Concurrences N° 1-2011 I Droit & économie I Laurent Flochel, Contrôle des concentrations horizontales: Les tests UPP, GUPPI et IPR 32
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directement le niveau du coût marginal. Il y aura pression à
la hausse des prix si l’effet net est une augmentation du coût
marginal de production, c’est-à-dire si l’effet de l’élimination de
la concurrence entre les parties est plus important que l’effet de
gain d’efcacité, soit si :
D12 (p2 - c2) > EC1
Il est possible qu’il existe une pression à la hausse de prix pour
l’un des deux produits mais pas pour l’autre. Dans ce cas, la
pression à la hausse peut être compensée par l’incitation à la
baisse du prix sur l’autre produit.
22. La beauté de ce test est qu’il n’est pas nécessaire de déterminer
la façon dont la hausse de coût marginal est transmise dans le
prix. Cette question du pass through est complexe puisqu’elle
dépend notamment de la forme de la fonction de demande et de
la façon dont les entreprises se font concurrence. Le test UPP
permet simplement de prédire s’il y a ou non un effet de hausse
des prix, sans passer par ces complexités.
23. Notons que le test UPP a le mérite d’intégrer les gains
d’efcacité au stade de l’analyse des effets unilatéraux. La
pratique décisionnelle actuelle de nombreuses autorités de
concurrence consiste à analyser les effets unilatéraux sans tenir
compte des gains d’efcacité, puis à tenir compte de ceux-ci dans
le cas où un risque d’effets unilatéraux a été mis en évidence.
Du point de vue économique, un tel raisonnement séquentiel
est peu pertinent. En effet, si les entreprises se font concurrence
en prix, toute fusion conduit nécessairement à une hausse des
prix. Ce n’est qu’une réduction des coûts de production qui
peut éventuellement contrebalancer cet effet. L’incitation
des entreprises à augmenter ou non leurs prix à la suite d’une
fusion dépend donc de l’effet d’élimination de la concurrence
et de l’effet des gains d’efcacité. Ces deux effets doivent être
considérés simultanément.
2. Le GUPPI
24. Le test UPP présenté ci-dessus peut être qualié de “test
pur”. Il repose en effet sur le fait que, en l’absence de gains
d’efcacité, toute fusion conduit à une hausse des prix. Ce test
est binaire : le résultat est soit positif, soit négatif, selon que
la pression à la hausse des prix est d’une ampleur telle qu’elle
puisse être compensée par les gains d’efcacité attendus. Le test
UPP ne se préoccupe pas de l’ampleur de la différence entre la
pression à la hausse des prix et les gains d’efcacité.
25. Or la question de l’ampleur de la pression à la hausse des
prix est importante pour l’autorité de la concurrence, qui se
forgera in ne son avis sur un ensemble d’indicateurs. C’est
pourquoi les lignes directrices nord-américaines ont nalement
retenu un concept un peu moins pur que le test UPP, à savoir
un indicateur de la seule pression à la hausse des prix, du nom
de GUPPI (Gross Upward Pricing Pressure Index). Le terme
gross s’explique par le fait que cet indice ne tient compte que de
l’incitation à la hausse des prix due à l’élimination de l’effet de
cannibalisation, mais n’intègre pas l’effet des gains d’efcacité.
26. Le GUPPI est déni dans les lignes directrices nord-
américaines de la façon suivante :
l’effet de cannibalisation, est donné par le produit de la marge
unitaire et du ratio de diversion vers l’autre entreprise du groupe.
Formellement, la taxe imposée à l’entreprise 1 s’écrit :
t1 = (p2 - c2) D12
p2 étant le prix xé par l’entreprise 2, c2 son coût marginal de
production et D12 le ratio de diversion de 1 vers 2. Le premier
terme (p2 - c2) est la marge brute de l’entreprise 2 sur chaque
unité de produit 2 gagnée. Le second terme, le ratio de diversion
de 1 vers 2 est la fraction du report de la demande de produit 1
vers le produit 2. Cette quantité additionnelle pour 2 lui rapporte
la marge brute unitaire. La taxe est donc la valorisation pour 2 du
report de demande de 1 lorsque 1 augmente son prix.
17. Pour bien comprendre, prenons un exemple numérique.
Supposons que la marge brute unitaire est de 6 € pour l’entreprise
2. Si, à la suite d’une hausse de prix sur le produit 1, une quantité
de 100 unités se reporte vers les autres produits et que ces 100
unités se répartissent pour 30 unités vers le produit 2 et pour
70 unités vers les autres produits vendus par les concurrents,
alors le ratio de diversion est de 30 %. La taxe est alors égale
à 1,80 € (0,30 × 6 €). Chaque unité de bien 1 vendue en moins
par l’entreprise 1 (du fait d’une hausse de prix de 1) rapporte à
l’entreprise 2 la somme de 1,80 €. De façon symétrique, chaque
unité de bien 1 vendue en plus par l’entreprise 1 (du fait d’une
baisse de prix de 1) coûte à l’entreprise 2 la somme de 1,80 €.
En payant une taxe de 1,80 € par unité vendue, l’entreprise 1
internalise parfaitement l’impact qu’a sur l’entreprise 2 une
hausse ou une baisse de son prix. L’entreprise 1 choisira donc
son prix en tenant compte de l’externalité qu’elle engendre
sur l’entreprise 2. L’entreprise 2 payant également une taxe,
chacune des deux liales va choisir son prix en maximisant
son propre prot et en internalisant l’effet que celui-ci a sur le
prot de l’autre liale. Ce système permet d’aboutir à des prix
maximisant le prot joint des deux liales.
18. Cette taxe correspond donc à une augmentation du coût
marginal de production. Elle a pour effet d’inciter l’entreprise
sur laquelle elle est appliquée à augmenter son prix, dans une
proportion qui reste à déterminer.
19. La fusion entre les deux entreprises peut également induire
des gains d’efcacité sous forme de réduction de coût marginal
de production. Ceci aura pour effet d’inciter l’entreprise dont les
coûts sont réduits à diminuer son prix, dans une proportion qui
reste à déterminer. La réduction du coût marginal de l’entreprise
1 du fait de la fusion est notée ici EC1.
20. Au nal, la fusion entre les entreprises 1 et 2 a deux effets
opposés :
– Une augmentation du coût marginal de production, du montant
de la taxe correspondant à l’internalisation de la concurrence
exercée sur l’autre partie ;
– Une diminution du coût marginal de production, d’un montant
correspondant aux gains d’efcacité.
21. Ce qui importe ici est donc l’effet net. Le fait d’utiliser
une taxe unitaire pour internaliser l’effet de cannibalisation
permet de comparer les deux effets, puisque tous deux affectent