Un cri perça le ciel le lendemain matin, à une centaine de lieues du château du roi d'Angleterre : « Le roi est mort ! Louis de Galles est mort ! » C'était la voix de la servante de Louis de Galles. « Qu’allons-nous devenir, ma reine ? » « Un peu de sang de sang froid. Que diable ! Je reste persuadé qu'un preux chevalier va venir sauver l'honneur de notre château, dit la reine. Mais dans le fond, elle savait bien qu'elle n'allait guère être sauvé. Le matin s'était levé depuis plusieurs heures lorsque Lancelot se rendit au banquet de Pâques tenu par le Roi Arthur. L'armure luisante sous le soleil Anglais, chose plutôt rare à cette époque de l'année, il s'avançait lentement vers le château du Roi, sur son fidèle destrier. Une fois arrivé à destination, le chevalier prit place parmi un groupe de damoiseaux et de chevaliers dans une discussion si intéressante qu'ils ne virent point arriver Lancelot Le Guerrier : « Quel banquet, n'est-ce pas ? » Chevaliers et demoiselles furent tous pris de surprise, tous à l'exception de Messire Ké, le sénéchal et sans doute l'homme le plus froid de toute la cour. « Hé bien je vois que vous n'avez pu vous abstenir ? Un vaniteux comme vous doit penser qu'il est supérieur pour atteindre un banquet comme celui-ci, de sorte qu'il ne pense trouver guère d'amusement parmi tous ces courtisans ? Peutêtre étiez-vous ironique, tout à l'heure, lorsque vous appeliez ceci un banquet. Vous vouliez sûrement dire « Une fête », comme disent ces vulgaires paysans ? » Lancelot était habitué à ce genre de remarque de la part du sénéchal, elles avaient cessé de l'abattre depuis bien longtemps. « Messire Ké, prévenez-moi lorsque vous aurez fini de vous moquer de tout ce qui diffère de vous et de votre langue venimeuse, de sorte que je puisse rendre part dans cette conversation qui semble tant vous captivez ». Lancelot le Guerrier prit place aux cotés de messire Yvain et Messire Gauvain. Celui-ci lui conta la conversation. « Hé bien Lancelot, nous parlions du frère de notre bon roi Arthur, Louis de Galles. Son château est assiégé depuis trois mois déjà. Le pire de tout ceci est que celui qui l'assiège n'est autre que le fils de Lucifer. Mais la reine du château sait que son mari va mourir d'un moment à l'autre à la suite d'une blessure mortelle, et elle a promis sa main à quiconque peut la sauver, elle et son château. Mais il n'y a âme qui vive qui puisse tuer un démon et vivre pour conter ses prouesses. » À ces mots, il vint une merveilleuse idée à l'esprit de Lancelot. * * Au même moment, Lancelot enfourcha son fidèle destrier, et partit au triple galop, en oubliant même de faire ses adieux. « Que dieu me protège car je ne me suis jamais battu contre aussi vile créature et je ne sais guère comment me tirer de cette sombre affaire. » Cette phrase en tête, il s'enfonça dans la forêt, afin d'éviter le chaud soleil d’été qui reposait dans le ciel. Il ralentit son pas affin d'admirer les merveilles de Mère Nature. Mais ce ne fut point une bonne idée car un javelot perça le calme de la forêt. Il vint s'abattre à quelques centimètres de là où se trouvait le cheval de Lancelot, et le destrier fut pris de peur. Si Lancelot ne s'était pas penché légèrement vers l'avant, il se serait fait empaler Comme une vulgaire bête sauvage. Le chevalier mit pied-àterre et tira son épée du fourreau. Il avança précautionneusement vers le centre du bois dans un énorme vacarme de métal que même un sourd aurait pu entendre. Un deuxième javelot le rata de peu et vint se planter dans l'arbre qui se dressait derrière lui. Le chevalier commençait à regretter d'avoir laissé sa monture attachée à un arbre. Mais il se ressaisit et dit d'une voix grave : « Qui OSE ? Qui est le responsable de ce crime ? » Un troisième javelot se planta à ses pieds. Lancelot l'ignora et adopta une voix plus douce : « Je ne te veux aucun mal. Montre-toi ! » Un enfant âgé d'une quinzaine d'années sortit d'un buisson dans un bruissement de feuilles et de branches. « Dans ce cas, abaisse ton arme. », dit le jeune homme. Lancelot obéit et interrogea : « Qui es-tu et que fais-tu ici ? » « Je me nomme Perceval, et j'habite dans le petit village à quelques lieux d'ici. J'étais en train de chasser lorsque j'ai entendu grand bruit qui me fit sursauter. Je vis briller au loin, et je vous pris pour un démon, mais je le regrette. Je n'avais vu que vous étiez un chevalier. Mais dites-moi, êtesvous bonne ou mauvaise créature ? » Lancelot répondit : « Je suis un homme, une créature créée par dieux. Je te laisse donc juger pour toi qui je suis. Mais je te donne quand même mon identité. Je me nomme Lancelot Le Guerrier, chevalier du roi Arthur. Je recherche le château de Louis de Galles. Sais-tu où je puis le trouver ? » Après plusieurs secondes d'hésitations, Perceval s'exclama : « Ma foi, non ! Mais peut être que les anciens du village le connaissent. ! Je t'y accompagne ! » Et tous deux s'engagèrent sous le chaud soleil anglais. Le village de Perceval était un petit village de campagne semblable aux autres. Mais dès que les villageois virent le chevalier, ils brandirent tous leur fourche en sa direction. « Que diable ! » s'indigna Perceval. « Abaissez vos fourches et vos faucilles ! Un peu de respect pour cet homme ! » Les villageois lui obéirent, tous à l’exception d'un villageois. Il était trapu, et son regard grave examinait Lancelot de tous côtés. « Peut-être ne m’as-tu pas entendu, Edouard ? », dit calmement Perceval. Le dénommé Edouard lui répondit : « Et pourquoi devrais-je baisser ma garde face à cet individu ? Qui me dit qu'il n'est point comme l'autre monstre à cornes qui a piétiné nos champs, il y a peu de temps ? » À ces mots, le visage de Lancelot s'illumina. «De quelle vile créature parles-tu donc avec autant de mépris ? », interrogea-t-il « Je ne connais son nom », dit Edouard. » Mais il nous a demandé si nous savions où trouver temps le château de Louis de Galles. « Et lui avez-vous répondu ? ». Lancelot devenait de plus en plus excité. « Nous y avons été contraint : Il a menacé d’égorger toutes les jeunes filles du village, et de réduire le village en cendre. » « Je suis à sa recherche depuis quelque temps déjà. Je suis conscient du danger qu'il représente, et je désire le faire retourner chez Lucifer. Mais cela, je ne pourrai le faire si vous ne m'indiquez où je puis trouver le château en question. Si vous m'aidez, je croirai vous devoir être reconnaissant de plus que de la vie. » Après ces paroles prononcées par Lancelot, le visage d'Edouard s'adoucit, et il baissa sa fourche. «Tu à l'air d'être un homme vaillant et bon ! Pour cette simple raison, je vais te répondre. Mais auparavant, promets de ne jamais plus piétiner nos champs, comme tu l’as fait en arrivant ici. » « Je le promets et je m'excuse profondément. Vous n'aurez plus à me reprocher cette faute. » Lancelot n'avait jamais pensé qu'il parlerait ainsi envers un simple paysan, mais il savait que s'il parlait, il ne pourrait pas connaître l'emplacement du château du roi Louis de Galles. « Bien ! maintenant je vais te dire où se trouve ce fameux château. Le plus court, d'ici, c'est de retraverser la forêt par laquelle tu es arrivé, et de retourner jusqu'à la mer. Tu trouveras le château après trois jours et trois nuits, si tu avances rapidement. Mais je te conseille de ne pas t'y aventurer. Ce démon avait l'air d'avoir de sales idées derrière la tête, » Édouard se tut. Après avoir fait ses adieux, Lancelot s'en alla vers la mer. Il n'avait plus de doutes : c'était bien le démon dont Yvain lui avait parlé. * Eléonore avait passé toute la journée à prier pour qu'un beau chevalier vienne la tirer des griffes de ce cruel massacre. La porte s'ouvrit et la servante entra dans la chambre de la reine. « Ma reine, je comprends que vous ne vouliez point vous livrer à l'ennemi, et je crois en vos idées. J'agrée à vos pensées en tout bien tout honneur. Mais ce n'est pas le cas des derniers survivants qui vous défendent jour et nuit. Nous mouront de faim et de soif, et notre armée n'est composé plus que de vingt chevaliers et une petite poignée d'archers. Je demeure persuadé que notre destin repose entre les mains de Dieux, mais pour le moment, nous ne pouvons rien faire d'autre que de nous rendre. Ma reine, la balle est dans votre camp. » À ces mots, elle quitta la pièce en refermant la porte dans un lourd fracas de métal. La reine savait qu'elle allait être contrainte de se rendre, mais avant de s'abattre de nouveau sur son lit, elle s'écria, « Qu'un miracle se produise, de sorte que je puisse survivre trois jours et trois nuits de plus ! ». Une fois recroquevillée sur son lit, elle fondit en larmes. * Lancelot commençait à brûler vif sous sa lourde armure. Il longea les côtes Galloise au triple galop, en admirant les vagues se fracassaient au pied des falaises. De temps à autre, il croisait un navire à l'horizon, ou d'autres fois, une charrette qui ne s’arrêtait pas pour le saluer. Le pas du chevalier s'accélérait à chaque mètre qu'il gagnait. Mais une question le troublait. Comment allait-il vaincre cette féroce créature ? Il ne s'était jamais battu contre aussi vil personnage. Cette pensée en tête, il accéléra son pas et se mit en route pour le château. En regardant loin devant, il pouvait apercevoir une faible lueur. C’était sans doute un incendie. Il s'arrêta au bord de la falaise, à l'entrée de la forêt. Le crépuscule l'avait gagné sans qu'il ne s'en aperçoive, ainsi que la fatigue. Il attela sa monture à un arbre, et s'endormit à quelques mètres de là. Lancelot se réveilla à l'aube le matin suivant, plein de crampes, à cause de l'armure qu'il n’avait pas pensé à ôter. C'était un bruit qui l’avait réveillé. Il s’approcha de là où provenait le bruit, à pas lent, de sorte qu’on ne pouvait le remarquer. L’épée à la main, Lancelot s’avança vers un groupe de chevaliers qui semblaient servir d’escorte à une charrette. « Halte là ! Qui va là ? » interrogea Lancelot. « Ami ! Baisse donc ton arme », s’exclama celui qui semblait maître du groupe. « Nous sommes en mission pour le Roi Louis de Galles. Ote-toi de notre chemin avant que nous devions te le faire comprendre par la violence. » Lancelot, surpris, ne dit mot. Mais après avoir laissé dériver son regard du visage du chevalier au tombeau qui reposait sur la charrette, la curiosité l’emplit. « Qui a le malheur de voir son sort se terminer dans tel endroit ? Pourquoi transportez vous ce corps avec autant d’attention ? » Le chevalier à la tête du cortège épia longuement Lancelot, puis lui dit : «Tu m’as l’air homme valable, et je ne te cacherai rien. Notre roi Louis de Galles est mort, il y a deux jours. Nous sommes assiégées depuis trois mois déjà, et le poids de la faim croule sous tous les chevaliers. Les plus vaillants et puissants d’entre nous avons subsisté à la fatigue et à la souffrance, mais le Roi lui, est décédé à la suite d’une blessure mortelle. La reine du château nous a chargés de transporter le corps de notre bon roi en un lieu sûr, au cimetière de Bredolique, à quelques kilomètres de la cour du Roi Arthur. Tu m’as l’air d’être bien. Accompagne-nous donc dans notre quête, si tu le veux bien. Tu seras dignement récompensé pour cela. » Lancelot désirait profondément les aider, mais il savait qu’il avait déjà perdu assez de temps avec ces chevaliers. « Je m’excuse profondément, mais je ne puis me joindre à vous. Je suis moi-même en quête d’une aventure particulière. » Il hésita un moment a avoué la vraie mission sur laquelle il s’était engagé, et se résigna à garder le silence. À ces mots, Lancelot salua les trois chevaliers et s’en alla en longeant de nouveaux les grèves. Maintenant que Lancelot avait appris que le Roi était décédé, il commençait à s’inquiéter. Comment allait-il vaincre ce démon qui faisait, grâce à l’aide de son armée, de la charpie de tout ce qui lui tombait sous la main. Mais il se ressaisit et savait qu’il devait se comporter comme le doit faire un chevalier. Après ce qui semblait être les trois plus longues heures de sa vie, Lancelot arriva au sommet d’une falaise qui surplombait le château qu’il rechargeait. Les incendies faisaient rage de tous côtés, les mâchicoulis était détruit par les projectiles envoyés par d’énormes trébuchets de bois et de baliste. Le spectacle aurait été considéré comme déplorable pour qui que soit, mais Lancelot lui, avait trouvé un atout à cette situation : il allait, après plusieurs années de répit, pouvoir combattre l’ennemi à nouveau. Il ajusta son heaume et tira son épée. Il avait dû se débarrasser de sa lance qui l’encombrait, mais cela lui était bien égale. Du moment qu’il pouvait combattre, il se sentirait heureux. La joie au cœur, Lancelot déferla la colline au triple galop et chargea, seul, dans la masse confuse d’ennemis et de cadavres. Lancelot fit son chemin jusqu’à la porte du château en tranchant quelques têtes, en assommant maints soldats grâce au revers de son épée, en éventrant de nombreux opposants qui tentaient de lui barrer la route… L’épaisse fumée noire dégagée par sa jument empêchait les assaillants de le poursuivre. Il s’avança vers la porte en évitant les quelques flèches qui essayèrent de le désarçonner, puis élimina les quelques soldats qui voulurent le tuer. Les dizaines de morts que Lancelot fit culbutèrent sur les anciens cadavres. La porte s’ouvrit comme par miracle dès que Lancelot l’atteint, comme si elle lui obéissait au doigt et à l’œil. Une fois qu’il fut dans l’enceinte, Les lourdes portes de chêne se refermèrent en un grincement terrible. Plusieurs écuyers lui prirent son cheval et des courtisans qui avaient subsisté le félicitèrent. Mais Lancelot ignora toutes les paroles de ces individus. Il avait le regard braqué sur une dame magnifique. Ses cheveux blonds lui tombaient jusqu’aux épaules. Son sourire s’étendait depuis le bas de son menton rond jusqu’à ses yeux bleu clair. Son nez, lui, était plutôt petit et légèrement retroussé, ce qui lui donnait un certain charme. Sa robe blanche, tout comme son visage, découvrait le haut de sa poitrine, et suivait la forme de son ventre maigrie par la faim. Elle semblait avoir été épargnée par le méfait de la faim. Ses jambes étaient recouvertes par sa robe, mais elle semblait aussi belle que tout le reste de son corps… « Qui es-tu chevalier ? Comment te nommes-tu ? Dieu t’envoie sans doute, car tu es l’homme que j’attends depuis plusieurs mois pour me sauver. Le ciel m’est favorable ! » dit-elle. « Je me nomme Lancelot le Guerrier, Chevalier du Roi Arthur. Je suis venu ici pour sauver votre château du siège qui le meurtrit de jour en jour. Je désire vous aider, douce et aimable reine, car c’est le titre que vous portez, n’est-ce pas. ? » La reine secoua ses longs cheveux bouclés dans le vent, puis répondit : « Oui, je suis la Reine de ce château. Mais je suis désolée de ne pouvoir te loger plus dignement que ce que tu ne mérites. J’ai observé tes exploits depuis ma chambre, et je peux te dire que tu es l’homme que tu es le meilleur combattant à l’épée que je n’ai jamais vue. Je t’aurais bien servi quelque mets dignes de toi, mais nous n’avons plus de quoi nourrir la garnison. Le mieux que je puisse t’offrir est une chambre et un morceau de pain. » Lancelot se moquait bien de ce qu’il devait manger, tant qu’il pouvait contempler le visage de la magnifique reine. Il la suivit jusqu’à la chambre qu’elle lui avait donnée, et rangea son épée tachée de sang dans son fourreau. Cette nuit-là, Lancelot ne dormit point. Le visage de Reine qu’il avait aperçu, il y a peu n’arrêtait pas d’emplir son esprit. Il l’aimait, il en était sûr. Il voulait tellement vivre sa vie avec la Reine Éléonore… Puis, une deuxième idée lui vint en tête. Avant d’avoir la main de sa bien-aimée, Lancelot devait d’abord vaincre la bête qui ravageait le château depuis trois mois… Il ne savait toujours pas comment il allait faire, mais il savait qu’il allait réussir… Le soleil se leva, et Lancelot se réveilla d’une nuit de sommeil fort rude. En regardant par la fenêtre, il aperçut les grèves, parsemées de cadavres et de cratères. Lancelot regarda longuement le soleil se lever, puis, quand la lumière rose vira au jaune, le chevalier s’habilla de son armure, et se coiffa de son heaume. L’épée dans son fourreau, il se dirigea vers le centre de la cour. Il fut surpris d’apercevoir que tous les chevaliers qui avaient survécus étaient rassemblés au centre de celle-ci. Lancelot n’eut pas le temps de demander, qu’un chevalier lui expliqua ce qui se passait. « Nous allons faire une sortie ! Il paraît qu’un nouveau est arrivé, et qu’il peut nous sauver, mais j’en doute ! Combien ont déjà essayé ? Je dis que ceci est simplement de la folie, et que cela va encore coûter de nombreuses vies. » Lancelot se tut. Il savait bien que le chevalier avait raison, mais il ne se laisserait point abattre par ses propos. Il courut vers l’étable et prit son destrier, puis sauta sur la selle, et s’en alla vers le groupe de chevaliers qui allaient sortir. Il sursauta lorsqu’il entendit les portes s’ouvrir et le clairon sonner. Lancelot se déchaîna comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Il se servit de son épée comme si elle était légère telle une baguette de bois. En faisant trois courbes parfaites, Lancelot parvint à trancher trois têtes, décapitées nettes du corps de ses victimes. Gare à quiconque se trouvait sur son chemin. Les ennemis avaient beau tenter de courir, ils se prenaient une épée dans le dos. Les ennemis qui chargeaient sur lui par-devant se retrouvaient avec l’échine brisée. Il ne pouvait se contrôler. Même les plus forts des guerriers qui triomphèrent contre les autres chevaliers de la reine durent se battre avec acharnement pour pouvoir s’en tirer sans subir de graves dommages. Les ennemis tombaient les uns après les autres, et le chaos régnait parmi les soldats du Démon. Lancelot poursuivait un ennemi et s’apprêtait à le décapiter lorsqu’une flèche lui transperça l’épaule gauche. Il tomba à la renverse et son cheval, prit de peur, s’enfuit loin du champ de bataille. Les fantassins ennemis se regroupèrent autour de Lancelot, leurs hallebardes sur la poitrine. Il se croyait mort à coup sûr, mais un miracle se produisit. Les trois chevaliers qu’il avait rencontrés sur les falaises en venant au château se jetèrent sur les hallebardiers, et les mirent en fuite. «Heureux de vous re… » s’écria un des chevaliers, mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase, que son corps se pencha et tomba dans un fracas de métal. Lancelot avisa : « ne restons pas ici ! L’endroit est malsain ! » Lancelot parvint à tuer un chevalier et lui voler son cheval. Les deux chevaliers et Lancelot le Guerrier poursuivirent ceux qui s’étaient enfuis en direction de la forêt. À peine eurent-il commencés à marcher qu’une flèche vint frôler son épaule gauche, et s’abattre dans le dos du chevalier devant lui. Lancelot entendit également un cri derrière lui, et se retourna pour voir l’autre chevalier se faire occire de trois flèches au visage. Il était seul de nouveau, et les cris avaient cessé. Mais Lancelot poursuivait toujours quelques chevaliers vers la forêt. Il se trouvait maintenant au cœur de celle-ci. Lancelot avançait tellement vite que les branches mortes lui griffaient le visage. Il arriva dans une clairière, mais quelle ne fut pas sa surprise de voir sur le sol de nombreux chevaliers portant l’emblème du château. Tout à coup, plusieurs archers bandèrent leur arc en sa direction. Il savait que s’il bougeait, il allait mourir. Il était en train de réfléchir à quelle décision prendre lorsqu’une voix rauque perça le silence. « Ne tirez pas ! » Un homme, si l’on peut le qualifier de telle sorte, se dressa au milieu de la clairière. La tête de la bête était ornée de deux longues cornes telles des stalactites. Ses yeux noirs dévoilaient une haine terrible qui se mêlait à des sourcils aussi touffues que le Maquis. Sa bouche, étroite, malgré les deux rangés de dents acérés comme des couteaux, s’étendait départ et d’autres de son visage musclé. Sa longue barbe, semblable a celle que portait son père, Lucifer, sur toutes les représentations Catholiques, recouvrait son menton crochu, ainsi que le début de son plexus, qui portait de nombreuses cicatrices. La lanière de son carquois passait en travers de son torse, un torse qui semblait aussi résistant que l’armure d’un valeureux guerrier. Il avait un arc bandé dans ses mains puissantes, qui semblaient tirer sur la corde de boyaux avec une facilité qui tenait du surnaturel. Sa taille était entourée d’une ceinture de cuire, et soutenait une longue épée, dont le manche était incrusté de pierreries, brillante comme le St Graal. Ses cuisses, dures comme des plaques de fer, se terminaient en deux grossiers tibias, eux aussi nouvellement écorchés, sans doute à l’insu de la bataille. Ses sabots semblaient avoir été taillé directement dans un bloc de granite brut. Lancelot n’avait jamais vu un spectacle aussi impressionnant, mais à la fois aussi atroce. Lancelot n’avait jamais imaginé une telle créature, même dans ses pires rêves. Il resta bouche bée devant ce spectacle étonnant. Même s’il avait voulu se comporter en lâche et fuir, il n’en aurait pas eu la possibilité, car son regard ne pouvait se détacher du visage de la bête. Soudain, la bête lui parla. Sa voix fit trembler toute la clairière : « Je pense que tu as plus qu’humilié mes hommes au combat ! Je ne voudrais tout de même pas tu sorte intact de cet bataille. Je n’ai rien d’autre à faire que te tuer !» À ces mots, Lancelot se crut mort, mais la créature arrêta son épée au niveau avec du crâne du chevalier, maintenant à découvert car délesté de son heaume d’argent et d’or. « Je ne peux point te laisser mourir ainsi ! Tu vas au moins te défendre, pour connaître la triste fin d’un chevalier. » Lancelot ne savait que dire. Il ne fit rien d’autre que de prendre la lance que lui tendit un des soldats. Il monta sur son cheval et la brandit dans sa main droite. Il couvrit de son écu son visage et la majeure partie de son corps. Soudain, il pensa à sa mort prochaine. S’il mourait, il ne reverrait plus Eléonore. Cette idée lui rendit courage, et il se redressa. Lancelot agrippa sa monture entre ses genoux, et s’apprêta à charger. Sans prévenir, la bête avait pris de l’élan, et le chevalier avait suivi son mouvement. Ils foncèrent tous deux l’un vers l’autre, en dégageant un énorme nuage de poussière. Juste avant le choc, Lancelot avait légèrement levé sa lance, et celle-ci frôla le haut du bouclier de son adversaire, et vint le frapper en plaine poitrine. Déséquilibré, le Minotaure tangua sur le côté et tomba. Son torse saignait, mais il ne semblait pas souffrir. La Bête se releva, et Lancelot sauta de son cheval. Le Minotaure ramassa son épée et son écu, et les deux combattants s’affrontèrent au corps à corps. Les épées ne cessaient de se frapper les unes contre les autres. Les deux adversaires savaient bien que le combat ne cesserait qu’à la mort d’un deux combattants. Les écus volaient, les armures se déchiquetaient. Parfois, Lancelot pensait avoir le dessus, mais le Minotaure regagnait des forces et reprenait le combat. Une fois que les écus furent détruits, les deux les jetèrent au sol. La sueur dégoulinait sur le visage des deux combattants. Les lanières qui tenaient l’armure de Lancelot avaient cédé sous un coup d’épée du Minotaure. Une fois, Lancelot envoya un coup d’épée tellement violent en direction du Minotaure, que celui-ci dut faire plusieurs mètres en arrière afin de l’éviter… Après une demi-heure de combat acharné, Lancelot en eut assez, et décida d’en finir. Il administra le coup d’épée le plus violent que le monde ait jamais vu, et la tête du Minotaure vola à plusieurs mètres dans les airs. Le corps décapité s’abattit sur le sol. Une mare de sang se trouvait par terre, là où devait reposer la tête de la bête. Lancelot examina longuement son cadavre, sans faire attention à toutes les arbalètes braquées sur lui. Il s’apprêta à regagner son palefroi lorsqu’un carreau se planta dans son épaule droite. Il avait désormais les deux bras paralysés. Il se savait mort. Mais ce jour-là, Dieu était de son côté. Une cinquantaine de chevaux, certains portant l’emblème du roi Arthur, d’autres celui de Louis de Galles, surgirent de tous côtés. Dans un effort surhumain, Lancelot se releva et attrapa son épée de ses mains ensanglantées. Il vit quelques chevaliers fondre sur les archers et arbalétriers. Il se joint au combat, mais cette fois, il ne put faire preuve d’autant de bravoure que précédemment. Chaque coup d’épée qu’il donnait le faisait souffrir terriblement. Avant de s’évanouir, Lancelot aperçu la silhouette d’Yvain et de Calogranant en train de tuer un archer anglais… Lorsqu’il se réveilla, Lancelot était dans une chambre. Ses deux bras ne pouvaient toujours pas bouger, mais il se sentait bien mieux que plusieurs heures au paravent. « Bien le bonjour, Lancelot ! » C’était la douce voix d’Eléonore. « Vous sentez-vous mieux aujourd’hui ? » Lancelot ne répondit rien. Le simple fait qu’il soit avec elle le rassurait… * Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis le mariage de Lancelot et Eléonore. Lancelot portait désormais le titre de Roi Lancelot de Galles. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir, sauf la voix de sa femme, peut-être. Ils étaient désormais mari et femme, sans doute jusqu’à la fin de leur vie… FIN