Fractures de la patella – Principes techniques, biomécaniques et

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Fractures de la patella –
Principes techniques, biomécaniques
et particularités des ostéosynthèses
P. Hoffmeyer
La patella est la pièce squelettique qui permet la transmission des forces du
quadriceps au tibia. Elle assure, d’une part, le relais de l’action d’extension
du quadriceps et, d’autre part, un rôle de protection des éléments articulaires
fémoro-tibiaux. Les fractures de la patella constituent 1 % de toutes les fractures. Elles sont de deux types principaux : celles qui entraînent une dysfonction de l’appareil extenseur et celles qui laissent intact cet appareil.
Typologie du patient
L’âge moyen se situe entre 40 et 50 ans, avec deux fois plus d’hommes que
de femmes.
Anatomie chirurgicale
La patella, os sous-cutané, a-t-on coutume de dire, est le sésamoïde du tendon
quadricipital. Parfois des anomalies d’ossification amènent à un centre d’ossification supéro-latéral qui donne naissance à une patella bipartita. Le diagnostic différentiel avec une fracture « fraîche », n’est pas toujours évident et
parfois le recours à des techniques sophistiquées telles que l’IRM ou la scintigraphie au technétium, est nécessaire pour départager les opinions.
En extension, seule la partie inférieure du cartilage patellaire est au contact
avec le fémur. Lors de la flexion, progressivement toute la surface patellaire
se met au contact avec la région intercondylaire. Selon Rockwood, le cartilage patellaire est séparé en faces latérale et médiale par une crête centrale.
Chaque face a trois facettes : supérieure, moyenne et inférieure. La septième
facette est une mince bande longitudinale médiale.
Le tendon quadricipital, en plus de ses attaches supérieures et latérales, passe
par-dessus la patella en une mince bande pour rejoindre le ligament patellaire. Les rétinaculums patellaires ont, du côté latéral des fibres en continuité
avec le fascia lata qui s’insère sur le tubercule infracondylaire de Gerdy au
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Fractures du genou
tibia. Cela explique la capacité de certains sujets à faire une extension active
quoique faible malgré une fracture transverse de la patella.
La vascularisation patellaire provient des artères géniculées supérieures,
médiales et inférieures. Une partie importante de la vascularisation vient du
pôle inférieur, notamment au travers du corps adipeux infrapatellaire.
Tableau clinique
Les fractures non déplacées peuvent ne présenter que peu de signes cliniques,
essentiellement la douleur à la palpation et à la mobilisation du genou. Pour
juger de l’intégrité de l’appareil extenseur, une ponction-aspiration accompagnée d’une infiltration d’un agent anesthésique local peut être d’un grand
secours. Parfois une bursite prépatellaire hémorragique provenant soit d’un
choc direct, soit de l’hémarthrose fuyant au travers du trait fracturaire peut
être sous tension et nécessiter un geste de ponction-évacuation rapide, voire
une révision chirurgicale urgente pour éviter l’apparition d’une nécrose
cutanée. Bien entendu, on en profitera pour réaliser l’ostéosynthèse qui s’impose.
Mécanisme fracturaire
Des forces directes ou indirectes peuvent être mises en cause :
– une contraction violente du quadriceps est susceptible d’entraîner une
fracture patellaire et une chute consécutive. Dans ce cas, la comminution sera
réduite ;
– le contact brutal avec le tableau de bord ou une chute sur le genou fléchi
peut fracturer la patella ;
– une dermabrasion accompagne souvent cette lésion. Elle peut aussi être
ouverte, ce qui se conçoit par la position sous-cutanée de la patella. La séparation des fragments témoigne de la contraction violente concomitante du quadriceps qui déchire les rétinaculums tandis que la comminution rend compte
de la violence du choc direct.
Lésions associées
Il faut veiller à faire un examen précis de la hanche, une luxation ou une fracture du col fémoral ou de l’acétabulum sont possibles surtout dans les lésions
dites de « tableau de bord ». Il faudra aussi examiner soigneusement le genou
à la recherche des fractures chondrales et surtout des lésions ligamentaires
parmi lesquelles, la rupture du ligament croisé postérieur.
Fractures de la patella
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Traitement
Il est conditionné par le type de fracture (tableau I)
Selon le déplacement
Non déplacée
Déplacée
Selon la position
Selon l’aspect
Verticale
Transverse
Comminutive
Stellaire
en biscuit
(aplatissement ou tassement d’un
fragment)
Fracture sur PTG
Polaire
Ostéochondrale
Tableau I – Types de fracture de la patella – Classification. Les différents éléments peuvent se
combiner entre eux.
Conservateur
Ce traitement s’applique aux fractures en général verticales ou non déplacées,
qui ne menacent pas l’intégrité de l’appareil extenseur. On les estime à moins
de 20 % des lésions. On peut accepter selon les auteurs (Böhler, Boström)
une séparation de 3 mm et une marche d’escalier n’excédant pas 2 mm.
Il s’agit le plus souvent d’une immobilisation du genou en extension dans
une attelle pendant 4 ou 6 semaines. Selon que l’on est un tenant de Böhler,
Broström et Smillie, on autorise une charge complète, genou en extension
avec deux cannes, ou si, au contraire, on est plus prudent, on recommande
l’attitude de DePalma qui préconise un appui partiel. Les contractions isométriques en attelle sont encouragées précocement. On débutera ensuite une
rééducation de mobilisation et de récupération de la force.
Chirurgical
Dans le cas d’une prise en charge chirurgicale, celle-ci s’appliquera :
– d’une part, aux fractures déplacées et dont le déplacement intra-articulaire est supérieur à 2 mm ou la séparation supérieur à 3 mm ;
– d’autre part, à celles qui entraînent une perte de l’intégrité de l’appareil
extenseur.
La voie d’abord est faite par une incision longitudinale rectiligne, soit
centrée sur la patella, soit parapatellaire. Il s’agit d’éviter les incisions transverses qui compromettraient l’avenir.
Trois situations sont possibles : ostéosynthèse, patellectomie partielle, patellectomie totale. L’ostéosynthèse est en général possible lorsque la comminution ne dépasse pas huit fragments. Deux cas de figure se présentent alors :
les fractures médio-patellaires et les fractures polaires.
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Fractures du genou
Fractures médio-patellaires, transverses, stellaires, comminutives
Elles représentent entre 50 et 80 % des fractures de la patella. L’ostéosynthèse,
sera confiée à une combinaison de broches de Kirschner ou de vis, éventuellement canulées 3,5 mm, et de cerclages (1,25 ou 1,5 mm). Après nettoyage
des fragments, les surfaces cartilagineuses de la patella et de la trochlée fémorale seront explorées à la recherche de fractures ostéochondrales ou de corps
libres. La stabilité du genou sera vérifiée et notamment l’intégrité du ligament
croisé postérieur. Pour les fractures comminutives, il peut être avantageux de
procéder par étapes :
– reconstitution de deux fragments principaux, proximal et distal. Pour
chacun d’entre eux, les fragments ont été réduits et maintenu entre eux par
des broches de Kirschner ;
– réduction des fragments principaux. Ils seront solidarisés par 4 broches
de Kirschner, deux posées de proximal en distal et réciproquement. Ceci
permet de régler au mieux la longueur de ces broches pour qu’elles ne dépassent pas excessivement dans les structures tendineuses du tendon quadricipital et du ligament patellaire et ne soient source de gêne pour le patient ;
– un cerclage en 8 est ensuite posé qui passe sous les broches aux deux
pôles et se croise sur l’avant de la patella. Il fera office de hauban ;
– enfin, un cerclage peut être mis en place tout autour de la patella pour
assurer une stabilité aux fragments périphériques. Il a pour fonction de « rassembler le troupeau ».
La réduction anatomique se teste au doigt au niveau de face articulaire de
la patella. Des radiographies sont réalisées en salle d’opération de face et de
profil. Dans certaines circonstances, on peut s’adjoindre un cliché axial genou
fléchi à 45°. Les rétinaculums sont soigneusement reconstruits et suturés.
Plus récemment, une variante surtout utilisée dans les fractures transverses
non comminutives propose l’utilisation de deux vis 4 mm canulées spongieuses
à filetage partiel qui réunissent les deux fragments et au travers desquelles on
passera un cerclage en 8 antérieur comme décrit précédemment. Ce montage
est surtout réservé aux fractures de patella sur os non porotique, chez le jeune.
Fractures polaires
La règle première est de ne jamais exciser les fragments osseux aussi petits
paraissent-ils. En effet ceux-ci ont un lit et il est relativement facile de les y
replacer. Leur ablation enlève un repère anatomique fondamental pour l’opérateur qui ne saura plus où fixer le ligament patellaire. Il risque d’être mis en
position trop antérieure ou trop postérieure sur la patella, ce qui la fera basculer dans sa course en flexion et en extension. Là aussi, les fragments sont
fixés par broches et cerclages-haubanages ou par des fils non résorbables insérés
en transpatellaire. On discutera ensuite de l’application d’un cerclage d’abaissement. La tension de celui-ci sera réglée genou fléchi à 45°. On passe un
cerclage en « O », qui part de la base de la patella et qui s’appuie sur une vis
corticale 4,5 mm de longueur appropriée mise en place juste en-dessous de
la tubérosité tibiale. Il faut être très attentif au fait que ces cerclages d’abaisse-
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ment sont susceptibles d’entraîner des patellas basses dans les suites. On ne les utilisera avec parcimonie, que dans les cas où aucune autre solution n’est satisfaisante. Il ne faut, sous aucun prétexte, les laisser en place plus de 4 à 6
semaines.
Fractures en « biscuit »
Lors de certaines fractures de la patella plutôt sur os porotique, un ou plusieurs fragments peuvent se tasser et s’aplatir sous la violence du traumatisme.
On notera une incongruence articulaire sous la forme d’une importante
marche d’escalier même si, par ailleurs, la réduction paraît correcte. Il faudra
relever la surface articulaire impactée ou tassée et éventuellement la soutenir
avec un petit greffon ou un substitut osseux. Le fragment, dont la hauteur
est ainsi rétablie, sera remis en place et la fracture ostéosynthésée comme décrit
plus haut.
Fractures ouvertes
Il faut procéder à un parage soigneux de la plaie cutanée, une excision partielle de la bourse et des tissus contaminés est nécessaire. On peut être amené
à laisser la plaie ouverte et procéder à une fermeture en deux temps. C’est à
ce moment-là que l’on fera l’ostéosynthèse. Il s’agit d’une situation rare. Le
plus souvent on peut fermer après l’ostéosynthèse. Une couverture antibiotique prophylactique appropriée est indispensable dans ce cas.
Fracture de patella sur prothèse totale de genou (PTG)
La fracture de patella sur une prothèse totale de genou représente la fracture
périprothétique la plus fréquente. Approximativement 1 % des PTG présentent cette complication. Soixante-quinze pour cent de ces fractures sont de
type verticale et ne créent pas d’interruption de l’appareil extenseur. Les circonstances d’apparition de ces fractures sont multiples :
– per-opératoires au cours d’une opération primaire ou de révision ;
– au décours d’une PTG ;
– causées par une fracture de fatigue, sur contraction trop forte du quadriceps, lors d’un rattrapage de chute par exemple ;
– un traumatisme ;
– une nécrose aseptique ;
– le plus souvent une combinaison de ces éléments.
Les fractures per-opératoires sont peu fréquentes et souvent liées à des
erreurs techniques. Vouloir resurfacer une patella de moins de 10 à 15 mm
d’épaisseur prédispose à une fracture. Dans la règle, il faut éviter de resurfacer la patella lors d’une reprise.
Certaines fractures après PTG ne sont pas associées à un traumatisme. Les
causes peuvent être imputées parfois au patient : ostéoporose, polyarthrite,
sexe masculin, niveau d’activité trop élevé, trop belle mobilité. Souvent l’implant est en cause : dessin de l’implant, quille centrale, implant non cimenté,
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Fractures du genou
prothèse substituant le ligament croisé postérieur, descellement et ostéolyse.
Des facteurs techniques peuvent être incriminés : résection excessive, résection inadéquate, perforation patellaire antérieure, reprise, alignement insatisfaisant des implants, subluxation patellaire, dévascularisation de la patella. Ce
dernier facteur est souvent le résultat d’une section du rétinaculum patellaire
latéral concomitante à la pose de l’implant. Dans cette situation, Goldberg,
classe les fractures en quatre types (tableau II), dont dépend le traitement.
Pour les fractures sans rupture de l’appareil extenseur, une immobilisation
en extension de 4 à 6 semaines suivie d’une rééducation suffit.
Pour les fractures qui ont rompu l’appareil extenseur, le traitement est chirurgical : ostéosynthèse ou patellectomie. Il faut s’attendre à des résultats fonctionnels dans l’ensemble médiocres, selon les auteurs. Dans ce type de traumatisme, la prévention est de mise en respectant les impératifs techniques des
implants et en utilisant une technique chirurgicale la moins dévascularisante
possible pour la patella.
Type 1 : Appareil extenseur intact
Type 2 : Appareil extenseur rompu
Type 3 : Pôle inférieur
a) ligament patellaire intact
b) ligament patellaire rompu
Type 4 : Fracture-luxation.
Tableau II – Fractures de patella sur prothèse totale du genou – Classification de Goldberg.
Fractures ostéochondrales
Ces fractures touchent la surface articulaire et sont secondaires à une luxation patellaire latérale traumatique chez un jeune (15-20 ans). Le diagnostic
est parfois difficile sur les radiographies standard. Un scanner ou une évaluation arthroscopique sont parfois nécessaires. Le fragment libre est soit excisé,
soit remis en place et fixé selon sa taille.
Rééducation
Le schéma de rééducation est le même que pour le traitement conservateur,
la marche genou tendu dans une attelle pendant 4-6 semaines est préconisée,
assistée de deux cannes. La charge partielle sera encouragée. Ce qui diffère,
c’est une mobilisation active hors attelle et en décharge dès le lendemain de
l’intervention. On encouragera la flexion jusqu’à 50° et l’extension complète
active. La suite, après 6 semaines, dépend des radiographies de contrôle. La
guérison osseuse complète est attendue entre la 10e et la 12e semaines.
Fractures de la patella
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Résultats et complications
Dans les formes non comminutives, on peut s’attendre à de bons résultats
fonctionnels, mais au prix d’une perte de force du quadriceps dans tous les
cas. Celle-ci peut aller jusqu’à 50 % par rapport au côté opposé. La gravité
de la fracture initiale n’est pas en corrélation directe avec cette perte de force.
La patella basse est une complication redoutable qu’il faut combattre par une
mobilisation précoce. Plus de la moitié des patients souffriront de séquelles
arthrosiques qui sont plus ou moins gênantes. D’autres complications moins
fréquentes existent :
– perte de réduction progressive ;
– non-consolidation ;
– nécrose avasculaire de la patella.
Elles se rencontrent dans moins de 5 % des cas. Bien que le matériel d’ostéosynthèse puisse rester asymptomatique, son ablation doit être prévue dans
les deux ans, car les cerclages peuvent être difficile à enlever dans leur totalité au-delà.
Bibliographie
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30: 287-91
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Mansat C, Bonnel F et Jaeger JH (1985) L’appareil extenseur du genou. Masson, Paris
Muller ME et al. (1991) Manuel of Internal Fixation. Techniques recommended by the AOASIF group. Third edition. Springer-Verlag, Berlin
Smillie IS (1978) Injuries to the knee joint. Fifth edition. Edinburgh, Churchill Livingston
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