Journal Identification = PNV Article Identification = 0396 Date: March 8, 2013 Time: 4:34 pm
M. Groussard, et al.
également d’apprentissage musical [3], contrastant avec
les difficultés mnésiques et langagières systématiquement
rapportées dans cette pathologie. Au-delà des cas particu-
liers de patients ayant rec¸u une formation musicale, qu’en
est-il vraiment pour le reste des patients ?
L’objectif de cette synthèse est de faire le point sur
l’état actuel des connaissances concernant la mémoire à
long terme musicale chez les patients Alzheimer. Ainsi,
nous nous attacherons ici à mieux comprendre ce qui est
regroupé, selon les études, sous le terme de «mémoire
musicale », et à comprendre pourquoi il y a autant de
divergences entre les résultats des travaux réalisés dans
le domaine. La revue de la littérature sur la mémoire musi-
cale dans la maladie d’Alzheimer de Baird et Samson [4]
suggère une dissociation entre un fonctionnement expli-
cite altéré de cette mémoire et une préservation de la
mémoire musicale implicite. Dans cette revue, le fonction-
nement explicite altéré fait référence à une perturbation des
mémoires épisodique et sémantique alors que le fonction-
nement implicite reflèterait une préservation du système
de représentation perceptive (amorc¸age) et de la mémoire
procédurale [5]. La dissociation entre explicite et impli-
cite semble effectivement intéressante pour conclure de
fac¸on générale sur la mémoire musicale dans la mala-
die d’Alzheimer, mais ne semble pas totalement rendre
compte de l’évolution observée, au cours des stades, des
préservations ou altérations progressives de la mémoire
musicale.
Ainsi, pour chaque stade, nous tenterons de mieux
comprendre l’évolution de la mémoire musicale à long-
terme en s’appuyant principalement sur la dissociation
entre mémoire épisodique et sémantique [5] et discuterons
la nature explicite ou implicite des processus engagés.
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par des défi-
cits progressifs de mémoire touchant de fac¸on précoce
la mémoire épisodique et s’accompagne d’une détériora-
tion d’autres fonctions cognitives telles que le langage,
les capacités d’orientation temporo-spatiale, les fonctions
exécutives, les habiletés motrices et perceptives. Le fonc-
tionnement cognitif est progressivement et globalement
modifié du fait de l’atteinte croissante des structures céré-
brales sous-corticales et corticales temporales et frontales.
Plusieurs stades sont alors différenciés pour rendre compte
de cette évolution. Le système Fast (Functional assessment
staging) [6, 7] est le modèle le plus fréquemment utilisé. Il
définit les stades de sévérité en s’appuyant, entre autre,
sur les scores au MMSE (Mini-mental state examination),
évaluant le fonctionnement cognitif global. En référence à
ce système, nous adoptons, un découpage en trois stades :
stade léger 21 ≤MMSE ≤26 ; stade modéré 16 ≤MMSE
≤20 ; stade sévère MMSE ≤15.
Mémoire musicale à long terme
et patients Alzheimer
à un stade léger de la maladie
La majorité des études menées sur musique et maladie
d’Alzheimer ont été réalisées avec des patients à un stade
léger (MMSE moyen compris entre 21 et 26) et ont éva-
lué les capacités de mémorisation de mélodies (tableau 1).
Classiquement, nous différencions plusieurs méthodes
d’apprentissage en mémoire épisodique (apprentissage
explicite, apprentissage incident) et différentes méthodes
de rappel (rappel libre, reconnaissance). Le rappel libre
est, par définition, une conduite consciente où le stimulus,
absent, doit être récupéré en mémoire. Pour la reconnais-
sance, le participant doit simplement dire s’il identifie ou
non un stimulus physiquement présent. Concernant ce der-
nier point, il est intéressant de souligner que dans les études
sur la musique, seule la reconnaissance est proposée. En
effet, lorsque les auteurs explorent la mémoire musicale
de nouvelles mélodies, il semble difficile de proposer, en
particulier à des non-musiciens, une tâche de rappel libre
demandant aux personnes de reproduire en chantant les
mélodies préalablement entendues. Dans toutes les études
portant sur la mémoire épisodique musicale, les tâches
proposées sont donc des tâches de reconnaissance des
mélodies (connues ou inconnues) présentées lors de la
phase d’apprentissage.
Pour évaluer la mémoire musicale à long terme,
quelques auteurs ont proposé une tâche de reconnaissance
de nouvelles mélodies après un apprentissage incident.
Durant la phase d’apprentissage, aucune mention n’est
faite de la tâche de reconnaissance à venir. Ainsi, Halpern
et O’Connor [8] ont proposé une tâche de jugement de
tempo de mélodies non familières (écoutées 2 fois) alors
que dans l’étude de Quoniam et al. [9] les sujets écou-
taient passivement des mélodies non familières (entendues
1 fois, 5 fois ou 10 fois selon la condition). La tâche
de reconnaissance, dans les 2 cas, consistait à dire si
oui ou non les mélodies proposées ont été présentées
préalablement. Les résultats de l’étude de Halpern et
O’Connor [8] montrent un effet plancher pour l’ensemble
des groupes (groupe contrôle et patients), rendant difficile
toute conclusion concernant les performances des malades
Alzheimer. Dans l’étude réalisée par Quoniam et al. [9],
les performances des patients Alzheimer étaient significa-
tivement moins bonnes que les sujets âgés sains. L’effet
plancher constaté dans l’étude d’Halpern et O’Connor [8]
nous amène à penser que l’apprentissage incident de nou-
velles mélodies semble être, de manière générale, une
tâche trop difficile pour des sujets âgés. Les travaux plus
100 Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦1, mars 2013
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