ORGANISATION DES RÉSEAUX DE TRAUMATOLOGIE François Xavier Ageron (1), David Sapir (2), Hocine Foudi (3), Lahcene Foudi (3), Karim Tazarourte (4) (1) SAMU 74 et Réseau Nord Alpin des Urgences (RENAU). 74000 Annecy (2) SAMU 91. CH Sud Francilien, 91000 Corbeil (3) SAMU 77-Pôle Urgences. CH Melun, 77000 Melun (4) Pôle Urgences-SAMU 69. CHU Lyon Groupement hospitalier Edouard Herriot, 69003 Lyon, 5 place d’Arsonval. Lyon 69003, E-mail : Karim. [email protected] INTRODUCTION La mortalité associée aux traumatismes graves et l’impact socio-économique des lésions consécutives à des blessures représentent un fléau mondial, avec plus de deux millions de décès par an dans le monde [1]. Dans les pays industrialisés, ils représentent la première cause de décès avant 45 ans. Aux Etats-Unis, on estime à 10 millions le nombre de patients par an porteur d’un handicap pour un coût annuel de 180 milliards de dollars [2]. Ce problème majeur de santé publique représente un challenge pour l’organisation de nos systèmes de soins. Depuis plus un demi-siècle, les autorités sanitaires des pays industrialisés ont développé des systèmes de soins structurellement différents. Le concept de « trauma system » ou de réseaux de soins organisant de façon formelle l’orientation des traumatisés graves s’est imposé comme un standard. L’évaluation des systèmes de soins, quelle que soit l’organisation choisie est un élément essentiel de l’amélioration de la qualité des soins. Des registres de traumatisés graves sont mis en place dans de nombreux pays industrialisés et représentent une méthode d’évaluation de ces « trauma system ». L’objectif de cet article est de décrire l’impact et les fonctionnalités d’un registre des traumatisés graves. 1. LE CONCEPT DE « TRAUMA SYSTEM » A la fin des années soixante, l’Académie des sciences américaine publie un rapport sur les traumatismes indiquant que la qualité des soins dispensée aux blessés dans les grandes agglomérations est inférieure aux soins en zone de combat pendant les guerres de Corée et du Vietnam. Les Etats-Unis décident d’adopter l’organisation militaire à la vie civile. Au Vietnam le temps d’évacuation 228 MAPAR 2014 des blessés n’excédait pas 35 minutes, et l’environnement hostile des zones de combat rendait la médicalisation précoce des victimes inadaptées. Le système civil mis en place aux Etats-Unis reprend à son compte ce principe jugeant que le temps d’évacuation prime sur tout autre paramètre, et que l’accueil des blessés doit être réalisé dans un centre capable de traiter de façon définitive les lésions. Ce concept est conforté par l’inadéquation entre le nombre peu important de médecins et un territoire très vaste. En 1976, l’American College of Surgeon édite un référentiel comprenant les critères de désignation des centres de traumatologie, ainsi que son articulation au niveau régional avec la création de réseaux de soins appelés « trauma system » [3]. Cette organisation repose sur la classification des centres hospitaliers en niveau de I à IV. Le niveau I correspond au centre de référence en capacité de traiter toutes les lésions de façon définitive, alors que le niveau IV effectue la stabilisation du patient avant son transfert sur un centre de niveau adapté. Les blessés sont orientés dans les centres de traumatologie de différents niveaux en fonction d’une procédure de triage simple appliquée par un personnel paramédical. Les différentes caractéristiques d’un « trauma system » américain sont décrites dans le Tableau I. Tableau I Caractéristiques principales d’un « trauma system » américain • Désignation des centres de traumatologie par une autorité légale (Etat) niveau de I à IV. •Procédure de certification de centres de traumatologie selon les standards de l’American College of surgeon (visite de certification). • Processus de limitation du nombre de trama centres dans une région donnée. • Obligation de participer à un réseau hospitalier avec un programme d’amélioration de la qualité des soins. •Procédure écrite de critères de triage évitant l’admission dans des centres non désignés. • Evaluation permanente de la qualité des soins (Registre trauma). Entre la fin des années soixante-dix et le début des années deux mille, la mise en place d’un « trauma system » dans chaque état américain fut progressive. En 2002, 35 états disposent d’une organisation formalisée avec 1154 centres de traumatologie adultes [4]. L’évaluation de ce système montre une diminution de la mortalité. Mullins et al. étudient la mortalité avant et après la mise en place d’un « trauma system ». Sur une période de 7 ans, il observe une réduction de la mortalité de 35 % chez les patients admis dans une filière de soins reconnue comme « trauma system » [5]. MacKenzie et al. comparent une organisation formalisée centrée sur des centres de traumatologie à une organisation non structurée dans 19 états américains. La diminution de la mortalité est de 25 % en faveur des « trauma system » [6]. Devant cet impact sur la mortalité, de nombreux pays anglo-saxons décident d’adopter le concept de « trauma system » américain dans les années quatre-vingt-dix (Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). L’exemple du system de la province de Québec est remarquable sur la réduction de la mortalité [7]. En Europe, l’influence de l’organisation militaire dans les schémas de soins civils ne s’est pas opérée. La médicalisation des soins pré-hospitaliers est variable d’un pays à un autre, allant d’une paramédicalisation totale au Royaume-Uni à Traumatologie 229 une médicalisation par des équipes de réanimation de façon quasi systématique en France. Historiquement en France, l’objectif du dispositif d’urgence permettait de répondre à une problématique non traumatique représentée par l’épidémie de poliomyélite dans les années cinquante [8]. Généralisés sur l’ensemble du territoire français par le ministère de la santé, les Services d’Aide Médicale Urgente (SAMU) avec les Services Mobiles d’Urgence et de Réanimation (SMUR) permettent de répondre efficacement aux différentes situations d’urgence médicale (syndrome coronarien aigu, détresse respiratoire et neurologique). Avec l’apparition de la traumatologie routière, ce dispositif ne fut pas remis en cause, d’autant que la prédominance des traumatismes fermés laisse une place plus importante à la réanimation. Plus récemment, les SAMU ont adapté leur organisation aux blessés avec l’apparition de critères de triage [9]. La présence d’un médecin urgentiste sur les lieux de l’accident, en plus de la possibilité d’effectuer une réanimation avancée, permet un triage précis et une orientation dans les centres adaptés sans saturer les ressources spécialisées. Ce schéma d’organisation départementale avec les centres de régulation médicale (centre 15) constitue en soi un « trauma system » structurellement différent du modèle américain. La mise en place de cette organisation française ne s’est pas accompagnée d’une évaluation systématique, expliquant le peu de publication sur le sujet et les critiques de la part des pays anglo-saxons. En 2009, le Réseau Nord Alpin des Urgences (RENAU) met une organisation régionale formalisée des soins pour les traumatisés graves reposant sur le concept de « trauma system » américain tout en intégrant l’expertise des SAMU et la médicalisation pré-hospitalière [10]. Cette expérience s’accompagne d’un registre d’évaluation permanent constituant à ce jour le seul registre français sur les traumatismes graves. Les premiers résultats permettent d’évaluer la performance des soins sur le nord des Alpes françaises et d’observer une mortalité assez similaire aux données américaines [11]. Concernant l’Europe, aucune organisation uniforme n’a été développée par l’Union Européenne. De nombreux pays favorisent la médicalisation préhospitalière associée à un « trauma system » régional ou national avec centres de traumatologie organisés en réseau. L’Allemagne a historiquement développé les centres de traumatologie à la fin du XIXième siècle. La société allemande de chirurgie propose une organisation sur l’ensemble de son territoire, avec un registre d’évaluation d’une méthodologie rigoureuse permettant de décrire l’épidémiologie des traumatismes en Europe, et de développer des scores d’évaluation différents des américains et plus proches de nos pratiques [12, 13]. Récemment, une évaluation européenne a été développée avec l’EuroTARN (European Trauma Audit Research and Network). 14 pays européens participants permettent d’établir un registre des traumatisés graves [14]. En résumé, les « trauma system » permettent de réduire d’environ 15 à 20 % la mortalité associée aux traumatismes en formalisant à une échelle régionale l’organisation des soins avec un triage pré-hospitalier, une classification des centres hospitaliers en fonction de leur capacité, un programme d’amélioration de la qualité des soins avec la publication de référentiels, et l’évaluation avec un registre permanent. 230 MAPAR 2014 2. IMPACT SUR LES PRATIQUES Si l’objectif principal d’un registre des traumatisés graves est d’évaluer l’efficacité globale des « trauma system » au regard de l’indicateur principal que constitue la mortalité, l’utilisation de ces bases de données pour d’autres objectifs en fait un outil essentiel. 2.1.INDICATEURS DE PRATIQUE CLINIQUE La mortalité hospitalière et à 30 jours ajustée sur la gravité constitue le critère d’évaluation principale de la performance des équipes médicales. Une méthodologie d’ajustement sur la gravité des patients a été proposée par les américains sous le nom de méthode TRISS (Trauma score and Injury Severity Score) [15]. Il permet de définir une probabilité de survie en fonction de la gravité présentée. Il est calculé à partir des variables physiologiques : pression artérielle systolique, fréquence respiratoire, échelle de Glasgow et de l’ISS. Cette probabilité de survie est comparée à la mortalité observée de l’établissement ou de l’équipe médicale à évaluer afin d’observer si celle-ci est inférieure, égale ou supérieure à la survie calculée. En plus de la mortalité, le Glasgow Outcome Scale (GOS) permet de recueillir la morbidité associée aux traumatismes en évaluant le handicap [16]. Le transport direct des traumatisés graves depuis le lieu de l’accident dans le centre de traumatologie en capacité de traiter définitivement les blessures permet d’améliorer la survie [17, 18]. Dans cet objectif, l’évaluation des procédures de triage pré-hospitalier est essentielle. Le nombre de transfert interhospitalier dans un centre de traumatologie de plus haut niveau est un indicateur intéressant. Les transferts interhospitaliers augmentent le délai pour le traitement définitif des lésions [19]. Dans les pays de Loire, 50 % des patients présentant un traumatisme crânien admis dans un hôpital général sont transférés secondairement avec une association à la mortalité [20]. Le taux de transfert interhospitalier acceptable à une échelle régionale est difficilement imposable. Il dépend de plusieurs facteurs, à la fois des patients non médicalisés en pré-hospitalier imputable aux centres de régulation des appels, et aux erreurs d’orientation sur le terrain. Outre le taux de transferts interhospitalier, c’est le respect des filières de soins associées à une mortalité élevée (neuro traumatologie et traumatismes du bassin instable) qui semble prépondérant. Dans ces cas, le nombre de transferts interhospitaliers doit être le plus faible possible pour privilégier une admission directe du lieu de l’accident dans le centre de traumatologie en capacité de traitement définitif des lésions [21]. Le nombre d’intubation pré et intra-hospitalière est un marqueur de gravité utilisé dans de nombreux registres [22]. Mis en parallèle avec le score de Glasgow, il devient un indicateur de pratiques cliniques essentiel pour le suivi des recommandations sur le traumatisme crânien grave [23]. Les différents indicateurs des registres de traumatologie doivent être des indicateurs robustes afin d’être retenus. Les indicateurs pour la pratique généralement retenus sont les délais d’intervention pré-hospitaliers. Dans notre système de soins pré-hospitalier médicalisé, deux délais sont importants à considérer. La durée de médicalisation sur les lieux correspond au délai entre l’arrivée du SMUR et le départ des lieux de l’accident. Il représente le temps nécessaire pour évaluer la gravité du patient, le traitement des détresses vitales, la mise en condition du Traumatologie 231 patient pour le transport et la décision d’orientation du patient. Il doit être le plus court possible afin de ne pas retarder le traitement définitif des lésions. Le temps optimal de médicalisation sur les lieux ne peut pas être déterminé, il dépend des thérapeutiques entreprises, des conditions d’intervention et d’évacuation des blessés. Un temps de médicalisation sur les lieux de 30 minutes semble être un objectif à ne pas dépasser. Chaque procédure pré-hospitalière doit être discutée en fonction du bénéfice/risque pour le patient. Dans les cas de trauma pénétrants ou de choc hémorragiques, le concept de « Play and Run » doit être privilégié afin de diminuer la mortalité [24]. Le deuxième délai pré-hospitalier intéressant à considérer est le temps de réponse médicalisé. Il correspond au délai entre l’appel des secours et l’arrivée de l’équipe médicale. Il varie en fonction des zones d’intervention des équipes médicales : urbaine ou rurale. Pour apprécier ce délai avec plus de précision, il convient de calculer le délai entre l’arrivée des premiers secours et l’arrivée de l’équipe médicale. Ce temps correspond au temps mis par le centre de régulation pour le déclenchement d’une équipe médicalisé. Mis en parallèle avec la distance pour arriver sur les lieux, il permet d’apprécier l’efficacité des centres de régulation pour la détection des traumatismes graves et le déclenchement des équipes médicales. Au niveau hospitalier, le délai d’arrivée au scanner permet d’apprécier à la fois le temps de conditionnement initial au déchocage et l’organisation du centre de traumatologie au niveau dans la réalisation du bilan d’imagerie. Un délai d’arrivée au scanner de 30 minutes doit être respecté afin de détecter le plus rapidement possible les lésions hémorragiques. Le taux de réalisation de scanner corps entier est un autre indicateur important au niveau hospitalier. Le scanner corps entier permet de réduire le risque de mortalité des traumatisés graves de 25 % [25]. Le taux de réalisation de doppler transcrânien pour les traumatisés graves, de FAST écho pour les traumatisés avec signes de saignement sont d’autres indicateurs intéressants pour la pratique. Le suivi du parcours du patient notamment en ce qui concerne le nombre de déchocages effectués, d’interventions chirurgicales, de procédures de radiologie interventionnelle et d’hospitalisations en réanimation permet d’évaluer l’expérience des différentes équipes du centre de traumatologie. Mis avec parallèle avec le nombre de praticiens réalisant ces prises en charges, nous avons un indicateur utile concernant la certification des pratiques à risque d’un établissement. Un nombre minimum de 300 admission de trauma grave, pour un centre de traumatologie de référence semble un seuil acceptable pour permettre une pratique et une expérience satisfaisante des équipes hospitalières [26]. 2.2.IDENTIFICATION DE CAS DE DYSFONCTIONNEMENT ET REVUES MORBI-MORTALITÉ Les revues de morbi-mortalité contribuent à l’amélioration de la qualité des soins en identifiant les cas de dysfonctionnement et en mettant en place des actions correctrices. Elles sont classiquement réalisées au sein d’un même établissement, mais peuvent être instaurées à un niveau régional afin d’évaluer les filières mises en place dans un « trauma system ». Quel que soit le niveau, les registres de traumatologie permettent d’identifier les cas nécessitant une revue par simple requête des bases de données. Notamment, il convient de sélectionner les patients décédés, ceux ayant bénéficié de plusieurs transferts interhospitaliers, et ceux n’ayant pas suivi la filière adaptée (neuro traumatologie 232 MAPAR 2014 par exemple). Le registre fournit un support objectif de sélection des dossiers par opposition à une sélection basée sur la mémoire des intervenants. 2.3.ETUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES Pour des raisons éthiques ou pratiques, l’utilisation d’essais randomisés dans le domaine de la traumatologie n’est pas possible. Par exemple, une étude visant à évaluer le bénéfice du scanner corps entier dans l’évaluation initiale du traumatisé grave par rapport à un bilan échographique et radiologique ne bénéficierait certainement pas d’un avis favorable d’un comité d’éthique étant donné que cet examen représente le standard actuel pour le bilan lésionnel. De plus, les patients risquent de refuser la participation à un tel essai de peur de ne pas bénéficier de cet examen. Pourtant aucun essai randomisé n’a pas prouvé sa supériorité par rapport à l’échographie ou la radiographie standard. Seule une étude épidémiologique à partir d’un registre permet de répondre à cette question. L’étude allemande publiait dans le Lancet est démonstrative à ce sujet [25]. Les registres représentent des bases de données volumineuses permettant l’ajustement sur de nombreux facteurs confondants en gardant une puissance satisfaisante et avec une méthodologie épidémiologique rigoureuse permettant de réaliser des essais pseudo-randomisés apportant un niveau de preuve satisfaisante. Ces résultats peuvent ensuite être un support à la recherche clinique afin de réaliser des essais cliniques randomisés à partir de ces résultats et ainsi améliorer le niveau de preuve [27]. 2.4.PRÉVENTION Les registres peuvent être utilisés pour identifier des actions de prévention utiles. L’étude des circonstances de l’accident, par exemple une route accidentogène, ou une activité sportive à risque (parapente, base jump,…) renseigne les services concourant à la sécurité civile sur les actions à mener de façon prioritaire. Sur la durée, un registre peut permettre de suivre l’incidence des accidents ayant bénéficié d’une action de prévention afin d’évaluer son efficacité. 3. FONCTIONNALITÉ D’UN REGISTRE 3.1.DÉFINITIONS ET CHAMPS D’APPLICATION Un registre est défini par le Comité National des Registres (CNR) comme « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ». Ils doivent faire l’objet d’une qualification par le CNR avec une expertise de l’Institut National de Veille Sanitaire et de l’Inserm. Cette définition très administrative est utilisée pour les registres du cancer et s’oppose à la définition littéraire du registre « livre où l’on inscrit les faits, les choses dont on veut ou dont on doit garder le souvenir ». Dans le cadre des registres de traumatologie, la définition littéraire semble plus adaptée à l’évaluation des pratiques. Au niveau international, la plupart des auteurs utilisent le terme de registre dans le sens de registre d’évaluation des pratiques, c’est-à-dire un recueil le plus exhaustif possible de patients présentant un événement amenant à des lésions traumatiques prises en charge dans un (des) établissement(s) de soin. Traumatologie 233 Les registres de traumatologie peuvent être à l’échelle d’un établissement ou à un niveau régional. Un registre interne à l’établissement est utile afin de suivre l’activité du centre de traumatologie, d’évaluer l’efficacité des structures mises en place et de décrire des indicateurs de performance comparables à ceux d’autres centres de traumatologie (benchmarking). Par contre, pour évaluer en plus les filières de soin, ils sont insuffisants et le recours à un registre régional est nécessaire. A une plus grande échelle, un registre national semble intéressant et permet une comparaison des organisations régionales mises en place. Toutefois, la gestion de tels registres semble délicate du point de l’exhaustivité et du contrôle qualité. Plusieurs registres régionaux s’accordant pour utiliser la même définition des variables semblent la solution la plus adaptée. 3.2.CRITÈRES D’INCLUSION Les critères d’inclusion peuvent être variables et sont souvent la résultante de contrainte en termes de faisabilité. Un registre au niveau régional incluant tous les traumatismes, même bénin est très intéressant d’un point de vue épidémiologique, mais serait d’une gestion complexe compte tenu du nombre d’inclusion que cela représenterait à l’échelle d’une région. A l’inverse, l’inclusion uniquement des patients traumatisés admis en réanimation permet un recueil plus exhaustif et une gestion plus aisée des bases de données, mais n’inclurait pas les patients considérés initialement comme graves et ne présentant pas de lésion vitale avec comme conséquence une évaluation des filières de soin inadaptée. L’utilisation de score de traumatologie, comme l’Injury Severity Score semble intéressante comme critère d’inclusion en permettant de définir les critères d’inclusion sur la gravité la population à laquelle on s’intéresse. Mais ce score n’est réalisable qu’après le diagnostic final établi. Une alternative semblant pertinente est l’utilisation de la définition des traumatisés graves retenue par la conférence de Vittel en 2002 et repris par la conférence de Clermont Ferrand en 2010 [28, 29]. Elle correspond à l’objectif d’évaluation des pratiques et des filières de soin et représente un critère d’inclusion cliniquement pertinent. 3.3.DÉFINITION DES VARIABLES La définition des variables doit être précise afin de permettre une comparaison entre les différents registres. Dans l’arrêt cardiaque, les différentes sociétés savantes internationales dont l’European Resuscitation Council ont édité un standard concernant la définition des variables dénommé « Utstein style », en rapport à l’abbaye d’Utstein en Hollande où se sont déroulées ces discussions [30]. De la même façon, dans le domaine de la traumatologie vitale, des discussions entre experts des différentes sociétés savantes ont abouti à un style Utstein trauma [31]. Récemment, une révision de ce style Utstein trauma a été proposée par les registres allemands, anglais, scandinaves et italiens (Tableau II) [32]. 234 MAPAR 2014 Tableau II Variables contenues dans la révision du Style Utstein pour les traumatisés graves (SCANTEM, TARN, DGU-TR and RITG) [32]. 1 2 3 4 5 6 7 Age Sexe Type d’agression Mecanisme Caractère intentionnel Antécédent : classification ASA Arrêt cardiaque pré hospitalier 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Echelle de Glasgow sur les lieux de l’accident Echelle de Glasgow moteur sur les lieux de l’accident Echelle de Glasgow à l’hôpital Echelle de Glasgow moteur à l’hôpital Pression artérielle systolique sur les lieux de l’accident Pression artérielle systolique à l’hôpital Fréquence respiratoire sur les lieux de l’accident Fréquence respiratoire à l’hôpital Base excess artérielle INR Nombre de jour sous ventilation Durée de séjour hospitalier Destination à la sortie de l’hôpital 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 Score de Glasgow Mortalité à 30 jours Diagnostics (codes AIS 2005) Délai alerte arrivée hôpital Niveau de soin pré hospitalier (BLS, ALS, médicalisation) Intubation en pré hospitalier Type de transport (routier, hélismur,…) Type d’intervention urgente (laparotomie, thoracotomie, embolisation,…) Activation d’une équipe dédiée Transfert inter hospitalier Niveau de soins hospitaliers (service d’urgence, service généraux, réanimation) Délai alerte arrivée sur les lieux Délai pour normalisation base excess Délai de réalisation du premier scanner 35 Délai avant la première intervention d’urgence Cette proposition comprend 35 variables indispensables qui devraient être intégrées à tous les registres sur les traumatisés graves afin de permettre une comparaison entre eux. Le tableau I décrit l’ensemble de ces variables. L’ajout d’autres variables utiles à un échelon local ou régional peut être réalisé, tout en sachant que l’exhaustivité d’un registre est inversement proportionnelle aux nombres de variables. Traumatologie 235 3.4.CONTRÔLE QUALITÉ ET EXHAUSTIVITÉ Le contrôle qualité est impératif dans l’administration d’un registre. Les bases de données doivent faire appel à des requêtes de contrôles de données, notamment sur les valeurs aberrantes (i.e. pression artérielle systolique à 525 mmHg), et à des requêtes croisées permettant de détecter des fausses informations (i.e. trauma crânien grave et Glasgow [15]). L’édition d’une fiche de synthèse avant saisie à partir des cahiers d’observation remplis sur le terrain permet de contrôler les données avant saisie. L’exhaustivité est essentielle à déterminer, et doit accompagner toute publication d’un registre dit « de pratique ». Sans cette information, les informations publiées ne peuvent pas être considérées comme exploitables. L’utilisation d’une méthode capture recapture utilisant plusieurs bases de données semble la plus adaptée [33]. CONCLUSION Les registres de trauma graves sont des outils essentiels concourant à l’amélioration de la qualité des soins. Ils permettent d’évaluer les pratiques, de suivre la structuration de filières de soins, d’observer la mortalité et la morbidité consécutives aux traumatismes, d’être un support aux actions de prévention et à la recherche. Ils doivent accompagner une formalisation de l’organisation des soins à un niveau régional (« trauma system ») tout en restant interopérants ou comparables aux autres registres d’une région voisine ou européens. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Krug EG, Sharma GK, Lozano R. The global burden of injuries. Am J Public Health 2000;90:523-6. 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