Chapitre IV Applications linéaires

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Chapitre IV
Applications linéaires
1 Révisions
Définition. Soient E, F deux espaces vectoriels sur le même corps commutatif . Une application f : E
F est dite linéaire si quels que soient x, y E et λ
,
f x
y
f λx
f x
f y
λf x .
L’ensemble des applications linéaires de E dans F est noté L E, F .
Remarques.
(a) Si l’on fait λ
f x .
0 dans f λx
(b) Soient λ1 , . . . , λn
λn xn
λ1 f x1
λ f x , on obtient f 0E
et x1 , . . . , xn
λn f xn .
Proposition 35. Soient E, F, G des
L E, F et g
(b) Si f
L E, F est bijective, alors f
1
f
L E, G .
est une application linéaire bijective de F dans E.
g: E
. Les applications f
f
g x
f x
λf x
pour tout x
x
E, alors on démontre par récurrence sur n que f λ1 x1
L F, G , alors g
L E, F , et λ
1, on obtient f
-espace vectoriels.
(a) Si f
(c) Soient f , g
0F ; si l’on fait λ
λf x
F et λ f : E
g x
F définies par :
( )
E sont linéaires.
(d) L E, F , muni des lois ( ), est un -espace vectoriel. Si E, F sont de dimension finie, alors L E, F l’est aussi,
de dimension
dim L E, F
dim E. dim F.
Définitions. Soient E, F deux espaces vectoriels.
(a) Une application linéaire f : E
F est dite :
26
CHAPITRE IV. APPLICATIONS LINÉAIRES
(i) endomorphisme si E
L E .
27
F. L’ensemble des endomorphismes de E est noté End
E , ou End E , ou
(ii) isomorphisme de E sur F, si f est bijective.
(iii) automorphisme si E
ou Aut E .
F et f est bijective. L’ensemble des automorphismes de E se note Aut
E ,
(b) On dit que E et F sont isomorphes s’il existe un isomorphisme de E sur F.
Remarque. Muni des lois internes de la somme et de la composée de deux applications, End E est un
anneau (unitaire) non commutatif.
Proposition 36. Soient E un
B
e1 , . . . , en une base de E.
-espace vectoriel de dimension finie, F un
-espace vectoriel quelconque, et
(a) Soit f 1 , . . . , f n une partie de F. Alors il existe une application linéaire f : E
f e1
f 1 , . . . , f en
fn.
(b) Deux applications linéaires f , g : E
f ei
g ei pour tout i
1, . . . , n .
F et une seule telle que
F sont égales si et seulement si elles coïncident sur B, c’est-à-dire
Définitions. Soient E, F deux espaces vectoriels, et f
L E, F .
(a) On appelle image de f , notée Im f , et définie par :
Im f
f x
x
E
f x
E .
(b) On appelle noyau de f , noté Ker f , et défini par :
Ker f
x
0F .
Remarques.
(a) Ker f est un sous-espace vectoriel de E qui contient 0E .
(b) Im f est un sous-espace vectoriel de F qui contient 0F . L’application f est surjective si et seulement si
Im f
F.
Théorème 37. Soit f
L E, F une application linéaire. Alors f est injective si et seulement si Ker f
Proposition 38. Soient f
L E, F , A
v1 , . . . , vk une famille de vecteurs de E, et B
f v1 , . . . , f v k .
(a) Si f est injective, A est une famille libre de E si et seulement si B est une famille libre de F.
(b) Si f est surjective et la famille A est génératrice, alors B est une famille génératrice de F.
En particulier, si f est un isomorphisme, l’image directe d’une base de E est une base de F.
0E .
CHAPITRE IV. APPLICATIONS LINÉAIRES
28
Théorème 39.
(a) Deux
(b) Tout
-espace vectoriels de dimension finie sont isomorphes si et seulement s’ils ont même dimension.
-espace vectoriel de dimension finie n est isomorphe à
n.
Donc à isomorphisme près, il n’y a qu’un seul -espace vectoriel de dimension n, c’est n . Ainsi, l’espace vectoriel n X
P
X
deg P n est isomorphe à n 1 , et l’espace vectoriel Mn
est iso2
n
morphe à
.
Définition. Soit f
L E, F . La dimension de Im f est appelée rang de f , et est notée rg f .
Si e1 , . . . , en est une base de E, alors f e1 , . . . , f en
rg f
engendre Im f . Il suit du Théorème 29 que
dim Im f
dim F.
Théorème 40 (Théorème du rang). Soient E un espace vectoriel de dimension finie et F un espace vectoriel
quelconque. Soit f L E, F . Alors :
dim E
rg f
dim Ker f .
Pour voir qu’une application linéaire f : E
F est bijective, il faut montrer qu’elle est à la fois surjective et injective. Mais si dim E et dim F sont finies et égales, alors il suffit de montrer l’une des deux
propriétés : soit l’injectivité, soit la sujectivité :
Corollaire 41. Soient E, F deux espaces vectoriels de même dimension finie et f
f End E ). Alors :
f est bijective
f est surjective
f est injective.
L E, F (par exemple si
2 Projecteurs et symétries
a)
Projecteurs
La notion de projecteur est fondamentale en géométrie, en analyse fonctionnelle ainsi qu’en statistique.
C’est un outil qui nous permet de mieux comprendre la structure d’un endomorphisme.
Définition. Soit E un
tel que p p p.
-espace vectoriel. Un projecteur (ou idempotent) de E est un endomorphisme p de E
Théorème 42 (Propriétés des projecteurs). Soit E un
(a) Si p
End E est un projecteur, alors :
-espace vectoriel.
CHAPITRE IV. APPLICATIONS LINÉAIRES
(i) IdE
p est un projecteur.
(ii) Im p
Ker IdE
p .
(iii) Ker p
Im IdE
p .
(b) Soit p
29
End E . Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) p est un projecteur de E.
(ii) IdE
(iii) E
p est un projecteur de E.
Ker IdE
Ker p
p .
Démonstration.
(a)
(i) Soit p
End E un projecteur. Alors IdE
IdE
p
2
IdE
(ii) Si x Ker IdE p , alors p x
tel que p y
x, donc x p y
IdE
p
p
End E par la Proposition 35(c). De plus,
IdE 2p
p
p2
IdE 2p
x, d’où x Im p . Réciproquement, si x
p2 y
p x , d’où x Ker IdE p .
(iii) s’obtient par le (i) et en échangeant les rôles de p et IdE
x
p x
Ker f
p x
Im f ,
car p x
IdE
p.
Im p , il existe y
E
p dans le (ii).
(b) L’équivalence entre (i) et (ii) se déduit du (a). Montrons l’implication (i)
Ker f
Im f
E. Réciproquement, si x E,
x
p
p x
(iii) : on a clairement que
p x
p2 x
0E ,
d’où E
Ker f
Im f par double inclusion. Ensuite, la somme Ker f
Im f est directe : si x
Ker f
Im f , il existe y E tel que p y
x. Mais p x
0E , donc 0E p x
p2 y
p y
x. On
a donc E Ker p
Im p , et le résultat se déduit du (a)(ii).
Montrons l’implication (iii)
(i) : soit x E. Il existe alors y Ker p et z Ker IdE p (uniques)
tels que x y z. Par conséquent, p z
z, p x
p y z
p z
z, et p2 x
p z
z
p x .
L’endomorphisme p est donc un projecteur de E.
Comme nous allons voir maintenant, la notion de projecteur est fortement liée à celle de projection.
Définition. Soient E un -espace vectoriel et F, G deux sous-espaces vectoriels de E tels que E
F G.
On rappelle que tout x E s’écrit de façon unique sous la forme x y z, avec y F et z G. L’application
pF : E
E
s’appelle projection sur F parallèlement à G (ou projection de base F et de direction G).
x y z
y
De même, l’application
pG : E
x
y
z
E
z
s’appelle projection sur G parallèlement à F.
Le théorème suivant caractérise les projecteurs de E.
Théorème 43 (Propriétés de projections). Soit E un
-espace vectoriel.
(a) Soient F, G deux sous-espaces vectoriels de E tels que E
F
G.
CHAPITRE IV. APPLICATIONS LINÉAIRES
30
(i) La projection p F sur F parallèlement à G est un endomorphisme de E, et est un projecteur.
(ii) Im p F
F, Ker p F
G, E
Im p F
Ker p F , p F
pG
IdE , et p F
pG
pG
0.
pF
(b) Soit p un projecteur de E. Alors p est la projection sur Im p parallèlement à Ker p .
Démonstration.
(a)
(i) Soient x, x
E. Alors il existe y, y
F, z, z
ax x
y y
z z , donc p F x x
G
F
λz , donc p F λx
λy
G uniques tels que x
y z et x
y
y y
pF x
p F x . De plus, si λ
λp F x , et p F est un endomorphisme. C’est un projecteur :
λy
G
F
on a p x
y
0E , donc p2 x
y
y
z avec y
F, z
G, alors p F x
x
p x pour tout x
y
E, d’où p2
p.
y, et
Ker p F
d’où Ker p F
G. De plus, Im p F
et du Théorème 42(b).
Puisque x y
x E, d’où p F
p y
G
F
(ii) Si x
z, p F x
y et pG x
pG IdE .
Enfin, comme Im pG
G et Ker pG
pG p F x
pG y
0E , d’où pG p F
rôles de F et G.
y
pF x
y
0E
y
x
F
z, il suit que x
G,
F. La somme directe se déduit du (i)
pF x
pG x
pF
pG x pour tout
F, si x
y z avec y
Im p et z
Ker p , alors
0. La relation p F pG
0 se déduit en échangeant les
(b) D’après le Théorème 42, on a E
Im p
Ker p . Si x
y
p x
p y
y (car il existe w E tel que p w
y donc p y
la projection sur Im p parallèlement à Ker p .
b)
z . On
, λx
z avec y Im p et z Ker p , on a
p2 w
p w
y), de sorte que p est
Symétries
Définition. Soit E un
tel que s s IdE .
-espace vectoriel. Une symétrie (ou involution) de E est un endomorphisme s de E
Remarque. Il est clair que toute symétrie d’un espace vectoriel est un automorphisme (on a s
1
Théorème 44 (Propriétés des symétries). Soit s un endomorphisme d’un -espace vectoriel (où
corps commutatif de caractéristique différente de 2). Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) s est une symétrie de E.
(b) E
Ker s
(c) s
2p
Démonstration.
IdE
Ker s
IdE .
IdE , où p est un projecteur de E.
s).
est un
CHAPITRE IV. APPLICATIONS LINÉAIRES
(a)
(b) : soit x
Par conséquent,
1
2
E. Alors s
x
31
1
2
s x
s x
1
2
x
s x , d’où
x
1
2
x
s x
1
1
x s x
x s x
Ker s IdE
Ker s IdE .
2
2
Ker s IdE
Ker s IdE . La somme est directe : si x Ker s
x et s x
x, d’où x 0E .
Ker s
IdE .
Ker s
IdE ,
x
Il vient que E
alors on a s x
(b)
s y
(a) : soit x E. Alors il existe y
y et s z
z. Donc s x
y
Ker s
(c) : si s
1
2
End E , posons p
p2
y
z,
IdE . Alors
s
1 2
s
4
p
IdE et z Ker s IdE (uniques) tels que x
z , d’où s2 x
y
z
x, et s2 IdE .
Ker s IdE
Ker s IdE
(a)
IdE
2s
1
s
2
IdE
s2
IdE
IdE .
Comme pour les projecteurs, la notion de symétrie peut être caractérisée géométriquement.
Définition. Soient E un -espace vectoriel et F, G deux sous-espaces vectoriels de E tels que E
F
G. Tout x
E s’écrit de façon unique sous la forme x
y z, avec y
F et z
G. L’application
sF : E
E
s’appelle symétrie par rapport à F parallèlement à G (ou symétrie de base F et de direcx y z
y z
tion G).
Le théorème suivant caractérise les symétries de E.
Théorème 45 (Propriétés des symétries). Soit E un
-espace vectoriel.
(a) Soient F, G deux sous-espaces vectoriels de E tels que E
F
G.
(i) La symétrie s F par rapport à F parallèlement à G est un endomorphisme de E, et est une symétrie.
IdE
(ii) Ker s F
F, Ker s F
IdE
G, et s F
pF
2p F
pG
IdE
IdE 2pG .
IdE parallèlement à Ker s F
(b) Soit s une symétrie de E. Alors s est la symétrie par rapport à Ker s F
IdE .
Démonstration.
(a)
(i) Soit x
d’où
E. On a x
s2F
(ii) Soit x
y
F et z
G (uniques), et s F x
IdE .
E. Écrivons x
x
Donc x
z, avec y
Ker s F
Enfin s F x
sF
y
pF
y
Ker s F
IdE
z
sF
(b) Soit x E Ker s IdE
Ker s
Alors s y
y, s z
z, et s x
parallèlement à Ker s F IdE .
F et z
IdE
0E
z
pF x
pG
z, où y
pF
sF x
y
pF
IdE
z
F
G
y
z
x,
G. Alors
x
pG x
y
pF
x
F, et x
y
z
Ker s F
pG x pour tout x
2p F
IdE
IdE
y
IdE
z
y
0E
E, d’où s F
pF
pG
pG
x
z
G.
pG , et
IdE 2pG .
IdE , et soient y Ker s IdE et z Ker s IdE tels que x y z.
y z. Il suit que s est bien la symétrie par rapport à Ker s F IdE
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