janvier 2013
Une matrice stochastique est une matrice carrée réelle, à coefficients positifs
dont la somme des termes de toute ligne vaut un.
Si les coefficients d’une matrice stochastique sont strictement positifs, on dit que
la matrice est strictement stochastique.
Aprés avoir rappelé ses propriétés usuelles, vérifions que l’intervention de son al-
gèbre conduit à d’autres propriétés.
1 Propriétés usuelles d’une matrice stochastique
1.1 Caractérisation
La matrice A d’ordre nexprime un endomorphisme fde Rndans la base canon-
ique. Alors
la matrice à coefficients positifs est stochastique ssi le vecteur ~u de composantes
(ui=1)est vecteur propre pour la valeur propre un.
Il s’en suit: le produit de deux matrices stochastiques est une matrice stochastique.
Car la matrice produit a pour coefficients la somme des produits des coefficients
de l’une et de l’autre: les coefficients de la matrice produit sont positifs; de plus
f1,f2étant les endomorphismes de ces matrices
f1f2(~u) = f1f2(~u)=f1(~u) =~u.
et la somme des termes de toute ligne de la matrice produit vaut un.
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1.2 Valeurs propres d’une matrice stochastique
Le spectre Sp(A) de A est l’ensemble de ses valeurs propres.
Le spectre d’une matrice stochastique est dans le disque unité. Car pour une
telle matrice de valeur propre λde vecteur propre V(vi), il vient à partir de
λvi=jai
jvjet pour |vi|=Max(|vj|)
|λ||vi|6|jai
jvj|6jai
j|vj|6jai
j|vi|=|vi|
d’où |λ|61.
De |λviai
ivi|=|j6=iai
jvj|on déduit
|λai
i||vi|6
j6=i
ai
j|vi|= (1ai
i)|vi|
soit |λai
i||vi|6(1ai
i)|vi|donc |λai
i|61ai
i:
rr q
10 ai
j
Si ai
i=0 il peut se trouver au moins un point de Sp(A) sur le cercle unité autre que
un. Distinguons le cas d’une matrice strictement stochastique du cas plus général.
1) Les valeurs propres d’une matrice strictement stochastique autres que un ont
un module strictement inférieur à un, et le sous-espace propre pour cette valeur
propre un est la droite dirigée par ~u.
Le premier point est clair car aucun des termes diagonaux de la matrice n’est nul.
Quant au second point, soit X(xi)vecteur propre pour la valeur propre un. On peut
supposer X réel car si X est complexe, X est aussi vecteur propre pour 1, donc les
parties réelle et imaginaire de X aussi – qui sont réelles.
Soit xile plus grand en module des |xj|; quitte à changer X en X on peut sup-
poser xi>0. La relation exprimant que X est vecteur propre xi=jai
jxjmontre
que les xjprécédents, situés dans [xi,xi], affectés des coefficients ai
jont pour
barycentre xi. Ils sont donc confondus en ce point: ~xest proportionnel à ~u.
2) Les valeurs propres de module un d’une matrice stochastique sont racines en-
tières de l’unité.
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Une matrice strictement stochastique a 1 pour valeur propre (racine un-ième de
l’unité), mais n’a pas d’autres valeurs propres de module un...
Supposons que A ait une valeur propre λ6=1 de module 1, et partons de xi, i-ième
composante du vecteur propre X telle qu’elle majore en module les autres com-
posantes du vecteur propre X: |xj|6|xi|pour tout j. X n’est pas nul, xinon plus:
en divisant X par xi, on peut prendre xi=1.
a. Alors
.ai
i=0 sinon λ=1 ou |λ|<1 selon §1.2.
.λxi(= λ) = jai
jxj=J1ai
jxjen considérant l’ensemble J1d’indices tels que
jJ1:ai
j6=0 . Notons que J16=/0 sinon λ=0.
.J1ai
jxjest le barycentre des xjde modules au plus 1, à coefficients positifs:
puisque c’est le point λsur le cercle unité nécessairement les xjsont confondus
en λ– sinon ce barycentre serait pour des raisons de convexité intérieur au disque
unité. Ainsi jJ1:xj=λ.
b. Considérons l’un des xj1précédents valant λ(j1J1): λxj1(= λ2) = J2aj1
jxj,
somme portant sur les jJ2(non vide) tels que aj1
j6=0. Par le même raison-
nement (xj1) sur le cercle unité): jJ2,xj=λxj1=λ2; il est clair que J1J2
est vide car λ6=1. Si iJ2,xi(= 1) = λxj1=λ2:λ2=1.
Excluons λ2=1 (et λ=1). Il est clair que J2a au moins un élément.
c. Continuons en considérant xj2(j2J2). Comme précédemment, soit J3l’ensem-
ble des jtels que aj2
jsoit strictement positif. De λxj2=J3aj2
jxjon déduit que
pour tout jde J3:xj=λxj2=λ3.J2J3est vide car λ26=1. Si iJ3alors
λ3=1.
En excluant ces cas (λ,λ2,λ3différents de un), puisque J3a au moins un élément,
on peut poursuivre en considérant l’un de ses éléments xj3et l’ensemble J4des j
tels que aj3
j>0.
Comme ci-dessus, J3n’a pas d’élément commun avec J2, J3selon les conditions
sur λ, et si iappartient à J3, nécessairement λ4=1.
En supposant λ46=1, on poursuit en construisant une suite de parties (Jk) dis-
jointes non vides de [1,2,··· ,n]qui à partir d’un certain rang conduit à Jlcon-
tenant id’où λl=1. Remarquons que la démarche conduit à un vecteur propre
de composantes les puissances de λd’au plus l, avec éventuellement des zéros.
Exemple simple à partir d’une matrice de permutation
La matrice
1 1/201/2
0010
0001
0100
a pour valeurs propres 1,j,j2et le vecteur
0
1
j
j2
est vecteur
propre pour la valeur propre j. A partir de x2les J2, J3et J4se réduisent à un élément (3), (4), (2);
d’autre part les vecteurs~
iet ~usont vecteurs propres pour la valeur propre 1.
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1.3 L’ensemble des puissances entières d’une matrice stochas-
tique est borné
L’ensemble des puissances des matrices stochastiques d’ordre nest borné dans Mn(R)muni par
exemple de la norme |A|=Max(|ai
j|)car toute puissance d’une matrice stochastique est une ma-
trice stochastique dont les coefficients sont compris entre 0 et 1.
Les coefficients de la matrice stochastique A(ai
j), compris entre 0 et 1, le sont plus précisément en-
tre a1=Min (ai
j) et b1=Max (ai
j) et ceux de sa puissance p-ième entre les apet bpcorrespondants.
Soient a(p)i
jles coefficients de Ak:a(p)i
j=
k
ak
ja(p1)i
kest compris entre
k
ak
jap1et
k
ak
jbp1:
ap16ap6bp6bp1: la suite (ap) est croissante et la suite (bp) décroissante.
Remarquons que si b1=1 alors a1=0 mais a1peut être nul sans que b1vaille un.
2 Algèbre engendrée par A
On peut expliciter dans cette algèbre (en abrégé dans l’algèbre de A) toute puissance entière d’une
matrice stochastique et la limite éventuelle de la suite de ses puissances entières.
L’algèbre de A est de dimension le plus petit entier mtel que le système (I,A,A2,··· ,Am) soit lié.
En exprimant Amà l’aide des autres termes du système (qui forment une base de l’algèbre) on
obtient le polynôme minimal de A, vérifiant M(A)=0 comme le polynôme caractéristique de la
matrice (Cayley-Hamilton) qui en est un multiple.
De plus toute valeur propre de A est zéro de M: de A·X=λX on déduit M(A)·X=M(λ)X et on
conclut puisque le vecteur propre n’est pas nul.
Le polynôme minimal de A est de la forme M=i(Xλi)kioù les λisont les valeurs propres de
A, zéros d’ordre au plus kide son polynôme caractéristique Pc.
La décomposition de la fraction rationnelle 1/M sous la forme
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M=
i
Pi
(Xλi)kioù Piest un polynôme de degré au plus ki1
donne avec Qiquotient de M par (Xλi)ki: 1 =iPiQid’où avec πλi=PiQi
1=i, en particulier πλi(λi) = 1. Notons I=iπλi(A).
Si λest zéro simple de M, πλ=Qλ/Qλ(λ).
Le polynôme πλiπλjest, pour i6=j, multiple de M: πλi(A)·πλj(A) = 0. Et à partir de l’expression
précédente de I: π2
λi(A) = πλi(A) = 0.
A partir de cette expression dont on multiplie les deux membres par A, avec pour chaque i
A=λiI+ (AλiI)
A=
iλiπλi(A) + νλi(A)avec νλi(A) = πλi(A)·(AλiI)
Puisque kiest l’ordre du zéro λide M : νki
λi(A) = 0. Pour iet jdifférents, νki
λi(A)·νki
λj(A) = 0.
Avec l’endomorphisme fde Rnexprimé par A, l’espace s’exprime comme somme directe
Rn=LiImπλi(f): X=I·X=iπλi(A)·X.
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πλi(f)est la projection sur Imπλi(f)selon la direction de la somme directe Lj6=iImπλj(f).
On retrouve la décomposition de Dunford de A en somme commutative d’une matrice diagonali-
sable et d’une matrice nilpotente:
A=
i
λiπλi(A) +
i
νλi(A).
Car en considérant les valeurs propres et vecteurs propres correspondant de A:
.Si A·X=λX, alors Ak·X=λkX et πλ(A)·X=πλ(λ)X=X:
tout vecteur propre pour la valeur propre λest vecteur de Imπλ(f).
.Lorsque λest zéro simple du polynôme minimal, tout vecteur de Imπλ(f)est vecteur propre
pour λ: de πλ(A)·X=X on déduit A ·X= (AλI+λI)·πλ(A)·X=M(A)·X+λ πλ(A)·X
soit A·X=λX.
.kétant le plus grand des ordre de multiplicité des zéros λide M, il est clair que iνλi(A)kest
nul.
.Notons A0=iλiπλi(A). Alors pour la valeur propre λk
A0λkI=
i
µikπλi(A)avec µik =λiλk.
Le produit pour toutes les valeurs propres de A, compte-tenu des produits πλi(A)·πλj(A)(1
lorsque iet jsont égaux, 0 sinon), est nul
k
(A0λkI) =
i
k
µikπλi(A)=0 puisque µii est nul.
Il s’ensuit que A0est diagonalisable car ses valeurs propres sont zéros simples de son polynôme
minimal.
De l’expression de A on déduit pour tout naturel psupérieur au plus grand des (ki)
Ap=
ihλp
iI+C1
pλp1(AλiI) + ··· +Cki1
pλpki+1
i(AλiI)ki1iπλi(A)(1)
3 Comportement de la suite (Ap) à l’infini
Étudions pour la matrice stochastique A le comportement de (Ap) selon l’ordre de multiplicité des
zéros du polynôme minimal de A et selon leurs modules (ou valeurs absolues) en distinguant le
cas d’une matrice strictement stochastique de celui d’une matrice stochastique.
3.1 Cas d’une matrice strictement stochastique
La matrice A admet la valeur propre 1 et des valeurs propres strictement inférieures à 1 en mod-
ule: dans l’expression (1) de Apon s’aperçoit que la contribution de celles-ci tend vers 0 lorsque
ptend vers l’infini. Si le zéro 1 du polynôme minimal est d’ordre k>1, la présence de Ck1
pdans
la contribution de cette valeur propre dans Apmontre que Apn’est pas bornée lorsque ptend vers
l’infini:
la valeur propre un d’une matrice strictement stochastique est zéro simple de son polynôme mini-
mal.
Dans ce cas d’une matrice strictement stochastique lorsque ptend vers l’infini Aptend vers π1(A)
qui est, en introduisant le quotient Qidu polynôme minimal par (X1),
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