NORD COMPO — 03.20.41.40.01 — 108 x 178 — 29-04-08 13:48:44
130157OMF - Flammarion - Guide GF philo 2008 - Page 65 — Z30157$$$3 — Rev 18.02
et la monnaie à une phase supérieure de la civilisation.
La forme archaïque de l’échange est en réalité le don.
Les partenaires sont moins des individus que des per-
sonnes morales. Le but n’est pas essentiellement éco-
nomique, puisqu’on n’échange pas des choses utiles,
mais des choses précieuses, des rites, des rangs, des
femmes, etc., et puisque le donateur s’attend à recevoir
en retour des biens de même valeur (on laisse ici de
côté le potlatch,ou
`il faut surenchérir, sous peine de
perdre son honneur voire sa liberté), et reçoit parfois
exactement les mêmes biens. Cet échange est un fait
social total, qui a, outre sa dimension économique, un
aspect religieux, juridique, etc., dans la mesure ou
`la
chose qui fait l’objet du contrat a une a
ˆme. On parle
de don parce que la transaction se fait sous la forme de
cadeaux, mais l’acte n’est ni libre ni gratuit. Il y a en
réalité une triple obligation de donner, de recevoir et
de rendre, dont le non-respect peut être durement
sanctionné. D’un côté, dans la lignée de Marx qui se
moquait des « robinsonnades » d’Adam Smith, Mauss
critique la projection sur le primitif de la psychologie de
l’homo œconomicus ou de l’égoïsme rationnel. L’échange
n’est pas qu’un phénomène économique, à l’origine de
la division sociale et internationale du travail (l’individu
et la nation, disait Smith, ont tout intérêt à échanger
librement le surplus de leur production spécialisée plu-
tôt qu’à rechercher l’autarcie). Ici, la circulation des
biens est l’occasion de la création d’un lien, qui peut aller
de la simple amitié à l’alliance. D’un autre côté, à la
suite de Montesquieu, qui affirmait que « l’effet naturel
du commerce est de porter à la paix » (De l’esprit des
lois, livre XX, chap. 2), Mauss montre que l’opposition,
65