PIERRE LANCELOT Vice-amiral 1901-1957 Origines familiales Une

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PIERRE LANCELOT Vice-amiral 1901-1957
Origines familiales
Une belle lignée de Lancelot, Capitaines et Officiers de marine part de Julien Lancelot 17831851 et de son épouse Anne Talva, lesquels ont eu trois enfants avec postérité :
Jean-Baptiste Cap au Long Cours (CLC) 1832- Ar gd-père de l’amiral Pierre Lancelot
Julien Félix Cap au Long Cours 1826-1903 - Ar gd-père du capitaine de frégate Jean Mathurin
Lancelot sans postérité et de Elisée Marie Lancelot, père du médecin François Lancelot et du
professeur de droit Alain Lancelot.
Marie Anne Julie 1824-1898 Epouse de Julien Grégoire Lancelot - Ar gd-mère de Julien Joseph
Lancelot Cap au Long Cours, grand-père du Capitaine de Vaisseau François Codet, l’auteur de ce
texte extrait de son ouvrage : “Aperçus sur la passé maritime des familles Codet et Lancelot”
« Dans le remarquable travail qu’ils ont consacré à la biographie de l’amiral Lancelot, et publié
dans la Revue Historique des Armées, les historiens Jean de Préneuf et Philippe Vial mettent
l’accent sur l’aspect sinusoïdal du déroulement de sa brillante carrière. Celle-ci constitue une
illustration détaillée des choix difficiles auxquels ont été confrontés les marins français de
cette génération. Voici un résumé détaillé de ce document.
Un sous-marinier de toujours (1920-1940)
Né le 29 juillet 1901 à Nantes, Pierre Jean Lancelot est le fils d’un industriel. Entré à Navale en
1920, à une époque où une carrière dans la marine n’offre que des perspectives limitées, Lancelot
y acquiert une réputation de sujet doué, mais peu concentré, et aussi de joyeux drille. Après la
campagne d’application, il sert sur deux petits bâtiments de surface avant d’opter pour les sousmarins.
Il reçoit son brevet d’aptitude à la navigation sous-marine en décembre 1926, à l’issue d’un
embarquement sur le Marsouin. Il effectue plusieurs embarquements avant d’être nommé
officier en second du sous-marin océanique Fulton. Ce bâtiment quitte la métropole pour deux
campagnes en océan Indien, en 1932, qui préludent à un long séjour en Indochine, à la suite du
coup de force japonais à Shanghai. Deux années après, il est nommé commandant de l’Eurydice, à
Cherbourg. Il doit quitter ce commandement en mai 1935, sanctionné pour avoir pris des libertés
excessives avec le règlement, mais aussi désavoué en raison d’un mode de vie personnel jugé par
trop anticonformiste. Il est alors désigné comme officier de manœ uvre du Contre-Torpilleur
Guépard, qui participe aux opérations de surveillance des côtes espagnoles, de 1935 à 1937. En
1937 il est second du torpilleur Alcyon. Un an plus tard, rentré en grâce, il est nommé
commandant du sous-marin Diamant basé à Toulon.
D’un bord à l’autre (1940-1945)
Le 1er octobre 1939 il est nommé commandant de la 5ème Escadrille de sous-marins. En mai 1940,
il prend le commandement du Béveziers, qui reçoit l’ordre de quitter Brest le 1er juin pour
Casablanca. Le Béveziers fait partie des navires que l’on déplace, à la suite de l’attaque anglaise
sur Mers el-Kebir, afin de renforcer la protection des colonies. Parti pour Dakar le 4 juillet, il y
arrive le 9 au lendemain d’une attaque à la torpille qui a endommagé le Richelieu. Le Béveziers
quitte Dakar pour Douala, afin de notifier aux navires britanniques mouillés au large l’interdiction
d’approcher à moins de 20 milles des côtes. Arrivé le 1er août, et assez fraîchement accueilli par
la population locale, il en repart aussitôt pour Conakry, où il séjourne une dizaine de jours. Il
rejoint Dakar vers le 20 août et il s’y trouve en période d’entretien lorsque, le 23 septembre, une
force Anglo-Gaulliste, forte de deux cuirassés et de leur escorte, accompagnés de transports de
troupe, se présente pour investir le port. Face à elle, la Marine aligne le cuirassé Richelieu,
immobilisé, deux croiseurs légers de type Georges Leygues, cinq contre-torpilleurs et torpilleurs,
et trois sous-marins. Le Béveziers ne peut entrer en scène que le 24 septembre, et c’est aux
commandes d’un sous-marin aux capacités opérationnelles réduites, affublé d’une coque enduite
de minium, que PL entre dans l’arène le 24 au petit matin. Il se voit assigner un poste à 10 milles
au sud de l’île de Gorée. Malgré la brume il est repéré et sévèrement grenadé par des avions
anglais. Le lendemain, le temps est clair et la mer calme, et PL choisit de se tenir entre 20 et 30
mètres d’immersion ; ce jour-là, la chasse française parvient à repousser au large les avions
anglais. Avant d’appareiller Lancelot a mis au point, en concertation avec l’amiral Landriau et le
commandant du Richelieu, une idée de manœ uvre qui devrait lui permettre d’approcher de
la position habituelle du corps de bataille adverse. Posté à l’affût, il repère celui-ci le 26 à 8 h
07. A 9 h, se trouvant placé à 2500 mètres de la route du cuirassé Resolution, il lance une gerbe
de quatre torpilles. En 15 minutes, il subit cinq grenadages. Entre temps, une des torpilles
lancées a touché le Resolution sous la flottaison, noyant la chaufferie bâbord : le navire prend
rapidement une gîte de 12,5°. Au même moment le cuirassé Barham est touché par un obus du
Richelieu. Devant la pugnacité des Français le commandement britannique se voit alors contraint
de renoncer à l’opération prévue et de quitter les lieux. Le sous-marin Béveziers est cité à l’ordre
de l’Armée de mer le 10 octobre 1940 ; son commandant est promu capitaine de frégate, cent
jours à peine après sa promotion au grade de capitaine de corvette. Le 30 octobre le Béveziers
appareille pour Cotonou, puis rallie Toulon le 3 janvier 1941 pour être placé en position de
gardiennage. PL est alors nommé commandant de la Marine à Abidjan où sa tache consiste
essentiellement à organiser les mouvements de convois d’huile de palme, de bois et de cacao vers
la Métropole.
Pierre Lancelot rallie Dakar le 14 octobre 1942, et s’y trouve lorsque les Anglo-Américains
débarquent sur les côtes d’Afrique du Nord. Il quitte l’Afrique en mars 1943 ; selon Vial et
Préneuf “le réalisme militaire l’emporte donc sur les principes de ségrégation politique ”, car il
est promu au commandement du contre-torpilleur Le Terrible. Ce navire se trouve alors en cours
de modernisation à Boston, au titre d’accords signés par l’amiral Darlan, et rallie Alger le 15 août
1943, après un passage à Fort-de-France le 14 juillet pour y débarquer le nouveau HautCommissaire, le préfet Hoppenot. Le 14 août 1943, Le Fantasque et Le Terrible sont intégrés au
12e Cruiser Squadron de la Royal Navy. Le 11 septembre 1943, les deux navires sont rappelés en
urgence à Alger pour participer au débarquement en Corse, à la demande du général Giraud. En
novembre 1943, Le Terrible rejoint Alexandrie. Le CV Sala, ancien commandant du Terrible et
ami et soutien affirmé de Pierre Lancelot, succède au CV Perzo à la tête de la division ; celle-ci
opère alors en Mer Egée, sous menace fréquente de la Luftwaffe. Le 10 décembre 1943 le
Terrible doit entrer en entretien à Alger : ses machines sont fragiles et l’on prévoit une
indisponibilité de trois mois pour procéder à la révision des turbines. PL se démène, sollicite et
obtient l’intervention du chef d’état-major de la marine, le CA Lemonnier, et, au bout de deux
mois le Terrible est à nouveau opérationnel. Il rallie Oran, le 30 janvier 1944.
Jusqu’au débarquement de Provence, le Terrible effectue une trentaine de raids en
Méditerranée, où deux grandes phases se dégagent. La première se place en février/mars en
Adriatique, et la seconde d’avril à juin, d’abord en mer Egée, puis de nouveau en Adriatique. La 10e
D.C.L. est alors basée à Manfredonia et a pour mission d’intercepter les convois qui ravitaillent
les troupes allemandes stationnées en Grèce et en Albanie. Le commandement allié compte sur la
vitesse des navires français pour parvenir à surprendre un convoi préalablement signalé par un
avion de reconnaissance. Pour cela, deux des trois bâtiments de la 10e D.C.L. doivent appareiller
chaque nuit pour aller rôder au large de Pola ou Zante.
Le 29 février 1944, Le Terrible et Le Malin sont en patrouille sur la côte dalmate, le Terrible
assurant les fonctions de guide de navigation car le Malin a une avarie de gyrocompas. Vers 21 h
30, au large de Prémuda, le radar du Terrible détecte un convoi. Les deux croiseurs légers
montent à pleine vitesse, coupant même à travers un champ de mines probable. En quatre minutes
chacun d’eux incendie un cargo. Un torpilleur ennemi ouvre le feu sur le Terrible qui vire aussitôt
à grande vitesse et fait feu de toutes ses pièces. Dans les deux minutes qui suivent, deux
vedettes viennent s’ajouter à leur tableau de chasse. « Lancelot a guidé le groupe au combat »
écrit dans son rapport le CV Hourcade. Deux semaines après ce combat, Sala et Lancelot
détectent un convoi, à l’intuition, peu après minuit le 18 mars dans le golfe d’Arcadie, à hauteur
de Katakolo. Le Fantasque mène la charge et détruit un cargo et un pétrolier, tandis que le
Terrible élimine un navire de débarquement. Le convoi se disperse, deux vedettes passent devant
Lancelot qui les envoie promptement par le fond. A 14 h 10 le Fantasque élimine un deuxième
chaland de débarquement. L’île de Navarin est isolée. Ces succès notables incitent les alliés à
intégrer les navires français dans un schéma concerté d’opérations contre le trafic ennemi. La
10e D.C.L. n’intervient que durant les nuits sombres, cédant la place aux sous-marins, de jour, et
aux avions par nuit claire. Les résultats de ces raids menés à plus de trente nœ uds ont pour
résultat de paralyser les communications allemandes. Le 1er avril, Lancelot est promu capitaine de
vaisseau ; le 6 juin 1944 la 10e D.C.L. est placée sous son commandement. Elle coule le 17 juin,
dans le golfe de Quarnero (à moins de 50 km de Fiume), le pétrolier Giulana et occasionne des
avaries sérieuses aux dragueurs R14 et R15. Au sortir de cette succession d’engagements la
10e D.C.L. participe ensuite au débarquement de Provence le 15 août 1944. Le Terrible se
distingue le 17 août en canonnant le piton de Saint-Pierre à La Napoule ; il a l’honneur d’entrer à
Toulon en compagnie du Richelieu, le 13 septembre.
Peu après, un tragique accident vint endeuiller la 10e D.C.L. Au cours d’un exercice, au large
de Naples le 25 décembre, Le Malin, lancé à 27 nœ uds, aborda Le Terrible, à hauteur de la
cheminée arrière. La partie avant du Malin se détacha et coula, entraînant dans la mort une
cinquantaine d’hommes, et l’accident fit au total 70 victimes. Les deux navires parvinrent à
regagner Naples par leurs propres moyens : Le Terrible malgré une gîte de 20 degrés, et Le
Malin en marche arrière.
Au terme de ces deux brillantes années de combat, Lancelot apparaît comme un homme de
terrain, doté d’un style particulier où intuition, culot et chaleur humaine se mêlent. Il est alors
l’un des officiers de marine les plus décorés : croix de guerre avec palmes, remise le 3 février
1945 par le général de Gaulle, Legion of Merit, décernée le 23 avril 1945 et Distinguished
Service Cross remise le 12 juillet par l’amiral Cunningham.
Un officier interallié (1945-1954)
La paix venue, Lancelot se voit confier le commandement du vieux porte-avions Béarn, une
affectation inattendue car ce bâtiment n’est plus voué désormais qu’à des missions de transport.
Le souvenir du tragique accident de Noël 1944 a peut-être joué. Le 22 septembre 1945 le Béarn
embarque à Marseille 400 hommes du groupement Massu, et de l’Aéronavale, à destination de
l’Indochine.
Il effectue par la suite plusieurs allers et retours entre Saigon et Singapour et, en décembre
1945, Pierre Lancelot est nommé chef de la mission militaire française à Singapour, jusqu’en
juillet 1946. Il est alors nommé attaché naval à Washington. Il s’adapte rapidement au milieu
diplomatique. Il noue d’excellentes relations avec son ambassadeur, Henri Bonnet, une grande
figure de la carrière. Servi par une bonne connaissance de l’anglais, et d’indéniables talents de
bridgeur, il s’intègre avec facilité dans les cercles de la capitale fédérale. L’une de ses premières
tâches consiste à suivre les négociations en vue de la rétrocession à la France de navires
allemands attribués à l’US Navy. La France parvient ainsi à récupérer 18 navires représentant 10
000 tonnes, et un dock flottant, et également 20 000 tonnes du côté britannique, dont un sousmarin de type XXI qui va permettre d’orienter la reconstruction de nos forces sous-marines.
Lancelot participe également activement aux efforts de reconstitution du potentiel de
l’Aéronavale, sous forme de cessions d’appareils et de prise en charge de la formation de pilotes.
Il quitte à regret les USA en août 1949, admis à suivre comme auditeur la 2ème session de
l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale, cette “école à généraux ”. Il y côtoie les
colonels Massu, Navarre et Faure, le colonel d’aviation Gelée, l’un des futurs chefs de l’armée de
l’Air, le capitaine de vaisseau Amman futur préfet maritime de Bizerte et de Brest, mais aussi
Ambroise Roux futur dirigeant du Patronat français. Il est hospitalisé au Val de Grâce au début
de l’année 1950, jusqu’à la fin avril. Après une convalescence de trois mois il est nommé major
général du port de Lorient à la fin du mois de novembre. En novembre 1951, promu contre-amiral,
il rejoint à Naples l’état-major des forces alliées en Méditerranée, alors dirigé par l’amiral
Carney ; il occupe les fonctions d’adjoint chargé de la planification. Pierre Lancelot fait partie de
cette vague d’officiers envoyés en pionniers dans les états-majors atlantiques pour y suivre la
mise en place progressive des structures intégrées. A Naples, PL a pour tâche principale de
coordonner l’emploi conjoint des flottes française et italienne. Il prend ses fonctions dans un
contexte tendu : les Anglais sont frustrés de ne pouvoir exercer des fonctions suffisamment
élevées au sein de l’OTAN, en particulier en Méditerranée. La situation se complique lorsqu’en
1952 Washington propose finalement de confier aux Britanniques la responsabilité des forces
navales en Méditerranée, hormis celle des bâtiments de la 6e Flotte. Cela se traduit par la
création de l’état-major de CINCAFMED, à Malte, dont le premier commandant en chef est
l’amiral Mountbatten ; en contrepartie les Français obtiennent le commandement opérationnel du
secteur de la Méditerranée occidentale. Au début de l’année 1953 PL quitte donc Naples pour
Malte où il conserve les fonctions d’adjoint aux plans dans l’état-major de Mountbatten, sous les
ordres duquel il a déjà servi à Singapour. Il s’agit désormais de coordonner l’action de six marines
différentes (les Grecs et les Turcs ayant rallié l’OTAN). Dès l’automne 1953 un grand exercice
MEDFLEXABLE est mis sur pied ; un autre suivra un an plus tard. Au début de l’été 1954,
Lancelot quitte ses fonctions sur une note favorable : les Américains comme les Anglais se
félicitent de son concours.
Retour à la mer (1954-1956)
En août, il prend, à Toulon, le commandement du Groupe d’action anti-sous-marine qui rassemble
une quinzaine d’unités de surface et une douzaine de submersibles ; cela lui permet de côtoyer
l’amiral Barjot, qui commande l’Escadre. C'est à cette période que commencent à entrer en
service les escorteurs rapides type E 50 qui symbolisent la reconstruction de la Marine nationale.
Lancelot est toujours à ce poste lorsque, le 26 juillet 1956, l’Egypte nationalise le canal de Suez.
Dès le 7 août il est pressenti pour exercer le commandement d’unités nationales engagées dans
une éventuelle intervention. C’est pour lui le début d’un marathon harassant, où il faut faire en
sorte de rassembler dans les délais requis un ensemble d’unités françaises passablement
disparates et insuffisamment entraînées, mais aussi lutter contre les atermoiements persistants
du partenaire britannique. Le cuirassé Jean Bart n’est alors qu’un bâtiment école, pratiquement
désarmé. Les nouveaux escorteurs des types T 47 et E 50 souffrent pour leur part de maladies
de jeunesse : par exemple les torpilles de combat n’avaient pas encore pu être expérimentées à
bord, et l’artillerie de 127 m/m des T 47 n’était pas encore au point. Plus grave, il n’existait pas
de groupe amphibie constitué et entraîné ; quant au potentiel aérien embarqué, PL l’estimait très
faible. Pour compliquer le tout, à la fin du mois d’août une partie du personnel était en permission
ou pire en cours de mutation.
La préparation de l’opération lui impose des allers et retours incessants entre Londres, Paris et
Toulon. Initialement prévu pour la mi-septembre, le lancement de l’opération ne cessera en effet
d’être reporté. S’agissait-il seulement de libérer le canal ou de battre l’armée égyptienne et
renverser Nasser ? A partir du 10 septembre le schéma comportant la prise d’Alexandrie sera
abandonné au profit de celui orienté vers le complexe Port-Saïd – Port-Fouad, le canal de Suez
succédant à la vallée du Nil comme axe de pénétration. Durant la première quinzaine d’octobre, on
envisage l’abandon pur et simple de l’intervention. Mais le 19 octobre, coup de théâtre :
l’opération " 700 bis " est programmée pour le 27 octobre, mais il faudra que les mouvements
navals qui l’accompagnent restent camouflés jusqu’au débarquement. Lancelot et son état-major
doivent donc entièrement repenser la question de la concentration des forces : début septembre
elles avaient été pré positionnées à Bizerte, Alger et Toulon afin de pouvoir agir rapidement si
nécessaire. Cette dispersion interdisait d’exécuter des exercices d’ensemble. La montée en
puissance de la Force Navale Intégrée (F.N.I.) a exigé de ceux qui la composaient de singulières
capacités d’adaptation. Avec soixante unités la F.N.I. représente en effet la plus belle flotte
mise sur pied par la Marine depuis 1944, mais son emploi s’inscrit dans un cadre interallié : Pierre
Lancelot n’est que l’adjoint d’un officier général britannique, le VA Richmond, et il en est de
même pour ses homologues de l’armée de terre et de l’armée de l’air, les généraux Beaufre et
Brohon.
Le commandement naval est bientôt confié au vice-amiral Durnford-Slater, le 15 octobre 1956,
et Lancelot note qu’avec ce dernier les rapports sont plus faciles. Durnford-Slater est cependant
un marin de la vieille école, raide et peu accommodant et Pierre Lancelot écrira dans son rapport
final que “le marin britannique sera encore longtemps guindé et imbu de sa supériorité ”. Lancelot
va éprouver également des difficultés relationnelles avec son supérieur immédiat, le vice-amiral
Barjot, nommé commandant des forces françaises en Orient, qui ne se privera pas d’intervenir
dans le domaine de son grand subordonné.
L’opération est pourtant suffisamment complexe à organiser : il faut d’abord assurer une
protection adéquate de l’armada alliée contre les menaces sous-marine et aérienne. Le jour J, il
faudra procéder à un dragage d’assaut pour ensuite mener à bien le débarquement proprement
dit, tout en fournissant l’appui feu tant naval qu’aérien. Entre le 19 et le 30 octobre, la date fixée
pour le débarquement est encore modifiée à quatre reprises. Une fois les navires appareillés, les
rendez-vous et les routes, de même que l’ordre des convois, sont fixées et indiquées sous pli
scellé à ouvrir en mer, le silence radio étant de rigueur. La machine lancée, il devient difficile
d’en modifier la course, quand le contexte politique requerrait un pilotage souple. Le 27 octobre,
les Britanniques demandent à repousser la date du débarquement du 6 au 8 novembre, alors que
les dragueurs de mines ont déjà quitté Bizerte : il faut leur signaler de faire demi-tour. Mais,
grâce à des marges de sécurité judicieusement choisies, et grâce aussi à une période de très
beau temps à partir du 1er novembre, les dates d’exécution purent être tenues et, ultime motif de
satisfaction, «les forces françaises seront constamment en avance sur les forces britanniques ».
Cette marge de manœ uvre a permis aux Français d’envisager, le 2 novembre au soir, de proposer
de brusquer l’assaut, elle a aussi permis de tenir compte du refus britannique signifié le 3
novembre. Lancelot se trouve ainsi au cœ ur de la crise lorsque, ce soir là, l’amiral Barjot tente de
le convaincre de maintenir, envers et contre tous, l’assaut au 5 novembre, au risque de devoir
faire cavalier seul. Devant cette perspective il prêche la continuité, et c’est son point de vue qui
prévaudra, mais il se verra taxé implicitement par Barjot, dans son rapport final, de docilité
excessive vis à vis des Britanniques. Une fois l’opération militaire " 700 bis " enfin engagée, le 5
novembre, et les troupes alliées ayant pris pied à Port Said le 6 novembre, la France et
la Grande-Bretagne sont sommées, menaces à l’appui, par les Etats-Unis et l’Union Soviétique
de retirer leurs troupes. Le cessez le feu, ordonné le 7 novembre à zéro heure, constitue l’ultime
frustration infligée au commandant de la F.N.I. Le général Beaufre a laissé une description
célèbre du départ de Port-Saïd : “Lentement, toutes lumières allumées, les navires sortaient
successivement du port. Lorsque le Claude Bernard, accompagné de loin par les balles traceuses
doubla le Georges Leygues, l’amiral Lancelot nous avait réservé une surprise : sur la plage arrière,
éclairée par un projecteur, la musique jouait « Sambre-et-Meuse », et l’ombre agrandie de
l’amiral, projetée sur une tourelle, saluait, tandis que l’équipage rendait les honneurs ”.
Critiqué à la suite des allégations du rapport Barjot, Pierre Lancelot recueillera cependant les
félicitations qui lui sont dues pour la qualité de la préparation opérationnelle et logistique de la
F.N.I., car, pour le reste, une chose est claire : l’opération 700 bis a été conduite sous le signe de
l’indécision politique.
Promu vice-amiral début 1957, Pierre Lancelot est nommé Directeur du personnel militaire de
la marine. C’est en représentant le ministre à un congrès d’anciens marins à Cannes, le 10 octobre
1957, qu’il trouva la mort dans un accident d’avion. L’enquête conclura à une négligence d’un
membre de l’équipage qui n’avait pas enlevé l’éclisse de verrouillage de la gouverne de queue
tribord de l’appareil.
Témoignages sur Pierre Lancelot
Vu par son chef de division en 1940 le CV Lacaze
“ Le Béveziers est commandé par le LV Lancelot, très dynamique, et le Sidi-Ferruch a comme
chef le lieutenant de vaisseau Lostie de Kerhor de Saint-Hippolyte, excellent commandant aussi.
A peine, d’ailleurs, ces deux brillants capitaines ont-ils rallié la 2ème division que je suis obligé de
me séparer d’eux. La situation s’est aggravée à Dakar : le Richelieu, frère du Jean Bart, y a été
attaqué par les Anglais et avarié. On s’attend à une attaque générale de la ville, et on me
demande d’y détacher deux de mes sous-marins. Les deux nouveaux arrivés sortent de carénage
et ils sont en bon état matériel, tandis que le Casabianca et le Sfax ont besoin d’une révision
sérieuse et doivent caréner incessamment. Le Béveziers et le Sidi-Ferruch vont donc rejoindre
Dakar.
- Désolé de vous quitter si vite, commodore, me dit le jovial Lancelot, qui arbore des galons
tout neufs de capitaine de corvette. J’espère que vous nous rejoindrez bientôt.
- Oui, mon sous-marin aussitôt réparé, je descendrai avec le Sfax, et je regrette bien de
vous laisser partir seul car je crois qu’il y aura à faire là-bas.
- Je l’espère bien, nous tâcherons de faire honneur à la 2ème division.
Mes deux bateaux, là-bas se sont bien comportés. Lancelot, en particulier, avec son Béveziers, a
placé une torpille dans l’arrière du cuirassé anglais Resolution. Celui-ci, gravement avarié, a eu de
la peine à atteindre Freetown. Ce torpillage a fini de convaincre les Anglais que cette affaire
était mal engagée, les forces assaillantes se sont repliées ”.
Actions de combat, d’après l’ouvrage de l’amiral Auphan et J. Mordal :
La Marine française dans la Deuxième Guerre mondiale
Dakar, 24-25 septembre 1940
“ … Les Anglais ne reparurent pas ce soir-là et ils auraient aussi bien fait de ne pas revenir
le lendemain car le sous-marin Béveziers (CC Lancelot) s’était posté le lendemain sur la route où
l’on avait observé, la veille, les évolutions des cuirassés pendant les tirs. A 9 h, au moment où ils
se présentaient pour une nouvelle tentative, le Resolution reçut à l’avant une torpille qui lui fit
une brèche énorme, ce qui allait lui coûter des mois de réparations dans un arsenal des USA.
Lancelot, rallié plus tard aux Forces Françaises Libres, eut l’occasion de rencontrer (1) l’amiral
Cunningham, qui avait été le commandant en chef devant Dakar ce jour-là : celui-ci l’accueillit par
un mémorable : « - Good shot ! ”
Note (1) : cette rencontre eut lieu en novembre 1943 à Malte.
Provence, septembre 1944
“ Le 15 août, devant la plage de La Nartelle, l’amiral Bryant avait le renfort de 5 croiseurs légers,
dont Le Terrible. Le 24 août l’Emile Bertin fit des tirs sur le chenal d’accès à Nice. Le 25, il
attaquait une batterie allemande au-dessus de Villefranche ; il était assisté du Terrible qui, le
lendemain, ouvrit le feu sur les radars du cap Ferrat et du Mont Boron et le 26 sur des objectifs
au-dessus d’Antibes ”.
Vu par l’Amiral Lemonnier, ancien chef d’état-major de la marine, in Croiseurs en action
“ En 1956 éclate la crise de Suez. On ne peut évoquer cette opération sans être tenté de
commenter avec rage ces journées où notre prestige subit un coup rude, dont les conséquences
seront si graves, non seulement pour la France et la Grande-Bretagne, mais pour toutes les
nations maritimes.
Le Georges-Leygues jouera dans cette opération un rôle important comme navire amiral de la
force française, battant pavillon du vice-amiral Lancelot : le Lancelot du Béveziers de 1940, du
Terrible de 1944 – ce brillant chef de guerre qui devait en 1957 trouver une fin stupide sur un
terrain d’aviation, rappelant la mort de Dumont d’Urville qui, au retour de ses grands voyages
d’exploration, périt dans le premier accident de chemin de fer, sur la ligne de Paris à Versailles ».
Annexe Technique
Le contre-torpilleur Le Terrible a été construit entre 1933 et 1935 à Caen.
Il appartenait à une série de six unités. Affecté à l’escadre de l’Atlantique, puis rattaché à la
force de Raid en 1939, il parvient à s’échapper lors de l’attaque de Mers el-Kebir le 3 juillet
1940. Reprenant la lutte le 22 novembre 1942 avec les forces basées en A.O.F. il est envoyé à
Boston pour modernisation de février à juin 1943. Ce navire constituait avec Le Malin et Le
Fantasque la 10e division de contre-torpilleurs, devenue en 1943 la 10e division de croiseurs
légers, opérant alors en Méditerranée et en Adriatique. Utilisé après la guerre dans les
opérations d’Indochine il resta en service actif jusqu’en 1958.
Caractéristiques (1943)
Déplacement. : 2 610 T.W., L : 133 m, l : 12,5 m, T.E. 5 m, 4 chaudières, 80 000 chevaux, 45
nœ uds ;
Effectif : 210 hommes. Armement : 5 pièces de 138 m/m, 8 de 40 m/m, 10 de 20 m/m, 6 TLT de
550 m/m.
Le sous-marin Béveziers a été construit en 1935. C’était un sous-marin océanique d’une série de
31 unités, dite des 1 500 tonnes, à laquelle appartenait aussi Le Conquérant. Equipé de deux
moteurs diesel Sulzer il pouvait atteindre la vitesse de 18 nœ uds en surface. Son équipage se
composait de 4 officiers et de 57 hommes. Basé aux Antilles puis affecté à la protection des
convois d’Halifax en 1939, il est positionné en A.O.F. en 1940. Placé en réserve à Toulon en 1941 il
est par la suite envoyé à Madagascar en mars 1942. Il est coulé par des avions britanniques à
Diego Suarez le 5 mai 1942.
Caractéristiques
D. : 1 570 / 2 080 t., L : 92 m, l : 8 m, T.E. 4,7 m, 2 diesels, 4 300 chevaux, 20 nœ uds ; D.F. : 10
000 N./ 10 nds.
Effectif : 61 hommes. Armement : 1 pièce de 100 m/m, 2 de 13,2 m/m, 9 TLT de 550 m/m, 2 TLT
de 400 m/m.
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