Chimie organique La double liaison C=C page 1/7
LA DOUBLE LIAISON C=C
I-Présentation
1) Origine
La double liaison C=C se rencontre essentiellement dans les alcènes (mais aussi dans les cy-
clènes, double liaison présente dans un cycle, et dans les diènes, qui présentent deux doubles liai-
sons dans la chaîne.)
Les alcènes sont des hydrocarbures linéaires de formule brute CnH2n.
Remarque: cette relation n’est pas univoque puisque cette formule brute peut aussi corres-
pondre aux cyclanes.
Les alcènes sont très rares à l’état naturel; ils sont synthétisés à partir du pétrole par vapocra-
quage.
Remarque: il existe dans la nature des composés à liaisons multiples comme les terpènes (par
exemple le limonène dans le citron) ou les phéronomes.
Le premier terme est appelé éthylène; pour cela, on appelle souvent les alcènes « carbures
éthyléniques ».
2) Structure
a) exemple de l’éthylène
Les deux carbones fonctionnels trigonaux forment une double liaison avec une partie σ (sy-
métrie axiale) et une partie π (symétrie par rapport à un plan).
On a les données expérimentales suivantes:
liaison longueur (en nm) énergie (en kJ.mol-1)
C-C 0,154 350
C=C 0,134 600
On constate que la double liaison est plus courte qu’une liaison simple et d’énergie plus
grande.
Cependant, on a DC=C < 2 DC-C; la liaison C=C est donc plus réactive que la liaison C-C.
b) les autres alcènes
Les caractéristiques de la double liaison sont conservées avec des carbones fonctionnels trigo-
naux, les autres carbones étant tétraédriques.
On pourra rencontrer une isomérie Z-E à cause de l’absence de libre rotation autour de la liai-
son C=C, due à la présence de l’orbitale π.
Un alcène peut être chiral mais seulement il ne peut posséder un ou des carbones asymétriques
que sur la partie saturée de sa chaîne.
Les alcènes sont d’autant plus stables qu’ils sont plus substitués.
C
C
H
H
H
H
121,6°
116,8°
π
σ
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Les alcènes sont très peu solubles dans l’eau mais ils le sont dans les autres hydrocarbures.
3) Réactivité
Les alcènes sont des composés insaturés: ils subissent donc des réactions d’addition.
La double liaison C=C est riche en électrons . La faible énergie de la liaison π ainsi que la plus
grande mobilité et plus grande polarisabilité des électrons de cette orbitale facilite sa rupture sous
l’action de réactifs électrophiles ou d’oxydants.
II-Additions électrophiles ioniques AE
1) Généralités
L’équation bilan s’écrit /
\\
/
|
|
|
C C A B C C
|
A
B
= + = − − −.
Les réactions sont fortement exothermiques et quasi totales.
La vitesse de la réaction augmente avec les effets donneurs des groupes alkyles qui enrichis-
sent le nuage π.
CH
CH
CH
CH
CH
CH
C
CH
2 2 3 2
CH3
2 3
=
<
=
<
=
A
On en déduit que l’étape limitante du point de vue cinétique sera l’attaque du nuage π par
l’électrophile.
Dans le mécanisme électrophile, les coupures des liaisons sont hétérolytiques (c’est-à-dire que
la coupure d’une liaison produit deux ions de charges opposées): le réactif A-B ou A2 est donc po-
laire (comme H→−Cl) ou apolaire mais polarisable (comme Br-Br).
2) Régiosélectivité (réactifs du type HA)
a) règle d’orientation
Dans ce type d’addition, le mécanisme présente deux étapes:
(1) est une attaque électrophile endothermique: c’est l’étape limitante.
On peut aussi envisager la formation de R-CH2-CH2.
Mais on est sous contrôle cinétique et l’énergie d’activation
la plus basse correspond à l’intermédiaire réactionnel le plus
stable (ici, c’est le carbocation secondaire stabilisé par effet
donneur de R et CH3).
Conclusion: ce mécanisme est régiosélectif.
Remarque: Le carbocation intermédiaire est d’autant
plus stabilisé que le solvant est polaire: la vitesse de cette
réaction augmente avec la polarité du solvant.
(2) est une étape exothermique correspondant au piégeage par un nucléophile. Cette étape est
rapide et le nucléophile peut attaquer le carbocation plan de part et d’autre. Au cas le carbone
obtenu est asymétrique, on obtient un mélange racémique.
Conclusion: ce mécanisme n’est pas stéréosélective.
Le bilan macroscopique peut s’écrire
R-CH=CH2 + H → R- CH-CH3 (1)
R CHCH3 + A! → R C CH
H
A
3
− −
*|
| (2)
T
#
II
T
#
I
R-
CH-CH3
R- CH2-
CH2
R
-CH=CH
2
+ H
r
H
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R CH CH H A R C CH
H
A
3
= + = − −
+ + +δ δ δ δ
2
|
|
A la suite d’un certain nombre d’observations expérimentales, Markovnikov a énoncé en
1869 la règle suivante:
Lors de l’addition électrophile d’un composé de type H-A sur un alcène dissymétrique, l’anion
A! se fixe sur le carbone le plus substitué.
Malheureusement, cette gle ainsi énoncée présente beaucoup d’exceptions, on préfère donc
l’énoncé suivant:
l’AE se fait de manière à passer par le carbocation le plus stable: la réaction est giosélective.
b) hydrohalogénation
Le réactif est HX dans ce cas. Le bilan est donc
R-CH=CH2 + HX = R-CHX-CH3
Pour les premiers termes des alcènes, la réaction s’effectue à température assez élevée
(170°C) en phase gazeuse. Le mécanisme est différent mais la giosélectivité suit la même gle
que ci-dessus.
Pour les termes suivants, on fait barboter le gaz HX dans l’alcène pur liquide ou en solution
dans un solvant à froid.
La vitesse augmente de HCl < HBr < HI à cause de la polarisabilité croissante de la liaison
H-X. La loi de vitesse en solvant polaire est d’ordre 2, du type
v = k [alcène][HX].
c) hydratation
Jusqu’ici, le nucléophile était l’anion associé au proton électrophile. Si l’on utilise une solu-
tion aqueuse diluée d’un acide dont le nucléophile est très faible (par exemple H2SO4 ou H3PO4),
c’est l’eau qui joue le rôle de nucléophile.
Le bilan traduit ici l’addition d’une molécule d’eau sur la double liaison; c’est une hydrata-
tion.
R C H CH H OH R C CH
H
OH
3
= + − =
+ + +δ δ δ δ
2
|
|
On obtient ainsi un alcool.
L’hydratation se fera plutôt à froid en solution dilué.
Mécanisme:
H2SO4 → H
+ !OSO3H
R-CH=CH2 +H → R-CH-CH3 (étape limitante)
R-CH-CH3 + \
/|
/\
|
|
OH R C
O
CH
H
H H
32 → −
R C
O
CH R C CH H
H
H
OH
H H
3 3
→ − +
|
/\
|
|
|
||
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Le départ de H correspond à la génération du catalyseur. Une faible quantité d’ions H suf-
fit pour catalyser la réaction.
L’étape limitante produit le carbocation le plus stable, il est plan: la réaction est régiosélective
(Markovnikov) mais non stéréosélective.
Remarque: dans d’autres conditions expérimentales, on peut obtenir d’autres mécanismes qui
conduisent à d’autres produits.
Ÿ en milieu acide concentré et chaud (solution à 98%): le nucléophile !OSO3H est
bien plus abondant et c’est lui qui attaque le carbocation intermédiaire. Une hydrolyse ultérieure à
chaud conduit à l’alcool par une réaction de substitution nucléophile. Cette méthode est utilisée in-
dustriellement car les alcènes sont plus réactifs vis-à-vis de H2SO4 que de H2O:
Ÿ si l’alcène est en excès, il se produit une addition en chaîne du carbocation inter-
médiaire sur la double liaison: il y a polymérisation en polyène.
3) Stéréosélectivité
a) exemple de la bromation
α) résultats expérimentaux
On utilise souvent une solution diluée de dibrome dans le tétrachlorométhane (CCl4). La solu-
tion est rouge orangée; elle réagit à froid et rapidement sur un alcène: on observe la décoloration de
la solution.
Prenons l’exemple du cyclopentène:
En raison du cycle, il ne peut exister que sous la forme Z. L’addition du dibrome
conduit, avec un rendement de 80% environ, au (trans)-1,2-dibromocyclopentane, qui existe
sous deux formes énantiomères: le 1R,2R (50%) et le 1S,2S (50%):
+ Br2=
Br H
Br
HB
r
H
BrH
ou
(1R, 2R) (1S, 2S)
Si l’on part d’un alcène présentant deux diastéréoisomères, on retrouve une correspondance:
Ces résultats montrent que l’addition se fait de part et d’autre de la double liaison, c’est-à-dire
en anti.
La vitesse de la réaction augmente avec un solvant polaire et la vitesse est de la forme
v = k [alcène][Br2]. β)canisme
Pour expliquer ces résultats expérimentaux, on propose le mécanisme suivant dans le cas d’un
solvant polaire et dispersant (types H2O, solution d’éthanol...):
(1): polarisation de Br2 et attaque par le nuage π.
C’est l’étape cinétiquement déterminante. La polarité du solvant favorise la coupure hétéroly-
tique du dibrome et son aspect dispersif permet la libération de l’ion bromure. Il se forme un ion
CH2=CH2 → CH3-CH2-OSO3H → CH3-CH2-OH
H2SO4 conc.
100 °C
H2O
CH3-CH=CH-CH3 + Br2 → CH3-*CHBr-*CHBr-CH3
(cis)-but-2-ène (2R, 3R)-2,3-dibromobutane et (2S, 3S)-2,3-dibromobutane;
(trans)-but-2-ène (R, S)-2,3-dibromobutane (qui est une forme méso);
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ponté appelé bromonium. (C’est un intermédiaire de réaction car il est isolable expérimentalement
même s’il est très réactif.)
(2): L’ion bromure BrO attaque l’ion ponté à l’opposé du brome (attaque anti).
L’alcène de départ étant symétrique, l’ion ponté l’est aussi et les deux carbones forment des
sites d’attaque équiprobable pour l’ion bromure. On obtient donc un mélange équimolaire de deux
énantiomères ou bien une forme méso.
On retrouve bien la loi cinétique du deuxième ordre observée expérimentalement.
On peut faire le bilan stéréodynamique, en vue de Newman:
Le profil réactionnel montre que la première étape est limitante:
γ) application pratique
La décoloration d’une solution de brome dans CCl4 est une réaction test des alcènes.
b) les autres dihalogènes (X2)
α) aspect thermodynamique
L’exothermicité diminue de F
2
à I
2
. (Le difluor, trop réactif, ne permet pas une réaction
contrôlable: il n’est pas utilisé.)
Cl2 et Br2 sont les plus utilisés en synthèse (I2 réagit difficilement).
rH
alcène +Br2
bromonium
dibromoalcane
E
A1
rH° < 0
C
C
+
B
r
B
r
C
C
B
r
+
H
C
H
3
C
H
3
H
B
r
H
H
C
H
3
C
H
3
k1
!
CC
Br
Br
C
C
Br H
CH3
CH3
H
H
H
CH3
CH3Br
Br
CH3
CH
3
H
H
Br
C
Cou
!
(1S, 2S)
H
H
H3C
H3C
H
H3C
H3C
H
Br
Br
Br
Br
(Z)
(1R, 2R)
H
H
H3C
H3C
H
H3C
H3C
H
Br
Br
Br
Br
(Z)
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