La perspective cree une distance entre l’homme et les choses, mais elle abolit en retour cette distance,
en faisant entrer jusque dans l’œil humain les choses dont l’existence autonome existait face a l’homme.
Elle est a la fois distance et integration ; elle est rationalisation du monde, mais aussi vision subjective.
Elle ramene l’art a des regles stables, mais decidees par l’individu meme, car elles sont liees aux
conditions psychophysiologiques et au point de vue subjectif.
La perspective est double : elle est autant un triomphe du reel, de l’objectivite que comme un triomphe
du desir de puissance, de l’elargissement de la sphere du Moi. Elle mathematise l’espace visuel, mais
c’est precisement l’espace visuel qu’elle mathematise.
La perspective joue donc avec les points de vue, et nous pouvon sen distinguer trois : l’espace en
hauteur (hochraum), l’espace proche (nahraum) et l’espace oblique (schragraum). L’espace figuratif
moderne, par son arbitraire dans le choix de la direction et de l’eloignement marque de son sceau
l’espace theorique moderne et son indifference a l’egard de ce meme choix. Cet arbitraire correspond
parfaitement a l’evolution de la perspective, qui, avec Desargues, s’est transformee en une geometrie
projective generale, en faisant aussi (grace au changement du cone visuel ent faisceau geometrique de
rayons multilateraux) totalement abstraction de l adirection du regard en ouvrant ainsi toutes les
directions de l’espace uniformement.
La perspective donne une nouvelle dimension a l’art religieux ; elle lui permet de toucher une nouvelle
region, celle du visionnaire, ou le miracle devient alors l’experience vecue du spectateur, le penetrant de
leur surnaturalite par cette irruption meme.
Le plan centre a la renaissance
Le plan basilical etant trop proche de la loi humaine, il a fallu a la renaissance trouver une forme
nouvelle pour porter la spiritualite. Les architectes de la renaissance baignent dans les pensees
platoniciennes et neoplatonicennes, notamment diffusees par Plotin. La perspective et l’etude de la
geometrie permet d’edifier des eglises dont les rapports, la precision, la purete concourrent a evoquer
la presence d’un Dieu qui a ordonne l’univers suivant d’immuables lois mathematiques, et cree un
monde uniforme et proportionne, dont l’harmonie et la mesurese refletent dans le temple lui-
meme.,Vitruve dit, dans son troisieme livre, que les temples doivent refleter la figure humaine, et que
« un homme harmonieusement bati, bras et jambes ecartees, tient dans les deux formes geometriques
les plus parfaites : le cercle et le carre.
Nicolas de Cues explique que les mathematiques sont le vehicule necessaire pour acceder a la
connaissance de Dieu. Il represente Dieu comme a la fois la moins tangible et la plus parfaite des formes
geometriques ; le centre et la circonference du cecle ; car dans le cercle infini de la sphere, le centre, le
diametre et la circonference sont identiques.