Je continuerai à étudier le chant – pour le reste, ne ferais-je pas mieux de m'instruire
du sens des psaumes, à cause de l'office, et d'étudier les épîtres et l'évangile, en suivant
certaines idées : l'identification au Christ, la perfection de la prière, etc. Cela me semble
presque plus utile que l'étude du catéchisme, parce que cette étude est comprise dans le
programme du noviciat, tandis que l'autre ne l'est pas – mais pour cela je suivrai votre avis.
Quand vous en aurez le temps, vous pourrez aussi m'indiquer tout ce que je devrai
apporter, mais pour cela rien ne presse.
Veuillez excuser cette lettre sans suite; je tenais à vous écrire et depuis plusieurs jours
je cherchais pour le faire un moment plus tranquille – ce soir, j'ai saisi ce petit moment bien
court – et je termine ma lettre, mais sans m'éloigner de vous, vous demeurant toute unie par
Jésus Christ. Votre petite fille, Paule.
Voulez-vous dire, pour moi, dans la chapelle
, un Magnificat de reconnaissance ?
Marie de la Trinité à mère Saint-Jean. La Gloire Dieu, en tous lieux,
[vendredi] 18 août 1939.
Ma très douce mère,
Je vous suis tellement reconnaissante de toute votre bonté que je viens vite vous le dire
– et aussi parce que le petit bâton ne se sent solide qu’en vos mains – et s’il vous est parfois un
petit soutien, vous lui êtes son guide, sa lumière et sa force.
Je viens de dire sexte et none en lisant, avant, les explications sur votre psautier – et la
pensée m’est venue, qu’il serait plus parfait de laisser celui dont vous m’avez permis de me
servir – et de ne garder, au chœur, que celui que vous m’avez donné – en lisant un peu chaque
jour l’explication.
Il y a dans votre fille le grand défaut d’une qualité que le Seigneur y a déposée : celle
de rechercher le parfait, le tout, le maximum – à fond – et tout de suite : cela m’est une difficulté
continuelle, parce que je ne proportionne pas à ma faiblesse. Ainsi, dans le désir d’étudier les
psaumes « à fond » je n’en ai vu que trois ou quatre depuis neuf ans que je dis l’office… et ainsi
du reste.
Je suis bien humiliée de si peu faire, au noviciat et auprès de vous : je suis « rien » au
dehors et encore plus au-dedans. C’est peut-être l’état le meilleur pour que Dieu soit tout.
L’autre jour, au hasard de la lecture, sur les textes pour le Rosaire, j’ai lu dans la Somme
un petit passage très court – je crois dans : Verbe Incarné 1
, sur les personnes divines et les
attributs divins – quelques lignes. Cela m’a fait plonger dans les profondeurs des perfections
divines auxquelles je ne pensais pas assez – et cependant, pour vivre en enfant de Dieu, dans
les sentiments du Christ, il faut que les yeux de l’âme soient fixés, si loin qu’ils peuvent, dans
l’infini de la perfection divine. La sainteté, l’éternité, l’immutabilité, la justice, la miséricorde...
cela appelle une tout autre manière d’être afin que toute cette perfection de Dieu se reflète en
l’âme divinisée.
J’en suis bien loin – de plus en plus loin.
J’abandonne tout à l’amour paternel de Dieu, vous le savez – vous m’y aidez – vous
m’y aiderez de plus en plus.
Cette chapelle de la maison de Champagne-sur-Loue où Paule reçut, dans la nuit du 11 au 12 août, la grâce in
sinu Patris.
Il doit s’agir de IIIa, qu. 3, a. 3, en particulier ad Resp. : « l'intellect a un autre rapport avec le divin, connaissant
Dieu non pas tel qu'il est, mais à sa manière à lui, c'est-à-dire en considérant de façon multiple et divisée ce qui en
Dieu est un. De cette manière, notre intellect peut saisir la bonté, la sagesse divine et les autres attributs essentiels,
comme la paternité ou la filiation. A cet égard, en faisant abstraction de la personnalité par notre intellect, nous
pouvons comprendre que la nature assume. » (Voir aussi ad IIIum).