Quelques vrais et faux problèmes du système de - Action

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Quelques vrais et faux problèmes du système de
santé pour mieux distinguer les solutions sensées
Texte de la présentation de Camille Gérin à la conférence alternative Notre santé n’est
pas une occasion d’affaire$!
Mon nom est Camille Gérin, je suis médecin de famille membre de Médecins québécois
pour le régime public. Nous sommes un organisme qui regroupe des médecins en
pratique, des médecins en formation et des membres amis, qui luttons pour la sauvegarde
de notre système public de santé. Il me fait plaisir de me joindre à vous aujourd’hui.
La conférence qui se déroule à nos côtés s’est réunie pour trouver des solutions à notre
système de santé. C’est un objectif louable. Mais si NOUS nous réunissons aujourd’hui
dans cette conférence alternative, c’est parce qu’il faut faire une mise en garde : parfois,
derrière des objectifs en apparence louables, il y a un agenda caché. Il est arrivé trop
souvent dans les dernières années qu'en prétendant vouloir résoudre les problèmes de
notre système de santé, les solutions adoptées par nos gouvernements ont ouvert grand la
porte au privé en santé, à une marchandisation des soins, et ce, au détriment des patients.
On ne nie pas que le fonctionnement de notre système de santé n’est pas parfait. Mais
j’aimerais qu’on démêle ensemble quelques-uns des vrais et des faux problèmes de notre
système, pour qu’ensuite on puisse mieux distinguer les solutions qui sont à l’avantage
des citoyens de celles qui ne le sont pas.
Commençons avec la viabilité financière de notre système de santé
On entend régulièrement dire que nos dépenses en santé sont hors contrôle et ne sont pas
soutenables à long terme. Ceci est complètement faux. Notre système n’est pas du tout au
bord du gouffre financier. Le Québec est la province au Canada qui dépense le moins en
santé par habitant. La portion du budget de la province qui est consacrée à la santé est
tout à fait stable depuis plus de 20 ans, à 28%. Nos dépenses en santé ne sont pas en
croissance dangereuse. Aucune justification n’est possible pour demander aux patients de
plus en plus de contributions financières sous forme de frais directs et régressifs comme
le ticket modérateur et la taxe santé. Ces mesures qui, je vous le rappelle, ont été
proposées par M. Castonguay lui-même, invité à la conférence d’à côté!
Si on voulait vraiment diminuer nos dépenses en santé, il faudrait s’attaquer aux vrais
problèmes. Les dépenses en santé qui augmentent le plus rapidement présentement sont
les dépenses privées. Un exemple de ça : les médicaments sont le poste de dépenses qui
augmente le plus vite. Pourtant, on continue à être la province qui prescrit le moins de
médicaments génériques. Notre régime d’assurance médicaments, parce qu’il est à moitié
privé et à moitié public, nous prive de tout pouvoir de négociation des prix avec
l’industrie pharmaceutique. Une étude publiée l’an dernier démontrait que, si on adoptait
un régime d’assurance universel et public pour les médicaments, on pourrait épargner
entre 2 et 10 milliards de dollars à l’échelle du Canada.
Notre système de santé EST viable financièrement, et il existe des solutions pour le
maintenir ainsi et contrôler nos dépenses autrement qu’en faisant des coupures dans les
services publics.
Passons maintenant au problème des listes d’attente
Les listes d’attente sont parfois trop longues au Québec, mais il est bien important de
comprendre pourquoi. Dans les années 1990, le gouvernement Bouchard a mis à la
retraite des milliers de médecins et d’infirmières, ce qui a entrainé une grande pénurie de
personnel qu’on ressent encore aujourd’hui. Avec le virage ambulatoire, on a fermé des
lits d’hôpitaux, des lits de CHSLD, on a sorti certains soins des hôpitaux sans financer
suffisamment les soins de première ligne. Les listes d’attente se sont allongées et il est
devenu plus difficile d’avoir accès à certains soins.
Regardons l’exemple des listes d’attente en chirurgie. Le ministère a limité les budgets
des hôpitaux et plafonné les heures de fonctionnement des blocs opératoires. Il est devenu
de plus en plus long de se faire opérer pour les chirurgies non urgentes. Mais quelle
solution le gouvernement libéral a-t-il proposé pour remédier au problème? En 2006,
suite au jugement Chaoulli, il a créé des cliniques privées de chirurgie à but lucratif, ce
qu’on appelle les CMS, comme la clinique Rockland MD. On a utilisé l’excuse des listes
d’attente pour ouvrir le marché aux investisseurs privés. Or, on se rend déjà compte que
cette solution a ses défauts : l’entente entre Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et
Rockland s’est terminée le mois dernier car les chirurgies faites à Rockland coûtaient
plus cher que celles faites dans le réseau public.
Il est inadmissible que le gouvernement choisisse des fausses solutions qui favorisent les
investisseurs privés alors que de nombreux exemples existent de solutions publiques à la
gestion des listes d’attente.
Une première étape serait tout simplement de centraliser nos listes d’attente!
Présentement, chaque chirurgien gère sa propre liste d’attente. Certains patients
s’inscrivent sur plusieurs listes d’attente en même temps : on estime que jusqu’à 30% des
patients sont ainsi faussement inscrits sur les listes d’attente. Avoir une liste d’attente
commune pour tous, comme quand on fait la file à la banque, fonctionne bien plus vite et
équitablement.
Ensuite, une simple réorganisation des services est parfois très efficace. En Alberta, on a
réussi à réduire les listes d’attente pour les prothèses du genou et de la hanche avec
quelques mesures simples : une équipe multidisciplinaire rencontrait les patients avant
leur chirurgie pour les soutenir, les aider à changer leurs habitudes de vie, arrêter de
fumer, perdre du poids, planifier la convalescence et la réadaptation. On a standardisé les
façons de faire en bloc opératoire pour que chaque chirurgie se ressemble et puisse se
faire plus efficacement. Avec ces mesures, la liste d’attente est passée de 11 mois à 5
semaines!
Des exemples de solutions publiques pour améliorer les listes d’attente en chirurgie, il en
existe dans tout le Canada. Il faut simplement avoir la volonté de s’en inspirer et de les
appliquer.
Un gros problème de notre système de santé, contre lequel nous militons activement à
MQRP, est l’accès de moins en moins équitable aux examens de radiologie comme
l’échographie, le scan et la résonance magnétique.
Dans les années 1980, on a décidé de retirer de la couverture publique les examens
d’imagerie médicale lorsqu’ils sont effectués hors de l’hôpital. Ce qui veut dire
concrètement que, lorsqu’un patient passe une échographie, un scan ou une résonance
magnétique dans une clinique hors-hôpital, il ne peut pas utiliser sa carte d’assurance
maladie, il lui faut payer de sa poche ou avec son assurance privée.
Au Québec, les cliniques privées de radiologie sont en multiplication. Or, ce qu’il faut
savoir, c’est que ce sont les mêmes médecins, les mêmes radiologistes qui travaillent
dans les hôpitaux d’un côté et dans leur clinique privée de l’autre. Leur pratique en
clinique privée peut être plus payante puisqu’ils y sont libres de facturer le prix qu’ils
veulent. Ce qui fait que les listes d’attente pour les échographies, les scans et les
résonances magnétiques sont de quelques jours dans les cliniques privées alors qu’elles
sont de plus en plus longues dans les hôpitaux, parfois dangereusement. L’accès aux
soins devient de plus en plus basé sur la capacité de payer plutôt que sur le besoin. Si tu
peux payer, tu peux avoir accès à un scan plus rapidement. Ceux qui ne peuvent payer
n’ont pas une chance égale face à la maladie.
Cette situation est inacceptable. Le MQRP affirme haut et fort qu’il est grand temps que
la RAMQ couvre publiquement tous les examens radiologiques, y compris lorsqu’ils sont
effectués dans les cliniques hors de l’hôpital. Cette mesure est tout à fait réalisable. Cela
a été fait en Alberta et en Ontario il y a quelques années.
Finalement, penchons-nous sur le problème des frais illégaux. Nos patients sont de plus
en plus souvent obligés de payer des frais lorsqu’ils consultent des médecins. J’aimerais
qu’on revoit aujourd’hui ce que les médecins ont le droit ou pas de facturer aux patients.
Vous savez qu’il existe deux sortes de médecins. La plupart des médecins sont payés par
l’assurance maladie publique, la RAMQ. Certains médecins décident de sortir du système
public et de se faire payer directement par le patient. Ces médecins sont ce qu’on appelle
des médecins non participants. Ces médecins, au nombre de 225 dans la province, ont le
droit de facturer ce qu’ils veulent au patient.
Pour les autres médecins, qui sont la majorité, la loi est claire : ils sont rémunérés par
l’assurance maladie publique et ne peuvent exiger de frais en plus à leurs patients, sauf
pour deux exceptions. Les médecins ne peuvent facturer des frais aux patients que pour
les services qui ne sont pas assurés par la RAMQ, comme les interventions esthétiques
ET des petits suppléments pour les médicaments, les agents anesthésiques et les
pansements qu’ils utilisent en bureau. C’est tout. DONC, si on vous facture des frais pour
des soins qui sont médicalement nécessaires et que ce n’est pas pour un médicament, un
anesthésiant ou un pansement, c’est illégal.
Un médecin ne peut vous demander de payer de frais annuels pour être inscrit à sa
clinique. Un médecin ne peut vous facturer des frais pour ouvrir votre dossier médical.
Un médecin ne peut exiger que vous passiez un bilan de santé payant en échange d’une
consultation.
Les médecins ont le droit de vous facturer pour vous administrer un médicament ou une
anesthésie en bureau, mais ce qu’on voit de plus en plus, c’est que les
médecins demandent beaucoup plus cher que ce que le médicament vaut vraiment. 60$
pour une goutte oculaire qui vaut à peine quelques dollars. 50$ pour vous faire une
injection avant de vous enlever un grain de beauté alors qu’elle vaut à peine quelques
dollars. 500$ pour vous faire passer une colonoscopie alors que le médicament administré
pour vous endormir vaut quelques dollars.
Il faut absolument se plaindre contre ces frais qui briment l’accès gratuit aux soins de
santé. C’est le rôle de la RAMQ de sanctionner ces pratiques illégales, mais présentement
beaucoup trop peu est fait. C’est en harcelant la RAMQ de plaintes qu’on les fera bouger.
En Ontario, devant l’abondance des plaintes, des lignes directes téléphoniques et
électroniques ont été créées pour aider les citoyens à porter plainte rapidement. La
RAMQ et le ministère de la Santé doivent intervenir, sanctionner les pratiques illégales et
protéger l’accès gratuit aux soins médicalement nécessaires.
Pour nous, le diagnostic est clair : le plus grand danger qui guette notre système public de
santé est le laisser aller volontaire de nos gouvernements et la place de plus en plus
grande que prend la santé à but lucratif. Seules les solutions publiques sont au service de
tous, peu importe le revenu. Ce sont les solutions publiques qui coûteront le moins cher
car elles sont indépendantes de la notion de profit. Il n’y a aucun avantage, ni en terme de
coûts, ni en terme de qualité, à recourir au privé plutôt qu’au public.
Il y a 40 ans, nous nous sommes dotés au Québec d’un système d’assurance maladie
public et universel. Auparavant, les coûts des services de santé étaient la première cause
de faillite personnelle des Québécois. Avec l’assurance maladie publique, on a permis
aux Québécois d’être tous égaux face à la maladie, mais nos gouvernements ont laissé ce
système se dégrader au profit du privé. Nous devons nous battre, nous plaindre
massivement pour récupérer un système public de santé, le seul qui garantit un accès
entièrement GRATUIT à des des soins de santé de QUALITÉ, et ce pour TOUS. Notre
système de santé en est tout à fait capable. C’est une question de volonté.
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