L’ÉDITO
4INFORMATION JUIVE Janvier 2008
Etre juif
aujourd'hui
PAR JOSY EISENBERG
Les éditions Grancher ont pris l'initiative de rééditer l'ouvrage que notre ami
le rabbin Josy Eisenberg avait publié il y a quelques années sous le titre
Le Judaïsme. Cette édition revue et corrigée paraît désormais sous le titre
L'ABC du judaïsme (16 euros). Avec l'autorisation des Editions Grancher, nous
donnons ici un extrait du dernier chapitre de cet ouvrage consacré au fait d'être
juif aujourd'hui.
Il est bien évident que le sionisme et la création de l'État
d'Israël constituent la plus grande des diverses
mutations que le judaïsme a connues depuis un siècle.
Cet événement-avènement interpelle la conscience
religieuse. Ne s'agit-il point là de la réalisation de
l'attente juive la plus fondamentale ? Pour la théologie
juive, le retour à Sion est le prélude incontournable de
l'avènement messianique, et il est incontestablement vécu
comme tel par la majorité des juifs, pratiquants ou non
pratiquants. Si, pour ces derniers, l'État d'Israël représente tout
d'abord un havre de sécurité et l'assurance d'une dignité
retrouvée, pour les juifs religieux, il est aussi le lieu où le
judaïsme peut enfin développer ses valeurs propres.
Spirituellement, il constitue tout d'abord un témoignage d'une
inestimable valeur : Dieu est fidèle à ses promesses et à son
peuple ; la foi juive s'en trouve incommensurablement confortée.
Matériellement, il garantit la perpétuation et l'épanouissement
de l'enseignement de la Torah et de la pratique de la Loi, l'un
et l'autre jouissant en Israël d'énormes facilités.
Certes, il existe divers groupuscules juifs antisionistes, d'une
part à New York, parmi les 'hassidim, et, de l'autre, à Jérusalem
même : les Natoré Karta (gardiens de la cité), ces derniers faisant
souvent parler d'eux, comme toutes les minorités actives, alors
qu'ils représentent tout au plus quelques centaines de personnes.
Ce refus se fonde sur l'interprétation de textes talmudiques qui
déconseillent l'usage de la force pour la reconstruction d'une
patrie juive. Les antisionistes soutiennent que c'est seulement
sous la conduite du Messie et sur l'ordre de Dieu que doit
s'opérer le retour à Sion. Mais la théologie juive laisse la porte
largement ouverte à d'autres interprétations et à l'initiative
deshommes. Aussi bien, la légitimité du sionisme fait-elle
aujourd'hui la quasi-unanimité des penseurs juifs.
Si, pour l'ensemble des juifs, la légitimité d'Israël ne fait guère
problème, l'existence d'un État juif moderne n'est cependant
pas sans susciter des interrogations de toutes sortes. Elle crée
tout d'abord d'incessantes tensions entre les Israéliens, épris de
laïcité et les juifs pratiquants qui s'efforcent d'imposer à l'État
le maximum de respect des traditions.
Une des plus grandes sources de conflits est constituée par
les problèmes d'état civil, qui sont régis en Israël par la loi
religieuse ; le respect du chabbat et des fêtes - légalement
chômés- impose également diverses contraintes mal tolérées
par les juifs séculiers. Ces conflits sont exacerbés par le contexte
politique très particulier d'Israël où, pour des raisons d'ordre
électoral, les partis religieux constituent une force d'appoint
pour la formation du gouvernement et se transforment ainsi en
groupes de pression. Aussi bien dans la Diaspora qu'en Israël
même, le problème de la nature de l'État juif est sans cesse l'objet
de débats. C'est le cas également pour tous les problèmes
politico-religieux suscités par le conflit israélo-arabe, et
notamment le destin des " territoires occupés ", qui divise le
camp des juifs religieux et suscite des positions allant d'un
extrême - ne rien rendre de la Terre Sainte pour rester fidèle
aux promesses de la Bible - à l'autre : rendre ces territoires aux
Palestiniens en vertu des valeurs démocratiques.
Dans ce conflit déchirant, les opinions des principaux rabbins
et théologiens de notre temps sont également partagées.
On le voit : l'une des caractéristiques de la vie juive
contemporaine, c'est la présence, quelquefois obsédante, de la
politique, donnant naissance à une infinité de courants,
d'organisations et d'institutions spécifiques.
Le tableau des différents problèmes que nous avons
schématiquement présentés pourrait paraître sombre et l'avenir
du judaïsme incertain. Mais l'existence de crises n'est pas
nécessairement le signe d'une mauvaise santé. Au demeurant,en
cette fin de siècle où toutes les idéologies, toutes les religions
et toutes les valeurs sont si fortement remises en question, il
Que ce soit dans les cercles
universitaires, dans les milieux
religieux ou dans le grand public, le
judaïsme rencontre aujourd'hui un vif
intérêt, qui se manifeste notamment
par la place qu'occupent les thèmes
bibliques ou juifs dans des domaines
aussi variés que la psychanalyse, la
littérature ou le cinéma.