La fin de l’étranger ?
Mondialisation et pensée juive
Sous la direction
de Shmuel Trigano
Publié avec le concours du Centre National du Livre
Pardès 52
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Pardès n° 52 5
Sommaire
Étrangers et résidents
Shmuel Trigano .............................. 7
Fin de létranger ?
Introduction
Le « chez-soi » en question
Shmuel Trigano .............................. 11
Les périls de l’asymétrie : l’étranger est-il soluble
dans l’immigré ?
Anne Gotman ............................... 15
Un monde sans frontières ?
Pierre Manent ............................... 17
Que devient l’altérité ?
Jean-Pierre Lebrun ........................... 43
La patrie peut-elle être virtuelle ?
Valérie Foucher-Dufoix, Stéphane Dufoix .......... 57
L’homme versus le citoyen
Shmuel Trigano .............................. 77
Faut-il instaurer la citoyenneté-résidence ?
Dominique Schnapper ......................... 83
Létranger dans le judaïsme
Introduction
L’étranger, un critère de la double définition du judaïsme
Shmuel Trigano .............................. 93
La logique de l’étranger dans le judaïsme :
l’étranger biblique, une figure de l’autre ?
Shmuel Trigano .............................. 95
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Le statut juridique de l’étranger – droit hébraïque
et droit de l’homme
Michael Wygoda ............................. 105
Les figures de l’étranger dans la Bible, le Talmud
et la Halakha
Michaël Benadmon ........................... 115
Et vous aimerez l’étranger. Le Guèr, une catégorie
ambivalente
Zvi Zohar .................................. 145
Le Récit de l’Égaré
Michel Attali ................................ 185
Les lois de Noé
Introduction
Loi et identité : questions
Shmuel Trigano .............................. 201
Loi naturelle et loi divine dans la pensée de Maïmonide
Benjamin Gross ............................. 205
Les lois noahides : une mini-Torah pré-sinaïtique
pour l’humanité et pour Israël
Liliane Vana ................................ 211
Quelle est la finalité de la loi de Noé ?
Shmuel Trigano .............................. 237
Les lois de Noé : le Particulier dans l’Universel
Michel Attali ................................ 243
Ouvertures et débats
La Torah sortira du signifiant.
Un entretien avec Pierre Israël Trigano
Propos recueillis par Ariane Callot ............... 251
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Pardès n° 52 145
Et vous aimerez létranger
Le Guèr, une catégorie ambivalente
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La c a t é g o r i e d e lé t r a n g e r et le comportement qui convient à son
égard prennent dans la Torah une place sensible et suscitent égale-
ment lintérêt des dacteurs des livres des Prophètes et des Hagiographes,
fût-ce dans une moindre mesure 1. Les spécialistes de l’époque biblique sont
partagés quant à la finition du guèr dans chacun des versets il apparaît,
et je nai pas lintention de débattre ici du sens de ce terme à chacune de
ses occurrences successives. Je voudrais me pencher tout dabord sur le
discours de la Torah concernant lattitude souhaitable et la sollicitude
dont il nous appartient de faire preuve à légard du guèr, et élucider cette
question : comment le sens de ces paroles au plan de linterprétation
littérale du Texte, le pshat, peut-il saccorder aux commentaires des Sages
du Talmud (’Hazal), qui voient dans le guèr un homme quittant sa religion
dorigine pour devenir juif ?
À cette fin, je traiterai des versets étiologiques de ceux donc qui
précisent les causes du rapport positif particulier que les enfants des
tribus dIsraël [ou Israélites] doivent nourrir envers les étrangers. Ce
faisant, j’analyserai les signes distinctifs majeurs du guèr dans ces versets
et ailleurs dans le Tanakh, avant dexaminer cette question : quel est
aujourdhui en Israël le groupe de population qui répond le mieux à ces
signes distinctifs ?
signification dU mot guèr
dans les versets étiologiqUes
Dans la Torah, quatre versets expliquent pourquoi il appartient à ceux
qui sinscrivent au sein du peuple d’Israël de se montrer affables envers
les étrangers 2 :
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Svi Zohar
Tu naccableras pas létranger, tu ne lopprimeras pas, car tu fus étranger
en terre d’Égypte. (Ex 22 : 20)
Tu nopprimeras pas létranger, car vous savez ce quil ressent vous qui
avez été étrangers en terre dÉgypte. (Ex 23 : 9)
Il sera pour vous comme l’un des vôtres, l’étranger qui habite avec vous,
et tu laimeras comme toi-me, car vous avez été étrangers en terre
dÉgypte. Moi YHVH, votre Dieu. (Lv 19 : 34)
Aimez létranger, vous qui avez été étrangers en terre dÉgypte.
(Dt 10:19).
Les exigences posées dans ces versets ne sont pas équivalentes selon
quil s’agit du riche, de l’opprimé, ou de celui que l’on chérit. La justifica-
tion, cependant, est la même, « car vous fûtes étrangers en terre dÉgypte ».
Et le sens de ces paroles, au premier degré, est semblable à celui des
mots suivants : « Ce qui t’est odieux, tu ne le feras pas à ton prochain. »
En Égypte, le peuple dIsraël fit lexpérience de la condition d’étranger.
Il formait un groupe étranger, isolé et affaibli lorsquil fut confronà
loppression, lanéantissement et la haine. Aujourdhui, dans son pays, un
renversement de situation sest produit : le peuple d’Israël jouit dun statut
souverain, comme autrefois les Égyptiens ; et ce sont les étrangers, isos
et affaiblis, qui se trouvent en son pouvoir 3. Le texte biblique demande
de considérer les épreuves traversées en Égypte par les enfants d’Israël
comme le ressort de lexigence posée au peuple dIsraël de ne pas se
comporter, de nos jours, envers les étrangers vivant à ses côtés comme les
Égyptiens, autrefois, à légard des Israélites ; et de ne pas les traiter mal
mais, au contraire, en égaux et même en amis.
Ces versets supposent, en quelque sorte, une symétrie. La guérouth, la
condition étranre du peuple d’Israël en terre d’Égypte est comparable à
celle des étrangers vivant à présent au milieu du peuple dIsraël 4. Mais il
ne sagit plus de symétrie (« nous le fûmes ») dans le cas des guérei-Tsédeq,
ceux qui se sont joints au peuple dIsraël et à lAlliance du Sinaï, et veulent
sintégrer dans le sein d’Isrl. Après tout, les enfants dIsraël en Égypte
ne sadjoignirent pas au peuple égyptien et ne tentèrent pas de se fondre
en lui. Bien au contraire, selon les Textes [biblique et talmudiques], jamais
les Égyptiens ni les Israélites ne gommèrent les différences manifestes
entre les deux populations 5. Ceux qui prétendirent appliquer ces versets
aux guérei-Tsédeq [les convertis au judaïsme] durent, de deux options
alternatives, en choisir une afin de résoudre le problème dinterprétation
suscité par la symétrie biblique.
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