Asymétries d`information, risque de crédit et croissance économique

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Asymétries d’information, risque de crédit et croissance économique dans l’Union
Economique et Monétaire Ouest Africaine
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Salamata LOABA1
Résumé
L’asymétrie d’information sur le marché bancaire peut augmenter le niveau du risque de crédit, ce
qui peut affecter la croissance économique.
Le présent article consacré à la zone Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), a
pour objet la prise en compte des asymétries d’information, particulièrement du risque de crédit
dans l’analyse de la relation développement financier et croissance économique.
Les résultats à l’aide de la méthode des triples moindres carrés, sur un système d’équations
simultanées, indiquent un effet positif du développement financier, mesuré par le crédit bancaire sur
la croissance économique. Le risque de crédit résultant des asymétries de l’information sur le marché
du crédit exerce un effet direct et négatif et un effet indirect et négatif sur la croissance
économique.
Mots clés : Asymétries d’information, risque crédit, crédit bancaire, croissance économique, triple
moindres carrés.
Abstract
Information asymmetry on the banking market gives rise to bank risk, which can impact economic
growth.
This study devoted to West African Economic and Monetary Union (WAEMU) countries, is designed
to include information asymmetries, especially the credit risk in the analysis of the link between
financial development and economic growth.
The results with Three Stage Least Squares method, on a set of simultaneous equations indicate a
positive effect of financial development, estimate by bank credit on growth. Credit risk which result
of information asymmetries have a direct and negative effect and an indirect and negative effect on
growth.
Keywords: Information asymmetries, credit risk, bank credit, economic growth, three Stage Least
Squares.
JEL: D82, E44, O47
1
Assistante à l’UFR/SEG-Université Ouaga 2 (BURKINA FASO)
Téléphone : (00226) 76 68 90 17
E. mail :[email protected]
1
1. Introduction
Les récentes crises financières internationales ont relancé le débat sur l’impact des instabilités
financières sur la croissance économique. Ces déséquilibres sont la conséquence de l’existence des
imperfections de l’information sur les marchés financiers. Pour Akerlof (1970), dans une économie
avec information imparfaite, le fonctionnement décentralisé et concurrentiel des marchés ne conduit
pas toujours à des résultats efficaces. Les asymétries d’information qui existent en effet entre la
banque et l’emprunteur sont une source d’instabilité financière et peuvent avoir des effets négatifs
sur la croissance économique.
L’asymétrie d’information traduit une situation où lorsque deux agents sont engagés dans une
transaction, un agent détient plus d’information que l’autre. Ces problèmes informationnels ont fait
l’objet d’analyses théoriques et de vérifications empiriques.
Sur le plan théorique, le débat oppose la nouvelle économie classique (NEC) et la nouvelle économie
keynésienne (NEK). Pour la NEC, les agents économiques sont rationnels et exploitent au mieux toute
l’information dont ils disposent pour établir leurs prévisions. Par conséquent, les agents ne font pas
d'erreurs systématiques de prévisions et les équilibres sur les marchés se font par l’ajustement des
prix. Par contre, pour la NEK, il existe une imperfection dans l’information mise à la disposition des
agents économiques, ce qui conduit à des défaillances sur les marchés et remet en cause l’hypothèse
d’ajustements instantanés de prix adoptée par la NEC. Pour la NEK, les phénomènes de sélection
adverse et d’aléa moral entraînent des coûts sur les transactions et viennent perturber la
détermination des équilibres sur les marchés.
Nombreux auteurs (Bencivenga et Smith, 1993 ; Bose et Cothren ,1996 ; Bhattacharya, 1998 et Ho et
Wang, 2005)
ont mis en évidence l’effet négatif de la sélection adverse sur la croissance
économique. Stiglitz et Weiss (1981) montrent que l’information asymétrique, notamment la
sélection adverse sur le marché de crédit peut provoquer un rationnement. Dans l’hypothèse que le
crédit bancaire est la seule source de financement externe, les activités des agents économiques qui
dépendent de celui-ci se retrouvent réduites. Dans le court terme,
l’investissement et la
consommation sont réduites. Dans le long terme, la baisse de l’investissement entraine une baisse du
capital accumulé et de la productivité dans l’économie et donc de la croissance économique.
Bencivenga et Smith (1993) utilisent un modèle de croissance néoclassique et montrent que les
asymétries d’information, notamment la sélection adverse a pour conséquence un rationnement du
crédit, ce qui entraine une baisse du capital accumulé dans l’économie. Cette baisse du capital
accumulé peut avoir un impact négatif sur la croissance économique. Bose et Cothren, (1996) et Ho
2
et Wang (2005) examinent l’effet de l’asymétrie d’information ex ante sur la croissance économique.
L’asymétrie d’information qui existe entre prêteur et emprunteur, amène la banque soit à rationner
certains emprunteurs, soit à instaurer un mécanisme de filtrage ou une combinaison des deux
mécanismes. Les auteurs indiquent que ces mécanismes conduisent à un équilibre sur le marché du
crédit qui ne maximise pas le taux de croissance économique.
Jiarong (1996) explique avec un modèle de croissance néoclassique que l’aléa moral altère la
croissance de l’économie. Le prêteur n’ayant pas une meilleure connaissance sur le revenu du
projet de l’emprunteur doit engager des coûts de vérification. Pour Bhattacharya (1998), ces coûts
rendent le financement externe onéreux, ce qui réduit le montant prêtable, donc l’investissement
productif. Le niveau de la production se retrouve affecter et de ce fait la croissance économique.
L’aléa moral peut également affecter la croissance par l’anticipation des agents sur le renflouement
des banques par l’autorité publique. Breton et al (2012) expliquent que les problèmes d’aléa moral
viennent de la quasi-certitude des agents que l’État soutiendra les banques afin d’éviter la crise du
système bancaire car trop grande pour faire faillite. L’anticipation du soutien des pouvoirs publics
affaiblit la discipline de marché que les créanciers pourraient exercer. Étant donné que l’on s’attend
à ce qu’une partie des pertes soit supportée ex post par le contribuable, ces entités sont fortement
incitées à accepter un risque excessif. Ces comportements opportunistes affaiblissent la croissance
économique car les fonds consacrés à la résolution de ces crises ne sont plus disponibles pour les
dépenses
productives.
Ces
comportements
opportunistes
peuvent
également
entrainer
l’effondrement des recettes fiscales que subissent les États à la suite de contractions graves et
prolongées de la production (Reinhart et Rogoff , 2009).
En contrario, très peu d’études aboutissent à un lien positif entre les asymétries de l’information et la
croissance économique. Pour Tsiddon (1992) et Shi, (1996), l’asymétrie d’information n’a pas d’effet
à long terme sur la croissance économique. Généralement, les facteurs affectant la croissance à court
terme, n’influencent pas nécessairement la croissance de long terme. La prise en compte du progrès
technique exogène dans le modèle de Tsiddon (1992), aboutit aux résultats que le taux de croissance
économique de long terme dépend du progrès technique et indépendant des asymétries
d’information. Pour Shi (1996), l’asymétrie d’information incite les agents à se lancer dans des
projets à haut risque dont le succès est susceptible de créer un accroissement plus rapide des
connaissances et une croissance économique plus importante.
En définitive, la majeure partie des travaux théoriques et empiriques concluent à un effet négatif des
asymétries d’information sur la croissance économique. A cet effet, l’objet du présent article est
3
d’analyser le lien entre les asymétries d’information sur le marché bancaire et la croissance
économique en mettant l’accent sur le risque de crédit dans les pays de l’UEMOA. Le champ d’étude
apparaît pertinent pour plusieurs raisons :
(i)
l’économie de la zone UEMOA reste en effet sous financée avec un volume du crédit
bancaire estimé à 27,13% du PIB en 2014, malgré un excès de liquidité bancaire de plus de
537 milliards de francs de réserves excédentaires (BCEAO, 2014) ;
(ii)
ce sous financement de l’économie s’explique par le manque d’information financières sur
les emprunteurs ;
(iii)
le niveau des créances impayées accumulées dans le portefeuille des banques représente
15% du crédit encours (BCEAO, 2014) et peut justifier la réticence des banques dans le
financement de l’économie à cause des risques de faillites bancaires. En effet, les faillites
bancaires dans cette zone dans les années 1990 ont été le résultat de l’accumulation des
créances impayées dans le portefeuille des banques ;
(iv)
aussi, les autorités monétaires ont pour soucis de réduire les asymétries de l’information
sur le marché du crédit et d’accroitre le niveau du financement de l’économie, nécessaire à
la croissance économique (BCEAO, 2014). De ce fait, la présente étude permettra aux
autorités de mieux comprendre les obstacles au sous financement de l’économie et de
mieux penser la politique de financement dans la zone UEMOA.
La suite du travail est articulée en quatre sections. La section 2 établit les liens théoriques et
empiriques entre asymétries d’information, risque de crédit et croissance économique. La section 3
présente le modèle d’analyse. Les résultats d’estimation sont présentés dans la section 4. La section
5 conclut l’article en tirant les implications de politiques économiques.
2. Relation asymétries d’information, risque de crédit et croissance économique.
Cette section présente quelques travaux sur le lien entre l’asymétrie de l’information, le risque de
crédit et la croissance économique. Deux points sont abordés. Le premier point explique comment
les asymétries d’information affectent la prise de risque sur le marché bancaire. Le second point
présente quelques travaux empiriques du lien entre le risque crédit et la croissance économique.
2.1 Asymétrie d’information et la prise de risque
La banque est une institution qui collecte des fonds pour les transformer en crédits nécessaire au
financement de l’économie. Ses activités notamment celle d’octroyer le crédit fait qu’elle est une
entreprise différente des autres. La théorie économique basée sur l’asymétrie d’information a
montré que le marché du crédit peut ne pas fonctionner comme les autres marchés de biens à cause
4
de la présence d’asymétries d’information (Stiglitz et Weiss, 1981). En effet, l’intérêt attendu du taux
fixé par la banque peut ne pas être le revenu futur que celle-ci reçoit à maturité. Cette différence de
revenu provient de ce décalage temporel entre la date d’octroi du crédit et la date de son
remboursement mais aussi de l’écart entre la promesse et la réalité du remboursement. Entre la
promesse et la réalité du remboursement, il y a le risque de défaut de l'emprunteur dont les deux
agents ont une appréciation différente en raison de leur différence dans l’accès à l'information. Le
risque de défaut peut provenir de l’asymétrie ex ante et/ou de l’asymétrie ex post.
L’asymétrie ex ante est un problème de sélection adverse et c’est un risque qui se manifeste avant la
conclusion du contrat. Le prêteur ne peut pas évaluer la vraie valeur de l’entreprise et sa capacité
exacte de remboursement. Il est généralement admis que l’emprunteur connaît les caractéristiques
spécifiques du projet et peut cacher ces informations au moment de la signature du contrat. Cette
notion de sélection adverse a été introduite par le modèle d’Akerlof (1970) et demeure parmi les
modèles fondateurs de l’économie de l’information. L’asymétrie informationnelle se traduit par
l’application d’un prix moyen unique pour des produits de qualité différente. L’incertitude sur la
qualité du produit induit la possibilité de fraude. Les détenteurs de produit de mauvaise qualité sont
motivés pour le céder à un prix supérieur à la valeur réelle du bien. Dans le cadre d’une relation de
crédit, les mauvais emprunteurs cherchent à être considérés comme étant des emprunteurs peu
risqués. Même à un taux d’intérêt élevé, les plus risqués d’entre eux sollicitent des crédits, puisqu’ils
ne se soucient pas du remboursement, ce qui peut être nuisible aux bons emprunteurs. Le taux
d’intérêt élevé amène les bons emprunteurs à quitter le marché et les mauvais y restent. Par
conséquent, il est difficile pour la banque de discriminer de manière efficiente les emprunteurs de
bonne qualité et ceux de mauvaise qualité. La banque sélectionne
difficilement, parmi les
différentes demandes de financement, les projets les plus rentables, donc les plus sûrs. Cette
asymétrie informationnelle ex ante induit une allocation inefficace du crédit et à une probable
hausse du risque de crédit pour la banque.
Une fois le crédit obtenu par l’emprunteur, l’asymétrie informationnelle ex post peut engendrer un
problème d’aléa moral. Ce dernier résulte de l’incapacité du prêteur à observer les actions de
l’emprunteur, susceptibles d’affecter sa probabilité de remboursement. L’asymétrie ex post est une
situation où l’emprunteur adopte un comportement opportunisme du fait de l’avantage
informationnel dont il dispose. Une fois le prêt accordé, son remboursement dépend de l’action de
l’emprunteur, de son comportement et de l’effort fourni. Le prêteur supporte dans ce cas un risque
de substitution des actifs encore appelé aléa moral (Stiglitz et Weiss, 1981).
Toutefois, après la signature du contrat de crédit, les problèmes liés aux risques de comportement
opportuniste de la part de l’emprunteur sont de deux types : l’aléa moral ex ante et l’aléa moral ex
5
post. L’aléa moral ex ante se manifeste avant l’échéance du contrat. L’emprunteur peut dans ce cas
allouer les fonds prêtés à des fins plus risquées que prévu, soit pour son usage personnel soit pour
investir dans des projets non rentables susceptibles de renforcer sa richesse personnelle (Mishkin,
1999). L’investissement dans un projet risqué peut conduire à un défaut de paiement à terme.
L’emprunteur se trouve ainsi dans l’incapacité d’honorer son engagement envers la banque. En
prenant plus de risque, l’emprunteur augmente l’exposition de la banque au risque de crédit. Le
comportement caché de l’emprunteur constitue un désavantage informationnel pour la banque et
l’expose à un important risque de crédit.
Quant à l’aléa moral ex post, elle se produit à l’échéance du contrat. L’emprunteur peut
volontairement ou involontairement ne pas honorer ses engagements envers la banque. Bien que le
banquier tente de circonscrire de nombreux évènements dans le contrat du crédit, il ne peut pas les
spécifier tous. En particulier, il reste soumis à l’opportunisme de l’emprunteur qui peut être incité à
déclarer un résultat inférieur à celui effectif de manière à minimiser le montant de ses
remboursements et donc à augmenter le risque de perte pour la banque.
Il ressort que les asymétries de l’information peuvent entrainer la hausse du risque pris par
l’emprunteur, ce qui peut affecter l’activité économique.
Le point suivant expose quelques travaux de l’effet du risque de crédit sur la croissance économique.
2.2 Le risque de crédit et la croissance économique
Le risque crédit résultant des asymétries de l’information peut affecter la croissance économique. En
effet, le risque crédit peut conduire à une crise de liquidité et d’insolvabilité. Dans ce cas, les
autorités doivent intervenir avec des ressources pour éviter une faillite bancaire. Cette action
constitue un coût énorme pour l’économie. Nombreuses études ont analysé l’effet des crises ou
faillites bancaires sur la croissance économique. Pour Hoggarth, Reis et Saporta (2001), une faillite
bancaire entraine une baisse de l’offre du crédit, qui contraint les entreprises et les ménages à
réduire leurs dépenses. A court terme, il en résulte une baisse de la consommation et de la
production. La faillite bancaire peut aussi avoir des effets néfastes à long terme. Kroszner , Laeven et
Klingebiel (2006) montrent un effet négatif des crises financières sur la croissance industrielle dans
38 pays développés et en développement. Les résultats montrent que l’impact de la crise sur les
secteurs dépendant du financement externe varie avec le niveau du développement du système
financier. Lartey et Farka (2011) utilisent des données de panels de 134 pays de différents niveaux de
développement financier sur la période 1970-2003 pour mettre en exergue l’effet de la crise bancaire
sur la croissance. Les résultats indiquent que les crises financières ont un effet négatif très important
sur la croissance économique. Dans ces travaux, les auteurs adoptent une approche binaire, ce qui
fait croire qu’une banque n’ayant pas subi de crise est forcément stable. Un niveau d’instabilité
6
financière résultant d’un risque de crédit, observé dans la banque et qui n’est pas encore traduit en
une crise bancaire peut avoir un impact significatif sur la croissance économique (Monnin et Jokipii,
2010). L’activité de la banque est réalisée dans un environnement soumis à des asymétries
d’information, ce qui peut à tout moment affecter sa structure financière. Les créances non
performantes sont des pertes de ressources pour la banque. Non seulement, ces créances ne seront
pas remboursées d’une part et d’autre part la banque doit honorer ses engagements vis-à-vis des
déposants, de ce fait son passif enregistre une baisse. La banque étant soumise à la règlementation,
va non seulement renchérir le coût du crédit mais aussi réduire le volume du crédit. Il s’ensuit un
rationnement du crédit qui va impacter le niveau de la production et par la suite la croissance
économique.
Monnin et Jokipii (2010) utilisent les données de 18 pays de l’OCDE sur la période 1980-2008 et
concluent que la stabilité bancaire est importante pour une croissance future du PIB. Les périodes de
stabilité sont généralement suivies d’une hausse du PIB réel et vice versa. Les auteurs indiquent que
l’instabilité du secteur bancaire est accompagnée d’une hausse de l’incertitude concernant la
croissance de la production. L’étude de Gray et al (2009) aboutissent aux mêmes résultats sur les
données de la Chili.
Loayza et Rancière (2006) utilisent un échantillon de pays développés et en développement et font
ressortir un impact négatif de l’indicateur instabilité financière2 sur la croissance économique.
L’impact du développement financier3 sur la croissance est positif mais est amoindri dans les pays qui
ont souffert d’une crise financière. Les auteurs indiquent un impact positif du développement
financier sur la croissance à long terme. A court terme cette relation est négative du fait de la
fragilité financière.
En utilisant la moyenne des valeurs absolues des résidus du ratio actifs liquides/PIB ou du ratio
crédit/PIB comme indicateur d’instabilité financière, Guillaumont et Kpodar (2004) concluent aux
mêmes résultats que ceux de Loayza et Rancière (2006), sur des échantillons de pays en
développement. L’accroissement de la volatilité du développement financier réduit significativement
le taux additionnel de croissance par rapport en l’absence d’instabilité financière. Le développement
financier doit être encouragé mais doit être accompagné d’une surveillance rigoureuse des
établissements financiers. En considérant la part du crédit octroyé au secteur privé comme
indicateur de développement financier, Eggoh (2008) trouve que l’impact négatif de l’instabilité
financière sur la croissance est encore plus important à l’aide d’un panel de 71 pays aussi bien
2
L’indicateur d’instabilité financière est approximé par l’indicateur de développement financier multiplié par une variable
muette qui égale à un dans les pays ayant connu une crise financière et 0 sinon.
3
représenté par les ratios du total des liquidités ou du crédit bancaire au secteur privé sur le PIB
7
développés qu’en voie de développement. L’effet net du développement financier sur la croissance
reste positif mais est amoindri avec la prise en compte de l’instabilité financière.
Rancière, Tornell et Westermann (2006) décomposent l’effet du développement financier en deux
effets : un effet positif et direct et un effet négatif et indirect à travers les crises sur la croissance
économique. Mais les résultats montrent que l’effet positif l’emporte sur l’effet négatif. Il ressort de
leur étude, que la libéralisation financière renforce d’une part le développement financier, qui est
nécessaire à la croissance à long terme, et d’autre part, elle conduit à des crises de plus en plus
fréquentes qui réduisent ou annulent l’effet positif de la finance sur la croissance.
La présente étude contribue à approfondir l’analyse de la relation entre la finance et la croissance en
mettant l’accent sur l’effet du risque de crédit, résultant des asymétries d’information sur le
financement bancaire et la croissance économique. La section suivante aborde la modélisation.
3. Estimation économétrique
Deux points sont abordés dans cette section. Le premier point présente le modèle d’analyse. Le
second point présente les données et donne une définition des variables.
3.1 Présentation du modèle de base
Le modèle théorique de base est un modèle de croissance endogène dans lequel on intègre le
développement financier et le risque de crédit résultant des asymétries d’information.
Le modèle de base part de la fonction de production de type Cobb Douglas suivante :
Yit  Kit H it ( Ait Lit )1  , avec Lit  L0enit et Ait  A0e gt Wit
Y : production, K : stock de capital physique, H : stock de capital humain, L : travail, A : facteur
reflétant le niveau technologique et l’efficacité de l’économie, α + β < 1, n : taux de croissance de
force de travail, g : taux de progrès technique supposé constant, W: vecteur de développement
financier affectant le niveau de technologie et l’efficacité de l’économie, θ : vecteur de coefficients
qui relient ces politiques aux autres variables et i et t sont respectivement les indices pays et temps.
Le développement financier représenté par le crédit bancaire Wi. On suppose qu’une part de ce
crédit octroyé par les banques peut se transformer en créances impayées à cause des asymétries
d’information qui existent entre prêteurs et emprunteurs sur le marché du crédit. Ces créances
impayées rapportées au total du crédit octroyé constituent une mesure du risque crédit. C’est une
mesure ex post qui peut refléter le risque inobservé, donc l’information privée détenue par
l’emprunteur.
On
iWi ,t  1iW1i ,t  2iW2i ,t
suppose
que
Wi ,t
se
décompose
sous
la
forme
suivante :
avec W1i le niveau de développement financier, représenté dans cette
8
étude par le crédit bancaire ; W2i , la mesure du risque de crédit résultante de l’asymétrie
d’information. 1 et  2 sont supposés avoir respectivement un effet positif et négatif sur la croissance
économique. En intégrant d’autres variables de contrôle, le modèle à des fins d’estimation se
présente comme suit :
Croissi ,t   0   1risqi ,t   2creei ,t   3croiss _1i ,t   4 X i ,t  i ,t (eq1)
L’estimation de telle équation pose un problème de simultanéité et d’endogénéité entre variables
(croiss, cree, risq)4. Il existe en effet une relation de double causalité entre l’activité économique et le
niveau du développement financier et cela peut se produire de manière simultanée (Greenwood et
Javonovic, 1990). De la même façon que le développement financier est favorable à la croissance
économique, la croissance stimule aussi le développement financier.
La croissance économique peut également être un facteur de la prise de risque par la banque et
inversement le niveau de risque peut être un déterminant de la croissance économique. De ce fait,
l’estimation de la relation entre la croissance et le risque crédit à l’aide d’une seule équation peut
conduire à des résultats biaisés à cause de l’omission de la relation bidirectionnelle entre les deux
variables. Une des solutions à ce problème est d’utiliser un système d’équations simultanées
(Rigobon et Sack, 2004). Egalement, la décision d’offre du crédit par la banque est associée
simultanément à une stratégie de prise de risque. Pour prendre en compte ces insuffisances, nous
régressons premièrement le risque crédit sur la croissance et sur quelques variables de contrôles. Le
modèle sur les déterminants du risque s’écrit sous la forme suivante :
Risqi ,t  0  1croissi ,t   2 Zi ,t   i ,t (eq2)
Deuxièmement, nous régressons l’offre du crédit bancaire sur la croissance, le risque et sur un
certain nombre de variables susceptibles d’affecter l’offre du crédit. Le modèle à des fins
d’estimation
se
présente
sous
la
forme
suivante :
Creei ,t  0  1risqi ,t  2 risqu _1i ,t  3croissi ,t  4Yi ,t  i ,t (eq3)
Les équations (1), (2) et (3) sont estimés simultanément afin d’introduire les interactions existantes
entre ces variables et capter les externalités. Cette estimation s’explique par le fait qu’une
augmentation de la croissance économique peut être due soit à une hausse du crédit bancaire, soit à
une baisse du risque ou à une combinaison des deux politiques. Le système d’équation à estimer est
le suivant :
4
Le test d’endogénéité effectué montre que ces variables sont potentiellement endogènes
9
 Risqi ,t   0  1croissi ,t   2 Zi ,t   i ,t

Creei ,t   0  1risqi ,t   2 risqu _1i ,t  3croissi ,t   4Yi ,t  i ,t
Croiss     risq   cree   croiss _1   X  
i ,t
0
1
i ,t
2
i ,t
3
i ,t
4 i ,t
i ,t

Les variables sont de trois types : les variables endogènes (risqu cree, croiss), les variables exogènes
communes et les variables exogènes spécifiques à chaque équation. Le choix des variables
spécifiques à chaque équation a été fait en tenant compte de la faible corrélation entre ces variables
explicatives et les variables endogènes des autres équations afin d’éviter les problèmes de
multicolinéarité.
Risq est le risque crédit et est estimé par les créances non performantes rapportées au total du crédit
du système bancaire. Cette mesure capte la part des crédits actuellement en défaut qui peuvent
s’expliquer par la présence des asymétries d’information et est utilisée dans plusieurs travaux
(Shrieves et Dhal, 1992 ; Jiménez et al, 2007 ; Boyd et De Nicolo, 2005).
croiss est le taux de croissance du PIB par tête. Cette variable est introduite dans l’équation du risque
et du crédit comme variable explicative. Une forte croissance économique peut améliorer la
rentabilité des projets, donc une baisse du niveau du risque crédit entrainant une hausse du crédit à
l’économie.
Le crédit à l’économie (cree) est constitué essentiellement des prêts aux entreprises privées et aux
particuliers. Cet indicateur permet de mesurer le degré d’efficacité des banques dans leur rôle de
transformation financière.
Z est un vecteur de variables de contrôle pouvant affecter le niveau de risque à savoir le capital
bancaire, le taux d’intérêt, les dépôts, la taille de la banque, le crédit agricole et l’incertitude
macroéconomique. Y est un vecteur de variables affectant l’offre du crédit, composé des dépôts, de
la taille de la banque, du taux d’intérêt, de la concentration bancaire et de la croissance économique.
X un vecteur de variables de contrôles habituellement utilisé dans les modèles de croissance. Il s’agit
du niveau d’éducation, de la population active, de l’investissement, de l’ouverture et de l’inflation. La
définition des variables est décrite en annexe.
3.2 Données
Les données utilisées pour l’estimation concernent sept pays5 de l’UEMOA et couvrent la période
1986-2010. Les données sont issues de deux sources en fonction des variables. Les données
financières sont collectées à partir des statistiques de la BCEAO. Les données macroéconomiques
proviennent de la Banque mondiale. Le test de stationnarité de Im, Pesaran et Shin (2003) est utilisé
5
Sauf la Guinée Bissau par manque de données.
10
sur ces données avant l’estimation économétrique afin d’éviter les risques de régressions
fallacieuses.
4. Estimation du modèle et interprétation
La méthode d’estimation est présentée premièrement, la présentation et l’interprétation des
résultats sont ensuite abordées.
4.1 La méthode d’estimation
Deux types de méthodes existent pour estimer un modèle à équations simultanées : les méthodes à
information limitée et les méthodes à information complète. Les premières consistent à estimer le
modèle équation par équation sous l'hypothèse qu'il n'existe pas de corrélations entre les aléas des
différentes équations. A cet effet, la méthode des doubles moindres carrés (2SLS) qui utilise des
variables instrumentales peut être appliquée afin de vérifier la robustesse des variables explicatives
d’intérêt.
Les secondes méthodes considèrent le modèle dans sa globalité en prenant en considération la
corrélation entre les équations. La méthode des triples moindres carrés peut être appliquée dans ce
cas et est utilisée dans la présente recherche. Cette méthode estime globalement l'ensemble des
équations d'un modèle, pour tenir compte de la vraisemblable corrélation entre les aléas des
différentes équations. L’utilisation des triples moindres carrés est légitime car le modèle dans son
ensemble est sur identifié, la matrice des coefficients des variables endogènes est inversible ce qui
implique qu’il est possible de retrouver la forme structurelle à partir de la forme réduite, l’espérance
du terme d’erreur du modèle est égale à 0 et celle de la matrice des covariances des erreurs est
définie positive.
4.2 Discussion des résultats
Le tableau 1 présente les résultats d’estimation. Avant d’interpréter l’effet du risque et du crédit sur
la croissance, on discutera des déterminants du risque et du financement bancaire.
11
Tableau 1. Résultat d’estimation du système d’équations.
Variables endogènes
Risque crédit
Variables exogènes
coefficient
risque à t
Crédit à l’économie
Croissance
-0.1450
risque à t-1
Croissance à t-1
Crédit agricole
0.1205
Taux d’intérêt débiteur
0.6911*
Taille des banques
-10.3857*
Capital bancaire
0.8602***
Concentration bancaire
Dépôt
35.8919***
Ouverture
Investissement
Inflation
-0.3710***
Education
Population active
Constante
-11.0624
Nombre d’observations
R2
Prob
*** significatif au seuil de 1%
**significatif au seuil de 5%
*significatif au seuil de 10%
z-stat
-0.73
0.25
1.6
-1.75
2.66
2.74
Crédit à l’économie
coefficient
z-stat
0.0689**
2.66
-0.0054
-0.0518***
0.9099
3.5369**
0.2699***
0.0363*
5.0196*
-0.12
-2.88
-2.7255*
0.3356***
4.48
0.0807
0.1150*
-0.1738***
0.07266
-11.3788***
0.6586**
1.43
1.64
-2.68
1.20
-7.34
2.22
138
0.2513
0.000
0.94
2.55
3.63
1.66
1.95
-6.44
-1.57
138
0.2319
0.000
Croissance économique
coefficient
z-stat
-0.4180**
-2.56
0.7925**
2.14
-1.62
138
0.3322
0.000
Source : estimation de l’auteur

Les déterminants du risque de crédit
Dans l’équation du risque, les statistiques montrent que le modèle est globalement adéquat. Les
variables capital, dépôt et inflation sont significatives au seuil de 1%. Les variables taux d’intérêt
débiteur et la taille des banques sont significatives au seuil de 10%.
Les résultats montrent une relation positive entre le risque et le capital bancaire, ce qui indique que
les banques avec un niveau de capitaux élevé prennent plus de risque et sont soumises à une forte
asymétrie de l’information. Lorsque la banque a plus de ressources, elle peut être amenée à adopter
un comportement moins prudente, elle prend plus de risque en augmentant le volume du crédit, ce
qui peut l’amener à sélectionner des emprunteurs plus risqués, c’est à dire disposant d’une
information peu fiable sur la qualité de leurs projets. Ce résultat est conforme à ceux trouvés par
Shrieves et Dahl (1992), Godlewski (2004).
Les dépôts exercent une influence positive sur le risque. La hausse des dépôts implique une
augmentation des ressources des banques, elles peuvent alors prendre plus de risque en
transformant ces ressources en crédit, en octroyant des prêts plus aléatoires et à s’engager dans des
12
activités peu certaines. Ce qui amène les emprunteurs à être moins incités à fournir une information
fiable, d’où une augmentation de l’asymétrie d’information.
L’effet du taux d’intérêt sur le risque apparaît positif. Une hausse du taux d’intérêt augmente le coût
du crédit, ce qui augmente les problèmes de sélection adverse et d’aléa moral, donc l’asymétrie de
l’information. A un niveau donné, le taux d’intérêt élevé repousse les bons emprunteurs et attire les
mauvais emprunteurs, car ces derniers se font passer pour des emprunteurs peu risqués. Dans
l’UEMOA, le niveau élevé du taux d’intérêt renchérit le coût du crédit (plus de 10% en moyenne), ce
qui amènent les emprunteurs à adopter des comportements opportunistes. Ce résultat est conforme
à celui Boyd et Nicolo (2005) qui montrent qu’une hausse du taux d’intérêt sur le crédit augmente
l’opportunisme et le risque de défaillance de l’emprunteur.
La taille du système bancaire, approximée par les actifs bancaires n’est pas un facteur à accroître le
risque crédit. L'existence d'un lien négatif entre la taille et le risque est liée à la justification même de
l'existence des banques. L'argument le plus naturel est celui de la diversification par la taille. En effet,
les banques de grande taille dans la zone UEMOA sont des filiales de banques étrangères et
contrôlent 79.1% du marché bancaire. Ces banques ont souvent plus de capacité de diversification du
risque plus élevée que celles de petite taille. Un argument similaire est celui de l'existence
d'économies d'échelle dans les coûts de transaction introduits par Diamond (1984). Ce résultat
montre que les banques peuvent mettre plus de ressources nécessaires pour collecter et exploiter
efficacement l’information disponible sur les entreprises, ce qui permet d’atténuer l’asymétrie
d’information et donc le risque de crédit. Ce résultat est conforme à ceux de Boyd, Nicolo et Jalal
(2006).
L’inflation est reliée négativement au risque crédit. Ce résultat n’est pas conforme aux prédictions
théoriques. Cela peut s’expliquer par la maitrise de l’inflation au sein de l’UEMOA. Les Etats de la
zone, en vue de renforcer l’intégration régionale et la coordination des politiques
macroéconomiques, ont mis en vigueur en décembre 1999 le Pacte de Convergence, de Stabilité, de
Croissance et de Solidarité (PCSCS). L’un des critères de premier rang de ce pacte est la maîtrise de
l’inflation à moins de 3% par an. Le respect de ce critère suppose qu’il y a peu de chance que
l’inflation soit un facteur qui freine l’activité économique. Dans ce cas, les entreprises peuvent faire
de bonnes prévisions et doivent être capables de fournir aux banques une information fiable.

Les déterminants du crédit bancaire
Le risque crédit de l’année t-1 et le capital sont significatifs au seuil de 1%. Les variables risque
l’année t et taille sont significatives au seuil de 5%. Les dépôts et le degré de concentration du
marché bancaire sont significatifs au seuil de 10%.
13
Le risque à l’année t-1 influence négativement l’offre du crédit. En effet, le niveau de créances
impayées enregistré l’année passée influence la décision d’offre du crédit de l’année en cours. Il faut
encourager la baisse du risque crédit par des mesures qui réduisent l’opportunisme de l’emprunteur.
La taille, le capital et les dépôts sont positivement reliés au niveau du crédit octroyé. Une hausse de
ces variables augmente les capacités financières de la banque et elle peut alors augmenter l’offre du
crédit. Ce résultat est conforme au comportement de la banque qui octroie le crédit en tenant
compte de ces ressources disponibles.
La variable concentration bancaire affecte positivement le niveau du financement de l’économie. Ce
résultat peut s’expliquer par la concurrence monopolistique sur le marché bancaire de l’UEMOA. Les
banques qui sont pour la plupart généralistes s’intéressent à une même catégorie de clients
notamment les grandes entreprises du secteur formel, les travailleurs du secteur public et privé. Pour
cela, elles se livrent à une concurrence pour octroyer le crédit à ce segment de l’économie afin de les
fidéliser. Allen et Engert (2007) expliquent que dans un secteur où règne une concurrence
monopolistique, les entreprises investissent de fortes sommes pour constituer une image de marque
et fidéliser ses clients. Mais la structure monopolistique fait que le coût du crédit reste élevé dans
l’UEMOA. Il faut encourager une concurrence pure sur le marché pour qu’il y ait non seulement une
hausse du crédit bancaire mais aussi une baisse du coût du crédit.

L’effet du risque crédit et du financement bancaire sur la croissance économique
Dans l’équation de croissance les facteurs significatifs sont la variable risque crédit et le crédit à
l’économie au seuil de 5%. La croissance à l’année t-1, la variable population active et l’inflation sont
significatifs au seuil de 1%. Le taux d’investissement est significatif au seuil de 10%.
Les résultats montrent un effet positif du développement financier, mesuré par le crédit bancaire et
un effet négatif du risque crédit sur la croissance économique.
L’impact favorable du développement financier sur la croissance est favorisé essentiellement par des
variables bancaires, à savoir les dépôts, les capitaux et les actifs bancaires. Une hausse de ces
variables entraine une augmentation du financement bancaire. Le coefficient positif et significatif de
la variable dépôt confirme le rôle d’intermédiaire financier que jouent les banques de l’UEMOA en
transférant les ressources des agents à capacité de financement vers ceux à besoin de financement.
Les résultats indiquent que le développement financier affecte positivement la croissance par le
canal de l’accumulation du capital. Le développement financier, en augmentant les ressources des
banques à travers la hausse des dépôts, des capitaux favorise une augmentation du taux
d’investissement, nécessaire à la croissance économique. Les résultats montrent en retour que la
croissance économique n’affecte pas le volume du crédit. Le coefficient associé à la variable
croissance est non significatif dans l’équation du crédit. Ce résultat répond à une phase de « supply
14
leading », où c’est le développement financier qui induit le développement économique dans les
pays de l’UEMOA. Ce résultat est conforme à ceux de Raffinot et Venet (1998) pour le Bénin, le
Sénégal et le Togo.
L’effet négatif du risque crédit sur la croissance économique s’explique par l’existence des asymétries
de l’information. L’asymétrie d’information, notamment la sélection adverse peut entrainer le choix
des investissements non productifs, ce qui compromet la rentabilité des projets et contribue à
augmenter le risque crédit. La banque enregistre des pertes de ressources et l’économie des pertes
de possibilités de nouveaux financements. Les dépenses d’investissements sont affectés et par la
suite la croissance économique. Ce résultat est conforme aux prédictions théoriques (Bose et
Cothren, 1996 ; Ho et Wang, 2005).
L’hypothèse que le risque affecte la croissance par le canal du crédit est captée par le coefficient
associé à la variable risque de l’année t-1. Le comportement opportuniste lors d’un contrat de crédit
passé d’un client compromet le renouvellement d’un crédit. Dans la zone UEMOA, le problème
d’accès à l’information est crucial, il n’existe pas d’agence de notation, de cabinets comptables
spécialisés dans la production d’information. L’indice sur la valeur de l’information qui trait à la
portée, l'accessibilité et la qualité de l'information disponible au sujet du crédit par le biais de
registres publics ou privés est faible (1 contre une norme de 6 selon la Banque Mondiale). Les
entreprises qui sont pour la plupart des PME fournissent des états financiers peu fiables pour la
demande de crédit. En cas d’un défaut de paiement, le recouvrement des créances impayées est
difficile à cause du manque de magistrats spécialisés dans les contentieux bancaires. Par mesure
prudentielle, les banques adoptent des comportements adaptatifs en réduisant les possibilités de
nouveaux financements l’année suivante.
Les autres variables de contrôle introduites dans l’équation de croissance que sont le taux
d’investissement, l’inflation, la population active sont significatives et sont conformes aux prédictions
théoriques sauf pour la variable population active. L’hypothèse qu’une forte inflation est néfaste à la
croissance n’est pas rejetée. Quant à la variable population active, elle est corrélée négativement à la
croissance économique, cela peut s’expliquer par le fait que la population active a un impact positif
sur la croissance si cette population est dotée de capital humain. De même, ce résultat peut
s’expliquer par la structure de la population dans la zone UEMOA qui regroupe beaucoup de jeunes.
Cette structure de la population implique des dépenses d’éducation et de santé, ce qui peut freiner
le niveau de l’investissement et de ce fait le nombre d’actif dans l’activité économique.
15
5. Conclusion et implications de politiques économiques
Il ressort globalement de la présente réflexion, que l’existence des asymétries d’information sur le
marché bancaire augmentent le risque crédit, ce qui affecte le volume de financement de l’économie
et donc de la croissance économique.
Les résultats obtenus à partir de l’estimation d’un système à équations simultanées montrent que le
risque crédit exerce un effet direct et négatif sur la croissance et un effet indirect et négatif sur la
croissance à travers une baisse du financement bancaire. L’introduction du risque crédit dans
l’équation de croissance ne remet pas en cause l’hypothèse d’un effet positif de la finance sur la
croissance économique.
Aux regards de ces résultats, il est important de combiner aux politiques de développement financier
une politique de baisse des asymétries d’information donc du risque de crédit afin d’améliorer le
financement bancaire, nécessaire à la croissance économique dans l’espace UEMOA. Il est important
d’agir sur les variables qui affectent le risque de crédit. Les résultats indiquent que le taux d’intérêt
débiteur exerce un effet positif et significatif sur le risque de crédit. Une hausse du taux d’intérêt
débiteur tend à accroître le niveau de risque de crédit. Boyd et Nicolo (2005) montrent qu’une
hausse du taux d’intérêt sur le crédit augmente l’opportunisme de l’emprunteur et son risque de
défaillance. Une politique de baisse du taux d’intérêt peut entrainer une hausse de la rentabilité des
projets d’investissements financés par le crédit bancaire. Cette politique va entrainer une baisse des
crédits en défaut, et donc l’opportunisme de l’emprunteur. La santé financière de la banque sera
stable et l’économie peut bénéficier davantage de financement, nécessaire à la croissance
économique. Les résultats font ressortir également que les banques de grande taille ont une capacité
à réduire le risque de crédit et à augmenter le financement de l’économie. En effet, les banques de
grande taille ont souvent une capacité de diversification du risque plus élevée que celles de petite
taille. Ces banques ont les ressources nécessaires pour collecter et traiter l’information, donc à
atténuer l’asymétrie d’information et de ce fait le risque crédit. Il est nécessaire d’encourager le
développement des banques de grande taille à travers le réinvestissement des profits des banques
ou l’apport de nouveaux actionnaires.
Les résultats du modèle d’offre du crédit font ressortir qu’une hausse des dépôts entraine une
augmentation du financement de l’économie. Le développement financier doit être encouragé à
travers la mobilisation de l’épargne tout en respectant les normes de transformation de ces dépôts
en crédit. Pour améliorer cette mobilisation, il faut encourager davantage l’amélioration du réseau
bancaire et l’offre des services bancaires compatibles avec les besoins de l’économie.
16
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19
Définition et signe attend des variables
croiss
définition
Source
Le taux de croissance du PIB par habitant
Banque
Signe attendu
mondiale,
2008
cree
Logarithme du crédit total alloué au secteur
BCEAO
+
privé
risque
Créances non performantes/crédit total
BCEAO
-
inflat
Déflateur du pib
Banque
-
mondiale,
2008
popactiv
Population active sur la population totale
Banque
indéterminé
mondiale,
2008
ouvert
exportations + importations sur le PIB
BCEAO
+
Inves
FBCF+VS sur le PIB
BCEAO
+
croiss_1
Le taux de croissance du PIB par habitant à
Banque
+
l’année t-1
mondiale,
2008
educ
Taux brut de scolarité au primaire
BCEAO
+
tid
Taux d’intérêt débiteur appliqué par les banques
BCEAO
+
cap
représente le capital de la banque et est estimé
BCEAO
-/+
BCEAO
+
Banque
-
par le rapport Fonds propres/Actifs du système
bancaire dans chaque pays.
creagr
Il est définit par le Ln du montant du crédit au
secteur agricole sur le volume total du crédit.
croiss
Le taux de croissance du PIB/habitant
mondiale
(2008)
infl
Déflateur PIB
Banque
+
mondiale
(2008)
depot
ln des dépôts
taill
ln des actifs
Concenb
l’indice
de
20
concentration
Hirschmann (IHH).
de
Herfindahl-
BCEAO
+
BCEAO
+
BCEAO
+/-
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