InsuffIsance cardIaque gauche.
comment je l’apprécIe en échographIe ?
Xavier Monnet, Jean-Louis Teboul
Service de réanimation médicale, EA4533. Hôpitaux universitaires Paris-
Sud. Assistance publique Hôpitaux de Paris, CHU de Bicêtre, 78 rue
du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin Bicêtre. E-mail : xavier.monnet@
bct.aphp.fr
INTRODUCTION
La suspicion ou la survenue avérée d’une insufsance cardiaque gauche,
chez un patient de réanimation ou au bloc opératoire, impose une évaluation
hémodynamique complète. Au cœur de celle-ci, l’échocardiographie tient à
l’évidence une place fondamentale. C’est en effet l’outil qui permet à la fois de
mettre en évidence l’insufsance cardiaque, d’en préciser les caractéristiques
hémodynamiques, d’en apprécier la sévérité et, bien souvent, d’en supposer
la cause.
Dans ce chapitre, nous détaillerons les différents éléments de l’analyse
échographique de la fonction cardiaque gauche. Nous envisagerons successive-
ment la fonction systolique et la fonction diastolique du ventricule gauche. Nous
insisterons sur les indices échographiques qui sont les plus utilisés en pratique
courante et nous montrerons que beaucoup d’entre eux sont accessibles à des
échographistes relativement peu expérimentés. Nous exclurons de ce chapitre
la tamponnade péricardique et les valvulopathies.
1. FONCTION SYSTOLIQUE DU VENTRICULE GAUCHE
1.1. DÉFINITION
La contractilité est une propriété intrinsèque du muscle qui reète la qualité
de l’interaction entre les laments d’actine et de myosine. Elle est indépen-
dante des conditions de charge, c‘est-à-dire qu’elle correspond au degré de
raccourcissement musculaire à précharge et postcharge constantes. Ainsi, les
indices idéaux pour reéter la contractilité cardiaque devraient être effectivement
indépendants des conditions de charge.
De ce point de vue, l’indice de contractilité ventriculaire idéal est la pente
de la droite d’élastance tracée à partir d’une famille de courbes pression-volume
MAPAR 2012
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ventriculaires. L’enregistrement de courbes reliant la pression et le volume ventri-
culaires gauches au cours d’un cycle cardiaque sous diverses conditions de charge
permet d’obtenir une famille de courbes. L’ensemble de points télé-systoliques
est aligné sur la droite d’élastance. La pente de cette droite d’élastance est le
meilleur reet accessible de la contractilité ventriculaire. On conçoit en revanche
qu’il s’agisse d’un indice difcilement accessible en pratique clinique en dehors
du contexte de la recherche physiologique [1]. Ainsi, l’estimation de la fonction
systolique repose sur des indices plus simples à recueillir mais moins purs de
la contractilité cardiaque. Nous ne détaillerons que les plus utilisés d’entre eux.
1.2. FRACTION D’ÉJECTION DU VENTRICULE GAUCHE
1.2.2. Définition
Il s’agit de l’indice échographique le plus utilisé pour estimer la contractilité
ventriculaire gauche. La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) correspond
au rapport entre le volume d’éjection systolique (le volume qui a été éjecté) sur
le volume télédiastolique du ventricule gauche (le volume qui était présent dans
la cavité ventriculaire avant la systole). La fraction d’éjection peut être mesurée
en échocardiographie de plusieurs façons [2].
1.2.3. fraction De réDuction Des surfaces et Des volumes
Cette méthode nécessite la mesure des volumes télésystolique et télédias-
tolique du ventricule gauche. Les méthodes les plus ables utilisent pour ceci, à
partir d’une coupe apicale, d’une part le traçage des contours endocardiques de
la cavité et d’autre part de son grand axe en télésystole et en télédiastole. Ces
mesures doivent être effectuées dans deux plans orthogonaux, c‘est-à-dire à partir
d’une coupe apicale quatre cavités et d’une coupe deux cavités. Une modélisation
mathématique grâce à un logiciel intégré à la machine échographique permet, à
partir de ces dimensions, d’assimiler le ventricule gauche à un empilement de
disques de diamètres différents. Ceci permet une estimation able des volumes
ventriculaires et, partant, de la fraction d’éjection. Plusieurs de ces modélisations
sont utilisées, la plus able étant la méthode de Simpson biplan [3].
Une autre estimation de la FEVG est fournie par la mesure de réduction des
surfaces. Elle consiste à estimer les volumes ventriculaires à partir de la simple
mesure des surfaces télésystolique et télédiastolique dans une seule dimension
(en coupe apicale quatre cavités). Par rapport à la méthode biplan, cette méthode
monoplan a l’inconvénient d’ignorer les dimensions du ventricule gauche dans
le plan orthogonal. Par exemple, dans le cas d’une séquelle d’infarctus de la
paroi antérieure du ventricule gauche, l’akinésie qui en résulte est ignorée par
la mesure de la FEVG en mode monoplan puisque celui-ci ne tient compte que
des parois septale, apicale et latérale de la cavité.
Ces méthodes d’évaluation de la FEVG ont été validées en regard des
méthodes de références que sont l’angiographie ventriculaire et la scintigraphie
cavitaire [3]. Il faut noter qu’elles sont moins ables lorsque l’échographie
transœsophagienne est utilisée [4]. En effet, celle-ci conduit souvent à une
sous-estimation de la longueur du grand axe ventriculaire gauche.
1.2.4. fraction De réDuction Des surfaces ventriculaires gauches en
coupe petit axe
Il s’agit d’une méthode qui est fréquemment utilisée en anesthésie avec
l’échographie transœsophagienne. Elle est calculée à partir des surfaces télé-
Insufsance cardiaque 231
systolique et télédiastolique du ventricule gauche mesurées sur une coupe petit
axe passant par les piliers de la valve mitrale. Même si cette méthode peut être
réalisée à partir d’une voie parasternale gauche ou sous-xiphoïdienne en mode
transthoracique, elle est surtout utilisée en échographie transœsophagienne par
une coupe transgastrique, essentiellement dans le contexte de l’anesthésie [5].
L’inconvénient majeur de cette méthode est de négliger la contractilité
ventriculaire qui se produit dans des segments non étudiés (de façon plus basale
ou apicale qu’au niveau des piliers mitraux ou de façon antéro-postérieure). Cet
inconvénient est notable en cas de troubles de cinétiques segmentaires en cas
de cardiopathie ischémique.
1.2.5. fraction De raccourcissement Des Diamètres
Avec cette méthode, la fonction systolique est estimée par la fraction de rac-
courcissement entre les diamètres télédiastolique et télésystolique de ventricule
gauche mesurés sur une coupe bidimensionnelle du ventricule gauche en coupe
parasternale grand axe étudiée en mode temps mouvement. L’extrapolation de
cet indice de contractilité à l’ensemble de la cavité ventriculaire ne peut s’envi-
sager raisonnablement qu’en cas de contractilité ventriculaire homogène. Cet
indice est donc peu able en cas de cardiopathie ischémique [2].
1.2.6. estimation visuelle De la fevg
La mesure précise de la FEVG est parfois utile en cardiologie, lorsqu’il s’agit
par exemple de suivre un patient sur plusieurs années, mais elle l’est souvent
moins dans le domaine de l’anesthésie et de la réanimation. Dans ces cas, une
estimation semi-quantitative de la FEVG très abaissée », «modérément altérée
», «normale »), est souvent sufsante pour guider le diagnostic hémodynamique
et le traitement.
De ce point de vue, il a été démontré par plusieurs études que l’estimation
visuelle de la FEVG donnait des valeurs très proches de celles obtenues par
une mesure précise du paramètre [6]. Ainsi, l’estimation de la FEVG est rendue
accessible à la majorité des réanimateurs et des anesthésistes, me ceux qui ne
sont que modérément expérimentés dans la technique échocardiographique [7].
1.3. LIMITES DE LA MESURE ET LIMITES D’INTERPRÉTATION
Une première limite à la mesure de la FEVG est liée à la mauvaise dénition
des contours endocardiques, plus fréquente chez les patients de réanimation
que les patients de cardiologie, même si l’amélioration technique des appareils
échographiques a permis d’en limiter la fréquence. Une deuxième limite tient,
comme nous l’avons vu, à l’existence de troubles de la cinétique segmentaire
du ventricule gauche qui rend imprécises les mesures géométriques de la FEVG.
Dans ces cas, il est fortement conseillé d’utiliser la méthode de réduction des
volumes par la méthode de Simpson biplan.
Une limite d’interprétation essentielle de la FEVG tient au fait que cet indice
n’est pas un reet pur de la contractilité ventriculaire gauche et dépend des
conditions de précharge et de postcharge ventriculaire [8], comme l’illustre la
Figure1. A titre d’exemple, la FEVG peut être normale chez un patient dont la
pression télésystolique du ventricule gauche (c‘est-à-dire la pression artérielle
systolique) est abaissée, mais devenir basse lorsque la pression artérielle sys-
tolique est restaurée. Cette limite d’interprétation doit toujours être gardée à
MAPAR 2012
232
l’esprit lorsque la FEVG est utilisée pour estimer la fonction contractile au cours
d’une insufsance circulatoire aiguë.
Figure 1 : Déterminants de la fraction ventriculaire gauche. La fraction d’éjection
ventriculaire gauche (FEVG) dépend de la postcharge (pression télésystolique
du ventricule gauche, PTSVG) et de la précharge (volume télédiastolique du
ventricule gauche, VTDVG) et n’est qu’un reet imparfait de la mente de la droite
d’élastance (Emax) (adapté d’après [8]).
1.4. AUTRES INDICES ÉCHOGRAPHIQUES DE CONTRACTILITÉ VENTRICU-
LAIRE GAUCHE
La vitesse de raccourcissement circonférentiel des bres myocardiques
est calculée en divisant la fraction de raccourcissement de surface (mesurée
en coupe petit axe) par le temps d’éjection du ventricule gauche. Cet indice doit
ensuite être normalisé par la fréquence cardiaque. Il reste peu utilisé, notamment
parce qu’il est très dépendant des conditions de charge ventriculaires gauches.
La dérivée première de pression (dP/dtmax) mesurée sur le prol Doppler
d’insufsance mitrale permet d’estimer la « vitesse de pressurisation » du
ventricule gauche pendant la systole. La technique consiste à recueillir le signal
en Doppler continu du ux d’une insufsance mitrale. De façon simpliée, on
peut mesurer l’intervalle de temps compris entre les vitesses de 1 m.s-1 et 3
m.s-1 [9]. Cette méthode a été validée par une mesure invasive de la pression
ventriculaire gauche. L’estimation échographique se heurte à plusieurs obstacles.
En particulier, cette méthode nécessite un alignement parfait avec le ux
d’insufsance mitrale. De plus, l’indice dépendant grandement des conditions
de charge, et notamment de la pression auriculaire gauche, il n’est qu’un reet
impur de la contractilité ventriculaire gauche.
(PTSVG - VTDVG)
FE = 1 -
Emax PTSVG = 50 mmHg
PTSVG = 200 mmHg
PTSVG = 150 mmHg
PTSVG = 100 mmHg
VTDG (ml)
0
150
20
60
40
80
100
100 20050
FEVG (%)
Insufsance cardiaque 233
En résumé, l’indice de fonction systolique le plus couramment utilisé en
pratique clinique en réanimation et en anesthésie est la FEVG. Dans ces contextes
cliniques particuliers, elle doit toujours être interprétée en fonction des conditions
de précharge et de postcharge cardiaques gauches.
2. FONCTION DIASTOLIQUE DU VENTRICULE GAUCHE
2.1. DÉFINITION
La dysfonction diastolique se dénit comme une incapacité du ventricule
gauche à se relaxer, à se laisser distendre et à se remplir correctement [10]. On
parle « d’insufsance cardiaque d’origine diastolique » lorsqu’en présence de
signes d’insufsance cardiaque, une dysfonction diastolique peut être incriminée
de façon prédominante, c’est-à-dire lorsque la fonction systolique du ventricule
gauche est normale ou subnormale [10].
2.2. DIAGNOSTIC ÉCHOGRAPHIQUE
2.2.1. évaluation De la fonction systolique Du ventricule gauche
La fonction systolique du ventricule gauche est théoriquement normale ou
subnormale au cours de l’insufsance cardiaque diastolique isolée. Cependant,
la constatation d’une fonction systolique normale ou subnormale sans dilatation
ventriculaire gauche ne suft pas pour afrmer formellement que l’insufsance
cardiaque aiguë est d’origine diastolique. La conrmation échographique s’ap-
puiera sur l’élimination d’une pathologie valvulaire, péricardique ou cardiaque
droite qui pourrait aussi expliquer une insufsance cardiaque à fraction d’éjection
ventriculaire gauche normale. Surtout, l’échocardiographie doit objectiver des
anomalies de la fonction diastolique [11].
2.2.2. anomalies De la fonction Diastolique
L’objectivation d’anomalies de la diastole repose sur la mise en évidence
d’une élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche. De nom-
breux indices fondés sur l’analyse échographique ont été développés dans ce
but. Tous souffrent de limites propres et sont d’une interprétation complexe.
Une conférence de consensus de la European Society of Cardiology a permis
de clarier les critères qui doivent être utilisés pour porter le diagnostic de
dysfonction diastolique [11].
2.2.2.1. Recherche d’une hypertrophie myocardique
Dès lors qu’une hypertrophie myocardique est objectivée, les anomalies
Doppler du ux mitral et de la vitesse de l’anneau mitral sont présentes dans
plus de 90 % des cas. Ainsi, si la fraction d’éjection est normale ou subnormale,
la seule observation d’une hypertrophie myocardique suft pour afrmer l’origine
diastolique de l’insufsance cardiaque aiguë [11].
2.2.2.2. Analyse du ux sanguin mitral
L’étude du ux mitral est la méthode qui permet le plus simplement de
détecter une dysfonction cardiaque diastolique à l’échocardiographie [12]. Lors
de la diastole normale, après l’ouverture de la valve mitrale, la pression dans le
ventricule gauche poursuit sa décroissance alors que la pression dans l’oreillette
gauche est plus élevée (Figure 2). Le Doppler du ux mitral enregistre alors
l’onde E, reet du gradient de pression auriculo-ventriculaire, dont l’amplitude
dépend de la relaxation isovolumique et de la pression dans l’oreillette gauche
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