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LIVING !
TEXTES JULIAN BECK ET JUDITH MALINA
MISE EN SCÈNE STANISLAS NORDEY
Avec Sarah Amrous, Nathan Bernat, Romain Brosseau, Duncan Evennou, Vanille Fiaux, Damien Gabriac, Simon Gauchet,
Yassine Harrada, Marina Keltchewsky, Yann Lefeivre, Anaïs Muller, Thomas Pasquelin, Karine Piveteau,
Tristan Rothhut, Marie Thomas
Scénographie Emmanuel Clolus Lumière Philippe Berthomé Création son Michel Zurcher
Spectacle composé d’un corpus de textes extraits de La Vie du théâtre et Théandrique de Julian Beck
(traduction Fanette Vander), Les Chants de la révolution de Julian Beck (traduction de Pierre Joris)
et des Entretiens avec le Living Theatre de Jean-Jacques Lebel
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DOSSIER PÉDAGOGIQUE
ÉDITO
Le théâtre peut-il agir sur le monde ? Existe-t-il aujourd’hui
des formes d’expression artistique qui détiennent la force
de désir, le pouvoir d’action de réengager le spectateur dans
le monde ? Existe-il dans notre paysage contemporain des
laboratoires passionnés, des lieux de création qui ne traitent
pas le spectateur en consommateur voire en patient résigné
d’une génération en crise ? Pouvons-nous demeurer des
consommateurs de cette crise alors même que nous savons que
c’est au cœur des chaos que surgissent les formes nouvelles ?
« Les temps ont changé » disent les pragmatiques. A défaut de
changer le monde, l’art, le théâtre peuvent-ils nous donner la
force d’un nouvel élan ?
Ces questions qui inquiètent notre actualité, le Living Theatre
et le grand mouvement des avant-gardes des années 60-70
les ont non seulement soulevées mais les ont traduites par des
spectacles qui ont changé durablement le visage de la création
artistique. En repensant le travail l’acteur dont le corps libéré
devient l’enjeu central, en réinvestissant le spectateur comme
élément actif de la création, en invitant toutes les formes
d’expression artistiques à travailler ensemble sur le théâtre, ce
mouvement révolutionnaire qui puise sa puissance de colère
dans l’effroi de la guerre du Viêt-Nam et de la guerre de
Corée, est pourtant aujourd’hui presque oublié.
Pour Stanislas Nordey, exhumer ces textes devenus introuvables,
c’est réunir en un seul acte son double engagement de passeur
de textes et de pédagogue : « Comment résonnent les mots
de Julian Beck et Judith Malina ? Comment sont-ils encore
vivants portés par de jeunes acteurs qui y trouvent des échos
intenses dans leur propre chemin d’artiste en construction ? »
Pour nous aussi, ce spectacle est l’occasion de faire réfléchir
nos élèves sur les pouvoirs de formation et d’action de l’art.
Qu’ils puissent, en même temps qu’ils réfléchissent sur
leur pratique, mieux comprendre d’où viennent les formes
d’expression contemporaine dont ils sont témoins quand
ils vont au théâtre. Comment un mouvement de ferveur
politique et révolutionnaire tel que le Living Theatre a-t-
il pu infléchir et bouleverser les formes contemporaines du
spectacle vivant ? Peut-on encore penser le théâtre au cœur
d’une action politique ?
CE DOSSIER S’ADRESSE AUX ENSEIGNANTS
TOUTES DISCIPLINES CONFONDUES, SOUCIEUX
D’OUVRIR LEURS ÉLÈVES À CES QUESTIONS.
IL COMPORTE :
• Une Antisèche pour enseignants pressés.
• Une découverte du Living et de son esthétique à travers
des documents textuels, vidéos et iconographiques. Une
contextualisation du Living dans l’histoire du théâtre et de
la mise en scène.
• Des activités d’écriture et de plateau pour explorer et
s’approprier l’univers du Living Theatre et réfléchir à son
implication dans notre monde moderne.
• Une mise en perspective avec les autres formes d’expression
artistique qui ont façonné les avant-gardes des années 70 : art
plastique, musique et danse.
• Une ouverture vers les grandes figures de l’expression
contemporaine de la performance.
SOMMAIRE
> p. 3
Antisèche
> p. 4
Le Living Theatre : vivre
n‘est pas jouer !
> p. 7
À vous de jouer !
> p. 9
Stanislas Nordey et Living !
> p. 11
La scène, parcours des
arts vivants : John Cage,
Merce Cunningham, Allan
Karpow et les autres…
> p. 11
Happenings et
performances dans
le spectacle vivant
d‘aujourd‘hui : quelques
figures…
> p. 13
Annexes textes
> p. 18
Bibliographie sélective
^ En haut à gauche, Living !, mise en scène Stanislas Nordey
© Jean-Louis Fernandez / À droite, Le living Theatre © G. Mantegna
2
3
ANTISÈCHE
LE LIVING THEATRE
1968. L’agitation gronde, pas seulement en France mais dans
plusieurs endroits de la planète. En Allemagne de l’ouest, au
Japon, en Amérique Latine, en Yougoslavie, jusqu’au festival
d’Avignon où le Living Theatre avec son spectacle Paradise
Now cristallise tout ce dont se nourrit cette contestation.
Le Living Theatre est un groupe de comédiens qui vient
des États Unis, ils vivent en communauté sous la direction
éclairée de Julian Beck et de Judith Malina.
Pour eux, la situation de 68 est prérévolutionnaire. Le
paradis n’est pas à attendre mais à faire.
L’acte théâtral donne la priorité au corps. Paradise Now
se présente comme un exorcisme de la violence et de la
libération sexuelle. Théâtre d’action politique où l’idéal
anarchiste est clairement revendiqué, il puise sa colère dans
l’impérialisme américain, dans le traumatisme de la Guerre
de Corée et du Viet Nam, dans la revendication d’un droit à
la contraception.
Pour une nouvelle société il faut un nouveau théâtre : il ne
faut pas séparer l’art de la vie et remettre en cause toutes les
institutions de la classe dirigeante. La création est collective,
entend donner la place à l’acteur, acteur de sa propre vie. La
scène très inspirée de l’esthétique d’Antonin Artaud, conçoit
l’élaboration de la pièce comme la pièce elle-même. Les
spectateurs sont invités à rejoindre l’acteur. Beaucoup le font,
ce qui confère à chaque séquence l’allure d’un happening.
L’auteur est mis à l’écart comme le voulait Artaud. Le choc
et l’émotion physique sont chargés d’éveiller à la conscience
de soi mais par les fibres de la sensation. Entrer en soi dans
ce qu’il y a d’instinctif vers ce qui nous relie au sacré. Le cri
est plus actif qu’un discours littéraire.
Derrière la représentation d’utopie, le Living Theatre
a profondément contribué à bouleverser les repères du
théâtre et contribué à dessiner le théâtre contemporain.
Ses sédiments trouvent leur marque les plus flagrantes chez
de grands metteurs en scène comme Angelica Liddell ou
Rodrigo Garcia.
STANISLAS NORDEY
Metteur en scène de théâtre et d’opéra, acteur, Stanislas
Nordey est un homme des plateaux. Partisan du travail
en troupe, il a été́, avec sa compagnie, artiste associé au
Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis de 1991 à 1995,
avant de rejoindre, toujours avec sa troupe de douze
comédiens, le Théâtre Nanterre- Amandiers, à la demande
de Jean-Pierre Vincent qui l’associe à la direction artistique.
De 1998 à 2001, il codirige avec Valérie Lang le Théâtre
Gérard-Philipe, centre dramatique national de Saint-Denis.
En 2001, il rejoint le Théâtre national de Bretagne comme
responsable pédagogique de l’École, puis comme artiste
associé. Chacune de ses facettes lui permet de trouver un
équilibre : le metteur en scène fait découvrir des textes au
public, le comédien se donne physiquement à la pièce, le
pédagogue assure le devoir de transmission. Stanislas Nordey
se reconnaissant dans l’expression « directeur d’acteurs »,
ses mises en scène témoignent de la place essentielle qu’a,
selon lui, le comédien : dépouillées, elles se concentrent sur
le geste et la parole pour ne pas imposer au spectateur une
lecture unique, mais lui laisser la liberté́ de construire sa
vision de la pièce.
Stanislas Nordey est venu au Festival d’Avignon avec Vole
mon dragon d’Hervé Guibert en 1994, Contention-La Dispute
de Didier-Georges Gabily et Marivaux en 1997, Das System
de Falk Richter créé en 2008 et My Secret Garden cosigné en
2010 avec Falk Richter. En tant qu’acteur, on a également pu
le voir dans Ciels de Wajdi Mouawad (2009) et dans Clôture
de l’amour de Pascal Rambert (2011). En 2012, il a mis en
scène Se trouver de Luigi Pirandello, et a présenté́ au festival
Mettre en scène de Rennes Living ! d’après des écrits du Living
Theatre. En 2013, il a monté Tristesse animal noir d’Anja
Hilling à La Colline – théâtre national, Lucia di Lammermoor à
l’Opéra de Lille et a été artiste associé du Festival d’Avignon,
où il créait Par les villages pour la Cour d’honneur.
L’ÉCOLE DU THÉATRE NATIONAL DE BRETAGNE
Crée en 1991, cette école fait partie des quelques formations
publiques professionnalisantes au métier de comédien.
Dans un contexte où les cours privés, souvent assez
chers, fleurissent un peu partout, ces formations sont très
recherchées. Les élèves qui intègrent l’école sont boursiers
et bénéficient d’une formation de qualité pendant trois ans.
L’entrée se fait sur concours ; une quinzaine d’élèves sont
retenus chaque année. Depuis 2008, l’école a l’habilitation
à délivrer un Diplôme National Supérieur Professionnel de
comédien. L’école fonctionne en dialogue permanent avec
le théâtre, c’est une de ses particularités, que l’on retrouve
par exemple à l’école du Théâtre National de Strasbourg. En
2008, l’école signe une convention avec l’Université Rennes
2 qui permet de créer un enseignement commun, délivrant
une licence en arts du spectacle pour les comédiens de l’école
du TNB.
ZOOM
Stanislas Nordey © Jean-Louis Fernandez
4
LE LIVING THÉÂTRE :
VIVRE N’EST PAS JOUER !
• Montrer aux élèves des extraits vidéos de Paradise Now
> http://www.ina.fr/video/I00011946/vague-de-
contestation-au-festival-d-avignon-video.html
>http://fresques.ina.fr/en-scenes/liste/recherche/
living%20theatre/s#sort/-pertinence-/direction/
DESC/page/1/size/10
• Recueillir leurs réactions et commentaires.
Il est attendu ici que l’on travaille avec l’étonnement spontané
des élèves habitués à des formes plus classiques de la théâtra-
lité. On leur demandera de s’interroger sur leur état de désta-
bilisation en prenant soin de suspendre leur jugement. La
situation de confusion qui se dégage du plateau est violente au
point qu’on ne peut discerner véritablement si nous sommes
dans un théâtre ou dans un espace réel. La confusion règne
dans le rapport scène-salle où l’on voit clairement le public
invité à étreindre les comédiens. Le malaise est rehaussé par la
nudité et la profusion des corps que la stridence de la musique
mêlée aux paroles incantatoires contribue à rendre encore plus
confus.
Agression ou invitation à la douceur ? Provocation ou exposi-
tion brute de notre propre vulnérabilité ? Où sont les frontières
qui nous relient en tant que spectateur aux formes du théâtre
et de la représentation ? Peut-on encore parler de théâtre ?
C’est ici déjà l’occasion d’émettre une première réflexion sur
la notion de Happening. La scène qui est montrée est-elle
une re-présentation ou une présentation ? Peut-on parler
d’interprétation et de jeu ? Quelle est la part d’imprévisible et
d’improvisation ? Si l’on peut imaginer une mise en danger de
l’acteur que dire du spectateur ? Est-ce que représenter c’est
jouer ? Dans ce cas-ci peut-on parler d’une forme construite
de jeu ? Ces questions qui tendent à faire définir la notion de
happening et de performance peuvent être débattues sans
pour le moment être fixées dans un domaine théorique.
• Scandaleux le Living ? À quoi ressemble le paysage théâ-
tral en 1968 ? À partir de recherches documentaires et des
documents proposés (annexe 1) comprendre la situation du
théâtre en France en 1968. On orientera les recherches des
élèves autour de 4 axes.
— Le Mouvement populaire de mai 68 et la révolution
culturelle.
— Jean Vilar, le théâtre populaire et la décentralisation.
— Le scandale de Paradise Now au Festival d’Avignon en 68.
— Bertolt Brecht et le principe de distanciation.
Institutions contre Provocations. Quel théâtre joue-
t-on en 68 ?
Pour mieux faire comprendre la forme de théâtre contre lequel
va violemment réagir le Living, on pourra montrer un extrait
de La Guerre de Troie n’aura PAS lieu, mise en scène par Jean
Vilar en 1963 et demander une comparaison avec les extraits
déjà montrés de Paradise Now.
> http://fresques.ina.fr/en-scenes/liste/recherche/
jean%20vilar/s#sort/-pertinence-/direction/DESC/
page/1/size/10
^ Mysteries © G. Mantegna
La comparaison avec les précédentes vidéos de Paradise Now
est édifiante. Primauté donnée au texte littéraire. Jeu statique
donné face public, diction lyrique, costumes classiques. Les
acteurs jouent principalement face public et éclairés fronta-
lement d’une simple lumière blanche. Le texte est interprété
avec un certain lyrisme. Jean Vilar est plus préoccupé par la
morale de son entreprise que par une recherche esthétique.
Au terme de metteur en scène, il préfère celui de « régisseur ».
L’illusion n’est pas recherchée et la scène est conçue comme
un « ring ». On imagine le choc qu’a pu représenter la défer-
lante des transes corporelles et des invocations mystiques et
dissonantes du Living Theatre.
^ Antigone © Horace
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• Faire lire l’article du Jean-Paul Sartre du Nouvel
Observateur. (Annexe 2 – document 2)
Après quelques recherches sur Bertolt Brecht et le principe de
distanciation, faire formuler les deux esthétiques qui entrent
en conflit.
^ Illustration 1 – Le 24 mai tout est possible : la bourse de Paris est
incendiée. Photo A.P
L’article de Jean-Paul Sartre, aux aspects a priori anecdotiques,
est éclairant : Jean-Paul Sartre met en avant le clivage fort qui
anime la scène française entre un théâtre du « dire » soumis
à la régie du texte, (Bertolt Brecht, de manière caricaturale
est alors assimilé à ce mouvement) et un théâtre du « faire ».
L’article traduit le changement culturel qui est en train de
toucher l’enseignement. L’engagement fort des étudiants
dans le choix du cours qui les relie puissamment à un désir
de lier l’enseignement reçu à la vie concrète et aux préoccu-
pations du monde contemporain. De même, l’attitude mieux
que compatissante de l’enseignant est intéressante dans son
refus du cours magistral : il s’efface au profit d’une volonté des
étudiants de s’emparer par eux-mêmes de leur propre désir de
connaissances. Cette anecdote reflète l’état d’une société qui
rejette les figures patriarcales du savoir et de l’institution.
^ Paradise Now, le grouillement des corps © G. Mantegna
^ Antigone © Horace
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