CR d`Anne Calvet

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Mercredi 9 septembre 2009 - Toulouse
L’INDE DES GUPTA – par Mme Amina Okada.
Conservateur en chef au musée des arts asiatiques- Guimet, chargée des arts indiens.
Compte rendu A. Calvet
Bibliographie :
A. Okada et T. Zéphyr. L’Inde classique. Découvertes Gallimard. 2007
A. Okada. Le monde de Bouddha – Gallimard jeunesse.
Catalogue de l’exposition au grand palais sur l’Inde Classique (éventuellement)
Voir aussi le site du musée Guimet : http://www.guimet.fr/
Mme Okada fait le projet dans cette conférence de nous présenter cette époque de l’Inde des
Gupta qui se situe entre le IV et VIème siècle. C’est l’un des deux âges d’or de l’Inde avec
l’époque des grands Moghols du XVI et XVIIè
L’ère des Gupta commence en 320 de notre ère avec la fondation de la dynastie des Gupta avec le
règne de Chandragupta 1 et de Chandragupta 1 dont le règne marque l’apogée de cette
civilisation.
1) L’Inde ancienne des Gupta :
1.1 : monnaies et sceaux :
Le IVème est surtout connu à travers des monnaies en or qui représentent ces souverains dans
des postures héroïques. Cf. Carte de l’empire Gupta à sa plus grande extension, tout le nord de
l’Inde. Les souverains Gupta jalonnaient leurs frontières de colonnes commémoratives et
héroïques, avec l’oiseau Garuda, monture du dieu Vishnu (prononcer Vishnou), dont les rois Gupta
sont les dévots. C’est une figure semi anthropomorphe, qui tient un serpent, son ennemi juré.
- Sur des monnaies en or on retrouve des images des souverains Gupta avec des postures
héroïques : à cheval, assis sur son trône, mécène musicien. Au dos de la monnaie, se trouve
souvent une déesse, l’épouse du dieu Vishnu, ou un cheval, évocation du sacrifice royal le plus
important qui consiste à laisser errer un cheval blanc un an puis à annexer les territoires
parcourus par ce cheval avant de l’immoler de façon assez barbare, ce qui permet au souverain de
se considérer comme un monarque universel. Parfois le souverain est représenté avec le bras
levé, en un appel à la pluie, entouré d’insignes de puissance : ministre, cheval, éléphant, roue.
- Outre les monnaies, on trouve aussi des sceaux royaux, avec, en sanskrit, langue sacrée de
l’Inde classique, la titulature du souverain, et en haut, l’oiseau Garuda, avec sa coiffure à boucles
typique des Gupta, monture du dieu Vishnu.
1.2 : la culture
La culture, mythologie et science
- Cette période se caractérise par une mythologie riche, aussi riche que l’Olympe, fixée à l’écrit à
cette époque, et inscrite aussi dans des textes qui codifient la musique et la danse (traité des
arts du spectacle, le « natyashastra »). A la même époque est fixé aussi le « kama sutra », traité
d’érotologie et sciences connexes. C’est un art très raffiné, idéalisé et réaliste, mettant en avant
le visage de l’honnête homme (voir statues ou peintures avec des parures magnifiques, toutes
disparues).
- A cette époque se développent aussi les sciences : astrologues, mathématiciens (Aryabatta
découvre la valeur de pi) comme nous le démontre la présence d’un pilier de fer dans la cour d’une
grande mosquée de Delhi, qui ne rouille pas depuis le Vème siècle, sans qu’on comprenne bien
comment. Aryabatta, à cette époque, comprend le phénomène scientifique des éclipses même si
des reliefs continuent à montrer les planètes confrontées à un « démon de l’éclipse ».
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1.3 : la religion :
L’Hindouisme, religion des prince Gupta, très importante, comprend un triade de dieux,
(souligner la différence avec le polythéisme), comprenant Brahma, le créateur de l’univers,
Vishnu, divinité préférée des Gupta et Shiva, son pendant obscur, dieu destructeur et aussi dieu
de la renaissance.
- Brahma, le créateur, est peu représenté et peu vénéré.
- Vishnu est l’éminent dieu préservateur de l’univers : cf. au musée de New Delhi un relief du
temple de Déogarh du début du VIème représentant Visnu couché sur le côté dans les anneaux
du serpent de l’éternité, méditant sur le monde avant de le recréer : la dévotion des fidèles à
Visnu commence à cette époque, sans sacrifices, avec des invocations ferventes. Ce dieu s’incarne
dans des formes différentes, les 10 avatars, représentant les « descentes » du dieu sur terre :
c’est un animal ou un être mi ho mi bête, souvent un homme lion ou un immense sanglier qui vient
sauver la déesse terre (personnifiée) d’un démon qui l’a entraîné sous les eaux de l’océan
(configurant une « fin du monde »). Au Vème siècle, dans la falaise d’une grotte à Udayagiri, sur
le mur du fond, un relief montre des hommes en extase devant Vishnou ; en bas les dieux
serpents, les naga, gardiens des trésors enfouis sous terre et l’eau, personnage porteur d’ un
vase d’abondance qui représente l’océan ; sur le côté deux divinités telluriques montant des
animaux marins représentent le Gange et son affluent le Yamuna, divinisés à cette époque, ce qui
montre l’importance de ce fleuve au cœur de l’empire Gupta ; il délimite le territoire ;
- Les sources de la religion hindouiste se trouve dans le Mahabharata, texte antérieur aux Gupta,
entre le IVè av JC et le IVè ap JC, présentant la philosophie et la religion hindouiste et aussi le
Bhagavad-Gita (« chant du bienheureux »), qui raconte l’histoire des guerres entre deux clans,
texte attribué à Viasa, écrit à la gloire de Vishnu, à rapprocher de l’Iliade, car comprenant
200000 vers : une des scènes les plus célèbres est celle dans laquelle Vishnu déguisé en Krishna,
un de ses avatars humains, s’adresse à son dévot, Ajurna, prince en guerre qui ne peut plus
combattre, doute et fait part de son doute à son cocher, qui est en fait le dieu Vishnu. Celui-ci
rappelle à Ajurna que 1) en tant que « guerrier »,il appartient à la caste N°2 et doit donc
combattre s’il ne veut pas mettre en danger le Dharma, c'est-à-dire l’ordre tout entier de la
société, qui empêche le chaos, et que 2) les deux guerriers qui se font face sont déjà morts et à
jamais vivants (théorie de l’immortalité de l’âme et de la réincarnation). Pour finir, krishnaVishnu apparaît sous sa forme cosmique, avec tous ses avatars.
- Enfin, Shiva, dieu destructeur et recréateur reçoit aussi un culte très important : il porte le
3ème œil de la connaissance et un chignon. C’est un ascète, son épouse Parvati porte une coiffure
en boucle raffinée. On rencontre aussi la fusion des deux, une figure androgyne. le fils de Shiva,
Ganesh, l’éléphant, protège les écrivains et étudiants, et lève les obstacles.
BILAN : retenir le culte rendu à Vishnu, la théorie des avatars avec l’exemple du sanglier,
l’importance du texte, du dialogue avec le dieu et de la force cosmique du dieu.
- Le Bouddhisme, né en Inde au VIè, déclinant au VIIIè siècle, est protégé par les Gupta mais
n’est pas la religion des souverains :
- Bouddha serait né au VIè av, ou Vè av JC dans la vallée du Gange, et aurait porté sur son corps
à sa naissance les marques du grand homme, soit un grand religieux soit un grand monarque. Ses
parents ne voulant pas qu’il devienne un grand religieux, afin de pouvoir lui transmettre le
pouvoir, occultent à ses yeux la dureté de l’existence pendant trente ans. Mais Bouddha fait, à
l’occasion d’une sortie impromptu, 4 rencontres, avec un vieillard, un malade, un mort et un
renonçant heureux ; il décide de quitter le palais pour comprendre le sens de la vie humaine et
finit en méditant sous un figuier arbre de l’éveil : de nombreux bas reliefs racontent son histoire
(les 4 miracles), la naissance, l’attente de l’éveil, l’illumination, puis l’entrée dans le Nirvana ;
Sa statue le représente avec des gestes codifiés (les mudras), en particulier celui de ses
sermons, avec le geste de l’enclenchement de la roue de la loi. Bouddha est représenté sous
forme de statues en grès rouge ou beige, avec un corps parfait selon un art très codifié : la tête
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comprend des boucles de cheveux enroulées à droite, un poil entre les sourcils, un petit chignon,
des oreilles étirées en souvenir de sa vie de prince (boucles d‘oreille retirées), les yeux sont mi
clos pour montrer le retranchement du monde, et regardent la pointe de son nez, la position est
en général celle du lotus.
- A Sarnath près de Bénarès, affluent aujourd’hui encore des pèlerins de toute l’Asie, sur le lieu
du premier sermon de Bouddha, le lieu de la naissance du bouddhisme avec 5 disciples. On peut y
voir des ruines des lieux de vie des moines et une stupa (monument reliquaire) ; c’est un lieu qui
était très fréquenté à l’époque Gupta, par des milliers d’étudiants, un parc paisible avec des
gazelles car ce lieu très sauvage, habité par des saints hommes méditant et végétariens,
convenait à la prolifération des gazelles ;
La main droite levée (autre geste Mudra) représente l’ absence de crainte, la main « palmée » le
distingue des autres mortels : en tout, 30 signes canoniques distinguent Bouddha ; c’est un art
délicat et sans esbrouffe, des statues peintes à l’époque. Enfin, Bodisattva est un être promis à
éveil qui aide les autres mortels en retardant son éveil, on le reconnaît car il ressemble à
Bouddha, mais avec parures et tiare.
2) Le site bouddhiste d’Ajanta :
Ce n’est pas un site du territoire des Gupta mais d’une autre dynastie locale, avec un art
caractéristique de l’époque des Gupta. Ce site est classé au patrimoine mondial de l’Unesco,
fondé au 1er siècle, en plein essor au Vè et VIè siècle puis en déclin avec déclin du bouddhisme au
VIIè. Oublié, ce site a été recouvert par la jungle. Il comprend 30 monastères rupestres,
déblayés à partir de 1819, après sa redécouverte au hasard d’une chasse au tigre d’une troupe
anglaise, un chien étant parti se cacher dans une des grottes.
- Aujourd’hui ce site est aménagé pour la visite, formant un arc de cercle sur la rivière Lagora ;
c’était un lieu de résidence de moines, un lieu serein et étonnant comprenant de multiples
sculptures et peintures. Les monastères sont en forme d’absides, les lieux de vie en carrés.
- Bouddha est représenté parfois dans ses millions de vies antérieures, les jakata, soit au moins
400 vie antérieures majeures et aussi des vies d’animaux, toujours généreuses et altruistes, avec
de multiples anecdotes, par exemple celle d’un enfant misérable, sidéré par la bienveillance de
Bouddha, qui, voulant lui faire un don à tout prix, lui offre une poignée de poussière. Un relief
célèbre, de 7 m de long dans le monastère 26, représente Bouddha couché sur la droite, tête
vers posée sur sa main, ce qui représente son entrée dans la Nirvana. On peut remarquer à ses
pieds son disciple Ananda, attristé.
- L’intérieur des salles est peint entièrement, avec des colonnes lourdes typiques de cette
époque, des plafonds à caissons, des peintures sur les murs, les seules peintures de l’époque
Gupta qui existent encore, des animaux, des fleurs, peints avec des colorants minéraux et
végétaux, par exemple des gazelles, qui renvoient à Sarnath, ou la roue de la voie bouddhique qui
symbolise la prédication du bouddha.
Le Jakaka du cerf doré, raconte l’histoire d’un monarque qui écoute la prédication d’un saint
homme, et veut partir dans la forêt méditer, malgré l’indignation de sa femme. Celle ci fait appel
à une danseuse et à une musicienne pour le séduire et le retenir (toutes ces scènes sont collées
les unes aux autres sans césure), mais en vain, le roi quitte la ville, et se défait de ses parures : il
est ondoyé. Les murs sont donc un véritable livre des jakata.
Le modelé est propre à l’art Gupta, montre un éclat palpitant avec des alternances de noir et de
couleurs claires.
Beaucoup de couples d’amoureux sont représentés (en lien avec le kama sutra, ou les jakata).
C’est l’époque de la représentation des plus beaux visages féminins, montrant les canons des
poètes de l’époque, comme Kalidasa, le plus grand poète de l’Inde au Vè. Celui-ci utilise une langue
raffinée, d’une grande délicatesse, avec des jeux de métaphores éblouissantes. C’est le chantre
de la beauté féminine, métaphorique et théorisée, conceptualisée : un visage en forme de lune,
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des yeux en pétales de lotus, un nez en grain de sésame, des lèvres écarlates, des bras graciles,
des jambes fuselées (« comme la trompe de l’éléphant »), des hanches larges, des seins amples
(« comme deux jattes emplis de lait ») etc… = le beau idéal.
Pour terminer, la conférencière cite un vers de Kalidasa : le nuage messager : un gentil démon
exilé loin de son épouse aperçoit un nuage et lui confie un message pour sa femme décrivant sa
beauté.
Questions :
1) Pourquoi n’a-t-on rien retrouvé ? Bijoux refondus, trafics de métaux,
2) Organisation politique des Gupta ? Administration ? Peu connu, un trésorier et un général en
chef, mais rien de connu sur l’exercice du pouvoir au quotidien. Sur les grandes colonnes
commémoratives, on trouve seulement des éloges hyperboliques du souverain, avec ses hauts
faits, mais c’est très hagiographique.
3) L’art représente t-il parfois la vie quotidienne ? Représentation à 90 % de la vie religieuse,
art profane, objets décoratifs, architecture, et en général disparu, car en terre cuite, bois etc..
Seul le théâtre de Kalidasa raconte la vie de tous les jours, et encore, celle de la cour.
4) les artistes ont –ils été influencé par l’occident ? Quels liens : rien de l’Egypte, un peu de la
Grèce hellénistique : voir époque Gandarah (apprécié par Malraux) après la conquête
d’Alexandre : nez grec, pieds grecs, drapé, forme grecque et essence indienne. Rien ne persiste
de cette influence à l’époque Gupta.
5) Comment articuler tout cela pour des 6ème ?
Commencer par les bases historiques (peu connues), le nom des souverains, quelques monnaies,
quelques dates, un sacrifice important, montrer l’apogée culturelle qui accompagne la prospérité
matérielle, la conquête, la stabilité, des souverains éclairés, des œuvres d’art, des scientifiques,
et une religion « Vischnuiste » (bas relief de Vischnu - sanglier), et aussi la tolérance envers les
autres religions comme le bouddhisme ; vie rapide de Bouddha avec ses 4 miracles, et site
d’Ajanta ou Sarnath pour illustrer le bouddhisme, et la notion de vies antérieures. Voilà les
multiples passerelles pour évoquer cette civilisation.
6) Peut-on trouver les illustrations montrées en diapositives ? Oui sur les sites Internet de
Sarnath, d’Ajanta, le site du musée Guimet, le site de l’ exposition du grand palais sur l’Inde
classique en 2007.
7) Comment expliquer le déclin ? Après deux siècles, l’empire sombre : souverains moins
éclairés, arrivée des huns en 460 du nord ouest.
8) A l’époque des Gupta, qu’en est-il du sud de l’Inde ? Des dynasties indépendantes et
dravidiennes avec une toute autre culture. L’Hindouisme est dominant avec quelques poches de
bouddhisme jusqu’au XIIIè puis essaimage vers Asie du sud est.
9) Hindouisme = polythéisme ? Ou Trinité d’une divinité unique ? Oui à la deuxième idée : X
manifestations divines d’une divinité : une triade.
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