DOSSIER
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La Lettre du Sénologue - n° 29 - juillet/août/septembre 2005
Cette tendance s’explique d’une part grâce à l’amélioration de
l’efficacité et/ou à une meilleure adéquation des indications
thérapeutiques, en particulier des traitements adjuvants (hor-
monothérapie (10) et chimiothérapie (11, 12) et d’autre part,
grâce à l’impact du diagnostic précoce via le dépistage mam-
mographique.
ÉVOLUTION DU PRONOSTIC
ET COMPARAISONS INTERNATIONALES
L’étude EUROCARE-3 (13) (European Concerted Action on
Survival and Care of cancer patients) qui estime la survie des
patients atteints de cancer dans 22 pays à partir des données de
56 registres européens (couvrant environ 100 millions d’habi-
tants), montre que la survie relative globale à cinq ans est de
78% pour le cancer du sein. Il s’agit de l’étude la plus récente
concernant le pronostic des cancers du sein en Europe. Les
patientes incluses dans cette analyse ont un cancer du sein dia-
gnostiqué entre 1990 et 1994. Il existe entre pays européens
des différences de survie importantes. La France se situe parmi
les pays européens ayant le meilleur taux de survie, dépassant
la moyenne européenne avec la Suède, la Finlande, l’Italie et la
Suisse (taux de survie de l’ordre de 80% à cinq ans). Les taux
de survie les plus bas sont observés en Grande-Bretagne, au
Danemark, au Portugal et dans les pays de l’est de l’Europe.
On observe également une variation du pronostic avec l’âge :
le taux de survie globale à cinq ans au niveau européen est
maximal entre 45 et 54 ans, puis diminue régulièrement alors
que l’âge au diagnostic augmente. Cela avait déjà été observé
dans les deux précédentes études EUROCARE, illustrant la
dégradation du pronostic pour les femmes les plus âgées,
constatation qui n’est pas retrouvée aux États-Unis sur les don-
nées du programme SEER (Surveillance Epidemiology and
End Results). Globalement, les différences de pronostics entre
pays européens peuvent être expliquées par une répartition
variable des stades au diagnostic en fonction des pays et/ou à
des différences de disponibilité des ressources thérapeutiques
(14, 15).
Coleman et al. (13) ont également analysé les évolutions des
taux de survie à 5 ans sur une période de 10 ans. Une améliora-
tion de la probabilité de survie est observée dans la plupart des
pays européens. Cette avancée est surtout marquée dans les
pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord, même si ces derniers
avaient en moyenne des taux de survie à 5 ans, au début des
années 1980, plus élevés que tous les autres pays européens
(figure 1). Le Royaume-Uni fait partie des pays où le pronos-
tic du cancer du sein s’est fortement amélioré en 10 ans,
Blanks et al. (16) ont illustré cette évolution sur la période
1990-1998 et ont mis en évidence une réduction significative
de 21% de la mortalité sur la tranche d’âge 55-69 ans, dix ans
après la mise en place du programme de dépistage organisé. Ils
ont estimé que 15 % de cette réduction pouvait être attribué
aux progrès thérapeutiques et 6% à l’effet du dépistage mam-
mographique, via la détection précoce.
L’amélioration du pronostic est aussi observée dans les pays
de l’Europe de l’Est, bien qu’il persiste un écart important
entre ces derniers et les autres pays européens (17).
Une étude récente (18) comparative des programmes SEER et
EUROCARE a mis en évidence des différences de survie entre
les États-Unis et l’Europe. Cet article rapporte la comparaison
du pronostic des patientes américaines et européennes dont le
cancer du sein a été diagnostiqué entre 1990 et 1992. Les don-
nées cliniques issues de registres du cancer de la population
américaine correspondaient à 13 172 femmes comparées aux
données de 4478 patientes européennes. La différence de pro-
nostic entre les américaines et les européennes s’expliquait
essentiellement par une différence de répartition des stades au
diagnostic ; les cancers T1N0M0 correspondaient à 41% des
cancers du sein pour les Américaines et à 29 % pour les
Européennes. Les petites tumeurs étaient plus fréquentes chez
les américaines de plus de 70 ans (43%) que chez les femmes
de 45 à 49 ans (36 %) ; l’inverse a été retrouvé pour les
patientes européennes ; les petites tumeurs représentaient 24%
chez les femmes de plus de 70 ans contre 33 % pour les
femmes de 45 à 49 ans. Globalement, les cancers invasifs pT1a
≤5 mm de diamètre représentaient 3% de l’ensemble des can-
cers du sein diagnostiqués aux États-Unis versus 1 % de
l’ensemble des cancers du sein diagnostiqués en Europe. La
prise en charge chirurgicale était, en revanche, équivalente sur
les deux continents. Les auteurs concluent que la différence de
pronostic entre les continents (taux de survie à 5 ans de 89%
dans le programme SEER versus 79 % dans EUROCARE)
s’explique essentiellement par la différence de répartition des
stades au diagnostic. En effet, après ajustement sur le stade du
cancer, l’âge, le type de chirurgie, le risque de décès par cancer
du sein d’une femme européenne n’est pas significativement
différent de celui d’une américaine (RR : 1,07 ; IC 95 % :
0,98-1,17).
Le dépistage organisé du cancer du sein qui s’adresse en
France aux femmes de 50 à 74 ans devrait diminuer les tailles
tumorales au diagnostic, en particulier pour les femmes les
plus âgées qui se trouvent être moins impliquées dans le dépis-
tage individuel que les femmes plus jeunes.
Le vieillissement de la population européenne, va conduire
inéluctablement à une augmentation du nombre de nouveaux
cas de cancers dans les années à venir, même si l’incidence
demeure stable dans le temps. Les efforts en particulier de pré-
vention secondaire, de recherche de l’augmentation de l’effica-
Figure 1. Cancer du sein. Évolution du taux de survie (%) à 5 ans en
fonction des pays en Europe et de la période du diagnostic. Patientes
dont le cancer du sein a été diagnostiqué entre 1983 et 1994 et suivies
jusqu’en 1999.
D’après Coleman MP et al. EUROCARE-3 summary: cancer survival in Europe
at the end of the 20th century. Annals of Oncology 2003;14(suppl.5):v128-9.