LE MAQUIS-ÉCOLE
DE
LA PICHARLERIE
(1943-1944)
Cévennes lozériennes (Onac DR)
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Cette brochure a été réalisée par l’équipe du service
départemental de l’Office national des anciens combattants
et victimes de guerre de la Lozère (ONAC).
Sa deuxième édition a été rendue possible grâce au soutien
financier de l’ONAC, de la commune de Saint-Étienne-
Vallée-Française et du Conseil régional Languedoc-
Roussillon.
Elle a bénéficié des travaux menés par l’association
départementale de la Lozère des anciens et ami(e)s de
la Résistance (ADAR) et par le groupe lozérien de
l’association pour les études sur la Résistance intérieure
(AERI). Leurs recherches ont conduit à la publication en
2006 du Cd-rom La Résistance en Lozère dont s’inspire
largement le présent opuscule.
Elle est illustrée de documents photographiques aimable-
ment prêtés par les Archives départementales de la Lozère et
par des particuliers : Mme Antoinette Planchon, MM. Jean
Bonijol, Pierre Damiani, Klaus Weidner, Jean Ribot, Michel
Desdouits et les familles Vielzeuf et Lafont.
L’ONAC adresse aussi ses remerciements à MM. Jean
Bonijol, Jacques Vacquier et Hervé Fumel pour leur
relecture ainsi qu’à MM. Guy Grégoire et Yves Bruc du Parc
national des Cévennes pour le travail graphique et l’aide sur
le terrain.
REMERCIEMENTS
Mémorial de Saint-Roman-de-Tousque
(Onac DR)
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Valats de la Picharlerie et de la Pébénorgue. Le mont Mars, le Ventalon et le Cassini
(Onac DR)
L’histoire du maquis-école de La Picharlerie est caractéris-
tique de la situation en France à la fin 1942 : omniprésence
de l’occupant, durcissement du régime de Vichy, détériora-
tion des conditions de vie de la population, nombreux jeunes
réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne
(STO), développement de la Résistance mais rivalités entre
les groupes de résistants.
Le maquis-école de La Picharlerie est aussi emblématique
d’une région de refuge : les Cévennes. Son relief compliqué
et très compartimenté ainsi qu’une population traditionnelle-
ment bienveillante envers les personnes pourchassées,
offrent un terrain propice à l’action clandestine.
PRÉAMBULE
LES MAQUIS EN LOZÈRE
1940. Comme partout en France, la défaite brutale face
à l’Allemagne nazie et la débâcle sont profondément
ressenties en Lozère.
La France est divisée en deux : une zone occupée et une zone
libre. A Vichy le maréchal Pétain prend la tête de l’Etat
français et obtient les pleins pouvoirs. Le régime met en
place de nombreuses mesures radicales et sa politique se
durcit au fil des ans. La méfiance à l’égard des opposants et
des étrangers et les lois antisémites poussent de nombreuses
personnes à se cacher et à entrer dans la clandestinité.
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Mais, dès la fin de l’année, se manifeste un courant de
pensée prenant ses distances à l’égard de Vichy, en même
temps que se développe une prise de conscience de plus en
plus ferme des valeurs patriotiques et humaines à préserver.
1942 marque le passage des doutes, de l’isolement et de
l’opposition individuelle à l’engagement collectif. La Zone
libre est envahie en novembre, la Lozère occupée par les
Nazis. Le danger s’aggrave pour tous les opposants locaux.
La Résistance lozérienne commence à se structurer à
Marvejols, Mende, Langogne et au Collet-de-Dèze.
1943. Le régime de Vichy crée en janvier la Milice française
afin de lutter contre toute forme de résistance. Il institue en
février le STO : les jeunes gens doivent partir travailler
en Allemagne pour les Nazis. Ceux qui refusent de se
soumettre, les “réfractaires”, sont pourchassés et prennent la
clandestinité.
Dans le même temps, l’Armée secrète qui réunit des résis-
tants de toutes tendances est active au nord de Mende. Dans
les Cévennes s’implantent les mouvements de Résistance
Francs-Tireurs et Partisans et Main d’œuvre immigrée.
Les premiers maquis naissent dans la région de Marvejols en
mars-avril. Ils sont composés d’antifascistes allemands à
Bonnecombe (sud de l’Aubrac) et de réfractaires au STO à
Vayrac (Grèzes).
Au sud du département, la Résistance gardoise installe en
mai un maquis à Aire-de-Côte dans le massif de l’Aigoual.
Mais les troupes d’occupation allemandes l’anéantissent en
juillet. Au même moment, la Résistance s’organise autour de
la Vallée longue (maquis de La Figueyrolle à Saint-Martin-
de-Boubaux).
Désormais les occupants nazis comme les forces de Vichy
ne cesseront plus de rechercher et de détruire les maquis
qui se constituent ou se reconstituent en divers points du
département et prennent de l’importance.
A partir de la fin de l’année, certains groupes souhaitent
passer à l’action contre l’ennemi. La Résistance dispose
d’un réservoir d’hommes non négligeable mais ses moyens
matériels sont limités. En outre, il est nécessaire de former
les jeunes arrivants, de plus en plus nombreux.
C’est dans ce contexte qu’à l’automne 1943, deux Cévenols
natifs de Saint-Etienne-Vallée-Française, Marceau Lapierre
et Georges Lafont créent le maquis-école de La Picharlerie.
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Ruines de La Picharlerie dans les années 60 (Bonijol DR)
Le site
Au cœur des Cévennes, au centre d’un quadrilatère formé
par les villages de Saint-Etienne-Vallée-Française, Saint-
Germain-de-Calberte, Saint-Martin-de-Lansuscle et Sainte-
Croix-Vallée-Française, se niche sous une crête qui culmine
à 721 mètres la ferme de La Picharlerie ou Picharlarié.
LE MAQUIS-ÉCOLE
DE LA PICHARLERIE
Protégée par un enchevêtrement de serres escarpées qui
offrent de remarquables points d’observation, La Picharlerie
est située sur la commune de Moissac-Vallée-Française à
deux kilomètres au-dessus du hameau de Leyris. Seuls des
chemins longs et difficiles permettent d’y accéder.
Elle se compose, à l’époque, d’un bâtiment à deux étages au
dessus d’une cave-bergerie et de quelques petites bâtisses
accolées. Plusieurs dizaines d’hommes peuvent y tenir à
l’aise. Une citerne en bon état et une petite source coulant à
200 mètres fournissent l’eau indispensable.
Les débuts
Isolée et inoccupée, la ferme commence par abriter entre
1940 et 1941 un groupe des Chantiers de jeunesse. Puis la
famille d’Albin André, propriétaire à Saint-Etienne-Vallée-
Française, propose les lieux à Marceau Lapierre, Georges
Lafont et Thaddée de Samusewicz qui animent le Comité de
Saint-Jean, réseau de Résistance bien implanté dans les
Cévennes, de Saint-André-de-Valborgne au Collet-de-Dèze.
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