Bruno Dubois, Yves Agid
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pour l’âge et pour le niveau socioculturel du sujet, mais pas suffisamment sévère
pour réaliser un état démentiel [5, 17]. Le concept de MCI repose sur l’idée d’une
continuité entre le vieillissement cognitif normal et la démence. Il ne présuppose
pas un mécanisme étiologique sous-jacent. Dans ces conditions, l’hypothèse de con-
tinuité cognitive est difficilement applicable. En effet, le MCI ainsi défini regroupe
des entités aussi variées que des troubles de nature fonctionnelle (liés à une cause
métabolique par exemple) ou des déficits mnésiques authentiques associés à
l’atteinte des structures temporales internes, comme au cours de la MA débutante.
Si ce concept de continuité cognitive est cohérent avec l’histoire naturelle de la MA,
il ne peut s’appliquer à l’ensemble du MCI.
Bien qu’il ne permette pas de porter un diagnostic étiologique, le concept de MCI
présente cependant l’intérêt de fournir un cadre pour l’identification et le suivi des
patients présentant un déficit cognitif léger. Les différentes études de suivi de
cohorte de ces patients ont prouvé la pertinence de ce concept. Ils ont en effet un ris-
que majeur de développer ultérieurement une démence. Ce risque est évalué entre
10 et 15 % par an, alors qu’il n’est que de 1 à 2 % chez des sujets normaux du même
âge [17]. Au terme de 6 ans de suivi, 80 % des patients initialement MCI ont déve-
loppé une démence [18]. Cette tendance évolutive conduit à se poser la question de
savoir si le MCI correspond à un groupe à risque de démence ou s’il n’est que le
reflet d’une MA débutante, identifiée précocement avant le stade de la démence.
C’est pour répondre à cette question que Petersen et al. [18] proposent l’éclatement
du MCI en trois entités : 1) le MCI amnésique, défini par un déficit mnésique isolé,
qui correspond aux patients ayant un risque d’évoluer vers une MA ; 2) le MCI avec
déficits cognitifs multiples (multiple domains slightly impaired) qui pourrait, lui,
évoluer de façon variable, soit vers une démence vasculaire, soit vers une MA, ou
rester relativement stable ; 3) le MCI défini par le déficit d’un seul domaine cognitif
(langage, domaine visuo-spatial…) et qui peut évoluer, en fonction du déficit
observé, vers une démence fronto-temporale, une aphasie progressive primaire ou
une démence à corps de Lewy…
Un des mérites de cette classification est de reconnaître qu’il est possible d’identi-
fier précocement les processus démentiels. Cette réalité clinique est bien admise en
France où le diagnostic de démence fronto-temporale peut être retenu devant des
modifications comportementales ou un syndrome dysexécutif isolé sans démence à
proprement parler. Il en est de même pour les démences sémantiques. Il nous sem-
ble en effet préférable de chercher à définir, parmi ces patients ayant des troubles
cognitifs légers, ceux qui présentent les symptômes évocateurs de MA. La démar-
che médicale n’est-elle pas de chercher toujours à identifier la maladie responsable
du syndrome ? N’est-ce pas la maladie elle-même qu’il faut chercher à soigner ? Si
tel est le cas, il serait préférable de substituer au concept de MCI, qui est général et
peu spécifique, celui de maladie d’Alzheimer au stade prédémentiel (« MA-PD »)