Le matin s`était levé depuis plusieurs heures lorsque Lancelot se

Le matin s'était levé depuis plusieurs heures lorsque
Lancelot se rendit au banquet de Pâques tenu par le Roi
Arthur. L'armure luisante sous le soleil Anglais, chose plutôt
rare à cette époque de l'année, il s'avançait lentement vers le
château du Roi, sur son fidèle destrier. Une fois arrivé à
destination, le chevalier prit place parmi un groupe de
damoiseaux et de chevaliers dans une discussion si
intéressante qu'ils ne virent point arriver Lancelot Le
Guerrier :
« Quel banquet, n'est-ce pas ? » Chevaliers et demoiselles
furent tous pris de surprise, tous à l'exception de Messire Ké,
le sénéchal et sans doute l'homme le plus froid de toute la cour.
« Hé bien je vois que vous n'avez pu vous abstenir ? Un
vaniteux comme vous doit penser qu'il est supérieur pour
atteindre un banquet comme celui-ci, de sorte qu'il ne pense
trouver guère d'amusement parmi tous ces courtisans ? Peut-
être étiez-vous ironique, tout à l'heure, lorsque vous appeliez
ceci un banquet. Vous vouliez sûrement dire « Une fête »,
comme disent ces vulgaires paysans ? »
Lancelot était habitué à ce genre de remarque de la
part du sénéchal, elles avaient cessé de l'abattre depuis bien
longtemps.
« Messire Ké, prévenez-moi lorsque vous aurez fini de vous
moquer de tout ce qui diffère de vous et de votre langue
venimeuse, de sorte que je puisse rendre part dans cette
conversation qui semble tant vous captivez ».
Lancelot le Guerrier prit place aux cotés de
messire Yvain et Messire Gauvain. Celui-ci lui conta la
conversation.
« Hé bien Lancelot, nous parlions du frère de notre bon roi
Arthur, Louis de Galles. Son château est assiégé depuis trois
mois déjà. Le pire de tout ceci est que celui qui l'assiège n'est
autre que le fils de
Lucifer. Mais la reine du château sait que son mari va mourir
d'un moment à l'autre à la suite d'une blessure mortelle, et
elle a promis sa main à quiconque peut la sauver, elle et son
château. Mais il n'y a âme qui vive qui puisse tuer un démon
et vivre pour conter ses prouesses. »
À ces mots, il vint une merveilleuse idée à l'esprit de Lancelot.
*
Un cri perça le ciel le lendemain matin, à une
centaine de lieues du château du roi d'Angleterre :
« Le roi est mort ! Louis de Galles est mort ! » C'était la voix
de la servante de Louis de Galles.
« Qu’allons-nous devenir, ma reine ? »
« Un peu de sang de sang froid. Que diable ! Je reste
persuadé qu'un preux chevalier va venir sauver l'honneur de
notre château,
dit la reine.
Mais dans le fond, elle savait bien qu'elle n'allait guère être
sauvé.
*
Au même moment, Lancelot enfourcha son fidèle
destrier, et partit au triple galop, en oubliant même de faire ses
adieux.
« Que dieu me protège car je ne me suis jamais battu contre
aussi vile créature et je ne sais guère comment me tirer de cette
sombre affaire. »
Cette phrase en tête, il s'enfonça dans la forêt, afin d'éviter le
chaud soleil d’été qui reposait dans le ciel. Il ralentit son pas
affin d'admirer les merveilles de Mère Nature. Mais ce ne fut
point une bonne idée car un javelot perça le calme de la forêt.
Il vint s'abattre à quelques centimètres de là où se trouvait le
cheval de Lancelot, et le destrier fut pris de peur. Si Lancelot
ne s'était pas penché légèrement vers l'avant, il se serait fait
empaler
Comme une vulgaire bête sauvage. Le chevalier mit pied-à-
terre et tira son épée du fourreau. Il avança
précautionneusement vers le centre du bois dans un énorme
vacarme de métal que même un sourd aurait pu entendre. Un
deuxième javelot le rata de peu et vint se planter dans l'arbre
qui se dressait derrière lui. Le chevalier commençait à
regretter d'avoir laissé sa monture attachée à un arbre. Mais
il se ressaisit et dit d'une voix grave :
« Qui OSE ? Qui est le responsable de ce crime ? »
Un troisième javelot se planta à ses pieds. Lancelot l'ignora et
adopta une voix plus douce :
« Je ne te veux aucun mal. Montre-toi ! »
Un enfant âgé d'une quinzaine d'années sortit d'un buisson
dans un bruissement de feuilles et de branches.
« Dans ce cas, abaisse ton arme. », dit le jeune homme.
Lancelot obéit et interrogea :
« Qui es-tu et que fais-tu ici ? »
« Je me nomme Perceval, et j'habite dans le petit village à
quelques lieux d'ici. J'étais en train de chasser lorsque j'ai
entendu grand bruit qui me fit sursauter. Je vis briller au
loin, et je vous pris pour un démon, mais je le regrette. Je
n'avais vu que vous étiez un chevalier. Mais dites-moi, êtes-
vous bonne ou mauvaise créature ? »
Lancelot répondit :
« Je suis un homme, une créature créée par dieux. Je te
laisse donc juger pour toi qui je suis. Mais je te donne quand
même mon identité. Je me nomme Lancelot Le Guerrier,
chevalier du roi Arthur. Je recherche le château de Louis de
Galles. Sais-tu où je puis le trouver ? »
Après plusieurs secondes d'hésitations, Perceval s'exclama :
« Ma foi, non ! Mais peut être que les anciens du village le
connaissent. ! Je t'y accompagne ! »
Et tous deux s'engagèrent sous le chaud soleil anglais.
Le village de Perceval était un petit village de campagne
semblable aux autres. Mais dès que les villageois virent le
chevalier, ils brandirent tous leur fourche en sa direction.
« Que diable ! » s'indigna Perceval. « Abaissez vos fourches et
vos faucilles ! Un peu de respect pour cet homme ! » Les
villageois lui obéirent, tous à l’exception d'un villageois. Il
était trapu, et son regard grave examinait Lancelot de tous
côtés.
« Peut-être ne m’as-tu pas entendu, Edouard ? », dit
calmement Perceval.
Le dénommé Edouard lui répondit :
« Et pourquoi devrais-je baisser ma garde face à cet individu ?
Qui me dit qu'il n'est point comme l'autre monstre à cornes
qui a piétiné nos champs, il y a peu de temps ? »
À ces mots, le visage de Lancelot s'illumina.
«De quelle vile créature parles-tu donc avec autant de mépris ?
», interrogea-t-il
« Je ne connais son nom », dit Edouard. » Mais il nous a
demandé si nous savions où trouver temps le château de Louis
de Galles.
« Et lui avez-vous répondu ? ». Lancelot devenait de plus en
plus excité.
« Nous y avons été contraint : Il a menacé d’égorger toutes
les jeunes filles du village, et de réduire le village en cendre. »
« Je suis à sa recherche depuis quelque temps déjà. Je suis
conscient du danger qu'il représente, et je désire le faire
retourner chez Lucifer. Mais cela, je ne pourrai le faire si
vous ne m'indiquez où je puis trouver le château en question.
Si vous m'aidez, je croirai vous devoir être reconnaissant de
plus que de la vie. » Après ces paroles prononcées par
Lancelot, le visage d'Edouard s'adoucit, et il baissa sa
fourche.
«Tu à l'air d'être un homme vaillant et bon ! Pour cette simple
raison, je vais te répondre. Mais auparavant, promets de ne
jamais plus piétiner nos champs, comme tu l’as fait en arrivant
ici. »
« Je le promets et je m'excuse profondément. Vous n'aurez
plus à me reprocher cette faute. » Lancelot n'avait jamais pensé
qu'il parlerait ainsi envers un simple paysan, mais il savait
que s'il parlait, il ne pourrait pas connaître l'emplacement du
château du roi Louis de Galles.
« Bien ! maintenant je vais te dire où se trouve ce fameux
château. Le plus court, d'ici, c'est de retraverser la forêt par
laquelle tu es arrivé, et de retourner jusqu'à la mer. Tu
trouveras le château après trois jours et trois nuits, si tu
avances rapidement. Mais je te conseille de ne pas t'y
aventurer. Ce démon avait l'air d'avoir de sales idées derrière
la tête, » Édouard se tut.
Après avoir fait ses adieux, Lancelot s'en alla vers la mer. Il
n'avait plus de doutes : c'était bien le démon dont Yvain lui
avait parlé.
*
Eléonore avait passé toute la journée à prier pour qu'un beau
chevalier vienne la tirer des griffes de ce cruel massacre. La
porte s'ouvrit et la servante entra dans la chambre de la reine.
« Ma reine, je comprends que vous ne vouliez point vous
livrer à l'ennemi, et je crois en vos idées.
J'agrée à vos pensées en tout bien tout honneur. Mais ce n'est
pas le cas des derniers survivants qui vous défendent jour et
nuit. Nous mouront de faim et de soif, et notre armée n'est
composé plus que de vingt chevaliers et une petite poignée
d'archers. Je demeure persuadé que notre destin repose entre
les mains de Dieux, mais pour le moment, nous ne pouvons
rien faire d'autre que de nous rendre. Ma reine, la balle est
dans votre camp. »
À ces mots, elle quitta la pièce en refermant la
porte dans un lourd fracas de métal. La reine savait qu'elle
allait être contrainte de se rendre, mais avant de s'abattre de
nouveau sur son lit, elle s'écria, « Qu'un miracle se produise,
de sorte que je puisse survivre trois jours et trois nuits de
plus ! ». Une fois recroquevillée sur son lit, elle fondit en
larmes.
*
Lancelot commençait à brûler vif sous sa lourde armure. Il
longea les côtes Galloise au triple galop, en admirant les
vagues se fracassaient au pied des falaises. De temps à autre,
il croisait un navire à l'horizon, ou d'autres fois, une charrette
qui ne s’arrêtait pas pour le saluer.
Le pas du chevalier s'accélérait à chaque mètre qu'il gagnait.
Mais une question le troublait. Comment allait-il vaincre cette
féroce créature ? Il ne s'était jamais battu contre aussi vil
personnage.
Cette pensée en tête, il accéléra son pas et se mit en route pour
le château. En regardant loin devant, il pouvait apercevoir une
faible lueur. C’était sans doute un incendie. Il s'arrêta au
bord de la falaise, à l'entrée de la forêt. Le crépuscule l'avait
gagné sans qu'il ne s'en aperçoive, ainsi que la fatigue. Il
attela sa monture à un arbre, et s'endormit à quelques mètres
de là.
Lancelot se réveilla à l'aube le matin suivant, plein
de crampes, à cause de l'armure qu'il n’avait pas pensé à ôter.
C'était un bruit qui l’avait réveillé. Il s’approcha de là où
provenait le bruit, à pas lent, de sorte qu’on ne pouvait le
remarquer. L’épée à la main, Lancelot s’avança vers un
groupe de chevaliers qui semblaient servir d’escorte à une
charrette.
« Halte là ! Qui va là ? » interrogea Lancelot.
« Ami ! Baisse donc ton arme », s’exclama celui qui semblait
maître du groupe. « Nous sommes en mission pour le Roi
Louis de Galles. Ote-toi de notre chemin avant que nous
devions te le faire comprendre par la violence. »
Lancelot, surpris, ne dit mot. Mais après avoir laissé dériver
son regard du visage du chevalier au tombeau qui reposait sur
la charrette, la curiosité l’emplit.
« Qui a le malheur de voir son sort se terminer dans tel
endroit ? Pourquoi transportez vous ce corps avec autant
d’attention ? »
Le chevalier à la tête du cortège épia longuement Lancelot,
puis lui dit :
«Tu m’as l’air homme valable, et je ne te cacherai rien. Notre
roi Louis de Galles est mort, il y a deux jours. Nous sommes
assiégées depuis trois mois déjà, et le poids de la faim croule
sous tous les chevaliers. Les plus vaillants et puissants
d’entre nous avons subsisté à la fatigue et à la souffrance,
mais le Roi lui, est décédé à la suite d’une blessure mortelle.
La reine du château nous a chargés de transporter le corps de
notre bon roi en un lieu sûr, au cimetière de Bredolique, à
quelques kilomètres de la cour du Roi Arthur. Tu m’as l’air
d’être bien. Accompagne-nous donc dans notre quête, si tu le
veux bien. Tu seras dignement récompensé pour cela. »
Lancelot désirait profondément les aider, mais il savait qu’il
avait déjà perdu assez de temps avec ces chevaliers.
« Je m’excuse profondément, mais je ne puis me joindre à
vous. Je suis moi-même en quête d’une aventure
particulière. » Il hésita un moment a avoué la vraie mission
sur laquelle il s’était engagé, et se résigna à garder le silence.
À ces mots, Lancelot salua les trois chevaliers et s’en alla en
longeant de nouveaux les grèves.
Maintenant que Lancelot avait appris que le Roi était décédé,
il commençait à s’inquiéter. Comment allait-il vaincre ce
démon qui faisait, grâce à l’aide de son armée, de la charpie de
tout ce qui lui tombait sous la main. Mais il se ressaisit et
savait qu’il devait se comporter comme le doit faire un
chevalier.
Après ce qui semblait être les trois plus longues heures de sa
vie, Lancelot arriva au sommet d’une falaise qui surplombait
le château qu’il rechargeait. Les incendies faisaient rage de
tous côtés, les mâchicoulis était détruit par les projectiles
envoyés par d’énormes trébuchets de bois et de baliste. Le
spectacle aurait été considéré comme déplorable pour qui que
soit, mais Lancelot lui, avait trouvé un atout à cette situation :
il allait, après plusieurs années de répit, pouvoir combattre
l’ennemi à nouveau. Il ajusta son heaume et tira son épée. Il
avait dû se débarrasser de sa lance qui l’encombrait, mais cela
lui était bien égale. Du moment qu’il pouvait combattre, il se
sentirait heureux.
La joie au cœur, Lancelot déferla la colline au
triple galop et chargea, seul, dans la masse confuse d’ennemis
et de cadavres. Lancelot fit son chemin jusqu’à la porte du
château en tranchant quelques têtes, en assommant maints
soldats grâce au revers de son épée, en éventrant de nombreux
opposants qui tentaient de lui barrer la route… L’épaisse
fumée noire dégagée par sa jument empêchait les assaillants de
le poursuivre. Il s’avança vers la porte en évitant les quelques
flèches qui essayèrent de le désarçonner, puis élimina les
quelques soldats qui voulurent le tuer. Les dizaines de morts
que Lancelot fit culbutèrent sur les anciens cadavres. La porte
s’ouvrit comme par miracle dès que Lancelot l’atteint, comme
si elle lui obéissait au doigt et à l’œil.
Une fois qu’il fut dans l’enceinte, Les lourdes portes de chêne
se refermèrent en un grincement terrible. Plusieurs écuyers
lui prirent son cheval et des courtisans qui avaient subsisté le
félicitèrent. Mais Lancelot ignora toutes les paroles de ces
individus. Il avait le regard braqué sur une dame magnifique.
Ses cheveux blonds lui tombaient jusqu’aux épaules. Son
sourire s’étendait depuis le bas de son menton rond jusqu’à
ses yeux bleu clair. Son nez, lui, était plutôt petit et
légèrement retroussé, ce qui lui donnait un certain charme. Sa
robe blanche, tout comme son visage, découvrait le haut de sa
poitrine, et suivait la forme de son ventre maigrie par la faim.
Elle semblait avoir été épargnée par le méfait de la faim. Ses
jambes étaient recouvertes par sa robe, mais elle semblait
aussi belle que tout le reste de son corps…
« Qui es-tu chevalier ? Comment te nommes-tu ? Dieu t’envoie
sans doute, car tu es l’homme que j’attends depuis plusieurs
mois pour me sauver. Le ciel m’est favorable ! » dit-elle.
« Je me nomme Lancelot le Guerrier, Chevalier du Roi
Arthur. Je suis venu ici pour sauver votre château du siège
qui le meurtrit de jour en jour. Je désire vous aider, douce et
aimable reine, car c’est le titre que vous portez, n’est-ce
pas. ? »
La reine secoua ses longs cheveux bouclés dans le vent, puis
répondit :
« Oui, je suis la Reine de ce château. Mais je suis désolée de
ne pouvoir te loger plus dignement que ce que tu ne mérites.
J’ai observé tes exploits depuis ma chambre, et je peux te dire
que tu es l’homme que tu es le meilleur combattant à l’épée que
je n’ai jamais vue. Je t’aurais bien servi quelque mets dignes
de toi, mais nous n’avons plus de quoi nourrir la garnison. Le
mieux que je puisse t’offrir est une chambre et un morceau de
pain. » Lancelot se moquait bien de ce qu’il devait manger, tant
qu’il pouvait contempler le visage de la magnifique reine. Il la
suivit jusqu’à la chambre qu’elle lui avait donnée, et rangea
son épée tachée de sang dans son fourreau.
Cette nuit-là, Lancelot ne dormit point. Le visage de
Reine qu’il avait aperçu, il y a peu n’arrêtait pas d’emplir son
esprit. Il l’aimait, il en était sûr. Il voulait tellement vivre sa
vie avec la Reine Éléonore… Puis, une deuxième idée lui vint
en tête. Avant d’avoir la main de sa bien-aimée, Lancelot
devait d’abord vaincre la bête qui ravageait le château depuis
trois mois… Il ne savait toujours pas comment il allait faire,
mais il savait qu’il allait réussir…
Le soleil se leva, et Lancelot se réveilla d’une nuit de
sommeil fort rude. En regardant par la fenêtre, il aperçut les
grèves, parsemées de cadavres et de cratères. Lancelot regarda
longuement le soleil se lever, puis, quand la lumière rose vira
au jaune, le chevalier s’habilla de son armure, et se coiffa de
son heaume. L’épée dans son fourreau, il se dirigea vers le
centre de la cour. Il fut surpris d’apercevoir que tous les
chevaliers qui avaient survécus étaient rassemblés au centre de
celle-ci. Lancelot n’eut pas le temps de demander, qu’un
chevalier lui expliqua ce qui se passait.
« Nous allons faire une sortie ! Il paraît qu’un
nouveau est arrivé, et qu’il peut nous sauver, mais j’en doute !
Combien ont déjà essayé ? Je dis que ceci est simplement de la
folie, et que cela va encore coûter de nombreuses vies. »
Lancelot se tut. Il savait bien que le chevalier avait raison,
mais il ne se laisserait point abattre par ses propos. Il courut
vers l’étable et prit son destrier, puis sauta sur la selle, et s’en
alla vers le groupe de chevaliers qui allaient sortir. Il
sursauta lorsqu’il entendit les portes s’ouvrir et le clairon
sonner.
Lancelot se déchaîna comme jamais il ne l’avait fait
auparavant. Il se servit de son épée comme si elle était légère
telle une baguette de bois. En faisant trois courbes parfaites,
Lancelot parvint à trancher trois têtes, décapitées nettes du
corps de ses victimes. Gare à quiconque se trouvait sur son
chemin. Les ennemis avaient beau tenter de courir, ils se
prenaient une épée dans le dos. Les ennemis qui chargeaient
sur lui par-devant se retrouvaient avec l’échine brisée. Il ne
pouvait se contrôler. Même les plus forts des guerriers qui
triomphèrent contre les autres chevaliers de la reine durent se
battre avec acharnement pour pouvoir s’en tirer sans subir de
graves dommages.
Les ennemis tombaient les uns après les autres, et
le chaos régnait parmi les soldats du Démon. Lancelot
poursuivait un ennemi et s’apprêtait à le décapiter lorsqu’une
flèche lui transperça l’épaule gauche. Il tomba à la renverse et
son cheval, prit de peur, s’enfuit loin du champ de bataille. Les
fantassins ennemis se regroupèrent autour de Lancelot, leurs
hallebardes sur la poitrine. Il se croyait mort à coup sûr, mais
un miracle se produisit. Les trois chevaliers qu’il avait
rencontrés sur les falaises en venant au château se jetèrent sur
les hallebardiers, et les mirent en fuite.
«Heureux de vous re… » s’écria un des chevaliers, mais il
n’eut pas le temps de finir sa phrase, que son corps se pencha
et tomba dans un fracas de métal. Lancelot avisa : « ne restons
pas ici ! L’endroit est malsain ! » Lancelot parvint à tuer un
chevalier et lui voler son cheval. Les deux chevaliers et
Lancelot le Guerrier poursuivirent ceux qui s’étaient enfuis en
direction de la forêt. À peine eurent-il commencés à marcher
qu’une flèche vint frôler son épaule gauche, et s’abattre dans le
dos du chevalier devant lui. Lancelot entendit également un cri
derrière lui, et se retourna pour voir l’autre chevalier se faire
occire de trois flèches au visage.
Il était seul de nouveau, et les cris avaient cessé. Mais
Lancelot poursuivait toujours quelques chevaliers vers la
forêt. Il se trouvait maintenant au cœur de celle-ci. Lancelot
avançait tellement vite que les branches mortes lui griffaient le
visage. Il arriva dans une clairière, mais quelle ne fut pas sa
surprise de voir sur le sol de nombreux chevaliers portant
l’emblème du château. Tout à coup, plusieurs archers
bandèrent leur arc en sa direction. Il savait que s’il bougeait,
il allait mourir. Il était en train de réfléchir à quelle décision
prendre lorsqu’une voix rauque perça le silence.
« Ne tirez pas ! » Un homme, si l’on peut le
qualifier de telle sorte, se dressa au milieu de la clairière. La
tête de la bête était ornée de deux longues cornes telles des
stalactites. Ses yeux noirs dévoilaient une haine terrible qui
se mêlait à des sourcils aussi touffues que le Maquis. Sa
bouche, étroite, malgré les deux rangés de dents acérés comme
des couteaux, s’étendait départ et d’autres de son visage
musclé. Sa longue barbe, semblable a celle que portait son
père, Lucifer, sur toutes les représentations Catholiques,
recouvrait son menton crochu, ainsi que le début de son plexus,
qui portait de nombreuses cicatrices. La lanière de son
carquois passait en travers de son torse, un torse qui semblait
aussi résistant que l’armure d’un valeureux guerrier. Il avait
un arc bandé dans ses mains puissantes, qui semblaient tirer
sur la corde de boyaux avec une facilité qui tenait du
surnaturel. Sa taille était entourée d’une ceinture de cuire, et
soutenait une longue épée, dont le manche était incrusté de
pierreries, brillante comme le St Graal. Ses cuisses, dures
comme des plaques de fer, se terminaient en deux grossiers
tibias, eux aussi nouvellement écorchés, sans doute à l’insu de
la bataille. Ses sabots semblaient avoir été taillé directement
dans un bloc de granite brut.
Lancelot n’avait jamais vu un spectacle aussi
impressionnant, mais à la fois aussi atroce. Lancelot n’avait
jamais imaginé une telle créature, même dans ses pires rêves.
Il resta bouche bée devant ce spectacle étonnant. Même s’il
avait voulu se comporter en lâche et fuir, il n’en aurait pas eu
la possibilité, car son regard ne pouvait se détacher du visage
de la bête.
Soudain, la bête lui parla. Sa voix fit trembler
toute la clairière : « Je pense que tu as plus qu’humilié mes
hommes au combat ! Je ne voudrais tout de même pas tu sorte
intact de cet bataille. Je n’ai rien d’autre à faire que te tuer !»
À ces mots, Lancelot se crut mort, mais la créature
arrêta son épée au niveau avec du crâne du chevalier,
maintenant à découvert car délesté de son heaume d’argent et
d’or.
« Je ne peux point te laisser mourir ainsi ! Tu vas
au moins te défendre, pour connaître la triste fin d’un
chevalier. » Lancelot ne savait que dire. Il ne fit rien d’autre
que de prendre la lance que lui tendit un des soldats. Il monta
sur son cheval et la brandit dans sa main droite. Il couvrit de
son écu son visage et la majeure partie de son corps. Soudain,
il pensa à sa mort prochaine. S’il mourait, il ne reverrait plus
Eléonore. Cette idée lui rendit courage, et il se redressa.
Lancelot agrippa sa monture entre ses genoux, et
s’apprêta à charger. Sans prévenir, la bête avait pris de l’élan,
et le chevalier avait suivi son mouvement. Ils foncèrent tous
deux l’un vers l’autre, en dégageant un énorme nuage de
poussière. Juste avant le choc, Lancelot avait légèrement levé
sa lance, et celle-ci frôla le haut du bouclier de son adversaire,
et vint le frapper en plaine poitrine. Déséquilibré, le
Minotaure tangua sur le côté et tomba. Son torse saignait,
mais il ne semblait pas souffrir. La Bête se releva, et
Lancelot sauta de son cheval. Le Minotaure ramassa son épée
et son écu, et les deux combattants s’affrontèrent au corps à
corps. Les épées ne cessaient de se frapper les unes contre les
autres. Les deux adversaires savaient bien que le combat ne
cesserait qu’à la mort d’un deux combattants. Les écus
volaient, les armures se déchiquetaient. Parfois, Lancelot
pensait avoir le dessus, mais le Minotaure regagnait des
forces et reprenait le combat. Une fois que les écus furent
détruits, les deux les jetèrent au sol. La sueur dégoulinait
sur le visage des deux combattants. Les lanières qui tenaient
l’armure de Lancelot avaient cédé sous un coup d’épée du
Minotaure. Une fois, Lancelot envoya un coup d’épée
tellement violent en direction du Minotaure, que celui-ci dut
faire plusieurs mètres en arrière afin de l’éviter…
Après une demi-heure de combat acharné, Lancelot en
eut assez, et décida d’en finir. Il administra le coup d’épée le
plus violent que le monde ait jamais vu, et la tête du
Minotaure vola à plusieurs mètres dans les airs. Le corps
décapité s’abattit sur le sol. Une mare de sang se trouvait par
terre, là où devait reposer la tête de la bête. Lancelot examina
longuement son cadavre, sans faire attention à toutes les
arbalètes braquées sur lui. Il s’apprêta à regagner son
palefroi lorsqu’un carreau se planta dans son épaule droite. Il
avait désormais les deux bras paralysés. Il se savait mort.
Mais ce jour-là, Dieu était de son côté. Une cinquantaine de
chevaux, certains portant l’emblème du roi Arthur, d’autres
celui de Louis de Galles, surgirent de tous côtés.
Dans un effort surhumain, Lancelot se releva et
attrapa son épée de ses mains ensanglantées. Il vit quelques
chevaliers fondre sur les archers et arbalétriers. Il se joint au
combat, mais cette fois, il ne put faire preuve d’autant de
bravoure que précédemment. Chaque coup d’épée qu’il donnait
le faisait souffrir terriblement. Avant de s’évanouir, Lancelot
aperçu la silhouette d’Yvain et de Calogranant en train de tuer
un archer anglais…
Lorsqu’il se réveilla, Lancelot était dans une chambre.
Ses deux bras ne pouvaient toujours pas bouger, mais il se
sentait bien mieux que plusieurs heures au paravent.
« Bien le bonjour, Lancelot ! » C’était la douce voix
d’Eléonore. « Vous sentez-vous mieux aujourd’hui ? »
Lancelot ne répondit rien. Le simple fait qu’il soit avec elle le
rassurait…
*
Plusieurs jours s’étaient écoulés depuis le mariage
de Lancelot et Eléonore. Lancelot portait désormais le titre de
Roi Lancelot de Galles. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir,
sauf la voix de sa femme, peut-être. Ils étaient désormais
mari et femme, sans doute jusqu’à la fin de leur vie…
FIN
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