Le maquis-école de La Picharlerie

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LE MAQUIS-ÉCOLE
DE
LA PICHARLERIE
(1943-1944)
Cévennes lozériennes (Onac DR)
REMERCIEMENTS
Cette brochure a été réalisée par l’équipe du service
départemental de l’Office national des anciens combattants
et victimes de guerre de la Lozère (ONAC).
Sa deuxième édition a été rendue possible grâce au soutien
financier de l’ONAC, de la commune de Saint-ÉtienneVallée-Française et du Conseil régional LanguedocRoussillon.
Elle a bénéficié des travaux menés par l’association
départementale de la Lozère des anciens et ami(e)s de
la Résistance (ADAR) et par le groupe lozérien de
l’association pour les études sur la Résistance intérieure
(AERI). Leurs recherches ont conduit à la publication en
2006 du Cd-rom La Résistance en Lozère dont s’inspire
largement le présent opuscule.
Elle est illustrée de documents photographiques aimablement prêtés par les Archives départementales de la Lozère et
par des particuliers : Mme Antoinette Planchon, MM. Jean
Bonijol, Pierre Damiani, Klaus Weidner, Jean Ribot, Michel
Desdouits et les familles Vielzeuf et Lafont.
L’ONAC adresse aussi ses remerciements à MM. Jean
Bonijol, Jacques Vacquier et Hervé Fumel pour leur
relecture ainsi qu’à MM. Guy Grégoire et Yves Bruc du Parc
national des Cévennes pour le travail graphique et l’aide sur
le terrain.
Mémorial de Saint-Roman-de-Tousque (Onac DR)
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PRÉAMBULE
L’histoire du maquis-école de La Picharlerie est caractéristique de la situation en France à la fin 1942 : omniprésence
de l’occupant, durcissement du régime de Vichy, détérioration des conditions de vie de la population, nombreux jeunes
réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne
(STO), développement de la Résistance mais rivalités entre
les groupes de résistants.
Le maquis-école de La Picharlerie est aussi emblématique
d’une région de refuge : les Cévennes. Son relief compliqué
et très compartimenté ainsi qu’une population traditionnellement bienveillante envers les personnes pourchassées,
offrent un terrain propice à l’action clandestine.
Valats de la Picharlerie et de la Pébénorgue. Le mont Mars, le Ventalon et le Cassini (Onac DR)
LES MAQUIS EN LOZÈRE
1940. Comme partout en France, la défaite brutale face
à l’Allemagne nazie et la débâcle sont profondément
ressenties en Lozère.
La France est divisée en deux : une zone occupée et une zone
libre. A Vichy le maréchal Pétain prend la tête de l’Etat
français et obtient les pleins pouvoirs. Le régime met en
place de nombreuses mesures radicales et sa politique se
durcit au fil des ans. La méfiance à l’égard des opposants et
des étrangers et les lois antisémites poussent de nombreuses
personnes à se cacher et à entrer dans la clandestinité.
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Mais, dès la fin de l’année, se manifeste un courant de
pensée prenant ses distances à l’égard de Vichy, en même
temps que se développe une prise de conscience de plus en
plus ferme des valeurs patriotiques et humaines à préserver.
1942 marque le passage des doutes, de l’isolement et de
l’opposition individuelle à l’engagement collectif. La Zone
libre est envahie en novembre, la Lozère occupée par les
Nazis. Le danger s’aggrave pour tous les opposants locaux.
La Résistance lozérienne commence à se structurer à
Marvejols, Mende, Langogne et au Collet-de-Dèze.
1943. Le régime de Vichy crée en janvier la Milice française
afin de lutter contre toute forme de résistance. Il institue en
février le STO : les jeunes gens doivent partir travailler
en Allemagne pour les Nazis. Ceux qui refusent de se
soumettre, les “réfractaires”, sont pourchassés et prennent la
clandestinité.
Dans le même temps, l’Armée secrète qui réunit des résistants de toutes tendances est active au nord de Mende. Dans
les Cévennes s’implantent les mouvements de Résistance
Francs-Tireurs et Partisans et Main d’œuvre immigrée.
Les premiers maquis naissent dans la région de Marvejols en
mars-avril. Ils sont composés d’antifascistes allemands à
Bonnecombe (sud de l’Aubrac) et de réfractaires au STO à
Vayrac (Grèzes).
Au sud du département, la Résistance gardoise installe en
mai un maquis à Aire-de-Côte dans le massif de l’Aigoual.
Mais les troupes d’occupation allemandes l’anéantissent en
juillet. Au même moment, la Résistance s’organise autour de
la Vallée longue (maquis de La Figueyrolle à Saint-Martinde-Boubaux).
Désormais les occupants nazis comme les forces de Vichy
ne cesseront plus de rechercher et de détruire les maquis
qui se constituent ou se reconstituent en divers points du
département et prennent de l’importance.
A partir de la fin de l’année, certains groupes souhaitent
passer à l’action contre l’ennemi. La Résistance dispose
d’un réservoir d’hommes non négligeable mais ses moyens
matériels sont limités. En outre, il est nécessaire de former
les jeunes arrivants, de plus en plus nombreux.
C’est dans ce contexte qu’à l’automne 1943, deux Cévenols
natifs de Saint-Etienne-Vallée-Française, Marceau Lapierre
et Georges Lafont créent le maquis-école de La Picharlerie.
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LE MAQUIS-ÉCOLE
DE LA PICHARLERIE
Le site
Au cœur des Cévennes, au centre d’un quadrilatère formé
par les villages de Saint-Etienne-Vallée-Française, SaintGermain-de-Calberte, Saint-Martin-de-Lansuscle et SainteCroix-Vallée-Française, se niche sous une crête qui culmine
à 721 mètres la ferme de La Picharlerie ou Picharlarié.
Ruines de La Picharlerie dans les années 60 (Bonijol DR)
Protégée par un enchevêtrement de serres escarpées qui
offrent de remarquables points d’observation, La Picharlerie
est située sur la commune de Moissac-Vallée-Française à
deux kilomètres au-dessus du hameau de Leyris. Seuls des
chemins longs et difficiles permettent d’y accéder.
Elle se compose, à l’époque, d’un bâtiment à deux étages au
dessus d’une cave-bergerie et de quelques petites bâtisses
accolées. Plusieurs dizaines d’hommes peuvent y tenir à
l’aise. Une citerne en bon état et une petite source coulant à
200 mètres fournissent l’eau indispensable.
Les débuts
Isolée et inoccupée, la ferme commence par abriter entre
1940 et 1941 un groupe des Chantiers de jeunesse. Puis la
famille d’Albin André, propriétaire à Saint-Etienne-ValléeFrançaise, propose les lieux à Marceau Lapierre, Georges
Lafont et Thaddée de Samusewicz qui animent le Comité de
Saint-Jean, réseau de Résistance bien implanté dans les
Cévennes, de Saint-André-de-Valborgne au Collet-de-Dèze.
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Marceau Lapierre est un instituteur révoqué par Vichy pour
ses opinions politiques et installé à Saint-Jean-du-Gard.
Georges Lafont est le maire de Saint-Etienne-ValléeFrançaise depuis 1929. Tous deux recherchent un lieu où
regrouper certains des nombreux jeunes réfractaires au STO
que le Comité de Saint-Jean aide à cacher dans les fermes
cévenoles.
A l’automne 1943, une trentaine de ces réfractaires dirigée
par André Toussaint, dit Tout petit, s’installe à La
Picharlerie. Cet ensemble qui forme le cœur des maquisards
de La Picharlerie prendra le nom de groupe Toussaint.
Le ravitaillement en vivres est fourni par Lucien Goillon et
Marceau Lapierre et par des habitants de Leyris. Les coups
de mains des maquisards permettent également de se procurer
des tickets d’alimentation, du tabac et des produits agricoles.
Sur une hauteur à l’est de La Picharlerie veille un poste de
guet relié à la ferme par un vieux téléphone allemand de la
Première guerre mondiale.
Le hameau de Leyris et le mont Mars (Onac DR)
A la fin de l’hiver 43-44, l’envie de passer à l’action devient
de plus en plus forte.
Marceau Lapierre souhaite faire de La Picharlerie un
maquis-école afin de préparer la lutte armée. Il confie l’instruction militaire des réfractaires (maniement des armes, tir,
transmission des ordres…) à Edmond Basset, dit Athos, puis
à Miguel Arcas, dit Victor, chef du corps franc de la Brigade
Montaigne. Arcas sera assisté dans cette tâche par son fidèle
lieutenant, Aimé Sauvebois, dit Jimmy.
La Brigade Montaigne, active depuis des mois en Cévennes,
vient de s’installer dans la ferme du Galabertès, au nord de
La Picharlerie.
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La Brigade Montaigne
Depuis l’été 1943, François Rouan, dit Montaigne, ancien
brigadiste durant la guerre d’Espagne, organisait des maquis
dans les Cévennes. Il avait constitué un groupe qui portait le
nom de Brigade Montaigne et qui avait la particularité d’être
composé de quelques Français mais surtout d’une quarantaine d’antifascistes étrangers, allemands et espagnols
notamment.
Ces hommes formeront le groupe appelé Main d’œuvre
immigrée (M.O.I.). Ils étaient pour beaucoup échappés des
Groupements de travailleurs étrangers que l’administration
française avait mis en place dès 1938 sous diverses appellations (Unités de prestataires, Compagnies de travailleurs
étrangers…). L’objectif de l’Etat était de surveiller les
“étrangers indésirables” et de faire face à l’afflux des
réfugiés venus de l’Espagne franquiste ou des pays sous
domination nazie.
Le hameau de Flandre (Onac DR)
La Brigade Montaigne s’établit dans un premier temps au
Bancillon, à Flandre, à Nozière puis à La Fare, dans la
vallée du Gardon de Saint-Germain. Là, ce maquis est
rejoint par Louis Veylet et son groupe de réfractaires au STO
et d’Allemands antifascistes qui, pour des raisons de
sécurité, avaient quitté leur repaire de Bonnecombe sur
l’Aubrac. Ils étaient venus se réfugier en Cévennes, à l’ouest
du col de Jalcreste, sur le flanc sud de la vallée de la
Mimente, à la maison forestière de Solpéran puis à la bâtisse
de Ferrus sur la commune de Cassagnas.
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Ce groupe élargi et fluctuant comprend au plus fort de son
activité une cinquantaine de maquisards. Montaigne en est le
chef, secondé par Ernest Butzöw et Otto Kühne et appuyé
par le corps franc de Miguel Arcas. Le 12 février 1944, le
maquis de La Fare est attaqué par les Groupes mobiles de
réserve de Vichy. La Brigade Montaigne se replie à Malzac
puis au mois de mars 1944 au Galabertès.
Le Galabertès
Cette ferme délabrée et ses dépendances, dissimulées dans
une petite combe à 600 mètres d’altitude, n’étaient accessibles que par un chemin non carrossable. Afin d’assurer leur
sécurité, les maquisards tracent un sentier jusqu’à un poste
de guet sur la crête qui permet d’observer la route allant de
Saint-Germain-de-Calberte à Barre-des-Cévennes.
Le ravitaillement, transporté de nuit à dos d’homme, est
fourni par des habitants de Raynols et de Saint-Germain-deCalberte (notamment son boulanger, particulièrement actif)
puis par le corps franc de Croisance dirigé par Miguel Arcas
et installé dans le vallon de Thonas.
La Brigade Montaigne, faiblement armée mais forte de
l’expérience de ses combattants durant la guerre d’Espagne,
souhaite adopter une tactique de guérilla. Cependant l’arrivée des hommes de Bir Hakeim à La Picharlerie en mars
1944 va précipiter l’évolution des groupes.
Bir Hakeim
Le 25 mai 1943, Jean Capel fonde avec Christian de
Roquemaurel, dit RM, le maquis de l’Estibi près de
Villefranche-de-Rouergue. Il le baptise Bir Hakeim en s’inspirant de la glorieuse résistance des Forces françaises libres
dans le désert de Cyrénaïque l’année précédente.
Ses coups de main audacieux font de Bir Hakeim un groupe
attaqué et traqué sans relâche par l’occupant nazi et les
forces de Vichy. Obligés à une mobilité permanente, ses
hommes sont constamment à la recherche de nouveaux
abris.
L’installation de Bir Hakeim à La Picharlerie
En novembre 1943, Jean Capel, dit commandant Barot,
reçoit des chefs régionaux de la Résistance la mission de
regrouper les maquis de l’Armée secrète du Gard et de la
Lozère.
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Le hameau de Raynols et la ferme du Galabertès (Onac DR)
Avec son groupe, il rejoint La Picharlerie au mois de mars
1944. En accord avec les responsables locaux, les Biraquins
s’installent dans le grenier de la ferme et prennent en charge
la formation militaire des réfractaires.
Les prouesses de ces hommes, leur équipement militaire
supérieur, leur attitude défiante face à l’ennemi – ils traversent hardiment les villes occupées dans des voitures portant
croix de Lorraine et fanions Bir Hakeim – éblouissent les
jeunes du groupe Toussaint, jusque là tenus prudemment
loin des aventures par le Comité de Saint-Jean.
Le prestige de Bir Hakeim et la mission de leur chef entraînent peu à peu une mise sous tutelle du maquis-école de
La Picharlerie et d’une partie de la Brigade Montaigne fixée
au Galabertès.
Les divergences
Les chefs cévenols reprochent aux Biraquins de provoquer
inutilement l’occupant et de rechercher l’affrontement ; cela
au risque d’attirer une intervention massive des Allemands
et au mépris du danger supplémentaire que les représailles
font courir à la population.
Malgré les différences de vues, un accord est conclu entre
Bir Hakeim et les maquisards allemands du groupe
Montaigne : ces derniers seront armés par les Biraquins. En
contrepartie, ils devront unir leurs forces à tous ceux de La
Picharlerie en cas d’attaque ennemie.
Les événements d’avril 44 dans la Vallée Française vont
renforcer la méfiance à l’encontre des méthodes de Bir
Hakeim.
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Ruines de Ferrus dans la forêt de Fontmort (Onac DR)
Automne 1943
CORPS FRANC de Miguel Arcas
Croisance (env. 6 hommes) mars 1944
Le Galabertès
Mars 1944
Février 1944
Malzac
Flandre, Nozière, La Fare
BRIGADE MONTAIGNE - M.O.I.
Résistants allemands, espagnols, polonais, belges,
tchèques, luxembourgeois...
Le Bancillon (env. 40 hommes) été 1943
Résistants allemands de Bonnecombe (env. 6 hommes) et
réfractaires du Crouzet-Vayrac (env. 6 hommes)
Début 1943
Solpéran, Ferrus
GROUPE MONTAIGNE
GROUPE VEYLET-KÜHNE (Aubrac et Marvejols)
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Mars 1944 (env. 40 hommes)
BIR HAKEIM
ORIGINE ET FORMATION DES MAQUIS DU GALABERTÈS ET DE LA PICHARLERIE
Les effectifs des maquis sont fluctuants et donnés à titre indicatif seulement ; de même pour les dates d’occupation des sites.
A La Picharlerie : 3 résistants en tenue du 1er régiment de France (Damiani DR)
Automne 1943 (env. 30 hommes)
La Picharlerie
GROUPE TOUSSAINT
TÉMOIGNAGE
« Au début nous ne disposions que de quelques fusils, mousquetons français, Mauser allemands de 14-18 récupérés dans
des fermes des environs. »
« Par une nuit claire de janvier
1944, les poches pleines de châtaignes sèches brisées, nous
partons à quatre pour une bergerie isolée sur la rive gauche du
Gardon de Saint-Martin où sont
regroupés des moutons et brebis
destinés à la réquisition. Notre
mission consiste à ramener une
dizaine de ces bêtes à La
Picharlerie. Nous nous introduisons dans la bergerie avec préJean BONIJOL (Onac DR)
caution pour ne pas les effrayer
et nous présentons aux bêtes des poignées de châtaignes
dont elles raffolent. Bientôt, elles sont prêtes à nous suivre
sans difficulté, attirées par notre friandise. De retour à la
Picharlerie, nous enfermons notre troupeau dans une
ancienne étable de la ferme. Dans la journée, les bêtes pourront paître librement sous les châtaigniers. Notre approvisionnement en viande est assuré pour plusieurs jours.
Comme dans mon adolescence j’ai souvent accompagné un
vieil oncle pour saigner et charcuter les cochons dans les
fermes, j’ai quelques notions de boucherie et suis capable
d’exécuter proprement un mouton, de le peler et de le
dépecer.»
« Le 7 février 1944, nous sommes sept camarades à participer à un coup de main pour nous procurer du tabac. Nous
avons prévu de stopper le car qui assure la liaison Florac /
Saint-Jean-du-Gard et de le délester du chargement de tabac
destiné à l’approvisionnement mensuel de Sainte-Croix. 10
kilomètres de marche par des sentiers de montagne nous
amènent au pont des Terrades sur la départementale 983 où
nous abattons un châtaignier pour obstruer la route et tendre
notre embuscade. Le chauffeur est obligé de nous remettre
40 kilos de tabac et de cigarettes. Nous allons faire des
heureux à La Picharlerie. »
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« Nous avons à La Picharlerie un vieux fourgon ambulance
Renault de l’armée. Jacques Ricomard, dit Coco, notre cuisinier, le pilote avec beaucoup d’habileté. Une nuit de février
1944, nous faisons une expédition pour récupérer du carburant. Chez un garagiste à Florac et au dépôt des Ponts et
Chaussées à La Salle-Prunet, nous enlevons sans problème
5 pipes [fûts] d’essence et de gasoil. Mais le retour sous la
neige, sur des routes étroites, sinueuses et en mauvais état,
est très périlleux avec un véhicule lourdement chargé et mal
équipé. Nous frôlons plusieurs fois l’accident. »
« Un soir du début de janvier 1944, nous partons à 7 ou 8
avec nos armes pour L’Estréchure dans la Vallée Borgne.
Nous devons prendre au secrétariat de mairie des tickets
d’alimentation. Après une longue marche de 17 km par
Moissac, Saint-Roman et Saumane avec des dénivellations
importantes nous atteignons L’Estréchure vers 2 heures du
matin. Comme convenu par le responsable de l’Armée
secrète qui a préparé ce coup de main, nous nous présentons
à l’école publique où l’instituteur, secrétaire de mairie, doit
nous remettre les tickets. Mais le maire les a emportés chez
lui ce soir-là. Nous nous faisons conduire chez lui. Il tente de
nous faire croire qu’il n’a pas les tickets. Nous fouillons la
maison et finissons par trouver ce que nous cherchons dans
un sac sous un matelas. Après nous être montrés très menaçants pour donner l’impression d’une véritable agression et
que l’instituteur ne soit pas soupçonné de complicité, nous
prenons le chemin du retour. Les tickets seront remis aux
boulangers et autres commerçants qui participent à notre
ravitaillement, mais d’autres maquisards en profiteront
aussi. C’est ainsi que le lendemain je me rends à La
Solpérière près de Vébron dans la vallée du Tarnon où
s’abrite un groupe du maquis du pasteur Olivès. Cela représente une longue marche dans les valats accidentés des
Cévennes, mais la joie des camarades privés de pain depuis
plusieurs jours est une grande satisfaction. »
Jean BONIJOL, dit Bull
membre du maquis de La Picharlerie
de novembre 1943 à février 1944
d'après "Souvenirs de la Picharlerie",
La Résistance en Lozère (CD-Rom AERI, 2006).
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LES COMBATS
EN VALLÉE FRANÇAISE
Le 7 avril
Le 7 avril 1944, le maire de Saint-Etienne-Vallée-Française,
Georges Lafont reçoit par téléphone un message codé :
« Veuillez retenir des os à moelle chez le boucher pour mes
enfants ». Cet avertissement provenant de la gendarmerie
de Saint-Germain-de-Calberte annonce l’arrivée d’une
patrouille allemande dans sa commune.
Inquiet, Georges Lafont fait prévenir La Picharlerie et le
commandant Barot qui loge à l’auberge du village. Il l’invite
à la prudence. Il lui avait déjà signalé qu’une voiture appartenant à ses hommes se trouve trop en vue sur la place, une
mitraillette non camouflée sur le siège arrière.
Les Biraquins refusent de la dissimuler. Au contraire, ils font
venir des renforts de La Picharlerie et préparent une embuscade à la sortie du village en direction de Moissac-ValléeFrançaise au niveau du pont de Sauvaire.
Les Allemands sont reçus par Georges Lafont qui parvient à
les rassurer. Mais il est trop tard pour lever l’embuscade et,
peu après leur départ, ils sont stoppés sous la mitraille des
trois postes disposés par les maquisards au-dessus de la route.
Trois Feldgendarmen sont tués, un autre fait prisonnier.
Par crainte des représailles, le village se vide. Les maquisards prennent position autour de Saint-Etienne. La réaction
des troupes d’occupation ne tarde pas. Dès 20h deux voitures
et quatre camions partent de Mende en direction du village.
Le 8 avril
Les troupes allemandes sont accrochées vers cinq heures du
matin au pont de Négase par les mitrailleuses des maquisards. Le groupe Toussaint de La Picharlerie, épaulé par les
M.O.I. de la Brigade Montaigne et les Biraquins, lutte avec
acharnement durant quatre heures puis se replie.
Les Allemands rejoints par des Groupes mobiles de réserve,
police de Vichy, venus de Montpellier peuvent enfin pénétrer dans le village. Ils pillent et incendient des maisons dont
le château du baron de Molembaix.
Les Allemands ont perdu au cours de ces combats une quinzaine d’hommes. Du côté des maquisards, Francis Gaussen,
dit Lacaze, à court de munitions, et Aimé Sauvebois, blessé,
sont faits prisonniers et emmenés à Montpellier. Ils seront
fusillés le 31 mai 1944.
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Le château de Molembaix (fonds Vielzeuf DR)
Renseignement et tactiques
Après les accrochages des 7 et 8 avril, les Allemands mènent
des enquêtes pour trouver le lieu exact où se cachent les
maquisards. Ils interrogent des habitants des villages
voisins. Ils habillent deux de leurs hommes en civil pour
infiltrer le maquis. Sans succès. Ils envoient un avion
au-dessus de La Picharlerie.
Du côté des maquisards, les avis s’opposent encore une fois.
Certains, comme Otto Kühne et d’autres anciens des
Brigades internationales, suggèrent de déplacer le camp
pour ne pas affronter directement les troupes allemandes et
pouvoir continuer une tactique de guérilla. D’autres comme
les Biraquins sont favorables à l’engagement sur place pour
attirer l’occupant dans le piège cévenol. Finalement, tous
décident de se préparer au combat.
Les 12 et 13 avril, l’attaque allemande de La Picharlerie
Le 12 avril en fin de matinée, les Allemands investissent la
Vallée Française, encerclent les maquis et établissent un PC
à Saint-Etienne.
Ils sont près de 2 000 hommes bien armés (dont une majorité de SS appartenant à la 9ème Panzerdivision Hohenstaufen
en garnison à Alès et à Nîmes) avec des automitrailleuses
et des canons de montagne et secondés par des Groupes
mobiles de réserve de la police de Vichy. Ils disposent
également d’un avion mouchard qui survole la zone pendant
les combats pour guider la progression.
Face à eux, à 1 contre 15, environ 120 maquisards mal équipés sont divisés en trois groupes qui se protègent les uns les
autres le long de la crête, dos à La Picharlerie :
- au nord, du côté de Saint-Martin-de-Lansuscle, est posté le
groupe M.O.I. du Galabertès. La crête est gardée par une
mitrailleuse tenue par Louis Veylet et Montaigne ;
– 15 –
- le groupe Toussaint est posté à l’est du côté de MoissacVallée-Française ;
- à l’ouest, du côté de Sainte-Croix-Vallée-Française,
jusqu’au Ginestas et à La Lauzière, se trouve le groupe de
Bir Hakeim. Il est commandé par Marcel de Roquemaurel
en l’absence de commandant Barot, convoqué à une
réunion à Saint-Géniès-de-Malgoires (Gard).
Les combats durent jusqu’au soir et les Allemands ont beaucoup de mal à progresser jusqu’aux crêtes. Lorsque la nuit
tombe, La Picharlerie est bombardée au mortier et au canon
de 77 à la lueur de fusées éclairantes.
Repli des maquisards et départ des Allemands
Vers 19h, les maquisards décident de décrocher. Les M.O.I.
de la Brigade Montaigne se replient par petits groupes vers
le nord-ouest : Raynols, Le Galabertès, Malzac et le Plan
Fontmort.
Les Biraquins et le groupe Toussaint se dirigent plein sud
vers Le Castanier entre Saint-Roman-de-Tousque et Le
Pompidou, sur la route des crêtes, dite aujourd’hui Corniche
des Cévennes.
Ils sont tous couverts par les mitrailleuses de Louis Veylet au
nord-ouest et d’Anton Lindner, dit Toni, au sud-est. Ces deux
hommes resteront à leur poste jusqu’à la dernière minute.
La nuit tombée les soldats allemands redescendent dans la
vallée avec leurs blessés pour renforcer le filet d’encerclement mis en place sur les routes. Finalement à la faveur de
l’obscurité et d’un violent orage, la majorité des maquisards
sera parvenue à s’échapper et la pluie anéantit les tentatives
allemandes de mettre le feu au secteur.
Le Galabertès (à gauche), Malzac (à droite), le Plan de Fontmort (au fond) (Onac DR)
– 16 –
– 17 –
Vue de La Picharlerie (Bonijol DR)
Le lendemain matin, les troupes d’occupation effectuent
un ratissage pour déloger des maquisards encore cachés.
C’est ainsi qu’en redescendant dans la vallée, ils trouvent et
emmènent avec eux Louis Veylet blessé à la jambe. Sous le
pont de la Rouveyrette, ils l’exécutent de deux balles dans la
tête.
De l’autre côté de la montagne, les troupes d’occupation
continuent à tirer au mortier sur le village de Leyris. L’école
est touchée.
En milieu de journée, un appareil de la Luftwaffe survole le
théâtre des opérations. Il envoie des signaux par fusées
éclairantes. Au sol, les SS quittent précipitamment la Vallée
Française. Il semble que l’état-major allemand ait capté le
message codé : les poissons tricolores sont dans le lac.
L’ayant interprété comme le signe d’un débarquement allié
en Méditerranée, les Allemands auraient voulu regrouper
d’urgence leurs forces sur le littoral.
Bilan
Au final, les combats d’avril 44 en Vallée Française auront
été la plus grosse opération militaire de la Seconde guerre
mondiale en Lozère, celle du mont Mouchet touchant
plusieurs départements.
Ces combats ont causé de nombreuses pertes parmi les
troupes d’occupation. Du côté de la Résistance, trois maquisards ont sacrifié leur vie : Francis Gaussen, Aimé
Sauvebois, Louis Veylet.
– 18 –
Les hameaux et villages des vallées payent un lourd tribut
puisque de nombreuses habitations sont détruites, incendiées
ou pillées. Certaines familles ont tout perdu. Ainsi, les
Allemands qui avaient trouvé un dépôt de vivres à la ferme
du Ginestas, y mettent le feu et font prisonnier son propriétaire Marius Grandon. Malgré des démarches pour obtenir
sa libération, il mourra en déportation au camp de
Neuengamme le 15 janvier 1945, laissant neuf orphelins.
Ces événements tragiques vont à nouveau diviser les groupes
de maquisards. Les uns considèrent que l’insouciance et la
témérité des Biraquins sont un danger pour la population
et partent, sous la direction de Miguel Arcas, s’installer au
hameau du Salt avec Georges Lafont. D’autres, comme
Adrien Toussaint ou François Rouan rejoignent le groupe
de Bir Hakeim. De son côté, Otto Kühne prend le commandement de ce qui reste de la Brigade Montaigne avec
l’objectif de se rallier le plus rapidement possible aux
Francs-Tireurs et Partisans – M.O.I.
Le 3 mai, lors d’une réunion décisive, l’ensemble des chefs
des maquis cévenols demande à Jean Capel de quitter les
Cévennes avec ses hommes. Fin mai, Capel conduit donc
environ 80 de ses Biraquins sur le causse Méjean à La
Parade. Mais le lendemain de son installation, les Allemands
encerclent le groupe. Malgré une résistance héroïque, Bir
Hakeim est décimé.
Le maquis-école de La Picharlerie a vécu.
La montagne de La Picharlerie (gauche), Saint-Etienne-Vallée-Française (droite) (Onac DR)
Chaque année à la mi-avril des cérémonies de commémoration sont organisées en Vallée Française à Sainte-Croix au
pont de la Rouveyrette et à Saint-Roman-de-Tousque.
– 19 –
ÉLÉMENTS DE BIOGRAPHIES
Georges LAFONT (1883-1959)
Georges Lafont est né le 17 novembre 1883 à Saint-Etienne-ValléeFrançaise. Il reprend l’établissement
familial de filature, principal
employeur de la commune puis
devient maire de son village en
1929. Il est père de quatre enfants.
Empreint des valeurs cévenoles,
entreprenant, patriote, il refuse la
défaite, le régime de Vichy et
l’horreur nazie. Très tôt, il cache des personnes traquées puis
participe activement au Comité de Saint-Jean qui protège de
nombreux clandestins (juifs, réfractaires…) et dont le réseau
s’étend du Collet-de-Dèze à Saint-André-de-Valborgne.
Marceau Lapierre et lui décident d’organiser un maquisécole pour les jeunes réfractaires au STO et trouvent un lieu
d’implantation sûr : La Picharlerie. Il fait tout pour agir dans
la discrétion et éviter d’attirer l’attention des Allemands sur
son village. Mais la volonté d’en découdre de certains
maquisards et les événements du 7 avril 44 le forcent à la
fuite, lui et sa famille, pour éviter des représailles. Miguel
Arcas et quelques-uns de ses hommes du corps franc de la
Brigade Montaigne les accompagnent.
Ils se réfugient plus au sud vers Saint-Roman-de-Tousque,
au hameau du Salt. Inquiet pour son village et sa population
lors de l’attaque des jours qui suivent, le maire souhaite se
rendre aux officiers allemands et s’offrir en otage. Il faut
toute la persuasion de Miguel Arcas pour l’en dissuader.
Georges Lafont est donc contraint à la clandestinité jusqu’à
la Libération. Il décède dans sa commune le 30 août 1959.
Marceau LAPIERRE (1887-1971)
Marceau Lapierre est né le 30 août
1887 au Mas de La Frégère
(commune de Saint-Etienne-ValléeFrançaise). En 1907, il est instituteur, nommé dans le Gard.
Mobilisé lors de la Première guerre
mondiale, gravement blessé en
1916, il repart combattre en orient
sur le front de Salonique et aux
Dardanelles. A sa démobilisation en
– 20 –
1919, titulaire de la Croix de guerre et chevalier de la Légion
d’honneur, il retrouve ses classes, reprend son activité de
syndicaliste et milite à la SFIO. C’est aussi un remarquable
chercheur en archéologie.
Ses positions politiques le font révoquer fin 1940 par le
gouvernement de Vichy. Il se retire à Saint-Jean-du-Gard et
entre dans la Résistance. Il participe à la création du Comité
de Saint-Jean qui cherche des caches pour les réfractaires.
Face à l’afflux grandissant de clandestins (250 à l’été 1943),
Marceau Lapierre envisage, avec son ami Georges Lafont,
d’installer un réduit dans les Cévennes. Ils créent le maquisécole de La Picharlerie et en confient la direction à Adrien
Toussaint. Ils donnent plus tard leur accord à l’installation
des hommes de Bir Hakeim sur ce site, mais Marceau
Lapierre regrette de voir ses “recrues” passer sous l’influence des Biraquins.
Pendant la période des combats dans la Vallée Française, la
maison de Marceau Lapierre est fouillée par la police allemande. Lors des combats de la Libération, il participera
aux affrontements de La Madeleine dans le Gard et aux
pourparlers avec le lieutenant-général allemand K. A.
Nietzsche Martin au sujet de la reddition de ses troupes.
En 1945 Marceau Lapierre est élu maire de Saint-Jean-duGard, puis conseiller général du canton. Il décède, sans
enfant, le 10 septembre 1971. Il est inhumé à Saint-Jean-duGard.
Louis VEYLET (1911-1944)
Né près de Marvejols à Antrenas le
30 septembre 1911, Louis Veylet,
élève brillant, très tôt sensible aux
injustices, militant communiste,
instituteur, fut un des premiers résistants lozériens. Il fait l’expérience
de la clandestinité dès octobre 1940.
En 1943 il est actif aux côtés de
Marcel Pierrel, Gilbert de Chambrun
et Henri Cordesse à Marvejols.
Depuis longtemps étroitement surveillé par le service des
Renseignements généraux, il participe à l’organisation du
maquis composé d’antifascistes allemands à Bonnecombe
au sud de l’Aubrac. Il est très sportif et connaît parfaitement
les lieux et les hommes. Assigné à résidence, se sentant
menacé, il quitte Marvejols et rejoint les Cévennes avec ses
hommes.
– 21 –
Le 21 janvier 1944, il est arrêté au Collet-de-Dèze lors d’une
mission d’approvisionnement. Condamné avec sursis – c’est
Henri Bourrillon qui est son avocat – il est relâché quelques
jours plus tard et reprend l’action clandestine dans les
Cévennes.
Il participe aux combats de la Vallée Française des 12 et 13
avril 1944. Sa conduite héroïque permet à de nombreux
maquisards de se replier en sécurité. Ayant pris position
derrière une mitrailleuse lourde, il fait face à l’ennemi.
Blessé à la jambe, il est retrouvé le lendemain par des
soldats allemands qui le transportent sur une civière au bord
de la route puis sous le pont de la Rouveyrette. Là, il est tué
de deux balles par un officier SS. Il avait 32 ans.
Ses funérailles le 15 mai 1944 donnent lieu à une véritable
manifestation de patriotisme de la population de Marvejols.
Jean CAPEL (1910-1944)
Jean Capel est né le 22 février 1910
à Toulouse. Il travaille d’abord avec
son père qui a ouvert un cabinet
d’avocat à Nice. A partir de 1931 il
milite au sein du parti communiste.
Il est connu pour son élégance, sa
bravoure, son assurance et son éloquence.
En 1939, il est mobilisé au sein du
281ème régiment d’infanterie dans les
Alpes. En 1940, il s’installe à Toulouse et crée une affaire
très prospère dans le secteur des assurances médicales. Il
s’engage pourtant en 1942 au sein du mouvement de
Résistance Combat. Son domicile devient un lieu de renseignement, de recrutement et de fabrication de fausses pièces
d’identité.
Il souhaite organiser une école de cadres de la Résistance
pour préparer la libération du pays. Le 25 mai 1943, Jean
Capel fonde avec Christian de Roquemaurel, dit RM, le
maquis de Bir Hakeim. Jusqu’à sa mort, il en assurera la
direction.
En septembre 1943, Jean Capel entre définitivement dans
la clandestinité et prend le pseudo de commandant Barot.
S’installant à Terris (Gard) puis à La Picharlerie, le commandant Barot s’efforce de remplir la mission confiée par
le chef régional des maquis de l’Armée secrète de la Région
III (départements de l’actuel Languedoc-Roussillon +
Aveyron). Il doit regrouper les maquis de l’Armée secrète
du Gard et de la Lozère sous son commandement.
– 22 –
Les événements qui se déroulent au printemps 44 dans la
Vallée Française provoquent une mise en accusation par
les chefs des maquis cévenols de l’attitude insouciante et
risquée des Biraquins. Avec un groupe fort de plus de 80
hommes, le commandant Barot s’installe à La Parade où le
28 mai 1944 le maquis de Bir Hakeim est décimé par les
Allemands.
Jean Capel meurt au combat.
Otto KÜHNE (1893-1955)
Né le 12 mai 1893 à Berlin, Otto
Kühne, cheminot, communiste, est
élu député sous la république de
Weimar. Arrêté en février 1933 dans
la nuit de l’incendie du Reichstag, il
est relâché par erreur et devient un
clandestin. Il voyage dans toute
l’Europe, de Londres à Moscou, en
mission pour l’Union soviétique. Il
passe par la 11ème Brigade internationale durant la guerre d’Espagne. A
partir de 1938, il est en France.
Incorporé au Groupement de travailleurs étrangers de
Chanac, il se retrouve aux aciéries de Saint-Chély-d’Apcher
où il poursuit, semble-t-il, une activité clandestine pour le
parti communiste allemand.
Après l’entrée des forces du Reich en Zone sud, lui et le petit
groupe d’allemands antifascistes qu’il a réunis s’échappent
du Groupement et reçoivent, en mars 1943, la protection des
Résistants de Saint-Chély puis de Marvejols. Ils forment
dans des conditions très dures le maquis de Bonnecombe
sur le plateau de l’Aubrac puis, guidés par Louis Veylet,
rejoignent la Brigade Montaigne dans les Cévennes.
Otto Kühne, devenu l’officier politique de Montaigne, négocie avec Jean Capel, le chef de Bir Hakeim installé à La
Picharlerie, une association contre des armes. Puis il entre en
conflit avec lui sur la tactique à adopter face aux troupes
d’occupation mais se plie à sa décision par discipline.
Il est blessé lors des combats du 12 avril 1944 en Vallée
Française et, au mois de mai, organise le passage de son
groupe aux Francs-Tireurs et Partisans du Gard. En juin,
il devient responsable militaire des Francs-Tireurs et
Partisans – M.O.I. du Gard, de la Lozère et de l’Ardèche
sous le surnom de colonel Robert. En août 1944, sa brigade
fait partie des premiers FFI à libérer Nîmes.
– 23 –
Après la guerre, il occupe d’importantes fonctions à la direction des chemins de fer en Allemagne de l’est. Il est décédé
le 7 décembre 1955 à Brandebourg. Il a été décoré de la
Croix de guerre.
Miguel ARCAS (1912-1996)
Né le 4 octobre 1912 à Benacazon
près de Séville, Miguel Arcas, dit
Victor, est une figure emblématique
de la Résistance des républicains
espagnols en France. Officier supérieur de cavalerie, il commande des
troupes républicaines durant la
guerre d’Espagne. En 1939, il s’installe à Toulouse et effectue des
missions pour les services spéciaux
britanniques.
Il détruit des cargos ravitaillant les sous-marins allemands
près de Cadix. Il organise une filière d’évasion pour les Juifs
dans la région de Marseille. Début 1943, il est arrêté mais
parvient à s’évader et doit s’éloigner car la Gestapo le
recherche activement. Victor rejoint un temps le maquis Bir
Hakeim dans le secteur de Pont-Saint-Esprit. Pourtant,
comme d’autres chefs de la Résistance, il prend ses distances vis à vis de l’imprudence des Biraquins.
François Rouan, dit Montaigne, qui l’a rencontré à
Barcelone du temps des Brigades internationales connaît ses
qualités de meneur d’hommes, son expérience militaire, son
habileté aux armes. Il lui demande de prendre la tête du
Corps franc de Croisance qui s’installe dans le vallon de
Thonas au-dessus de Saint-Etienne-Vallée-Française. Avec
ce groupe, Victor mène des opérations jusqu’à Toulouse
(récupération d’armes). Il devient également un temps
responsable de l’instruction militaire des jeunes du maquisécole de La Picharlerie mais se retire peu après l’arrivée
de Bir Hakeim.
Bien qu’il l’ait désapprouvée, il contribue au succès de l’embuscade du 7 avril dans la Vallée Française. Il assure ensuite
la retraite et la protection du maire de Saint-Etienne-ValléeFrançaise et de sa famille.
En août 1944, il s’illustre encore lors des combats de la
Libération dans les Cévennes gardoises, capturant à la tête
d’une trentaine de guérilleros une colonne allemande de huit
cents hommes.
– 24 –
Après guerre, Miguel Arcas épouse une des filles de Georges
Lafont : Odile. Il décède à Montpellier le 27 novembre 1996.
Il est inhumé à Saint-Etienne-Vallée-Française.
François ROUAN (1914-1992)
François Rouan naît à Foix le 26
juin 1914. L’année de ses 20 ans, il
termine des études d’ingénieur des
travaux publics aux Arts et Métiers à
Aix-en-Provence, est exclu du parti
communiste pour trotskisme et
entame son service militaire, affecté
du fait de ses opinions politiques
dans une unité sous surveillance
particulière.
Promu sous-lieutenant, il quitte son poste au moment où
éclate la guerre d’Espagne et rejoint en uniforme les Brigades
internationales. Il combat jusqu’à la fin en Catalogne avant
de rentrer en France où il est jugé pour désertion mais
bénéficie d’une mesure d’amnistie. Il est envoyé en Côte
d’Ivoire dont il revient avec son bataillon de Tirailleurs à la
déclaration de la guerre. Il reçoit la Croix de guerre et
retrouve sa qualité d’officier avec le grade de capitaine.
Partisan de continuer le combat avec la France libre, il est
arrêté à Marseille mais s’évade et rentre chez lui en Ariège.
Il entre dans la Résistance et fait passer la frontière francoespagnole à de nombreux clandestins. En 1942 il se marie
avec une résistante à Perpignan, s’installe à Montpellier,
exerce des fonctions dans les travaux publics tout en s’engageant avec la Résistance locale dans les milieux lycéens et
étudiants. Il reçoit le surnom de Montaigne. Contraint à la
clandestinité au printemps 1943, il s’enfuit à Nîmes où il
reçoit la mission de former des maquis de l’Armée secrète
dans les Cévennes lozériennes.
Il fournit des fonds et du matériel aux premiers maquis de
jeunes réfractaires du côté du Collet-de-Dèze puis crée fin
août 1943 la Brigade Montaigne qu’il installe entre le col de
Jalcreste et Saint-Germain-de-Calberte. Contrairement à
certains de ses hommes, il adhère à l’idée d’une fusion avec
ceux de Bir Hakeim fixés à La Picharlerie.
Il participe aux combats d’avril 44 autour de La Picharlerie.
A Montpellier, son épouse chargée de dangereuses missions
de liaisons est arrêtée et torturée. Elle s’évade. Sa famille est
prise en otage. Durant l’été, avec les membres de Bir
Hakeim épargnés par le drame de La Parade, Montaigne
participe aux combats de la Libération dans l’Hérault. Puis
– 25 –
ce sont les campagnes d’Alsace, d’Allemagne et d’ExtrêmeOrient en Indochine. Gravement blessé, il est rapatrié et vit
à Montpellier jusqu’à son décès le 26 mars 1992.
De nombreuses décorations ont récompensé sa bravoure
et ses actions dont la médaille de la Résistance, la
Distinguished Service Order et la Military Cross.
Ernst BUTZÖW (1905- ?)
Ses camarades allemands donnaient à Ernst Butzöw, né en
Prusse orientale le 26 septembre 1905, le surnom de der
Lange du fait de sa grande taille. Pour les autres, c’était
capitaine Ernest.
Ce charpentier de profession est officier dans les Brigades
internationales durant la guerre d’Espagne. En février 1939,
il franchit les Pyrénées. Il connaîtra les camps du sud de
la France et les Compagnies puis les Groupements de
travailleurs étrangers.
Il s’échappe début 1943 et fait partie, sur l’Aubrac, du
groupe de maquisards d’Otto Kühne qui rejoint à la fin de
l’année la Brigade Montaigne en Cévennes. Il devient l’adjoint militaire de Montaigne. Il est blessé accidentellement
par un camarade d’une balle à la jambe et se replie dans des
conditions difficiles lors des combats de la Vallée Française.
Il est plus tard nommé commandant d’un bataillon de
Francs-Tireurs et Partisans – M.O.I. et participe à la libération de Nîmes.
Il est décoré de la Croix de guerre.
Anton LINDNER (1905-1944)
Anton Lindner, dit Toni, est né le
10 décembre 1905 à Kehlheim
en Bavière. Antinazi, membre du
parti communiste, il est contraint
à la clandestinité puis à l’exil. Il
se réfugie en France dans le sudouest puis sert en Espagne sous
les ordres d’Ernst Butzöw.
En février 1939, à nouveau réfugié en France, il est interné dans
le camp de Saint-Cyprien
(Pyrénées-Orientales) puis celui
de Gurs (Pyrénées-Atlantiques) dont il subit les épouvantables conditions pendant un an. Il est ensuite intégré aux
Compagnies de travailleurs étrangers qui deviendront sous
Vichy les Groupements de travailleurs érangers. Il travaille
– 26 –
sur la Ligne Maginot puis dans les camps de la HauteVienne. Après l’invasion de la Zone libre, il prend la clandestinité, gagne les Cévennes et se joint à la Brigade
Montaigne.
Calme et courageux, Toni participe aux journées du 8 et surtout du 12 avril en Vallée Française où son rôle est déterminant dans le succès du repli de ses camarades. Après les
combats, il se décide pour Bir Hakeim et tombera victime de
plusieurs balles alors qu’il tentait de briser l’encerclement
allemand lors du drame de La Parade.
Son corps repose au Cimetière national des maquis de
Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente) aux côtés de vingtquatre de ses camarades Biraquins.
Marcel de ROQUEMAUREL de L’ISLE (1924-1944)
Né le 10 juillet 1924 à Oloron-Sainte-Marie (PyrénéesAtlantiques), Marcel de Roquemaurel portera dans la
Résistance le nom de capitaine Marcel.
Elève à Navale lors de la déclaration de guerre, il décide de
suivre, avec son frère Christian, les consignes du général de
Gaulle en 1940 et entre dans la Résistance dans le sud-ouest.
En 1942 les frères De Roquemaurel sont recrutés par Jean
Capel. Christian, dit désormais RM, secondé par Marcel,
devient instructeur du nouveau maquis de l’Estibi en
Aveyron, futur maquis Bir Hakeim auquel Marcel restera
attaché. Le groupe de 50 à 100 réfractaires au STO, très actif
et sans cesse menacé, se déplace beaucoup du Rhône aux
Pyrénées et à l’Atlantique.
Nommé capitaine, Marcel est le responsable efficace du
matériel roulant et du carburant, instruments indispensables
aux opérations de harcèlement et de ravitaillement.
L’attaque de l’intendance de police de Montpellier à laquelle
il participe le 14 février 1944, permet par exemple de
récupérer une quinzaine de véhicules, des centaines d’armes,
des dizaines de milliers de cartouches. Mais ces actions sont
souvent à l’origine de graves accrochages. En mars 1944,
Bir Hakeim se fixe à La Picharlerie.
Durant l’attaque allemande de La Picharlerie, c’est capitaine
Marcel qui conduit les Biraquins défendant jusqu’au soir le
flanc ouest de la ferme. Le mois suivant, Bir Hakeim se
déplace encore à plusieurs reprises, jusqu’au 28 mai, date de
l’encerclement du groupe sur le causse Méjean à La Parade.
Marcel de Roquemaurel tombera en tentant une percée. Il
n’avait pas vingt ans.
D’abord enseveli sur place dans une fosse commune, il sera
inhumé dans le caveau familial de Pau.
– 27 –
ACCÈS AUX LIEUX DE MÉMOIRE
Les lieux qui suivent ont fait l’objet d’implantation de
monuments commémoratifs ou de panneaux donnant des
informations historiques sur les maquis liés à La Picharlerie
et aux combats en Vallée Française.
L’orthographe de certains noms de lieu varie parfois selon
que l’on se réfère aux usages locaux, à la dénomination
cadastrale ou aux informations fournies par les cartes.
Col de Jalcreste. Hôtel Nogaret
Intersection entre la RN 106 et la D 984 au col de Jalcreste
(commune de Saint-Privat-de-Vallongue).
Point de rencontre de la Résistance lozérienne. PC de
François Rouan, dit Montaigne.
Ancienne carte postale représentant l’hôtel Nogaret au col de Jalcreste (Desdouits DR)
Maison forestière de Solpéran
Maison forestière au nord-est de la forêt domaniale de
Fontmort (commune de Saint-André-de-Lancize). Accès
facile par une piste forestière (1,7 km), sur la gauche 250 m
après le col de Jalcreste sur la RN 106 en direction de Florac.
Premier refuge cévenol d’un groupe de maquisards de la
région de Marvejols et de l’Aubrac, composé de jeunes
Français et d’Allemands antifascistes.
Ferrus
Bergerie isolée et en ruines au nord de la forêt domaniale de
Fontmort (commune de Cassagnas). A partir du col de
Jalcreste, rejoindre le col des Laupies par la piste forestière
ou le GR 7 - 67 (environ 7 km). Au col des Laupies en
venant de Jalcreste, prendre la deuxième piste à droite
(passer une barrière ONF) en direction du nord sur 700 m.
Les ruines sont sur la droite en contrebas.
Le groupe de maquisards de Solpéran s’installe à Ferrus,
endroit plus sûr.
– 28 –
Flandre, Nozière, La Fare
Hameaux dominant la Flandonenque, vallée du Gardon de
Saint-Germain (commune de Saint-Germain-de-Calberte).
Route étroite et difficile pour accéder à Flandre (7,5 km) : au
centre du village de Saint-Germain-de-Calberte, quitter la
D984 et prendre la direction de La Fabrègue. Passer successivement les lieux-dits Le Mas, Le Mazel, La Mazade et Le
Comte. De Flandre un chemin carrossable conduit à Nozière
(2,3 km). L’accès à La Fare peut se faire par un chemin étroit
à partir de Nozière (1,5 km). On peut aussi prendre la route
à partir du centre de Saint-Germain en direction de La
Fabrègue mais au premier embranchement se diriger vers Le
Cros (6,2 km).
Premiers refuges de la Brigade Montaigne.
La Flandonenque (Flandre, Nozière) et le col des Laupies vus de La Fare (ONAC DR)
Malzac
Hameau dominant la vallée du Gardon de Saint-Martin
(commune de Saint-Germain-de-Calberte). Accès difficile.
300 m après la sortie de Saint-Germain-de-Calberte en
direction de Saint-Etienne-Vallée-Française prendre à droite
la piste qui conduit aux Faïsses, puis prendre à droite la route
goudronnée jusqu’au Rouvier (1,2 km). De là, la route
devient chemin (1,4 km).
Refuge temporaire de la Brigade Montaigne en février 1944.
Le Galabertès, Raynols
Ferme et hameau dominant la vallée du Gardon de SaintMartin (commune de Saint-Germain-de-Calberte). Accès :
sur la D28, à la sortie de Saint-Martin-de-Lansuscle en
direction de Sainte-Croix-Vallée-Française, prendre à
gauche la route étroite qui mène au hameau des Abrits puis
au Galabertès (5,3 km). La route se poursuit pour rejoindre
– 29 –
Raynols (1 km). On peut aussi atteindre Raynols et le
Galabertès à partir de la D984 entre Saint-Etienne-ValléeFrançaise et Saint-Germain-de-Calberte : quitter la D984 au
pont de Négase et remonter le Gardon de Saint-Martin
(11km, route devenant étroite et difficile).
Séjour de la Brigade Montaigne en mars 1944 et point de
ravitaillement.
La Picharlerie
Monument commémoratif et ruines d’une ferme dominant la
vallée du Gardon de Sainte-Croix (commune de MoissacVallée-Française). Accès difficile par des pistes. Par la D28 :
2 km après Saint-Martin-de-Lansuscle en direction de
Sainte-Croix-Vallée-Française, départ à gauche d’une piste
balisée “La Picharlerie” (6,4 km). Par la D983 : 7,5 km
après Sainte-Croix-Vallée-Française en direction de SaintEtienne-Vallée-Française, départ à gauche d’une route puis
piste balisée “La Picharlerie” (10,2 km). Par Saint-EtienneVallée-Française : prendre la route qui conduit au hameau
de Leyris (4,6 km), puis une piste (3,5 km) balisée “La
Picharlerie” dont la dernière partie n’est pas carrossable.
Site d’implantation d’un maquis-école, puis refuge de Bir
Hakeim.
Vue à partir de La Picharlerie (Onac DR)
Moulin de Croisance
Vallée du Gardon de Saint-Martin (commune de SaintEtienne-Vallée-Française). Accès par la route en quittant la
D984 à 3 km au nord de Saint-Etienne-Vallée-Française au
pont de Négase et en prenant la direction de Thonas pendant
1,6 km.
Site d’installation du corps franc de la Brigade Montaigne,
dirigé par Miguel Arcas.
– 30 –
Le Ginestas
Ruines de la ferme du Ginestas
(Onac DR)
Ruines d’une ferme dominant
la vallée du Gardon de SainteCroix (commune de MoissacVallée-Française). Accès difficile par des chemins : sur la
D28, 2 km après SaintMartin-de-Lansuscle en direction de Sainte-Croix-ValléeFrançaise, départ à gauche
d’une piste balisée "La
Picharlerie" (4 km jusqu’à un
point de vue d’où l’on aperçoit les ruines du Ginestas et
celles de La Picharlerie).
Lieu de stockage de vivres pour le maquis de La Picharlerie.
Leyris
Hameau dominant la vallée du Gardon de Saint-Martin
(commune de Saint-Etienne-Vallée-Française). Accès par
une route balisée “La Picharlerie” qui part de SaintEtienne-Vallée-Française (4,6 km). Hameau ayant soutenu
le maquis.
Pont de Négase
A 3 km au nord de Saint-Etienne-Vallée-Française sur la
D984 au confluent des Gardons de Saint-Martin et de SaintGermain (commune de Saint-Etienne-Vallée-Française).
Site d’un important accrochage le 8 avril 1944.
Saint-Etienne-Vallée-Française
Place de la Résistance. Evénements du 7 au 13 avril 1944.
Pont de la Rouveyrette
Stèle sur la D983 à la sortie de Sainte-Croix-ValléeFrançaise en direction de Saint-Etienne-Vallée-Française.
Lieu de l’assassinat de Louis Veylet.
Le Castanier
Ferme dominant le Gardon de Sainte-Croix (commune de
Sainte-Croix-Vallée-Française) sur la D9, dite Corniche des
Cévennes entre Le Pompidou et Saint-Roman-de-Tousque.
Point de ralliement des groupes Toussaint et Bir Hakeim
après les combats en Vallée Française.
Saint-Roman-de-Tousque
Point de vue, table d’orientation et monument commémoratif (commune de Moissac-Vallée-Française). Sur la D9, dite
Corniche des Cévennes, à la sortie de Saint-Roman-de
Tousque en direction de Saint-Jean-du-Gard.
– 31 –
MAQUIS DE
LA VALLÉE FRANÇAISE
ET DU CALBERTOIS
PLAN DES SITES
Il est rappelé que les visites et promenades
doivent se faire dans le respect des habitants,
des propriétés privées et des sites naturels.
1ère édition : avril 2009 - 2ème édition révisée : avril 2010
ONAC - Service départemental de la Lozère
Cité administrative - 9 rue des Carmes - BP 142 - 48008 Mende Cedex
[email protected]
Tous droits réservés à ONAC - Service de la Lozère - Reproduction interdite.
ISBN N° 978-2-9526290-2-7
Imprimerie des 4 - 04 66 32 10 48
Les points rouges marquent les lieux d’implantation d’un
panneau historique
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