Théorème de densité de Chebotarev

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ÉCOLE
UNIVERSITÉ PARIS 13
NORMALE SUPÉRIEURE DE RENNES
Théorème de densité de Chebotarev
Gabriel Lepetit
Mémoire de stage de Licence 3 réalisé sous la direction de Cédric PÉPIN au LAGA, Université
Paris 13
MAGISTÈRE 1 2014-2015
Ce stage a été effectué du 19 mai au 20 juin 2015 au :
Laboratoire Analyse, Géométrie et Applications (LAGA)
Université Paris 13
99 avenue Jean-Baptiste Clément
93430 Villetaneuse
Mon maître de stage était Cédric Pépin (http://www.math.univ-paris13.fr/~cpepin/),
maître de conférences au sein de l’équipe Arithmétique et Géométrie Algébrique.
1
Table des matières
1 Généralités sur les extensions algébriques
1.1 Extension finies . . . . . . . . . . . . . . .
1.2 Extensions algébriques . . . . . . . . . . .
1.2.1 Cas des anneaux . . . . . . . . . .
1.2.2 Cas des corps . . . . . . . . . . . .
1.3 K-isomorphismes et éléments conjugués
1.4 Norme, trace, discriminant . . . . . . . .
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2 Anneaux de Dedekind
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2.1 Anneaux noethériens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2.2 Définition des anneaux de Dedekind . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.3 Décomposition des idéaux fractionnaires dans un anneau de Dedekind . . . . 16
3 Corps de nombres
20
3.1 Définition et traduction des résultats précédents . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
3.2 Décomposition dans une extension, idéaux ramifiés . . . . . . . . . . . . . . . . 21
3.3 Norme d’un idéal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
4 Théorie de Galois
4.1 Extensions galoisiennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.2 Correspondance de Galois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.3 Ramification dans les extensions galoisiennes de corps de nombres . . . .
4.3.1 Décomposition d’un idéal premier dans une extension galoisienne
4.3.2 Le relèvement de Frobenius . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.1 Extension quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
4.4.2 Extension cyclotomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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5 Théorie du corps de classe pour les corps de nombres
5.1 Le groupe des classes de rayon modulo m . . . . . . .
5.1.1 Premiers d’un corps de nombres . . . . . . . .
5.1.2 Groupe des classes de rayon . . . . . . . . . . .
5.2 La loi de réciprocité d’Artin . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2.1 Énoncé de la loi . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5.2.2 Démonstration dans le cas cyclotomique . . .
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6 Le théorème de Chebotarev
6.1 Fonctions L et prolongements méromorphes .
6.1.1 Prolongement des fonctions L . . . . .
6.1.2 Développement en produit eulérien .
6.2 Notions de densité . . . . . . . . . . . . . . . .
6.2.1 Densité polaire . . . . . . . . . . . . . .
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6.2.2 Densité de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6.3 Conclusion de la démonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7 Un aperçu de géométrie algébrique
7.1 Un aperçu de géométrie algébrique . . . . . . . . . . . . . . . .
7.1.1 Variété algébrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.1.2 Schéma . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2 Théorème de Chebotarev pour les schémas de type fini sur Z
7.2.1 Présentation du théorème . . . . . . . . . . . . . . . . .
7.2.2 Dictionnaire courbes - corps de nombres . . . . . . . .
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INTRODUCTION
Le théorème de densité de Chebotarev, démontré par Nikolaï Chebotarev 1 en 1922, est
une généralisation du théorème de Dirichlet qui affirme que l’ensemble des nombres premiers en progression arithmétique de raison m a une densité naturelle parmi les nombres
1
où ϕ est la fonction indicatrice d’Euler. Il fournit au passage une dépremiers de
ϕ(m)
monstration plus profonde de ce théorème, qui peut être péniblement démontré de manière
élémentaire : on montrera en effet que c’est un cas particulier du théorème de Chebotarev,
précisément le cas où il est appliqué à une extension cyclotomique Q[ζ] de Q, où ζ est une
racine primitive de l’unité.
Ce fait est révélateur d’un état d’esprit général de la théorie des nombres, qui veut que
l’on prenne de la hauteur et que l’on introduise des concepts très généraux, comme le sont
les extensions de corps, les anneaux de Dedekind, l’étude de la ramification ou la théorie de
Galois, pour prouver des énoncés simplement compréhensibles.
Dans ce mémoire, on s’attachera d’abord à présenter des outils généraux de la théorie
des nombres (en s’appuyant essentiellement sur [4]) à travers la présentation des extensions
algébriques de corps et des anneaux de Dedekind, puis on fera un traitement succint de la
théorie de Galois ; enfin, nous tâcherons de comprendre un des énoncés principaux de la
théorie du corps de classe : la loi de réciprocité d’Artin, qui sera au cœur de la démonstration du théorème de Chebotarev, que nous finirons par effectuer en utilisant des techniques
d’analyse complexe.
1. en transcription cyrillique standard, Nikolaï TCHEBOTARIOV (1894-1947), mathématicien soviétique,
connu aussi pour un théorème sur les racines de l’unité.
3
Chapitre 1
Généralités sur les extensions
algébriques
1.1
Extension finies
Définition 1.1.1
Soient A et B des anneaux tels que A ⊂ B. On dit que B est une extension finie de A si
c’est un A-module de type fini.
En particulier, cela donne dans le cas des corps :
Définition 1.1.2
Soit K un corps. On dit que L est une extension finie de K si c’est un corps contenant K
et que sa dimension en tant que K-espace vectoriel, notée [L : K] est finie. On appelle
[L : K] le degré de L sur K.
Proposition 1.1.3 (formule des degrés)
Soient K ⊂ L ⊂ M une suite d’extensions finies de corps. Alors
[M : K] = [M : L][L : K]
Démonstration. Soit n = [L : K], m = [M : L], (x 1 , . . . , x n ) une base de L sur K, ( y1 , . . . , ym )
une base de M sur L.
Alors, en notant ∀1 ¶ i ¶ n, ∀1 ¶ j ¶ m, zi, j = x i y j , on peut affirmer que (zi, j ) est une
base à mn éléments de M sur K.
m
P
En effet, si z ∈ M , il existe (a j ) ∈ L m tel que z =
aj yj.
j=1
De plus, ∀ j ∈ J1; mK, comme a j ∈ L, on peut trouver ui, j ∈ K tel que a j =
Donc z =
m P
n
P
n
P
ui, j x i .
i=1
ui, j x i y j donc (zi, j ) est génératrice.
P
La liberté est claire car si ui, j ∈ K et
ui, j x i y j = 0, alors par liberté de ( y j ) dans le
j=1 i=1
i, j
L-espace vectoriel M , ∀ j ∈ J1; mK,
n
P
, ui, j x i = 0 donc ∀i, j, ui, j = 0 par liberté de (x i ).
i=1
Dans le cas d’un corps fini K, le cardinal de K s’exprime en fonction de sa caractéristique
p et de son degré sur un sous-corps isomorphe à F p :
4
Proposition 1.1.4
Soit K un corps fini. Alors
• la caractéristique de K est un nombre premier p et il existe n ∈ N tel que K a
q = p n éléments.
• Le groupe des inversibles de K noté K × est un groupe cyclique à q − 1 éléments.
1.2
Extensions algébriques
1.2.1
Cas des anneaux
Définition 1.2.1
Soit B un anneau et A un sous-anneau de B. On dit que x ∈ B est entier sur A si il est
racine d’un polynôme unitaire à coefficients dans A. Une équation du type x n +an−1 x n−1 +
· · · + a0 = 0 est alors appelée équation de dépendance intégrale de x sur A.
B est dit entier sur A si tout élément de B est entier sur A.
Théorème 1.2.2
Si B est un anneau, A un sous-anneau de B et x ∈ B, il y a équivalence entre
1. x est entier.
2. A[x] est un A-module de type fini.
3. Il existe un sous-anneau C de B, contenant A et x, qui est un A-module de type
fini.
Proposition 1.2.3
Soient B un anneau, A un sous-anneau de B, et (x 1 , . . . , x n ) ∈ B n . Si chacun des x i est
entier sur A[x 1 , . . . , x i−1 ], alors A[x 1 , . . . , x n ] est un A-module de type fini.
Par conséquent, si A0 est l’ensemble des éléments de B qui sont entiers sur A, A0 est
un sous-anneau de B.
Définition 1.2.4
Avec les notations de la proposition précédente, l’ensemble A0 est appelé fermeture intégrale de A dans B.
Démonstration. La première assertion se démontre par récurrence sur n. Elle est évidente
au rang 1.
Soit n ∈ N∗ , supposons le résultat vrai au rang n − 1. Alors si C = A[x 1 , . . . , x n−1 ], c’est
un A-module de type fini par hypothèse de récurrence. Donc on peut trouver c1 , . . . , c p ∈ C :
p
P
C=
Ac j . Comme de plus, A[x 1 , . . . , x n ] = C[x n ] et x n entier sur C, c’est un C-module de
j=1
p
q
q
P
P
P
P
type fini, donc ∃d1 , . . . , dq : A[x 1 , . . . , x n ] =
C dk =
Ac j dk = Ac j dk .
k=1
k=1
j=1
j,k
Une fois ce premier point prouvé, le reste en découle facilement. Soient x, y ∈ B entiers
sur A. Alors x + y et x y sont dans A[x, y] qui est un A-module de type fini selon ce qui
précède. Il en va donc de même de A[x + y] et A[x y] ce qui montre selon le théorème 1.2.2
que x + y, x y ∈ A0 .
5
Avec ce théorème, la proposition suivante se montre sans difficultés.
Proposition 1.2.5 (transitivité du caractère entier)
Si A ⊂ B ⊂ C est une suite de sous-anneaux, et si B est entier sur A et C est entier sur B,
alors C est entier sur A.
Définition 1.2.6
Si A est un anneau intègre et K est son corps des fractions, la fermeture intégrale de A
dans K est appelée clôture intégrale de A. Si cette clôture est A lui-même, on dit que A
est intégralement clos.
Proposition 1.2.7
Un anneau principal est intégralement clos.
a
∈ K, où a et b sont premiers
b
entre eux, est entier sur A, alors on peut fixer a0 , . . . , an−1 ∈ A tels que
a n
a n−1
a
+ an−1
+ · · · + a1
+ a0 = 0
b
b
b
Démonstration. Soit A anneau principal, K = Frac(A). Si x =
Donc en multipliant par b n , a n + an−1 a n−1 b + · · · + a1 ab n−1 + a0 b n = 0, soit
a n = −b an−1 a n−1 + · · · + a1 ab n−2 + a0 b n−1
Donc b|a n , donc comme a et b sont premiers entre eux, selon le lemme de Gauss, b|a,
donc b = 1 et x ∈ A.
1.2.2
Cas des corps
Définition 1.2.8
Soit K un corps et L une extension de K. On dit que x ∈ L est algébrique sur K si il est
racine d’un polynôme (pas nécessairement unitaire) à coefficients dans K.
L est dite extension algébrique de K si tout élément de L est algébrique sur K.
Remarque. Il est immédiat que toute extension finie L de K est algébrique sur K. En effet,
si x ∈ L, [K[x] : K] ¶ [L : K] qui est fini.
Soient K un corps et L une extension de K. Si x ∈ L, on peut considérer
ϕ x : K[X ] −→ L
P 7−→ P(x)
le morphisme d’évaluation en x. Son noyau est un idéal de K[X ] qui est un anneau principal.
Deux cas se présentent :
• Ou bien cet idéal est nul, on dit que x est transcendant, il n’est racine d’aucun polynôme à coefficients dans K et K[x] n’est pas une extension algébrique de K.
• Ou bien, il est de la forme (Π) où Π est polynôme unitaire, et alors x est algébrique.
Π est appelé polynôme minimal de x. Dans ce cas, selon le théorème 1.2.2, K[x] est
une extension finie de K donc une extension algébrique de K.
Par définition du polynôme minimal, on a ∀P ∈ K[X ], P(x) = 0 ⇔ Π|P dans K[X ].
De plus, ϕ x étant surjectif, K[X ]/(Π) ' K[x]. Donc K[x] est un corps si et seulement si
Π est irréductible.
K[x] est un anneau intègre car contenu dans le corps L donc Π est un élément premier
de K[X ], donc Π est irréductible.
6
Remarque. Soit K un corps et P un polynôme irréductible de K[X ]. Alors L = K[X ]/(P) est
un corps et en notant x = X la classe de X modulo P, et ψX →x le morphisme d’évaluation
en x, on a ψX →x (P) = P = 0 donc P admet x pour racine dans L.
De plus, L = K[x] est de degré fini sur K puisque x admet P pour polynôme minimal.
Cette remarque constitue l’argument principal du théorème suivant :
Théorème 1.2.9
Soit K un corps, P ∈ K[X ] non constant. Il existe une extension finie L de K tel que P
se décompose en produits de facteurs de degré 1 dans L[X ].
Démonstration. On procède par récurrence sur d, degré de P. Le théorème est évident pour
d = 1.
Soit P de degré d ¾ 2, supposons l’assertion vraie jusqu’au degré d −1. Comme K[X ] est
factoriel, P se divise en produits d’irréductibles sur K, on peut prendre F un de ces facteurs.
Selon la remarque, il existe une extension finie K 0 de K et a ∈ K 0 tel que X − a|F (X ) dans
K 0 [X ]. Donc P(X ) = (X − a)P1 (X ) où P1 est un polynôme de degré d − 1 dans K 0 [X ]. Selon
l’hypothèse de récurrence, il existe une extension finie L de K 0 dans laquelle P1 se décompose
en facteurs de degré 1, ce qui montre le résultat.
A l’aide du lemme de Zorn et de ce théorème, il est possible de montrer que tout corps
est contenu dans un corps algébriquement clos, appelé sa clôture algébrique.
1.3
K-isomorphismes et éléments conjugués
Cette section est un préliminaire à la théorie de Galois qui sera traitée dans le chapitre
4.
Définition 1.3.1
Soient K un corps, L et L 0 des extensions finies de K.Un K-isomorphisme de L dans L 0
est un morphisme de corps ϕ tel que ϕ|K = id.
Remarque. Un morphisme de corps est toujours injectif.
Définition 1.3.2
Soit K un corps, L une extension de K et x, y ∈ L. On dit que x et y sont conjugués s’il
existe un K-isomorphisme de K[x] dans K[ y].
Le lemme suivant lie la notion de K-isomorphisme et de racines d’un polynôme, ce qui
est historiquement dans l’esprit de la théorie de Galois.
Lemme 1.3.3
Les racines d’un polynôme irréductible P ∈ K[X ] dans une clôture algébrique C de K
sont deux à deux conjuguées.
Démonstration. En effet, si x, y sont deux racines de P, elles ont le même polynôme minimal P donc K[x] ' K[X ]/(P) ' K[ y] et la composition des deux isomorphismes donne un
K-isomorphisme de K[x] dans K[ y].
Réciproquement, si ϕ est un K-isomorphisme de L dans L 0 et x ∈ L, ϕ(x) a le même
polynôme minimal Π que x. En effet, si P ∈ K[X ], alors P(x) = 0 ⇔ P(ϕ(x)) = ϕ(P(x)) =
0 puisque ϕ est un K-morphisme injectif.
Donc ϕ(x) est une racine de Π dans un corps algébriquement clos contenant K.
7
On va dégager une classe de corps K pour lesquels, pour toute extension finie L de degré
n de K, il existe exactement n K-isomorphismes de L dans K, ce qui corrrespond à la notion
de corps parfait.
Définition 1.3.4
Un corps parfait est un corps de caractéristique 0, ou un corps de caractéristique p > 0
tel que le morphisme de Frobenius x 7→ x p soit surjectif.
On rappelle le résultat suivant :
Proposition 1.3.5
Si K est un corps fini de caractéristique p, le morphisme de Frobenius ϕ p : x 7−→ x p est
un automorphisme de K. Par conséquent, un corps fini est un corps parfait.
Proposition 1.3.6
Si K est un corps parfait, si P est un polynôme irréductible à coefficients dans K inclus
dans un corps algébriquement clos C, alors toutes les racines de P dans C sont simples.
Démonstration. Supposons que P de degré n ¾ 2 admette une racine multiple u dans C.
C’est alors une racine de P 0 .
Soit Q le polynôme minimal de u dans K. On a Q|P et P est unitaire irréductible, d’où
P = Q. De plus, u est racine de P 0 donc P|P 0 . Par suite P 0 = 0 puisque P 0 est de degré n − 1
s’il est non nul.
n−1
P
Notons P = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 . P 0 (X ) = nX n−1 +
ja j X j−1 donc en particulier
j=1
n.1K = 0 : cela est impossible si car(K) = 0.
Maintenant, si K est un corps de caractéristique p premier tel que x 7−→ x p soit surjectif,
on a p|n et ∀1 ¶ j ¶ n − 1, p - j ⇒ a j = 0, ce qui nous assure que P est de la forme
X pq + bq−1 X (q−1)p + · · · + b1 X p + b0 .
p
Cependant, par surjectivité du morphisme de Frobenius, ∀i ∈ J0; q−1K, ∃ci ∈ K : bi = ci ,
donc
p
P(X ) = X q + cq−1 X q−1 + · · · + c0
donc P n’est pas irréductible, ce qui est absurde. Donc toutes les racines de F sont simples
dans les deux cas.
Lemme 1.3.7
Soient K un corps et L une extension finie de K. Alors si ϕ est isomorphisme de K dans
K 0 , on peut prolonger ϕ en un isomorphisme de L dans L 0 où L 0 est une extension finie
de K 0 .
Démonstration. On raisonne par récurrence sur le degré n = [L : K]. Pour n = 1, il n’y a
rien à démontrer.
Supposons n = [L : K] ¾ 2 et faisons l’hypothèse que le résultat est vrai pour toute
extension de degré inférieur à n − 1.
Soit x ∈ L, x 6∈ K. On a K ⊂ K[x] ⊂ L. De plus, on peut prolonger ϕ à K[x]. En effet, si
P est le polynôme minimal de x, on peut considérer le morphisme d’évaluation ψ = ϕX →X
prolongeant ϕ. Si y est une racine de ψ(P) ∈ K 0 [X ] dans une extension finie de K 0 (cf
théorème 1.2.9), on peut définir
ϕ0 :
K[x] → K 0 [ y]
x 7−→ y
z ∈ K 7−→ ϕ(z)
8
De plus, par hypothèse de récurrence, comme [L : K[x]] < [L : K], on peut trouver une
00
extension finie L 0 de K 0 et un isomorphisme ϕ 00 de L dans L 0 tels que ϕ|K
= ϕ.
Théorème 1.3.8
Soit K un corps parfait, L une extension finie n de K et C un corps algébriquement clos
contenant K. Alors il existe n K-isomorphismes distincts de L dans C.
Remarquons que si C est algébriquement clos et contient K, toutes les racines de polynômes à coefficients dans K sont dans C, ce qui assure en particulier que C contient toute
extension finie de K.
Démonstration. On distingue deux cas :
• Premier cas : L = K[x]. Le polynôme minimal P de x sur K est alors clairement de
de degré n, et on sait qu’il est irréductible. Donc il a n racines simples dans C selon la
proposition précédente.
Par suite, ses racines étant deux à deux conjuguées, on obtient n K-isomorphismes
distincts de K[x] dans C qui envoient x sur chacune de ces racines.
• Second cas : cas général. On raisonne par récurrence sur n = [L : K]. Si x ∈ L, x 6∈ K,
on a K ⊂ K[x] ⊂ L, et q := [K[x] : K] > 1. Par hypothèse de récurrence, on peut
trouver q K-isomorphismes distincts σ1 , . . . , σq de K[x] dans C.
Pour i ∈ J1; qK, σi (K[x]) = K[σi (x)] donc K[x] et K[σi (x)] sont isomorphes via σi .
On peut donc, selon le lemme précédent, construire une extension L i de K[σi (x)] et
un isomorphisme τi L → L i prolongeant σi .
n
Or, K[σi [x]] est un corps parfait, et [L i : K[σi (x)]] = [L : K[x]] = < n donc par
q
n
hypothèse de récurrence, on peut trouver K[σi [x]]-isomorphismes distincts θi j de
q
L i dans C.
Les morphismes θi j ◦ τi fournissent alors n K-isomorphismes distincts de K 0 dans C.
Pour s’en convaincre, il suffit de calculer l’image de x.
Théorème 1.3.9 (de l’élément primitif )
Soit K un corps parfait, L une extension finie de K. Alors il existe un x ∈ L appelé
élément primitif tel que L = K[x].
On utilisera le lemme suivant :
Lemme 1.3.10
Soit K un corps infini, E un K-espace vectoriel. Alors E ne peut s’écrire comme une
réunion finie de sous-espaces stricts.
Démonstration. Supposons que E =
E p−1 ), b ∈ E \ E p .
p
S
E j où p est pris minimal. Soit a ∈ E \ (E1 ∪ · · · ∪
j=1
9
Si D est la droite affine passant par a et b, on a ∀ j, D 6⊂ E j par construction donc D ∩ E j a
au plus un point donc, comme E est la réunion des E j , D a au plus p points, ce qui contredit
que K est infini.
Démonstration (du théorème). Dans le cas où K est fini, L l’est aussi donc L × est cyclique
de générateur x donc L = K[x].
Dans le cas où K est infini, on a n K-isomorphismes σi de L dans C clôture algébrique
de K.
Pour i 6= j, Vi j = y ∈ L : σi ( y) = σ j ( y) = ker(σi − σ j ) est un K-sous-espace vectoriel
de L distinct de
S L car σi 6= σ j .
S
On a L 6= Vi j donc selon le lemme, on peut prendre x ∈ L tel que x 6∈ Vi j . Donc
i, j
i, j
T C
x ∈
Vi j et les σi (x) sont deux à deux distincts. Or, ce sont des racines du polynôme
i, j
minimal Π de x dans C donc deg Π ¾ n soit [K[x] : K] ¾ n. Ainsi, L = K[x].
En conséquence de ce théorème, il y a exactement n K-isomorphismes de L dans C. En
effet, le polynôme minimal de l’élément primitif x est de degré n = [L : K] donc il admet
n racines distinctes selon la proposition 1.3.6. De plus, un K-isomorphisme de L dans C est
entièrement déterminé par l’image de x, qui est nécessairement une racine du polynôme
minimal de x, donc il y a autant de K-isomorphismes que de racines de ce polynôme, c’està-dire n.
1.4
Norme, trace, discriminant
Soit A un anneau et B un anneau contenant A. On suppose que B est un A-module libre
de rang n.
Si x ∈ B, on peut considérer l’application A-linéaire m x : B −→ B .
b 7−→ bx
Définition 1.4.1
La trace (resp. norme, polynôme caractéristique) de x est la trace (resp. déterminant,
polynôme caractéristique) de x. On la note Tr B/A(x) (resp. NB/A(x), χ x ).
Remarque. Cette définition s’étend à B et A des anneaux tels que A soit un sous-anneau de
B et B soit un A-module libre de type fini.
On a les propriétés immédiates suivantes :
• Si a ∈ A, la matrice de ma est diagonale dans toute base donc Tr (a) = na, N (a) =
a n , χa = (X − a)n .
• x 7−→ m x est un morphisme de A-algèbres de B dans LA(B) (ensemble des applications
A-linéaires de B dans B).
Proposition 1.4.2
Soient K un corps et L une extension finie de K.
Si K est un corps parfait, si x ∈ L et x 1 , . . . , x n sont les racines du polynôme minimal
Π x de x sur K dans une clôture algébrique C de K, chacune répétée [L : K[x]] fois, alors
Tr (x) = x 1 + · · · + x n , NL/K (x) = x 1 . . . x n et χ x = (X − x 1 ) . . . (X − x n ) = Π[L:K[x]]
.
x
10
Démonstration. Traitons d’abord le cas particulier où L = K[x]. Si P est le polynôme minimal de x sur K et P = X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 est de degré n, (1, x, . . . , x n−1 ) est une base
de L sur K.


0
−a0
..


.
−a1 
1
De plus, la matrice de m x dans cette base est 
matrice compagnon
.. 
..

. 0
. 
(0)
1 −an−1
de P de polynôme caractéristique P = (X − x 1 ) . . . (X − x n ) donc de trace Tr (x) = x 1 +· · ·+ x n
et de norme x 1 . . . x n .
Pour le cas général, notons r = [L : K[x]]. Soit Π le polynôme minimal de x sur K, et P
son polynôme caractéristique relativement à L/K.
Si ( y1 , . . . , yq ) est une base de K[x] sur K, et (z1 , . . . , z r ) une base de L sur K[x], on sait
selon la démonstration de la formule des degrés que B = ( yi z j )i, j est une base de L sur K,
et n = qr.
q
P
On note A = (aih )i,h la matrice dans ( yi ) de m x . On a ∀i, x yi =
aih yh , donc ∀i, j, x( yi z j ) =
h=1
q
P
aih ( yh z j ). En ordonnant ( yi z j ) dans l’ordre lexicographique en triant d’abord selon j puis


A
(0)
, donc χ M = (χA) r ,
...
selon i, on obtient que la matrice M de m x dans B est 
(0)
A
ce qui montre le résultat.
h=1
Remarque. En d’autres termes, au vu de la manière dont on a construit les n K-isomorphismes
n
n
n
P
Q
Q
σ1 , . . . , σn de L dans C, Tr (x) =
σi (x), N (x) =
σi (x), χ x = (X − σi (x)).
i=1
i=1
i=1
Proposition 1.4.3
Soient A un anneau intègre de corps des fractions K, qu’on suppose de caractéristique
nulle, et L une extension finie de K. Si x est entier sur A, les coefficients de χ x polynôme
caractéristique de x par rapport à L/K sont entiers sur A. En particulier, Tr (x) et N (x)
sont entiers.
Démonstration. Si σ1 , . . . , σn sont les n K-isomorphismes de L dans une clôture algébrique
de K, x i = σi (x) et il suffit d’appliquer σi à une équation de dépendance intégrale de x sur
A.
Définition 1.4.4
Si B est un anneau et A un sous-anneau de B tel que B soit un A-module libre de rang fini
n. Si (x 1 , . . . , x n ) ∈ B n , le discriminant de (x 1 , . . . , x n ) est D(x 1 , . . . , x n ) = det(Tr B/A((x i x j )i, j )).
Proposition 1.4.5
Si ( y1 , . . . , yn ) ∈ B n est tel que ∀i ∈ J1; nK, yi =
D( y1 , . . . , yn ) = det(A)2 D(x 1 , . . . , x n ).
Démonstration. En effet, pour 1 ¶ p, q ¶ n :
11
n
P
j=1
ai j x j , ai j ∈ A, alors si A = (ai j )i, j
‚
Tr ( y p yq ) = Tr
X
Œ
a pi aq j x i x j
1¶i, j¶n
=
X
a pi aq j Tr (x i x j )
1¶i, j¶n
Par conséquent, (Tr ( y p yq )) p,q = A(Tr (x i x j ))i, j t A, d’où le résultat.
Définition 1.4.6
Le discriminant de B sur A est DB/A = (D(x 1 , . . . , x n )) pour toute base (x 1 , . . . , x n ) de B
sur A.
La cohérence de la définition découle de la proposition précédente, étant donné qu’une
matrice de passage a un déterminant inversible.
L’intérêt de la notion réside dans la caractérisation suivante :
Proposition 1.4.7
Si A est un anneau intègre, et si (x 1 , . . . , x n ) ∈ B n , alors (x 1 , . . . , x n ) est une base de B si
et seulement si son discriminant engendre DB/A.
Démonstration. Le sens indirect a déjà été prouvé.
Supposons que d = D(x 1 , . . . , x n ) engendre DB/A. Soit (e1 , . . . , en ) une base de B sur A.
Alors d 0 = D(e1 , . . . , en ) engendre DB/A donc on peut fixer b ∈ A tel que d 0 = bd. De plus,
d = det(A)2 d 0 où A est la matrice de (x 1 , . . . , x n ) dans (e1 , . . . , en ).
Donc comme d 6= 0, on a b det(A)2 = 1 donc det(A) est inversible ce qui assure l’inversibilité de A, donc (x 1 , . . . , x n ) est une base de B.
Proposition 1.4.8
Soient K un corps parfait, L/K une extension de degré n, et σ1 , . . . , σn les n K-isomorphismes
de L dans C clôture algébrique de K. Si (x 1 , . . . , x n ) est une base de L sur K, on a
D(x 1 , . . . , x n ) = det((σi (x j ))i, j )2
Démonstration. On a ∀x ∈ L, Tr (x) =
n
P
σk (x) donc :
k=1

D(x 1 , . . . , x n ) = det((Tr (x i x j ))i, j ) = det 
‚
n
X
k=1

Œ
σk (x i )σk (x j )

i, j
= det((σ j (x i ))i, j × (σi (x j ))i, j ) = det((σi (x j )i, j )2 .
On admet que ce discriminant est non nul, ce qui est conséquence d’un lemme de Dedekind de peu d’intérêt.
A l’aide de ce résultat et de quelques manipulations élémentaires, on obtient :
Théorème 1.4.9
Soient A un anneau intégralement clos de corps des fractions K, L une extension de
degré n de K, A0 la fermeture intégrale de A dans L. Alors si K est un corps parfait, A0 est
un sous A-module d’un A-module libre de rang n.
12
Corollaire 1.4.10
Sous les hypothèses du théorème précédent, si A est de plus principal, A0 est un A-module
libre de rang n.
Pour finir, calculons un discriminant qui nous sera utile pour la suite :
Exemple. Soit K un corps parfait, L une extension finie n de K,x un élément primitif de L
et P son polynôme minimal.
D(1, x, . . . , x n−1 ) = NL/K (P 0 (x))
En effet, soient x 1 , . . . , x n les n racines distinctes de P dans une clôture algébrique C de
K, et σ1 , . . . , σn les n K-isomorphismes de L dans C. Alors quitte à renuméroter les σi , on a
∀i, σi (x) = x i .
Par suite,
Y
Y
j
D(1, x, . . . , x n−1 ) = det((σi (x j ))i, j )2 = det((x i )i, j )2 =
(x i − x j )2 =
(x i − x j )
i< j
i6= j
En effet, cet dernier déterminantest un déterminant
de Vandermonde. De plus, comme
n
n
Q
Q
Q
P
(X − x j ) donc pour 1 ¶ i ¶ n, P 0 (x i ) = (x i − x j ).
P(X ) = (X − x i ), on a P 0 (X ) =
i=1
i=1
j6=i
De plus, ∀i, σi (P 0 (x)) = P 0 (σi (x)) = P 0 (x i ).
Par conséquent,
D(1, x, . . . , x
n−1
)=
n
Y
i=1
13
P 0 (x i ) = NL/K (P 0 (x))
j6=i
Chapitre 2
Anneaux de Dedekind
L’objectif de ce chapitre est de généraliser la décomposition en facteurs premiers bien
connue dans un anneau factoriel en l’obtenant pour les idéaux d’un anneau de Dedekind,
c’est à dire un anneau noethérien, intégralement clos et dans lequel tout idéal premier est
maximal.
2.1
Anneaux noethériens
Théorème 2.1.1
Soient A un anneau et M un A-module. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. Toute famille non vide de sous-A-modules de M admet un élément maximal.
2. Toute suite croissante de sous-A-modules de M est stationnaire.
3. Tout sous-A-module de M est de type fini.
Si l’une de ces conditions équivalentes est vérifiée, on dit que M est un module noethérien.
Si A est un anneau, il peut-être considéré comme un A-module, ses sous-modules sont
alors ses idéaux. On dit que A est un anneau noethérien s’il est un A-module noethérien.
Exemple. Un anneau principal est noethérien, puisque tous ses idéaux sont principaux donc
de type fini.
Proposition 2.1.2
Si A est un anneau, E un A-module, E 0 un sous-module de E. Alors E est un module
noethérien si et seulement si E 0 et E/E 0 le sont.
Démonstration.
• Si E est noethérien. Les sous-modules de E 0 sont clairement les sousmodules de E contenus dans E 0 donc E 0 est noethérien.
De plus, selon le théorème de correspondance des sous-modules, α : J/E 0 ←→ J
est une bijection de l’ensemble des sous-modules de E/E 0 dans l’ensemble des sousmodules de E contenant E 0 , et cette bijection respecte les inclusions. Par conséquent,
si (Jn /E 0 )n∈N est une suite croissante de sous-modules de E/E 0 , (Jn ) est aussi une suite
croissante donc stationnaire car E est noethérien, ce qui conclut.
• Supposons que E/E 0 et E 0 sont noethériens.
Soit (Fn ) une suite croissante de sous-modules de E. E 0 est un module noethérien donc
à partir d’un certain rang n0 , Fn ∩ E 0 = Fn+1 ∩ E 0 . (a)
14
Or E/E 0 est noethérien donc il existe n1 ∈ N tel que ∀n ¾ n1 , Fn /E 0 = Fn+1 /E 0 , et on
peut prendre n1 = n0 sans perte de généralité.
Il s’ensuit que si n ¾ n0 et (x, y) ∈ Fn × Fn+1 , x − y ∈ E 0 . Donc Fn + E 0 = Fn+1 + E 0 .
Montrons maintenant que Fn = Fn+1 . Si x ∈ Fn+1 , on peut trouver y ∈ Fn , z ∈ E 0
tels que x = y + z donc x − y ∈ E 0 . De plus, comme Fn ⊂ Fn+1 , x − y ∈ Fn+1 , donc
x − y ∈ Fn ∩ E 0 selon (a). Donc x ∈ Fn car y ∈ Fn .
Donc Fn+1 ⊂ Fn , d’où par croissance de (Fn ), Fn = Fn+1 à partir d’un certain rang.
On en déduit facilement les deux résultats suivants :
Corollaire 2.1.3
Si A est un anneau, E1 , . . . , En sont des A-modules, alors si tous les Ei sont noethériens,
n
Q
leur produit F =
Ei est noethérien.
i=1
Démonstration. On effectue une récurrence sur n, triviale une fois que le cas n = 2 est
prouvé.
Dans ce cas, classiquement, E1 ' E1 ×{0} = F1 sous-module de F et ϕ :
F −→ E2
(x, y) 7−→ y
est un morphisme surjectif de noyau F1 donc F /F1 ' E2 par théorème d’isomorphisme. Donc,
puisque F /F1 et F1 sont noethériens, F est noethérien selon la proposition précédente.
Proposition 2.1.4
Si A est un anneau noethérien et E un A-module de type fini, alors E est un module
noethérien.
Démonstration. Si (e1 , . . . , en ) est un système générateur de E, alors ϕ :
An −→ P
E
(x 1 , . . . , x n ) 7−→
x i ei
n
est une application A-linéaire surjective donc E ' A / ker(ϕ) et selon la proposition et le corollaire précédent, E est noethérien.
En particulier, on dispose du théorème suivant :
Théorème 2.1.5
Si A est un anneau noethérien intégralement clos, K = Frac(A), L une extension de
degré n sur K, et si A0 est la fermeture intégrale de A dans L, alors, en supposant que K
est un corps parfait, A0 est un A-module de type fini et un anneau noethérien.
Démonstration. On a montré dans le chapitre précédent que sous ces hypothèses, A0 est
un sous-module d’un A-module libre de rang n, donc d’un A-module noethérien selon la
proposition précédente, donc par définition, A0 est un A-module de type fini.
De plus, si I est un idéal de A0 , c’est aussi un sous A-module de A0 donc les idéaux satisfont
la condition "toute famille non vide d’idéaux admet un élément maximal", ce qui prouve que
A0 est un anneau noethérien.
15
2.2
Définition des anneaux de Dedekind
Définition 2.2.1
Soit A un anneau. A est un anneau de Dedekind si c’est un anneau noethérien, intégralement clos et si tout idéal premier de A est maximal.
Exemple. Z est un anneau de Dedekind. En effet il est principal donc noethérien et intégralement clos. De plus, si pZ est un idéal premier de Z, alors Z/pZ est un corps donc pZ est
un idéal maximal.
Théorème 2.2.2
Si A est un anneau de Dedekind et K = Frac(A), si L est une extension finie de K et A0
est la fermeture intégrale de A dans L, et si K est un corps parfait, alors A0 est un anneau
de Dedekind et un A-module de type fini.
Démonstration.
• A0 est intégralement clos par définition.
• A0 est un A-module de type fini selon la proposition 1.4.9. Par conséquent, selon la proposition 2.1.4, c’est un A-module noethérien donc en particulier un anneau noethérien
puisque les idéaux de A0 sont des sous A-modules de A0 .
• Soit β idéal premier non nul de A0 . Soit x 6= 0 ∈ β. On a une équation de dépendance
intégrale, qu’on suppose de degré minimal.
x n + an−1 x n−1 + · · · + a0 = 0
Il est donc immédiat que a0 ∈ A0 x ∩ A ⊂ β ∩ A, et a0 6= 0 sinon on obtiendrait une
équation de degré n − 1 en simplifiant par x.
Donc a0 ∈ β ∩ A et donc β ∩ A 6= {0}.
Mais on montre sans difficulté que β ∩ A est un idéal premier de A, c’est donc un idéal
maximal car A est de Dedekind, donc A/(β ∩ A) est un corps.
Or ϕ : A −→ A0 /β
est un morphisme de noyau β ∩ A qui passe donc au quoa 7−→ a mod β
tient en ϕ̃ :
A −→ A0 /β
morphisme injectif. Donc A0 /β contient
a mod β ∩ A 7−→ a mod β
un sous-corps (i.e. un sous-anneau qui est un corps) B isomorphe à A/(β ∩ A) .
De plus, A0 /β est entier sur B. En effet, B = {a mod β, a ∈ A} et il suffit de réduire
pour chaque x ∈ A0 son équation de dépendance intégrale modulo β. Donc A0 /β est
un corps car B en est un, et β est maximal, ce qui conclut.
2.3
Décomposition des idéaux fractionnaires dans un anneau de Dedekind
Dans toute cette section, on se place dans le cadre suivant : A est un anneau de Dedekind,
K est son corps des fractions.
Définition 2.3.1
Un idéal fractionnaire de A est un sous A-module I de K tel qu’il existe d ∈ A\ {0} tel que
I ⊂ d −1 A.
16
Cela revient à dire que tous les éléments de I ont un dénominateur commun d.
Quelques propriétés :
• Un idéal de A est un idéal fractionnaire, on l’appelle alors idéal entier.
• Un sous A-module de type fini I de K est un idéal fractionnaire. En effet, si (x 1 , . . . , x n )
est un système générateur de I, on peut trouver un dénominateur commun d aux
x i ∈ K. Alors ∀i, x i = d −1 αi où αi ∈ A, donc par linéarité, I ⊂ d −1 A.
• Réciproquement, comme A est noethérien, tout idéal fractionnaire I est un sous Amodule de K de type fini. En effet, I ⊂ d −1 A et A est un A-module de type fini donc I
est de type fini puisque d −1 A ' A en tant que modules.
• L’ensemble des idéaux fractionnaires non nuls de A forme un monoïde commutatif
pour la multiplication définie comme suit : si I, I 0 idéaux fractionnaires,
¨ n
«
X
I I0 =
x i yi , n ∈ N, x i ∈ I, yi ∈ I 0
i=1
Son élément neutre est A.
On va maintenant obtenir la décomposition d’un idéal fractionnaire en produits d’idéaux
premiers.
Proposition 2.3.2
Soit A anneau de Dedekind qui n’est pas un corps. Alors tout idéal maximal de A est
inversible dans le monoïde des idéaux fractionnaires de A.
On aura besoin de deux petits lemmes pour mener à bien la preuve :
Lemme 2.3.3
Soit A un anneau noethérien, soit p un idéal premier de A, a1 , . . . , a r r des idéaux de A
tels que a1 . . . a r ⊂ p. Alors ∃1 ¶ i ¶ r : ai ⊂ p.
Démonstration. Supposons que ∀i, ai 6⊂ p, on peut fixer ai ∈ ai tel que ai 6∈ p. Donc
a1 . . . a r 6∈ p puisque p est un idéal premier : contradiction.
Lemme 2.3.4
Soit A un anneau noethérien intègre. Tout idéal non nul de A contient un produit
d’idéaux premiers non nuls.
Démonstration. Soit φ l’ensemble des idéaux I non nuls de A tels que I ne contient aucun
produit d’idéaux premiers non nuls, et supposons φ 6= ;. Comme A est noethérien, φ possède
un élément maximal b.
Si b était premier, on aurait b 6∈ φ donc b n’est pas premier. Par suite, on peut trouver
(x, y) ∈ (A \ b)2 tels que x y ∈ b.
b +Ax et b +Ay sont des idéaux contenant strictement b donc ils ne peuvent appartenir à
φ par maximalité de b. Donc il existe p1 , . . . , p r , q1 , . . . , qs tels que p1 . . . p r ⊂ b +Ax, q1 . . . qs ⊂
b + Ay.
Or, x y ∈ b donc (b + Ax)(b + Ay) = b donc
p1 . . . p r q1 . . . qs ⊂ b
Cela contredit le fait que b ∈ φ donc φ = ;.
17
Démonstration (de la proposition). Soit m un idéal maximal de A ; m 6= {0} car A n’est pas
un corps.
On pose m0 = {x ∈ K, x m ⊂ A}.
m0 est évidemment un sous A-module de K et si a ∈ m \ {0} et x ∈ m0 , alors x a ∈ A donc
x ∈ a−1 A, d’où m0 ⊂ a−1 A et m0 est donc un idéal fractionnaire de A.
Montrons que mm0 = A.
On a, par définition de m0 , m ⊂ mm0 ⊂ A. Or, m est un idéal maximal donc mm0 = m ou
mm0 = A.
Supposons que mm0 = m.
Soit x ∈ m0 . x m ⊂ A donc par une récurrence immédiate, ∀n ∈ N, x n m ⊂ A. Par conséquent, si d 6= 0 et d ∈ m, d est un dénominateur commun des (x n )n∈N de sorte que A[x] est
un idéal fractionnaire. Mais A est noethérien donc A[x] est un A-module de type fini selon
une des propriétés ci-dessus. Donc x est entier sur A et comme A est intégralement clos,
x ∈ A. On a ainsi mm0 = m ⇒ m0 = A.
Il s’agit donc en dernier lieu de prouver qu’on ne peut avoir m0 = A.
Soit a ∈ m \ {0}. Alors Aa contient un produit d’idéaux premiers non nuls p1 . . . p r selon
le lemme 2.3.4, et on peut prendre r minimal. On a donc p1 . . . p r ⊂ m, donc comme m est
premier, selon le lemme 1, il contient un pi , prenons i = 1 par exemple. Par maximalité de
p1 , on a m = p1 .
Si b := p2 . . . p r , on a mb ⊂ Aa mais b 6⊂ Aa car on a pris r minimal. Donc ∃b ∈ b : b 6∈ Aa.
Or, m b ⊂ mb ⊂ Aa donc m ba−1 ⊂ A, d’où par définition de m0 , ba−1 ∈ m0 . Or, si m0 = A, on
aurait b ∈ Aa ce qui est absurde. Donc m0 6= A, et finalement mm0 = A.
Théorème 2.3.5 (de décomposition en idéaux premiers)
Soit A un anneau de Dedekind, P l’ensemble des idéaux premiers non nuls de A. Alors
tout idéal fractionnaire non nul b de A se décompose de manière unique sous la forme
Y
b=
pnp (b)
p∈P
où les np (b) sont des entiers relatifs presque tous nuls.
Démonstration.
• Existence : On peut se ramener au cas où b est un idéal de A. En
effet, ∃d ∈ A : d b ⊂ A donc d b est un idéal de A et en supposant le résultat obtenu
pour Ad, on a b = (d b)(Ad)−1 . On suppose donc b idéal de A.
Soit φ l’ensemble des idéaux non nuls de A qui ne sont pas produit d’idéaux premiers,
et on suppose φ 6= ;. Il admet donc un élément maximal a.
Soit p l’élément maximal de la famille des idéaux contenant a, qui existe car A est
noethérien. C’est clairement un idéal maximal. On note p0 son inverse dans le monoïde
des idéaux fractionnaires de A, selon la proposition précédente.
On a ap0 ⊂ pp0 = A et A = pp0 ⊂ Ap0 ⊂ p0 , donc a ⊂ ap0 .
Si a = ap0 , alors si x ∈ p0 , on a ∀n ∈ N, x a ⊂ a, . . . , x n a ⊂ a, donc en réutilisant le
raisonnement de la démonstration de la proposition précédente, x est entier sur A
intégralement clos donc x ∈ A, ce qui est absurde puisque p0 6= A. Donc a ( ap0 . Donc
par maximalité de a, ap0 6∈ φ donc on peut fixer p1 , . . . , pn idéaux premiers tels que
ap0 = p1 . . . pn . Par suite, a = pp1 . . . pn et a 6∈ φ ce qui est contradictoire.
Donc φ = ;, ce qui conclut.
18
Q n(p) Q m(p)
• Unicité : Si
p
=
p
où les n(p), m(p) sont des entiers relatifs presque tous
p∈P
p∈P
Q n(p)−m(p)
nuls, on a
p
= A. Si les n(p)−m(p) ne sont pas tous nuls, il existe des idéaux
p∈P
pi et q j deux à deux distincts et αi > 0, β j > 0 tels que p1 ⊃
r
Q
i=1
α
pi i =
s
Q
j=1
β
qj j .
En particulier, selon le premier lemme de la proposition ci-dessus, il existe 1 ¶ j ¶ s :
p1 ⊃ q j donc par maximalité de q j , p1 = q j ce qui est absurde.
Corollaire 2.3.6
Si A est un anneau de Dedekind, l’ensemble des idéaux fractionnaires de A a une structure de groupe commutatif.
On a quelques propriétés aisément vérifiables sur cette décomposition :
1. ∀p ∈ P , np (ab) = np (a) + np (b)
2. a ⊂ b ⇔ ∀p ∈ P , np (b) ¶ np (a)
3. ∀p ∈ P , np (a + b) = inf(np (a), np (b)) (a + b est la borne supérieure pour l’inclusion de
l’ensemble des idéaux contenant a et b)
19
Chapitre 3
Corps de nombres
3.1
Définition et traduction des résultats précédents
Définition 3.1.1
Un corps de nombres est une extension finie de Q.
Définition 3.1.2
Si K est un corps de nombres, la fermeture intégrale de Z dans K est appelée anneau des
entiers de K et est notée OK .
OK est à K ce que Z est à Q, comme le montre le lemme suivant :
Lemme 3.1.3
K = Frac(OK ).
Démonstration. On a OK ⊂ K qui est un corps donc Frac(OK ) ⊂ K.
Soit x ∈ K. x est algébrique sur Q donc on a une équation de dépendance intégrale
xn +
pn−1 n−1
p0
x
+ ··· +
=0
qn−1
q0
En multipliant par (q0 . . . qn−1 )n , on a
x n + pn−1 q0 . . . qn−2 (q0 . . . qn−1 x)n−1 + · · · + p0 q1 . . . qn−1 (q0 . . . qn−1 )n−1 = 0
ce qui prouve que q0 . . . qn−1 x appartient à OK . Donc K ⊂ Frac(OK )
Si L est une extension finie de K, on note O L la fermeture intégrale de OK dans L, qui est
aussi l’anneau des entiers de L selon la transitivité du caractère entier (proposition 1.2.5).
Proposition 3.1.4
Soient K un corps de nombres et x ∈ OK . Alors Tr K/Q (x) ∈ Z, NK/Q (x) ∈ Z
Démonstration. C’est la traduction de la proposition 1.4.3.
Proposition 3.1.5
Si K est un corps de nombres, OK est un anneau de Dedekind et un Z-module libre de
rang [K : Q].
20
Démonstration. K est une extension finie de Q = Frac(Z) où Z est principal. Selon le théorème 2.2.2, OK est un anneau de Dedekind ; et le corollaire 1.4.10 nous donne que OK est
un Z-module libre de rang [K : Q].
Le concept d’anneau de Dedekind est donc un cadre idéal pour l’étude d’un corps de
nombres K pour deux raisons : d’une part, il permet d’obtenir sous des hypothèses minimales
la décomposition d’un idéal fractionnaire en produit d’idéaux premiers. Mais surtout, le
théorème 2.2.2 nous donne que pour toute extension finie L d’un corps de nombres K, O L
et OK sont des anneaux de Dedekind.
Notation : Dans toute la suite, Spec(OK ) désignera l’ensemble des idéaux premiers d’un
corps de nombres K. On dira d’ailleurs « idéal premier de K » pour « idéal premier de OK ».
Si K est un corps de nombres, l’ensemble P des idéaux fractionnaires principaux, c’està-dire de la forme (a) où a ∈ K × est un sous-groupe du groupe des idéaux fractionnaires
I.
Définition 3.1.6
Le groupe des classes d’idéaux est C := I/P.
On admet le théorème suivant :
Théorème 3.1.7
Si K est un corps de nombres, C est fini.
Démonstration. Voir [4], page 75.
3.2
Décomposition dans une extension, idéaux ramifiés
On considère désormais un corps de nombres K, et une extension finie L de K. On
Le problème, qui sera central dans toute la fin de ce mémoire, est de savoir comment se
décompose un idéal p premier de K (c’est à dire de OK ) dans L.
En effet, pO L est un idéal de O L donc selon le théorème de décomposition en idéaux
premiers, on peut trouver P1 , . . . , P r idéaux premiers et e1 , . . . , e r ¾ 1 tels que
pO L =
r
Y
e
Pi i
i=1
Définition 3.2.1
Soit p un idéal premier de K. On dit que P idéal premier de L est au-dessus de p si
P ∩ OK = p.
Remarque. On a vu que P ∩ OK est un idéal premier de K donc tout idéal premier P de L
est nécessairement au-dessus d’un idéal premier de K.
Proposition 3.2.2
Soit p un idéal premier de K tel que pO L =
r
Q
i=1
les Pi .
21
e
Pi i . Alors les idéaux au-dessus de p sont
Démonstration.
• Si P est un idéal premier de O L et P ∩ OK = p, alors
r
Q
i=1
e
Pi i ⊂ pO L =
(P ∩ OK )O L ⊂ P donc comme P est premier, il contient un des Pi , donc est égal à l’un
d’entre eux par maximalité.
r
Q
ei
Pi ∩ OK ⊂ P j ∩ OK donc par maximalité,
• Soit j ∈ J1; r K, on a p = (pO L ) ∩ OK =
i=1
p = P j ∩ OK .
On va maintenant expliquer la notion de degré résiduel.
On reprend les notations de la proposition précédente. Soit j : OK → O L le morphisme
d’inclusion, et πi : O L → O L /Pi la projection. ϕ = j ◦ πi est un morphisme de noyau p. En
effet, ϕ(x) = 0 ⇔ (x mod Pi = 0 et x ∈ OK ) ⇔ x ∈ Pi ∩ OK = p.
Donc ϕ passe au quotient en un morphisme injectif ϕ :
OK /p −→ O L /Pi
,
a mod p 7−→ a mod Pi
de sorte que OK /p s’identifie à un sous-corps de O L /Pi (qui est un corps car Pi est maximal
car premier dans O L de Dedekind).
Or, on a vu dans le théorème 2.1.5 que O L est un OK -module de type fini, donc O L /Pi
est un espace vectoriel de dimension finie sur OK /p. En effet, si (α1 , . . . , α r ) est une famille
r
P
génératrice de O L en tant que OK -module, on a ∀b ∈ O L , ∃(a1 , . . . , a r ) ∈ OKr : b =
ai αi
donc b mod Pi =
r
P
(ai mod Pi )(αi mod Pi ) =
i=1
r
P
i=1
ϕ(ai mod p)(αi mod Pi ).
i=1
Définition 3.2.3
On reprend les notations de la proposition précédente.
Le degré f i = [O L /Pi : OK /p] est appelé degré résiduel de Pi sur OK .
Le coefficient ei est appelé indice de ramification de Pi sur OK .
Remarque. On a également pO L ∩ OK = p (⊃ est évident, ⊂ se déduit alors de la première
propriété suivant le théorème de décomposition).
Donc O L /pO L est également un espace vectoriel de dimension finie sur OK /p, ce qui
justifie la cohérence de l’énoncé suivant.
Théorème 3.2.4
En gardant les notations précédentes, on a :
r
X
ei f i = [O L /pO L : OK /p] = [L : K]
i=1
Démonstration. On ne montrera que la première égalité, pour ne pas avoir à développer
trop d’algèbre commutative.
r
Q
e
Écrivons pO L =
Pi i .
i=1
e
Les Pi i sont étrangers deux à deux. En effet, supposons qu’un idéal autre que O L contienne
e
e
e
e
Pi i + P j j pour i 6= j fixés. Si m est un idéal maximal contenant Pi i + P j j (O L est noethée
e
rien), on a Pi i ⊂ m et P j j ⊂ m donc comme m est premier, Pi ⊂ m et P j ⊂ m, ce qui, par
e
e
maximalité de Pi et P j donne m = Pi = P j : absurde. Donc Pi i + P j j = O L .
22
Ainsi, en appliquant le théorème chinois, on a un isomorphisme d’anneaux
Qr
e
ϕ:
O L /pO L −→
O /P i i
i=1 L
e
x mod pO L 7−→ (x mod P11 , . . . , x mod Perr )
qui est également un isomorphisme de OK /p-espaces vectoriels.
En effet, OK /p s’identifie à un sous-corps de O L /pO L via a mod p 7−→ a mod pO L , et à
r
Q
e
e
un sous corps de
O L /Pi i via a mod p 7−→ (a mod P11 , . . . , a mod Perr ).
i=1
On peut donc se restreindre au cas où pO L = Pe , P idéal premier de O L , e ¾ 1.
O L ⊃ P ⊃ P2 ⊃ · · · ⊂ Pe = pO L
P et P2 sont des idéaux de O L donc des O L -modules. Donc P/P2 est un O L -module avec
la loi b.[x]P2 = [bx]P2 , et si b ∈ P, [bx]P2 = 0 donc P/P2 est un O L /P-espace vectoriel.
Selon le théorème de correspondance des sous-modules, les sous O L /P-espaces vectoriels de P/P2 , qui sont évidemment ses sous O L -modules, sont les J/P2 quand P est un
sous-module de P contenant P2 , soit P2 ⊂ J ⊂ P, soit J = P ou J = P2 en considérant la
P-valuation de J, car P est un idéal premier.
Donc P/P2 n’a que deux sous-espaces vectoriels : {0} et lui-même, ce qui prouve qu’il
est de dimension 1 sur O L /P. Donc comme O L /P est un espace vectoriel de dimension f
sur OK /p, selon la formule des degrés, P/P2 est de dimension f sur OK /p.
En faisant le même raisonnement pour tous les P j /P j+1 , où 1 ¶ j ¶ e − 1, on obtient
que ce sont des OK /p-espaces vectoriels de dimension f .
Enfin, O L /pO L = O L /Pe est un OK /p-espace vectoriel et on a une suite de sous-espaces
vectoriels :
{0} ⊂ Pe−1 /P ⊂ · · · ⊂ P2 /Pe ⊂ P/Pe ⊂ O L /Pe
De plus, il est clair qu’en tant qu’OK /p-espaces vectoriels, ∀ j, (P j /Pe )/(P j+1 /Pe ) '
(P /P j+1 ) (on pose P0 = O L , le raisonnement est le même) donc selon ce qui précède,
dim(P j /Pe )−dim(P j+1 /Pe ) = f , d’où en sommant de j = 0 à r−1, on a f r = [O L /Pe : OK /p].
j
Remarque. Étant donné un idéal premier de K, cette formule nous assure qu’il y a au plus
[L : K] idéaux premiers au-dessus de lui.
Définition 3.2.5
Soit p idéal premier de K, L une extension finie de K. On note pO L =
r
Q
i=1
e
Pi i sa décom-
position en facteurs premiers dans L.
• On dit que p est ramifié dans L si ∃i : ei ¾ 2.
• Sinon, on dit que p est non ramifié ou décomposé.
• Si p est non ramifié et r = [L : K], on dit qu’il est totalement décomposé.
Remarque. Un idéal premier est donc totalement décomposé si tous les degrés résiduels f i
valent 1.
23
En fait, les idéaux premiers de K qui se ramifient dans L sont en nombre fini. Ce fait
sera crucial pour démontrer le théorème de Chebotarev, qui étudie la répartition des idéaux
totalement décomposés, puisqu’il nous permettra de les « ignorer » au sein de l’infinité des
idéaux décomposés.
Théorème 3.2.6
Soit K un corps de nombres, L une extension finie de K, on note D L/K l’idéal de OK
engendré par les discriminants des bases de L sur K contenues dans O L . Alors si p est un
idéal premier de K, p est ramifié dans L si et seulement si il contient D L/K . Par conséquent, les idéaux premiers de K ramifiés dans L sont en nombre fini.
Démonstration. Admis (la démonstration est assez technique).
3.3
Norme d’un idéal
On prend K un corps de nombres, et on note N (x) = NK/Q (x).
Proposition 3.3.1
Pour x ∈ OK , |N (x)| = Card(OK /(x)).
Démonstration. Comme Z est principal, selon le corollaire 1.4.10, OK est un Z-module de
rang n = [K : Q]. On en fixe une base (e1 , . . . , en ).
Alors (x) = OK x est un sous-Z-module de OK , de rang n car (x e1 , . . . , x en ) en est une
base, donc on sait qu’il existe (c1 , . . . , cn ) ∈ Zn tel que ci |ci+1 et (c1 e1 , . . . , cn en ) est une base
de OK x. On peut prendre ci > 0 sans perte de généralités.
n
Q
On a donc OK /(x) '
Z/ci Z via le morphisme de Z-modules
i=1
ϕ:
Zn −→ O
K /(x) n
P
(x 1 , . . . , x n ) 7−→
x i ei
mod A
i=1
de noyau
n
Q
ci Z donc OK /(x) a c1 . . . cn éléments.
i=1
Par ailleurs, comme (x e1 , . . . , x en ) est une autre base de OK x, donc on définit un automorphisme u de OK x en posant u(ci ei ) = x ei . On a par suite det(u) = ±1.
De plus, si v : OK −→ OK , alors v est représentée par Diag(c1 , . . . , cn ) dans (e1 , . . . , en ),
ei 7−→ ci ei
d’où det(v) = c1 . . . cn .
Finalement, l’application de multiplication par x restreinte à OK n’est autre que u ◦ v,
donc N (x) = det(m x ) = ±c1 . . . cn selon ce qui précède.
En effet, K = Frac(OK ) et Q = Frac(Z) donc m x et sa restriction à OK ont le même
déterminant.
Par extension, on peut donc définir, pour m idéal entier non nul de K, N (m) = Card(OK /m).
Théorème 3.3.2
Si a, b sont deux idéaux entiers non nuls de K, N (ab) = N (a)N (b).
Démonstration.
• Premier cas : b = m est un idéal maximal.
24
Alors la projection π : OK −→ OK /a passe au quotient en v : OK /(am) → OK /a car
am ⊂ a = ker π. v est un morphisme surjectif de noyau a/am.
Finalement, OK /a ' (OK /am)/(a/am) et Card(OK /am) = Card(OK /a)Card(a/am).
De plus a/am est un OK -module en tant que quotient de OK -modules. De plus si x ∈ m,
alors ∀α ∈ a/am, x · α = 0, donc a/am est en réalité un OK /m-espace vectoriel, et ses
sous-espaces vectoriels sont ses sous OK -modules.
Selon le théorème de correspondance des sous-modules, ils sont de la forme q/am où
q est un idéal de a tel que am ⊂ q ⊂ a.
Un tel idéal q vérifie donc ∀p ∈ P , np (am) ¾ np (q) ¾ np (a).
§
np (a) si p 6= m
Or, np (am) = np (a) + np (m) =
.
np (a) + 1 sinon
Donc nécessairement q = a ou q = am. Ainsi, a/am n’ayant que deux sous-espaces vectoriels, il est de dimension 1 sur OK /m et N (am) = Card(OK /am) = Card(OK /a)Card(a/am) =
Card(OK /a)Card(OK /m) = N (a)N (m).
• Deuxième cas : b quelconque. On décompose b en produit d’idéaux maximaux m1 . . . mn
et on a
N (am1 . . . mn ) = N (am1 . . . mn−1 )N (mn ) = · · · = N (a)N (m1 ) . . . N (mn ) = N (a)N (b)
Remarque. On peut montrer que si n ∈ N∗ , il y a un nombre fini d’idéaux premiers p du
corps de nombres K tel que N (p) ¶ n. (voir [4], chapitre IV, pour la démonstration).
Ce fait sera très utile par la suite, notamment dans le chapitre 6.
25
Chapitre 4
Théorie de Galois
4.1
Extensions galoisiennes
On a vu précédemment (cf théorème 1.3.8) que si K est un corps parfait, et L une extension de degré n de K, alors il y a exactement n K-isomorphismes de L dans un corps
algébriquement clos C contenant L. Comme, selon le théorème de l’élément primitif, on a
L = K[x] où x ∈ L est dit primitif, ces K-isomorphismes sont entièrement déterminés par
x et envoient x sur les n racines de son polynôme minimal dans C. Ils forment de plus un
groupe.
Le principe de la théorie de Galois est de regarder dans quel cas tous les K-isomorphismes
de L dans C sont des K-automorphismes de L, ce qui signifie que le polynôme minimal de
x a toutes ses racines dans L.
Définition 4.1.1
Si L est un corps et G un ensemble d’automorphismes de L, I = {x ∈ L : ∀σ ∈ G, σ(x) = x}
est un sous-corps de L appelé corps des invariants de L.
Théorème 4.1.2
Soit K un corps parfait et L une extension finie de K. Il y a équivalence entre
1. K est le corps des invariants du groupe G des K-automorphismes de L.
2. ∀x ∈ L, le polynôme minimal Π x de x sur K a toutes ses racines dans L.
3. L est engendré par les racines d’un polynôme sur K.
Dans ces conditions, G a n éléments. On dit alors que L est une extension galoisienne
de K, et G est appelé groupe de Galois de L sur K et est noté Gal(L/K). Si de plus, G est
abélien (resp. cyclique), on dit que L est extension abélienne (resp. cyclique) de K.
Démonstration. 1 ⇒ 2 : si x ∈ L, Px :=
Q
(X − σ(x)) est un polynôme invariant par G
g∈G
dans le sens où chacun de ses coefficients
est fixé par
Q
Q tout élément de G.
Q
En effet, si τ ∈ G, τ(Px ) :=
(X −τ(σ(x))) =
(X −(τ◦σ)(x)) =
(X −σ(x))) = Px
g∈G
g∈G
g∈G
puisque σ 7−→ τ ◦ σ est une permutation du groupe fini G. Cela donne ce que l’on veut,
étant donné que chaque coefficient de Px s’exprime en fonction de produits et de sommes
des σ(x). Donc, comme K est le corps des invariants de G, Px ∈ K[X ].
Qui plus est, Px admet x pour racine car id ∈ G donc Π x |Px et toutes les racines de Π x
sont des racines de Px donc des σ(x) quand σ ∈ G. Par conséquent, Π x a toutes ses racines
dans L.
26
2 ⇒ 3 : Si x est un élément primitif de L sur K, Π x a toutes ses racines dans L, en
particulier x et L = K[x] est engendré par les racines de Π x sur K.
3 ⇒ 1 : Notons σ1 , . . . , σn les K-isomorphismes de L dans C algébriquement clos contenant L. Si L est engendré sur K par les racines d’un polynôme P, étant donné que si x de
L est racine de P, tous ses conjugués σ j (x), j = 1, . . . , n sont également racines de P, L
(i)
est engendré par (x (1) , . . . , x (l) ) et leurs conjugués (x j ) = (σ j (x (i) )) qui sont dans L par
hypothèse.
(i)
Soit σ ∈ {σ1 , . . . , σn }. Alors σ(L) ⊂ L puisque σ permute les (x j ) et σ(L) est engendré
(i)
par les σ(x j ). Donc comme σ est K-linéaire injective, on a σ(L) = L.
Donc on a G = {σ1 , . . . , σn } et G a n éléments.
Soit x ∈ L invariant par G. Alors K[x] est invariant par G donc G est un groupe de
K[x]-automorphismes de L, dont G a au plus [L : K[x]] éléments, d’où n ¶ [L : K[x]] ¶ n,
ce qui assure que K[x] = K et x ∈ K.
Corollaire 4.1.3
Soit K un corps parfait. Si L est une extension de degré n de K, H un groupe d’automorphismes de L admettant K pour corps d’invariants, alors L est extension galoisienne de
K et H est son groupe de Galois.
Démonstration. ∀x ∈ L, Px =
Q
σ∈H
(X − σ(x)) est invariant par H (de même que dans la
démonstration précédente) donc a tous ses coefficients dans K, d’où, comme de plus x est
racine de Px , Π x divise Px . Par conséquent, comme ∀σ ∈ H, σ(x) ∈ L, Π x a toutes ses racines
dans L également et la condition 2 du théorème précédent est vérifiée. Donc L est extension
galoisienne de K.
Qui plus est, H ⊂ G, groupe de Galois de L/K puisque H est un groupe
Q de K-automorphismes.
D’autre part, soit x ∈ L élément primitif de L sur K, soit P(X ) =
(X − σ(x)). Selon ce
σ∈H
qui précède, P est à coefficients dans K et Π x |P donc comme Π x est de degré n (x primitif),
on a |G| = n ¶ deg P = |H| donc |G| = |H| et G = H.
4.2
Correspondance de Galois
Le théorème suivant est la pierre d’angle de la théorie de Galois. Notamment il résume
les résultats de la section précédente.
Théorème 4.2.1 (correpondance de Galois)
Soient K un corps parfait et L une extension galoisienne de K. On note G le groupe de
Galois de L/K.
Pour tout sous-groupe G 0 de G, on note k(G 0 ) = {x ∈ L : ∀σ ∈ G 0 , σ(x) = x} le corps
des invariants de G 0 .
Pour tout sous-corps K 0 de L, L est une extension galoisienne de K 0 et on note g(K 0 ) =
Gal(L/K 0 ). Alors :
1. g et k sont des applications réciproques l’une de l’autre.
2. Si K ⊂ K 0 ⊂ L, K 0 est extension galoisienne de K si et seulement si Gal(L/K 0 ) est un
sous-groupe normal de G, et dans ces conditions, Gal(K 0 /K) ' Gal(L/K)/Gal(L/K 0 ).
27
Démonstration. Prouvons le premier point. Soit x ∈ L, ΠK 0 (resp. ΠK ) son polynôme minimal sur K 0 (resp K). Alors ΠK est un polynôme à coefficients dans K 0 admettant x pour
racine donc ΠK 0 |ΠK . Ainsi, toute racine de ΠK 0 est racine de ΠK donc est dans L, ce qui
montre que L est extension galoisienne de K 0 .
g(K 0 ) est un sous-groupe de G admettant, par définition, K 0 pour corps des invariants
donc k(g(K 0 )) = K 0 .
De plus, si G 0 est un sous-groupe de G, selon le corollaire ci-dessus, G 0 = Gal(L/k(G 0 )),
soit g(k(G 0 )) = G 0 .
Montrons maintenant le second point. Pour x ∈ K 0 , on note Π x son polynôme minimal
sur K. Pour que K 0 soit extension galoisienne de K, il faut et suffit, puisque Π x admet les
σ(x), σ ∈ G pour racines que ∀σ ∈ G, ∀x ∈ K 0 , σ(x) ∈ K 0 , soit ∀σ ∈ G, σ(K 0 ) ⊂ K 0 .
Si K 0 est une extension galoisienne de K, ∀σ ∈ G, σ(K 0 ) ⊂ K 0 . Soit σ ∈ G et τ ∈
Gal(L/K 0 ). ∀x ∈ K 0 , (σ−1 τσ)(x) = (σ−1 σ)(x) = x car τ est un K 0 -automorphisme.
Donc σ−1 τσ ∈ Gal(L/K 0 ) qui est par suite un groupe distingué dans G.
Supposons que Gal(L/K 0 ) est distingué dans G.
Soit σ ∈ G, et τ ∈ Gal(L/K 0 ). On a σ−1 τσ = ν ∈ Gal(L/K 0 ) donc τσ = σν.
D’où ∀τ ∈ Gal(L/K 0 ), ∀x ∈ K 0 , τ(σ(x)) = σ(x) donc σ(x) est dans le corps des invariants de Gal(L/K 0 ) qui est K 0 , ce qui donne σ(K 0 ) ⊂ K 0 .
Déterminons pour finir Gal(K 0 /K) sous l’hypothèse que K 0 /K est galoisien. Soit
ϕ : Gal(L/K) −→ Gal(L/K 0 )
σ 7−→ σ|K 0
Ce "morphisme de restriction" est bien défini puisque ∀σ ∈ G, σ(K 0 ) ⊂ K 0 . De plus, son
noyau est le groupe de Galois de K 0 /K de manière évidente donc ϕ passe au quotient en
ϕ : Gal(L/K)/Gal(K 0 /K) −→ Im (ϕ) morphisme injectif.
[L : K]
Mais Gal(L/K)/Gal(K 0 /K) a pour cardinal
= [L : K 0 ] selon la formule des de[K 0 : K]
grés, donc ϕ est surjectif et on a l’isomorphisme voulu.
4.3
4.3.1
Ramification dans les extensions galoisiennes de corps
de nombres
Décomposition d’un idéal premier dans une extension galoisienne
Soit K un corps de nombres et L une extension galoisienne de K de degré n. Dans ce
cadre, on va pouvoir obtenir des résultats plus forts que ceux du chapitre 2 concernant la
décomposition d’un idéal dans une extension. On montrera que dans la décomposition d’un
idéal premier de K dans L, tous les idéaux au-dessus de p ont le même indice de ramification
et le même degré résiduel.
Notons G = Gal(L/K). Si σ ∈ G et x ∈ O L , en appliquant σ à une équation de dépendance intégrale de x, on obtient σ(x) ∈ O L donc σ(O L ) ⊂ O L . En utilisant ce résultat pour
σ−1 , on a donc σ(O L ) = O L .
De plus, si p est un idéal premier de K et P un idéal premier de L au-dessus de p, on a
σ(P) ∩ OK = p. En effet, comme σ est bijectif, σ(P ∩ OK ) = σ(P) ∩ σ(OK ) = σ(P) ∩ OK =
σ(p) = p car σ est un K-automorphisme.
Par conséquent, comme σ(P) est un idéal premier de L, σ(P) est au-dessus de p.
28
Par ailleurs, si I, J sont des idéaux de O L , σ(I J) = σ(I)σ(J) ce qu’on généralise sans
g
g
Q
Q
e
Pi i , on a σ(pO L ) =
peine à un produit fini d’idéaux. Donc, en écrivant pO L =
σ(Pi )ei
i=1
i=1
donc σ(Pi ) apparaît dans la décomposition en idéaux premiers de pO L avec le même indice
de ramification que P.
Définition 4.3.1
Si σ ∈ Gal(L/K) et P est un idéal premier de L, P et σ(P) sont dits idéaux premiers
conjugués dans O L .
Proposition 4.3.2
Soit p idéal premier de OK . Alors les idéaux premiers Pi au-dessus de p sont deux à deux
conjugués, ont même degré résiduel f et même indice de ramification e. Ainsi :
‚ g
Œe
Y
pO L =
Pi
i=1
Et n = e f g.
Pour cette démonstration, on aura besoin du lemme technique suivant :
Lemme 4.3.3
Soit A un anneau de Dedekind et p1 , . . . , pq des idéaux premiers de A. Soit b un idéal de
A tel que ∀i, b 6⊂ pi . Alors ∃b ∈ b : ∀i, b 6∈ pi .
Démonstration. Tous les pi étant maximaux distincts, on a ∀i 6= j, pi 6⊂ p j . On fixe donc
ui j ∈ p j \ pi .
Q
Mais ∀i, b 6⊂ pi donc il existe ai ∈ b tel que ai 6∈ pi . On pose bi = ai ui j . Comme b et
j6=i
p j sont des idéaux, bi ∈ b et ∀ j 6= i, bi ∈ p j . Mais bi 6∈ pi puisque pi est un idéal premier.
q
P
P
Finalement, en posant b =
bi , on a b ∈ b, et ∀i, j6=i b j ∈ pi , bi 6∈ pi , ce qui donne
b 6∈ pi .
i=1
Démonstration (de la proposition). Soit P l’un des Pi , supposons qu’il existe P j = Q non
conjugué de P. Alors ∀σ ∈ G, Q et σ(P) sont maximaux et distincts donc σ(P) 6⊂ Q et
Q 6⊂ σ(P). Donc selon le lemme, il existe
x ∈ Q : ∀σ, x 6∈ σ(P).
Q
Mais la norme de x est N (x) =
τ(x) (voir la remarque suivant le théorème 1.4.2) et
τ∈G
on sait que N (x) ∈ OK (cf proposition 1.4.3). De plus, comme ∀τ ∈ G, τ(x) ∈ O L et id ∈ G,
N (x) ∈ Q, donc N (x) ∈ Q ∩ OK = p.
D’autre part, ∀τ ∈ G, x 6∈ τ−1 (P) donc τ(x) 6∈ P donc, comme P est premier, N (x) 6∈ P
ce qui est absurde étant donné que N (x) ∈ p = P ∩ OK .
A partir de là, les autres affirmations sont simples : selon la remarque préliminaires,
deux idéaux conjugués ont même indice de ramification ; ils ont également même degré
résiduel. En effet, soit σ ∈ G, P idéal premier de L et Q = σ(P). On a O L /P ' O L /Q en
tant que (OK /p)-espaces vectoriels via φ : O L −→ O L /P
de noyau σ(P) = Q
x 7−→ σ−1 (x) mod P
qui passe au quotient en φ :
O L −→ O L /P
.
x mod σ(P) 7−→ σ−1 (x) mod P
Cette application est bien OK /p linéaire car si a ∈ OK , φ((a mod σ(P))(x mod σ(P)) =
(σ−1 (a)σ−1 (x)) mod P)(a mod P)(σ−1 (x) mod P).
29
4.3.2
Le relèvement de Frobenius
On se donne L/K une extension galoisienne de corps de nombres.
Définition 4.3.4
Soit p idéal premier de K, soit P au-dessus de p. On appelle groupe de décomposition de
P le groupe
D(P) = {σ ∈ Gal(L/K) : σ(P) = P}
Soit σ ∈ D(P). On a σ(O L ) = O L et σ(P) = P donc on peut définir
σ:
O L /P −→ O L /P
x mod P 7−→ σ(x) mod P
automorphisme de lP = O L /P dont on montrera que c’est une extension galoisienne de
k p = OK /p.
On note ϕP : D(P) −→ Gal(lP /k p ) .
σ 7−→ σ
ϕP est un morphisme de groupes de noyau I = {σ ∈ D(P) : ∀x ∈ O L , σ(x) − x ∈ P},
sous-groupe normal de D(P) appelé groupe d’inertie de P.
g
e
Q
Remarque. Soit E l’ensemble des conjugués de P. On note pO L =
Pi où les Pi ont
i=1
pour degré résiduel f .
En posant ∀σ ∈ G, ∀Q ∈ E, σ · Q = σ(Q), on a évidemment une action de groupe, qui
est de plus transitive.
|G|
n
Donc selon la formule des classes, |D(P)| =
= = ef .
|E|
g
Cette incursion du vocabulaire des actions de groupe dans l’étude de la théorie de Galois est révélatrice d’un point de vue général sur cette théorie que l’on retrouvera dans les
généralisations du chapitre 7.
Proposition 4.3.5
On garde les notations de la remarque Si OK /p est un corps parfait, O L /P est une extension galoisienne de degré f de OK /p et ϕP est un morphisme surjectif de D(P) sur
Gal(lP /kp ).
On a de plus |I(P)| = e.
Démonstration. Notons K D le corps des invariants de D(P). La fermeture intégrale de OK
dans K D est trivialement O D = O L ∩ K D , et p D = P ∩ O D est un idéal premier de O D .
Selon la proposition 4.3.2, et par définition de D(P), P est le seul facteur premier apparaissant dans la décomposition de p D O L . En effet, ∀σ ∈ Gal(L/K D ) = D(P), σ(P) = P
0
On peut donc noter p D O L = Pe . On note f 0 = [O L /P : O D /p D ]. Alors selon la remarque
précédente, e0 f 0 est le cardinal du groupe de décomposition de P relativement à l’extension
L/K D , qui n’est autre que D(P). Mais par ailleurs, e0 f 0 = [L : K D ], d’où [L : K D ] = |D(P)|,
et e0 f 0 = e f .
Or, on a une suite d’extensions résiduelles OK /p ⊂ O D /p D ⊂ O L /P donc f ¾ f 0 . De plus,
pO D ⊂ p D puisque p ⊂ p D , donc pO L ⊂ p D O L et e0 ¶ e.
Tout cela nous donne donc e = e0 et f = f 0 , d’où O D /p D ' OK /p.
Par ailleurs, soit x un élément primitif de O L /P sur OK /p représenté par x ∈ O L , et Π x =
X r + a r−1 X r−1 + · · · + a0 le polynôme minimal de x sur K D . Comme L/K D est une extension
galoisienne de groupe de Galois |D(P)| de K D , ses racines dans L sont les σ(x), σ ∈ D(P).
30
De plus, comme x est entier sur O D , les coefficients de Π x sont dans O D (cf proposition
1.4.3).
Soit le polynôme réduit
modulo P : Π x = X r + a r−1 X r−1 + · · · + a0 .
Q
Puisque Π x =
(X − u) et que la projection modulo P est un morphisme d’anu∈{σ(x),σ∈D}
Q
(X − u).
neaux, on a Π x =
u∈{σ(x),σ∈D}
Ses racines sont donc les σ(x) = σ(x), σ ∈ D, cette dernière égalité provenant directement de la définition de σ.
Or, L/K D étant galoisien, et O L étant stable par K D -automorphisme, les σ(x) appartiennent à O L . Par suite, les σ(x) sont dans O L /P. (a)
Par ailleurs, ai := ai mod P = ai mod p D à isomorphisme près, d’où comme O D /p D '
OK /p, ai = ai mod p à isomorphisme près. Ainsi, Π x est à coefficients dans OK /p. (b)
Comme l’élément primitif, x vaut id(x), la conjonction des résultats (a) et (b) permet
d’affirmer que O L /P est engendré par les racines d’un polynôme à coefficients dans OK /p et
donc, selon le théorème 4.1.2, que O L /P est une extension galoisienne de OK /p.
Qui plus est, si Q est le polynôme minimal de x sur OK /p, on a Q | Π x donc les racines
de Q sont de la forme σ(x), donc, comme x est primitif, les OK /p-automorphismes de O L /P
sont des σ, ce qui démontre la surjectivité de ϕP .
Par suite, ϕP est un isomorphisme de D(P)/I(P) sur Gal(lP /kp ).
Enfin, on sait que Gal(lP /kp ) a pour ordre [O L /P : OK /p] = f donc
comme D a pour ordre e f , |I(P)| = e.
|D(P)|
= f donc
|I(P)|
On obtient le corollaire fondamental suivant, qui est immédiat :
Corollaire 4.3.6
Soit p un idéal premier de OK . p est non ramifié dans O L si et seulement si il existe un
idéal premier P de L au-dessus de p tel que le groupe d’inertie I(P) soit {id}.
Et de manière générale, si p est non ramifié, le morphisme ϕP est un isomorphisme de
D(P) dans Gal(lP /kp ).
Plaçons-nous maintenant dans le cas où K est un corps de nombres, L est une extension
galoisienne de K. Pour comprendre l’intérêt de l’isomorphisme ϕP dans cas, il faut voir que,
pour P au-dessus de p, lP /kp est une extension de corps finis.
En effet, p est au-dessus d’un premier p ∈ Z car K est un corps de nombres, et de plus,
comme K est une extension finie de Q, on a vu que le degré résiduel s = [OK /p : Z/pZ] est
fini, donc en notant q = ps , kp est le corps Fq .
Donc en notant f = [lP : kp ] le degré résiduel de lP sur kp , on a l p /kp = Fq f /Fq
Or, le groupe de Galois d’une extension de corps finis est cyclique comme le montre la
proposition suivante :
Proposition 4.3.7
Soient K = Fq un corps fini, où q = ps , p premier, et L = Fqn une extension finie de degré
n de K.
L/K est alors une extension galoisienne et son groupe de Galois Gal(L/K) est cyclique
engendré par le morphisme de Frobenius Frobq : x 7−→ x q .
31
Démonstration. On sait, selon la proposition 1.3.5 que σ = Frobq : x 7−→ x q est un automorphisme de L de corps des invariants Fq = K. En effet, les q éléments de Fq sont
évidemment fixés par ce morphisme, et ses invariants sont les racines du polynôme X q − X
qui en a au plus q.
j
De plus, ∀x ∈ L, ∀ j ∈ J1; nK, σ j (x) = x q , donc en particulier, σ n = id.
j
Or, soit y un générateur de (Fqn )× . On a ∀1 ¶ j ¶ n − 1, σ j ( y) = y q 6= 1 car y est
d’ordre q n − 1. Donc σ est d’ordre n et son groupe engendré est donc le groupe des Kautomorphismes de L qui est à n éléments, donc l’extension est bien galoisienne.
Voyons comment utiliser ce résultat. Si p ∈ Spec(OK ) est non ramifié et P est au-dessus
de p, alors ϕP est un isomorphisme de D(P) dans Gal(lP /kp ) qui est engendré par
Frobq : lP −→ lP
q
x 7−→ x
−1
Donc D(P) est également cyclique de générateur privilégié σ = ϕP
(Frobq ). σ est
l’unique élément de Gal(L/K) vérifiant :
• σ(P) = P.
• ∀x ∈ O L , σ(x) ≡ x q mod P.
On appelle σ relèvement de Frobenius ou substitution de Frobenius et on le note (P, L/K).
Remarque. Soit un autre idéal σ(P), σ ∈ G = Gal(L/K) au-dessus de p (les idéaux audessus de p sont deux à deux conjugués).
Alors
D(σ(P)) = {τ ∈ G : τ(σ(P)) = σ(P)} = τ ∈ G : (σ−1 τσ)(P) = P
= τ ∈ G : σ−1 τσ ∈ D(P) = σD(P)σ−1
De plus, (σ(P), L/K) = σ(P, L/K)σ−1 .
En effet, si τ = (P, L/K), on a στσ−1 ∈ (σ(P), L/K) et ∀x ∈ O L , (στσ−1 )(x) − x q =
σ((τσ−1 )(x) − (σ−1 (x))q ) ∈ σ(P) puisque (τσ−1 )(x) − (σ−1 (x))q ∈ P par définition de τ.
On peut donc définir la classe de conjugaison (p, L/K) = {(P, L/K), P ∩ OK = p}.
Dans le cas où L est une extension abélienne de K, (p, L/K) est donc un élément du
groupe de Galois, qu’on appelle encore relèvement de Frobenius de p.
Terminons par quelques propriétés du relèvement de Frobenius
Proposition 4.3.8
Soit K un corps de nombres, L une extension galoisienne de K et F un corps tel que
K ⊂ F ⊂ L.
Soit p idéal premier non ramifié de K, P idéal de L au-dessus de p et f le degré
résiduel de P ∩ O F sur K.
• (P, L/F ) = (P, L/K) f .
• Si F est une extension galoisienne de K, alors (P, L/K)|OF = (P ∩ O F , F /K).
32
Démonstration.
• Notons σ = (P, L/F ) ∈ D(P). Par définition, σ(P) = P et ∀x ∈
q
O L , σ(x) ≡ x mod P, où q = Card(OK /p).
f
Donc immédiatement, ∀x ∈ O L , σ f (x) ≡ x q et σ f (P) = P.
Or, q f = Card((O L ∩ F )/(P ∩ F )) corps résiduel sur OK /p.
Par ailleurs, le groupe de décomposition DF (P) = {σ ∈ Gal(L/F ) : σ(P) = P} est un
sous-groupe de DK (P) = {σ ∈ Gal(L/K) : σ(P) = P}, et son ordre est [O L /P : (O L ∩
|DK (P)|
(formule des degrés) car P ∩ F est non ramifié dans O L .
F )/(P ∩ F )] =
f
En effet, pO L ⊂ (P ∩ OK )O L ⊂ (P ∩ F )O L et p est non ramifié dans L.
|DK (P)|
Or, DK (P) est cyclique engendré par σ, son seul sous-groupe d’ordre
est le
f
sous-groupe engendré par σ f , ce qui montre le premier point.
• Si F est galoisien sur K, en gardant les mêmes notations, soit σ0 = σ|F .
Si x ∈ F de polynôme minimal Π x , on a par le raisonnement habituel Π x |
Q
α∈Gal(L/K
(X −
α(x)) donc les α(x) sont racines de Π x donc comme F /K est galoisienne, appartiennent à F . En particulier, σ(F ) = F .
Par suite, comme de plus σ(P) = P, on a σ0 (P ∩ F ) = P ∩ F , d’où σ0 ∈ DK (P ∩ F ).
Évidemment, ∀x ∈ O L ∩ F, σ0 (x) ≡ x q mod P où q = Card(OK /p), ce qui prouve que
σ0 = (P ∩ F, F /K).
4.4
4.4.1
Exemples
Extension quadratique
p
Soit K = Q[ d] où d est un entier
p relatif sans facteurs carrés. Le polynôme minimal
p
2
de d est P = X − d de racines ± d ∈ K donc K/Q est engendré par les racines d’un
polynôme sur
p K donc estpune extension galoisienne et les Q-automorphismes de K sont id
et σ : a + b d 7−→ a − b d. Le groupe de Galois de K sur Q a donc deux éléments.
4.4.2
Extension cyclotomique
Soit ζ une racine primitive n-ième de l’unité, et K = Q[ζ]. ζ est racine de X n − 1 donc
son polynôme minimal a pour racines des racines n-ièmes de l’unité qui sont des puissances
de ζ, puisque ζ est un générateur de Un . Ainsi, K est engendré par les racines d’un polynôme
sur Q donc K/Q est galoisienne.
De plus, on a un morphisme injectif j : Gal(K/Q) → (Z/nZ)× .
En effet, soit σ ∈ Gal(K/Q). σ est entièrement déterminé par la donnée de σ(ζ). ζ est
un générateur de Un et σ envoie ζ sur une racine de son polynôme minimal, donc on peut
trouver j(σ) ∈ Z/nZ tel que σ(ζ) = ζ j(σ) , dans le sens où j(σ) est déterminé modulo n.
De plus, si σ, τ ∈ Gal(K/Q), j(σ) j(τ) = j(στ), puisque si l ∈ j(σ), m ∈ j(τ), (στ)(ζ) =
σ(ζm ) = (σ(ζ))m = ζl m donc lm ∈ j(στ).
Donc, comme j est trivialement injectif, j est un morphisme injectif de Gal(K/Q) dans
(Z/nZ)× , groupe des inversibles de l’anneau Z/nZ, ce qu’on voulait montrer.
Par conséquent, Gal(K/Q) est un groupe abélien.
Nous montrerons dans le chapitre suivant que j est en fait un isomorphisme.
33
Chapitre 5
Théorie du corps de classe pour les corps
de nombres
Pour cette section, on a utilisé le cours de James Milne (voir [3]).
Le but de ce chapitre est de décrire les extensions abéliennes d’un corps de nombres K,
à travers leur groupe de Galois, qui sont des objets extérieurs à K, en termes de données
intrinsèquement liées à K, à savoir des sous-groupes de son groupe des idéaux fractionnaires
I K . La loi d’Artin décrite en 5.2 est ce qui met en relation ces deux objets.
Il est tout à fait remarquable qu’une telle description soit possible, c’est-à-dire, comme
l’a dit Chevalley, qu’on puisse montrer « comment un corps possède en soi les éléments de
son propre dépassement ».
5.1
5.1.1
Le groupe des classes de rayon modulo m
Premiers d’un corps de nombres
Soit K un corps de nombres. Alors C est une clôture algébrique de K puisque tout élément
de K est racine d’un polynôme à coefficients dans Q.
On peut donc considérer les n = [K : Q] Q-isomorphismes σ1 , . . . , σn de K dans C. Le
morphisme de conjugaison u : z 7−→ z est un Q-isomorphisme de K dans C. Donc ∀i ∈
J1; nK, ∃ j ∈ J1; nK : u ◦ σi = σ j .
Si i = j, alors σi (K) ⊂ R. On note r1 le nombre de tels plongements, appelés plongements réels.
Sinon, comme u est involutif, on peut apparier deux par deux les autres plongements,
ce qui nous donne 2r2 plongements appelés plongements complexes.
On peut donc définir les premiers de K :
Définition 5.1.1
Les premiers de K sont d’une part les idéaux premiers de K, appelés premiers finis et
d’autre part les premiers infinis divisés en deux catégories : les premiers infinis réels qui
sont les plongements réels de K dans C et les premiers infinis complexes qui sont les
paires de plongements complexes (σi , σ j ) tels que u ◦ σi = σ j .
Remarque. En réalité, cette définition quelque peu incongrue provient de réflexions sur
les valuations d’un corps de nombres, qui sont des applications jouant le rôle de la valeur
absolue dans R pour K. En cherchant à classifier ces valuations, on obtient des classes d’équivalence de valuations, chacune pouvant être associée à un premier comme défini ci-dessus.
34
5.1.2
Groupe des classes de rayon
Définition 5.1.2
Soit K un corps de nombres. Un module pour K est une fonction m de l’ensemble des
premiers de K dans Z telle que :
1. Si p premier fini, m(p) ¾ 0 et les m(p) sont presque tous nuls.
2. Si p est réel, m(p) ∈ {0, 1}.
3. Si p est complexe, m(p) = 0.
Si m(p) > 0, on dit que p divise m (p | m). On note alors m = m0 m∞ où m0 =
Q
pm(p) , et
p|m
m∞ est le produit des premiers réels divisant m.
En particulier, on peut identifier un premier fini ou réel à un module.
Définition 5.1.3
Soient m, n deux modules pour K. On dit que m divise n si ∀p, m(p) ¶ n(p).
Définition 5.1.4
Soit m un module.
• Son support S(m) est l’ensemble des premiers divisant m.
• Km,1 est l’ensemble des a ∈ K × tels que ∀p premier fini divisant m, vp (a −1) ¾ m(p)
où vp est la valuation p-adique, et ∀p premier réel divisant m, ap > 0 où ap est
l’évaluation en a du plongement p.
Proposition 5.1.5
S(m)
Km,1 est un groupe, et i(Km,1 ) ⊂ I K
où i : K × −→ I K
a 7−→ (a) = aOK
Lemme 5.1.6
Soient a, b ∈ K × . Alors pour p ∈ Spec(K), vp (a + b) ¾ min(vp (a), vp (b)) avec égalité si
vp (a) 6= vp (b).
Démonstration.
• On a (a+ b) ⊂ (a)+(b) donc selon les propriétés suivant le théorème
2.3.6, vp (a + b) ¾ min(vp (a), vp (b)), valuation en p de l’idéal (a) + (b).
• Supposons que vp (a) 6= vp (b), par exemple vp (a) > vp (b). On a b = a+ b−a donc (b) ⊂
(a + b) + (a) donc vp (b) ¾ min(vp (a + b), vp (a)). Or, vp (a) > vp (b), donc min(vp (a +
b), vp (a)) = vp (a + b).
Ainsi, en utilisant le premier point, vp (b) ¾ vp (a + b) ¾ vp (b) ce qui donne le résultat.
Démonstration (de la proposition). Soient a ∈ Km,1 et p ∈ S(m). On a vp (1) = 0 et vp (a−1) >
0.
S(m)
Donc selon le lemme, vp (a) = vp (a − 1 + 1) = 0 et (a) ∈ I K , ce qui justifie que i(Km,1 ) ⊂
S(m)
IK .
35
Km,1 est un groupe car si vp (a − 1) ¾ m(p), vp (b − 1) ¾ m(p), vp (ab−1 − 1) = vp (b−1 (a −
b)) = vp (b−1 ) + vp (a − b).
Or, vp (b) = 0 donc 0 = vp (1) = vp (bb−1 ) = vp (b)+ vp (b−1 ) = vp (b−1 ), d’où vp (ab−1 −1) =
vp ((a − 1) − (b − 1)) ¾ min(vp (a − 1), vp (b − 1)) ¾ m(p).
Définition 5.1.7
S(m)
On appelle groupe de classe de rayon modulo m le groupe quotient Cm = I K
/i(Km,1 ).
Théorème 5.1.8
Cm est un groupe fini.
Démonstration. Admis. Le cas clef est celui où m = m∞ (produit des premiers infinis de
K), qui correspond au théorème 3.1.7.
5.2
5.2.1
La loi de réciprocité d’Artin
Énoncé de la loi
Soit K un corps de nombres et L une extension abélienne de K.
Si S un ensemble de premiers de K contenant les premiers qui se ramifient dans L et les
premiers infinis, on définit I KS comme le sous-groupe du groupe des idéaux fractionnaires de
K engendré par les idéaux premiers qui ne sont pas dans S. C’est un groupe libre engendré
par Spec(K)\S. On peut donc étendre l’application "relèvement de Frobenius" p 7−→ (p, L/K)
en un morphisme de groupes
ψSL/K :
n
p11
I KS −→ Gal(L/K)
. . . pnr r 7−→ (p1 , L/K)n1 . . . (p r , L/K)nr
Cette application est appelée fonction de réciprocité d’Artin 1 .
Théorème 5.2.1 (Artin)
Soit K un corps de nombres, L une extension abélienne de K. On note S l’ensemble des
idéaux premiers de K qui se ramifient dans L et des premiers infinis de K. Alors il existe
un module m pour K tel que S ⊂ S(m) et tel que le diagramme suivant commute :
S(m)
ψSL/K : I K
/ Gal(L/K)
8
πm
Cm
On dit que ψS admet un module, et on appelle m un module adapté.
Remarque. En réalité, ce résultat est la loi d’Artin faible. La loi forte affirme qu’il existe un
module m, dont le support est exactement S, faisant commuter le diagramme ci-dessus.
On va pouvoir démontrer deux faits dans ce mémoire :
1. du nom d’Emil ARTIN (1887-1962), mathématicien autrichien qui a démontré la loi portant son nom
entre 1924 et 1930.
36
S(m)
• D’une part, que ψ L/K est surjective, ce qui sera en fait un cas particulier du théorème
de Chebotarev.
• D’autre part, on va déterminer explicitement un sous-groupe de congruence H tel que
S(m)
i(Km,1 ) ⊂ H ⊂ I K tel que H = πm (H) vérifie :
/ Gal(L/K)
9
Cm
'
Cm /H
L’existence d’un tel H est déjà assurée par la loi d’Artin, puisque i(Km,1 ) ⊂ ker ψS pour
un module adapté m.
Prouvons une partie de ce deuxième fait :
Définition 5.2.2
Soit L/K une extension finie de corps de nombres. I L et I K étant des groupes libres
engendrés par les idéaux premiers, on définit un morphisme de groupes en posant, pour
P idéal premier de L, Nm(P) = p f où p = P ∩ OK et f est le degré résiduel de P sur p.
Cette application est appelée application norme.
Dans le cas d’une extension K/Q, on a, si p = p ∩ OK , N (p) = p f , où f degré résiduel et
(p) = p ∩ Z. En effet, OK /p est une extension de degré f de Z/pZ. Donc Nm = Card ◦ NK/Q .
S 0 (m)
On peut donc définir H = i(Km,1 )Nm(I L ) pour m un module adapté et S(m) L l’ensemble des idéaux premiers de L qui sont au-dessus des éléments de S(m).
Proposition 5.2.3
Soient L/K une extension abélienne, K 0 un corps tel que K ⊂ K 0 ⊂ L, S un ensemble
d’idéaux premiers de K contenant ceux qui se ramifient dans L, S 0 un ensemble d’idéaux
premiers de K 0 contenant ceux qui sont au-dessus des éléments de S. Alors le diagramme
suivant commute :
0
I KS 0
ψ L/K 0
/ Gal(L/K 0 )
Nm
I KS
ψ L/K
inclusion
/ Gal(L/K)
Démonstration. C’est en fait la traduction du premier point de la proposition 4.3.8.
0
En effet, on veut montrer que ∀p0 ∈ OK 0 \S 0 , (p f (p /p) , L/K) = (p0 , L/K 0 ) où p = p0 ∩OK 6∈ S,
ce qui est exactement le résultat déjà prouvé.
Corollaire 5.2.4
S
Si L/K est une extension abélienne, Nm(I L L ) ⊂ ker ψ L/K où ψ L/K : I S → Gal(L/K), où S L
est un ensemble d’idéaux premiers de L contenant ceux qui sont au-dessus des éléments
de S.
37
Démonstration. En prenant K 0 = L dans la proposition précédente, on a
/ {id}
S
ILL
Nm
I KS
ψ L/K
inclusion
/ Gal(L/K)
S(m)
Par conséquent, si m est un module adapté pour L/K, comme i(Km,1 ) ⊂ ker ψ L/K , on
S(m)
S(m)
a H = i(Km,1 )Nm(I L L ) ⊂ ker ψ L/K , où S(m L ) est l’ensemble des idéaux premiers de L
au-dessus des idéaux de S(m), et des premiers infinis de L.
S(m)
Ainsi, ψ L/K : I K /H −→ Gal(L/K) est bien définie.
5.2.2
Démonstration dans le cas cyclotomique
On est en mesure de prouver la loi de réciprocité d’Artin dans le cas d’une extension
cyclotomique K/Q = Q[ζ]/Q où ζ est une racine primitive m-ième de l’unité.
On va d’abord montrer la proposition suivante :
Proposition 5.2.5
Les nombres premiers qui se ramifient dans Q[ζ] sont ceux qui divisent m.
Démonstration. Montrons d’abord que si p - m, p est non ramifié dans Q[ζ].
Pour cela, calculons son polynôme minimal Π. On note d = [K : Q]. On a Π | X m −1 donc
on peut fixer F ∈ Q[X ] tel que X n − 1 = F (X )Π(X ). Donc nX m−1 = F 0 (X )Π(X ) + F (X )Π0 (X ),
ce qui donne nζm−1 = F (ζ)Π0 (ζ).
Or, (1, ζ, . . . , ζd−1 ) est une base de K sur Q contenue dans OK , et le discriminant D(1, ζ, . . . , ζd−1 )
vaut NK/Q (Π0 (ζ)) (voir l’exemple suivant le corollaire 1.4.10 ).
Et N (F (ζ))N (Π0 (ζ)) = md N (ζ)n−1 = ±md car ζ est une unité de Q[ζ] puisque ζm = 1.
D’où D(1, ζ, . . . , ζd−1 ) | md .
Mais si p est ramifié dans K, alors selon le théorème 3.2.6, p | D(1, ζ, . . . , ζd−1 ) car
(1, ζ, . . . , ζd−1 ) est une base de K sur Q contenue dans OK . Donc p | md donc selon le lemme
de Gauss, p | m. Par contraposée, on obtient le résultat.
Maintenant, soit p premier tel que p | m. On peut donc écrire m = p r n où p - n. On pose
ω = ζn , ω est une racine primitive p r -ième de l’unité.
Q
Montrons que (1 − ωk ) = p (1 ¶ k ¶ m). Définissons
p-k
p−1
r
X € r−1 Šk
Xp −1
=
Xp
P(X ) = p r−1
X
− 1 k=0
P(1) = p et si k ∈ J1; mK et p - k, on a ωkp r−1 6= 1, car sinon, comme ω est une racine
r
primitive, on aurait p r | kp r−1 , soit p | k ce qui est faux. Comme de plus, ωkp = 1, on a
r
ωkp − 1
P(ωk ) =
= 0.
ωkp r−1 − 1
Donc P admet φ(p r ) = p r − p r−1 racines distinctes (φ indicatrice d’Euler), donc comme
P est de degré p rQ
− p r−1 , les ωk sont ses seules racines et elles sont simples.
D’où P(X ) = (X − ωk ) et on obtient ce qu’on voulait en évaluant en 1.
p-k
38
Soit k ∈ J1; mK tel que p - k. Alors on peut trouver (u, v) ∈ Z2 : uk + vp r = 1 donc
P k j
1−ω
1 − (ωk )u u−1
=
=
(ω ) ∈ OK comme somme d’entiers.
1 − ωk
1 − ωk
j=0
1 − ωk
∈ OK , cet élément est un inversible de OK . Ainsi, on peut trouver
Comme de plus,
1−ω
Q
r
r−1
(uk ) une famille d’unités tels que p = uk (1 − ω) = U(1 − ω) p −p où U ∈ (OK )× .
p-k
Donc pOK = [(1 − ω)OK ]
unité.
p r −p r−1
, ce qui prouve que p est ramifié car 1 − ω n’est pas une
On a également le fait suivant, en reprenant les notations de l’exemple traité au chapitre
4, section 2.2.
Proposition 5.2.6
j est un isomorphisme de Gal(Q[ζ]/Q) dans (Z/mZ)× .
Démonstration. On sait déjà que K = Q[ζ] est une extension abélienne de Q et que j :
Gal(Q[ζ]/Q) 7−→ (Z/mZ)× est un morphisme injectif.
Soit p premier tel que p - m, alors comme p est non ramifié dans Q[ζ], σ p = (p, Q[ζ]/Q)
est bien défini.
Notons k = j(σ p ). Soit p au-dessus de p. On a ∀x ∈ OK , σ p (x) ≡ x p mod p, donc en
particulier ζk ≡ ζ p mod p.
m−1
Q
P Y
Or, soit P(X ) = X n − 1 =
(X − ζ r ). On a P 0 (X ) =
(X − ζ r ), d’où
0¶r¶m−1
P 0 (ζ p ) =
l=0
Y
0¶r¶m−1
r6=l
(ζ p − ζ r ) = mζ p(m−1)
0¶r¶m−1
r6≡ p[m]
Supposons que
Y
(ζ p −ζ r ) ∈ p. Alors, mζ p(m−1) ∈ p donc en multipliant par ζ−p(m−1) ∈
0¶r¶m−1
r6≡ p[m]
OK (ζ est inversible dans OK car 1 + ζ + · · · + ζm−1 = 0), on obtient m ∈ p si bien que mZ ⊂ p.
Comme p ∩Y
Z = pZ, on a donc mZ ⊂ pZ donc p | m ce qui contredit l’hypothèse faite sur p.
Donc
(ζ p − ζ r ) 6∈ p.
0¶r¶m−1
r6≡ p[m]
D’où, par intégrité de OK /p, on a ∀r ∈ J0; m − 1K tel que r 6≡ p[m], ζ p 6≡ ζ r mod p. Par
conséquent, comme ζk ≡ ζ p mod p, on a k ≡ p[m].
En fin de compte, pour tout premier p tel que p - m, [p]m ∈ j(Gal(Q(ζ]/Q)) donc, comme
(Z/mZ)× est engendré par les [p]m quand p - m, j(Gal(Q(ζ]/Q)) contient (Z/mZ)× , d’où
l’égalité.
On va pouvoir traduire tous ces résultats dans le langage de la théorie du corps de classe :
Théorème 5.2.7
On considère S est l’ensemble des premiers divisant m auquel on ajoute m∞ , le premier
infini d’inclusion de Q dans C, la fonction d’Artin ψSQ[ζ]/Q est bien définie.
Q ni
Q ni
Cette fonction admet pour module adapté m =
pi m∞ où m =
pi , et le support
de m est de plus exactement S.
39
Démonstration. m a évidemment pour support S = {p ∈ Spec(Z) : p - m} qui est exactement l’ensemble des idéaux premiers de Q non ramifiés dans Q[ζ] selon la proposition
5.2.5.
o
nr
∈ Q : r ∧ m = s ∧ m = 1 qui est
On définit QS = i −1 (I S ) = x ∈ Q : (x) ∈ I S =
s
l’ensemble des x premiers avec m (n’ayant aucun facteur premier commun avec m). On
peut toujours prendre r premier avec s.
On a alors QS /Qm,1 ' I S /i(Qm,1 ) via i. Soit
ϕ : IS(m) −→ (Z/mZ)×
r
7−→ [r]m [s]−1
m
s
r
où , r et s premiers entre eux, est l’unique générateur positif de l’idéal fractionnaire
r s
. ϕ est bien définie à valeurs dans (Z/mZ)× puisque tous les a ∈ QS sont premiers avec
s
m.
r
tels que [r]m [s]−1
Le noyau de ϕ est l’ensemble des
= 1 soit r − s ∈ mZ, soit, pour
m
s
p premier divisant m, vp (r − s) ¾ vp (m).
 ‹
r
1
Mais si p | m, vp
− 1 = vp (r − s) + vp
= vp (r − s) − vp (s).
s
s
Or, si vp (s) 6= 0, comme r et s sont premiers entre eux, on a nécessairement vp (r) = 0 6=
vp (s) d’où, selon le lemme 5.1.6, vp (r − s) = min(vp (r), vp (s)) ¾ vp (m) > 0 soit 0 > 0 ce qui
est absurde. Donc vp (s) = 0.
r
r
Ainsi, pour p | m, vp
− 1 ¾ vp (m) donc par définition
∈ i(Qm,1 ).
s
s
r
− 1 ¾ vp (m), on a vp (r − s) ¾ vp (m) + vp (s) ¾ vp (m)
Réciproquement, si ∀p | m, vp
s
et si p - m, vp (r − s) ¾ 0 = vp (m) donc m divise r − s, ce qui signifie puisque s est premier
r
avec m que ϕ
= 1.
s
Donc ϕ induit un isomorphisme ϕ : I S /i(Qm,1 ) → (Z/mZ)× .
De plus, on a établi précédemment que j : (Z/mZ)× −→ Gal(Q[ζ]/Q) est un isoa 7−→ σa : ζ 7→ ζa
morphisme.
Le but est donc de prouver que le diagramme suivant commute :
×
(Z/mZ)
O
ϕ
I S /i(Qm,1 )
j
/ Gal(Q[ζ]/Q)
7
ψSQ[ζ]/Q
Soit p premier tel que p - m. Montrons que j(p) = σ p = (p, Q[ζ]/Q). Soit p au-dessus
de p. Alors en notant f le degré résiduel [OK /p : Z/pZ], on a lp = OK /p ' F p f donc lp est de
caractéristique p.
Par conséquent, le morphisme de Frobenius x 7−→ x p est un automorphisme de OK /p.
On admet que OK = Z[ζ], ce qui peut se prouver à l’aide des calculs effectués dans la
proposition 5.2.5, ainsi que des calculs de discriminants, et une récurrence sur le nombre
de facteurs premiers apparaissant dans la décomposition de m.
Si x = P(ζ) ∈ p, où P ∈ Z[X ], alors, en
€ notant
Š p π : OK → OK /p la surjection canonique,
p
p
on a σ p (x) mod p = π(P(ζ )) = P(ζ ) = P(ζ) puisque x 7−→ x p est un automorphisme.
p
Par conséquent, π(σ p (x)) = (P(ζ) ) = 0 car x ∈ p et σ p (x) ∈ p, si bien que σ p (p) = p.
40
En réutilisant le même calcul, on obtient alors que si σ est le morphisme réduit modulo
p, on a ∀x = P(ζ) ∈ OK , σ(P(ζ)) = (P(ζ)) p .
σ p remplit donc les deux conditions déterminant (p, K/Q), ce qui montre que j([p]m ) =
σ p = (p, K/Q). Ainsi, pour p premier ne divisant pas m, ( j ◦ ϕ)(p) = ψSQ[ζ]/Q (p).
Comme I S est un groupe libre engendré par les premiers ne divisant pas m, on en déduit
immédiatement que ψSQ[ζ]/Q = j ◦ ϕ donc ker ψS = i(Qm,1 ) ce qui prouve que m est un
module adapté pour ψS .
41
Chapitre 6
Le théorème de Chebotarev
Le but de cette section est d’enfin démontrer le théorème de Chebotarev, qui s’énonce
ainsi :
Théorème 6.0.8
Soit L une extension abélienne de K un corps de nombres. Alors, pour tout σ ∈ Gal(L/K),
l’ensemble
{p ∈ Spec(OK ) : p ne se ramifie pas dans L, (p, L/K) = σ}
a une densité de Dirichlet égale à
1
.
|G|
La notion de densité de Dirichlet est de nature analytique, ce qui justifie que l’on commence ce chapitre par des considérations d’analyse complexe. De plus, l’utilisation de séries
comme les fonctions zêta permet en un certain sens de regrouper tous les premiers de K
dans un seul objet.
En réalité, le théorème de Chebotarev est vrai pour la notion la plus simple de densité,
celle de densité naturelle. Si T ⊂ Spec(OK ), elle se définit par
Card {p ∈ T : N (p) ¶ n}
n→+∞ Card {p ∈ Spec(O ) : N (p) ¶ n}
K
δ(T ) = lim
Malheureusement, même si le théorème de Chebotarev est vrai avec cette notion de
densité, les résultats sont bien plus délicats à obtenir. C’est pourquoi on se restreint à la
démonstration pour la densité de Dirichlet.
6.1
Fonctions L et prolongements méromorphes
Toutes les séries qu’on étudiera par la suite sont des séries de Dirichlet, c’est à dire des
P an
séries de la forme
, s ∈ C.
s
n¾1 n
Définition 6.1.1
Soit K un corps de nombres
• Un caractère de Dirichlet associé à un module m est un morphisme χ : Cm −→ C× .
S(m)
De manière équivalente, il peut être considéré comme un morphisme de I K dans
C× dont le noyau contient i(Km,1 ).
• A tout caractère de Dirichlet χ, on associe une fonction L(·, χ) telle que
42
∀s, L(s, χ) =
X χ(a)
N (a)s
a
où la somme est sur les idéaux entiers a de OK premiers avec m.
Cette fonction est appelé fonction L associée à χ.
Remarque. Comme Cm est un groupe fini, χ est à valeurs dans l’ensemble des racines de
S(m)
l’unité de C donc ∀p ∈ I K , |χ(p)| = 1.
Définition 6.1.2
Soit K un corps de nombres.
X
1
ζK (s) =
est appelée fonction zêta associée à K. On remarque que ζK =
s
N
(
p
)
p∈Spec(K)
L(·, χ0 ) où χ0 est le caractère trivial.
6.1.1
Prolongement des fonctions L
Le but de cette sous-section est de prolonger les fonctions L en des fonctions méromorphes sur un ouvert de C contenant 1, alors qu’elles sont à première vue définies uniquement pour les complexes de partie réelle strictement supérieure à 1. On pourra ainsi
étudier leur comportement au voisinage de 1, ce qui est un point crucial pour démontrer le
théorème de Chebotarev.
Dans toute la suite, on note Arg la fonction argument principal.
Théorème 6.1.3
+∞
P
P
an
,
et
S
:
x
−
7
→
an .
s
n¶x
n=1 n
Si on suppose qu’il existe a ¾ 0, b ¾ 0, C ¾ 0 tels que ∀x ¾ C, |S(x)| ¶ ax b , alors
P an
pour tout δ, " > 0,
converge uniformément sur ∈ D(b, δ, "), où
s
n¾1 n
o
n
π
D(b, δ, ") = s ∈ C : Re(s) ¾ b + δ et |Arg(s − b)| ¶ − "
2
Par conséquent, f est holomorphe dans le demi-plan {Re(s) > b}.
Soit f : s 7−→
Démonstration. On va s’appuyer sur le critère de Cauchy de convergence uniforme et utiliser une transformation d’Abel.
Prenons n1 > n2 ¾ C. Soit s = u + iv ∈ C.
n2
nX
n2
n2
X
X
X
2 −1
a
S(n)
S(n)
−
S(n
−
1)
S(n)
n
=
=
−
s
n=n ns n=n ns
n=n
ns
(n
+
1)
n=n1 −1
1
1
1

‹
nX
2 −1
1
1
S(n ) S(n1 − 1)
+
S(n) s −
= s2 −
s
s
n2
n1
n
(n + 1) n=n1
n2 −1
1
|S(n2 )| |S(n1 − 1)| X
1
−
¶
+
+
|S(n)|
ns (n + 1)s nu2
nu1
n=n1
Z
n2 −1
n+1
|S(n2 )| |S(n1 − 1)| X
dt
¶
+
+
|S(n)|
s
u
u
s+1
n2
n1
t n
n=n
1
43
Z
n+1
h −s in+1
dt
. Donc, comme |S(x)| ¶ ax b , on a :
=
s+1
s n
t
t
n
Z
n2
nX
X
n+1
2 −1
an a
dt
a
b
¶
+
+
|s|an
u−b
u−b
n=n ns n
t s+1 n
n
2
1
n=n
1
Z 1
Z n+1
nX
nX
n+1 b 2 −1
2 −1
2a
2a
t dt dt
¶
+
|s|a ¶ u−b + |s|a
u−b
s+1
u+1−b
n1
n
t
t
n1
n=n1
n=n1 n
Z +∞
˜+∞
•
2a
dt
2a
1
¶
+
|s|a
¶
+
|s|a
t u+1−b
−(u − b)t u−b n1
nu−b
n1u−b
n
1
En effet,
1
¶
2a
nu−b
1
|s|a 1
+
u − b n1u−b
Mais si δ, " > 0 et s ∈ D(b, δ, "), on a, en écrivant s − b = r e iθ ,
|s − b|
b
1
b
1
b
b
|s|
¶
+
=
+
¶
+ ¶M+
u− b
u− b
u − b cos(θ ) u − b cos(θ ) δ
δ
h π
i
π
π
où M est un minorant de cos sur − + "; − " puisque |Arg(s − b)| ¶ − ".
2
n
• 2 ˜ 2
P2 an 2a
a
b
Finalement, +
−→n1 →+∞ 0, avec convergence uniforme par
M+
ns nu−b nu−b
δ
n=n1
1
1
rapport à s sur D(b, δ, ").
Par conséquent, f est holomorphe sur D(b, δ, ") comme limite uniforme d’une suite de
fonctions holomorphes 1 .
S
En fin de compte, f est holomorphe sur {Re(s) > b} =
D(b, δ, ").
δ,">0
Ce résultat est l’outil de base pour prolonger les fonctions L.
Remarque. Pour le cas (simple !) de la fonction zêta de Riemann, S(x) = E(x) ¶ x, où E
est la fonction partie entière, donc ζ est holomorphe sur {Re(s) > 1}.
Proposition 6.1.4
La fonction ζ de Riemann admet un prolongement méromorphe sur le demi-plan {Re(s) > 0}
avec un seul pôle possible en 1.
+∞
P
(−1)n−1
. Pour cette série de Dirichlet, S2 (x) ∈ {0, 1}
ns
n=1
donc ∀b > 0, ∀x ¾ 1, |S(x)| ¶ x b . Selon le théorème précédent, ζ2 est holomorphe sur
{Re(s) > b} pour tout b > 0, donc en fin de compte sur le demi-plan {Re(s) > 0}.
De plus,

‹

‹
2
1
1
1
1
1
1
1
1
∀s, ζ(s) − s ζ(s) = 1 + s + s + . . . − 2 s + s + s = 1 − s + s − s + · · · = ζ2 (s)
2
2
3
2
4
6
2
3
4
Démonstration. Soit ζ2 (s) =
Et 1 −
1+
2
= 0 ⇔ exp(ln(2)(s − 1)) = 1 ⇔ ∃k ∈ Z : ln(2)(s − 1) = 2kπi ⇔ ∃k ∈ Z : s =
2s
2kπi
= sk .
ln 2
En dehors de ces points, on a donc ∀s ∈ {Re(s) > 1} , ζ(s) =
1. pour la démonstration de ce fait, se référer à [2], page 16.
44
ζ2 (s)
.
1 − 21−s
Donc ζ peut être prolongée en une fonction méromorphe sur {Re(s) > 0}, avec des pôles
éventuels en sk , k ∈ N.
1 2 1 1 2
Or, soit ζ3 (s) = 1 + s − s + s + s − s + . . . . De même que pour ζ2 , ζ3 est holomorphe
2 3 4 5 6
sur {Re(s) > 0}, et de plus :
+∞
ζ(s) −
+∞
+∞
X 1 X 3
X 1
3
1
2
ζ(s)
=
−
=
+
−
= ζ3 (s)
s
s
s
s
s
3s
n
(3n)
k
(2k)
(3k)
n=1
n=1
k=1
Qui plus est, 3s−1 = 1 ⇔ ∃k ∈ Z : s = 1 +
2kπi
= sk0 . Donc, en dehors de ces sk0 ,
ln 3
ζ3 (s)
.
1 − 31−s
En combinant ce qu’on a obtenu avec ζ2 et ζ3 , un pôle de ζ doit nécessairement être de
2kπi
2k0 πi
la forme u = 1 +
=1+
où k, k0 ∈ N.
ln 2
ln 3
ln 2
k
0
Donc si u 6= 1, 0 =
donc 2k = 3k ce qui n’est possible que si k = k0 = 0. Donc ζ est
k
ln 3
méromorphe sur {Re(s) > 0} avec pour seul pôle possible 1.
ζ(s) =
Proposition 6.1.5
1
1
¶ ζ(s) ¶ 1 +
. ζ a donc un pôle simple en 1 de résidu 1.
s−1
s−1
1
∀s ∈ {Re(s) > 0} , ζ(s) =
+ g(s)
s−1
où g est holomorphe sur {Re(s) > 0}.
Si s > 1, on a
1
est décroissante sur R∗+ , on a :
xs
Zn
Z n+1
dx
1
dx
∀n ¾ 2,
¾ s¾
s
x
n
xs
n−1
n
Démonstration. Soit s > 1. Comme x 7−→
Z
2
dx
¶ 1.
xs
1
Donc en sommant de n = 1 à +∞, on obtient :
Pour n = 1, on a
1+
Z
1
Z
+∞
+∞
dx
¾ ζ(s) ¾
xs
1−s ˜+∞
Z
1
+∞
dx
xs
x
1
1
1
dx
=
=
donc
¶ ζ(s) ¶ 1 +
.
s
x
1−s 1
s−1
s−1
s−1
1
Donc (s − 1)ζ(s) → 1 quand s tend vers 1 par valeurs réelles supérieures. Par conséquent, ζ ne peut avoir de singularité essentielle en 1, et on peut trouver m ∈ N , c ∈ C et g
g(s)
c
holomorphe autour de s = 1 tels que ζ(s) =
+
.
m
(s − 1)
(s − 1)m−1
c
c
Or, (s − 1)ζ(s) → 1 ce qui assure que m = 1, donc ζ(s) =
+ g(s) et ζ(s) −
(s − 1)
(s − 1)
admet une limite finie en 1. En multipliant par s − 1 et en prenant la limite en 1, on obtient
c = 1.
Mais
•
45
Ces résultats sur la fonction zêta nous serviront de base pour prolonger analytiquement
les fonctions L à l’aide de ce principe :
Proposition 6.1.6
On reprend les notations du théorème 6.1.3.
+∞
P an
Si f : s 7−→
est une série de Dirichlet telle qu’il existe C ¾ 0 et b ∈ [0; 1[
s
n=1 n
tel que ∀n ∈ N∗ , |S(n) − a0 n| ¶ C n b , alors f s’étend en une fonction méromorphe sur
{Re(s) > b} avec un pôle simple en 1 de résidu a0 .
a0
+ g(s) où g est holomorphe.
C’est-à-dire : au voisinage de 1, f (s) =
s−1
Démonstration. Soit h : s 7−→ f (s) − a0 ζ(s). h(s) est encore une série de Dirichlet et ∀n ∈
n
P
N, Sh (n) =
(ak − a0 ) = S(n) − a0 n.
k=1
Donc ∀n ∈ N, |Sh (n)| ¶ C n b , d’où trivialement ∀x ¾ 0, |Sh (x)| ¶ C x b .
Donc h est holomorphe sur {Re(s) > b}, ce qui assure que f est méromorphe sur {Re(s) > b}
avec un unique pôle en 1 de résidu a0 au vu des propriétés de ζ.
Définition 6.1.7
Soit K un corps de nombres, et m un module pour K. Pour l ∈ Cm , on définit la fonction
zêta partielle :
X
ζ(s, l) =
a entier
a∈l
1
N (a)s
P
Si χ est un caractère de Cm , alors il est évident que ∀s, L(s, χ) =
χ(l)ζ(s, l).
l∈Cm
P
ζ(s, l).
En particulier, pour χ = χ0 , on a ζK (s) =
l∈Cm
On admet le résultat suivant :
Théorème 6.1.8
Pour K un corps de nombres et m un module pour K, il existe une constante gm ne dépend
que de K de m telle que
1
∀x ¾ 0, |S(x, l) − gm | ¶ C x 1− d
où d = [K : Q].
Ce théorème et la proposition 6.1.6 donnent les résultats suivants :
Corollaire 6.1.9
§
La fonction zêta partielle ζ(·, l) est méromorphe sur Re(s) > 1 −
unique pôle simple en 1 où son résidu est gm .
ª
1
, avec un
[K : Q]
Corollaire 6.1.10
Soit K un corps de nombres et m un §
module pour K Si χ est
ª un caractère non trivial de
1
Cm , alors L(·, χ) est holomorphe sur Re(s) > 1 −
.
[K : Q]
On va utiliser le lemme suivant :
46
Lemme 6.1.11
Soit G un groupe abélien fini et χ un caractère non trivial de G. Alors
P
χ(a) = 0.
a∈G
Démonstration. Soit P
b ∈ G tel P
que χ(b) 6= 1. Comme
PG est fini, a 7−→ ab est une permutation de G donc
χ(a) =
χ(ab) = 0 = χ(b)
χ(a) donc comme χ(b) − 1 6= 0,
a∈G
a∈G
a∈G
P
χ(a) = 0.
a∈G
g
Démonstration (du corollaire). On écrit ∀l ∈ Cm , ζ(s, l) = m + f l (s), où f l est holomorphe
s−1
§
ª
1
sur Re(s) > 1 −
.
§ [K : Q]
ª
1
Alors ∀s ∈ Re(s) > 1 −
,
[K : Q]
L(s, χ) =
X
χ(l)ζ(s, l) =
l∈Cm
χ(l)
l∈Cm
P
=
X
l∈Cm
χ(l)gm
s−1
gm
+ χ(l) f l (s)
s−1
+ h(s) = h(s)
où h est une fonction holomorphe, en utilisant le lemme.
Corollaire 6.1.12
§
Si K est un corps de nombres, ζK est méromorphe sur Re(s) > 1 −
unique pôle simple en 1.
6.1.2
1
[K : Q]
ª
avec un
Développement en produit eulérien
Définition 6.1.13
Soit (bn )n∈N ∈ (C \ {−1})N
• On dit que
Q
(1 + bn ) converge si la suite des produits partiels πm =
n∈N
converge vers l 6= 0.
Q
Q
• On dit que
(1 + bn ) converge absolument si
(1 + |bn |) converge.
n∈N
m
Q
(1 + bn )
n=0
n∈N
Cette proposition se montre aisément avec des manipulations élémentaires sur les produits et en utilisant la fonction exponentielle :
Proposition 6.1.14
Si ∀n, bn ¾ 0, alors
Q
(1 + bn ) converge si et seulement si
P
bn converge.
Remarque. Donc toute permutation des termes d’un produit absolument convergent donne
encore un produit absolument convergent.
Comme dans le cas des séries, la convergence absolue implique la convergence :
47
Proposition 6.1.15
Q
Si
(1 + bn ) converge absolument, alors il converge.
n∈N
Démonstration. On commence par montrer, par une récurrence
facile, que pour tout N ∈ N
N
N
Q
Q
(1 + |zn |) − 1.
et (z0 , . . . , zN ), famille de complexes différents de −1, (1 + zn ) − 1 ¶
n=0
n=0
n
Q
Q
Alors, si on note Pn =
(1 + bn ) et Q n =
(1 + |bn |), on a :
k=0
k=0
n
m
n
m
Y
Y
Y
Y
(1 + bn ) − 1
(1 + bn ) = (1 + bn ) ∀n > m, |Pn − Pm | = (1 + bn ) −
k=0
k=m+1
k=0
k=0
‚
Œ
m
n
Y
Y
¶
(1 + |bn |)
(1 + |bn |) − 1 = Q n − Q m
k=0
k=m+1
en utilisant d’une part l’inégalité triangulaire et d’autre part l’inégalité qu’on vient de
prouver.
Donc, puisque (Q n ) est de Cauchy car convergente, (Pn ) est de Cauchy donc converge
vers l ∈ C.
Or, ∀z, |z| < 1, |ln |1 + z|| ¶ − ln(1 − |z|) (conséquence de l’inégalité triangulaire). Donc
comme (bn ) tend vers 0, |bn | < 1 à partir d’un certain rang et | ln(|1 + bn |)| ¶ − ln(1 − |bn |).
Mais − ln(1 − |bn |) ∼n→+∞ |bn | qui est
selon
Q le terme général positif d’une série convergente
P
la proposition précédente puisque (1 + bn ) converge absolument. Donc
| ln(|1 + bn |)|
n∈N
converge.
Q
|un | tend vers 0, et en passant au logarithme, on voit
Si l = 0, alors |Pn | −→ 0 et donc
n∈N
P
que ln |un | tend vers −∞ ce qui est absurde. Donc l 6= 0 et le résultat est démontré.
On va maintenant développer les fonctions L en des produits infinis dits eulériens.
Q
1
Il est bien connu que ζ(s) =
, cela a été démontré intuitivement par Euler
−s
p premier 1 − p
en s’appuyant sur le crible d’Erathostène. En fait, toutes les fonctions L se développent en
un produit similaire.
Définition 6.1.16
Soit K un corps de nombres. Un produit eulérien est un produit infini de la forme
1
Y
p∈Spec(OK )\S
(1 − θ1
(p)N (p)−s ) . . . (1 − θ
−s
d (p)N (p) )
où S est un ensemble fini de premiers, s ∈ C et θi (p) des complexes.
Théorème 6.1.17
Soit K un corps de nombres, χ un caractère de Dirichlet pour un module m. Alors pour
Q
1
tout s de partie réelle strictement plus grande que 1, le produit eulérien
−s
p-m 1 − χ(p)N (p)
converge vers L(s, χ).
S(m)
Démonstration. Si Re(s) > 1, on a, puisque ∀p ∈ I K
1,
48
, N (p) = Card(OK /p) > 1 et |χ(p)| =
+∞
+∞
X
X χ(pn )
1
−s n
=
(χ(
p
)N
(
p
)
)
=
1 − χ(p)N (p)−s n=0
(N (pn ))s
n=0
Donc (produit de Cauchy) : si l ∈ N∗ ,
Y
p-m
N (p)¶l
X χ(a)
1
=
1 − χ(p)N (p)−s
N (a)s
la somme étant sur les idéaux a entiers s’écrivant comme produits d’idéaux premiers de
norme inférieure à l.
Le terme de droite converge absolument (l’ordre des termes n’important donc pas), donc
celui de gauche également quand l tend vers l’infini, et leur limite commune est L(s, χ).
6.2
Notions de densité
On va définir plusieurs densités, qui sont des notions décrivant la répartition d’un ensemble de premiers parmi tous les premiers d’un corps de nombres.
6.2.1
Densité polaire
On fixe K un corps de nombres.
Définition 6.2.1
Soit T ⊂ Spec(OK ). On définit
ζK,T (s) :=
Y
p∈T
1
1 − N (p)−s
Si il existe n tel que ζnK,T se prolonge en une fonction méromorphe au voisinage de
m
1 avec un pôle d’ordre m en 1, alors T a une densité polaire δ(T ) = .
n
On adopte la convention qu’un zéro d’ordre m est un pôle d’ordre −m.
On a quelques propriétés correspondant à ce que l’on est en droit d’attendre d’une densité :
• L’ensemble de tous les idéaux premiers de K a une densité polaire de 1.
• Si T admet une densité polaire, δ(T ) ¾ 0.
• Un ensemble fini a une densité nulle.
• Si T est l’union disjointe de T1 et T2 , et si deux d’entre eux ont une densité polaire, le
troisième en a une et δ(T ) = δ(T1 ) + δ(T2 ).
• Si T1 et T2 ont des densités polaires et T1 ⊂ T2 , alors δ(T1 ) ¶ δ(T2 ).
Le premier point n’est autre que le corollaire 6.1.12. Le deuxième est évident puisque si
Q
1
ζK,T n’a pas de pôle en 1, ζK,T (1) =
> 0 donc 1 est pôle d’ordre 0.
−1
p∈Spec(OK ) 1 − N (p)
n1
n2
Pour le troisième point, on remarque que ζK,T (s) = ζK,T1 (s)ζK,T2 (s) donc si ζK,T
et ζK,T
1
2
se prolongent en des fonctions méromorphes avec des pôles en 1 d’ordres respectifs m1 et
49
m2 , ζK,T (s)n1 n2 (s) admet un pôle d’ordre n2 m1 + n1 m2 en 1 donc δ(T ) =
n1
n
+ 2 = δ(T1 ) + δ(T2 ).
m1 m2
n2 m1 + n1 m2
=
n1 n2
Proposition 6.2.2
Si T ⊂ Spec(OK ) ne contient pas d’idéaux premiers p tels que N (p) soit un premier de Z,
alors δ(T ) = 0.
Démonstration. Soit p ∈ T . On a N (p) = p f , où p = p ∩ OK premier de Z et f ¾ 2 est le
degré résiduel de p sur p.
De plus, si p est un premier donné de Z, il y a au plus d = [K : Q] premiers de K aud
Q
dessus de p. Donc ζK,T s’écrit comme un produit
g i où g i (s) est un produit infini sur les
i=1
1
où f ¾ 2.
1 − p− f s
Q
Q
1
1
¶
= ζ(2), car p f ¾ p2
Par conséquent, ∀i ∈ J1; d K, g i (1) ¶
−
f
−2
1
−
p
1
−
p
p premier
p premier
Donc g i est holomorphe au voisinage de 1, donc ζK,T également.
premiers de Z dont chaque facteur est soit 1 soit
Remarque. Il est donc immédiat que si T1 et T2 sont deux ensembles d’idéaux premiers de
K et si T1 \ T2 et T2 \ T1 ne contiennent que des premiers p tels que N (p) n’est pas premier,
alors, si l’un a une densité polaire, l’autre en a aussi une, et elles sont égales.
Cela nous permet donc de démontrer le cas σ = id du théorème de Chebotarev, du
moins en utilisant le lien entre densité polaire et densité de Dirichlet qu’on verra dans la
proposition 6.2.8.
Théorème 6.2.3
Si L/K est une extension galoisienne, l’ensemble des idéaux premiers de K totalement
1
.
décomposés dans L a une densité polaire de
[L : K]
Démonstration. Soit S l’ensemble des idéaux premiers de K totalement décomposés dans
L, et T l’ensemble des idéaux premiers de L au-dessus des éléments de S.
Si p ∈ S, par définition, il y a exactement [L : K] idéaux premiers P dans T au-dessus
de p avec un degré résiduel de 1, donc N (P) = N (p).
[L:K]
Donc ζ L,T = ζK,S .
Or, T contient tous les P quand P ∩ OK est un idéal non ramifié dans L et N (P) = p
premier. En effet, si P est un tel idéal, et p = P ∩ OK , alors N (P) = N (p) f , soit p = N (p) f
donc comme N (p) 6= 1, N (p) = p = N (P) et f = 1.
Donc T diffère de l’ensemble des idéaux premiers de K d’un ensemble de premiers de
norme non première dans Z donc selon la proposition précédente, T a une densité et δ(T ) =
1.
1
.
Donc par définition, S a une densité de
[L : K]
Corollaire 6.2.4
Si L/K est une extension abélienne, et S est un ensemble fini de premiers incluant les
premiers infinis et ceux qui se ramifient dans L. Alors la fonction d’Artin ψ L/K : I KS −→
50
Gal(L/K) est surjective.
Démonstration. Soit H l’image de ψ L/K , sous groupe de G = Gal(L/K). On peut donc considérer K 0 le corps des invariants de H. Comme G est abélien, H est distingué dans G donc
K 0 /K est une extension abélienne et on sait alors que
∀p 6∈ S, (p, K 0 /K) = (p, L/K)|K = id
puisque (p, L/K) ∈ H.
Donc p est totalement décomposé dans K 0 . Ainsi, tous les idéaux premiers de K sauf un
nombre fini se décomposent totalement dans K 0 .
Or, l’ensemble des p ∈ Spec(OK ) totalement décomposés dans K 0 a une densité polaire
1
selon le théorème précédent. Mais comme un ensemble fini a une densité nulle,
de 0
[K : K]
cet ensemble a également une densité de 1, donc [K 0 : K] = 1. Cela signifie que K 0 = K et
H = G, d’où la surjectivité de l’application d’Artin.
6.2.2
Densité de Dirichlet
On se donne K un corps de nombres.
Définition 6.2.5
Soient f et g deux fonctions complexes définies au moins sur ]1; +∞|. On dit que
f (s) ∼s↓1 g(s) si ( f − g)(s) est bornée au voisinage de 1 pour s réel, s > 1.
Définition 6.2.6
Soit T ⊂ Spec(OK ). T admet δ ¾ 0 pour densité de Dirichlet si

‹
X 1
1
∼s↓1 δ ln
N (p)s
s−1
p∈T

‹
1
1
Remarque. Dans ce cas, particulier, on a f (s) =
∼s→1 δ ln
au sens usuel s
s−1
p∈T N (p)

‹
1
en se restreignant toutefois à s > 1. En effet, g(s) = δ ln
tend vers 0 quand s tend
s−1
vers 0 par valeurs supérieures et
P
f (s)
f (s) − g(s)
−1=
−→s→1 0
g(s)
g(s)
puisque f − g est bornée au voisinage de 1.
Commençons par un lemme :
Lemme 6.2.7
+∞
Q 1
Si (u j ) j∈N ∈ [2; +∞[N est tel que f (s) :=
est un produit infini uniformément
s
j=1 1 − u j
n
o
π
convergent sur chaque D(1, δ, ") = s ∈ C | Re(s) ¾ 1 + δ, |Arg(s − 1)| ¶ − " . Alors
2
+∞
X 1
ln f (s) ∼s↓1
us
j=1 j
51
Démonstration.
s > 1. Alors f (s) > 0 clairement et, en utilisant le développement
‹ +∞ Soit

P zn
1
=
,
ln
1−z
n=1 n
ln f (s) =
=
+∞
X
1
ln
1 − u−s
j
j=1
=
+∞ X
+∞
X
1
musm
j
j=1 m=1
+∞ +∞
+∞
+∞
X
X
1
1 XX 1
+
=
+ g(s)
s
sm
s
u
mu
u
j
j
j
j=1 m=2
j=1
j=1
Donc, comme ∀ j, u j > 0 et s ∈ R,
+∞ X
+∞ +∞ +∞
X
1 XX 1
|g(s)| ¶
sm =
mu j j=1 m=2 musm
j
j=1 m=2
Mais, si u ¾ 2, s > 1,
+∞
X
 ‹
 −2s ‹
+∞
X
1
1 1 m 1
u
1
¶
=
< 2s
sm
s
−s
mu
2 u
2 1−u
u
m=2
m=2
Or, selon le même principe que le développement des fonctions L en produits eulériens,
+∞
X
X
1
−2s
f (2s) =
u−2s
.
.
.
u
¾
.
j1
jr
2
u
s
∗
r
j=1 j
( j ,..., j )∈(N ) ,r∈N
1
r
Donc |g(s)| ¶ h(2s) pour s > 1 où h : s 7−→
+∞
P
j=1
1
.
usj
§
ª
1
Or, f est holomorphe sur {Re(s) > 1} donc s 7−→ f (2s) est holomorphe sur Re(s) >
.
2
P 1
Par conséquent, g est bornée au voisinage de 1. Ceci joint à l’égalité ln f (s) =
+ g(s)
usj
montre le résultat voulu.
On peut en déduire ce résultat :
Proposition 6.2.8
Si la densité polaire de T existe, alors sa densité de Dirichlet aussi et les deux quantités
sont égales.
La densité naturelle est également une notion plus forte que la densité de Dirichlet, mais
c’est un fait plus délicat à prouver.
On dispose également les mêmes propriétés élémentaires que dans le cas de la densité
polaire.
Lemme 6.2.9
Si G est un groupe abélien fini et a ∈ G un élément différent de 1. Alors en notant A∨
l’ensemble des caractères sur G, on a
X
χ(a) = 0
χ∈A∨
52
Démonstration. La démonstration est la même que celle du lemme 6.1.11, à condition de
montrer qu’il existe χ1 ∈ A∨ tel que χ1 (a) 6= 1.
Mais, selon le théorème de structure des groupes abéliens, on peut trouver G1 , . . . , G p des
groupes cycliques tels que G1 × · · · × G p 'ϕ G. On montre alors aisément que G1∨ × · · · × G p∨ '
G ∨ via ( f1 , . . . , f p ) −→ ( f : x = ϕ(x 1 , . . . , x p ) → f1 (x 1 ) . . . f p (x p )).
Par ailleurs, si H =< a > est cyclique d’ordre n, ∀u ∈ Un , il existe un caractère χ de H
tel que χ(a) = u.
Ainsi, si a ∈ G, a 6= 1, ϕ −1 (a) 6= 1 et donc on peut clairement trouver un caractère χ1 tel
que χ1 (a) 6= 1.
Théorème 6.2.10
Soit K un corps de nombres, m un module pour K et H un sous-groupe de congruence
S(m)
pour m (i.e. i(Km,1 ) ⊂ H ⊂ I K ).
Alors ∀a ∈ H, on a, au sens de la densité de Dirichlet,
δ Ta = p ∈ Spec(OK ) \ S(m) : p = a =


1
S(m):H
[I K
]
=
1
[Cm : H]

S(m)
Démonstration. Soit a ∈ I K
noyau contient H, et
S(m)
si ∀χ ∈ I K
0
S(m)
Y
p-m
∨
, L(1, χ) 6= 0
sinon.
et a sa classe dans Cm /H. Soit χ un caractère de I K
L( ·, χ) : s 7−→
/H
dont le
1
1 − χ(p)N (p)−s
1
.
1 − χ(p)N (p)−s
p-m
N (p)¶n

‹
P
1
On a ∀s > 1, log(L n (s, χ)) =
log
.
1 − χ(p)N (p)−s
p-m
On note L n (s, χ) =
Y
N (p)¶n
En effet, en notant Sn (s) le terme de droite, on a ∀s > 1, exp(Sn (s)) = L n (s, χ) =
exp(log(L n (s, χ)). Donc comme exp est un morphisme de (C, +) dans (C ∗ , ×) de noyau 2iπZ,
∀s > 1, Tn (s) := log(L n (s, χ))− Sn (s) ∈ 2iπZ. Or, Tn est continue sur ]1; +∞[ connexe donc
Tn est constante sur cet intervalle.
Qui plus est, puisqu’on travaille sur des produits et sommes finies, on a lim log(L n (s, χ)) =
s→+∞
lim Sn (s) = 0 donc Tn (s) = 0, d’où ∀n ∈ N∗ , ∀s > 1, log(L n (s, χ)) = Sn (s).
s→+∞
En passant à la limite n −→ +∞, on obtient
∀s > 1, log(L(s, χ) =
X
p-m
1
1 − χ(p)N (p)−s
Cette égalité était essentiellement tout ce qu’il fallait obtenir pour pouvoir adapter la
preuve du lemme précédent au cas présent et affirmer que pour tout caractère χ, log(L(s, χ)) ∼s↓1
P χ(p)
.
s
p-m N (p)
En utilisant le lemme 6.2.9, on obtient
53
X
χ(a)
−1
log(L(s, χ)) ∼s↓1
χ∈
X
χ∈
X χ(p)
X
−1
χ(a)
=
N (p)s
p-m
p-m
−1
χ∈ χ(p)χ(a)
P
N (p)s
X [I S(m) : H]
=
N (p)s
p∈aH
De plus, selon le corollaire 6.1.10, si χ 6= χ0 (caractère trivial), L(·, χ) est holomorphe
au voisinage de 1, donc L(s, χ) = (s − 1)m(χ) g(s) où m(χ) ∈ Net g(1)
‹ 6= 0. Donc en passant
1
au logarithme, log(L(s, χ)) ∼s↓1 m(χ) log(s − 1) = −m(χ) log
.
s−1
ζK (s)
Et L(s, χ0 ) = Q
, donc, comme selon le corollaire 6.1.12, ζK a un pôle simple
1
−s
p|m 1 − N (p)
‹

1
.
en 1, on a L(s, χ0 ) ∼s↓1 log
s−1
Donc
!
‹

X 1
X
X
1
S(m)
−1
[I
: H]
∼s↓1
χ(a) log(L(s, χ)) ∼s↓1 1 −
m(χ) log
N (p)s
s−1
χ∈
p∈aH
χ6=χ
0
Ainsi, par définition de la densité de Dirichlet,
€
δ(Ta ) = δ( p ∈ Spec(OK ) : p = a ) =
1−
Š
m(χ)
χ6=χ0
P
[I S(m) : H]
€
Š
P
Donc si ∀χ 6= χ0 , L(1, χ) 6= 0, 1 − χ6=χ0 m(χ) = 1 et δ(Ta ) =
δ(Ta ) = 0, ce qui prouve le résultat.
6.3
¾0
1
[I S(m)
: H]
, et sinon,
Conclusion de la démonstration
On dispose désormais de tous les résultats nécessaires pour montrer le théorème de
Chebotarev, ainsi que les deux résultats promis après l’énoncé de la loi de réciprocité d’Artin.
S(m)
• Le premier, c’est à dire la surjectivité de ψ L/K pour toute extension abélienne de corps
de nombres L/K et tout module m pour K, a été montré avec le corollaire 6.2.4.
S 0 (m
• Le deuxième est le fait que pour un module adapté m, H = i(Km,1 )Nm(I L ) vérifie
S(m)
I K /H ' Gal(L/K) via la fonction d’Artin. D’une part, la bonne définition et la surjecS(m)
S(m)
tivité de ψ L/K : I K /H −→ Gal(L/K) nous assurent que [I K : H] ¾ [L : K]. D’autre
part, on a le théorème suivant :
Théorème 6.3.1
Si L/K est une extension abélienne de corps de nombres, et m est un module pour K,
alors
S(m)
[I K
: H] ¶ [L : K]
54
Démonstration. Selon le théorème précédent, δ({p ∈ Spec(OK ) : p ∈ H} vaut
1
[I S(m)
: H]
ou
0 selon que L(1, χ) 6= 0∀χ caractère non trivial de I S(m) /H ou non.
Si p se décompose totalement dans L, c’est à dire que pour tout P au-dessus de p, le
degré résiduel f (P/p) vaut 1, alors si P est au-dessus de p, Nm L/K (P) = p f (P/p) = p.
Donc {p ∈ H} contient tous les idéaux de OK totalement décomposés dans L, puisque
S(m)
H = Nm L/K (I L L )i(Km,1 ).
1
6= 0
Or, {p ∈ Spec(OK ) : p totalement decompose} a une densité de Dirichlet de
[L : K]
selon le théorème 6.2.3 et la proposition 6.2.8.
Par conséquent, {p ∈ H} ne peut avoir une densité de Dirichlet nulle, donc δ({p ∈ H}) =
1
1
¾
donc [L : K] ¶ [I S(m) : H].
[I S(m) : H] [L : K]
Enfin, on va démontrer le théorème de Chebotarev :
S 0 (m
Démonstration (du théorème 6.0.8). Selon le théorème précédent, pour H = i(Km,1 )Nm(I L )
1
S(m)
, donc selon le théorème 6.2.10, on a, pour tout
et a = 1 ∈ (I K /H), δ(Ta ) = S(m)
[I K : H]
S(m)
caractère χ non trivial de (I K /H), L(1, χ) 6= 0. Donc ce même théorème nous dit que
1
1
S(m)
=
.
∀a ∈ I K , δ(Ta ) = S(m)
[I
: H] [L : K]
Or, comme Gal(L/K) est en bijection avec Cm /H, la densité de Dirichlet de Tσ0 = {p ∈ Spec(OK ) : p ne se ra
S(m)
où σ est à un ensemble fini près celle de Ta où ψ L/K (a) = σ.
Comme le théorème de Chebotarev s’intéresse à des questions de densité, l’« oubli » d’un
ensemble fini S(m) n’a aucune importance ici.
Cela démontre le théorème de Chebotarev pour une extension abélienne de corps de
nombres.
En conséquence importante de ce théorème, on obtient le fameux théorème de progression arithmétique de Dirichlet :
Théorème 6.3.2 (Dirichlet)
Soit m ∈ N et a ∈ J0; m − 1K. L’ensemble Ta = {p ∈ Spec(Z) : p ≡ a[m]} a une densité
1
de Dirichlet de
.
ϕ(m)
Démonstration. En effet, soit ζ une racine primitive m-ième de l’unité.
Selon la démonstration du théorème 5.2.7, si p - m, p est non ramifié dans Q[ζ] et
(p, Q[ζ]/Q) = (ζ 7→ ζa ) ∈ Gal(Q[ζ]/Q) ⇔ [p]m = [a]m ⇔ p ≡ a[m].
Cette même preuve nous donne de plus un isomorphisme entre Gal(Q[ζ]/Q) et (Z/mZ)×
de cardinal ϕ(m) donc le groupe de Galois de Q[ζ]/Q a pour ordre ϕ(m).
Par suite, à l’ensemble fini des diviseurs premiers de m près, Ta est un ensemble de la
forme de ceux considérés dans le théorème de Chebotarev, ce qui conclut la preuve.
Remarque. On a donc démontré intégralement le théorème de progression arithmétique de
Dirichlet, puisqu’on a prouvé la loi de réciprocité d’Artin dans le cas cyclotomique.
55
Chapitre 7
Un aperçu de géométrie algébrique
Dans cette section d’ouverture, on se contentera d’expliquer quelques concepts de géométrie algébrique permettant d’établir une analogie entre l’anneau des entiers d’un corps
de nombres et la notion de courbe. Comme il s’agit d’un simple résumé d’une vaste théorie,
on omettra de nombreux détails et objets de la géométrie algébriques.
Pour plus de détails, on peut se référer à [1] et [5].
7.1
7.1.1
Un aperçu de géométrie algébrique
Variété algébrique
Soit k un corps, qu’on prend dans un premier temps algébriquement clos. Le point de
départ de la géométrie algébrique est d’étudier le lieu d’annulation d’un ensemble fini de
polynômes à plusieurs variables donné. Naïvement, on peut définir un ensemble algébrique
affine sur k comme {x ∈ k n : P1 (x) = · · · = Pr (x) = 0} où Pi ∈ k[X 1 , . . . , X n ]. De manière
équivalente, si I est un idéal de k[X 1 , . . . , X n ], Z(I) := {x ∈ k n : ∀P ∈ I, P(x) = 0} est une
variété algébrique affine, puisque, k[X 1 , . . . , X n ] étant un anneau noethérien, I = (P1 , . . . , Pr )
est de type fini, et Z(I) est le lieu d’annulation de P1 , . . . , Pr . On dira donc qu’un ensemble
algébrique affine est un sous-ensemble de k n en bijection avec un certain Z(I).
Si I un idéal de k[X 1 , . . . , X n ], Z(I) peut être munie de la topologie de Zariski : ses fermés
sont les Z(J) ⊂ X quand J est un idéal de k[X 1 , . . . , X n ]. Un espace topologique algébrique
affine est un espace topologique homéomorphe à un certain Z(I) muni de sa topologie de
Zariski.
Au-delà de la notion naïve d’espace topologique algébrique affine, on peut considérer
des objets qui sont des réunions de tels espaces : ils possèdent des propriétés très similaires.
Formellement, on dit qu’un espace topologique (X , T ) est un espace topologique algébrique
N
S
sur k s’il s’écrit X =
X j où X j est un fermé de X homéomorphe à un certain Z(I j ) ⊂
j=1
k[X 1 , . . . , X n j ], au sens de la topologie de Zariski.
Exemple. La droite projective P1 = [x, y], (x, y) ∈ k2 \ {0} , définie comme k2 \ {0} quotienté par la relation de colinéarité, est un espace topologique
h y i algébrique.
2
, soit x = 0 et [x, y] = [0, 1].
En effet, si (x, y) ∈ k \ {0}, soit x 6= 0 et [x, y] = 1,
x
Donc P1 = {[1, λ], λ ∈ k \ {0}} ∪ {[0, 1]}.
On peut alors définir la notion de dimension d’un espace topologique algébrique, qui est
en fait très générale :
Si (X , T ) est un espace topologique, on dit qu’il est irréductible s’il ne peut s’écrire comme
union de deux fermés stricts. La dimension de X est la longueur maximale n d’une chaîne
56
de fermés emboîtés irréductibles X 0 ⊂ X 1 ⊂ · · · ⊂ X n = X .
Dans le cas où l’on s’est placé d’abord, c’est à dire k algébriquement clos, on dispose d’un
théorème fondamental, le Nullstellensatz, démontré par Hilbert. Il affirme que, si I est un
idéal de k[X 1 , . . . , X n ], l’ensemble des idéaux maximaux de k[X 1 , . . . , X n ]/I est en bijection
avec Z(I).
L’étape suivante est donc de généraliser la notion d’espace topologique algébrique à un
corps non algébriquement clos.
Dans ce cas, si I est un idéal de k[X 1 , . . . , X n ], on peut définir :
, . . . , X n ]/I)
φ : Z(I) −→ Max(k[X 1


x 7−→ m x = ker  ψ x : k[X 1 , . . . , X n ]/I −→ k
x 7−→ P(x)
où si A est un anneau, Max(A) désigne l’ensemble des idéaux maximaux de A. Là encore, on peut munir Max(A) de la topologie de Zariski dont les fermés sont les V (J) =
{m ∈ Max(A) : J ⊂ m}, quand J est un idéal de A.
On montre que φ est une injection continue de Z(I) dans Max(k[X 1 , . . . , X n ]/I) pour
cette topologie. Ainsi, on étend la notion d’espace topologique algébrique affine : c’est un
espace topologique homéomorphe à Max(k[X 1 , . . . , X n ]/I), muni de la topologie de Zariski.
Le passage aux espaces topologiques généraux se fait de la même manière que précédemment.
On peut alors introduire la notion d’extension résiduelle, par analogie avec la construction faite au chapitre 3, section 2.
On note A = k[X 1 , . . . , X n ]/I.
• Si m est un idéal maximal de la forme m x , A/m ' k.
• Si m est un idéal maximal quelconque, on a une injection naturelle j : k ,→ A et une
surjection canonique πm de A dans A/m. j ◦ πm est un morphisme injectif de k dans
A/m. Donc A/m est une extension finie de k. k(m) = A/m est appelé corps résiduel de
m et on note deg(m) = [k(m) : k]. Il est courant de noter les idéaux maximaux x.
Pour aboutir finalement à la notion de variété algébrique affine, il faut munir
p pZ(I)
non seulement de sa topologie de Zariski, mais aussi de l’anneau k[X 1 , . . . , X n ]/ I ( I :=
{P ∈ k[X 1 , . . . , X n ] : ∃n ∈ N ∗ , P n ∈ I} désignant la racine de l’idéal I).
7.1.2
Schéma
Pour définir un schéma affine, onpremplace dans la définition d’une variété algébrique
affine le couple (Z(I), k[X 1 , . . . , X n ]/ I) où Z(I) est muni de sa topologie de Zariski par le
couple (Spec(A), A) où A est un anneau et Spec(A) est muni de la topologie de Zariski dont
les fermés dont les V (I) = {p ∈ Spec(A) : I ⊂ p} quand I est un idéal de A.
Un cas intéressant est celui où A = OK , K corps de nombres. Quel que soit le corps k
considéré, OK n’est pas une k-algèbre, ce qui empêche le schéma affine associé à A d’être
une variété algébrique affine. C’est pourquoi la notion de schéma est nécessaire pour avoir
un point de vue géométrique sur les corps de nombres.
Pour un schéma affine X = Spec(A), le corps résiduel de x ∈ X est k(x) = Frac(A/p) qui
est une extension de Frac(A).
Le point générique d’un schéma affine est {0} : on l’appelle ainsi puisque son corps résiduel est le corps de base sur lequel on travaille, à savoir K = Frac(A).
57
7.2
7.2.1
Théorème de Chebotarev pour les schémas de type fini
sur Z
Présentation du théorème
On suit l’article de Serre (cf [5]).
On prend A un anneau intègre. On suppose que A est une Z-algèbre de type fini. On
introduit le schéma affine X = Spec(A). On note E := Frac(A) le corps générique.
On constate que x ∈ X est un point fermé pour la topologie de Zariski si son corps
résiduel k(x) est fini. En effet, les points fermés sont les idéaux maximaux m de A qui est
une Z-algèbre de type fini, donc A/m est une extension finie d’un Z/pZ, p premier.
On note X l’ensemble des points fermés - ou atomisation - de X et on note N (x) =
Card(k(x)) la norme de x. De même que dans le cas des corps de nombres, cela a un sens
de définir la fonction zêta :
ζ(X , s) =
Y
x∈X
1
1 − N (x)−s
Ce produit eulérien converge absolument pour s tel que Re(s) > dim X .
Par exemple, si A = Z[X 1 , . . . , X n ], les points fermés de A sont les idéaux maximaux de
Q
1
Z[X 1 , . . . , X n ] qui est de dimension n. On peut alors montrer que ζ(X , s) =
=
n−s
p∈Spec(Z) 1 − p
ζ(s − n) où ζ est la fonction zêta de Riemann. Un autre exemple est celui de A = OK où K
est un corps de nombres. On retrouve alors ζ(X , ·) = ζK .
Revenons au cas général. De même que
§ dans le corollaireª6.1.12, on montre que ζ(X , ·)
1
.
admet un prolongement méromorphe à Re(s) > dim X −
2
Si X est supposé irréductible, on peut préciser ses pôles en distinguant deux cas :
§
ª
1
• si E est de caractéristique nulle, le seul pôle de ζ(X , ·) dans Re(s) > dim X −
est
2
dim X et c’est un pôle simple.
• sinon, E est de caractéristique p > 0, en posant q := max p n | n ∈ N, F pn ⊂ E , les
§
ª
1
2πin
seuls pôles de ζ(X , ·) dans Re(s) > dim X −
sont les dim X +
quand n ∈ Z.
2
log(q)
Par conséquent, ζ(X , ·) admet un pôle en dim X .
Soit G un groupe fini. Une action de G sur le schéma affine X = Spec(A) doit respecter la
structure de schéma de X . Pour cela, il faut avoir un morphisme de G dans SC (X ) (ensemble
des permutations continues de X ), mais aussi un morphisme de G dans Aut(A). La donnée
de ce second morphisme donne accès au premier. Il suffit donc d’agir par automorphismes
sur A pour obtenir une action de groupe convenable sur X . Dans ce cas, le quotient Y = X /G
(dans la catégorie des schémas) est en fait Spec(AG ) où AG est l’ensemble des invariants de
A sous l’action de G.
Soit j ∗ le morphisme d’anneaux d’inclusion de AG dans A. Il fournit un morphisme de
schémas j de X dans Y (cf section précédente, paragraphe 3), qui n’est autre que p → p ∩AG .
Si x ∈ X , alors y = j(x) est aussi un point fermé dans Y . En effet, le corps résiduel de
y s’injecte dans k(x). k(x)/k( y) est donc une extension finie de corps finis donc elle est
58
galoisienne. De plus, on dispose d’une surjection naturelle du groupe de décomposition de
x, défini par D(x) := {g ∈ G | g · x = x} sur Gal(k(x)/k( y)). Le noyau de ce morphisme est
noté I(x) et est appelé groupe d’inertie de x. Le cas favorable est là encore celui où I(x) est
trivial, ce qui correspondait dans le cas des corps de nombres aux idéaux non ramifiés.
Une conséquence importante de ce raisonnement est qu’on a un générateur canonique
Frob x de D(x)/I(x) qui est l’image réciproque du morphisme de Frobenius de Gal(k(x)/k( y)).
Le théorème de Chebotarev s’énonce donc ainsi. On définit la densité de Dirichlet de la
même manière que précédemment en remplaçant 1 par la dimension du schéma considéré.
Théorème 7.2.1
Soit X un schéma irréductible tel que G agit fidèlement sur le corps résiduel du point
générique de X . Soit Y = X /G, et R ⊂ G un ensemble stable par conjugaison. On suppose
que ∀x ∈ X , I(x) = {id}, de sorte que Frob x ∈ G. L’ensemble des éléments y de Y tels
|R|
que Frob y := {Frob x | j(x) = y} ⊂ R a pour densité de Dirichlet
.
|G|
Quelques mots sur la démonstration :
Elle repose en partie sur l’étude des fonctions L. Si χ est un caractère de G, et si y ∈ Y tel
que y = j(x), χ( y n ) est défini comme étant la valeur moyenne de χ sur toutes les puissances
n-ièmes (distinctes) de l’élément de Frobenius Frob x .
On définit alors L(X , χ, ·) comme la fonction vérifiant :
log L(X , χ, s) =
+∞
XX
χ( y n )N ( y)−ns
y∈Y n=1
n
Comme dans la démonstration du théorème de Chebotarev pour les corps de nombres,
il est crucial d’étudier les prolongements méromorphes de ces fonctions L.
§
ª
1
Il s’avère qu’elles peuvent être prolongées en des fonctions méromorphes sur Re(s) > dim X −
.
2
Pour le montrer, Serre utilise un procédé de réduction au cas dim X = 1 qui correspond
donc au cas des courbes, analogue à celui des corps de nombres comme on le verra dans la
section 2.
0
0
Sous certaines conditions, on a en effet, L(X , χ, s) =
ª où X et X sont
§ H(s)× L(X , χ, s −1)
1
deux schémas, et H est holomorphe et non nulle sur Re(s) > dim X −
. Les hypothèses
2
autorisent qu’on prenne X 0 de dimension dim X − 1.
7.2.2
Dictionnaire courbes - corps de nombres
Une courbe sur un corps k est ici un schéma affine X = Spec(A) de dimension 1, où A
est une k-algèbre de type fini.
Dans le paragraphe précédent, le cas dim X = 1 contient celui des anneaux d’entiers de
corps de nombres et celui des courbes sur un corps fini. Le point de vue unifié des schémas
se particularise comme dans le tableau qui suit.
59
Corps de nombres
Spec(OK )
K
Spec(O L ) → Spec(OK )
L/K
p ∈ Spec(OK ) \ {0}
Gal(L/K)
D(P) ' Gal(lP /kp )
Courbe intègre sur un corps fini
X
Fq (X ) = Frac(A) où Spec(A) est un ouvert non vide de X
π revêtement de X 0 dans X génériquement étale
Fq (X 0 )/Fq (X )
x∈X
AutX (X 0 )
0
D(x ) ' Gal(k(x 0 )/k(x))
60
CONCLUSION
Ce mémoire a été l’occasion d’explorer des outils classiques de la théorie des nombres
pour démontrer un théorème important et de formulation relativement accessible. Chebotarev ne l’avait pas démontré comme nous l’avons fait ici, sa preuve était bien plus calculatoire
et a inspiré de nombreuses versions « effectives » du théorème qui cherche à donner une
majoration ou un équivalent explicite du nombre d’idéaux premiers de norme inférieure à
n et de relèvement de Frobenius σ. Mais l’utilisation de la théorie du corps de classe permet une compréhension plus profonde des arguments. Nous avons cependant ici évité la
difficulté majeure que constituait la preuve de la loi de réciprocité d’Artin, principe dont la
formulation est aussi simple que sa justification est complexe et longue, étant l’un des objets
principaux de toute la théorie du corps de classe.
La généralisation de la théorie du corps de classe à une extension non abélienne de
corps de nombres reste une gageure : c’est l’un des objectifs principaux du programme de
Langlands, sur lequel l’équipe qui m’a accueilli à Paris 13 travaille. Pour le théorème de
Chebotarev cependant, il existe une version non abélienne qui se déduit du cas abélien.
Je tiens pour finir à remercier chaleureusement mon maître de stage, Cédric Pépin, qui a
su répondre à mes questions par ses explications édifiantes et m’initier au monde fascinant
de la théorie des nombres, ainsi que les membres du LAGA avec lesquels j’ai pu discuter.
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Bibliographie
[1] Robin Hartshorne. Algebraic Geometry. Springer, 1977.
[2] Frédéric Hélein. Fonctions holomorphes. Consultable sur http://webusers.imj-prg.
fr/~frederic.helein/cours/holo.pdf.
[3] J.S. Milne. Class field theory (v4.02), 2013. Consultable sur www.jmilne.org/math/.
[4] Pierre Samuel. Théorie algébrique des nombres. Hermann, 1967.
[5] Jean Pierre Serre. Zeta and l functions. In O.F.G. Schilling, editor, Arithmetical Algebraic
Geometry, pages 82–92. Purdue University, Harper and Row, 1965.
62
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