Claude LEVI-STRAUSS
Tristes Topiques
Biographie
en 1908, Claude Lévi-Strauss se dirigea d'abord vers la philosophie, dont, à l'époque, le caractère de
construction gratuite et l'enseignement desséchant eurent vite fait de le décevoir. Marqué par les marches
formelles de la géologie, du marxisme et de la psychanalyse, qui, dans leurs domaines respectifs - la terre, les
groupes sociaux, l'individu -, lui apparaissaient comme des efforts pour intégrer, sans rien sacrifier de ses
propriétés, le sensible au rationnel, par quoi se manifeste l'homogénéité secrète du monde et de l'esprit, Lévi-
Strauss opte alors pour l'ethnographie.
Nommé professeur de sociologie à l'université de São Paulo, il séjourne au Brésil de 1934 à 1939, se
nourrissant des écrits, méconnus en France, des grands anthropologues américains: Boas, Kroeber, Löwie. Au
cours de cette période, il effectue dans l'est sauvage du pays plusieurs missions ethnographiques, dont les
résultats seront publiés dans divers articles, dans un premier ouvrage (1948) et dans Tristes Tropiques (1955). À
New York, pendant la guerre, il découvre, notamment au contact de Roman Jakobson, la linguistique structurale,
il voit le modèle d'une démarche proprement scientifique appliquée aux faits humains. Il s'en inspirera
désormais pour élaborer de nouveaux modèles anthropologiques qui visent moins à schématiser la réalité sociale
et culturelle qu'à découvrir les ressorts mentaux qui lui donnent forme. Rentré en France en 1948, il enseigne à
l'École pratique des hautes études et soutient sa thèse de doctorat ès lettres consacrée aux problèmes théoriques
de la parenté (1949). En 1958, il est élu professeur au Collège de France, à la chaire d'anthropologie sociale
qu'avait occupée Marcel Mauss, dont la pensée annonçait la sienne sur plus d'un point. L'œuvre et l'enseignement
de Lévi-Strauss, outre leur influence à l'étranger, ont, en France, grandement contribué à susciter un nouvel essor
de la recherche anthropologique et de l'ethnologie de terrain. Claude Lévi-Strauss est membre de l'Académie
française depuis 1973.
Avec Tristes Tropiques, et avec les quatre volumes de la série des Mythologiques, il acquiert une
influence considérable et le structuralisme dont il se fait le théoricien rayonnera dans tous les domaines de la
recherche: aussi bien chez les philosophes, les sociologues, les historiens que chez les spécialistes de l'histoire
des religions ou les critiques littéraires
Principales œuvres :
- La vie familiale et sociale des indiens Nambikwara , Paris, Société des Américanistes,1948.
- Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Presses universitaires de France, 1949.
- Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss (in : Marcel Mauss, Sociologie et Anthropologie), Paris, Presse
universitaire de France, 1950.
- Race et Histoire, Paris, Unesco, 1952.
- Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955.
- La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962.
- Le cru et le cuit, Paris, Plon, 1964.
- Du miel aux cendres, Paris, Plon, 1966.
Introduction sur l’auteur :
Grâce à un regard débarrassé des anciens préjugés sur les peuples dits "primitifs", l'anthropologue
Claude Lévi-Strauss a bouleversé l'ethnologie contemporaine et mis au point une méthode originale, associant
analyse structurale et apport de la psychanalyse, pour interpréter les mythes, découvrir les grands systèmes de
pensée ou expliquer le fonctionnement social. Son oeuvre donna un sens nouveau aux notions de "race",
"culture" et "progrès".
Le relativisme culturel fait aujourd'hui si intimement partie de notre mode de pensée que nous avons du
mal à imaginer quelle formidable ouverture a pu représenter, après 1945, la pensée de l'anthropologue Claude
Lévi-Strauss. Les "primitifs" étaient avant lui appréhendés par les anthropologues en référence à la civilisation
occidentale : peuples sans écriture et sans machinisme, ils étaient considérés comme hors de l'Histoire et dotés
d'un système archaïque de pensée. Il fallut un regard neuf et dépourvu de tout préjugé pour observer que la
complexité sociale et familiale de certains groupes aborigènes rendaient en comparaison la nôtre fort
rudimentaire, et sortir de l'échelle de valeurs par trop étriquée qui faisait de l'anthropologue un distributeur de
coefficient de civilisation.
Claude Lévi-Strauss est, il est vrai, de formation philosophique : l'ethnologie n'est pour lui qu'un détour,
lui permettant d'accéder à une réflexion sur l'homme, qui est l'objectif ultime de sa démarche. Il ne faut
cependant pas se méprendre; en 1908, à Bruxelles (Belgique), dans une famille aisée et artiste, jamais il ne se
laissera piéger par le mythe du "bon sauvage". L'art occidental - la peinture comme la musique et la littérature,
sur lesquels il réfléchira dans Regarder, écouter, lire (1993) - restera pour lui l'achèvement parfait de la
civilisation. Mais son approche des autres cultures sera profondément originale, marquée par une observation
scientifique minutieuse et passionnée. Ses grandes monographies sur des peuplades limitées en nombre et
confinées dans un territoire étroit ouvrent, en réalité, une large réflexion philosophique.
Résumé de l’ouvrage :
1- "Je hais les voyages et les explorateurs" :
C'est par cette phrase provocatrice que débute Tristes Tropiques, dans lequel il raconte la naissance de
sa vocation d'ethnologue lors de sa première expédition chez les Indiens du Brésil. C'est l'un des textes
fondateurs de l'ethnologie contemporaine, à l'origine, de l'avis général, de notre conception des autres peuples en
cette aube du XXIe siècle.
« Ma carrière s'est jouée un dimanche de l'automne 1934, à 9 heures du matin, sur un coup de
téléphone. » C'est ainsi que l'on devient ethnologue presque par hasard. En 1934, Claude Lévi-Strauss a 26 ans
quand le directeur de l'École normale supérieure lui demande s'il veut partir enseigner à l'Université de São
Paulo. Claude vi-Strauss acceptera et il s'installera au Brésil en 1935. Mais sans doute ce départ soudain pour
l'Amérique du Sud correspondait-il à l'appel d'une vocation dont vi-Strauss avait commencé de ressentir les
signes précurseurs dans sa jeunesse. Il raconte, dans Tristes Tropiques, comment, étudiant en philosophie, il se
sentit très vite rebuté par cette discipline qui lui apparaissait comme une vaine gymnastique intellectuelle coupée
de la richesse du réel et desséchante pour l'esprit. D'où l'intérêt porté à la sociologie, mais aussi à l'ethnographie,
dont il fit la découverte décisive en lisant, au début des années trente, le livre déjà ancien de Robert Lowie,
intitulé Primitive Society.
Impossible à résumée, car prolixe en détail, c’est par l’entremise de postulats, propres à toutes sciences,
que se révèle l’ambition d’entreprendre une véritable analyse scientifique des phénomènes humains sans les
trahir, c’est-à-dire sans rien laisser perdre de leur richesse concrète et des plus subtiles nuances que traduit leur
diversité.
2- Postulats globaux de l’ouvrage:
- Les besoins organiques de l'homme (alimentation, protection, reproduction) fournissent les impératifs
fondamentaux qui conduisent au développement de la vie sociale.
- Un système de parenté ne consiste pas dans les liens objectifs de filiation ou de consanguinité donnée entre les
individus ; il n'existe que dans la conscience des hommes, il est un système arbitraire de représentation, non le
développement spontané d'une situation de fait.
- Une société ne diffère pas de ses voisins les plus évolués sous tous les rapports, mais seulement sous certains ;
tandis qu'on trouve, dans d'autres domaines, de nombreuses analogies.
- Seul un malade peut sortir guéri, un inadapté ou un instable ne peuvent qu'être persuadés.
- Rien n'existe que des êtres humains, liés les uns aux autres par une série illimitée de relations sociales.
- Le langage est à la fois le fait culturel par excellence (distinguant l'homme de l'animal) et celui par
l'intermédiaire duquel toutes les formes de la vie sociale s'établissent et se perpétuent.
- Tous les systèmes humains de communication sont le produit de l'esprit humain.
- Comme les phénomènes d'une langue, les termes de parenté sont des éléments de signification, ils n'acquièrent
cette signification qu'à la condition de s'intégrer en systèmes.
- Une structure se suffit à elle-même et ne requiert pas, pour être saisie, le recours à toutes sortes d'éléments
étrangers à sa nature ; d'autre part, des réalisations, dans la mesure où l'on est parvenu à atteindre effectivement
certaines structures et leur utilisation met en évidence quelques caractères généraux et nécessaires qu'elles
présentent malgré leurs variétés.
- Chacun de nous est réellement né de l'union d'un homme et d'une femme.
- L'agriculture est source de nourriture donc de vie.
- Pour dissocier l'individu de son personnage, il faut le réduire en lambeaux.
- Quand une loi a été prouvée par une expérience bien faite, cette preuve est valable universellement.
- Les médecins primitifs, comme les médecins modernes, guérissent au moins une partie des cas qu'ils soignent,
et que, sans cette efficacité relative, les usages magiques n'auraient pu connaître la vaste diffusion qui est la leur,
dans le temps et dans l'espace.
- La langue est un fait social, et non un organisme vivant. Elle est une émanation de la communauté sociale, de
son histoire, et elle contribue à la fonder en retour en tant que communauté parlante: elle constitue comme
"l'infrastructure" de la culture.
- Quelle que soit la culture, l'esprit est fondamentalement identique. Entre mythe et science élaborée, entre
pensée sauvage et pensée identique, il n'y a pas de coupure radicale, seulement des différences de moyens pour
questionner le monde.
Conclusion :
Sa méthode est nouvelle : après sa rencontre avec le linguiste américain Jakobson, en 1941, il a l'idée
d'appliquer le concept de structure aux phénomènes humains et, pour commencer, à la parenté. Dans les
Structures élémentaires de la parenté (1949), Claude Lévi-Strauss analyse la prohibition de l'inceste comme
moyen positif d'assurer la communication et l'échange des femmes entre les groupes, et y voit le critère de
passage de la nature à la culture.
Dans la Pensée sauvage, (1962), il montre, contrairement à la notion de mentalité primitive "pré-logique", que
celle-ci est guidée par une logique rigoureuse, classificatrice. Enfin, et surtout, il applique cette méthode à l'étude
des mythes (Mythologiques, 1964-1971), relatifs, notamment, au domaine de la nourriture, montrant qu'ils sont
construits sur des systèmes d'opposition (le Cru et le Cuit, 1964, Du miel aux cendres, 1967, etc.). A partir de
l'observation et de la description des relations sociales, l'ethnologue établit donc des modèles formels capables de
mettre en évidence la structure des sociétés et de rendre compte de la plupart des phénomènes observés. .
S’agissant plus particulièrement de Tristes tropiques, c’est aussi un grand livre d’ethnologie et fut
accueilli comme tel. Quatre parties sur les neuf qu’il comporte sont consacrées à l’étude de groupes indiens :
Caduveo, Bororo, Nambikwara et Tupi-Karahib. Il contient des dizaines d’analyses théoriques éclairantes ou des
suggestions qui n’ont pas toutes été suivies, ainsi qu’une réflexion sur la nature même de l’aventure
ethnographique où se rejoignent la petite histoire et la grande.
Voyage philosophique ou essai ethnographique, Tristes tropiques est une immense méditation, un grand
monologue dont nous serions les auditeurs fascinés, dépourvu d’illusions sur le devenir de l’humanité et porteur
néanmoins de la force spinoziste d’un double engagement. « Le monde a commencé sans l’homme et il
s’achèvera sans lui », mais la seule manière d’y vivre est soit d’essayer de le comprendre, à la recherche d’un
ordre ni contingent ni arbitraire mais signifiant, soit d’accepter de suspendre sa marche pour entrer en
contemplation devant une pierre, une fleur ou l’œil d’un chat…
CITATIONS
« L'anthropologie est une discipline dont le but premier, sinon le seul, est d'analyser et d'interpréter les
différences. »
Extrait de l’ Anthropologie structurale
« Rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l'idéologie politique. »
Extrait de l’ Anthropologie structurale
« La science seule est incapable de répondre à toutes les questions et, malgré son développement, elle ne le sera
jamais. »
« Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant
l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour-propre. »
L'origine des manières de table.
« La vie sociale consiste à détruire ce qui lui donne son arôme. »
Tristes tropiques
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