Imagerie par résonance magnétique du muscle dénervé : étude clinique et expérimentale en IRM de diffusion N. Holl1-2, G. Bierry1, A. Echaniz-Laguna1-2, M. Mohr1, J.P. Loeffler2, J.L. Dietemann1, S. Kremer1 1Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 2INSERM U692 Strasbourg-France introduction Actuellement le diagnostic d’atteinte musculaire d’origine neurogène est basé essentiellement sur l’examen clinique et l’électrodiagnostic L’IRM a de nombreuses indications dans la pathologie musculaire (lésions post-traumatiques, tumorales , infectieuses) mais peu de place dans l’étude du muscle dénervé L’électrodiagnostic Il comprend l’étude des vitesses de conduction nerveuse et l’électromyogramme (EMG) L’EMG : étude des potentiels électriques émis par le muscle au repos ou à la contraction volontaire Dans le muscle normal le tracé de repos est nul En cas de dénervation apparition d’une activité spontanée pathologique de repos : Potentiel de fibrillation Potentiel lent de dénervation ou potentiel positif L’étude du muscle dénervé en IRM En cas de dénervation chronique : atrophie, dégénérescence graisseuse Au stade précoce : première étude clinique datant de 1987 (Shabas1987) Signal normal en pondération T1 Hypersignal en pondération T2 Prise de contraste après injection Anomalies apparaissant dès 24h dans les études les plus récentes (Bendzus2002) La physiopathologie des anomalies de signal en IRM du muscle dénervé Deux hypothèses principales : Un élargissement du secteur interstitiel extracellulaire Un élargissement du secteur intravasculaire Objectif de l’étude : Explorer les anomalies de signal du muscle dénervé à l’aide de l’IRM de diffusion Ceci sur la base d’une étude expérimentale et d’une étude clinique L’IRM de diffusion 90° 180° RF évalue les mouvements des molécules d’eau dans les tissus Gradients Séquence de base T2 EPI en De diffusion écho de spin (ES) Deux gradients supplémentaires sont appliqués de part et d’autre b dépend du rapport de l’impulsion de 180° gyromagnétique γ, de G l’amplitude En cas de déplacement des du gradient, de τ la durée molécules le signal est diminué d’application du gradient, de T le par rapport à la séquence temps séparant l’application des pondérée T2 deux gradients de diffusion Performance des gradients caractérisée par un facteur de gradient ‘b’ en s/mm² b = (γGτ)²(T-τ/3) L’image trace et la cartographie d’ADC a b gradients appliqués selon les trois axes x y z → obtention d’une image moyennée : image trace (a) Évaluation quantitative du degré de mobilité des molécules d’eau grâce à l’ADC (coefficient de diffusion apparent) exprimé en mm²/s. ADC calculé à partir de deux séries d’images une à b=0 et une à b≠0 et résultat représenté sur une cartographie (b) Étude expérimentale Un effectif initial de 12 lapins adultes White New Zealand Ensemble des manipulations réalisé sous anesthésie générale (AG) axotomie unilatérale du nerf sciatique J0 J1 EMG IRM (3) (3) histologie J8 EMG IRM (3) (3) histologie J28 EMG IRM (2) (3) histologie Procédure chirurgicale Sous conditions aseptiques Le nerf sciatique est sectionné à hauteur de l’épine sciatique Résection segmentaire d’un fragment de 1 cm empêchant une cicatrisation spontanée Électromyographie de détection au repos Un groupe de 3 animaux est exploré à J+1, J+8 et J+28 Recherche d’une activité spontanée pathologique de repos (potentiels de fibrillation ou de potentiels lents de dénervation) au niveau des muscles de la loge postérieure de la cuisse des deux côtés Les fibrillations sont cotées de 0 à 4 : 0 1 2 3 4 : : : : : pas de fibrillations trains de potentiels dans 2 régions trains de potentiels modérés dans 3 régions ou plus nombreux potentiels dans toutes les régions tracé interférentiel continu IRM À J+1, J+8 et J+28 sur une IRM 1.5 T Siemens Avanto (Siemens Medical System, Erlangen, Allemagne) Une antenne corps pour l’émission du signal, une antenne tête 12 canaux et deux antennes de surface en réseau phasé pour la réception Images des cuisses en coupes axiales : en pondération T2 STIR en pondération T2 Fat Sat en pondération T1 Fat Sat avant et après injection de produit de contraste à base de Gadolinium Séquence pondérée en diffusion (b = 300 s/mm²) mesure des intensités de signal en unités arbitraires et de l’ADC en mm²/s dans la zone musculaire anormale et dans la zone musculaire normale Comparaison des intensités de signal et des ADC à l’aide d’un ttest apparié Résultats de l’étude expérimentale : EMG Activité de dénervation J+1 J+8 J+28 Lapin 1 0/4 4/4 4/4 Lapin 2 0/4 4/4 4/4 Lapin 3 0/4 4/4 X L’EMG est complètement normal à J+1. A J+8 il apparaît chez les trois lapins une activité spontanée pathologique cotée 4/4 sous la forme de potentiels de fibrillation, qui persiste à J+28 (décès d’un animal avant J+28). Enregistrement EMG tracé à J+8 du côté opéré au niveau de la loge postérieure de la cuisse : activité spontanée pathologique cotée 4/4 sous la forme d’un tracé interférentiel continu Résultats de l’étude expérimentale : IRM T2 STIR T2 FS T1 FS GADO Images des cuisses en coupes axiales signal normal en pondération T1 FS, hyperintense en pondération T2 FS, T2 STIR et prise de contraste après injection de gadolinium du côté opéré (flèche pleine) par rapport au côté sain (flèche pointillée) ADC augmenté du côté opéré par rapport au côté sain Images en pondération T2 FS J+1 J+8 J+28 Images des cuisses en coupes axiales Les anomalies de signal sont présentes dès J+1 (côté opéré flèche pleine, côté sain flèche pointillée) l’atrophie musculaire apparaît à J+8 et s’accentue à J+28 comparaison des intensités de signal en T2-STIR 2 2000 intensité de signal ADC X10 mm /s Comparaison des intensités de signal et de l’ADC * comparaison des ADC 250 ** 6 - 1500 1000 200 150 500 100 0 S P Sain (S) Vs Pathologique (P) S P Sain (S) Vs Pathologique (P) Il existe une différence significative entre le côté sain et le côté pathologique Résultats histologiques J+8 J+8 Sain X200 J+8 Pathologique X200 coupes de muscle à J+8 après immunomarquage membranaire de la mérosine : apparition de fibres atrophiques (flèches) affectant préférentiellement les fibres de type 1 À J+1 il n’existe pas de différence entre le côté opéré et le côté sain Résultats histologiques J+28 J28 Sain X400 J28 Pathologique X400 coupes de muscle à J+28 après coloration au PAS : présence d’innombrables fibres atrophiques (flèche pointillée), d’un épaississement du conjonctif périmysial et endomysial (flèche fine) et d’internalisations nucléaires (flèche épaisse) Étude clinique Groupe de 10 patients présentant une sciatique (7H/ 3F, âge moyen 44 ans) Durée d’évolution des symptômes : 24h-1 mois Sur une hernie discale de topographie compatible avec la symptomatologie IRM du mollet du côté pathologique en coupes axiales sur une IRM 1.5 T Siemens Avanto (Siemens Medical System, Erlangen, Allemagne) Réception du signal à l’aide d’une antenne genou Séquence en pondération T2 STIR Séquence pondérée en diffusion b=300, b=600 s/mm² Résultats de l’étude clinique Chez tous les patients présence d’anomalies de signal affectant certains muscles du mollet L’innervation des muscles atteints est compatible avec la racine nerveuse mise en cause à l’étage lombaire Hypersignal en pondération T2 ADC augmenté TA LEO GC T2 STIR T1 FS GADO DIFF b=0 DIFF b=300 patiente de 49 ans présentant une sciatique L5 G depuis 3 semaines IRM en coupes axiales du mollet gauche Résultats de l’étude clinique ** 500 intensité de signal ADC X10 mm /s comparaison des intensités de signal en T2-STIR 2 6 - 400 300 200 comparaison des ADC 250 200 150 100 100 50 0 0 S P Sain (S) Vs Pathologique (P) ** S P Sain (S) Vs Pathologique (P) Différence significative entre l’intensité de signal en pondération T2 STIR et l’ADC des muscles sains et pathologiques discussion Des anomalies de signal concordantes avec les données de la littérature : Signal normal en pondération T1 Hypersignal en pondération T2 Prise de contraste après injection Apparition précoce des anomalies : dès 24h dans l’étude expérimentale précédant les premiers signes EMG et histologiques Évolution au cours du temps Tendance à l’accentuation des anomalies de signal en pondération T2 avec la durée d’évolution des symptômes Résultats statistiquement non significatifs en raison de la petite taille des effectifs T2 STIR SIR en fonction du temps SIR en T2 STIR en fonction du temps signal intensity ratio (SIR) 3 SIR 1.5 1.0 2 1 Chez l’homme J3 J5 J10 J21 J28 Chez l’animal SIR : ratio d’intensité de signal muscle pathologique/muscle sain J+ 28 J2 J+ 8 J1 J+ 1 0 0.5 Résultats de l’IRM de diffusion ADC augmenté → diffusion accrue dans le muscle dénervé Résultat compatible avec un accroissement de l’eau dans le milieu extracellulaire signal hyperintense du muscle dénervé sur l’image trace s’atténuant avec l’augmentation du gradient : hypersignal par effet de rémanence T2 (T2 shinethrough) Les modifications du muscle dénervé à l’origine des anomalies de signal Des anomalies métaboliques survenant après dénervation peuvent avoir des répercussions sur les compartiments hydriques Catabolisme protéique accrue Diminution du taux de synthèse protéique Glycolyse diminuée Modification de perméabilité membranaire → l’accroissement de l’eau extracellulaire est responsable de l’augmentation de la mobilité des molécules d’eau et de l’allongement du temps de relaxation T2 conclusion Apparition précoce d’anomalies de signal en IRM au sein du muscle dénervé (dès J+1 chez l’animal) précédant les anomalies EMG Ces anomalies de signal semblent correspondre à une augmentation du milieu hydrique extracellulaire comme en témoigne l’augmentation de l’ADC