Mathieu GALLIOT-BISMUTH Mémoire de Master1 Histoire Contemporaine mention Etudes Rurales Sous la direction de M. Edouard Lynch Université Lumière Lyon II Année 2004-2005 LE VERCORS EN RESISTANCE Les rapports entre villages et maquis dans les cantons de La Chapelle-en-Vercors et Villard-de-Lans. Mémoire soutenu le 26 septembre 2005 devant un jury composé par MM. Jean-Luc Mayaud, Professeur des universités, et Edouard Lynch, Maître de conférence, tous deux professant à l’Université Lumière Lyon II. Ce jury accorda au présent mémoire la mention très bien. Que reste-t-il encore à dire sur le Vercors ? Depuis plus de soixante ans maintenant, nombreuses ont été les publications de témoignages et d’études sur ce sujet. Protagonistes de la Résistance, historiens, acteurs du « Vercors » devenus historiens, les personnes s’étant penchées sur cette page de l’histoire de France sont légion. Alors pourquoi un nouveau travail de recherche concernant ce maquis ? Parce que la parole n’a que très peu été donnée aux autochtones. Pourtant tous sont unanimes, aussi bien les militaires que les jeunes maquisards et les Résistants des vallées voisines qui envoyaient dans le massif « leurs » réfractaires au S.T.O. : sans l’aide de la population locale rien n’eût été possible. Ainsi le thème des rapports entre le maquis et la population rurale qui le soutient, et les changements que cela entraîne sur la vie de cette dernière, demeure encore neuf. Nous tenterons donc dans les pages qui vont suivre de revoir l’histoire du maquis du Vercors, mais cette fois du point de vue de la population qui habitait cette région. L’implantation du maquis dans le Vercors fut celle d’une sorte de seconde société, mais clandestine celle-ci. Malgré la nécessité de retrait pour cette dernière, question de sécurité, elle ne pouvait vivre en complète autarcie, et était donc en interaction avec la population autochtone. Rapidement elle s’est même trouvée dans une situation de dépendance. En ce qui concerne les habitants du Vercors, la présence sur leur terre de ces « terroristes »(c’est ainsi que les maquisards étaient appelés par les occupants et par Vichy) engendra des modifications de leurs conditions d’existence. Nous verrons donc au cours de cette enquête comment des liens se sont tissés entre ces deux « sociétés » d’une part, et d’autre part quels en furent les conséquences sur les modes de vie, les quotidiens des habitants du plateau. Cette étude s’arrête à la veille du « verrouillage » du plateau, avant une nouvelle phase dans les rapports entre le maquis et la population du Vercors. La barrière temporelle du début de l’été 1944 constitue donc une première limite à cette enquête. Une seconde qui pourrait être formulée se situe cette fois sur un plan géographique. En effet il est légitime de se restreindre à la zone formée par les seuls cantons de La Chapelle-en-Vercors et de Villard-de-Lans parce qu’ils correspondaient au territoire concerné par le Plan Montagnards. Néanmoins nous savons qu’il y eut aussi des maquisards en dehors de cette zone, notamment le C.1 d’Ambel. Par ailleurs, toute une partie du réseau de Résistance du Vercors provenait de l’extérieur du plateau. Que se soit de régions plutôt urbaines comme les agglomérations grenobloisse, romanaises ou même Pont-en-Royans. Ou de régions rurales pourtant éloignée du Vercors, remontant notamment jusqu’à la vallée du Rhône dans le département de la Drôme où s’étaient organisés des groupes d’hommes qui avaient pour mission de collecter du ravitaillement, et de gagner le plateau à l’heure de la mobilisation des Compagnies civiles. INTRODUCTION Que reste-t-il encore à dire sur le Vercors ? Depuis plus de soixante ans maintenant, nombreuses ont été les publications de témoignages et d’études sur ce sujet. Protagonistes de la Résistance, historiens, acteurs du « Vercors » devenus historiens, les personnes s’étant penchées sur cette page de l’histoire de France sont légion. Les premiers ouvrages qui lui furent consacrés décrivaient avant tout l’attaque allemande et les atrocités qui furent commises sur le plateau comme c’est le cas par exemple dans Le livre noir du Vercors1, paru en 1944 ou dans Crimes hitlériens. Ascq. Le Vercors2, en 1946. Par la suite, c’est le thème de la « trahison » qui a été développé. En effet un débat fut ouvert sur l’éventuel abandon du Vercors par les plus hautes autorités de la résistance française à Londres et à Alger. De là naquit entre autre Tears of glory. The betrayal of Vercors3 en 1978. Puis dans une phase suivante, ce sont les témoignages personnels, où militaires, maquisards, et simples civils racontèrent leurs propres épopées ou celles de compagnons dont ils furent les témoins. Cependant l’historiographie du Vercors a été ponctuée d’enquêtes qui sortirent du courant qui dominait les publications de leur époque. Notons en premier lieu l’ouvrage de Paul Dreyfus Vercors, Citadelle de la Liberté4 paru pour la première fois en 1969. Première entreprise visant à analyser l’histoire du Vercors depuis ses débuts jusqu’aux combats de juillet 1944, il reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence incontournable. Vient ensuite le Témoignages sur le Vercors5 de Joseph La Picirella, ancien maquisard et fondateur d’un musée de la Résistance à Vassieux-en-Vercors. Dans ce livre essentiellement constitué de témoignages comme son nom l’indique, pour la première fois la parole est donné aux habitants du plateau. Il se démarque notamment par sa grande précision sur la narration des faits, et par son style emprunt d’émotions. Plus récemment vient de paraître la « version courte » de la thèse de Gilles Vergnon Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis6, principalement consacré à la place du maquis du Vercors dans la mémoire collective et à la construction de sa Légende. 1 Albert Béguin, Pierre Courthion, Paul Du Bochet, Richard Heyd, Georges Menkès, Lucien Tronchet, Le livre noir du Vercors, Neuchâtel, Idées et Calendes, 1944. 2 Louis Jacob, Crimes hitlériens. Ascq. Le Vercors, Paris, Mellottée, 1946. 3 Michael Pearson, Tears of glory. The betrayal of Vercors, Londres, Macmillan, 1978. 4 Paul Dreyfus, Vercors, Citadelle de la Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969. 5 Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors, Lyon, 14e édition, 1991. 6 Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, Paris, Les Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, 2002. 1 Alors pourquoi un nouveau travail de recherche concernant ce maquis ? Parce que comme nous l’avons dit, la parole n’a que très peu été donnée aux autochtones. Pourtant tous sont unanimes, aussi bien les militaires que les jeunes maquisards et les Résistants des vallées voisines qui envoyaient dans le massif « leurs » réfractaires au S.T.O. : sans l’aide de la population locale rien n’eût été possible. Précurseur dans la place accordée aux habitants du Vercors, Joseph La Picirella a été suivi dans cette idée par Suzanne et Paul Silvestre dans leur ouvrage Chronique des maquis de l’Isère7 : 1943-1944, paru en 1996. Pas seulement consacré au Vercors, ce livre contient des passages où pour la première fois il est fait allusion aux rapports villages/maquis sur le plateau. Nous reprendrons d’ailleurs plusieurs thèmes qui y ont été abordés. Cette nouvelle orientation de la recherche sur l’étude des maquis semble s’affirmer avec la parution en France en 1999 de A la recherche du maquis8, étude réalisée par l’historien anglais Harry Roderick Kedward. Celle-ci repose sur l’analyse des relations entre les maquis et les villages qui les bordent, dans le sud-ouest de la France. Il n’y est pas question du Vercors mais les problématiques soulevées se rapprochent de celles que nous aborderons. Ainsi le thème des rapports entre le maquis et la population rurale qui le soutient, et les changements que cela entraîne sur la vie de cette dernière, demeure encore neuf. Nous tenterons donc dans les pages qui vont suivre de revoir, et non réécrire, l’histoire du maquis du Vercors, mais cette fois du point de vue de la population qui habitait cette région. Avant de se pencher sur les évolutions engendrées sur le plateau par l’activité des Résistants, intéressons-nous à ce qu’était le Vercors avant la guerre. En prélude à cette description, il nous faut tout d’abord définir un point : qu’est-ce que le « Vercors ». C’est à dire, quel est l’espace géographique qui est déterminé par cette appellation. Dans le cadre de notre enquête, nous retiendrons pour ce terme la zone formée par deux cantons, l’un dans le département de la Drôme, l’autre dans celui de l’Isère, qui à eux deux forment ce que l’on appelle le plateau du Vercors. Il s’agit respectivement des cantons de La Chapelle-en-Vercors et de Villard-de-Lans. Ce découpage pourrait paraître restrictif car en effet le Vercors au sens large descend beaucoup plus vers le sud jusqu’au Diois, de même qu’il englobe quelques autres communes au nord et à l’ouest. Cependant, c’est dans les deux cantons que nous avons cités que se trouvèrent la quasi-totalité des camps de maquisards constitués par ce que nous appèlerons le réseau de Résistance du Vercors. 7 8 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère : 1943-1944, Grenoble, PUG, 1996. Harry Roderick Kedward, A la recherche du maquis, Paris, Cerf, 1999. 2 Ainsi le massif découpé tel que nous l’avons fait correspond à une entité : « le maquis du Vercors », tel qu’il était délimité dans le plan d’organisation militaire. De ce fait, le choix de s’intéresser à ces deux cantons, s’il n’est pas sans poser des difficultés quant à la recherche en archives, présente l’intérêt d’être le principal lieu de théâtre des « événements » du « Vercors ». Région rurale de moyenne montagne, le Vercors est à la veille de la Seconde Guerre mondiale une terre de petites exploitations agricoles. La plupart d’entre-elles ne sont exploitées que par un ménage, mais il arrive que celui-ci puisse recevoir l’apport d’ouvriers agricoles. Dans la majeure partie des cas donc, seule la famille du cultivateur travaille sur l’exploitation. Il lui faut alors pour la mettre à profit au mieux, faire participer tous ses membres. Chacun est mit à contribution suivant ses moyens pourvu qu’il puisse mener sa tâche à bien et, en quelque sorte, apporter sa pierre à l’édifice. Devant la rudesse du labeur de paysan, on voit donc apparaître comme une « solidarité familiale » qui fait participer tout le monde au travail. En effet dès l’âge de huit ans environ, on commence à confier des charges aux enfants. Du fait de leurs capacités physiques qui sont encore faibles, ils reçoivent bien souvent la mission de garder les troupeaux quand ceux-ci sont en champs. De leur côté les femmes ne sont pas en reste. Elle sont, si l’on peut dire, les responsables de tout ce qui concerne l’intérieur de la maison. Mais leur rôle ne se limite pas à cela. Elles prennent aussi part à certains travaux agricoles. Evoquant les jours où son mari partait travailler en forêt avec les vaches, cette dame raconte : « Il fallait se lever à trois heures du matin, soigner les vaches, on leur donnait, comme on dit, d’abord deux données. On les faisait boire, on leur redonnait une donnée, quand elles avaient fini, il fallait leur donner la farine, l’avoine, tout ce qu’il fallait leur donner […] et puis mon mari partait avec bien souvent un ouvrier, avec deux ou quatre vaches et le cheval, et il fallait qu’ils partent, ça dépend où ils allaient, une heure avant le jour, pour être sur place comme le jour. Si c’était le jour à six heures, on soignait les vaches de trois heures à cinq heures pour faire leur journée. Ils rentraient le soir, et quand ils venaient, il fallait soigner les bêtes… Alors là, c’étaient des journées ! Et bien souvent […] c’était moi qui me levais pour laisser mon mari se reposer un peu, qui donnais aux bêtes […] »9. Ce témoignage résume bien la participation des femmes au travail, dont les faits relatés par cette dame n’en sont qu’un exemple parmi d’autres. On perçoit de plus dans ses paroles l’état d’esprit de solidarité qui règne au sein de la famille quand elle dit qu’elle se met 9 Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle… Un hiver. Les traditions rurales de quelques familles du pays des Quatre Montagnes à travers le témoignage oral, Grenoble, Parc Naturel Régional du Vercors, 1982, pp.65-66. 3 à la tâche pour laisser un peu de repos à son mari. Voici une démonstration de cette union face aux difficultés engendrées par la région, et notamment le relief dans ce cas précis. Le climat y joue aussi certainement un rôle. En effet les régulières chutes de neige de la fin de l’automne jusqu’au printemps, engendrent un important plateau nival qui s’établit dans les villages vers la mi-décembre, pour disparaître durant la deuxième moitié du mois de mars de l’année suivante10. Le plateau neigeux étant donc conséquent en hiver, les cultivateurs dispersés dans les hameaux n’en sont que plus isolés les uns des autres. Ainsi les difficultés de déplacement et de communication ne font que renforcer au sein des ménages le sentiment d’être tous unis « dans le même bateau », d’où il résulte une grande solidarité pour surmonter les conditions de vie. Il ne faut cependant pas croire que la relative isolation des habitants du Vercors durant l’hiver incite chacun à vivre de son côté sans se soucier des autres. Il existe dans cette région rurale de montagne un sentiment d’appartenance à une communauté villageoise. Il paraît normal en effet que l’on se sente solidaire de voisins qui mènent une existence similaire, rencontrant les mêmes contraintes et les mêmes difficultés que soi. C’est ainsi que l’on retrouve chez ces populations le souci de l’entraide, c’est ce que l’on appellera la « solidarité villageoise ». Une autre caractéristique qui découle de cette appartenance à la communauté est l’attention portée à l’intérêt collectif. Pour en témoigner, prenons par exemple le cas du déneigement des routes. Les chasse-neige comme nous les connaissons aujourd’hui n’existant pas, les hommes du village devaient s’entendre pour que certains prêtent des vaches ou des chevaux de manière à ce que ceux-ci, en tirant un châssis triangulaire en fer ou en bois de hêtre, puissent faire la trace de la route11. Cet état d’esprit n’est pas spécifique à la région, et on peut le retrouver dans bien d’autres endroits. Néanmoins, le fait qu’il s’inscrive dans les mentalités locales pourrait peut-être apporter un premier élément de réponse quant aux raisons de l’assistance apportée aux maquisards. En effet ces derniers n’ont eu de cesse de remercier la population pour son aide. Mais la question des raisons de ce soutien, et surtout celle de la « communion » entre les villageois et les Résistants que l’on retrouve aujourd’hui dans les mémoires demeure encore assez inexplorée. Il est de fait que cette solidarité dont nous avons évoqué la place dans le mode de vie et les comportements trouve aussi ses racines dans la religion. Le Vercors est un pays peuplé de catholiques, en partie pratiquants. C’est ainsi que les fêtes religieuses sont un moyen de 10 Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales. T.1 : Les Préalpes françaises du nord, Paris, Arthaud, 1944. Jean-Claude Duclos et Michel Wullschleger, Le Vercors. Pays, paysans, paysages, Grenoble, Editions Glénat, 1990. 11 4 rassembler la communauté et de renforcer encore plus son union. Suivant les communes certaines prennent plus d’importance que d’autres. Par exemple à Méaudre, le 17 janvier, pour la Saint Antoine, il y avait une messe au cours de laquelle du pain béni était distribué en petits morceaux. Il était en général fait par quelques familles qui s’étaient proposées ou commandé au boulanger. Ensuite les hommes allaient manger à l’hôtel où il y avait un repas, mais là, les femmes n’étaient pas conviées12. A Autrans, le pain que l’on bénissait était donné aux animaux tandis qu’à Villard-de-Lans il était destiné aux semences. A Corrençon, la plus grande fête était celle de la Sainte-Croix le 3mai car l’église s’appelait Sainte-Croix de Corrençon. On bénissait alors des petites croix en bois que faisaient les agriculteurs, que ces derniers mettaient ensuite dans leurs champs13. A Villard-de-Lans, on célébrait la Fête-Dieu. On se retrouvait aussi lors d’autres fêtes comme Pâques, la Toussaint ou la Chandeleur au cours de laquelle les gens chantaient et dansaient autour des feux appelés les « bourdes ». Par contre Noël n’était pas l’occasion de grandes festivités mais simplement d’une messe de minuit. Cela peut s’expliquer par le froid et l’enneigement du mois de décembre14. La religion apparaît donc comme un élément unificateur de la communauté. Nous constatons donc que le Vercors, et en particulier les communes du canton de Villard-de-Lans, demeure à l’orée de la guerre un territoire très christianisé. On peut se demander alors si cela n’a pas eu une incidence sur les comportements de sa population vis-à-vis de tous ceux qui sont venus chercher refuge dans les forêts et même dans les fermes. En effet la religion catholique n’incite-t-elle pas ses croyants à aider, à secourir son prochain quand celui-ci se trouve dans la difficulté ? Si les positions de la hiérarchie ecclésiastique, jusqu’au plus haut niveau, n’ont pas toujours été très claires pendant la guerre, on sait en revanche qu’à la base de l’institution nombreux furent ceux qui agirent en faveur de la Résistance, notamment en ce qui concerne la cache de juifs. Ne retrouve-t-on pas cet état de fait dans le Vercors ? Ses habitants n’ont ils pas considéré comme leur devoir de venir en aide à ceux qui la sollicitaient d’une manière ou d’une autre ? De fait l’influence de la religion aurait-elle pu dépasser le cadre de la stricte communauté villageoise ou des habitants du plateau, et provoquer dans le contexte belliqueux un sentiment de solidarité envers tous ceux qui était victimes de la guerre ? Avant l’arrivée de la guerre, l’élevage bovin était la première spéculation des paysans du Vercors. Quasiment toutes les exploitations en possédaient une ou deux au minimum. Il est possible d’évaluer le cheptel présent sur le plateau grâce aux enquêtes agricoles qui ont été 12 I.P.I.M.O.V., 8110/2. I.P.I.M.O.V., 8046/1-2. 14 Ibidem. 13 5 réalisées dans les communes. Malheureusement, toutes ces enquêtes n’ont pas été conservées et, au plus proche du début de la guerre, seules sont disponibles celles de 1938 pour le canton de Villard-de-Lans et de novembre 1941 pour celui de La Chapelle-en-Vercors. C’est donc à partir de ces résultats que nous essayerons d’évaluer la présence des bovins dans l’espace qui nous intéresse. En tout premier lieu, on remarque une disparité dans la répartition des bêtes, celles-ci étant beaucoup plus nombreuses du côté isérois avec un nombre de 400915 têtes contre seulement 284316 côté drômois. Une autre caractéristique ressort de ces statistiques : c’est la quasi-absence de bœufs de plus de deux ans. Ce chiffre pourrait paraître paradoxal puisque, comme nous le verrons, une partie des bovins élevés était destinée à la boucherie. Cependant selon Denis Chevallier les agriculteurs avaient l’habitude de ne garder la reproduction mâle qu’une saison avant sa vente quand ils n’avaient pas besoins de taureaux17. Comme le dit Raoul Blanchard, c’est l’intensification de l’élevage bovin notamment pour son lait qui « a rendu droit de cité aux chèvres, animal chargé du lait du ménage »18. Mises à part dans les communes de Méaudre, Corrençon et Saint-Julien-en-Vercors, on remarque la présence d’un effectif non négligeable de brebis dans le Vercors. A l’inverse de l’espèce bovine elles sont plus nombreuses dans le canton drômois. A partir des mêmes enquêtes agricoles, elles apparaissent en effet en plus grand nombre surtout à La Chapelle-en-Vercors et Saint-Agnan-en-Vercors avec 78 et 69 têtes respectivement. Dans le reste du plateau les chiffres oscillent entre 25 et 45. Concernant les porcins, ils sont un autre réactif de l’élevage bovin comme le souligne Raoul Blanchard19. Les chiffres issus des statistiques agricoles indiquent que dans la majorité des fermes il y avait quelques porcs à l’engrais20. Leur présence est répartie de manière homogène sur le plateau. Nous l’avons vu, le Vercors avant la Deuxième Guerre mondiale est une terre d’agriculture et plus particulièrement d’élevage bovin. Ainsi sur l’ensemble du plateau les cultures leur sont majoritairement dévolues. C’est ce qu’indiquent les statistiques agricoles que nous avons évoqué précédemment : celle de 1938 pour le canton de Villard-de-Lans et de 1941 pour celui de La Chapelle-en-Vercors. On y remarque la presque omniprésence des productions fourragères et des prairies naturelles qui constituaient très nettement l’essentiel des terres. Le plateau était ainsi recouvert de prés dont l’herbe fauchée était convertie en foin 15 Archives départementales de l’Isère (AD38), 3426W10. AD26, 945W3. 17 Denis Chevallier (dir.), Le temps des villardes, une race bovine de montagne, Lyon, La Manufacture, collection : « L’homme et la nature », 1986. 18 Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales…, op. cit. 19 Ibidem. 20 AD26 945W3 et AD38 3426W10 16 6 et d’herbages donnés en pâtures aux animaux. Cependant d’autres cultures étaient présentes avec parcimonie comme les céréales. Alors que le méteil était privilégié côté isérois, on lui préférait le blé ou le froment côté drômois21, mais tout ceci ne restait que dans de petites proportions puisqu’en moyenne seulement entre 50 et 100 hectares y étaient consacrés. Cependant la présence de ces céréales ajoutée à d’autres comme l’avoine, l’orge ou le seigle, avait permis à certains habitants de pouvoir faire leur pain. Ceci a eu son importance quand il a fallut trouver de quoi nourrir les nombreux réfugiés et maquisards installés dans le Vercors alors que les problèmes de ravitaillement en France incitaient Vichy à contrôler le rationnement de chacun. Autre culture qui a joué un rôle pendant la présence des maquis : le pomme de terre. D’après les statistiques dont nous disposons, c’est environ 10 hectares par commune qui y étaient consacrés dans le canton drômois et le double dans le canton isérois22. Pour le reste, on peut noter la timide présence de betteraves fourragères et l’absence de cultures fruitières, de plantes industrielles comme le tabac ou de production viticole. Dans la statistique concernant le canton de Villard-de-Lans, il est spécifié l’existence de 17 hectares de cultures maraîchères qui étaient les jardins cultivés pour les besoins des exploitants. On a ainsi l’affirmation de la présence de ressources qui ont certes dû servir en partie à l’approvisionnement de la famille travaillant sur l’exploitation, mais dont une autre partie a très bien pu être revendue. D’après Denis Chevallier, « A l’approche de la Seconde Guerre mondiale, la population des villardes est à son apogée »23. On la retrouve de partout dans le département de l’Isère mais aussi au-delà dans le Valentinois, le Romanais et ailleurs encore. Le principal lieu de commerce de cette race bovine de Villard-de-Lans était les foires dans les villages du Vercors et notamment celles de Villard-de-Lans et de La Chapelle-en-Vercors. Les acheteurs étaient aussi bien des cultivateurs du plateau que des maquignons ou des paysans des vallées voisines, et l’on s’y livrait à de nombreuses transactions. Les bovins étaient vendus soit pour leur travail à d’autres agriculteurs, soit pour leur viande à la boucherie. A Villard-de-Lans, il y avait quatre foires : le 10 avril, le 22 août, le 26 septembre et le 2 novembre. Les plus importantes étaient celles d’avril et de septembre. Lors de ces manifestations, les vaches les plus chères, âgées entre cinq et sept ans et dressées, pouvaient être vendues jusqu’à 3000 francs la paire. A noter qu’à l’occasion de la foire du 10 avril on vendait aussi des porcs24. 21 ibidem. ibidem. 23 Denis Chevallier (dir.), Le temps des villarde…, op. cit., p.23. 24 I.P.I.M.O.V., 8211/2-3. 22 7 A cette époque, l’agriculture du Vercors possédait une autre ressource qu’elle exportait hors de son territoire : le lait, et plus particulièrement celui des vaches. Pour la plupart des fermes c’est lui qui constituait la principale source de revenu. Un Villardien raconte comment s’organisait ce commerce : « Y’avait une coopérative laitière qui avait été créée par les producteurs laitiers après la guerre de 1914, vers 1920 peut-être. Y’avait beaucoup de producteurs qui donnaient leur lait là puis alors y’avait une autre… une entreprise familiale, […] qui avait une laiterie aussi. Le ramassage du lait se faisait avec un mulet ou avec une espèce de camionnette. Ils ramassaient le lait tous les matins, ils l’amenaient à la fruitière, et là on traitait le lait. Et après toutes les fins de mois les producteurs étaient payés ». Dans ces fruitières le lait était transformé en beurre ou en fromages qui étaient vendus dans les vallées. « Il est peu d’endroits en Vercors où l’on ait pas fabriqué de charbon de bois 25». Léger et facilement transportable, c’était avant la construction de routes desservant le plateau le seul moyen pour les habitants de tirer profit de la forêt. Si le charbonnage se pratiquait de moins en moins à la veille de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci lui apporta un regain d’activité. En effet elle fut marquée entre autre pour les populations par une pénurie de charbon et d’essence. De ce fait il fallut trouver un autre carburant pour les véhicules à moteur. C’est ainsi que furent inventés les véhicules à gazogène, dits les « gazos » qui fonctionnaient à partir de la combustion de charbon de bois. Cependant, la profession de charbonnier présentait une particularité, celle d’être délaissée par la population autochtone. Deux vagues d’émigration de l’Italie vers la France provoquèrent cet état de fait. Au tournant du XXème siècle, la première était due à une recherche d’amélioration des conditions de vie et de travail. L’origine de la deuxième est toute autre. En effet une crise dans l’industrie du bois provoqua une baisse des salaires des ouvriers de la forêt et de ce fait l’abandon du métier pour la plupart. Mais devant la nécessité de trouver de la main-d’œuvre, les exploitants forestiers ont organisé l’immigration de travailleurs italiens grâce au concours des autorités gouvernementales26. Parallèlement des Espagnols ont aussi été embauchés mais dans un nombre beaucoup plus restreint. Si les charbonniers sont en grande majorité transalpins, ils ne sont pas pour autant étrangers au mode de vie du Vercors. Ils viennent eux aussi de régions montagneuses dont les habitants vivent de petites exploitations agricoles et de la forêt, qui leur apporte, tout comme c’était le cas dans le Vercors auparavant, un revenu supplémentaire. Néanmoins cette pluriactivité nécessaire à leur subsistance n’était pas suffisante pour tous, et 25 26 Jean-Claude Duclos et Michel Wullschleger, Le Vercors…, op. cit. Idem, p.109. 8 c’est ainsi que certains décidèrent de proposer leurs services en France. Dans les premières décennies du XXème siècle, ces charbonniers italiens venaient sans leur famille à qui ils laissaient la charge de s’occuper de l’exploitation agricole. Ils travaillaient comme saisonniers, arrivant à la fin de l’hiver et repartant aux premières neige de l’automne, vers la Toussaint27. Puis au fil des saisons ils firent venir leur famille avec eux. Petit à petit, la plupart de ces familles ne rentrèrent plus au pays. Une fois la saison terminée et en attendant la suivante, elles descendaient dans les vallées proposer leurs services. A partir des années 1930, certains, présents depuis quelques temps sur le plateau, montaient « leurs propres affaires et [devenaient] à leur tour exploitants forestiers »28. D’autres manifestaient leur désir de changer de vie en quittant les bois et en devenant propriétaire, souvent d’une vieille ferme, et optaient ainsi pour une activité moins rude. Néanmoins leur intégration au sein de la communauté villageoise ne s’est pas faite sans encombres. Les témoignages de nos jours bien souvent ne rapportent qu’une vision partielle de ce que fut la perception de ces populations par les habitants du Vercors. La mémoire, enjolivant la situation de l’époque, n’en retient que les aspects folkloriques. Ainsi l’on se rappelle de leurs recettes de cuisine, notamment la polenta, leur élégance le dimanche à la messe ou bien la fière allure des jeunes Italiens au bal. Mais tout cela ne doit pas faire oublier les côtés plus sombres des relations entre ces charbonniers étrangers et les villageois. Les débuts furent marqués par une réelle mise à l’écart, parfois même un climat de tension. Ceci était dû en premier lieu à la provenance de ces ouvriers de la forêt qui étaient doublement des « étrangers ». Ils l’étaient à la fois au pays du Vercors, mais aussi au pays de la France ; la barrière de la langue et donc de la communication constituant un premier obstacle. Par ailleurs la baisse de la rémunération des charbonniers entraîna une déqualification de la profession, encore que celle-ci ne fut que partielle car les plus anciens avaient su transmettre leur mémoire concernant le métier dont ils savaient la grande dureté. C’est ainsi que le discrédit dont étaient victimes ces travailleurs laissa bientôt place à une « réelle admiration »29. Aujourd’hui encore la mémoire collective reconnaît la rudesse et la qualité du travail de ces gens qui ne « rechignaient pas au travail »30. Un autre facteur d’intégration fut, nous l’avons évoqué précédemment, la ressemblance entre leurs régions d’origine et le Vercors. Ils avaient quitté une terre d’agriculteurs-forestiers pour en gagner une nouvelle, où la société était elle aussi composée d’agriculteurs-forestiers, ce qui facilita leur acculturation. Ainsi ayant les mêmes modes de vie et étant détenteurs d’un savoir-faire qui 27 Idem, p.112. Idem, p.107. 29 Idem, p.113. 30 Ibidem. 28 9 faisait l’admiration, les charbonniers italiens furent petit à petit intégrés à la communauté villageoise si bien que certains décidèrent même d’abandonner la profession et de s’installer au village. Dans le Vercors, nombreux étaient en effet les paysans qui associent à leur activité d’éleveur celle de bûcheron occasionnel. Il arrivait que ceux-ci montent en forêt pour couper du bois. Il s’agit là d’une pluriactivité de subsistance qui permettait aux ménages d’obtenir des revenus supplémentaires. « Quand ça venait, l’automne, tout le monde allait au bois… On allait couper des bois, tous »31. On partait alors dans la forêt avec des bêtes car c’est elles qui devaient ensuite ramener le bois coupé. Ainsi cet homme se souvient : « on les chargeait sur des chars, on avait des roues exprès pour charger sur des chars. On menait ça avec des chevaux ou avec des vaches »32. A cette saison, la neige avait déjà fait son apparition. Il fallait alors ferrer les animaux de manière spécifique à l’aide de « crampons »33 comme le raconte cet autre habitant du plateau : « quand elles travaillaient dans la neige ou quand elles passaient le chasse-neige on leur mettait des crampons »34. Toutefois cette neige n’était pas une contrainte, bien au contraire. Elle permettait de faire glisser les chars sur lesquels étaient posés les troncs d’arbres, ce qui facilitait leur transport. Certains attendaient même cette couche nivale pour transporter leurs coupes : « Les gens, l’hiver, du côté de Corrençon par là, là-bas, la Balmette, ils charriaient tout l’hiver avec des traîneaux. […] A l’automne, ils le mettaient en tas et l’hiver, ils le charriaient comme ça. Ils faisaient un voyage par jour »35. Si une partie était conservée pour le bois de chauffe, le reste était ensuite revendu soit aux scieries locales soit à des marchands de bois de Grenoble36. Outre les charbonniers au printemps et en été, certains bûcherons vivaient aussi dans la forêt pour être directement sur leur lieu de travail. Ils résidaient dans ce que l’on appelle des baraques forestières. La construction de ces dernières n’était pas systématique et dépendait surtout de l’accessibilité des bois. Lorsqu’il n’y avait pas de voie de communication pour s’y rendre, il était plus simple de s’installer dans une baraque construite à cet effet. Cependant tous ne choisissaient pas d’y demeurer. Il n’y a pas de règle générale pour expliquer cela mais plutôt divers cas de figure qui incitaient à opter ou non pour la vie en forêt. Ce pouvait être par exemple, comme le raconte un ancien forestier du Vercors, la possession d’un moyen de locomotion qui permettait de se rendre au travail rapidement et sans efforts : « si le bûcheron 31 Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle…, op. cit., p.83. Idem, p.84. 33 I.P.I.M.O.V., 7859/1à3. 34 I.P.I.M.O.V., 8211/2-3. 35 Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle…, op. cit., p.84. 36 Ibidem. 32 10 il a des moyens de communication, il va travailler la journée et puis il redescend. […] Le bûcheron de 40-41, s’il avait la chance d’avoir une pétrolette et un peu d’essence ça l’aidait. Après le même bûcheron, l’essence y’a plus moyen d’en trouver […], il restera en forêt »37. On voit donc que c’est logiquement la localisation du lieu de coupe qui détermine dans un premier temps le choix de l’installation dans une baraque. Ainsi « Une équipe qui travaille dans une forêt où il y en a pour une journée à monter à pied, ces gens là ils faisaient une baraque »38. Mais d’autres paramètres comme l’âge des bûcherons entraient en ligne de compte. Si ces dernières étaient érigées parce que les lieux n’étaient pas faciles d’accès, cette difficulté n’était pas la même pour tous. Alors que les plus jeunes pouvaient éventuellement redescendre tous les soirs, les plus anciens ne rentraient au village que le week-end. Il reste un secteur de l’économie locale que nous n’avons pas abordé : le tourisme. Celui-ci avait connu un développement très inégal sur le plateau. Ressource importante de la ville de Villard-de-Lans qui s’était dès le début du siècle spécialisée dans l’accueil des enfants tuberculeux, puis ensuite dans les sports d’hiver, il n’en était encore qu’à ses balbutiement dans le Vercors-sud. Voici ce qui constitue les principaux traits de la vie en Vercors à l’heure de la Deuxième Guerre mondiale. C’est donc sur ce « terreau » que l’esprit de Résistance est apparu, aboutissant à l’implantation d’une sorte de seconde société, mais clandestine celle-ci, sur le plateau. Malgré la nécessité de retrait pour cette dernière, question de sécurité, elle ne pouvait vivre en complète autarcie, et était donc en interaction avec la population autochtone. Rapidement elle s’est même trouvée dans une situation de dépendance. En ce qui concerne les habitants du Vercors, la présence sur leur terre de ces « terroristes », c’est ainsi que les maquisards étaient appelés par les occupants et par Vichy, engendra des modifications de leurs conditions d’existence. Nous verrons donc au cours de cette enquête comment des liens se sont tissés entre ces deux « sociétés » d’une part, et d’autre part quels en furent les conséquences sur les modes de vie, les quotidiens des habitants du plateau. 37 38 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 11 BIBLIOGRAPHIE Les titres précédés du signe # sont ceux que j’ai utilisés en priorité. LA FRANCE RURALE CONTEMPORAINE Ouvrages généraux Maurice, AGULHON, Histoire de France, t.5, La République de Jules Ferry à François Mitterrand, 1880 à nos jours, Paris, Hachette, 1990, 526p. Pierre, BARRAL, Les sociétés rurales du XXe siècle, Paris, Colin, 1968. Fernand BRAUDEL et Ernest LABROUSSE (dir.), Histoire économique et sociale de la France. Tome III : L’avènement de l’ère industrielle (1789-années 1880) ; Tome IV : L’ère industrielle et la société d’aujourd’hui (siècle1880-1980), Paris, Presses Universitaires de France, 1976-1982, 5 volumes, 1071p. et 1838p. Jacques, DUPÂQUIER, (dir.), Histoire de la population française. Tome 3 : De 1789 à 1914 ; Tome 4 : De 1914 à nos jours, Paris, Presses Universitaire de France, 1988, 2 volumes, 554p. et 590p. Jacques DUPÂQUIER et Denis KESSLER (dir.), La société française au 19e siècle. Tradition, transition, transformations, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1992, 534p. Georges, DUPEUX, La société française, 1789-1970, Paris, Librairie Armand Colin, 1972 (sixième édition), 271p. Pierre, LEON, (dir.), Histoire économique et sociale du monde, Paris, Librairie Armand Colin, 1978 : Tome 3, Louis BERGERON (dir.), Inerties et révolutions, 1730-1840, 620p. ; Tome 4, Gilbert GARRIER (dir.), La domination du capitalisme, 1840-1914, 624p. ; Tome 5, Georges DUPEUX (dir.), Guerres et crises, 1914-1947, 624p. ; Tome 6, Pierre LEON (dir.), Le second 20e siècle, 1947 à nos jours, 655p. Yves, LEQUIN, (dir.), Histoire des Français, 19e-20e siècles. Tome I, un peuple et son pays. Tome II, la société. Tome III, les citoyens et la démocratie, Paris, Librairie Armand Colin, 1983-1984, 3 volumes, 589p., 624p. et 524p. René, REMOND, Histoire de France, t.6, Notre siècle, 1918-1988, Paris, Fayard, 1988, 1012p. Pierre, SORLIN, La société française. Tome I, 1840-1914. Tome II, 1914-1968, Paris, Artaud, 1969, 2 volumes, 310p. et 329p. Jean, VIDALENC, La société française de 1815 à 1848. Tome 1 : Le peuple des campagnes. Tome 2 : Le peuple des villes et des bourgs, Paris, Marcel Rivière, 1969-1972, 2 volumes, 401p. et 524p. 12 Ouvrages spécialisés Pierre, BARRAL, Les agrariens français, de Méline à Pisani, Paris, 1968. Marc, BLOCH, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, Les BellesLettres, 1931. Réédition : Paris, Librairie Armand Colin, 1968, 2 volumes, 305p. et 230p. # Michel, CEPEDE, Agriculture et alimentation en France durant la Deuxième Guerre mondiale, Paris, Editions Génin, 1961, 510p. Hugh, D. CLOUT, The Land of France, 1815-1914, Londres, Allenn and Umwin, 1983, 171p. Albert, DAUZAT, Le village et le paysan de France, Paris, Gallimard, 1941, 219p. # Georges DUBY et Armand WALLON (dir.), Histoire de la France rurale : Tome 3, Etienne JUILLARD (dir.), Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914 ; Tome 4, Michel GERVAIS, Marcel JOLLIVET et Yves TAVERNIER, La fin de la France paysanne de 1914 à nos jours, Paris, Seuil, 1976-1977, 573p. et 672p. Marcel, FAURE, Les paysans dans la société française, Paris, Librairie Armand Colin, 1966, 344p. Geneviève, GAVIGNAUD, Les campagnes françaises au 19e siècle (1780-1914), Paris/Gap, Ophrys, 1990, 168p. Geneviève, GAVIGNAUD, Les campagnes françaises au 20e siècle (1914-1989), Paris/Gap, Ophrys, 1990, 171p. Jean-Pierre, HOUSSEL (dir.), Histoire des paysans français du 18e siècle à nos jours, Roanne, Editions Horvath, 1976, 550p. Annie, MOULIN, Les paysans dans la société française. De la Révolution à nos jours, Paris, Seuil, 1988, 322p. Jean-Luc, MAYAUD, Gens de la terre. La France rurale, 1880-1940, Paris, Editions du Chêne, 2002, 312p. Jacques, RISSE, Histoire de l’élevage français, Paris, L’Harmattan, 1994, 365p. Eugen, WEBER, Peasants into Frenchmen. The Modernization of Rural France, 1870-1914, Paris, Librairie Arthème Fayard/Editions Recherches, 1983, 844p. Gordon, WRIGHT, Rural Revolution in France. The Peasantry in the Twentieth Century, Stanford, Stanford University Press, 1964. Traduction française: La révolution rurale en France. Histoire politique de la paysannerie au 20e siècle, Paris, Editions de l’Epi, 1967, 348p. 13 Synthèses régionales # Philippe, ARBOS, La vie pastorale dans les Alpes françaises. Etude de géographie humaine, Paris, Armand Colin, 1922, 720p. # Pierre, BARRAL, Le département de l’Isère sous la Troisième République, 1870-1940. Histoire sociale et politique, Paris, Librairie Armand, Colin, 1962, 597p. # Jean, MIEGE, La vie rurale du sillon alpin. Etude géographique, Paris, Editions M.-Th. Génin, 1961, 677p. Pouvoir et patrimoine au village.—Etudes rurales, n°63-64, juillet-décembre 1976 et n°65, janvier-mars 1977, 270p. et 175p. Jean-Claude, TOUTAIN, La production agricole de la France de 1810 à 1990 : départements et régions. Croissance, productivité, structures.—Economie et société. Histoire quantitative de l’économie française, série AF 17, n°11-12, 1992, n°1-2 et 3-4, 1993, 3 volumes, 1079p. Philippe, VIGIER, Essai sur la répartition de la propriété foncière dans la région alpine. Son évolution des origines du cadastre à la fin du Second Empire, Paris, SEVPEN, 1963, 276p. LA FRANCE SOUS LA TROISIEME REPUBLIQUE La société française Jacques, CHASTENET, Histoire de la Troisième République, t.VI, Déclin de la Troisième 1931-1938, t.VII, Le drame final 1938-1940, 1962 et 1963, 303 et 352p. Jean-Louis, CREMIEUX-BRILHAC, Les Français de l’an 40, t.1, La guerre, oui ou non ; t.2, Ouvriers et soldats, Paris, Gallimard, 1990, 740 et 648p. # Actes du colloque organisé en décembre 1975 par la Fondation nationale des sciences politiques sur « La France sous le gouvernement Daladier d’avril 1938 à septembre 1939 », publiés en 2 volumes, Edouard Daladier chef de gouvernement, et, La France et les Français en 1938-1939, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977-1978, 320 et 366p. Les partis politiques Serge, BERNSTEIN, Histoire du parti radical, 2 volumes, Paris, Presses de la Fondation nationale des Sciences Politiques, 1980 et 1982. J., DEFRASNE, Les Gauches en France de 1789 à nos jours, 5e édition, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je », 1993, 128p. Georges, DUPEUX, Le Front Populaire et les élections de 1936, Paris, Colin, Cahiers de la Fondation Nationale des sciences Politiques, 1959, 188p. 14 Georges, LEFRANC, Les Gauches en France, 1789-1972, Paris, Payot, 1973, 348p. Georges, LEFRANC, Le mouvement socialiste sous la Troisième République, Paris, Payot, 1963, 444p. Claude, NICOLET, Le Radicalisme, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je », 1967, 128p. Camille, PETERS, L’action socialiste chez les ruraux, Paris, Librairie Populaire, 1930. # René, REMOND, La Droite en France, de la Première Restauration à la cinquième République, t.I, 3e édition, Paris, Editions Montaigne, 1968, 470p. # Jean-François, SIRINELLI (dir), Histoire des droites en France, t.1, Politique ; t.2, Cultures ; t.3, Sensibilités, Paris, Gallimard, 1992, 810p., 786p., 970p. # J., TOUCHARD, La Gauche en France depuis 1900, Paris, Seuil, collection Points Histoire, 1977, 416p. Michel, WINOCK, (dir), Histoire de l’extrême droite en France, Paris, Seuil, collection « Points Histoire », 1993, 332p. LA FRANCE DE VICHY Henri, AMOUROUX, La grande histoire des Français sous l’occupation, t.I, Le peuple du désastre ; t.II, Quarante millions de pétainistes ; t.III, Les beaux jours des « collabos » ; t.IV, Le peuple réveillé ; t.V, Les passions et les haines ; t.VI, L’impitoyable guerre civile ; t.VII, Un printemps de mort et d’espoir ; t.VIII, Joies et douleurs du peuple libéré ; t.IX, Les règlements de compte, Paris, Robert Laffont, . # Henri, AMOUROUX, La vie des Français sous l’occupation, Paris, Fayard, 1961, 578p. Robert, ARON, Histoire de la Libération de la France, Paris, Fayard, 1959, 780p. Robert, ARON, Histoire de Vichy, Paris, Fayard, 1954, 766p. Jean-Pierre, AZEMA, La Collaboration, 1940-1944, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, 152p. Jean-Pierre, AZEMA, De Munich à la Libération, 1938-1944, Paris, Seuil, 1979, nouvelle histoire de la France contemporaine n°14, collection Points-histoire, 416p. Jean-Pierre AZEMA et François BEDARIDA (dir.), Vichy et les Français, Fayard, 1992, actes du colloque Le régime de Vichy et les Français, Paris, 11-12 juin 1990, 790p. # Jean-Pierre AZEMA et François BEDARIDA (dir.), La France des années noires, Tome I, De la défaite à Vichy ; Tome II, De l’occupation à la Libération, Paris, Seuil, 1993, 542p. et 544p. 15 Jean-Pierre AZEMA et Olivier WIEVIORKA, Vichy 1940-1944, Paris, Librairie Académique Perrin, 2000, 384p. Georges BEN SIMON et Jean-Louis CREMIEUX-BRILHAC, « Les propagandes radiophoniques et l’opinion publique en France en 1940 à 1944 », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale, n°101, janvier 1976, pp. 3-18. Marc, BLOCH, L’étrange défaite, Paris, Editions Franc-Tireur, 1946, 194p. Roger BOURDERON et Germaine WILLARD, La France dans la tourmente, 1939-1944, Paris, Editions Sociales, collection « Essentiel », 1982, 530p. # Isabel, BOUSSARD, Vichy et la Corporation paysanne, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1980, 414p. Philippe, BURRIN, La France à l’heure allemande (1940-1944), Paris, Seuil, 1995, 560p. Gérard, CHAUVY, Histoire secrète de l’Occupation, Paris, Editions Payot, 1991, 356p. Michèle, COINTET-LABROUSSE, Vichy et le fascisme. Les hommes, les structures et les pouvoirs, Bruxelles, Editions Complexes, collection : questions au XXe siècle, 1987, 286p. Jean-Louis, CREMIEUX-BRILHAC, La France libre. De l’appel du 18 juin à la Libération, Paris, Gallimard, 1996, 974p. Charles, DE GAULLE, Mémoires de guerre, Paris, Plon, 1954-1956, 2 volumes. Jacques, DELPIERRE-DEBAYAC, Histoire de la Milice, Paris, Fayard, 1969, 698p. Jacques, DUQUESNE, Les Catholiques français sous l’occupation, Paris, Grasset, 1966, 477p. Y., DURAND, Vichy 1940-1944, Paris, Bordas, 1972. Jean-Baptiste, DUROSELLE, L’Abîme, 1939-1945, seconde édition, Imprimerie nationale, 1986. Christian, FAURE, Le projet culturel de Vichy, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1989, 336p. # FONDATION NATIONALE DES SCIENCES POLITIQUES, Le gouvernement de Vichy, 1940-1942, Institutions et politiques, actes du colloque « Le gouvernement de Vichy et la Révolution nationale (1940-1942) », Paris, Colin, 1972, 372p. # Laurent GERVEREAU et Denis PESCHANSKI, La propagande sous Vichy, 1940-1944, Paris, BDIC-La Découverte, 1990, 288p. Pierre, GIOLITTO, Histoire de la jeunesse sous Vichy, Paris, Perrin, 1991 ; 700p. 16 # Pierre, GIOLITTO, Histoire de la Milice, Paris, Librairie Académique Perrin, 1997, 576p. # Pierre, LABORIE, L’opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 1990, 415p. # Pierre, LABORIE, Les Français des années troubles. De la guerre d’Espagne à la Libération, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, 272p. Henri, MICHEL, Vichy année 1940, Paris, Laffont, 1966, 464p. Henri, MICHEL (dir.), La Libération de la France, Paris, Editions du CNRS, 1976, actes du colloque international de Paris, 28-31 octobre 1974, 1055p. Henri, MICHEL, La Seconde Guerre mondiale, Paris, Presses Universitaires de France, 19681969, 2 volumes. Robert O., PAXTON, Vichy France : Old Guard and New Order, 1940-1944, Londres, Barrie and Jenkins, 1972, édition française : La France de Vichy 1940-1944, Paris, Seuil, 1973, 460p. # René, REMOND (dir.), Le Gouvernement de Vichy 1940-1942, Paris, Armand Colin, 1972 # Alfred, SAUVY, La vie économique des Français de 1939 à 1945, Paris, Flammarion, 1978, 256p. # Dominique, VEILLON, Vivre et survivre en France, 1939-1947, Paris, Payot, 1995, 372p. Jean, VIDALENC, Le Second Conflit mondial, Paris, SEDES, 1970. LA RESISTANCE EN FRANCE Claire, ANDRIEU, Le programme commun de la Résistance, Paris, Edition de l’Erudit, 1984, 212p. Jean-Pierre AZEMA et François BEDARIDA, « L’historisation de la Résistance », dans « Que reste-t-il de la Résistance ?», numéro spécial, Esprit, 1, janvier 1994, pp. 19-39. François, BEDARIDA, « L’histoire de la Résistance, lectures d’hier, chantiers de demain », Revue d’histoire, numéro 11, juillet-septembre 1986, pp. 75-89. # Jean-Yves, BOURSIER (dir.), Résistance et Résistants, Paris, L’Harmattan, 1997, 410p. Margaret, COLLINS WEITZ, Les combattantes de l’ombre. Histoire des femmes dans la Résistance, Paris, Albin Michel, 1997, 420p. Colonel de, DAINVILLE, L’ORA. La Résistance de l’armée, Paris, Lavauzelle, 1974, 344p. # Laurent, DOUZOU, « La Résistance et le monde rural entre histoire et mémoire », dans Ruralia, 4, 1999, pp. 101-122. 17 Laurent, DOUZOU, La désobéissance. Histoire d’un mouvement et d’un journal clandestin : Libération-Sud (1940-1944), Paris, Odile Jacob, 1996, 480p. Laurent, DOUZOU, « organisation et modes de fonctionnement de la Résistance », dans La Résistance et les Français , Cahiers de l’Institut d’Histoire du Temps Présent, 37, décembre 1997. # Laurent DOUZOU, Robert FRANK, Denis PESCHANSKI, Dominique VEILLON (dir.), La Résistance et les Français : villes, centres et logiques de décision, supplément au bulletin de l’Institut d’Histoire du Temps Présent n°21, Paris, 1995, actes du colloque international de Cachan, 16-18 novembre 1995, 550p. François-Georges DREYFUS, Histoire de la Résistance, Paris, de Fallois, 1996, 655p. Yves, FARGE, Rebelles, soldats et citoyens, Paris, Grasset, 1946, 340p. Marie, GRANET, Défense de la France. Histoire d’un mouvement de Résistance, 1940-1944, Paris, Presses Universitaires de France, 1960, 304p. Marie GRANET et Henri MICHEL, Combat. Histoire d’un mouvement de Résistance de juillet 1940 à juillet 1943, Paris, Presses Universitaires de France, 1957, 330p. Marie, GRANET,, Ceux de la Résistance, Paris, Editions de Minuit, collection « Grands documents », 1964, 376p. # Jean-Marie GUILLON et Pierre LABORIE (dir.), Mémoire et histoire : la Résistance, Toulouse, Privat, 1995, actes du colloque de Toulouse du 16 au 18 décembre 1993, 350p. # Harry Roderick, KEDWARD, Resistance in Vichy France, 1978, Oxford University Press, édition française : Naissance de la Résistance dans la France de Vichy, Seyssel, Champ Vallon, 1989, 352p. David, KNOUT, Contribution à l’histoire de la Résistance juive en France, Paris, CDJC, 1947, 182p. Dominique, LORMIER, Les FFI au combat, Paris, Jacques Grancher, 1994. Henri MICHEL et Boris MIRKINE-GUETZEVITCH, Les idées politiques et sociales de la Résistance, Paris, Presses Universitaires de France, 1954, 410p. Henri, MICHEL, Histoire de la Résistance française, Paris, Presses Universitaires de France, 1975, 128p. Henri, MICHEL, Bibliographie critique de la Résistance, Paris, Institut pédagogique national, 1964. Henri, MICHEL, « La presse clandestine, expression de la pensée de la Résistance ? », Bulletin de la Société d’histoire moderne, n°18, mars-avril 1956, pp. 7-13. 18 Henri, NOGUERES, Histoire de la Résistance en France de 1940 à 1945, t.I, La première année, juin 1940-juin 1941 ; t.II, L’armée de l’ombre, juillet 1941-octobre 1942 ; t.III, Et du Nord au Midi, novembre 1942-septembre 1943 ; t.IV, Formez vos bataillons, octobre 1943mai 1944 ; t.V, Au grand soleil de la libération, juin 1944-15 mai 1945, Paris, Robert Laffont, 1967-1981. Henri, NOGUERES, La vie quotidienne des résistants, de l’Armistice à la Libération, Paris, Hachette, 1984, 278p. Jacques, POUJOL, Protestants dans la France en guerre 1939-1945, dictionnaire thématique et biographique, les éditions de Paris Max Chaleil, 2000, 300p. # Antoine, PROST (dir.), La Résistance, une histoire sociale, Paris, Editions de l’Atelier, 1997, 250p. Serge, RAVANEL, L’Esprit de la Résistance, Paris, Seuil, 1995, 244p. Henry, ROUSSO, « Où en est l’histoire de la Résistance », dans L’Histoire, n°41, janvier 1982. Jacqueline SAINCLIVIER et Christian BOUGEARD (dir.), La Résistance et les Français : enjeux stratégiques et environnement social, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1995, actes du colloque international : « La Résistance et les Français : le poids de la stratégie, Résistance et Société », 29-30 septembre-1er octobre 1994,371p. Jacques, SEMELIN, « Qu’est-ce que Résister », dans « Que reste-t-il de la Résistance ?», numéro spécial, Esprit, 1, janvier 1994, pp. 50-63. Dominique, VEILLON, Franc-Tireur, un journal clandestin, un mouvement de Résistance (1940-1944), Paris, Flammarion, 1977, 430p. Dominique, VENNER, Les armes de la Résistance, Paris, Jacques Grancher, 1976, 335p. Olivier, WIEVIORKA, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France 1940-1949, Paris, Seuil, 1995, 487p. LA RESISTANCE DANS LA REGION R1 (concernant en partie le maquis du Vercors) Philippe, BARRIERE, Grenoble à la Libération (1944-1945). Opinion publique et imaginaire social, Paris, L’Harmattan, 1995. Jean-Pierre, BERNIER, Maquis Rhône-Alpes, Paris, Lavauzelle, 1987. Elisabeth, BURLES, La Résistance et les maquis en Drôme-Sud, été 1942-août 1944, université Lyon 2, Garrier G., mémoire de maîtrise, 1976, (A.D. Drôme 1mi407(R1)) Brigitte, CHALANDON, Les Chrétiens dans la Résistance drômoise, mémoire de maîtrise, sous la direction de Pierre Bolle et Jean Godel, UER d’histoire et d’histoire de l’art, université des sciences sociales de Grenoble, année 1972-1973, 184p. 19 Jean-Noël, COURIOL, La Résistance. Histoire du département de la Drôme, Histoire et Patrimoine Drômois, 1991, 25p. Xavier DE MONTCLOS, Monique LUIRARD, François DELPECH, Pierre BOLLE , Eglise et chrétiens dans la Deuxième Guerre mondiale. La région Rhône-Alpes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1978, 385p. Jean-Wiliam, DEREYMEZ, Etre jeune en Isère, 1939-1945, Paris, L’Harmattan, collection Mémoires du XXe siècle, 2001, 208p. #FEDERATION DES UNITES COMBATTANTES DE LA RESISTANCE ET DES FFI DE LA DRÔME, Pour l’amour de la France. Drôme-Vercors 1940-1944, Valence, Peuple Libre, 1989, 496p. # Michèle, GABERT, Entrés en Résistance. Isère, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2000, 350p. Agnès, LAMY, La légion Française des Combattants dans la Drôme 1940-1944, mémoire de maîtrise, sous la direction de Régis Ladoux, université Jean Moulin, Lyon, 1997. # Patrick, MARTIN, La résistance dans le département de la Drôme, Thèse d’histoire, Université Paris IV, 2002. Albert, ORIOL-MALOIRE, Les pierres de la mémoire. La Résistance en R1 Rhône-Alpes, Paris, Martelle, 1993. Joseph, PARSUS, Dans la Résistance. Malleval, se, 1998. Fernand, RUDE, La libération de Lyon et de sa région, collection « la Libération de la France », Paris, Hachette, 1974. Paul, SILVESTRE, « STO, maquis et guérilla dans l’Isère », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, 130, avril 1983, pp. 1-50 # Paul et Suzanne SILVESTRE, Chronique des maquis de l’Isère : 1943-1944, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1996, 510p. Suzanne, SILVESTRE, « Les premiers pas de la Résistance en Isère », Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n°127, juillet 1982, pp. 61-75. LES SOCIALISTES ET LA RESISTANCE # Pierre GUIDONI et Robert VERDIER (dir.), Les socialistes en résistance (1940-1944), Paris, Seli Arslan, 1999, 188p. # Jean-Marie, GUILLON, « Les socialistes en Résistance, un comportement politique », dans Laurent Douzou, Robert Frank, Denis Peschanski et Dominique Veillon, La Résistance et les 20 Français : villes, centres et logiques de décision. Actes du colloque international tenu à Cachan du 16 au 18 novembre 1995, Paris, CNRS, pp. 381-396 Edouard, LYNCH, Moissons rouges. Les socialistes français et la société paysanne durant l’entre-deux-guerres (1918-1940), Lille, Septentrion presses universitaires, 2002, 484p. # Daniel, MAYER, Les socialistes dans la Résistance, Paris, Presses Universitaires de France, 1968, p. Marc, SADOUN, Les socialistes sous l’occupation. Résistance et collaboration, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1983, 324p. Robert, VERDIER, La vie clandestine du Parti Socialiste, Editions de la Liberté, 1944. GENERALITES SUR LE VERCORS # Christine, BACCON, Au paradis climatique, maîtrise d’ethnologie sous la direction de François Portet, Université Lyon 2. # Jeannie, BAUVOIS (dir.), et Club d’histoire du lycée Jean Prévost de Villard-de-Lans, Un siècle, un hiver. Les traditions rurales de quelques familles du pays des Quatre Montagnes à travers le témoignage oral, Grenoble, Parc naturel du Vercors, 1982, 328p. A., BERNARD, « Trois maisons rurales en Dauphiné : Valloire-Vercors-Baronnies », dans Etudes Drômoises, n°1, 1979. # Jules, BLACHE, Les massifs de la Grande Chartreuse et du Vercors, Grenoble, Didier et Richard, 1931, 2 volumes, 447 et 514p. Jules, BLACHE, « Le problème de l’habitat dans les massifs de la Chartreuse et du Vercors », dans Revue de Géographie alpine, t.XII, pp. 423-453. Jules, BLACHE, « Les hommes et l’habitat dans les massifs de la Grande Chartreuse et du Vercors », dans Bulletin de la société dauphinoise d’ethnologie et d’anthropologie, t.XXVIII, n°1-4, 1931. Raoul, BLANCHARD, « Régimes hydrauliques et climatiques. Préalpes et Grandes Alpes », dans Revue de Géographie alpine, V, 1917, pp. 347-383. # Raoul, BLANCHARD, Les Alpes occidentales, t.1, Les Préalpes françaises du Nord, Paris, Arthaud, 1944, 325p. M., BOISSIERE, Le grand plateau du Vercors, Parc national, La Terre et la Vie 3, 1939, pp. 67-82. J., BOUCHET, « La culture du blé dans les Alpes françaises », dans Revue de Géographie alpine, XVI, 1928, pp. 179-192. 21 #Denis, CHEVALLIER (dir.), Le temps des villardes, une race bovine de montagne, La Manufacture/Parc du Vercors, 1986, 86p. A., CHOLLIER, Chartreuse, Vercors, Grenoble, Arthaud, 1934. COLLECTIF, Patrimoine du Vercors, CRDP, Grenoble, n°42, 1983. COLLECTIF, Paysages du Vercors souterrain, coédition Comité Spéléologie Isère-Parc du Vercors, Millau, 1981, 72p. COLLECTIF, Regards sur le Vercors Drômois, n° spécial des Etudes Drômoises, Valence, 1984. Fabian DA COSTA et Patrick MARCAIS, Le Vercors, Aubenas, Curandera, 1990, 160p. # J-C DUCLOS et M. WULLSCHLEGER, Le Vercors : pays, paysans, paysages, Grenoble, Editions Glénat, 1990, 141p. Maguy, DUPONT, Le Guide du Vercors, Lyon, La Manufacture, 1987, 328p. R., FANJAS-CLARET, L’élevage bovin dans le Vercors : la race de Villard-de-Lans, thèse pour le doctorat de vétérinaire, Ecole nationale vétérinaire de Lyon, 1976, 80p. # Henri, FERRAND, Le Vercors, le Royannais et les Quatre Montagnes, Grenoble, Librairie A. Gratier et J. REY, 1904, 98p. Louis (abbé), FILLET, Essai historique sur le Vercors, Valence, 1888, 294p. A., FLEURY, L’agriculture dans le parc naturel du Vercors, Institut National Agronomique de Paris-Grignon, Paris, 1973, 160p. G. FRANCONIE et J. GUNTZBURGER, Le Vercors et son architecture traditionnelle, 1987. Yves, GENET, « Le relief du Vercors », dans Information régionale, 42, CRDP de Grenoble, 1983, pp. 9-16. M.D. GLENAT, « La vie dans les Coulmes (massif du Vercors) », dans Revue de Géographie alpine, t.IX, 1921, pp. 135-158. Guide Bleu Dauphiné, Paris, Hachette, 1939 (Vercors pp. 154-191) Guide Bleu Dauphiné, Paris, Hachette, 1959 (Vercors pp. 374-396) Guide Bleu Rhône-Alpes, Paris, Hachette, 1995 (Vercors pp. 811-825) G., JORRE, « L’établissement des routes dans le massif du Vercors », dans Revue de Géographie alpine, t.IX, 1921, pp. 229-284. Léoncel, une abbaye cistercienne en Vercors, Die, La Manufacture, collection Les Cahiers Culturels du Parc du Vercors, 1984, 96p. 22 A., MARCHON, Le Vercors, Paris, Editions Emile Paul, collection Portraits de France, 1927. Etienne, MELLIER, Le Vercors, Grenoble, Librairie dauphinoise, 1900. Peter, NASH, « Le massif du Vercors en 1945. Etude sur les dévastations causées par l’armée allemande dans une région alpine de la France et de leurs effets sur les traits géographiques », dans Revue de Géographie alpine, Tome XXXIV, I, 1946, pp. 87-100. # Martine, NEUMILLER, Le livre du Vercors, Grenoble, Glénat, 1983, 193p. Jean, NOARO, Découverte du Vercors, Voiron, Ed. Papex, 1967, 236p. J., OFFNER, « Les étages de la végétation du massif du Vercors », dans Revue de Géographie alpine, VIII, 1920, pp. 125-140. J-J-A, PILOT DE THOREY, Usages, fêtes et coutumes en Dauphiné, Marseille, Laffitte Reprints, 1977. Henri, RAULIN, L’architecture rurale française. Dauphiné, Paris, Berger-Levrault, 1977, 278p. Carole, SANCHEZ, Le site national historique de la Résistance en Vercors et ses retombées socio-économiques, mémoire de maîtrise, Grenoble Université Joseph Fournier, Institut de Géographie alpine, 1994. # Anne, SGARD, Paysages du Vercors : entre mémoire et identité, Revue de Géographie alpine, hors série, Grenoble, 1997, 168p. Syndicat d’initiative de Die, Diois et Vercors. Guide illustré, sd SYNDICAT D’INITIATIVE DE DIE, Un siècle de routes en Vercors,Die, La Manufacture, collection Parc naturel régional du Vercors, 1983, 112p. René, TRUC, Les noms de lieux dans le Vercors, Editions A. Die, 1991, 136p. Olivier, VALLADE, Des combats aux souvenirs. Lieux de Résistance et de mémoire. Isère et Vercors, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1997, 130p. Michel, WULLSCHLEGER, « Petit atlas historique et géographique », dans Léoncel, espace cistercien, Cahier de Léoncel, n°10, 1994, 100p. GENERALITES SUR LA DRÔME ET L’ISERE AGRESTE, Recensement agricole 2000. L’essentiel Drôme, Ministère de l’Agriculture et de la Pèche, Paris, 2001, 176p. AGRESTE, Recensement agricole 2000. L’essentiel Isère, Ministère de l’Agriculture et de la Pèche, Paris, 2001, 256p. 23 # Pierre, BARRAL, Le département de l’Isère sous la IIIe République. 1870-1940, Paris, Fondation nationale des sciences politiques, 1962. L., BRETON, Les forêts du département de l’Isère (Grenoble et sa région, publié à l’occasion du congrès de l’AFAS), 1925, pp. 552-591. P., BUFFAULT, « La forêt de Méaudre », dans Revue des Eaux et Forêts, IX, 1922, pp.177182. Francis, CAMOIN, Villard-de-Lans, son histoire, son site, Grenoble, Roissard, 1955. CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE DE GRENOBLE, L’Isère en chiffre, édition de 1998-1999, Grenoble, 1998, 360p. # Michel, CHANAL, « La milice française dans l’Isère (fév. 1943- août 1944) », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, n°127, juillet 1982, pp.1-42. COLLECTIF, Atlas agricole de la Drôme, Valence, Direction départementale de l’agriculture et la forêt, service départemental de la statistique agricole et Cddp, 1989. COLLECTIF, Atlas économique de la Drôme, Chambre de commerce et d’industrie de Valence et de la Drôme, cddp, 1982. Jean-Noël COURIOL et Mathieu ROGER (dir.), Montagnes drômoises, Valence, FRAPNADrôme, 1996. Jean, COSTE, La Drôme de l’Antiquité à nos jours, Valence, Chevalier, 1947. # André DELLEAUD et Stéphane PUSATERI, Les comportements électoraux dans la Drôme. 1848-1981, Thèse de science politique, 2 volumes, IEP Grenoble, 1983, 632p. et 237p. Gil EMPRIN et Olivier VALLADE, « les élus locaux en Isère de 1935à 1953 : une étude sociopolitique », dans La Pierre et l’Ecrit. Patrimoine de l’Isère, 1997, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, pp. 153-173. Henri GUIBOURDENCHE et Jean MARCOU, L’Ardèche et la Drôme, activités, territoires et politique, Paris, La Documentation française, collection Les Etudes, 1997, 246p. Claude, LELEU, Atlas et étude statistique des élections dans le département de l’Isère, 19361951, DES, 1954, 136p. Bernard, MACHU, La droite et l’extrême droite dans le département de l’Isère de 1934 à 1940, TER, UER d’histoire et d’histoire des arts, Université de Grenoble, 1972, 262p. V-A, MALTE-BRUN, Le département de la Drôme. Histoire, Géographie, Statistique, Administration, Editions du Bastion, 1985, 75p. 24 # Jean, MASSEPORT, Le comportement politique du Diois, Grenoble, Allier, 1988, 180p. R., MICHELIN, Attitudes politiques dans les cantons de Villard-de-Lans et Pont-en-Royans, 1928-1968, mémoire de 2e cycle, IEP de Grenoble, 87p. D., MOURRAL, « Les forêts dans le canton de Villard-de-Lans », dans Revue de Géographie alpine, n°1, 1927, pp. 133-143. X., PELLISSIER, Etude agricole du canton de Villard-de-Lans, thèse agricole, 1912. PERRIN-DULAC, Description générale du département de l’Isère, Marseille, Laffitte Reprints, 2 volumes, 1980, 360p. et 360p. # Roger, PIERRE, La Drôme et l’Ardèche entre deux guerre (1920-1939), Valence, Editions Notre Temps, 1977, 256p. PREFECTURE DE LA DRÔME, Les Préalpes drômoises. Un problème de vie ou de mort, Valence, Jules César, 1953. « Regards sur le Vercors drômois », dans Etudes Drômoises, numéro spécial, 1984. Alain, SAUGER, La Drôme. Les Drômois et leur département : 1790-1990, Pont-SaintEsprit, La Mirandole, 1995, 320p. SAUVAN, Nouvelle géographie de l’Isère, Grenoble, Librairie Arthaud, 1950, 64p. Patrice, TERRONE, La SFIO dans l’Isère de 1934 à 1938, TER, UER d’histoire et d’histoire des arts, Université des sciences sociales de Grenoble, 1974, 142p. J., VIEILLY, « La production laitière dans le département de l’Isère », dans Revue de Géographie alpine, XXIII, 1935, pp. 613-634 ETUDES SUR LES MAQUIS # François, BOULET, « Montagne et Résistance en 1943 », dans Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et histoire : La Résistance, Toulouse, Privat, 1955, pp. 267-269. Colloque sur les maquis, Paris, Ecole militaire, 22-23 novembre 1984, Atelier d’impression de l’Armée de terre, 1985. Marie, GRANET, « dessein général des maquis », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 1, 1950, pp. 51-72. # Harry Roderick, KEDWARD, In search of the maquis. Rural resistance in southern France, Oxford, Clarendon Press, 1993, traduction française: A la recherche du maquis, Paris, Cerf, 1999, 480p. Le rôle des maquis dans la Libération de la France, colloque du 19 octobre 1994 au Sénat, Annecy, Morel Organisation, 1995. 25 François, MARCOT, « pour une enquête sur les maquis », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, 132, octobre 1983, pp. 89-100. # François, MARCOT (dir.), Lutte armée et maquis, Besançon, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, volume 617, 1996, 550p. Henri, MICHEL, « Maquis et maquis », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 49, janvier 1963, pp. 3-10 OUVRAGES SUR LE MAQUIS DU VERCORS Etudes sur le maquis # Anna, BALZARRO, Le Vercors et la zone libre de l’Alto Tortonese. Récits, mémoire, histoire, Paris, L’Harmattan, 2002, 448p. # Pierre, BOLLE (dir.), Grenoble et le Vercors, de la Résistance à la Libération, Lyon, La Manufacture, 1985, 338p. # Jean-Marc, COLLAVET, Chronique du Vercors (1943-1944), Valence, Peuple Libre, 1994, 140p. # Paul, DREYFUS, Vercors, citadelle de la liberté, Grenoble, Arthaud, 1969, édition de 1997, 396p. Paul, DREYFUS, Histoire de la Résistance en Vercors, Grenoble, Arthaud, 1975, 292p. Paul, DREYFUS, « les quatre secrets du maquis du Vercors », dans L’Histoire, 112, juin 1988, pp.8-17. Paul, DREYFUS, « Le drame du Vercors », dans Historia, n°451, spécial « 1944, l’été le plus long », juin 1984. Paul, DREYFUS, « Le Vercors sous le regard de l’histoire », dans Maquis de l’Isère dernières nouvelles, édité par le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, novembre 1999, p.49 à 52. # Patrice ESCOLAN et Lucien RATEL, Guide mémorial du Vercors Résistant, Paris, Le Cherche-Midi, collection « Documents »,1994, 406p. Commandant, LEMOINE, Vercors, citadelle de la Résistance, Paris, Fernand Nathand, 1945, 34p. Michael, PEARSON, Tears of glory. The betrayal of Vercors, Londres, Macmillan, 1978, 254p. 26 Jean, PUECH, La montagne des sept douleurs. Vercors 1944, Paris, Calman-Lévy, 1946, 120p. Fernand, RUDE, « Le dialogue Vercors-Alger », dans Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 49, janvier 1963, pp. 78-110. # Fernand, RUDE, « Le maquis du Vercors », dans Information régionale, CRDP de Grenoble, 42, 1983, pp. 73-89. # Fernand, RUDE, « Le Vercors », dans Pierre Bolle (dir.), Grenoble et le Vercors, de la Résistance à la Libération, Lyon, La Manufacture, 1985, pp. 139-185. #Valérie, TERREL, Le lycée Cyprian Norwid de Villard-de-Lans : acte de Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et consécration d’une tradition d’émigration polonaise en France, Grenoble, Institut d’Etudes Politiques, 1986-87, 182p. # Gilles, VERGNON, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, Paris, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, 2002, 256p. Gilles, VERGNON, « La construction de la mémoire du maquis du Vercors. Commémoration et historiographie », dans Vingtième siècle, janvier-mars 1996, pp. 82-97. Gilles, VERGNON, « L’évolution des représentations du maquis du Vercors », dans J.Y. Boursier (dir.), Résistants et Résistance, Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 253-268. # Gilles, VERGNON, « Le Vercors un maquis socialiste ? », dans Pierre Guidoni et Robert Verdier (dir.), Les socialistes en Résistance 1940-1944, Paris, Seli Arslan, 1999, pp. 153-162. Gilles, VERGNON, (en collaboration avec Philippe Barrière), « Le Vercors, haut lieu de France, ou la postérité légendaire d’un maquis », dans Jean-Claude Duclos (dir.), Dernières nouvelles des maquis de l’Isère, Publications du musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, Grenoble, 1999, pp. 121-136. Gilles, VERGNON, « Jeunesse et maquis, le cas du Vercors », dans J.W. Dereymez (dir.), Etre jeune en France 1939-1945, Paris, L’Harmattan, 2001, pp. 283-290. Gilles, VERGNON, … sur la mémoire du maquis du Vercors, émission d’histoire locale présentée par Yann Stéphan sur RCF 26, interview d’août 1997, 2 heures. Pierre, VIAL, La bataille du Vercors, 1943-1944, Paris, Presses de la Cité, 1991, 305p. Témoignages Tony, ALBORT, (Général), « On tremble encore… », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. ASSOCIATION NATIONALE DES PIONNIERS ET COMBATTANTS VOLONTAIRES DU VERCORS, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, édité par l’association, Valence, 1990, 432p. 27 ASSOCIATION NATIONALES DES ANCIENS DES FFI-FTPF ET DE LEURS AMIS, Des témoins parlent du Vercors trahi, édition de l’association, 1948, 16p. Jeanne, BARBIER, Ici, jadis, était un village de France, autoédition, Die, Imprimerie Cayol, janvier 2001, 80p. Roland, BECHMANN, « Le Vercors », dans L’Armée Française, 27, juin-juillet 1948, pp. 315. Albert BEGUIN, Pierre COURTHION, Paul DU BOCHET, Richard HEYD, Georges MENKES, Lucien TRONCHET, Le livre noir du Vercors, Neuchâtel, Idées et Calendes, 1994, 120p. Robert, BENNES, « contribution à l’histoire du Vercors résistant. Les radios du Vercors. Parachutages dans le Vercors », dans Cahiers des troupes de montagne, 12, mars 1998, pp. 17-34. COLLECTIF, Le maquis du Vercors, numéro spécial de Historama-Historia, n°571, juillet 1994. E.H., COOKRIDGE, Missions spéciales, l’épopée du Vercors, la libération de Bordeaux, Paris, Fayard, 1967. Général, COSTA DE BEAUREGARD, « Vercors, juin 1944, projets et réalités », dans Revue historique de l’Armée, n°4/1972. Général, COSTA DE BEAUREGARD, « 13 et 15 juin 1944. Saint-Nizier », dans Les cahiers des troupes de montagnes, n°1, hiver 1994-1995, pp. 23-24. Gilbert DALET et Henri GUILLARD, « La bataille du Vercors », dans Bibliothèque de Travail, n°623, du 1er avril 1996, CEL Cannes, pp. 8 à 33. # Pierre, DALLOZ, Vérités sur le drame du Vercors, Paris, Fernand Lanore, 1979, 352p. Pierre, DALLOZ, « Rapports sur le Vercors », dans Une semaine dans le Monde, 20 novembre 1947. Albert, DARIER, Tu prendras les armes, réédition par l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors, 1994, 492p. Colonel, DEFRASNES, « 1942-1944, l’épopée du Vercors », dans Revue Historique de l’Armée, numéro spécial Chasseurs. Général DE LASSUS SAINT GENIES et Pierre DE SAINT PRIX, Combats pour le Vercors et pour la liberté, témoignage pour l’histoire, Valence, Le Peuple Libre, 1984, 184p. Marcel, Général, DESCOUR, « Nous fûmes prisonniers de la mission reçue », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. 28 Jean-Marie, DOMENACH, « Il y a trente ans, la tragédie du Vercors résumait celle de toute la Résistance armée : une forteresse devenue piège », dans Le Monde, 27 juillet 1974, pages 1 et 6, et dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. Charles, DUBOIS, « Utile le Vercors ? », dans Journal des Combattants, n°1864, septembre 1983. P., FAILLANT DE VILLEMAREST, « La guérilla était possible », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. Marc, FERRO, La fin du maquis du Vercors, émission de France-Inter de la série « les jours du siècle » par Patrice Gélinet, avec la participation de Marc Ferro, historien, ancien du maquis du Vercors ; durée 30 minutes, première diffusion le mardi 3 décembre 1996, 2e diffusion le mardi 8 avril 1997. Pères, GAGNOL et PITAVY, Le Vercors martyr, Romans, Imprimerie Deval, réédition 1995, 32p. Fernand, GRENIER, C’était ainsi…, Paris, Editions Sociales, 1978, 230p. Ida, GUILLET-MALOSSANE, Dis-moi Mamie ; mémoire d’une grand-mère du RoyansVercors, Die, Die&Maison pour tous de Saint-Jean-en-Royans, F.O.L. 26, avril 1993, pp.101 à 131. Colonel, HUET, « Il y a deux ans… à Saint-Nizier 11-13 juin », article d’un journal non identifié daté du 11 juin 1946. Henri, HUGO, « Un aviateur dans les maquis du Vercors : Henri Grimaud », dans Revue Icare, n°153, 2/1995, pp. 88 à 91. Louis, JACOB, Crimes hitlériens. Le Vercors, Paris, Mellottée, 1946, 128p. # Gilbert, JOSEPH, Combattant du Vercors, Paris, Fayard, 1972, 320p. # Joseph, LA PICIRELLA, Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1991, 474p. # Joseph, LA PICIRELLA, Le martyre de Vassieux-en-Vercors, Lyon, 1994, 150p. Joseph, LA PICIRELLA, Mon journal du Vercors, Lyon, Les Nouvelles Imprimeries, 1961, 104p. Pierre LASSALLE et Raymond MUELLE, La liberté venait des ondes, 1942-1944, Paris, Grancher, 2001, 180p. Jean-Pierre, LAURENT (dir.), Enquête sur la mémoire orale des anciens du maquis du Vercors, 3 fascicules, Avignon, « Donner à voir », 1992. Alain, LE RAY, « Général, A propos de la réédition de « Vercors citadelle de la liberté », une réaction du général Alain Le Ray, ancien chef des FFI de l’Isère », dans Cahier des troupes de Montagne, n°10, septembre 1997, p.35. 29 Alain, LE RAY, Général, « La Résistance du Vercors », dans Le Pionnier du Vercors, supplément au n°71, juin 1990. Pierre, LORAIN, « Les armes du Vercors », dans Gazette des armes, n°125, janvier 1984, pp.21 à 27. Richard, Colonel, MARILLIER, Vercors 1944 issues de secours, Précy-sous-Thil, Edition de l’Armançon, 2000, 120p. Jean-Pierre, Lieutenant-colonel, MARTIN, Alain Le Ray, le devoir de fidèlité. Un officier alpin au service de la France (1939-1945), Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2000, 215p. Henri, MICHEL, « Les insurrections du Vercors et de la Slovaquie », dans Etudes Européennes, n° ?, pp.567 à 576. Colonel, POLHARD, « Pas d’armes… », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. J., REVOL, « Encore le maquis du Vercors et les limites de la guérilla », dans Revue Militaire Suisse, n°7, juillet 1954. Jean, ROSENTHAL, Capitaine cantinier, « Un abcès de fixation », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18. Jean-Pierre, ROSNAY, « Hommage aux Résistants du Vercors, morts au combat ou en déportation », dans Croix de Guerre, octobre-décembre 1990, pp.15 à 18. # Lieutenant, STEPHEN, Vercors premier maquis de France, Grenoble, édité par l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors, 3e édition, 1991, 182p. Pierre, TANANT, Vercors, Haut-lieu de France, Grenoble, Arthaud, 1983, 260p. André, VINCENT-BEAUME, Sur la Résistance en Vercors, dans Etudes Drômoises, numéro spécial « Regards sur le Vercors », 1ère édition 1974, pp.125 à 130. Henri, Général, ZELLER, « De la chute du Vercors à la libération de Grenoble », in Revue Historique de l’Armée, n°4/1969, pp.90 à 98. FILMOGRAPHIE Jean-Paul, LE CHANOIS, Au cœur de l’orage, Film documentaire, 1948, 100min. Laurent, LUTAUD, Vercors : le plateau déchiré, documentaire France 3, « Montagnes Magazine », 1992, 87min. Frédéric, ROSSIF, (avec la collaboration des « Pionniers du Vercors », conseiller historique Robert Aron), La bataille du Vercors, documentaire ORTF, juin 1964, 54min. 30 ETAT DES SOURCES L’espace étudié étant composé de deux cantons issus de départements différents, il faut compter dans la recherche aux archives départementales avec les disparités d’un dépôt à l’autre. Ainsi les sources disponibles quant aux cantons de La Chapelle-en-Vercors pour la Drôme et Villard-de-Lans pour l’Isère sont parfois de nature différente. Durant ce que l’on pourrait appeler la première étape de mes recherches, je me suis attaché à collecter de quoi « faire connaissance » avec le territoire qui nous préoccupe. Ainsi je me suis intéressé aux recensements de population, aux résultats des élections précédant la guerre et aux statistiques agricoles. Concernant les mœurs de l’époque, j’ai pu bénéficier des résultats d’une enquête menée par le Parc Naturel Régional du Vercors sous le nom d’Inventaire du Patrimoine Iconographique et de la Mémoire Orale du Vercors (I.P.I.M.O.V.). Enfin j’ai cherché à obtenir des informations sur l’état d’esprit de la population durant cette période dans des rapports de préfets, sous-préfets ou commissaires spéciaux, mais en vain. Dans la seconde étape, l’objectif était de trouver des renseignements sur les Résistants du Vercors. Il s’agit là uniquement de ceux qui habitaient le plateau. Le but était donc autant d’apprendre leurs identités que d’avoir plus de détails sur leurs activités. Pour cela, ce sont surtout des témoignages que j’ai exploité. Toujours dans l’idée de recueillir des informations sur les activités des Résistants, ou sur les actes de la population qui fit preuve de désobéissance civile de temps à autre, j’ai consulté les procès-verbaux établis par la gendarmerie durant la période étudiée, ainsi que les amendes établies pour non livraison de ravitaillement. J’ai aussi essayé de récolter des informations sur les habitants du Vercors convoqués pour le S.T.O. mais les archives conservées à ce sujet sont quasi-inexistantes pour les deux cantons. La troisième étape fut consacrée au regard des différentes autorités sur le Vercors. A savoir celles de Vichy, les Italiens et les Allemands. C’est essentiellement aux archives départementales de l’Isère que j’ai trouvé ces renseignements puisqu’il y est conservé de nombreux rapports issus du cabinet du préfet, mais aussi des organismes de liaison avec les occupants italiens puis allemands. Enfin, pour compléter mes informations, j’ai pu bénéficier de fonds d’archives privés comme les fonds Silvestre et Dalloz aux archives départementales de l’Isère, mais aussi le fond Vincent-Beaume dans celles de la Drôme, ou encore le fond Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon. Dans ces derniers se trouvaient des notes rédigées par les historiens qui 31 les avaient déposés, ainsi que des témoignages qu’ils avaient recueillis, des articles, … J’ai aussi pu consulter des sources concernant le Vercors au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon, à la Maison du Parc Naturel Régional du Vercors à Lans-enVercors et à la Maison du Patrimoine de Villard-de-Lans, où j’ai notamment pu obtenir beaucoup d’informations sur le lycée polonais qui s’installa dans cette localité. Pour finir, je me suis livré à des interviews sur le plateau, interrogeant un panel de protagonistes de l’époque assez varié tel que la fille d’un maire de l’époque, un Résistant membre d’une compagnie civile, la fille d’une famille pionnière de la résistance en Vercors et deux personnes qui étaient adolescentes au moment des faits et qui n’avaient rien à voir avec la Résistance. Archives départementales de la Drôme Série J Fonds du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale de la Drôme 9J1-2 Photo, tracts, affiches, journaux 9J3-7 Récits, témoignages, rapports, notes diverses 9J6 Liste des ouvriers défaillants au STO 9J8-9 Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale : récits, témoignages, rapports, notes diverses 9J8 Rapports journaliers de l’armée allemande sur les opérations du Vercors 9J36 Ravitaillement 9J40-44 Légion française de combattants : dossiers des sections communales 9J66 Presse Fonds de la Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme 97J Témoignages sur Vercors Fonds Vincent-Beaume (a été le correspondant pour la Drôme du comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale) 132J Correspondance avec les mairies, gendarmeries et administrations ; récits, témoignages, rapports, notes diverses ; déportations et pertes de la Résistance Fonds Pierre de Saint Prix (préfet de la Libération à janvier 1945) J680 témoignages, correspondance, documents isolés Série M 3M240 Elections législatives des 26 avril et 3 mai 1936 3M257 Elections sénatoriales du 23 octobre 1936 3M379 Elections aux conseils généraux et aux conseils d’arrondissement : renouvellement triennal de 1937 ; généralités Conseil général : dossier d’élection du canton de La Chapelleen-Vercors 32 3M486 Elections municipales : dossiers par communes : La Chapelle-en-Vercors (1831-1935) 3M711 Idem : St Agnan-en-Vercors (1831-1935) 3M726 Idem : St Julien-en-Vercors (1831-1935) 3M732 Idem : St Martin-en-Vercors 51831-1935) 3M787 Idem : Vassieux-en-Vercors (1831-1935) 6M227 Dénombrement de la population par commune : La Chapelle-en-Vercors (1936) 6M429 Idem : St Agnan-en-Vercors (1936) 6M444 Idem : St Julien-en-Vercors (1936) 6M448 Idem : St Martin-en-Vercors (1936) 6M510 Idem : Vassieux-en-Vercors 10M514-516 Main d’oeuvre agricole : accidents du travail, salaires, enquêtes, etc (19241932) Documents microfilmés 1Mi322 Cours de justice de la Drôme : faits relatifs à la collaboration 1Mi436 STO : listes des volontaires et requis saisies à la préfecture en 1944 (janvier 1943juin 1944) 1Mi15, 1Mi83, 1Mi281-284, 1Mi312, 1Mi353, 1Mi398, 4Mi137-145 Récits, témoignages, rapports, notes diverses Série P Cadastre La Chapelle-en-Vercors 3P514 Etats de sections : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de leurs revenus 3P517 Matrices des propriétés bâties (1910-1957) 3P518-519 Matrices des propriétés non bâties (1914-1957) 3P3325 Plan : cadastre parcellaire Saint Agnan-en-Vercors 3P2071 Etats de sections 3P2075 Matrices des propriétés bâties (1910-1973) 3P2076-2077 Matrices des propriétés non bâties (1914-1973) 3P3543 Plan : cadastre parcellaire Saint Julien-en-Vercors 3P2170 Etats de sections 3P2173 Matrices des propriétés bâties (1910-1970) 3P2174 Matrices des propriétés non bâties (1914-1970) 3P3558 Plan : cadastre parcellaire Saint Martin-en-Vercors 3P2199 Etats de sections 3P2203 Matrices des propriétés bâties (1910-1951) 3P2204 Matrices des propriétés non bâties (1914-1951) 3P3564 Plan : cadastre parcellaire Vassieux-en-Vercors 3P2630 Etats de sections 3P2634 Matrices des propriétés bâties (1910-1973) 3P2635 Matrices des propriétés non bâties (1914-1973) 3P3617 Plan : cadastre parcellaire 33 Série W 4W2 Justice : tribunal de Die : parquet : statistiques et états mensuels (1940-1943) 49W4 Statistique agricole : rapports sur la situation économique du département, états des cultures (1940-1942) 49W6 Main d’œuvre agricole : contrôle de la main d’œuvre (1940) 49W19 Corporation nationale paysanne : correspondance (1944) 49W21 Ravitaillement : instructions, propagande (1940-1941) 49W58 Etats des quantités de bétail livrées au Ravitaillement général (1943-1945) 52W1 Gendarmerie : procès verbaux (juin à décembre 1944) Répartition des charbons par communes : enquêtes, demandes et autorisations d’approvisionnement, correspondance 58W40 La Chapelle-en-Vercors (1939-1947) 58W115 St Agnan-en-Vercors (1939-1947) 58W117 St Julien-en-Vercors (1940) 58W118 St Martin-en-Vercors (1939-1947) 58W166 Vassieux-en-Vercors (1939-1942) Infractions aux lois économiques et du ravitaillement 177W11-12 Etats statistiques bimensuels des amendes, confiscations et transactions acquittées (1944-1945) 177W13-14 Correspondance, procès-verbaux, rapports divers (1944-1949) 177W15 à 21 Sanctions administratives (1944-1949) 177W58 Etats nominatifs des sanctions, correspondance, procès-verbaux (1944-1948) 180W46 Réquisition agricole : arrêtés et refus de levées agricoles (1944-1947) 268W1-2 Rapports de gendarmerie : procès verbaux (1942-1944) 268W2 Démissions, révocations, nominations : lettres concernant les maires, conseillers municipaux, les membres de délégations spéciales (1940-1944) 268W6 STO (1943-1944), ravitaillement (1944-1945) 348W8 Liste des maires et adjoints par nuance politique 348W12 à 16 Rapports mensuels du préfet 348W36 Rapports des commissaires de police (1938-1939) 357W1 Ravitaillement : rapports sur la raréfaction des denrées alimentaires (1940-1950) 500W23 Gendarmerie : procès-verbaux (1944-1945), correspondance et affaires diverses (1944-1960) 558W(68/20 n°30) Agriculture : statistiques diverses (1939-1945) 558W(68/20 n°36) Enquête agricole de 1943 558W41 Enquêtes agricoles : correspondance générale (1944-1952), statistiques agricoles annuelles (1934-1957) 558W47 Enquêtes agricoles : récapitulatif de l’enquête (1943-1944), tableaux synthétiques par régions drômoises 653W19 Monographie agricole sommaire du département de la Drôme ; rapports mensuels du contrôle de l’approvisionnement et du contentieux (1944-1945) ; rapports mensuels au ministre (1941-1943), comptes-rendus bimensuels dans les districts (1942-1943), contrôle de l’approvisionnement : rapports, procès-verbaux de constats (1942-1943) 653W23 Cheptel : instructions, correspondance, procès-verbaux, dossiers nominatifs états 653W24 Cheptel : fausses déclarations de cheptels, procès-verbaux d’audition, listes nominatives des propriétaires 653W27 Viandes : correspondance, procès-verbaux, dossiers nominatifs 34 653W29-30 Pommes de terre : procès-verbaux de renseignement des stocks (1942), amendes pour non livraison et ordres de versements (1943) 653W49 Epicerie et produits divers : procès-verbaux, dossiers nominatifs, états, répartitions diverses (1942-1948) 653W50 Contrôles divers : procès-verbaux, dossiers nominatifs, états, tickets et cartes, demande d’amnistie (1945-1948) 653W51 Contentieux : instructions, correspondance, saisies, procès-verbaux, dossiers nominatifs (1942-1943) 653W52 idem (1943-1945) 653W53 Contentieux : liste des producteurs de la commune n’ayant pas satisfait à leur imposition (1943) 653W54 Relevés des infractions et états divers (1941-1943) 653W55 Contrôles et saisies diverses (1942-1943) 653W56 Procès-verbaux des infractions, procès-verbaux d’auditions et de constatations, rapports des contrôleurs (1942-1945) 653W68 Amendes prononcées, maintenues et annulées : arrêtés des sanctions, procès-verbaux de gendarmerie, instructions, bordereaux, correspondance (1940-1946) 653W70 Registre des infractions et sanctions prononcées (1944-1945) 654W82-97 Gestion des forêts communales : vente de coupes de bois (an X-1938) 655W1 Coupes de bois des communes : procès-verbaux d’adjudication, procès-verbaux de dénombrement, procès-verbaux de reconnaissance de bris de réserves, concession, bail, correspondance, demandes d’autorisation : La Chapelle-en-Vercors (1941-1942), St Agnanen-Vercors (1941-1943), St Julien-en-Vercors (1943) 655W35 Acquisitions de terrain par l’Etat (1891-1937) 655W40-59 Gestion des forêts communales : vente de coupes de bois (an IX- 1936) 655W60-71 Gestion des forêts domaniales : rapports de l’inspecteur, arrêtés d’exploitation, demandes d’autorisation diverses, correspondance, procès-verbaux d’adjudication de coupes de bois, copies d’actes de vente de terrains cédés à l’Etat, plans, etc (1807-1938) Sous-préfecture de Die 711W (76/7 n°4) Cabinet : instructions (1942-1943) 711W(76/7 n°5-6) Cabinet : correspondance (1939-1945) 711W(76/7 n°38) Maires, conseillers municipaux, membres de délégations spéciales : démissions d’office (1941) ; nomination de délégations spéciales (1941) ; nomination de conseils municipaux (1944) 711W(76/7 n°51-52) Cabinet : affaires concernant la guerre 1939-1945) 711W(76/7 n°53) Cabinet : dossiers politiques (1941-1961) 711W(76/7 n°55) Surveillance contrôle : rapports de gendarmerie (1932-1961) 711W(76/7 n°82) Surveillance contrôle : saufs conduits et cartes d’identité (1939-1945) 711W(76/7 n°127) Ravitaillement : rapports et correspondance (1935-1952) 711W(76/7 n°128) Ravitaillement : denrées alimentaires (1940-1947) 711W(76/7 n°132) Agriculture : enquêtes (1940) 711W(76/7 n°133-134) Agriculture : instructions et correspondance (1938-1961) 758W47 Dossiers communaux : St Julien-en-Vercors, St Martin-en-Vercors 758W80 Génie rural : électrification rurale généralités (1923-1939) 758W85 Idem (1937-1939) 758W89 Dossiers communaux : Vassieux-en-Vercors 758W99 Dossiers communaux : La Chapelle-en-Vercors (1929-1931) 927W3 Main d’œuvre : STO listes des convoqués des classes 1943-1944 927W4 Main d’œuvre : feuilles de renseignements, personnel licencié (1943) 35 944W5 Ravitaillement : service de la viande : rapports, éléments de rapports (1943-1945), états récapitulatifs de certificats de besoin (1943-1945), plans d’exploitation de la viande porcine ovine et bovine (1944-1945), relevés des producteurs qui ont livrés des veaux à la commission d’achat du 1er avril 1943 et au 1er novembre 1943, registre d’importation du bétail (1944-1945) 944W6 Enquêtes agricoles : bulletins récapitulatifs communaux (1943) 945W Enquêtes agricoles de 1941, 1942 et 1943 946W1 Ravitaillement : instructions générales (1940-1947) 946W4 Instructions sur le rationnement (1941-1942), affiches propagandistes du Maréchal Pétain (1941) 946W5 Registre des coupures de presse nationale et locale relatives au ravitaillement (19441946) 946W7 Rapports sur l’organisation et le fonctionnement du service départemental du ravitaillement de la Drôme, comptes-rendus d’activité de ce services, rapports divers, situation alimentaire du département (1941-1946) 946W14-15 Etats des impositions par communes (1943-1944) 946W16 Recensement de population : répartition par catégories de communes et de consommateurs, états de répartition par profession des habitants pour les communes de plus de 500 habitants (1941-1942) ; relevés statistiques des différentes catégories de consommateurs (1942-1945) 946W17 Situation économique agricole : rapports mensuels sur l’état des cultures (19411947) 946W18 Recensement des commerçants et des exploitations agricoles (1942) 946W20 Bordereaux hebdomadaires statistiques et récapitulatifs des mouvements de légumes secs (1941-1943) ; ressources agricoles de fruits et légumes : tableaux statistiques (19411943), de denrées et sacs (1938), de bétail (1938) 946W21 Statistique des ressources agricoles pour les produits de basse-cour avec graphiques (1941-1946) ; cahiers statistiques du comité central des groupements interprofessionnels laitiers, tableaux statistiques d’arrivage de lait avec graphiques (1944) Commission d’achat de La Chapelle-en-Vercors 946W73 Journal, grand livre centralisateur (février 1940-juin 1942) 946W74 Registre des profits et pertes (mai 1940-décembre 1942) 946W75 Registre de comptes de frais généraux (février 1940-décembre 1942) 946W188 Titres d’alimentation : instructions adressées aux maires, travail à effectuer par les mairies, procès-verbaux de gendarmerie relatifs à des vols de cartes dans les mairies (19401949) 946W221 Corporation nationale paysanne : circulaires, instructions, correspondance, tracts (1942-1944) Comité central de ravitaillement des fruits et légumes 948W2 Rapports mensuels du délégué départemental (octobre 1943-octobre 1944) 948W3 Comptes-rendus mensuels des chefs de collecte (octobre 1943-octobre 1944), fiches personnelles de renseignements et notations (1943-1944) 948W4 Liste des chefs de collecte de la Drôme et territoire de leur juridiction, listes des collecteurs de fruits et légumes de la Drôme, listes des bureaux d’expédition 948W11 Dossiers de presse (1944) 949W Ravitaillement : instructions, correspondance, questionnaires aux maires (1940-1947) 1920W507 à 533 Dossiers nominatifs de demande de carte de Combattant Volontaire de la Résistance 36 Archives départementales de l’Isère Série J Fonds Paul et Suzanne Silvestre 57J36 Le Vercors (conférence d’Eugène Chavant sur l’histoire du Vercors) Fonds Pierre Dalloz 89J3 Notes d’Aimé Pupin sur l’histoire du Vercors 89J6 Articles de presse ; correspondance avec Paul Dreyfus 2J650 La Résistance/Le Vercors (récit de Léon Martin) Série M Elections législatives de 1936 8M49 Circulaires, instructions, déclaration des candidats, procès verbaux de recensement des votes, renseignements divers 8M50 Coupures de presse, affiches, correspondance, divers 8M58 Elections législatives. Documents statistiques, généralités Elections cantonales 12M23 Elections complémentaires de 1936, état du personnel des conseils d’arrondissements 1931-1938, documents généraux, procès verbaux de recensement général des votes 10M35 Procès verbaux, recensement général des votes 10M36 Affiches, professions de foi, listes, conseillers d’arrondissement 10M38 Elections cantonales, conseil général. Procès verbaux 12M24 Elections cantonales, conseils d’arrondissements. Procès verbaux de recensement général des votes 12M25 Elections cantonales, conseils d’arrondissements à Villard-de-Lans Elections municipales de 1935 15M96 Mobilisation des maires et adjoints 15M97 Listes des maires, adjoints et conseillés municipaux nommés 16M353,354 Affiches des candidats par ordre alphabétique des communes 16M369 Elections de 1935, période 1935-1944 (canton de Villard-de-Lans) Elections sénatoriales 17M36 Elections complémentaires de 1935, documents généraux, procès verbaux d’élection des délégués aux élections sénatoriales (canton de Villard-de-Lans) 52M81 Correspondance générale du Préfet (1930-1936) 52M90 Rapports mensuels du Préfet au ministère de l’Intérieur concernant les événements politiques et économiques du département (1935-1936) 52M91 idem 1937 52M92 idem 1938 52M93 Rapports des Sous-préfets et des commissaires de police au Préfet sur les affaires politiques, sociales et économiques (années 1939-1940-1942) 52M125 STO, instructions diverses. Recensements volontaires, défaillants (1943-1944) 37 52M131 Renseignements confidentiels sur les Sénateurs, Députés, Conseillés Généraux, Conseillés d’Arrondissement, Maires des agglomérations les plus importantes, et diverses personnalités. Notices individuelles (1942) 52M136 Police générale. Correspondance du Préfet : rapports mensuels d’information (19401941) 52M137 idem (1942) 52M138 idem (1943) 52M139 idem (1944) 52M14O Rapport du commissaire régional de la République (1944) 52M149 Tournées du Préfet et des Sous-préfets : renseignement sur les communes (1941 à 1944) 52M151 Correspondance avec les communes : affaires diverses, ravitaillement et marché noir, lettres anonymes, dénonciations, enquêtes, gardes messiers (1940-1945) 52M163 Personnes ayant fait l’objet d’une enquête (1940-1943) 52M165 Personnalités politiques, syndicalistes, notables : notices individuelles (1942) 52M170 Individus à rechercher, personnalités inquiétées, maquis des inciviques, Francsmaçons (1943-1948) 52M180 Notes d’informations quotidiennes adressées au Préfet (1944) 52M301 Correspondance du Préfet. Interventions a/s de personnes arrêtées : réfractaires, maquis, marché noir (1944) 52M302 Police générale : suspects divers signalés pour idées hostiles au Maréchal Pétain (1941-1943) 82M5 Sûreté générale : recherche de suspects (décembre 1940-novembre 1941) 100M10 Sociétés, associations diverses (1941-1943) 123M354 Dénombrement de 1936 : canton de Villard-de-Lans 137M84 Statistiques agricoles annuelles (1935) 137M85 idem (1936) 137M86 idem (1937) 137M87 idem (1938) 140M16 et 17 Prix et médailles. Mandatement de primes. Imprimés et pièces diverses (19301936) 140M47 Concours agricoles divers. Médailles, primes (1932-1941) Série P Plans cadastraux 4P5/21 Autrans 4P5/128 Corrençon-en-Vercors 4P5/203 Lans-en-Vercors 4P5/545 Villard-de-Lans (il n’a été conservé aucun plan cadastral pour la commune de Méaudre durant notre période) Série Q 3Q11/1665 à 1672 Registre des baux (du 27 août 1934 au 19 février 1941) 3Q11/2307 à 2311 Tables des décès et successions (1935-1939) 3Q38/94 Actes civils publics (du 5 avril 1933 au 28 février 1935) 3Q38/134 Baux d’immeubles (du 29 novembre 1931 au 28 février 1935) 38 3Q38/184 Mutations par décès (du 18 août 1933 au 25 février 1935) 3Q38/211 Tables des décès et successions (1930-1935) Série R Relations avec les autorités de l’Occupation 13R906 Correspondance de la section française de liaison à l’adresse du Verbindungstaab, du Sicherheitsdienst et du Préfet de l’Isère (octobre-décembre 1943). Correspondance diverse (gouvernement de Vichy, Croix-Rouge, particuliers) adressée au Verbindungstaab 13R907 et 908 Correspondance de la section française de liaison adressée au Préfet de l’Isère, au gouvernement de Vichy, à divers organismes et particuliers (1944) 13R909 Correspondance du Préfet de l’Isère à l’adresse du Verbindungstaab et du Sicherheistdienst (janvier à juillet 1944) 13R910 Rapports quotidiens du Préfet au commandement du Verbindungstaab (déc.1943août 1944). Comptes-rendus adressés au gouvernement de Vichy par le Préfet de l’Isère (juinjuillet 1944) 13R928 STO : instructions, télégrammes officiels, correspondance avec l’office de placement, listes (1943-1944) 13R929 et 930 Dossiers des travailleurs recrutés par les autorités occupantes 13R931 Recherche des réfractaires. Comité d’entraide aux Français travaillant en Allemagne (1943-1944) Résistance 13R933 Tracts et journaux clandestins : rapports de police (1941-1944) 13R938 à 945 Rapports de police et de gendarmerie sur les attentats et les sabotages (19421944) 13R946 Comptes-rendus quotidiens adressés au Préfet et au secrétaire général de la police (nov.1943-juin 1944) 13R947 à 958 Etats quotidiens des attentats (nov.1943-juillet 1944) Arrestations et répression 13R959 Recherche de dissidents : instructions, enquêtes (1940-1941) 13R960 Opérations de police effectuées par les troupes d’occupation : arrestations, perquisitions (1942-1944) 13R961 Arrestations opérées par les autorités italiennes, allemandes et françaises (1943-1944) 13R962 Etats mensuels, arrestations et libérations (fév.1943-juin 1944) 13R963 Fiches des personnes arrêtées (mai 1943-juillet 1944) 13R968 Dossiers individuels des arrestations (novembre à décembre 1943) 13R970 à 974 idem (1944) 13R986 Etats statistiques des tués, fusillés civils, déportés, FFI tués, disparus dans le département de l’Isère 13R987 Liste de Résistants tués. Associations de prisonniers et déportés (1944-1946) 13R1036 Membres du Mouvement de Libération Nationale : fiches 13R1045 Enquêtes auprès des communes sous l’Occupation et la Libération : réponses des instituteurs 13R1046 et 1047 Documents traitant essentiellement de la Résistance dans le Vercors Série U 39 Justice de paix du canton de Villard-de-Lans 9U2925 Actes civils (1928-1939) 9U2928 Conciliations et non-conciliations (1852-1939) 9U2952 Jugements civils (1925-1939) 9U2960 Tribunal de simple police (1914-1939) Justice de paix de Sassenage 9U3633 à 3636 Jugements civils (1941-1944) 9U3650 à 3653 Actes civils (1941-1944) 9U3666 à 3668 Jugements de simple police (1941-1942-1944) Série W 2101W43 Comité de ravitaillement de Libération Nationale : comités locaux, attestations, réquisitions du maquis (1944-1945) Ravitaillement de l’Isère Service du contentieux 2105W125 Registre des poursuites 2105W126 Registre des amendes et confiscations (1943-1948) 2105W131 à 137 Fiches statistiques des délinquants (1942-1949) 2105W138 Sanctions laitières, amendes pour le blé (1942-1948) 2105W147 à 159 Dossiers des poursuites terminées 2105W160 Répertoire des textes législatifs sur le ravitaillement (1940-1948) 2105W161 Répertoire sur la législation et la réglementation des infractions en matière de ravitaillement (1940-1948) 2105W162 Circulaires. Instructions concernant le contentieux du ravitaillement général (1940-1949) 2109W104 Suites judiciaires, transmission au parquet 2109W105 Amendes pour abbatages clandestins, divers (1942-1947) 21019W106 Marché noir : trafic de cartes d’alimentations, hausse et stocks illicites, abbatages clandestins (1941-1944) 2109W107 Idem, amendes, sanctions, commission contentieuse (1943-1948) 2109W108 Internements, amendes aux producteurs pour refus de livraison (1943-1947) 2109W109 à 125 Sanctions et fermetures administratives : dossiers individuels (1942-1948) Statistiques agricoles 3426W9 et 10 Tableaux cantonaux et communaux des productions agricoles : enquêtes diverses (1929-1940) 3426W11 à 26 Culture, cheptel, surface des exploitations, ressources commerciales et industrielles. Etat des animaux à ferrer (1941) 3426W47 Récapitulation concernant la population et les exploitations (1942) Matrices cadastrales et états de sections 6136W5 à 8 Autrans 6136W21 à 24 Corrençon-en-Vercors 6136W41 à 44 Lans-en-Vercors 6136W45à 49 Méaudre 40 6136W199 à 206 Villard-de-Lans Journaux et périodiques dépouillés PER1852/1 à 3 Le Pionnier du Vercors Centre d’Histoire de la Recherche et de la Déportation de Lyon Article 614 : « Mon premier journal de marche », témoignage de Pierre Lefort Article 627a : Témoignage de Henri Chosson alias MIK dans la Résistance sur les actions de l’unité de Marsaz Article 1157 : « Formes diverses d’engagement de maquis alpins », par le Général Le Ray ASSOCIATION NATIONALE DES PIONNIERS ET COMBATTANTS VOLONTAIRES DU VERCORS, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, édité par l’association, Valence, 1990, 432p. Joseph, LA PICIRELLA, Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1991, 474p. Lucette, MARTIN-DE-LUCAS, Rescapée de Vassieux-en-Vercors. Souvenirs d’une fillette de dix ans, Lyon, Imprimerie Rey, 1977, 152p. Bibliothèque Municipale de Lyon Fonds Fernand Rude Boite217 : Témoignage d’un maquisard (anonyme) Boite220 : Lettre de « Mathieu » PUPIN à DALLOZ « Historique du 1er camp du Vercors, le C.1 », témoignage de M. Pierre Brunet Boite225 : « Un du Vercors nous parle… », article issu de Le trait d’union Boite226 : Article du Dauphiné Libéré du samedi 28 février 1948 (dans cet article il est fait état d’un rapport envoyé par le général de la Porte du Theil, alors chef des Chantiers de Jeunesse, à Vichy concernant la situation dans le Vercors) Boite227 : Section de Villard-de-Lans ; liste de résistants de Villard-de-Lans ; liste de résistants de Méaudre Boite326 : Denise Noaro, La Résistance à Villard-de-Lans, témoignage de Denise Noaro, à l’époque épouse de Jean Glaudas, tapuscrit de 12 pages adressé à Mme Silvestre dté du 26 janvier 1967 Maison du Parc Naturel Régional du Vercors Les femmes dans la Résistance du Vercors Enquête sur la mémoire orale des anciens du maquis du Vercors Fonds I.P.I.M.O.V. (Inventaire du Patrimoine Iconographique et de la Mémoire Orale du Vercors) 813-2 et 3 : Traditions de Villard-de-Lans et Rencurel 818 : La fruitière d’Autrans 7859-1 à 3 : Mémoire orale du Vercors : un maréchal-ferrant de Villard 8046-1 et 2 : La vie religieuse, les fêtes dans le canton de Villard-de-Lans 8110-2 : Vie et coutumes de Méaudre 8127-1 et 2 : La vie rurale dans le Vercors nord au début du siècle 8129 : La Résistance 8210-1 et 2 : Enquête sur la race bovine de Villard-de-Lans 8211-2 et 3 : L’élevage bovin : race de Villard-de-Lans 8212-1 et 2 : Race bovine de Villard-de-Lans : la station d’élevage 41 LE VERCORS EN RESISTANCE Premiers actes de désobéissance A) Les premières « combines » contre le régime 1) Des emplois à la campagne Dans son discours du 22 juin 1942, Pierre Laval dit : « Je souhaite la victoire de l’Allemagne parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout ». Dans le même discours, il annonça par la suite aux Français l’instauration d’un système qu’il appela la « Relève ». Celui-ci répondait aux exigences allemandes qui demandaient à la France de lui fournir de la main-d’œuvre ouvrière pour son effort de guerre. Ainsi il prévoyait le départ pour l’Allemagne d’ouvriers spécialisés sur la base du volontariat. Le système ainsi conçu permettait le retour d’un prisonnier de guerre pour trois ouvriers spécialisés partis travailler de l’autre côté du Rhin. De ce fait une importante propagande reposant sur la culpabilisation des Français fut entreprise pour les inciter à partir. A la radio, dans la presse, sur des affiches, on présentait comme un devoir moral, civique, d’aller travailler en Allemagne pour permettre le retour des prisonniers. Ainsi on peut lire sur une affiche « travailleurs français vous libérez les prisonniers en travaillant en Allemagne ». Cependant grâce aux courriers envoyés par les premiers expatriés ou aux permissions qui leur avaient été accordées, la population fut rapidement mise au courant de ce qui attendait ceux qui décideraient de partir travailler pour le Reich. Ainsi ils furent peu nombreux, ou du moins leur nombre fut inférieur aux demandes de Fritz Sauckel, le commissaire allemand à la main-d’œuvre. En conséquence, dans une ordonnance du 22 août, celui-ci décida de soumettre au travail obligatoire tous les hommes et toutes les femmes, pas seulement de la France mais de tous les pays occupés. De cette ordonnance les journaux français ne parlèrent pas et donc la majeure partie de la population ignora son existence. C’est en réponse à cette dernière que la loi du 4 septembre fut promulguée. Elle était certes moins contraignante que le projet de Sauckel mais assujettissait quand même tous les hommes entre 18 et 50 ans et toutes les femmes célibataires de 21 à 35 ans. Durant plusieurs mois une ambiguïté fut maintenue entre le volontariat des départs et les mesures coercitives du gouvernement. Cependant sur les 240 000 ouvriers partis travailler en Allemagne au 31 décembre 1942, seulement 64 00039 l’avaient fait avant le 17 octobre. On peut donc en conclure que c’est véritablement l’établissement de la contrainte qui fut à l’origine de ces départs, ce qui incita les gens à les assimiler déjà à des déportations. Au mois 39 ces chiffres sont issus de l’ouvrage d’Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l’occupation, t.5 : Les passions et les haines. Avril-décembre 1942, Paris, Robert Laffont, 1981, p.128. 42 de janvier 1943, Sauckel exigea un nouveau contingent de 250 000 hommes, suite à quoi fut créée une nouvelle loi. Celle-ci fut promulguée le 16 février 1943, c’est elle qui institua le Service du Travail Obligatoire. Ainsi la France livrait sa jeunesse puisque dès lors tous les jeunes hommes nés en 1920, 1921 et 1922 devenaient requérables pour aller travailler en Allemagne. Bien souvent, on associe la montée aux maquis du Vercors à l’instauration du Service du Travail Obligatoire. Cependant nous avons vu que d’autres mesures antérieures contraignirent des ouvriers français à partir outre Rhin. En fait, dès l’été 1942 et ses premières mesures, le Vercors commence à être une terre de refuge pour certains. Si le régime de Vichy s’est appuyé en ses débuts sur le monde agricole, François Marcot estime qu’entre ces deux, la « lune de miel […] ne dure guère au-delà de 1941 »40 et que le « prestige du gouvernement et de l’Administration sont sérieusement atteints avant même le S.T.O. »41. Par ailleurs il affirme que même si elle ne les concerne pas, la Relève indigne les paysans car elle porte atteinte à leur patriotisme. Ainsi à l’heure des premières mesures coercitives à l’égard des ouvriers, la campagne est toute disposée à leur apporter son soutien. Comme les ouvriers agricoles n’était pas concernés par ces mobilisations, nombreux furent les jeunes hommes qui cherchèrent à se faire embaucher dans des fermes pour échapper à ce qu’ils considéraient comme une déportation. Si de tels agissements sont difficiles à quantifier parce qu’il n’ont pas toujours été opérés dans la plus complète régularité, les témoignages font état de plusieurs jeunes hommes venus travailler sur le plateau pour éviter d’être requis. Pour Harry Roderick Kedward cette « sympathie » montrée par les ruraux à l’égard de ceux qui refusent le travail en Allemagne est un acte politique car elle démontre la volonté de désobéir à la loi et donc de désapprouver le gouvernement et sa politique42. Par ailleurs ce même historien note qu’à partir du mois de mai 1943, lorsque pour la première fois le S.T.O. implique les agriculteurs de la classe 1942, et donc touche le monde rural jusqu’alors épargné, on assiste à un renforcement de la complicité entre paysans et réfractaires43. Dès lors, et c’est le cas dans le Vercors, se produit ce que Suzanne et Paul Silvestre appellent une « interpénétration du 40 François Marcot, « Les paysans et la Résistance, problèmes d’une approche sociologique », dans Christian Bougeard et Jacqueline Sainclivier, La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social, Actes du colloque international : « La Résistance et les Français : le poids de la stratégie, Résistance et société », 29-30 septembre-1er octobre 1994, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1995. 41 Ibidem. 42 Harry Roderick Kedward, « STO et Maquis », dans Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France des années noires, t.2 : De l’occupation à la Libération, Paris, Seuil, 1993. 43 Ibidem. 43 milieu rural traditionnel et du monde ouvrier »44. C’est ainsi que le plateau absorbe dès qu’il le peut les jeunes gens en fuite, à l’occasion par exemple des travaux agricoles à la saison des foins ou des labours. Mais nous le savons, le Vercors est aussi un pays d’exploitation forestière ; ce dont profitent bon nombre de garçons en obtenant un emploi de bûcheron ou d’agent des Eaux et Forêts. Par conséquent, on voit qu’avant même l’installation des premiers camps de maquisards, le Vercors est déjà entré dans une première forme de Résistance. Celleci n’est pas encore organisée et se développe de manière empirique au cas par cas. Elle consiste en un camouflage individuel de jeunes hommes des villes qui veulent profiter des mesures de protection accordées aux travailleurs du monde agricole. En effet grâce à celles-ci ils peuvent éviter les réquisitions qui les emmèneraient directement dans les usines allemandes. 2) Un ravitaillement illicite Les années de guerre furent une période de difficulté concernant l’approvisionnement en nourriture des Français. Ainsi on créa le Ravitaillement Général pour répartir les productions et garantir le rationnement de chacun. Les paysans se voyaient donc ponctionner une partie de leurs productions pour assurer la pérennité de ce système. Cependant il pouvait arriver que pour diverses raisons ils ne purent livrer les quantités requises. Ce pouvait être de bonne foi du fait de mauvaises récoltes, ou par opposition au système en préférant les revendre à un prix plus élevé au marché noir, en les réservant pour des personnes que l’on connaissait ou même pour soi. Quoi qu’il en soit, il est de fait qu’à ce sujet la coopération du monde agricole ne fut pas la plus parfaite, et cela notamment dans le Vercors. Cependant du fait de l’illégalité de tels agissements, il est difficile aujourd’hui d’une part d’en trouver trace, et d’autre part d’évaluer son importance. En ce qui concerne notre étude nous nous appuierons sur trois types de sources : les procès-verbaux pour non livraison au Ravitaillement Général, les statistiques agricoles et les témoignages. Bien évidemment chacune comporte des limites qu’il convient de prendre en considération, néanmoins l’association de ces trois approches permet une vision assez juste de ce qu’était la situation. Premier indicateur des fraudes au Ravitaillement Général, les procès-verbaux pour non livraison. S’ils ne témoignent uniquement des malversations repérées par les autorités, ils permettent en revanche d’avoir des informations précises sur les quantités non livrées. Leur origine était diverse puisqu’ils pouvaient aussi bien être dressés par le service du Contentieux des Infractions au 44 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère. 1943-1944, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1995. 44 Ravitaillement Général, que par les gendarmes. On retrouve plus aisément ce type de sources pour la Drôme que pour l’Isère, par conséquent nous disposons de plus d’exemples concernant le canton de La Chapelle-en-Vercors. Ainsi dans les rapports mensuels du ministre concernant le contrôle du ravitaillement retrouve-t-on en date du 10 décembre 1941 les cas de deux cultivateurs de Saint-Martin-en-Vercors ayant été verbalisés pour non remise de lait aux ramasseurs45. De même le 10 avril 1942 pour un cultivateur de Saint-Julien-enVercors qui s’est vu de plus confisqué son stock de pommes de terre46, comme ce fut le cas aussi le 6 janvier 1943 pour un paysan de Villard-de-Lans a qui il en a été pris 335kg47. On le voit ce type d’événements s’est produit dès les premières années de la guerre et sur l’ensemble du plateau. Dans une lettre datée du 6 avril 1943 adressée au directeur départemental du ravitaillement général par un cultivateur de Vassieux-en-Vercors, nous pouvons retrouver les raisons qui amenaient certains à s’opposer à ces réquisitions. « Monsieur le Directeur. Je reçois aujourd’hui 6 avril votre avis du 19 mars dernier me faisant connaître que je dois payer une amende de : frs 625 pour non livraison de pommes de terre. J’ai le regret de vous informer que je refuse de la façon la plus formelle et la plus catégorique de payer l’amende que vous avez cru devoir m’infliger. A la date du 10 novembre 1942 je livrai au collecteur 123 kilogs [sic] de pommes de terre ce qui représentait à 10 kilogs [sic] près le deux cinquièmes de ma maigre récolte. L’intence [sic] sécheresse que nous avons subie l’an dernier ne m’a pas permis de retirer seulement la moitié des fruits de mon travail. Etais-je de ce fait condamné de livrer la totalité de ma récolte sans en garder seulement pour ma semence de cette année ?? Je pourrais m’étendre longuement là-dessus, je ne le ferai pas, car il n’appartient pas à un paysan ignorant de faire des leçons à des gens qui possèdent la science infuse en matière agricole comme ceux du Ravitaillement Général. Je me permettrai seulement de vous poser deux questions. 1° Comment se fait-il qu’en septembre dernier, alors que j’avais demandé une expertise de ma récolte le contrôleur [M.] ai [sic] refusé de venir chez moi. 2° Comment se fait-il que d’après la liste des sanctions parvenues a la Mairie, pour des manquements de livraisons plus important [sic] certains soient frappé [sic] d’amendes moins lourdes que d’autres ?? Monsieur le Directeur, j’estime que dans les temps graves que nous vivons, il appartient à tout homme investie [sic] d’une fonction publique de prendre la responsabilité de ses actes, je vous demande donc instamment et au nom de tous mes collégues [sic] frappés déraisonnablement comme moi d’avoir le courage de venir nous 45 AD26, 653W19. Ibidem. 47 Ibidem. 46 45 démontrer comment nous devions faire pour livrer, ce que cette autre calamité, qui a été la sécheresse, ne nous a pas permis de récolter. !!! Je tiens d’autre part à vous prévenir en ce qui me concerne personnellement, que quelles que soient les coercitions que l’arsenal des lois met à votre disposition pour frapper injustement d’honnêtes travailleurs paysans victimes des intempéries, je ne suis pas décidé à me soumettre à l’arbitraire odieux que vous avez cru devoir m’imposer. Reconnaissant pas les formules de politesse qui terminent ces sortes de lettres, je ne vous en met pas »48. Il faut tout de même reconnaître que les autorités qui géraient les sanctions savaient aussi faire preuve de clémence comme le démontre cette lettre envoyée le 26 avril 1943 à une cultivatrice de La Chapelle-en-Vercors. « J’ai l’honneur de vous informer qu’en application de la Loi et de l’arrêté ministériel cidessous, je vous ai infligé, pour n’avoir pas rempli vos obligations, en ce qui concerne les livraisons de pommes de terre, une amende administrative de Frs : 1350. Par mesure de bienveillance, j’ai décidé de vous accorder le bénéfice du sursis. Vous n’aurez donc à payer cette amende que dans le cas dûment constaté et admis où – sauf raison de force majeure – vous ne livreriez pas intégralement votre imposition de 1943. Je vous prie de considérer la présente lettre comme un avertissement et d’en prendre bonne note »49. Toutefois elles pouvaient faire preuve de fermeté à l’encontre de ceux qui montraient trop de mauvaise volonté comme en témoigne le cas de cet agriculteur de Vassieux-en-Vercors. Ainsi on put lire dans une lettre du contrôle de l’approvisionnement au préfet datée du 5 décembre 1942 : « J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à la suite du procès-verbal du Commis de District [X.], en date du 22 octobre, pour non livraison de produits laitiers au Ravitaillement Général, [Y.] cultivateur à Vassieux-en-Vercors a fait l’objet d’une décision de réquisition de 2 vaches laitières et 34 quintaux de fourrage. Au terme du procès-verbal de gendarmerie de La Chapelle-en-Vercors du 3 décembre, M.[Z.], Président de la Commission d’achat n°6 à StJean-en-Royans s’étant présenté chez ce cultivateur en vue d’opérer la réquisition ordonnée, M.[Y.] est entré dans une violente colère et, après des paroles grossières, est allé jusqu’à menacer de mort M.[Z.]. Eu égard à la gravité des faits ci-dessus, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir prendre une mesure d’internement administratif contre M.[Y.], tout en déférant ce dernier au Parquet en vue des poursuites judiciaires »50. 48 AD26, 653W29. Ibidem. 50 AD26, 653W51. 49 46 Ce à quoi une lettre du cabinet du préfet de la Drôme répondit le 12 février 1943. « J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’à la suite d’une infraction en matière de ravitaillement (non livraison de produits laitiers) j’ai prononcé l’internement administratif pour un mois au centre de séjour surveillé de SISTERON de M.[Y.], propriétaire à Vassieuxen-Vercors »51. Ainsi par le biais des amendes sanctionnant les paysans pour des défauts de livraison de leurs productions au Ravitaillement Général, on remarque la présence d’un sentiment d’opposition à ce système. Cela se manifeste par des réticences de leur part à livrer le fruit de leur travail. Un autre moyen pour mesurer ce manque de coopération apparaît dans les statistiques agricoles établies durant les années noires. En effet les chiffres rapportant les résultats des différentes cultures et élevages apparaissent parfois étrangement inférieurs à ceux d’avant guerre. Il arrive même, comme ce fut le cas pour la commune de La Chapelle-en-Vercors en 1943, que le délégué du directeur des services agricoles du département chargé de recueillir ces enquêtes dans les villages y ajoutes des annotations comme « pas beaucoup de souci d’exactitude » ou « exactitude douteuse »52. Le fait que ces enquêtes soient réalisées dans les communes par des commissions de statistiques constituées de cultivateurs de la localité n’est probablement pas étranger à toute malversation. C’est pour cela qu’il faut être prudent avec leurs résultats, du fait du manque éventuel d’honnêteté avec lequel ils ont été établis. Enfin la mémoire des protagonistes, et du fait du temps qui s’écoule, celle aujourd’hui de leurs enfants, témoigne que malgré la crainte des sanctions s’est développé comme un « savoirfaire » pour éviter de livrer la totalité des quantités imposées par les réquisitions. Cependant comme tout témoignage ils sont à prendre avec les précautions d’usage, notamment ceux des personnes qui étaient enfants ou adolescents à l’époque car il est probable que certains n’étaient pas au courant de tous les agissements, même illégaux, de leurs parents. Il est un autre type d’agissement que l’on pourrait considérer comme une forme primitive de Résistance, c’est la création d’un marché parallèle concernant la nourriture. Tous les témoignages s’accordent à le dire, le Vercors n’a pas vraiment souffert de la faim durant les années de guerre, même si ses habitants ont connu néanmoins des restrictions. Ainsi ils se considéraient comme privilégiés comme on peut le constater dans ce témoignage : « Par rapport aux personnes des villes […] on avait pas beaucoup de tout, mais on avait de tout »53. Du fait de l’agriculture de subsistance qui était pratiquée sur le plateau, les autochtones 51 Ibidem. AD26, 945W45. 53 Jeannie Bauvois, Un siècle…, op. cit., p.258. 52 47 avaient de quoi manger. Cette situation avantageuse, certains ont décidé de la partager en faisant profiter ceux qui étaient dans le besoin d’une partie de leurs productions. Evidemment cela n’était pas gratuit, cependant les tarifs pratiqués démontrent que ces ventes n’avaient pas pour but de « faire de l’argent » comme on a pu le reprocher à bien des paysans. Elles ne résultaient pas non plus de la simple tradition de solidarité que nous avons évoqué plus tôt. Ce que traduisent les bas prix auxquels étaient vendus ces denrées, c’est aussi la désapprobation du régime par ces agriculteurs qui n’hésitent pas à contourner la loi. De ce fait, dans une région où la politique du gouvernement ne faisait pas l’unanimité, nombreux étaient ceux qui s’approvisionnaient ainsi comme le raconte cet ancien cultivateur qui confectionnait alors son pain : « il y avait beaucoup d’amis qui venaient. Le plus meilleur client c’était les gendarmes. Le pain était taxé 1,35 le kilog…1,37. Nous, on le vendait 1,50… Ils auraient été tous les jours là ! Je sais que, une semaine, j’ai cuit quatre jours consécutifs »54. Néanmoins on ne vendait alors qu’à des gens que l’on connaissait, que l’on savait sûrs, du fait d’une part de l’illégalité, mais aussi, et l’on retrouve peut-être là l’esprit de solidarité qui habitait ces gens, par peur d’avoir à faire à des professionnels du marché noir. Pour eux cette nourriture était destinée à ceux qui en avaient besoin et non à gagner de l’argent. Le même cultivateur qui faisait son pain relate une anecdote symptomatique de cet état d’esprit : « par contre, je me suis trouvé avec une dame qui voulait…qui savait qu’on avait battu. [M. R.] leur avait dit qu’on avait battu (…) Alors, je montre…c’était un mélange de blé et de seigle avec lequel, nous, nous faisions le pain : Ah non, non, pas bonne ! (c’était une Italienne) J’ai dit : voulez-vous m’foutre le camp ! Ah c’est pas bon ! Vous n’avez pas bien faim ! elle est partie, elle n’a plus rien dit après. (…) Alors, je lui aurais vendu mettons, quatre, cinq kilos de blé à un prix de…, elle le vendait le double en arrivant à Sassenage. C’était des trafiquants ça alors »55. Ainsi vendre de la nourriture en dehors du système établi par Vichy devient un acte politique, à l’image du soutient qui était apporté aux premiers réfractaires. De ce point de vue, on peut dire que la campagne, et le Vercors en particulier entre en Résistance bien avant d’être le lieu d’installation de maquis. B) Déjà un espace de refuge 1) Les réfugiés 54 55 Ibidem, p.256. Ibidem, p.258. 48 Avant d’être un espace de refuge pour ceux refusèrent le S.T.O., le Vercors fut une terre d’accueil pour bon nombre de familles qui déménagèrent à cause de la guerre. Ce pouvait être par obligation, à l’image d’Alsaciens qui s’étaient fait expulser de chez eux par les Allemands. Mais aussi par choix, ce qui conduisit par exemple certains habitants de grandes villes à les quitter par peur des bombardements. Ou alors la recherche d’un lieu paisible en zone libre par des habitants de la zone occupée. Enfin, pour les juifs, le plateau avait le double avantage d’être une zone rurale de montagne, donc assez « reculée », et d’être sous le contrôle des Italiens, dont on connaît les réticences vis-à-vis de la politique anti-juive. Ainsi de nombreuses personnes, seules ou en famille, s’y sont installées en prenant une pension dans une ferme, en louant une maison ou un appartement, ou bien en résidant dans les hôtels. Néanmoins, il est difficile d’évaluer la présence de ces réfugiés. En effet leur établissement dans le Vercors s’étant souvent produit dans la clandestinité, ils n’ont pas laissé de traces de leur arrivée au moment des faits. Ainsi la seule source dont nous disposons renseignant sur leur présence réside dans les témoignages. Ce sont alors ceux des autochtones, mais ceux interrogés de nos jours n’étaient que de jeunes gens à l’époque. Ils n’avaient probablement pas connaissance des détails et leurs souvenirs à ce sujet se limitent à des anecdotes de la vie quotidienne. Des informations plus précises résident dans les récits des réfugiés. On y apprend plus facilement leurs régions d’origine, les raisons de leur fuite ou leurs états d’âme quant à cette situation. Il existe un cas célèbre, assez représentatif de ce que pouvait être l’établissement de réfugiés juifs sur le plateau : c’est celui de l’écrivain Georges Perec, qui n’était alors qu’un petit enfant, et de membres de sa famille. C’est à l’automne 1941 que le jeune garçon arrive à Villard-de-Lans pour vivre avec sa tante Esther et son oncle David, qui partageaient une maison louée par Berthe, la sœur de celui-ci, et son mari Robert. Tout ce petit monde vivait assez confortablement car pour gagner de l’argent, David servait d’expert dans des transactions illicites de bijoux à Grenoble. L’enfant poursuivit sa scolarité normalement. Du fait de son jeune âge, il est d’abord inscrit dans une école maternelle : le Clos-Margot, puis lors de l’année scolaire 1942-1943, il intègre un internat catholique de garçons : le collège de Turenne. A cette époque, le Vercors est considéré comme une région sûre. Ainsi « David et Esther ne jugèrent même pas nécessaire de se faire faire des faux papiers, ni de changer de nom »56. Le jeune Perec lui ne comprend pas la situation particulière dans laquelle il se trouve, c’est ce qu’il écrira dans un de ses romans, W ou le souvenir d’enfance, « du monde extérieur, je ne savais rien, sinon qu’il y avait la guerre »57. Durant le 56 57 David Bellios, Georges Perec. Une vie dans les mots, Paris, Seuil, 1994, p.88. Idem, p.118. 49 printemps ou l’été 1943, sa grand-mère Rose fuit Paris et gagne à son tour Villard-de-Lans. Mais l’arrivée de l’automne se conjugua avec celle des Allemands à Grenoble. David décida donc de se procurer des fausses cartes d’identité pour lui, sa femme et sa fille et tous trois déménagèrent pour un coin encore plus tranquille : Saint-Martin-en-Vercors. Là-bas, ils vécurent à côté des autorités militaires commandant le « Vercors », celles-ci ayant établi leur P.C. dans cette localité. Ainsi au cours du printemps de l’année 1944, Perec se souvient d’un dîner dans leur maison en compagnie de ces derniers et des membres d’une mission interalliée, le P.C. étant voisin de leur demeure58. Cependant le petit Georges n’y était pas souvent car s’il rentrait tous les week-end quand ils habitaient Villard-de-Lans, il ne put le faire une fois l’établissement à Saint-Martin-en-Vercors du fait de la trop importante distance à parcourir. Fin juin 1944, sa grand-mère Rose décida de quitter Villard-de-Lans pour le village voisin de Lans et elle emmena son petit-fils avec elle. Pourquoi ce départ, le garçon n’en saura rien mais il fut une bonne initiative car la bourgade fut relativement épargnée par les Allemands. De ce transit, Georges Perec se souvient surtout du périple pour rallier sa nouvelle adresse : « quoi qu’il en soit, je me retrouvai un jour d’été sur une route, avec ma grand-mère. Elle portait une grosse valise et moi une petite. Il faisait chaud. Nous nous arrêtions souvent ; ma grand-mère s’asseyait sur sa valise et moi par terre, ou sur une borne kilométrique. Cela a duré un temps considérablement long. Je devais avoir huit ans et ma grand-mère au moins soixante-cinq et il nous a fallu tout un après-midi pour parcourir les sept kilomètres qui séparent Villard-de-Lans de Lans-en-Vercors »59. Bien sûr cette histoire n’est celle que d’une famille, étant entendu qu’elles sont différentes pour chacune de celles qui sont venues se réfugier dans le Vercors. Néanmoins, à travers elle on découvre certains aspects de la vie qui furent communs aux réfugiés sur le plateau. Ainsi l’on est renseigné sur leurs conditions d’hébergement, encore qu’à ce sujet il faudrait s’intéresser à l’identité des personnes qui acceptèrent de recevoir chez eux ou de louer à ces réfugiés. En effet peut-être retrouverions-nous des gens qui plus tard furent impliqués d’une autre manière dans la Résistance, car au moment d’accueillir les réfugiés, outre la tradition de solidarité, des considérations plus politiques ont certainement dû motiver ce désir d’entraide. Par ailleurs on pourrait aussi s’interroger sur l’importance des transactions financières quant à l’hébergement, que ce soit sous forme de loyer, de pension ou autre. On le voit l’étude des réfugiés sur le plateau n’en est qu’à ses débuts, il reste bien des choses à découvrir. 58 59 Idem, p.96. Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Paris, Denoël, collection « Les Lettres Nouvelles », 1975, p.171. 50 En 1939 est rouvert le lycée polonais des Batignolles à Paris, qui avait été crée en 1842 et fermé en 1922 faute d’élèves. Désormais il porte le nom de Gymnazjium Cyprian Norwid et est pris en charge par le gouvernement polonais constitué à Paris. En juin 1940 le lycée est évacué d’abord dans les Basses Pyrénées puis en Angleterre, cependant les terminales restent dans la capitale pour passer leur baccalauréat avant de traverser la Manche. C’est au cours d’une réunion à Vichy le 28 septembre 1940 que cinq personnes décidèrent la création d’un lycée polonais dans les Alpes, à proximité de Grenoble et de la Suisse. Ce comité était composé de M. Zabielo, délégué du gouvernement polonais, M. Kawalkowski, consul général de Pologne à Lille auprès de Vichy, M. Bobrowski, délégué régional de la Croix-Rouge Polonaise dans l’Isère, M. Zaleski, délégué en France du Ministère polonais de l’instruction publique et de M. Godlewski, lecteur de polonais à la faculté de lettres de l’université de Lille. Leur choix s’est porté sur Villard-de-Lans car la commune se situait dans une zone à la fois isolée, mais aussi pourvue d’hôtels laissés libres par les touristes, donc qu’ils pourraient occuper. C’est ainsi que les 9 et 15 octobre 1940 le lycée ouvrit ses portes dans les locaux de l’Hôtel du Parc et du Château, loués par la Croix-Rouge Polonaise. Il comptait alors environ 125 élèves auxquels il faut ajouter douze professeurs et des domestiques. Il était alors dirigé par deux personnes, Godlewski et Zaleski. Très vite il fallut trouver des annexes pour l’agrandir car il fallait faire face non seulement au nombre grandissant d’élèves, mais il fallait aussi loger les membres des familles des professeurs ainsi que le reste du personnel composé de trois cuisinières, deux domestiques, deux chauffeurs, un garçon de service et le personnel administratif60. Ainsi d’autres hôtels furent occupés par le lycée. C’étaient l’Hôtel de la Poste, situé à côté de la place du village, l’Hôtel Beau Site face à l’Eglise, l’Hôtel des Loisirs, l’Hôtel Fleur des Alpes en bas du village et Le Rocher dans la partie supérieure du bourg61. Dans plusieurs d’entre eux l’on retrouvait des dortoirs pour les filles et aussi des salles de classe. Mais si les logements étaient séparés, les cours en revanche étaient mixtes. En outre, une autre annexe fut créée dans le village voisin de Lans pour les jeunes filles n’ayant pu trouver de place à Villard-de-Lans, mais aussi pour loger les parents des élèves et pour servir d’école primaire aux jeunes enfants. Par son extension et la position de ses infrastructures situées aussi bien au centre qu’aux abords du village, le lycée ne vivait nullement en marge de celui-ci, mais il en faisait bien partie intégrante. De plus grâce à ses différentes activités, des échanges se sont établis avec la population locale. Dans ce domaine 60 Valérie Terrel, Le lycée Cyprian Norwid de Villard-de-Lans : acte de Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale et consécration d’une tradition d’émigration polonaise en France, Grenoble, Institut d’Etudes Politiques, 1986-1987, 182p. 61 Ibidem. 51 les Polonais créèrent une chorale sous l’impulsion d’un professeur, M. Ernest Berger, dont la renommée dépassa le cadre local. Celle-ci suscitait l’admiration des Villardiens et se produisait tous les dimanches lors de la messe. Mais la communion culturelle ne se limitait pas à cela. Il y avait un désir de part et d’autre de partage des coutumes, c’est ainsi par exemple que les habitants de Villard étaient conviés au « Château » à l’occasion de fêtes célébrées par les Polonais62. Les activités sportives furent aussi le théâtre de l’entente entre villageois et lycéens. Ainsi par exemple les équipes de ski et de boxe remportèrent la quasitotalité des titres universitaires nationaux français63. Un climat de collaboration et d’amitié régnait, favorisé dans les débuts par l’intervention des membres français du corps professoral du lycée qui jouèrent le rôle d’intermédiaires. Un autre élément rassembleur était constitué par les difficultés de la vie matérielle puisque de manière générale, les Polonais étaient soumis aux mêmes restrictions que les Villardiens dans leur quotidien64. L’installation de ce lycée à Villard-de-Lans constituait à plus d’un titre un acte de Résistance. C’était en premier lieu l’accueil et le soutien apporté à des personnes persécutées par les Nazis qui voulaient les réduire à l’état de peuple servile. Mais cet établissement était aussi le centre d’une Résistance intellectuelle visant à faire perdurer la culture polonaise que les allemands cherchaient à détruire. Enfin, il fut le lieu d’une Résistance militaire. A l’origine cela vient du fait que ses premiers élèves étaient en grande majorité des anciens soldats qui avaient participé aux campagnes de Pologne, de Norvège ou encore de France. Ainsi, sous l’impulsion de ses professeurs engagés dans la poursuite de la lutte, le lycée devint le point de départ d’une filière qui via l’Espagne conduisait des soldats vers l’Angleterre, où ceux qui avaient obtenu leur baccalauréat pouvaient devenir officiers, surtout dans l’armée de l’air65. Enfin, lors de l’été 1944, professeurs et lycéens prirent part aux côtés des Français aux combats du Vercors. Bien avant l’établissement sur le plateau de ceux que l’on appelle aujourd’hui les maquisards, dès 1940, le Vercors accueillit déjà en son sein des groupes de personnes vivant retranchées à l’écart des habitations. Suite aux travaux de Suzanne et Paul Silvestre66, on apprend qu’une de ces premières formes de camp vit le jour à Corrençon à l’initiative de l’abbé Johannès Vincent, qui avait été récemment désigné secrétaire de mairie de la localité. Blessé au cours de la campagne de France, il était un ancien du 140e RI, régiment de réserve du 159e RIA. Grâce à l’amicale des anciens de ce régiment, il fit la connaissance de M. 62 Ibidem. « En Vercors, le Souvenir français s’unit au Souvenir polonais…l’un et l’autre ne s’oublient pas… », dans Bulletin municipal de Villard-de-Lans, n°19, juillet 1980. 64 Valérie Terrel, Le lycée Cyprian Norwid, op. cit. 65 Ibidem. 66 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.49. 63 52 Lieber, un israélite grenoblois venu s’installer dans la commune. Très vite, celui-ci sollicita l’aide de l’abbé pour cacher des juifs, ce que ce dernier accepta. C’est ainsi que les personnes envoyées par M. Lieber furent dirigées vers des sortes de campements situés à l’orée de la forêt. C’est dans des tentes que ces premiers réfugiés s’étaient installés. Par la suite, un certain « M. Collomb » vint regrouper ces gens dans un camp. Ainsi était constitué le « camp Collomb ». Puis avec l’arrivée du S.T.O., des réfractaires vinrent s’ajouter à cet effectif. C’est alors que M. Collomb disparut. L’abbé Johannès Vincent fit alors appel aux responsables de Franc-Tireur de Villard-de-Lans pour prendre en charge le camp, ce qu’ils firent en orientant ses pensionnaires vers d’autres camps, notamment celui d’Ambel. Il est à noter que ce camp établi très tôt à Corrençon est différent du C.2 ou du camp des Ravières F.T.P. Ainsi l’on remarque la présence des les premières années d’occupation et avant l’instauration du S.T.O., d’un camp servant à camoufler des personnes qui devait très certainement être connues de tous. La présence de tentes au bord des bois, donc visibles par tous, semble indiquer que très tôt les habitants, ceux du village de Corrençon du moins, se sont impliqués dans le soutien de ceux qui étaient touchés par les injustices du régime. En effet il est plus que probable que certains habitants du village aient eu à leur apporter une aide, qu’elle fut matérielle ou en matière de ravitaillement. De plus, il existe dans le Vercors d’autres exemples de camps s’étant installés à proximité d’un village dès le début de l’Occupation. Certains militaires n’acceptant pas la défaite ont refusé la création de l’armée d’armistice et ont préféré ne pas se soumettre à ses autorités. En conséquence, de nombreux groupes de soldats se sont dissimulés dans les forêts le temps de trouver un moyen de poursuivre la lutte. Ainsi par exemple un petit groupe s’est établit à Méaudre où il a noué des liens avec la population67. De même qu’à Corrençon, grâce à la connexion existant entre la localité et le régiment, des hommes de l’ancien 159e RIA se sont mêlés dans le milieu de 1941 au « camp Collomb »68. L’idée de camps retranchés, en utilisant la forêt pour se cacher fait donc son apparition rapidement dans le Vercors. Ils sont une des manifestations des capacités de la population locale à agir à l’encontre du nouveau régime. C’est en ce sens que ces « maquis sans le nom », pour reprendre l’expression de Suzanne et Paul Silvestre, constituent une forme primitive de la Résistance dans la région. 2) Pourquoi ce caractère d’espace de refuge 67 68 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.50. Ibidem. 53 A l’époque encore plus qu’aujourd’hui, le Vercors se distinguait par son caractère d’espace de refuge. Il y avait surtout deux raisons à cela. La première vient de son histoire, nous pourrions même dire de sa légende. En effet le patronyme « Vercors » est issu du nom d’une tribu celtique, les Vertacomicori, qui vivaient sur ce territoire et qui y sont restés libres de la domination de l’Empire romain dont ils avaient repoussé les assauts69. Ainsi dans l’imaginaire, le Vercors apparaissait déjà comme une terre de liberté, tout du moins pour les personnes qui en connaissaient l’histoire, ce qui n’était tout de même pas le cas de la majorité des gens. L’image de la citadelle était elle par contre beaucoup plus répandue. Celle-ci est due notamment aux travaux de géographes grenoblois tels Jules Blache ou Raoul Blanchard qui, pour sa part, qualifiait le Vercors de « citadelle naturelle »70. Pour Henri Ferrand, il était un « quadrilatère inexpugnable… pour les maladies et les soucis de la vie ordinaire »71. Ce qui est intéressant dans cette citation, et qui constitue le deuxième point pour lequel le Vercors pouvait être considéré comme un espace de refuge, c’est qu’il était un lieu où l’on allait pour être à l’abri des maladies. Si déjà auparavant des tuberculeux avaient pris l’habitude de gagner le plateau, c’est le 14 novembre 1926 que Villard-de-Lans fut déclaré « station de tourisme spécialisée pour le séjour d’hiver des enfants délicats et convalescents » sous le nom de « Paradis des enfants »72. Le climatisme est le nom que l’on donne à cette activité touristique qui se base sur un climat tempéré et la proximité des forêts, ce qui confère à la région une qualité de régénératrice. Une loi du 24 septembre 1919, réglementant les stations thermales et climatiques, légitima en outre cette reconnaissance du Vercors comme une terre isolée « des plaies et des vices de la société moderne73 ». Ainsi le plateau apparaissait une fois de plus comme un territoire de refuge, ce qui concordait avec l’état d’esprit des autochtones. En effet une vieille tradition de solidarité caractérisait les habitants du plateau. Cependant ce trait de comportement à lui seul ne suffit pas pour expliquer les agissements d’une population qui n’hésita pas à défier les autorités et contourner la loi. Leurs actes de fronde nous l’avons dit revêtaient aussi un caractère politique. Pour les comprendre, intéressons nous aux préférences politiques des autochtones. Nous le ferons par le biais des différents scrutins précédant la guerre. Dans l’intérêt de notre étude, nous remontrons jusqu’aux élections municipales de 1935, ainsi nous aurons l’occasion de rencontrer plusieurs 69 Henri Ferrand, Le Vercors en 1900, Grenoble, Librairie A. Gratier et J. Rey Editeurs, 1904, réédition Textel, Lyon, 1988, pp.7, 23, 50. 70 Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales. I Les Préalpes françaises du Nord, Tours, Arnault, 1938, p.15. 71 Henri Ferrand, Le Vercors…, op. cit., p.59. 72 Christine Baccon, Au paradis climatique, maîtrise d’ethnologie, sous la direction de François Portet, Lyon 2. 73 George Jorre, “L’établissement des routes dans le massif du Vercors », dans Revue de Géographie Alpine, n°9, 1921. 54 types d’élections, aussi bien locales que nationales. Au cours de ces municipales, ce sont en majorité des équipes à tendance radicale-socialiste qui ont été élues74. De ce fait, quand Vichy décidait la révocation d’un maire, il était remplacé par quelqu’un qui était de la même sensibilité parmi le conseil municipal. Le scrutin suivant fut le 26 avril 1936, à l’occasion des législatives. Dans l’arrondissement de Die, auquel appartient le canton drômois de La Chapelle-en-Vercors, le maire Radical de Die Léon Archimbaud « règne » sans partage puisqu’il avait déjà été désigné comme représentant à la Chambre en 1932 avec 73,5% des suffrages exprimés. En 1936, il est le candidat du Front Populaire et même si son score baisse un peu, il est tout de même réélu dès le premier tour. Dans les cinq villages de notre canton du Vercors-sud, il apparaît en tête comme le montrent ces résultats : Elections législatives de 1936 : canton de La Chapelle-en Vercors75 inscrits votants nuls Suffrages Archimbaud Berthézène Exprimés (Rad-Soc) La Chapelle- 277 Plumel Richaud (Rad. (Soc. (communiste) Indépendant) Indépendant) 219 11 208 107 69 14 18 170 13 157 71 57 0 29 70 0 70 28 22 0 20 150 2 148 105 29 3 11 en-Vercors St Agan-en- 214 Vercors St Julien-en- 97 Vercors St Martin- 198 en-Vercors Vassieux 175 149 4 145 86 29 1 29 Total 961 758 30 728 397 206 18 107 Néanmoins nous constatons l’absence de candidat de droite ce qui pourrait aussi être une raison de ce succès, les plus modérés reportant alors leurs votes sur le candidat Radical. En ce qui concerne le canton isérois de Villard-de-Lans, la situation est différente. Les résultats des urnes laissent apercevoir beaucoup plus nettement un clivage «gauche-droite », qui se traduit par un partage sensiblement égal des suffrages entre Joannès Ravanat, député sortant S.F.I.O., et Jules Hyvrard, conseiller général Démocrate Populaire. 74 75 AD26, 3M486, 3M711, 3M726, 3M732, 3M787 et AD38, 16M369, 15M97. AD26, 3M240. 55 Elections législatives de 1936 : canton de Villard-de-Lans76 inscrits votants nuls exprimés Ravanat Hyvrard Suppo (S.F.I.O.) (D.P.) (Communiste) Lans 248 176 1 175 73 96 6 Autrans 286 221 0 221 120 91 10 Corrençon 64 51 1 50 15 33 2 Villard-de-Lans 538 438 5 433 161 265 7 Méaudre 207 177 2 175 117 48 10 Total 1343 1063 9 1054 486 533 35 A la vue de ces résultas, on remarque que contrairement à son homologue situé dans la partie drômoise du Vercors, ce canton paraît plus marqué par les idées conservatrices. Cependant la quasi-équité des scores avec le candidat socialiste indique la présence considérable d’une opinion progressiste. C’est ce que l’on peut voir lors des élections cantonales du 10 octobre 1937 qui opposent au second tour deux candidats radicaux77. Pour le canton de la Chapelleen-Vercors, ces élections confirment sa qualité de « terre radicale » avec la victoire écrasante du maire radical de cette dernière commune78. Ainsi l’on peut dire que dans l’ensemble, les habitants du Vercors sont de tendance « gauche modérée », ce qui ce traduit dans les urnes par des élections de candidats radicaux-socialistes. Ceci contraste avec les régions qui bordent le plateau qui sont teintées d’un rose beaucoup plus vif. Que ce soit le Royans d’un côté, ou Grenoble de l’autre, ces deux territoires sont des bastions socialistes. On retrouve donc dans les préférences politiques des autochtones une explication des actes de désobéissance civile dont le Vercors fut le théâtre dès l’avènement du régime de Vichy. Naissance et développement de la Résistance en Vercors A) Le refus de la défaite 1) Naissance de groupes de Résistants à Villard-de-Lans et à Grenoble Lorsque à la fin du mois de juin 1940 furent signés successivement les armistices franco-allemand et franco-italien, c’est avec un grand soulagement que la majorité des Français acceptèrent la fin des combats. Cette guerre dont on était persuadé de l’issue 76 AD38, 8M49. AD38, 10M35. 78 AD26, 3M379. 77 56 victorieuse avait provoqué un immense désarroi dans la population. Après tout, la propagande officielle n’avait elle pas promis que : « nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts79 ». L’officialisation de la défaite, aussi rapide qu’écrasante, a donc apporté un nouvel élément d’incompréhension face à une situation que bon nombre déjà ne semblaient pas comprendre. En effet ce conflit dont on ne voulait pas avait été annoncé comme évité après les accords de Munich, qui avaient été de ce fait approuvés par une population majoritairement pacifiste. Ajouté à cela le fort sentiment d’une vie politique en pleine crise, dont les tenants étaient perçus comme marqués du sceau de l’oisiveté, de la corruption et des « affaires ». Tout cela avait déjà amené avant la guerre certains à s’interroger sur le bien fondé du régime démocratique alors en vigueur, à la vue des modèles autocratiques présentés par les voisins allemands et italiens notamment. C’est ainsi qu’au sortir de la guerre en 1940, les Français avaient perdu toute foi en la classe politique, qu’ils considéraient comme responsable de leurs maux, puisque cette dernière leur avait assuré d’abord la paix, puis ensuite la victoire ; et ce fut l’effondrement de la IIIe République. Par conséquent, l’arrivée du maréchal Pétain aux rennes du pays fut favorablement accueillie. Il bénéficiait d’une image totalement opposée à celle de ses prédécesseurs. « En raison de son prestige exceptionnel, de son passé de vainqueur, d’une simplicité attentive au sort des hommes, d’une prudence de paysans qui lui évite d’être classé comme l’homme d’un clan, d’une réputation de bon sens et de désintéressement que son grand âge ne peut que confirmer, Philippe Pétain est perçu par les Français comme la première de ces certitudes80 ». Résumant ainsi l’aura dont jouissait ce dernier dans le pays, Pierre Laborie81 le décrit comme étant considéré comme le « point fixe » jugé nécessaire par les Français pour le redressement de la nation. Garant des valeurs et de l’identité de la France, c’est lui qui devait aider ces derniers à retrouver leurs repères et leurs « certitudes ». Il était « l’homme de la situation » et allait devenir le « Père de la patrie ». Dans un discours du 21 juin 1940, il déclarait : « depuis la victoire, l’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur ». C’est en s’appuyant sur cette image du rédempteur que Vichy recherchait l’adhésion, présentant la défaite comme méritée et exhortant la population à se repentir. Il était temps désormais de se soumettre et d’obéir pour le salut de la nation. Dans un premier temps, cette politique était de manière générale acceptée par les habitants de l’Hexagone. Il en était de même dans la région qui nous concerne comme 79 Michèle Gabert, Entrés en Résistance. Isère. Des hommes et des femmes dans la Résistance, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, collection « Résistances », 2000, p.207. 80 Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, collection « L’univers historique », 1990, p.229. 81 Ibidem. 57 en témoigne la visite du Maréchal à Grenoble le 19 mars 1941 au cours de laquelle « la foule se pressait sur l’ensemble du parcours, les fenêtres étaient pavoisées82 ». Dans Le Petit Dauphinois, on put lire : « Grenoble bouleversé de reconnaissance a fait au Père de la Patrie une réception d’apothéose ». Cependant cet état de fait ne faisait pas l’unanimité. Il y en avait pour qui le soulagement que nous évoquions précédemment constituait « une honte83 ». Ceux-là n’acceptaient pas la défaite et la domination allemande. Ils la refusaient d’autant plus dans le Dauphiné que l’armée française avait vaincu les Italiens dans les Alpes et contenu les Allemands à Voreppe. Par ailleurs, découvrant ensuite le nouvel ordre que tentait d’instaurer le gouvernement de Vichy, ils trouvaient dans l’antifascisme un nouveau motif de refus de la situation. C’est de cette volonté de refus de la soumission, à la fois face à l’envahisseur, mais aussi face à un gouvernement au sein duquel on percevait l’influence fasciste de l’ennemi, que sont nés les premiers Résistants. Très peu nombreux au début, ce sont surtout des hommes d’âge mûr. Michèle Gabert84 explique cela d’une part du fait de la situation démographique de la France ; bon nombre de jeunes étaient alors soit retenus prisonniers en Allemagne, soit incorporés dans les Chantiers de jeunesse. D’autre part à cause du contexte d’égarement et d’interrogations quant à la situation politique du pays, où seuls des personnes avec une certaine expérience de la vie politique pouvaient entreprendre une quelconque action à son encontre. Car au temps de ces pionniers de la Résistance, c’est bien sur ce domaine que portait l’essentiel de leur effort. Ce pouvait être par la diffusion d’une information autre que celle propagée par Vichy, au moyen de tracts ou papiers en tous genres. Mais cela n’était possible uniquement pour la minorité qui avait trouvé moyen d’agir. Pour la grande majorité, l’activité se résumait à des réunions en secret où l’on discutait de la situation et où l’on cherchait comment « refaire le monde ». Ainsi naquit le groupe des premiers Résistants de Villard-de-Lans. A l’image de ceux qui prenaient forme un peu partout, il n’était constitué que de peu de personnes, du fait de son mode de recrutement. Durant cette période, les langues étaient loin d’être déliées car les « murs avaient des oreilles », disait-on. En effet déjà les dénonciateurs avaient entrepris leurs agissements. Par conséquent, lorsqu’on se sentait en désaccord avec la conduite des événements, on osait en parler uniquement avec des personnes que l’on savait « sûres », qui étaient du même bord. Les possibilités de découvrir un « ami » n’en étaient donc que plus 82 Michèle Gabert, Entrés en Résistance…, op. cit., p.211 Idem, p.207. 84 Idem, p.212. 83 58 restreintes, et c’est ainsi que l’aire de recrutement de ces groupes se limitait au cercle des amis proches, de la famille ou des amis militants, dont on connaissait les opinions. Les hommes qui composaient le groupe villardien répondaient aux différents critères qui caractérisaient les premiers Résistants et à leurs tentatives de regroupement. D’âge mûr, certains avaient connu l’engagement politique comme militants, d’autres avaient été mobilisés pour cette guerre, d’autres enfin étaient de simples amis ou collègues de travail. Il était composé de Clément Beaudoing qui était fermier ; Marlius Charlier, percepteur ; Baptiste Converso ; Marcel Dumas, agent de la compagnie d’électricité Fure et Morge ; les frères Emile, Paul et Victor Huillier qui tenaient l’entreprise de transport Huillier ; Jean Glaudas, marchand de charbon et de vin ; Edouard Masson qui tenait la banque populaire ; Théo Racouchot, hôtelier et Piqueret. Tous ces hommes étaient emmenés par un docteur d’origine roumaine85, Eugène Samuel, arrivé à Villard-de-Lans après sa démobilisation en 1940 et venu rejoindre sa femme qui y tenait une pharmacie. On peut distinguer dans cette composition certaines des affinités qui ont certainement été à l’origine de leur association. Par exemple, Paul Huillier, Théo Racouchot et Edouard Masson étaient des militants socialistes86. Piqueret, lui, étant mécanicien dans l’entreprise des cars Huillier, put trouver facilement en ses patrons des personnes partageant ses opinions. Edouard Masson, qui ne devait pas à l’origine être un proche du docteur Samuel, est décrit par ce dernier comme « l’ami87 » de Marlius Charlier qui était emprunt d’« ardeur patriotique88 ». Vichy, 10 juillet 1940, les députés français accordent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour sauver le pays. Tous ? Non ! Certains irréductibles résistent encore et toujours, n’acceptant pas de voter l’établissement d’un tel pouvoir. Au nombre de 80, on pouvait compter parmi eux deux députés socialistes de l’Isère, M. Hussel, de Vienne, et l’ancien maire de Grenoble le docteur Léon Martin. Autour de celui-ci se constitua dans l’agglomération iséroise un petit groupe de Résistants composé d’amis militants. Dans les débuts, ces derniers se limitaient à des causeries « entre amis sûrs, car déjà en cette pauvre France, déchirée en deux, régnait la délation »89. Le docteur prit l’habitude de recevoir chez lui des émissaires de groupements clandestins, et c’est ainsi qu’en 1941 il reçut Raymond 85 Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, Paris, 2002. 86 Ibidem. 87 Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, Grenoble, Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors, p.41. 88 Ibidem. 89 Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages dactylographiées, AD38 , fonds Pierre Dalloz, 89J3. 59 Gernez, député du Nord, qui organisait la diffusion du Populaire clandestin90. Ce dernier était venu proposer au docteur Martin de se charger de la diffusion du journal en Isère et de réorganiser le Parti socialiste clandestin. La mission acceptée, le docteur chargea un des ses amis, Aimé Pupin, avec qui il avait pris l’habitude de discuter de ses visites, d’assurer la distribution du journal. C’était Mme Deshières qui allait chercher à Lyon les numéros du Populaire. Il lui arrivait parfois de ramener aussi d’autres éléments de la presse clandestine comme Combat, Libération, Franc-Tireur ou Père Duchesne91. En ce qui concerne le parti, la Commission Exécutive Fédérale clandestine de l’Isère fut créée. Elle comprenait Léon Martin, M. Hussel, Deshières, Eugène Chavant et Aimé Pupin. Leur activité consistait en la recherche de liens avec d’autres socialistes des environs92 pour créer des cellules clandestines du parti et participer à la diffusion des différents papiers de la Résistance. A l’image du comportement de la majorité des socialistes dans le pays, l’essentiel de leur action se situait sur un plan politique ; préféré à la lutte armée93. Il s’agissait surtout de propager une opinion critique du gouvernement car l’information était complètement muselée et contrôlée par Vichy. 2) La fusion des deux groupes sous l’égide de Franc-Tireur Jean-Pierre Lévy, créateur et chef national de Franc-Tireur, avait rendu visite au docteur Martin à plusieurs reprises pour obtenir des informations sur des personnes à qui il voulait confier la tâche de lancer le mouvement dans l’Isère. Mais son entreprise n’avançait pas. Il demanda donc à l’ancien maire de le mettre en contact avec quelqu’un. C’était le 12 juillet 1942. Ce dernier accourut aussitôt chez son ami Aimé Pupin pour lui demander s’il accepterait cette nouvelle mission ; ce qu’il fit. Une heure plus tard les deux hommes étaient présentés : « une table, deux chaises, deux apéritifs au milieu de mes jeux de boules, loin des oreilles indiscrètes, et le mouvement FRANC-TIREUR prit naissance dans l’Isère »94. Sous le pseudonyme de « Mathieu », Pupin structura l’organisation, de manière à ce que ses proches collaborateurs soient à la tête d’équipes qui elles-mêmes commandent des sous-équipes ou douzaines, etc. Pour tous ces hommes les premiers temps furent difficiles. Ceux furent ceux de l’inaction. Et pourtant, Eugène Samuel les considère comme les plus 90 Ibidem Ibidem 92 Anna Balzarro, Le Vercors et la zone libre de l’Alto Tortonese. Récits, mémoire, histoire, Paris, L’Harmattan, 2002. 93 « Le Parti socialiste dans la Résistance », dans Pierre Guidoni et Robert Verdier, Les socialistes en Résistance. 1940-1944, Paris, Editions Seli Arslan, 1999. 94 Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages dactylographiées, AD38 , fonds Pierre Dalloz, 89J3. 91 60 passionnants95, comme ceux qui laissèrent « au cœur des vrais Résistants les souvenirs les plus profonds96 ». En effet ils furent marqués tout d’abord par les douloureux sentiments provoqués par la défaite et par l’armistice. Vint ensuite la recherche d’autres personnes qui, comme soi, ne se satisfaisaient pas de la situation dans laquelle se trouvait le pays. Comme le dit ce même docteur97 : « c’est un mot, quelque fois moins qu’un mot, une expression fugitive et involontaire du visage » qui permettait de découvrir quelqu’un qui était « dans la foule des soumis, des vaincus réels, un frère, un illuminé comme [soi] qui croyait encore à la victoire possible ». Cependant leur envie d’agir se heurtait aux difficultés d’entrer en action, de trouver des liaisons avec d’autres groupes et d’obtenir des directives pour pouvoir enfin mener des opérations contre l’occupant. Donc en attendant cela, nos hommes à Villard-de-Lans se contentaient de se réunir dans l’arrière-boutique de la pharmacie du docteur Samuel98, dont le frère Simon, était rapidement venu s’ajouter au nombre des participants. Comte tenu du climat du moment, ces réunions se faisaient la nuit, dans le plus grand secret. Personne au village ne devait savoir ce qu’il se passait, et ce fut le cas. Mais l’inaction et l’attente commençaient à refroidir leurs ardeurs. Ainsi Eugène Samuel consacra les trois derniers mois de l’année 1941 à rechercher une quelconque liaison, à la suite de quoi, ces hommes obtinrent leur première victoire. Ils avaient enfin réussi à établir un contact avec un autre groupe de Résistants. Par l’intermédiaire de son « vieux camarade99 » Théo Racouchot, Pupin avait fait entrer en contact « Samuel Ravalec100 », alias le docteur Eugène Samuel, et le docteur Léon Martin à Lans, dans une maison de ce dernier, le lundi de Pâques 1942101. Mais l’ancien maire de Grenoble se sachant surveillé du fait de sa double appartenance au Parti socialiste et au groupe des 80 parlementaires du 10 juillet 1940, il orienta le Villardien vers Pupin. C’est ainsi qu’une semaine plus tard ils se rencontrèrent102. Là, prenant connaissance de ceux qui constituaient le groupe des Résistants de Villard-de-Lans, ce dernier eu l’agréable surprise d’y 95 Eugène Samuel, « La Résistance… », op. cit., p.41. Ibidem. 97 Ibidem. 98 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit., p.90. 99 Notes originales d’Aimé Pupin…, op. cit. 100 Il fut d’abord surnommé « Ernest » puis « Jacques », c’est ce qu’affirme Pierre Dalloz dans son ouvrage Vérités sur le drame de Vercors, Paris, Fernand Lanore, 1979, p. « Ravalec » était le nom de jeune fille de sa femme. 101 Léon Martin, « Le Vercors », dans Bilan de l’action politique du Dr Martin, député-maire de Grenoble, pp.40-50, AD Isère, fonds Paul et Suzanne Silvestre, 57J36. Ceci est un récit d’une centaine de pages dactylographiées, rédigé par le docteur Léon Martin à la demande du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale. 102 Notes originales d’Aimé Pupin…, op. cit. 96 61 retrouver des personnes qu’il connaissait déjà : « je retrouvais là tous mes bons amis de la famille Huillier, Victor, Paul, Emile. Nous étions entre connaissance et en parfaite entente103 ». Ainsi lorsqu’il prit en charge l’organisation de Franc-Tireur, c’est tout naturellement qu’il s’adressa au groupe villardien pour prospecter sur tout le plateau et créer des sections dans les communes. C’est ainsi que débuta la collaboration entre ces deux groupes de Résistants de la première heure. L’un était devenu l’avant-garde du mouvement Franc-Tireur dans l’Isère et était dirigé par « Mathieu », et l’autre autour de « Jacques Ravalec » à Villard-de-Lans était venu se greffer à l’organisation. Cette entente a rapidement débouché sur des applications concrètes. Le gouvernement avait instauré le principe de la Relève, grâce auquel on obtenait le retour d’un prisonnier pour deux ouvriers partis travailler en Allemagne. Devant l’échec de cette mesure, des ouvriers « spécialistes » ont été appelé à partir dès le mois d’octobre 1942 pour étoffer ce contingent. Pour nos deux groupes de Résistants qui n’en formaient désormais plus qu’un, le mot d’ordre était clair, il fallait encourager à ne pas partir, à aller travailler dans les fermes ou dans les bois, car seuls les ouvriers des usines étaient alors concernés par ces mesures. C’est ainsi que bon nombre d’hommes furent envoyés dans les fermes du Vercors ou d’ailleurs dans le département104. Pour les complices du docteur Samuel qui jusqu’alors brûlaient d’impatience d’entrer en action, était enfin venu le temps d’agir. Aux premières demandes de Grenoble ils répondirent par l’affirmative : « adressez-nous tous ceux qui sont traqués, nous leur trouverons un refuge105 ». Le problème est qu’à cette époque, s’ils se disaient bien qu’il devait être effectivement possible de cacher des hommes dans le Vercors, ils ne savaient pas encore comment. C’est ainsi que pour eux « le sport commence106 ». Car s’ils avaient la volonté farouche de venir en aide aux réfractaires, usant de tous leurs moyens pour les accueillir, leur parcours était semé d’embûches. A tel point que durant cette période, c’était « par une improvisation magnifique [qu’ils arrivaient] à les caser107 ». Un contact quotidien était assuré entre Villard-de-lans et Grenoble grâce à l’entreprise de cars Huillier. Un chauffeur, le mécanicien Nallet ou Paul Huillier lui-même, se rendait tous les jours chez Pupin recueillir les ordres. Par ailleurs c’est aussi par ces cars que les hommes gagnaient le plateau. Déposés sur des lieux spécifiques, la filière les conduisait toujours vers l’un ou l’autre des pionniers de la Résistance villardienne qui les emmenait ensuite jusque dans une ferme ; c’était toujours la 103 Ibidem. Ibidem. 105 Léon Martin, « Le Vercors », op. cit. 106 Eugène Samuel, « La Résistance… », op. cit., p.43. 107 Ibidem. 104 62 même. Ils pouvaient leur arriver d’y rester deux ou trois jours le temps de trouver une solution quant à leur hébergement108. L’arrivée régulière de nouveaux hommes à cacher conduisit cependant à s’interroger sur moyens d’accueil les concernant car il est évident que les places dans les fermes étaient en nombre limité. Ainsi prit forme l’idée de camps, dans lesquels on pourrait en accueillir beaucoup plus. Au mois de novembre, Aimé Pupin chargea donc le Dr Samuel de trouver un endroit pour en établir un. C’est durant le mois de décembre que ce dernier lui répondit qu’après avoir prospecté le Vercors, il avait trouvé un lieu : la ferme d’Ambel. Elle appartenait à quatre personnes. Parmi elles, MM. Victor Huillier et André Glaudas son beau-frère, que l’on sait acquises à la cause de la Résistance et qui donnèrent de ce fait leur accord. Quant aux deux autres, MM. Guillet et Gravier qui étaient de Briançon et de Grenoble, il ne fut pas jugé nécessaire de les avertir car ils ne se rendaient jamais sur place. Cette ferme était le lieu d’une exploitation forestière, ce qui était parfait pour l’utilisation qu’ils voulaient en faire puisqu’elle permettait d’héberger beaucoup d’hommes, qui pouvaient par ailleurs se disperser facilement dans les bois en cas d’alerte. Cependant, elle était située sur un territoire d’où l’organisation Franc-Tireur dirigée par « Mathieu » était absente. Il fallut alors entrer en contact avec la Résistance locale pour l’informer sur le projet et obtenir son concours. B) La constitution d’un réseau 1) L’incorporation de Résistants drômois Aimé Pupin avait l’habitude de se rendre régulièrement à Pont-en-Royans. Lors de ces déplacements, il profitait de l’occasion pour rendre visite à un de ses amis d’enfance, Pierre Brunet. Réalisant qu’ils avaient le même sentiment vis-à-vis du régime vichyssois, il lui révéla que sous le nom de « Mathieu » il était l’un des dirigeants du mouvement de Résistance Franc-Tireur dans l’Isère109. Durant la première moitié de l’année 1942 il le fit entrer dans l’organisation et il le présenta aux Résistants villardiens. Il lui confia la mission de diffuser des journaux clandestins et des tracts dans sa région. C’est au cours de l’été que Brunet découvrit qu’un groupe de Résistants existait dans sa ville. Celui-ci dépendait du mouvement Combat et avait pour chef Benjamin Malossane, maire et directeur de l’école de Saint-Jeanen-Royans. Les autres membres étaient : Bec, instituteur, Doucin, lieutenant en congé 108 Ibidem. Historique du premier camp du Vercors. Le C.1, témoignage de M. Pierre Brunet (qui fut un des chefs de ce camp) recueilli par A. Vincent-Beaume pour la Commission d’Histoire de la Résistance de la Drôme, Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Fernand Rude, boîte 220. 109 63 d’armistice, P. Dupont, J. Ferroul, charron, L. Ferroul, directeur d’école, P. Rivail110, Louis Brun et Constant Berthet (alias « Molaire » car il était dentiste). Il établit le contact avec eux et ils décidèrent de coopérer, s’échangeant leurs informations et se rendant services lorsque c’était possible111. C’est ainsi qu’au mois de décembre, quand les hommes de « Ravalec » prospectèrent le Vercors à la recherche d’un lieu propice à l’établissement d’un camp, les collaborateurs de M. Malossane participèrent à cette quête. Et c’est le 17 décembre que la ferme d’Ambel fut présentée à Simon Samuel, le frère du docteur, par Louis Brun, maire de Pont-en-Royans et membre du groupe Combat de cette commune. Une fois le site choisi pour les raisons évoquées précédemment, il fallut infiltrer l’exploitation forestière de partisans de la Résistance. Pupin et le Dr. Samuel incitèrent donc Pierre Brunet à y solliciter un emploi de sous-directeur, ce qu’il fit avec réussite112. Celui-ci se retrouva chargé de tout ce qui concernait l’intendance et l’embauche, le directeur ne s’occupant uniquement que de la coupe du bois. Seul responsable des questions de personnel, de nourriture ou de logement, il put opérer dans la plus totale discrétion, cachant ses agissements à son supérieur. Celui-ci s’appelait Bourdeau et était capitaine de réserve. Maintenu à l’écart dans les premiers temps, il fallut rapidement le mettre au courant, ce qui finalement ne posa aucun problème puisqu’il accepta de prendre part à l’opération113. Mais le nombre d’hommes à cacher allant grandissant, cela conduisait Pierre Brunet à rechercher un ravitaillement toujours plus important. Il fit donc appel à Benjamin Malossane, qui, emballé par le projet, proposa de lui apporter le concours de toutes ses relations. Ce dernier demanda donc à ses amis de se mettre à la disposition du groupe Franc-Tireur et de lui apporter toute l’aide possible dans la mesure de leurs moyens114. A partir de ce moment débute une « collaboration intime avec le groupe Combat de Saint-Jean-en-Royans »115 Cette collaboration ne se limitait pas au simple apport de quelques personnes qui offrirent leur aide quand elles le purent. C’est toute une logistique qui fut mise en place pour répondre aux besoins en ravitaillement toujours plus grands avec la création des nouveaux camps. On peut ainsi lire dans une lettre datée du 5 octobre 1948 d’Yves Farges à Pierre Dalloz, deux des premiers promoteurs du Plan Montagnard : 110 Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, p.133 Historique du premier camp du Vercors…, op. cit. 112 Ibidem. 113 Ibidem. 114 Ibidem. 115 Ibidem. 111 64 « tout cela ne doit pas faire négliger les efforts de trois hommes qui […] ont été sans conteste les premiers ravitailleurs du Vercors : Bouchier, Malaussane (sic) et Marquisio116 ». On trouve un exemple de cet apport des hommes de Pont-en-Royans quand, suite au développement du Plan Montagnard, furent créées des unités dans les communes avoisinant le Vercors, qui seraient mobilisées pour prendre les armes au jour dit. A cette occasion les Résistants drômois se mobilisèrent non seulement pour en créer le plus possible, mais aussi pour les faire participer à l’effort de ravitaillement. Prenons l’exemple de l’unité de Marsaz117. Elle fut créée sous l’impulsion d’André Vincent-Beaume qui y fut instituteur de 1919 à 1924 et qui y avait gardé des contacts avec un ancien élève. Ses membres qui avaient pris en charge la diffusion de journaux clandestins dans leur région furent rapidement mis à contribution pour collecter de la nourriture destinée aux maquis. L’aide qu’ils apportèrent en matière de ravitaillement se faisait sous deux formes. Grâce à la complicité des secrétaires de mairie des communes voisines, ils purent se procurer des cartes d’alimentation qu’ils faisaient ensuite parvenir aux maquisards. Parallèlement à cela ils collectaient un maximum de denrées comme la viande, des légumes, du vin ou du blé, qui étaient par la suite convoyées par camion jusqu’au Vercors. Ils avaient par ailleurs trouvé d’autres moyens d’obtenir occasionnellement des vivres pour la Résistance118. Forte de son succès, l’initiative des Francs-Tireurs de l’Isère s’est étendue au-delà de ses bases, nécessitant ainsi la collaboration d’autres Résistants. Simples soutiens dans les débuts, les hommes du groupe de Pont-en-Royans prirent une part de plus en plus importante dans l’organisation du « Vercors ». Ceci était dû en premier lieu au fait de leur influence dans les communes drômoises du plateau vers lesquelles leur situation géographique les orientait ; de même que Grenoble était naturellement tourné vers le canton de Villard-de-Lans. Ils permirent ainsi à la Résistance de couvrir les deux côtés du massif. Par ailleurs la contribution qu’ils apportèrent en matière de ravitaillement les rendit indispensables. 2) L’élargissement du réseau sur les communes du Vercors Après l’établissement du premier camp, le C.1, dans la ferme d’Ambel, « homologué » le 6 janvier 1943, il fallut aussitôt en créer un nouveau, puis trois autres au cours du mois de février, de même qu’au mois de mars. C’est à l’occasion de la création de ces nouveaux 116 Lettre de Yves Farges à Pierre Dalloz du 5 octobre 1948. Elle est retranscrite dans « Genèse des maquis du Vercors », dans Vérités sur le drame du Vercors, op. cit. 117 Ce choix totalement arbitraire se justifie uniquement par l’existence du témoignage de Henri Chosson alias MIK dans la Résistance sur les actions de l’unité de Marsaz, disponible aux archives du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon à la côte 627a. 118 voir annexe p.265. 65 camps que le réseau de la Résistance dans le Vercors a connu un nouvel élargissement. Parti de Villard-de-Lans il a d’abord rencontré une organisation grenobloise. De cette union est née l’idée d’utilisation du plateau comme refuge pour ceux qui ne voulaient pas aller travailler en Allemagne. Le mouvement s’est alors agrandi puisque sa concrétisation nécessita la collaboration d’un groupe de Résistants de Pont-en-Royans. Le réseau était donc structuré ainsi : un pôle de décision à Grenoble qui se chargeait d’envoyer ceux qui voulaient se cacher vers les groupes de Villard-de-Lans et de Pont-en-Royans, qui eux devaient ensuite les convoyer jusque dans les camps qui assuraient la planque. Mais pour un bon fonctionnement de ces derniers, il était indispensable d’avoir des soutiens à proximité de leurs emplacements. C’est ainsi qu’une nouvelle ramification fit son apparition dans l’organisation avec la création de sous-groupes dans certaines communes du plateau. Si le mouvement avait un point d’encrage dans la partie nord du plateau à Villard-deLans, il en était encore démuni au sud, dans la partie drômoise. Alors les principaux responsables se rendirent dans les communes du canton de La Chapelle-en-Vercors pour chercher des partisans. Unissant les informations qu’ils avaient pu requérir sur ses habitants, ils allèrent directement proposer à certains de prendre part à leurs opérations comme le témoigna Louis Mossière, laitier à La Chapelle-en-Vercors : « le lundi 4 janvier 1943, jour de marché aux bestiaux à La Chapelle-en-Vercors, M. Victor Huillier de Villard-de-Lans et M. Pupin (Mathieu) de Grenoble qui me fut présenté comme le chef de la zone nord, me demandèrent si je voulais participer à la Résistance. Je fis comme tous le monde, j’acceptai119 ». Puis après avoir trouvé quelques hommes intéressés par la perspective d’agir, il fallut les réunir pour leur expliquer en quoi constituait le projet et ce qu’il leur serait demandé. Georges Clergé, industriel à La Chapelle-en-Vercors raconte : « au début de l’année 1943, se tint chez Gustave Jenin, électricien une importante réunion à laquelle assistèrent Aimé Pupin, instigateur avec le général Delestraint du maquis du Vercors, Jacques et Simon Samuel, Rosenthal, Mossière, Victor Huillier, Berthet (Molaire), Fabien Rey (Blaireau), Albert Morin, Istre (Loulette) et moi-même. A l’issue de cette réunion mes camarades me confièrent la Responsabilité du groupe de La Chapelle-en-Vercors120 ». Concernant cette réunion, Gustave Jenin note aussi la présence d’Amédé Blanc qui était boucher121. Quant aux autres, Rey était berger, Morin scieur et Istre chauffeur. Absent de cette 119 Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Drôme. Isère, 14e édition, Lyon, 1991, p.18 Ibidem. 121 Idem, p.19. 120 66 réunion Léon Magnan, chef de secteur à E.D.F., faisait néanmoins partie des Résistants de ce village. Voici donc un exemple de création de « sous-groupe » qui prolongea le « réseau de Résistance du Vercors » jusqu’à sa cellule de base, c’est à dire les habitants du plateau qui étaient en contact direct et permanent avec les camps de maquisards. Suivant le même modèle que les groupes de Villard-de-Lans ou Pont-en-Royans, les personnes qui les constituaient étaient reliées par des liens de parenté, d’amitié ou des affinités politiques. Il y en avait même qui avaient des liens avec une ou plusieurs personnes d’un autre groupe, ce qui explique l’exportation du modèle de commune en commune. En effet sachant ce qu’il se faisait, ceuxci étaient alors chargés de recruter des volontaires pour former des « sous-groupes » à l’identique dans leurs villages. On remarque ainsi dans le « sous-groupe » de La Chapelle-enVercors la présence de Paul Istre, qui était chauffeur dans l’entreprise de cars Huillier, dont on connaît la participation importante à la Résistance dès les premiers temps. Dans la partie nord du plateau l’extension du réseau fut un peu différente. En effet lors de son incorporation au mouvement Franc-Tireur de l’Isère, le groupe d’Eugène Samuel reçut la mission de créer des sections dans les communes avoisinantes. Ainsi il en fut formé deux à Autrans et Méaudre dont Théo Racouchot fut désigné responsable122. Avant d’entrer dans les détails de leurs compositions, notons l’importance qu’ont eu ces formations. En effet résultant de la prise de contact entre les groupes Léon Martin/Aimé Pupin et Eugène Samuel, elles virent le jour avant l’hiver 1942/1943123. Par conséquent elles existaient déjà, ou tout du moins leur ossature, au moment de la création des premiers camps. Par conséquent, lorsqu’il fut nécessaire de solliciter l’intervention de populations locales, les contacts étaient déjà établis. En effet c’est dès juin 1942 que des habitants de Méaudre se mirent en relation avec la Résistance villardienne. Ils furent conviés à une réunion dans le restaurant de Théo Racouchot où étaient présents outre l’hôte : Jean Glaudas par qui la liaison avait été établie, Edouard Masson, Marius Charlier, Clément Beaudoing, Baptiste Converso et les frères Huillier. De leur côté les Méaudrais étaient au nombre de cinq. Il s’agissait de Georges Buisson et Léon Vincent-Martin, tous deux à l’origine des contacts avec Jean Glaudas, mais aussi Mathieu Repellin, Marcel Rochas (dit « Tiotio ») et l’instituteur Savioux124. A Autrans, c’est un sousofficier de réserve, Paul Repellin, qui oeuvra pour former un groupe Franc-Tireur dans sa 122 Dominique Veillon, Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement de Résistance. 1940-1044, Paris, Flammarion, 1977. 123 Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit. Dans ce récit Pupin parle de sections existantes à Lans, Méaudre et Autrans au mois de septembre 1942. 124 « La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14. 67 localité. La liaison avec Villard-de-Lans étant assurée par Jacques (Dr Samuel)125. Ainsi lorsque fut crée le C.3 à Front-Scellier près d’Autrans, ses responsables civils furent Barnier hôtelier à Autrans, le négociant en bestiaux Georges Buisson et Léon Vincent Martin boulanger à Méaudre126. Ces deux derniers eurent aussi à leur charge le C.5 en compagnie de Marius Charlier qui en était le principal responsable. Lors de la formation de ces camps, la Résistance disposait donc déjà de groupes d’hommes prêts à entrer en action. Parallèlement à l’élaboration de ces « sous-groupes », les responsables du mouvement de Résistance du Vercors partirent à la recherche de soutiens individuels spécifiques dans les localités où de tels groupes organisés n’existaient pas et où des camps s’étaient établis. Par exemple, lors de l’installation du C.4 en février 1943 à Cournouse, à l’ouest de Saint-Martinen-Vercors, l’épicier de cette commune fut contacté directement par le docteur Samuel pour devenir le responsable civil du camp127. Il devait donc s’occuper de la réception des nouveaux maquisards, mais aussi du ravitaillement et par la suite de l’armement. Etranger à l’organisation au début, cet homme y prit ensuite une responsabilité importante. On peut alors s’interroger sur les moyens dont disposaient les chefs de la Résistance en Vercors pour déceler parmi la population les personnes capables d’accepter et d’assumer de telles charges. Au cours du mois de mars de la même année fut créé le C.8 près de Vassieux. Rapidement celui-ci dû déménager. Le « groupe » de La Chapelle-en-Vercors se mit donc en quête d’un nouveau lieu pour accueillir ce dernier, et c’est ainsi qu’un cultivateur vassivain se vit demander sa ferme : « A la création du S.T.O. par le gouvernement de Vichy, MM. Mossière et Fabien Rey, dit « Marseille » tous deux de La Chapelle en Vercors vinrent me trouver et me demandèrent si je connaissais un endroit où l’on pourrait regrouper les réfractaires. Je leur proposai ma ferme du Chomas, située à 3km du village et ainsi naquit le camp qui devint plus tard le C.8 »128. Là encore le travail de prospection du plateau et de ses habitants semble avoir porté ses fruits. On retrouve donc ça et là des personnes qui ont intégré le réseau de Résistance du Vercors individuellement et qui n’ont pas fait de démarche pour l’incorporer, mais qui ont été contactées par celui-ci pour obtenir leur concours. A travers l’élargissement du réseau sur les communes du plateau, nous pouvons alors déceler deux types d’entrée en Résistance pour les autochtones. Le premier semble guidé par des considérations politiques, avec les regroupements d’hommes qui n’acceptent pas la situation et qui unissent leurs efforts pour 125 « Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, n°55, juillet 1986, pp.19-21. Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.25. 127 Idem, p.24. 128 Idem, p.30. 126 68 agir contre le régime en vigueur. Le second paraît plus empirique, où des personnes qui n’auraient pas trouvé la motivation suffisante pour entrer dans la lutte apporteraient leur soutien aux premiers car elles partagent les mêmes sentiments vis-à-vis de la situation du pays. La Résistance au village Dans cette partie nous traiterons des actes de Résistance dont la population connaissait vaguement l’existence. Car si dans leur ensemble les gens ne savaient pas exactement qui faisait quoi, ni dans quelle proportion, ils savaient tout de même que des choses se passaient dans leurs villages. Ce sont précisément ces agissements là que nous allons étudier. A) Les soutiens de la communauté villageoise 1) Le ravitaillement Lors de la formation des premiers camps, de nombreux jeunes hommes du Vercors décidèrent de s’y réfugier. Ce pouvait être par peur de se faire « ramasser » pour aller travailler en Allemagne ou pour d’autres il s’agissait de déserter les chantiers de jeunesse. Leurs familles résidant non loin dans les bourgs ou les hameaux, elles pouvaient à l’occasion leur apporter de quoi se nourrir. Ceci constitue la première forme d’aide en matière de ravitaillement apportée par la population du plateau. A l’heure des débuts de la Résistance dans cette région, seuls les responsables du mouvement et les familles des jeunes hommes cachés dans les forêts avaient connaissance du phénomène. C’est pourquoi eux seuls acheminaient des vivres vers les camps. Dans chaque village, cette charge reposait donc sur quelques familles qui agissaient alors avec la plus grande discrétion. Prenons l’exemple de cette famille de Méaudre dont plusieurs enfants étaient montés se cacher en forêt, et qui habitait une ferme proche de celle où s’était installé initialement le C.3. La benjamine de cette famille qui avait alors quatorze ans se souvient qu’en compagnie d’un de ses frères à peine plus âgé, elle leur montait du ravitaillement : « j’y allait avec mon frère qui avait deux, trois ans de plus que moi. On partait avec nos sacs tyroliens sur le dos, les patates toutes chaudes qui nous brûlaient le dos, et on montait à travers bois porter les patates ».129 129 Entretien avec l’auteur. Toutes les informations concernant cette famille en sont issues. 69 Les vivres qu’elle leur apportait étaient essentiellement constitués de pommes de terre, de lard et de saucisson. S’il n’y avait pas de fréquence précise quant à cet approvisionnement, c’est à peu près une fois par semaine qu’elle leur amenait de la nourriture. A cela il faut ajouter les contributions des quelques autres familles qui avaient des enfants réfugiés dans cette ferme, et celles des responsables de la Résistance du village. Par exemple le boulanger qui était l’un d’eux fournissait le pain. « Chacun montait un peu. […] Tous ceux qui s’en occupaient, chacun de la famille envoyait quelque chose »130. Les jeunes maquisards ne quittaient que très rarement leur planque et se contentaient de ce qu’on leur donnait, mais il arrivait qu’ils se rendent dans une ferme « sûre » pour retrouver le temps d’un repas un peu de confort et de chaleur humaine : « une fois je sais qu’ils étaient descendus chez moi, il se trouvait ce jour là une ribambelle de garçons […]. Ces jeunes étaient venus un peu pour se raser, se laver, ils en profitaient »131. Au fur et à mesure que de nouveaux camps ont été créés, l’organisation du ravitaillement empirique des débuts a été modifiée. Désormais celui-ci était assuré par un réseau structuré qui avait divisé le plateau en plusieurs secteurs comme ceux de Pont-enRoyans dont M. Brun avait la charge, celui de Saint-Jean-en-Royans géré par M. Malossane, ou celui de Villard-de-Lans, dont certains des membres du groupe initial de Résistants de ce village étaient les responsables. Intéressons-nous à ce dernier secteur sur lequel s’étaient établis le C.2 au Puits des Ravières à proximité de Villard, le C.3 transféré de Méaudre à Autrans et le C.5 à Méaudre. Dans chacun de ces trois villages il avait été créé une section de la Compagnie civile du Vercors, à laquelle nous nous intéresserons plus en détail par la suite, qui était composée d’hommes de la localité et qui assurait la bonne marche du ravitaillement. Un membre de la section de Villard se rappelle du fonctionnement de ce que l’on appelait alors « l’organisation » dans son village de Villard-de-Lans : « ils ont fait des coups de main pour prendre des tickets d’alimentation. Puis alors après il fallait acheter le ravitaillement d’un côté, puis y’avait la collecte qui était faite dans toutes les fermes. On donnait des pommes de terre, et après on a abattu des bêtes pour la viande »132. Ceci est le rôle qui était dévolu aux responsables locaux qui avaient accepté de prendre en charge la gestion du ravitaillement des camps situés sur leur secteur. Après la mise à contribution des cultivateurs avec la collecte dans les fermes, les villageois étaient de 130 Ibidem. Ibidem. 132 Entretien avec l’auteur. 131 70 nouveaux sollicités pour la diffusion de la nourriture vers les maquisards. C’est là qu’entrent en scène les membres de la section de Villard. « Y’avait nos chefs de sixaine qui nous disaient il y a du ravitaillement à monter […]. Par exemple y’avait un groupe qui était chargé de monter le ravitaillement une fois ici, la fois d’après c’était un autre groupe qui le montait pour le même camp »133. Cependant il ne faut pas croire qu’avec ce système la discrétion des premiers temps avait disparu. Ceci était dû au mode de fonctionnement des sections au sein desquelles le plus grand secret était de rigueur. Par ailleurs, la manière d’apporter aux maquisards leur ravitaillement garantissait discrétion et sécurité. « Quand il fallait ravitailler par exemple le Puits des Ravières, on n’avait jamais de contacts avec les maquisards. Vous montez le ravitaillement, on vous dit y’a des sacs à monter, vous le montez à tel endroit, vous le laissez, après c’est tout. Les autres viennent et les récupèrent après. Y’avait pas de contact »134. Dans certains camps, les maquisards nouaient tout de même des relations avec les habitants des fermes environnantes. Ce pouvait être parce que certains d’entre eux étant du village, ils y avaient de la famille et connaissaient les autres fermiers. Il est arrivé aussi qu’à la suite de coups de main lors de travaux agricoles, ou à l’occasion des remises du ravitaillement, des affinités se créèrent avec les cultivateurs et leurs familles car par endroits, c’est une ferme en particulier qui servait de lieu de dépôt pour le ravitaillement. Un lien entre village et maquis s’est ainsi créé, favorisé par la parenté de certains des hommes réfugiés dans les forêts avec les autochtones. Ceci a contribué au développement d’une « assistance » de la population villageoise solidaire de « ses » maquisards, en parallèle du ravitaillement organisé par le réseau de Résistance. A Autrans, cet homme se souvient : « Quand je suis monté c’était histoire de famille quoi. Bon j’avais mon frère là-haut alors on montait. Ils en profitait tous mais enfin ils étaient déjà aidés par les familles, et puis quand même il y en avait qui donnaient »135. Il faut dire que les responsables locaux du réseau oeuvraient pour faciliter cette mise en rapport. « Ils [les maquisards] avaient des antennes, ils avaient demandé un peu est-ce qu’on pourrait avoir ça ou ça, ils savaient à peu près où ils allaient chercher leur ravitaillement »136. 133 Ibidem. Ibidem. 135 Entretien avec l’auteur. 136 Entretien avec l’auteur. 134 71 Comme toujours la discrétion était de rigueur. Par mesure de sécurité c’est donc une fois la nuit tombée qu’ils se rendaient dans les fermes pour prendre possession des vivres : « ils descendent pendant la nuit et puis voilà. Ils ne voyageaient pas trop de jour »137. Cependant si les gens étaient sollicités pour apporter une contribution, ils n’étaient pas contraints de le faire : « les gens étaient libres de faire ce qu’ils voulaient […]. Y’a aucune raison de forcer les gens »138. Il arrivait toutefois que ces relations entre maquisards et cultivateurs soient ponctuées de discordes. Comme le raconte cette femme : « Des fois on les sermonnait parce que volontiers au lieu d’acheter des … […], ils les auraient pris sans demander. Même si on leur les vendait pas, des fois bon… […] Les cultivateurs du plateau ils étaient pas…ils leur donnaient volontiers. Ce qu’ils aimaient pas c’est quand… »139. Une partie du ravitaillement était donc achetée par les maquisards directement aux paysans des villages grâce à l’argent et aux tickets d’alimentation que leur procurait « l’organisation ». C’est ainsi qu’ils obtenaient de ces derniers une partie de leur alimentation et qu’ils s’assuraient leur concours, le fait de payer quand ils en avaient la possibilité aidant à maintenir de bonnes relations avec des personnes qui étaient dans l’ensemble acquises à leur cause. « Des fois ils venaient à la commune, ils demandaient à la commune est-ce qu’on ne pourrait pas avoir…on aurait besoin de viande, est-ce qu’on pourrait pas avoir une bête pour dire de se partager à plusieurs groupes. Tout le monde s’arrangeait, c’était pas un drame. Les gens étaient pas contre »140. Ainsi l’on distingue trois formes d’implication de la population du Vercors en ce qui concerne le l’aide au ravitaillement des camps de maquisards. Tout d’abord les familles des premiers réfractaires, qui dans la plus grande clandestinité ont acheminé des vivres à leurs parents cachés dans les forêts, quand elles habitaient à proximité des planques. Avec elles, les responsables civils de ces camps oeuvraient pour trouver de la nourriture. Par la suite, avec l’élaboration d’un réseau de soutien dans les communes, cette responsabilité fut confiée à des groupes de villageois, qu’ils soient organisés en simple groupe de Résistants de la localité, ou en section de la Compagnie civile du Vercors dont nous parlerons ultérieurement. Enfin, 137 Ibidem. Ibidem. 139 Ibidem. 140 Ibidem. 138 72 pratique qui est allée grandissante au fur et à mesure des événements, c’est la descente de maquisards jusque dans les fermes pour obtenir directement des cultivateurs de quoi s’approvisionner. 2) Les autres formes de l’engagement Pour une partie des habitants du Vercors, faire acte de Résistance ne se limitait à aider les maquisards à trouver de quoi se ravitailler. Certaines familles ont aussi accepté de venir en aide à des juifs qui cherchaient à fuir les grandes villes. Nous l’avons vu, la région offrait de bonnes conditions pour ceux qui voulaient vivre dans la discrétion, mais encore fallait-il que ses habitants acceptent de les accueillir. Ce fut le cas et c’est ainsi que le retrouva de nombreux juifs sur le plateau et notamment dans les environs de Villard-de-Lans : « quand les Allemands ont envahi la France, comme Villard était déjà une station où il y avait pas mal d’hôtels et d’appartements […], ils sont tous venus sur Villard. Je ne peux pas vous dire le nombre qu’il y avait mais c’était incroyable »141. Pour se loger, ceux-ci pouvaient soit trouver une location, comme nous l’avons vu avec la famille de George Perec, soit prendre une pension dans une ferme et vivre avec une famille d’autochtones. Dans ce dernier cas, les deux parties étaient bien souvent mises en relation par des interconnaissances qui garantissaient l’honnêteté et la respectabilité de tous. « Mes parents en ont caché une année […] ils avaient une chambre c’était le frère et la sœur. […] Nous c’est mon frère qui habitait à Fontaine qui connaissait quelqu’un qui était très ami avec ces gens, il fallait absolument qu’ils quittent Grenoble alors bon ils étaient venus un mois ou deux chez mes parents »142. Les juifs ainsi réfugiés menaient alors une vie plutôt paisible : « les juifs ils étaient tranquille ici […]. Bon ils menaient leur vie, ils étaient en location ou dans les familles, mais ils menaient une vie tranquille, discrète. […] ils faisaient leur vie normalement »143. D’après des témoignages d’habitants du Vercors aujourd’hui recueillis, il ne semble pas que ces réfugiés aient participé aux travaux des champs. Néanmoins leurs rapports avec la population locale paraissent avoir été assez bons dans l’ensemble. Cette activité « d’hébergement », il n’y a pas que des familles juives qui en ont profité. Durant cette période, de nombreux Résistants ont été caché dans des maisons. Dans le plus 141 Entretien avec l’auteur. Entretien avec l’auteur. 143 Entretien avec l’auteur. 142 73 grand secret, certaines familles abritaient des responsables de la Résistance recherchés par les autorités pour leurs activités « antinationales ». Dans le Vercors, l’exemple le plus connu est celui de la famille de Jean Glaudas, l’un des membres du groupe initial de Résistants de Villard-de-Lans. Pendant près de trois mois, de début mars à fin mai 1943, a vécu dans sa demeure Aimé Pupin alias « Mathieu », premier chef civil du « Vercors », comme le raconte son ancienne épouse : « Un jour, mon mari m’apprend que le responsable de la Résistance de Grenoble […] a vu de loin sa maison cernée par la troupe italienne. Il […] s’est réfugié chez son cousin, boulanger à Autrans. Le coin n’est pas sûr, on le cherchera dans sa famille. Notre décision est vite prise, nous donnerons asile à Pupin. […] Mathieu sera un cousin éloigné, très fatigué et venant se reposer à la maison »144. Il existe aussi à Méaudre un exemple connu aujourd’hui de ce type d’hébergement. Sur la maison Durand-Poudret145 à été apposée une plaque rappelant les services rendus par cette famille à la Résistance, notamment en hébergeant Léon Chevallet146. Alors jeune fille à l’époque, la benjamine de la famille se rappelle : « M. Chevallet il s’était caché chez nous […] il est resté à peu près deux mois et demi chez mes parents. Puis après je sais pas où il est allé parce qu’il ne restait jamais au même endroit »147. Dans un article du Pionnier du Vercors, sa grande sœur raconte l’arrivée de cet homme : « Après la disparition de plusieurs responsables en décembre 1943, Benoît (Léon Chevallet) devait quitter Grenoble. Germaine nous contacta à Méaudre […] afin de trouver une planque sûre. Il fut convenu que je demanderais conseil à mes parents pour la ferme Durand-Poudret […]. Mon père ne fut pas très chaud, mais lorsqu’ils se rencontrèrent, Benoît et lui, le courant passa. C’est ainsi que Benoît vécu de décembre 1943 à mars 1944 dans notre famille148 ». Que ce soit dans la plus grande clandestinité ou alors de manière beaucoup plus visible comme avec les juifs, certains habitants n’ont pas hésité à recevoir chez eux des personnes traquées par les autorités. Cette activité d’hébergement, au même titre que la désobéissance civile dont nous avons déjà parlé et que l’aide en matière de ravitaillement, doit être considérée comme une forme de Résistance sur le plateau. 144 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit., p.90. 145 voir annexe p.230. 146 Ibidem. 147 Entretien avec l’auteur. 148 « A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, n°76, septembre 1991. 74 Une autre manifestation de cet état d’esprit de Résistance qui a pris corps en Vercors est l’ensemble des actes de ceux qui ont apporté un soutien grâce à leur profession. En effet certains ont fait profiter la Résistance des facilités que leur offrait leur métier, notamment en matière de nourriture. Des boulangers par exemple, comme à Méaudre où celui-ci approvisionnait en pain les camps installés sur la commune dont il faisait partie des responsables locaux149. Sa mère, « la boulangère », participa aussi à cette entreprise à tel point que l’on peut lire dans un article de Le pionnier du Vercors : « si nos amis des camps 3 et 5 eurent du pain, ce fut grâce à la petite boulangère de Méaudre »150. A La Chapelle-enVercors, un témoignage rapporte qu’au printemps de 1944, le boulanger recevait chaque semaine quelques maquisards pour servir de mitrons, permettant ainsi à ces derniers de produire leur pain151. Les bouchers pouvaient aussi être sollicités. En effet il arrivait aux maquisards d’abattre des bêtes pour se nourrir. Mais encore fallait-il savoir comment les découper ensuite. Cet ainsi par exemple qu’intervint le fils du boucher d’Autrans : « cette vache […] il faut d’abord aller la chercher et la ramener discrètement à la faveur de la nuit à travers les bois. Il convient ensuite de l’abattre sur place et la dépecer avec l’aide de Dédé Arnaud, le fils du boucher d’Autrans, grâce à qui l’anatomie de l’animal et la classification des morceaux n’ont plus de secret pour nous152 ». Du fait de leurs facilités à obtenir de la nourriture, les épiciers pouvaient être sollicités pour devenir responsables du ravitaillement de certains camps. Ainsi l’épicier de Saint-Martin-enVercors, se vit confier l’approvisionnement du C.4153. Mais les épiciers apportaient une aide d’un autre type. Ils étaient les complices des maquisards quand ceux-ci utilisaient les tickets d’alimentation qu’ils s’étaient procurés. « Pour certaines choses il fallait une inscription chez l’épicier du coin. Il fallait donc, comme les maquisards étaient nombreux, on se partageait entre plusieurs épiceries, pour ne pas faire un afflux anormal de clientèle. Alors tout ça, évidemment ça marchait, mais fallait pour ça une complicité de la population »154. Ces tickets d’alimentation, ils les obtenaient par des coups de main opérés à l’échelle départementale ou bien grâce à la complicité des secrétaires de mairies des communes du Vercors qui leur en procuraient. Méaudre par exemple, vit en quelques semaines sur les 149 Ibidem. « La boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, n°81, décembre 1992. 151 « Mon premier journal de marche », Témoignage de Pierre Lefort interviewé le 26 juin 1995, consultable aux archives du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon à la côte 614. 152 « La vie du C.3 à Carteaux. Eté 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°91, octobre 1995, pp.25-27. 153 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.24. Cet épicier s’appelait Alfred Roche. 154 Témoignage du général Costa de Beauregard dans le film de Laurent Lutaud Vercors : le plateau déchiré, FR3 Montagne/Chromatiques, collection « Paroles de Résistants », 1992, 87min. 150 75 registres sa population augmenter de soixante-dix personnes, en ajoutant des identités fantômes ou en ne rayant pas des listes les personnes décédées : « les gens qui étaient morts, elles refaisaient des cartes d’alimentation. Parce que bon les Allemands ne venaient quand même pas consulter les agendas des décès de la commune depuis des années »155. Ceci permit à la municipalité d’acquérir davantage de tickets, et donc de pouvoir en redistribuer une partie à la Résistance156. Par ailleurs ces secrétaires de mairies aidaient aussi les Résistants à se procurer des faux papiers157. Enfin les hôteliers mettaient aussi au profit de la Résistance les facilités qu’ils avaient à obtenir de la nourriture en plus d’une aide en matière d’hébergement qu’ils étaient les plus à même d’apporter. Ainsi Eugène Chavant séjourna quelques temps à l’Hôtel de la Poste à Méaudre durant l’hiver 1943-1944158, pour préparer la réunion « Monaco » qui se tint dans cet hôtel le 25 janvier 1944 au cours de laquelle le Comité de la France Combattante de l’Isère devint le Comité Départemental de la Libération. Un autre secteur dans lequel les habitants du Vercors mirent à la disposition de la Résistance les avantages que leur procurait leur profession fut celui des transports. Dès les débuts les entreprises de cars firent partie intégrante de la filière que devait suivre les jeunes réfractaires au S.T.O., qu’elles convoyèrent vers les responsables chargés de conduire ces derniers jusqu’aux camps. Ainsi par exemple l’entreprise de cars Huillier de Villard-de-Lans, qui prit part aux débuts du mouvement, permit d’assurer dans les premiers temps la liaison entre Grenoble et le plateau grâce à des visites quotidiennes de ses chauffeurs chez Aimé Pupin, où ils venaient chercher les consignes159. Ensuite, ses cars permirent d’emmener ceux qui désiraient prendre le maquis vers le Vercors, où ils étaient pris en charge par des Résistants qui devaient alors les mener jusqu’à un camp. Notons la complicité de cette entreprise de car à travers le témoignage de cet ancien maquisard : « lorsque je débarque du car Huillier sur la place d’Autrans, […] les plus perspicaces des Autranais, qui observent derrière leur fenêtre l’arrivée quotidienne du car, ne s’y trompent sans doute pas : voilà encore un maquisard ! […] je balaie du regard les alentours à la recherche du « contact » qui normalement devait me prendre en charge. Personne ! […] Comme personne ne se manifeste, ma sœur Odette […] s’avance vers le chauffeur pour lui 155 Entretien avec l’auteur. Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis…, op. cit.. 157 Entretien avec l’auteur. 158 « A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 159 Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit. 156 76 faire part de notre perplexité. En effet, celui-ci appartient à la filière, puisque c’est à lui qu’on nous a adressé au départ de Grenoble. L’initiative est bonne. Il descend et nous conduit à quelques pas de là160 ». Parallèlement à cette activité, la maison Huillier aidait aussi pour le transport du ravitaillement comme en témoigne cet ancien chauffeur de l’entreprise : « employé comme chauffeur chez M. Victor Huillier de Villard-de-Lans, je transportai le ravitaillement destiné au camp d’Ambel161 ». Autre Résistant de la première heure, Baptiste Converso de Lans mettait aussi ses véhicules à disposition. Ils étaient utilisés entre autre pour effectuer des coups de mains, certains avec succès : « un coup fut décidé contre les chantiers de Jeunesse de St LAURENT DU PONT. Un camion à CONVERSO, l’équipe de choc de VILLARD […], et le coup est fait, bien organisé par nos soins. Il réussit à la perfection et nos gars sont chaussés162 ». D’autres avec moins de réussite comme le triste célèbre échec de Pont-de-Claix dans la nuit du 25 au 26 mai 1943. Les transports Perriat, de La Chapelle-en-Vercors, s’impliquèrent eux aussi dans la Résistance. Un cultivateur de Vassieux-en-Vercors se rappelle : « Les réfractaires arrivèrent guidés soit par Mossière ou Marseille, soit directement par les cars Perriat163 ». A cette époque l’essence était un bien rare et précieux, c’est pourquoi ceux qui possédaient un véhicule en état de marche étaient peu nombreux. Il s’agissait en majorité de ceux qui les utilisaient pour les besoins de leur profession. Ainsi le chef de secteur à l’Energie Industrielle qui résidait à La Chapelle-en-Vercors et qui avait une camionnette, s’en servait aussi pour emmener des réfractaires vers le camp d’Ambel notamment164. Dumas, de Villard-de-Lans, apportait lui aussi un soutien à la Résistance dans le domaine des transports : « Dumas qui était un employé de Fure et Morge, parce qu’à ce moment là E.D.F. n’existait pas, Fure et Morge c’était la compagnie d’électricité. Alors lui avait des facilités comme il fallait se déplacer pour l’électricité165 ». Comme il était difficile de se procurer de l’essence, il fut inventé un nouveau type de véhicule à moteur, les véhicules à gazogène, dits les « gazos ». Ceux-ci fonctionnaient avec du charbon de bois, par la distillation « vers les cylindres du moteur [d’]un mélange gazeux inflammable, 160 « Premier contact. Autrans. 2 juillet 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°90, avril 1995, pp.14-15. Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.19. 162 Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit. 163 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.30. 164 Idem, p.19. 165 Entretien avec l’auteur. 161 77 obtenu par la combustion incomplète du charbon166 ». Rémy Beyle de Jesse, inspecteur des Eaux et Forêts en possédait un, et faisant partie du premier Comité Militaire Clandestin du Vercors, il le mit à la disposition de l’organisation. Enfin du fait des difficultés à obtenir de l’essence, la pénurie entraînant avec elle une hausse des prix, il fallut pour s’en procurer compter sur la complicité des pompistes. C’est ainsi que des coups de mains « fictifs » furent opérés contre certains d’entre eux. En effet ces derniers étant de mèche avec les Résistants, ils leur donnaient une quantité de carburant auparavant convenue moyennant compensation financière, puis ils s’en allaient porter plainte à la gendarmerie. Bien sûr cela était mis en scène de façon à laisser croire à un vol. Néanmoins tous les pompistes n’étaient pas aussi coopératifs, et il arrivait que de réelles opérations soient menées. La sécurité est un autre domaine dans lequel les habitants du Vercors ont pu faire profiter la Résistance des avantages de leur profession. En ce qui concerne les alertes par exemple, un système fut élaboré à partir d’une usine électrique : « M. Dumas, comme y’ avait une usine électrique en dessous d’Engins, […]quand il y avait des Allemands ou des Italiens qui prenaient la route du Vercors, ils faisaient des signaux avec l’électricité ils éteignaient, ils éclairaient. Ça se répercutait donc sur Engins ; à Engins les voitures montaient et ils avertissaient vite tout partout167 ». En terme de santé, certains docteurs du plateau étaient mis à contribution comme à Autrans où les hommes du C.3 étaient « soignés à l’infirmerie de fortune installée pour l’occasion chez le docteur Chauve, dans une pièce discrète168 ». La sécurité des maquisards étaient aussi assurée par les gendarmes du plateau qui faisaient preuve d’une certaine complaisance quand ils n’étaient pas engagés à par entière dans le mouvement, mais nous traiterons de leur comportement ultérieurement. Les Résistants essayaient de profiter au mieux de toutes les possibilités que leur offraient leurs différentes professions. C’est ainsi que le directeur de l’agence de Villard-de-Lans de la Banque d’Escompte et de Crédit de la région Dauphinoise, qui était l’un des membres du groupe initial de résistants de la commune, fut chargé de conserver l’argent du mouvement en ouvrant un compte au nom de François Tirard (Franc-Tireur)169. 166 Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors. Petite histoire des hommes dans la forêt, Lans-enVercors, Parc naturel régional du Vercors, collection « Etudes et chroniques », 2000, p. 120. 167 Entretien avec l’auteur. 168 « Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, n°93, juillet 1996, pp.13-15. 169 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.32. 78 D’autres hommes se sont rangés aux côtés des Résistants, il s’agit des curés. Nous avons déjà évoqué l’entreprise de l’abbé Johannès Vincent à Lans mais d’autres de ses homologues se sont illustrés. Ainsi le curé de Saint-Agnan-en-Vercors était complice des agissements de ses fidèles170. De même que celui de Saint-Martin-en-Vercors qui de plus aida des Résistants de Romans à cacher des jeunes dans sa commune. Ceux-ci étaient envoyés par Paul Jansen via la Maison des Jeunes de Romans dont il était le directeur, vers un camp d’abord créé sur SaintMartin-en-Vercors début juin 1943 puis rapidement déménagé sur Saint-Agnan-en-Vercors. Quant au curé, son rôle était d’accueillir les jeunes qui arrivaient par un car dont le chauffeur était dans le coup, jusqu’en décembre 1943, date à laquelle ce camp reçut l’ordre de quitter le massif du Vercors171. Enfin, il y a une corporation qui s’est engagée dans la Résistance en n’acceptant pas les mesures discriminatoires de Vichy à l’encontre des juifs, il s’agit des enseignants. Nous l’avons vu de nombreux juifs s’étaient installés dans le Vercors avec leurs enfants. Ces derniers ont pu poursuivre leur scolarité grâce à la complicité des instituteurs et professeurs qui gardèrent secrètes leurs véritables identités. Le directeur d’un collège de Villard-de-Lans se rappelle : « trois professeur du collège et plusieurs élèves sont juifs, en général avec des noms d’emprunt, des états-civils falsifiés, et même des certificats de baptême !172 » B) Dans l’ombre du village 1) La Compagnie civile du Vercors Dans le plan d’utilisation militaire du Vercors, le plan « Montagnards », ainsi baptisé par le général Délestraint (alias Vidal dans la Résistance), il était question de créer dans les communes avoisinant le Vercors des groupes de civils capables de prendre les armes et de gagner le plateau au jour dit. C’est dans ce but que fut créée la Compagnie civile du Vercors. C’est ainsi que de nombreuses sections de cette compagnie virent le jour dans des communes situées à proximité du Vercors. Lors d’une conférence, Eugène Chavant raconta comment celles-ci naquirent : « en dehors des camps, nous avons fait une énorme prospection dans toute la région qui entoure le « Vercors ». Nous étions dans les granges, dans les loges à cochons, dans les 170 Idem, p.28. « Maquisards à Saint-Agnan », dans Henri Chosson, Marcel Desgranges et Pierre Lefort, Drôme-nord. Terre d’asile et de révolte. 1940-1944, Valence, Editions Peuple Libre, 1993, pp.131-132. 172 Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 ». Ceci est un témoignage daté du 3 novembre 1976 consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36. 171 79 écuries, faire des réunions publiques. Nous étions allés pour prospecter, pour constituer nos compagnies civiles173 ». Ce projet fut également entrepris sur le plateau, ce qui aboutit à la formation de trois sections à Villard-de-Lans, à Autrans et à Méaudre. On note qu’il s’agit là des trois communes dans lesquelles furent constitués des groupes de Résistants « officiellement » rattachés à l’organisation Franc-Tireur. D’après le témoignage d’un ancien membre de la section de Villard-de-Lans, voici comment celle-ci s’était constituée : « les compagnies civiles elles s’adressaient à tous les gens du pays. Là c’était du bouche à oreille […]. Alors tous ces groupes civils c’était très secret parce que pour rentrer dedans c’était toujours par copain ou un truc comme ça174 ». L’instruction militaire des hommes du pays était en effet une des principales missions de ces sections : « A partir des premiers parachutages de novembre 1943, 13 novembre 1943 à Arbounouze, on a reçu une instruction militaire de façon à se familiariser avec les armes anglaises et américaines qu’on ne connaissait pas du tout. Parce qu’au début on avait commencé à s’entraîner avec des armes françaises qui avaient été récupérées sur l’armée française d’armistice175 ». Bien que de nombreuses personnes étaient concernées par ces dernières, le plus grand secret était gardé quant à leur composition. Ceci à tel point que même leurs membres ne connaissaient les identités que de très peu de leurs homologues. Voici une anecdote quelque peu cocasse qui résume bien cet état de fait : « je me suis trouvé avec un copain on montait à l’instruction […]. Je montais en vélo, puis le copain me dit – tu vas où ? Je lui dis – je vais chez mon cousin – au L?, puis après j’arrive au L? il était toujours avec moi, alors j’attends un moment, il me dit – tu vas pas plus loin ?, je lui dis – oh je sais pas. Il me dit – je sais pas si tu vas pas au même endroit que moi, je lui dis – pourquoi, alors il y avait un mot de passe où je sais pas quoi et je lui dis – oui176 ». Au sein même des familles une certaine réserve était de mise : 173 Conférence Chavant du 6 février 1945. Une transcription du discours d’Eugène Chavant est consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36. 174 Entretien avec l’auteur. 175 Ibidem. 176 Ibidem. 80 « j’ai entendu parler mes frères qui disaient on va à l’instruction mais bon, on ne savait pas ni où, ni… nous on ne savait pas à la maison où ils allaient. […] ça durait une demi journée et puis ils revenaient177 ». Cette instruction était faite par les responsables locaux de la Résistance à Méaudre et Villardde-Lans, tandis que les Autranais firent appel à un ancien militaire178. Outre la formation militaire, les sections du plateau de la Compagnie civile du Vercors remplissaient d’autres tâches. Nous avons déjà vu dans la partie consacrée au ravitaillement comment l’une d’entre elles consistait à apporter leur ravitaillement aux camps qui étaient sur leurs secteurs. Une autre était d’assurer la sécurité de ces derniers : « c’était tous des jeunes du pays qui étaient chargés d’assurer le ravitaillement pour ces camps et tout, et puis la surveillance un peu179 ». En effet un système de garde avait été élaboré pour prévenir les maquisards en cas d’alerte : « on prenait la garde souvent au cas où il y ait des alertes pendant la nuit de façon à avertir les jeunes des camps pour qu’ils ne soient pas surpris180 ». Voici comment cela se déroulait à Villard-de-Lans : « à Villard y’avait une garde qui s’effectuait, […]. Y’avait un château d’eau en haut, alors on prenait la garde à tour de rôle les jeunes de Villard, pour voir dans la nuit s’il y avait des phares qui arrivaient, si des colonnes allemandes arrivaient sur Lans, parce qu’on voit assez loin181 ». En cas d’alerte, un autre témoignage raconte qu’on tirait des coups de feu dans la rue pour avertir la population et lui permettre de gagner les bois ou la campagne avant l’arrivée des troupes ennemies182. De la même manière les différents groupes de la section de Méaudre se sont relayés à la fin de l’année 1943 pour assurer la garde de nuit dans les Gorges de la Bourne183. Une autre manifestation de cette fonction de surveillance apparaît lors de la réunion « Monaco » à Méaudre en janvier 1944 : « Le groupe-franc de Villard-de-Lans […] renforcé par des éléments du C5 et des groupes civils de Méaudre, a assuré le 25 janvier 1944, la sécurité de la très importante réunion des chefs de la Résistance de l’Isère, dite REUNION MONACO184 ». 177 Entretien avec l’auteur. « Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 179 Entretien avec l’auteur. 180 Ibidem. 181 Ibidem. 182 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94. 183 « La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14. 184 Ibidem. 178 81 2) Le groupe-franc Comme nous venons de le constater, il y avait ce que l’on appelait un groupe-franc à Villard-de-Lans. C’était l’unique groupe-franc qui existait sur le plateau. Beaucoup de secret entoure ce dernier néanmoins nous pouvons trouver une partie de sa composition dans un article de Le Pionnier du Vercors185. Voici quel était son rôle : « y’avait deux groupes-francs qui étaient chargés de faire la police au fur et à mesure que le maquis s’est gonflé, à partir de 42 déjà. Donc ces groupes-francs y’en avait un qui était basé sur Villard-de-Lans, […] et l’autre qui était sur Romans […]. Alors ces groupes-francs c’étaient des groupes où ils étaient cinq/six, ils étaient équipés d’une traction avant, […] et ils étaient chargés de faire la police, de surveiller tout au cas où il y ait des personnes qui viennent s’intégrer et qui montent dans le Vercors. C’est pour ça qu’on a jamais laissé monter le ver dans le fruit186 ». Sa principale mission était donc d’assurer la sécurité du maquis par une surveillance minutieuse du plateau et des ses habitants : « y’avait toute une surveillance, tout un réseau de renseignement qui agissait, et si la personne n’était pas dangereuse y’avait aucun problème187 ». On peut se demander alors quels étaient les moyens à sa disposition pour effectuer cette surveillance d’une part, et d’autre part jusqu’à quel point on considérait une personne comme non dangereuse, car une fois ce seuil atteint, ses membres entraient en action : « si elle était dangereuse, à ce moment là ils prenaient les dispositions et c’était fini188 ». Difficile de savoir avec précision quelles étaient ces « dispositions » mais il semble très probable que la mort fût l’une d’entre elles, en voici un exemple : « une femme que l’on jugeait dangereuse est emmenée à la patinoire, puis entraînée sous un prétexte galant au coin d’un bois où l’on retrouvera peut-être ses os un jour189 ». C’est ainsi que de temps en temps : 185 Ibidem. Voici ce que l’on peut lire dans cet article : « Le groupe-franc de Villard-de-Lans, crée par Jo BEAUDOING à été formé à Méaudre par Georges RAGACHE, puis dirigé par Georges RAVINET. Il est composé de Jo BEAUDOING, Georges RAGACHE, Georges PETITPAS (dit Gaston), Paul FUSTINOLI (dit Charipe), Geneviève GAYET (dite Germaine) et Charlotte MAYAUD ». D’après E A-N il fut d’abord commandé par Pierre Vesse. 186 Entretien avec l’auteur. 187 Ibidem. 188 Ibidem. 189 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94. 82 « il arrive que voitures et passagers disparaissent sans laisser de trace. Les gorges de la Bourne et du Furon sont favorables à cela. Des hommes, des femmes suspects disparaissent de la même façon190 ». Si cette surveillance s’exerçait sur tout le monde avec le plus de discrétion possible, elle était accrue sur certaines personnes : « ceux qu’on savait qui étaient pas pour la Résistance, ils étaient sous une surveillance beaucoup plus importante, les déplacements et tout191 ». Une autre fonction du groupe-franc était de mener à bien les principaux coups de main. Il pouvait s’agir de récupérer des armes, de l’argent, des tickets d’alimentation ou toutes sortes de choses nécessaires au mouvement de Résistance du Vercors. Ainsi l’on peut lire sur ce compte-rendu de gendarmerie de la brigade de Villard-de-Lans : « le 24 décembre 1943 à 1 heure 10 individus armés de mitraillettes et de revolvers ont fait irruption dans la ferme de [M. X.], sujet italien résidant au hameau de la ville Vieille à VILLARD-de-LANS. Après avoir réduit à l’impuissance [M. X.], sa femme et son fils, ils ont tué et emporté 6 porcs dont 1 de 300kgrs. Ils ont fouillé la maison entièrement. Les intéressés sont âgés de 30 à 35 ans et le chef serait italien. Ils ont interdit à [M. X.] de porter plainte à la Gendarmerie sous peine de mort. Il s’agit très probablement d’une bande provenant de l’armée dissoute tenant le maquis du Vercors192 ». Un autre exemple de ce type d’agissement est notable à la date du 9 janvier 1944 : « à 21 heures, une attaque à main armée a eu lieu, chez [Mme Y.], ressortissante américaine, par 5 individus armés de mitraillettes. Pendant que les un [sic] interdisaient aux personnes habitant l’immeuble de sortir, les autres fouillaient l’appartement de l’américaine. Ils ont dérobé tous ses bijoux d’une valeur approximative de « un million ». Ils ont obligé cette femme à monter dans leur voiture et l’ont emmené à environ 1 km de VILLARD-de-LANS, au lieu dit « FOND NOIR ». A cet endroit, ils l’ont déchargée et lui ont rendu sa liberté. Des 5 individus aucun signalement n’a pu être obtenu sur eux. Ils montaient une voiture Citroën, traction avant193 ». En cette période de pénurie, l’essence était l’un des leurs objectifs premiers : 190 Ibidem. Entretien avec l’auteur. 192 AD 38, 52M374. 193 Ibidem. 191 83 « l’essence fut toujours un des objectifs principaux de nos groupes-francs et il arriva même que des réserves appartenant à des membres de notre organisation soient cambriolées par nous-mêmes194 ». On retrouve la trace de ce type d’opération sur les comptes-rendus quotidiens de gendarmerie qui énumèrent les événements survenus au cours d’une journée. Ainsi pour la brigade de Villard-de-Lans on constate en date du 17 janvier 1944 : « vers 21 heures 45’, à VILLARD-de-Lans, 20 à 25 individus armés de mitraillettes se sont présentés chez [M. Z.], garagiste à VILLARD-de-LANS et l’ont obligé à lui remettre toute l’essence qu’il possédait soit 225 litres. Ces individus ont détérioré le téléphone en détachant l’appareil combiné afin d’empêcher de prévenir la Gendarmerie. Ils ont chargé l’essence sur un camion qui stationnait devant le garage et ont pris la fuite après avoir payé le garagiste de la valeur de l’essence. Direction prise inconnue. Aucun signalement n’a pu être donné195 ». Toutefois on ne peut pas savoir pour cette fois-ci si le garagiste était complice. Par ailleurs nous ne pouvons avoir la certitude que ces délits, dont la trace a été retrouvée dans des comptes-rendus de gendarmerie, ont bien été commis par les hommes du groupe-franc. Cependant vu la manière dont ils sont décrits, leur signature semble s’imposer. En effet les objectifs qu’ils poursuivirent paraissent répondre aux besoins du mouvement de Résistance du Vercors ainsi qu’aux types de mission qu’il était coutume de leur confier. Sans compter que le mode opératoire ressemble presque à l’identique au leur. Cela même pour les opérations où ils seraient intervenus en grand nombre car il pouvait arriver qu’ils fassent appel à des maquisards pour leur prêter main forte : « des fois ils avaient besoin de jeunes des camps, ils prenaient un ou deux volontaires qui étaient dans les camps de ceux qui ne pouvaient pas sortir. Par exemple pour le premier parachutage le 13 novembre à Arbounouze, ils avaient ramené pratiquement tous les jeunes qui étaient dans les camps pour faire la surveillance autour, de façon à interdire l’accès à toute personne196 ». Avec l’arrivée des parachutages, l’activité du groupe-franc fut quelque peu modifiée : « la manne tombant désormais du ciel nos groupes-francs commencèrent à sentir le poids de l’inaction, aussi tombèrent à pic les nouvelles consignes enjoignant le sabotage et le harcèlement de l’ennemi197 ». 194 Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.46. AD 38, 52M374. 196 Entretien avec l’auteur. 197 Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.46. 195 84 Si les activités du groupe-franc étaient motivées par des raisons louables de sécurité des Résistants et de bon fonctionnement de leur organisation, il n’en reste pas moins qu’elles posent quelques questions. En effet peut-on justifier ses agissements illégaux par le fait d’appartenir à un mouvement de Résistance ? Avait-il le droit au nom de cette dernière de faire régner sa propre « justice » ? Car celle-ci ne reposant pas sur des lois mais sur des personnes, on peut se demander si elle fût toujours juste et équitable, s’il n’y eût pas d’abus voir même d’erreurs. Certains l’ont jugée nécessaire pour effectuer une épuration qu'ils considèrent comme bénéfique au Vercors puisqu’elle a conduit à ce qu’il n’y ait pas d’exaction à l’heure de la Libération. Mais d’autres se rappellent que : « tout [ne fut] pas toujours beau198 », que « des femmes que l’on a vu parler ou fréquenter les Allemands [furent] tondues et promenées dans la rue199 » et que « sous le couvert de la résistance, certains [réglèrent] leurs petites affaires200 ». 3) En marge du village : la forêt Le Vercors est un espace recouvert par de nombreuses forêts dans lesquelles beaucoup de personnes gravitaient. Nombreux étaient les paysans qui associaient à leur activité d’éleveur celle de bûcheron occasionnel. En effet il n’était pas rare que ceux-ci montent en forêt pour couper du bois. Il s’agissait là d’une pluriactivité de subsistance qui permettait aux ménages d’obtenir des revenus supplémentaires. « Quand ça venait, l’automne, tout le monde allait au bois… On allait couper des bois, tous 201 ». On partait alors dans la forêt avec des bêtes car c’est elles qui devaient ensuite ramener le bois coupé. Un ancien cultivateur se souvient : « on les chargeait sur des chars, on avait des roues exprès pour charger sur des chars. On menait ça avec des chevaux ou avec des vaches202 ». Par ailleurs l’exploitation de la forêt était aussi pourvoyeuse d’activité pour les jeunes hommes des villages. Toujours d’après ce cultivateur : « Y’avait des commerçants en bois à Villard : ils prenaient des jeunes pour couper leur bois, oui, ou le sortir ça dépend […] »203. 198 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans ». Cette citation n’est pas issue de l’ouvrage Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, qui est une version condensée de son témoignage. Nous en avons trouvé une autre version non expurgée dans le fond versé par Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon. 199 Ibidem. 200 Ibidem. 201 Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle… Un hiver. Les traditions rurales de quelques familles du pays des Quatre Montagnes à travers le témoignage oral, Grenoble, Parc Naturel Régional du Vercors, 1982, p.83. 202 Ibidem. 203 Ibidem. 85 Ainsi on constate que la forêt ne constitue pas un élément étranger dans la vie des habitants du Vercors. Outre les maquisards qui s’y cachaient, on retrouvait donc dans les bois des habitants du plateau qui y travaillaient : « on était pratiquement toujours en forêt pour débarder la forêt, c’était le métier annexe à l’agriculture. Donc on avait des contacts avec tous les groupes qui étaient en forêt204 ». Cependant ils se voyaient rarement car les maquisards évitaient les contacts et se déplaçaient souvent en fin de journée. Il arrivait néanmoins qu’ils se rencontrent parfois : « quand on revenait de la forêt, les bêtes elles avaient un tombereau qui était derrière où on mettait les outils et tout, donc on tombait des fois sur un groupe de quatre ou cinq jeunes qui se déplaçaient d’un camp à un autre. Alors comme ils étaient chargés, ils mettaient les sacs dans le tombereau205 ». A cette époque on retrouvait d’autres groupes de personnes dans les forêts, il s’agit des Chantiers de jeunesse. Dans le Vercors, et plus précisément à Villard-de-Lans, c’était le groupement 11 qui s’était installé. Comme il comptait de nombreux jeunes, il était divisé en plusieurs camps éparpillés dans les communes avoisinantes : « c’étaient des camps qui avaient 200 personnes dedans. Il y en avait un à la Fauche, un au Bois Barbu, un à Valchevrière, un à Autrans, Méaudre, et puis Villard y’avait le centre qui était un peu comme le centre de régiment. Y’avait l’intendance, le pain, le ravitaillement qui arrivait et tout… 206». Du fait que ces camps étaient disséminés dans la campagne, des contacts se sont créés petit à petit. Par ailleurs, pour ne pas laisser les jeunes dans l’inactivité, on leur donnait des travaux à effectuer. C’est ainsi par exemple que certains furent envoyés en forêt pour faire du bûcheronnage ou du charbonnage, notamment en ce qui concerne les hommes du C.3 de Gèves pour pouvoir passer l’hiver au chaud : « avec la complicité du garde forestier, nous sélectionnons les arbres à abattre, respectant comme il se doit l’équilibre de la forêt domaniale… Armée de cognées et de scies passepartout, une équipe descend désormais chaque jour s’initier utilement au dur labeur des bûcherons207 ». De ces travaux en commun sont nés échanges et complicité entre ces personnes qui avaient investi les bois : 204 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 206 Ibidem. 207 Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors…, op. cit., p.124. 205 86 « après ces jeunes là ils leur ont fait faire du charbon de bois. Donc comme ils étaient en forêt y’en a qui ont eu des contacts et tout, c’est pour ça qu’après y’a eu beaucoup de désertions, des jeunes qui sont partis, notamment des Savoyards qui sont rentrés chez eux et qui ont formé des maquis aussi208 ». Il faut dire que grâce à ces contacts notamment, les Résistants encourageaient les jeunes des Chantiers à déserter et à rejoindre leurs rangs. Signe de cette propagande résistante, les tracts « antinationaux » reçus par le groupement 11 le 4 novembre 1942 dont nous pouvons retrouver l’existence grâce à un procès-verbal de gendarmerie établi le lendemain par la brigade de Villard-de-Lans209. Envoyés de Grenoble par le « Comité Populaire de Résistance aux Déportation », ils étaient intitulés « Alerte. Jeunes des chantiers, on vous livre à l’Allemagne210 ». Outre les charbonniers au printemps et en été, certains bûcherons vivaient aussi dans la forêt pour être directement sur leur lieu de travail. Ils résidaient dans ce que l’on appelle des baraques forestières. La construction de ces dernières n’était pas systématique et dépendait surtout de l’accessibilité des bois. En effet lorsqu’il n’y avait pas de voie de communication pour s’y rendre, alors pour économiser du temps et de l’énergie il était plus simple de s’installer dans une baraque construite à cet effet. Il n’y a pas de règle générale pour expliquer cela mais plutôt divers cas de figure qui incitaient à opter ou non pour la vie en forêt. L’existence même de ces baraques due à la situation des coupes de bois retranchées dans des forêts leur confère un caractère de lieu isolé. Refuges des bûcherons dans les bois, leur fonctionnement possède déjà certains aspects que connurent aussi les camps de maquisards. Isolement, existence en marge du village, nécessité de ravitaillement ; pour la population locale la vie dans la forêt est quelque chose de connu et ce dès avant la guerre. On peut donc penser qu’au moment de cacher des hommes en nombre, l’idée d’utiliser les habitations des bûcherons apparut naturellement à l’esprit des protagonistes de la Résistance. Ainsi remarquet-on dans les premiers lieux retenus pour abriter des hommes l’exploitation forestière d’Ambel, ou deux baraques forestières à Méaudre, celle de Gros-Martel et la cabane des Feuilles. De plus les agents des Eaux et Forêts furent complices des Résistants en les aidant à s’installer dans ces baraques, comme au mois de mars 1943 quand il fallut déplacer les hommes d’Ambel suite à une dénonciation : 208 Ibidem. P.V. n°426 du 5/11/42 ; AD 38, 13R933. 210 Voir annexe p.242. 209 87 « nous avons tout toléré, même l’armistice ! Mais cette fois-ci le vase est plein ! Venez toutes les baraques forestières sont à votre disposition211 ». Ce soutient qu’ils apportèrent n’était pas sans risques et certains le payèrent cher. L’exemple le plus connu est celui de leur lieutenant, Rémy Beyle de Jesse, qui bien que recherché par les Italiens s’était rendu à la caserne Hoche à Grenoble pour tenter de faire libérer deux de ses confrères. C’est lui qui fut gardé à leur place. Nous retrouvons une trace de cette arrestation dans une note datée du 22 juillet 1943, du chef du détachement français de liaison au préfet de l’Isère212. En ce qui concerne les autochtones, leur soutient aux maquisards pourrait paraître d’autant plus compréhensible qu’il constituait comme une continuité dans le mode de vie. L’aide et la compassion pour les bûcherons vivant dans les forêts étaient remplacées par l’aide et la compassion envers ceux qui voulaient échapper aux injustices du régime en se cachant dans les mêmes forêts, parfois dans les mêmes habitations que les bûcherons. Nous avons dit précédemment que des personnes vivaient dans les forêts en marge des villages. Il s’agissait des bûcherons et des charbonniers. Eux aussi ont joué un rôle, dans l’ombre du réseau de Résistance. En effet vivant dans le même élément que les maquisards, ils étaient de ce fait leurs plus proches recours en cas de problème. Voici d’après le témoignage d’une fille de charbonniers quels types de services ils pouvaient leur rendre : « des jeunes maquisards étaient venus chercher de l’eau dans notre jerrican de 200 litres, on l’avait entendu couler. On leur mettait des patates, ce qu’on pouvait213 ». Même si elle rapporte des faits postérieurs à notre enquête, cette anecdote démontre l’entraide qui existait entre travailleurs des forêts et maquisards : « j’ai même caché 36 jeunes de Villard, c’était un mercredi, le 23 juillet 1944. en tête, il y avait le curé de Corrençon. J’allais à l’eau avec mon laissez-passer quand je les ai croisés. Ils voulaient que je les accompagne jusqu’à Cournouze, pour pouvoir s’échapper. […] Mais pour les mettre en lieu sûr, il a fallu que je marche pendant deux heures et je les ai emmenés jusqu’à la petite Cournouze sur le sentier…214 ». 211 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.28. voir annexe p.240. 213 Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors…, op. cit., p.125. 214 Ibidem, op. cit., p.126. 212 88 VIVRE EN VERCORS PENDANT LA GUERRE Le « climat » au village A) Qui savait ? 1) « Les deux premières années c’était presque secret215 » Le débarquement de Normandie et la mobilisation générale qui lui fit suite sur le plateau au mois de juin 1944 conduisirent les Résistants à boucler le Vercors. Dès lors ce territoire était devenu une terre de Résistance qui vivait cet état sans se cacher, en le revendiquant même au nez et à la barbe des Allemands. Mais avant d’en arriver là, ils fut long le temps où le maître mot était « discrétion ». En effet depuis les débuts et durant toute l’attente du « jour dit » qui devait marquer le début des grandes manœuvres, le réseau de Résistance du Vercors tenta de conserver ses agissements les plus secrets possible. Remontons aux prémices de celui-ci, lors des premières réunions dans l’arrière-salle de la pharmacie d’Eugène Samuel où ce dernier retrouvait ses compères « la nuit, dans le plus grand secret216 » et en nombre restreint car « il ne [s’agissait] pas de s’adjoindre des éléments douteux217 ». Par la suite, malgré l’essor du mouvement, le phénomène resta toujours très discret. Des informations transpiraient, mais uniquement dans les familles concernées par l’éventuel départ de leurs jeunes pour aller travailler en Allemagne. Ce sont ces familles qui ont vu leurs jeunes hommes partir se cacher dans les camps en premier. Encore que, même au sein de ces dernières, tout ne se disait pas : « je savais que mes frères avaient des réunions par-ci par-là, mais je ne savais pas pourquoi218 ». Par conséquent voici comment une adolescente dont les frères étaient des Résistants de la première heure résumait la situation : « on savait qu’il y avait des gens qui se cachaient parce qu’ils ne voulaient pas partir en Allemagne, on disait toujours – ils ne veulent pas partir en Allemagne ils vont se cacher dans les bois219 ». Ainsi le « Vercors » resta une organisation très secrète pendant longtemps : « presque tout le long. Jusqu’à début 44, après ça s’est quand même mieux su. La majorité des gens ne savaient pas la première année, mais après fin 43 début 44 ça se savait220 ». 215 Entretien avec l’auteur. Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.41. 217 Ibidem. 218 Entretien avec l’auteur. 219 Ibidem. 216 89 Tout au long de l’année 1943, c’est lentement mais sûrement que la population s’aperçut de ce qui se tramait sur ses terres. Cependant la prudence des Résistants maintint les gens dans une sorte de « demi ignorance ». C’est à dire qu’ils savaient que quelque chose se passait, que des gens se cachaient dans les forêts, mais il leur était difficile voir impossible de décrire le phénomène avec précision. D’autant plus que ce n’était pas un sujet de conversation qu’on abordait fréquemment, bien au contraire : « à la campagne y’a des gens qui ne parlent pas beaucoup. Les gens savaient mais ne disaient rien221 ». Ceci était dû aussi au fait que la propagande résistante à la radio incitait à la plus grande discrétion : « la radio de Londres nous disait – taisez-vous, méfiez-vous, les murs ont des oreilles 222». Par exemple en ce qui concerne le ravitaillement : « y’avait pas beaucoup de gens qui savaient. Ça se disait un peu sous le manteau que y’avait des maquisards mais personne ne savait exactement qui c’était et qui les ravitaillait. […] ceux qui donnaient le savaient223 ». Avec le temps, le nombre de maquisards augmenta. Ils durent donc pour se ravitailler s’adresser à un nombre croissant de cultivateurs. C’est aussi de cette manière que le secret s’est propagé : « on le savait parce qu’ils venaient, ils cherchaient à se ravitailler224 ». En matière de ravitaillement, de plus en plus de monde connaissaient les besoins des maquisards et les villageois firent preuve d’une grande solidarité à leur égard. Celle-ci était exacerbée par moment, comme lors des fêtes de fin d’année : « le réveillon du C.3 est demeuré […] mémorable. Une circulaire avait été adressée aux soutiens paysans d’Autrans qui ont alors collecté de quoi nourrir le camp pendant huit jours225 ». Parallèlement à cela les langues ont commencé à se délier et la population du Vercors eu une meilleure connaissance des événements. D’autant plus que l’arrivée d’un nombre grandissant d’hommes venant se réfugier dans les camps devenait de plus en plus visible : « c’était de la discrétion puis bon après c’est qu’il y avait beaucoup de jeunes qui venaient. Beaucoup de jeunes d’en bas qui montaient se cacher ici. Quand ça se savait un petit peu, 220 Ibidem. Entretien avec l’auteur. 222 Ibidem. 223 Entretien avec l’auteur. 224 Entretien avec l’auteur. 225 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.175. 221 90 comme ça… qui c’est qu’il fallait rencontrer, c’était soit à Villard-de-Lans, soit à Méaudre, on rencontrait untel – vous allez lui demander nous on ne sait pas226 ». Comme nous pouvons le constater, les habitants apprirent aussi avec le temps les identités de ceux qui étaient les responsables du mouvement de Résistance du Vercors dans leurs communes. Par contre ils ne connaissaient pas les principaux responsables civils, ni même les chefs militaires, qu’ils ne virent quasiment pas jusqu’au printemps 1944 environ : « les têtes sont toujours restées carrément cachées. Moi Chavant on l’a peut-être vu une fois ou deux mais sinon jamais. Même les officiers car les officiers ils étaient en civil […] Les gens étaient habillés à ce moment là tous en tenue de montagnards […] C’était comme ça que le général Descours naviguait de partout. Il fallait se mettre dans le bain227 ». Quant aux responsables locaux, ils vécurent une sorte de double vie, ils «vivaient leur vie comme si ils n’étaient rien […], ils étaient chez eux, ils faisaient leur travail chez eux comme si ils ne faisaient pas partie de la Résistance228 ». L’existence de ces camps laissait tout de même quelques traces, ce qui fit que les villageois, même s’ils ne connaissaient pas leurs emplacements exacts, savaient à peu près dans quelle zone ils étaient situés : « ce qui donnait un peu des points de repère c’était des fois les lueurs le soir, quand il y avait du feu un peu, de la fumée. Ou alors quand il y avait un exercice de tir229 ». 2) Un secret partagé Il était donc très difficile de masquer totalement la présence des maquisards. D’autant plus que ces derniers trouvant le temps long isolés dans les forêts, il leur arrivait d’aller se mêler à la population pour se changer les esprits. Ainsi d’après Suzanne et Paul Silvestre, ceux des camps de Lans et de Villard-de-Lans pouvaient obtenir des permissions de sortie dans ce dernier village. Surveillés alors discrètement par quelques civils, ils avaient la possibilité de se rendre au cinéma, à la patinoire, etc… les gendarmes ayant promis de ne pas les inquiéter230. A Méaudre, l’ « insertion dans la communauté villageoise [fut] consolidée grâce à l’organisation de bals clandestins à l’orée du bois dans une ferme amie »231, bien que Vichy ait interdit les bals. A cette époque, pour les jeunes, les occasions de se retrouver étaient rares : 226 Entretien avec l’auteur. Entretien avec l’auteur. 228 Entretien avec l’auteur. 229 Entretien avec l’auteur. 230 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.94. 231 Idem, p.64. 227 91 « on se retrouvait par exemple à la veillée, ou le dimanche, ou… pendant toute la guerre même que les bals soient interdits on a fait des bals tout le temps232 ». Il régnait cependant chez les maquisards une certaine discipline pour garantir leur sécurité, mais aussi pour conserver de bons rapports avec la population locale comme en témoigne cet ancien du C.3 : « seuls les camarades en service commandé se manifestent discrètement dans le village. […] La stricte discipline imposée par le chef Robert en ce qui concerne les déplacements hors du camp contribue aux bons rapports que le maquis entretien avec la population233 ». Les parachutages étaient aussi des occasions de contact entre maquisards et villageois. Dès le premier, le 13 novembre 1943 à Arbounouze, des habitants du plateau se trouvèrent sur place aux côtés des Résistants. Suzanne et Paul Silvestre ont écrit à ce sujet : « le texte des messages annonciateurs - était largement connu sur le plateau dit Paul Dreyfus. Sachant que la phrase clé a filtré, Le Ray a demandé le changement du message –. Quand passe sans la modification prévue la phrase – nous irons visiter Marrakech – tous se précipitent : de SaintMartin, de La Chapelle, de Méaudre »234. A Vassieux, celle qui n’était alors qu’une enfant se souvient : « les Vassivains aident les maquisards au moment des parachutages et ont ainsi quelquefois la possibilité de garder pour eux un parachute. Le blanc est très recherché. On peut y tailler de beaux corsages, des chemises d’hommes, de jolies combinaisons qui sont pratiquement inusables. Nous défaisons les cordons des parachutes et enroulons leur fil en coton de pelotes qui ferons de magnifiques chaussettes, inusables elles aussi 235 ». Ainsi tout le monde y trouve son compte : les maquisards reçoivent de l’aide pour réceptionner leurs parachutages, et les villageois peuvent en retour garder certaines denrées qui parfois provoquent quelques surprises : « des produits américains, arrivés sans doute dans un container, circulent entre les mains des enfants. Nous utilisons les nouveaux pansements individuels jusqu’alors inconnus. Et nous faisons un usage intempestif de la poudre de dentifrice au goût très curieux. Ainsi nos dents connaissent des brossages réguliers que nos parents approuvent en souriant, heureux de cet engouement pour une hygiène qu’il est si difficile de faire adopter pour les enfants236 ». 232 Entretien avec l’auteur. « Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 234 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.143. 235 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors. Souvenirs d’une fillette de dix ans, Lyon, Imprimerie Rey, 1977,p.47. 236 Idem, p.45. 233 92 Dans ce village, maquisards et habitants avaient des contacts réguliers ce qui n’était pas sans conséquences, mais pas forcément celles dues à un manque de discrétion auxquelles on pourrait s’attendre : « dans notre village vont et viennent le lieutenant « Payot » et le jeune capitaine « Hardy », bel officier de vingt-quatre ans, souriant, aimable, qui fait rêver les jeunes filles237 ». Il restait néanmoins des choses qui demeuraient dans la plus grande confidentialité, comme par exemple l’organisation de la réunion « Monaco » à Méaudre dans l’Hôtel de la Poste : « les gens savaient qu’il y avait des Résistants cachés à l’Hôtel mais ils ne savaient pas trop…238 ». Concernant cette même réunion, on peut lire dans un article de Le Pionnier du Vercors : « dans le village, très discrètement, les gars du groupe civil veillaient. «Tiotio» luimême, ainsi que Léon, assuraient une garde vigilante à l’intérieur de l’hôtel, rien ne filtra à l’époque239 ». B) La perception de la Résistance par les habitants 1) Entre soutien et appréhension Face à a situation dans laquelle se trouvait le pays, il est intéressant de noter comment ont évolué les opinions des habitants du plateau vis-à-vis du nouveau régime et de la Résistance. A l’heure de la défaite et de l’armistice, nombreux en France étaient ceux qui firent confiance au maréchal Pétain pour le redressement de la nation. En effet nous l’avons vu précédemment, les pionniers de la Résistance s’élevant contre le nouveau gouvernement de Vichy et voulant continuer la lutte, n’étaient à cette époque qu’en nombre très réduit. Il en était de même dans le Vercors, notamment parce qu’il comptait beaucoup d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale chez qui le maréchal bénéficiait d’une estime importante. C’est pourquoi dans les premiers temps Vichy fut plutôt assez bien accepté : « au début Vichy y’en a beaucoup qui l’ont soutenu parce que Pétain avait une image qui était restée très forte auprès des combattants de 1914. Au début les gens avaient pratiquement confiance en lui240 ». 237 Idem, p39. Entretien avec l’auteur. 239 « A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 240 Entretien avec l’auteur. 238 93 La vie continuait et l’on suivait les principes du gouvernement. Par exemple à l’école : « on [appliquait] le programme du Maréchal : travail, famille, patrie, salut aux couleurs chaque lundi241 ». Puis, petit à petit, l’opinion a commencé à se détacher de Vichy, accentuant les actes de désobéissance civique que nous avons évoqué auparavant. L’instauration des mesures obligeant des personnes à aller travailler en Allemagne fut aussi un facteur aggravant de cette baisse de popularité dont le régime ne se remit jamais, c’est ce dont se souvient cet habitant de Villard-de-Lans : « quand il y a eu Laval puis l’instauration du S.T.O., alors là y’a une partie des gens qui ont tourné242 ». D’autres événements, comme la poignée de mains de Montoire entre Hitler et Pétain, ont provoqué des troubles dans les esprits comme le raconte cet ancien professeur de Villard-deLans : « un choc : Montoire. Longs commentaires dans Villard-de-Lans : il est chrétien de se sacrifier, mais quelle suite aura cette poignée de mains ?243 ». La propagande résistante, l’occupation allemande, la collaboration des autorités de l’Etat avec les occupants ont conduit à assimiler de plus en plus ce dernier comme un ennemi. Le témoignage de cette habitante d’Autrans qui n’était à l’époque qu’une jeune adolescente symbolise assez bien l’évolution de l’opinion : « au début on ne savait pas trop et puis vous savez dans les campagnes, on fait son travail et puis on ne s’intéresse pas trop à ce qu’il se passe. Et puis petit à petit on a quand même eu… une autre vision des choses. On a quand même compris que bon, c’était pas tellement bien et puis après, quand les Allemands ont occupé Grenoble, là on a compris ce que c’était244 ». Cette évolution a cependant été progressive et marquée par une longue période d’ambiguïté où les sentiments étaient mitigés. Au bout du compte, c’était une certaine incompréhension qui habitait les gens : « mon père il avait fait la guerre de 14, il disait du bien de Pétain. C’est pour ça que nous on y comprenait rien. On disait mais comment ça se fait, Pétain, et puis alors maintenant il complote avec les Allemands245 ». 241 Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit. Entretien avec l’auteur. 243 Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit. 244 Entretien avec l’auteur. 245 Entretien avec l’auteur. 242 94 Il est vrai que la situation n’étant déjà pas simple pour les adultes, on comprend qu’elle parut bien compliquée pour les plus jeunes : « on ne comprenait pas. A l’école ils nous faisaient chanter – Maréchal nous voilà – , et puis à la maison il ne fallait pas parler de ça246 ». Il ne faut pas oublier que de leur côté les gens avaient d’autres soucis plus concrets concernant leur travail, la nourriture ou d’autres aspects de la vie quotidienne : « ici les gens ils menaient leurs fermes, le reste ça se passait…bon. On est au courant par les journaux, mais après les journaux ils disent aussi toujours un peu ce qu’ils veulent247 ». Finalement « il y a eu une certaine époque, y’a eu un an et demi qu’on ne savait pas trop quoi penser de la religion, de la politique248 ». Cependant là situation politique n’était pas la première préoccupation des habitants du Vercors. Du fait de sa complexité et de l’ambiguïté de leurs sentiments, la plupart n’y accordaient qu’un intérêt modéré. C’est dans ce contexte d’attentisme que les premiers Résistants ont opéré, c’est pourquoi leurs agissements ont été tolérés quand ils ont été connus : « c’est parti par des gens qui avaient un peu d’instruction. C’est vrai que nous on n’était pas instruits, on se foutait un peu de…on n’était pas pour les Allemands, d’accord, mais tout ce qui tournait autour, c’était pas notre souci249 ». Il est vrai que la Résistance est née dans le Vercors de personnes d’un certain âge, qui avaient de l’intérêt pour la chose politique quand elles n’étaient pas militantes dans un parti. C’est pourquoi leurs activités revêtirent d’abord un caractère politique, ce qui explique au départ le faible intérêt qu’elles suscitèrent. Il faut ajouter à cela le fait qu’à l’origine, les premières mesures concernant le travail en Allemagne n’impliquaient pas les ouvriers agricoles, excluant de ce fait la plupart des jeunes du plateau. Ainsi, pour une grande majorité de personnes, ceux qui voulaient faire de la Résistance pouvaient bien agir, tant que cela n’affectait pas les autres. Il existait cependant à leur égard une certaine méfiance qui se généralisa rapidement. Comme le dit cette Méaudraise : « tout le monde se méfiait de tout le monde250 ». 246 Ibidem. Entretien avec l’auteur. 248 Entretien avec l’auteur. 249 Entretien avec l’auteur. 250 Entretien avec l’auteur. 247 95 C’est pourquoi même si l’opinion générale tendait à l’attentisme, il existait malgré tout une pointe d’appréhension. Nous pouvons ressentir cette dernière à travers le témoignage de cet ancien habitant de Villard-de-Lans : « à partir de 1943, on commence à rencontrer dans les forêts et dans les alpages des figures inattendues, certaines assez inquiétantes251 ». Vichy, la Résistance, la collaboration, le maquis, en cette période de troubles les avis étaient partagés. Comme partout ailleurs, le Vercors comptait des partisans et des détracteurs du régime, des personnes collaborant avec les autorités vichyssoises et d’autres engagées dans la Résistance, et nous l’avons vu une majorité plutôt attentiste qui essayait d’abord de survivre le mieux possible. Nous le savons, les prémices de la Résistance dans le Vercors furent accompagnés d’un grand secret, qui s’explique d’autant plus par la période de grande méfiance que traversait le plateau. Celle-ci explique pourquoi ils avaient besoin de savoir de quels bords étaient leurs voisins, où allaient leurs préférences, chose que l’on arrivait bien à connaître d’une manière ou d’une autre : « vous savez on savait vite qui est-ce qui était un peu… le bouche à oreilles ça va vite. En discutant vous voyez tout de suite la personne252 ». Avec le temps, la méfiance des débuts laissa place à une plus grande adhésion. En effet contrairement aux idées reçues, c’est progressivement que la population prit fait et cause pour la Résistance : « au début y’en a pas beaucoup qui étaient pour. Il faut dire la vérité. Maintenant tout le monde se dit Résistant mais… c’était pas ça253 ». Néanmoins il faut reconnaître qu’une fois que les habitants du plateau furent convaincus par la cause des Résistants, leur confiance et leur soutien envers ceux-ci s’affirmèrent fortement. Ainsi dès le mois de mai 1943, au moment où la première équipe dirigeante du maquis fut décimée par de nombreuses arrestations, les gens montrèrent leur soutien à l’action qu’elle avait entreprise. C’est ce dont se souvient cette Résistante de Villard-de-Lans dont le mari était un des pionniers du mouvement, en compagnie de qui elle fut arrêtée ainsi que d’Aimé Pupin qui se cachait alors chez eux : « Le cinquième jour, on me rend ma liberté. Arrivée au car du soir à Villard-de-Lans, je suis accueillie avec des fleurs par toute la population. […] Notre arrestation avait rendu public le 251 Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit. Entretien avec l’auteur. 253 Ibidem. 252 96 mouvement. Peu de gens sur le plateau furent contre. Les volontaires ne manquèrent pas pour remplacer les absents254 ». Il est aussi possible de trouver une trace de cet état d’esprit gagné à la Résistance et au maquis dans les rapports d’information envoyés aux préfets par les Renseignement Généraux, ou dans ceux émis par la préfecture de l’Isère notamment vers ses instances supérieures. Ainsi pour le mois de mai 1944, le commissaire principal des R.G. de l’Isère écrivit dans un paragraphe concernant les causes des réactions défavorables au gouvernement : « elles n’ont pas varié par rapport au mois précédent, et relèvent toujours des mêmes motifs ; état d’esprit général, la propagande étrangère sous toutes ses formes, l’influence des mouvements dissidents, et la présence de l’occupant qui s’impose parfois avec un peu trop de rigueur à l’encontre des populations255 ». Ainsi la Résistance fut d’abord accueillie sur le plateau assez favorablement mais sans susciter un réel intérêt, et surtout non sans une certaine méfiance. Si celle-ci s’est peu à peu dissipée entraînant l’adhésion et le soutien de la plupart, elle se maintint voir s’accentua chez une minorité qui demeura hostile, ou tout du moins distante par rapport à l’action des Résistants. Ce qui provoquait ce retrait, ce n’est pas tant une divergence d’opinion mais plutôt la peur des risques encourus et notamment les représailles des occupants, ce dont se souvient cette habitante de Méaudre : « il y avait des gens qui étaient pas pour. Ils disaient – tous ces Résistants ils vont nous amener les Allemands. Les Allemands vont faire des représailles256 ». Une certaine angoisse s’était installée sur le plateau, gagnant tous ceux qui n’étaient pas directement concernés par la Résistance. Un ancien maquisard témoigne de ce climat : « je me rappelle très bien que j’avais mon uniforme du Vercors, 6e B.C.A. avec un petit truc noir où il y avait marqué Vercors, et ma tante me dit – Marco, t’es devenu un terroriste. Ça dépeint aussi le climat, c’est à dire que pour les gens qui n’étaient pas dans la Résistance, les Résistants risquaient de leur attirer des ennuis. D’où l’hostilité aux Résistants, ce qui ne veut pas dire qu’on était hostile aux Américains, aux Anglais, ou favorable aux Allemands, c’est tout à fait différent. Donc l’atmosphère générale était tout de même de solidarité avec les ennemis des Allemands mais fallait pas que ça attire d’ennuis à ceux qui n’était pas effectivement Résistants257 ». 254 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.92. AD 38, 52M440. 256 Entretien avec l’auteur. 257 Témoignage de Marc Ferro, ancien maquisard dans le Vercors ; dans le film de Laurent Lutaud, Vercors : « Le plateau déchiré », FR3 Montagne/Chromatiques, collection « Paroles de Résistants », 1992, 87min. 255 97 Voici comment Paul Dreyfus, historien du Vercors, décrit cette tension qui s’était établie en filigrane dans les rapports entre villages et maquis : « quelque chose qu’on ne peut pas cacher, une espèce d’angoisse sourde de la population du Vercors qui se disait – c’est bien gentil, ils défendent la France, ils sont pour la liberté, nous sommes pour la France nous aussi, nous sommes pour la liberté nous aussi, mais étant là où ils sont ils vont attirer la foudre sur ce plateau258 ». Tel était donc le ressentiment des habitants du plateau vis-à-vis des Résistants. Mais qu’en était-il de ces derniers ? Leur engagement les exposant au danger, on peut se demander alors s’ils étaient bien conscients des risques qu’ils encouraient. 2) Des Résistants conscients des risques encourus Compte tenu des grandes précautions prises par les membres du réseau de Résistance pour garder leurs activités les plus secrètes possible, il semble que ce fut le cas. Notons par exemple la prudence de ces deux Résistants de La Chapelle-en-Vercors : « personne ne doit rien savoir ! Tu brûleras toutes les notes que tu recevras259 ». D’autre part, les témoignages rapportent bien des fois la frayeur provoquée par des situations qui auraient pu ou qui tournèrent à leur désavantage. Elle était ressentie par exemple par les femmes des Résistants qui partaient effectuer des opérations pour le compte de « l’organisation », comme celle-ci qui déclare : « lorsqu’il y a des expéditions nocturnes, nous passons une partie de la nuit à attendre l’estafette qui viendra dire : mission accomplie260 ». Autre exemple dans cette famille chez qui des jeunes maquisards étaient venus chercher l’espace de quelques temps un peu de réconfort : « on avait eu peur soi disant, je sais plus qui nous avait dit qui revenait du village qu’il y avait une troupe qui arrivait. Alors tous ces jeunes ils étaient allé se cacher dans le foin ; pendant une heure ou deux qui ont suivi, ma mère tremblait, on savait plus où on était261 ». Le grand secret que nous avons évoqué précédemment qui entourait l’action des Résistants s’explique donc en partie par les risques que ces derniers prenaient en s’engageant ainsi. Les grandes précautions qu’ils prenaient dans leurs agissements pour garantir leur sécurité démontrent bien qu’ils en connaissaient les risques. Voici une illustration de ces précautions, 258 Témoignage de Paul Dreyfus dans le film de Laurent Lutaud, Vercors : le plateau déchiré, op. cit. Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.30. 260 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.91. 261 Entretien avec l’auteur. 259 98 quand Aimé Pupin alias « Mathieu » était réfugié chez Jean Glaudas et son épouse Denise qui raconte : « lorsque je suis là, c’est moi qui reçoit les visiteurs, mais il faut montrer patte blanche, lorsque je ne connais pas. Pupin n’ouvre à personne262 ». Par peur d’être démasqués, il arrivait aussi aux Résistants de se déguiser pour mieux disparaître. Ce fut le cas pour ce même « Mathieu » à Villard-de-Lans qui s’était laissé pousser la barbe et qui portait des lunettes noires263, et pour Victor Huillier à Vassieux : « M. Victor Huillier, […] recherché par la Milice, se cache dans notre village, vêtu d’une veste blanche, portant de sombres moustaches, il est serveur à l’Hôtel Revol264 ». On s’aperçoit donc que les Résistants du Vercors étaient parfaitement conscients des risques qu’ils encouraient, ce qui rend leur action d’autant plus courageuse. Ils savaient qu’il était possible qu’ils soient arrêtés voir séquestrés. C’est ainsi qu’Eugène Chavant dit : « tous ceux qui ont fait de la Résistance savent parfaitement quels étaient les engagements que nous prenions et que nous devions tenir, savoir : que nous ne pourrions pas en vouloir à nos camarades, ou à un camarade, qui à la suite de tortures, aurait même donné le nom d’un autre camarade265 ». Ce risque rendait les moments de distraction encore plus agréables. Dans cette famille de Résistants de Méaudre, une des filles raconte dans un article du Pionnier du Vercors : « Chavant restait durant la veillée pour de longues parties de tarot avec mes frères : détente, éclats de rires, ils oubliaient un instant les soucis, les angoisses266 ». Malgré toutes les recommandations de prudence, il y avait tout de même quelques fois où certains adoptèrent des attitudes trop cavalières, bravant le danger sans en mesurer tous les risques. C’était par exemple le cas de « Germaine » qu’Aimé Pupin décrit comme sa « secrétaire ». Il la qualifie de « diable de garçon », qu’« il fallut disputer de belles fois pour la freiner267 ». Il semble qu’il arrivait qu’en certaines occasions des Résistants appréhendent les événements auxquels ils étaient confrontés un peu comme une farce, se jouant des risques comme si la situation était tout autre. C’est ainsi que racontant l’arrivée des premiers réfractaires et décrivant la difficulté à les cacher, Eugène Samuel alias « Ravalec » écrivit « enfin le sport commence268 », laissant par là l’impression d’une personne ayant hâte de 262 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.90. Ibidem. 264 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.34. 265 Conférence Chavant, op. cit. 266 « A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 267 Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit. 268 Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.43. 263 99 débuter un jeu. Et que dire de l’attitude de la boulangère de Méaudre qui joua la comédie à un contrôleur du ravitaillement général, feignant de ne pas comprendre le système des tickets de ravitaillement pour en détourner quelques uns pour la Résistance269. Cependant mises à part de rares occasions, la rigueur était de mise, tant les conséquence d’une situation prise trop à la légère pouvaient être dangereuses. C) Les personnes « hostiles » à la Résistance 1) « Ils n’ont jamais rien fait » Le mythe s’étant emparé du l’histoire du « Vercors », il a entraîné avec lui une certaine déformation dans les esprits de ce que fut la réalité. En effet l’image d’une population totalement dévouée à la cause des Résistants ne reflète pas la vérité. S’il est possible d’obtenir des estimations plutôt fiables quant à la proportion générale des habitants du plateau à soutenir les maquisards, il est par contre beaucoup plus difficile de connaître la quantité de ceux qui y étaient hostiles ; la non adhésion à une de ces deux catégories de personnes ne signifiant pas pour autant que l’on appartenait à l’autre. Durant les faits déjà, le climat de méfiance n’incitait pas les gens à s’exprimer sur ce sujet. Puis dans les années qui suivirent la « bataille du Vercors », l’héroïsation des protagonistes a bien sûr conduit ceux qui leur étaient alors opposés à se taire, voir à mentir sur leurs opinions d’antan. Ce qui rend là le travail du chercheur d’autant plus difficile. C’est pourquoi nous n’essayerons pas de quantifier précisément la part de ceux qui n’étaient pas favorables au maquis. Nous considérerons que de la fin de l’année 1942 à juin 1944 leur nombre est allé décroissant, partant d’une valeur sensiblement égale à celle de ceux qui s’étaient engagés dans la Résistance, la majorité des gens s’étant plutôt réfugiés dans l’attentisme comme nous l’avons vu. Contrairement aux idées reçues il y avait donc bien sur le plateau des personnes hostiles à la présence des maquisards. Comment s’est-elle manifestée ? D’après les témoignages des autochtones, surtout par quelques paroles, mais quasiment jamais par des actes. C’est ce que rapporte cette Méaudraise : « ils ne faisaient rien pour empêcher mais ils montraient par une certaine… […] C’était des non-dits mais qui se comprenaient quoi270 ». Cette déclaration semble effectivement bien décrire l’attitude générale des récalcitrants. Cependant si ceux-ci ont agit, il paraît très probable qu’ils l’aient fait le plus secrètement possible comme par exemple la délation anonyme le permettait. Il est donc légitime de penser 269 270 « La boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. Entretien avec l’auteur. 100 qu’on ne peut catégoriquement affirmer qu’ils ne se soient limités à de simples paroles, tout en reconnaissant que rares sont les traces d’éventuels agissements, si elles existent encore… Par conséquent n’affichant pas leur hostilité, les « hostiles » avaient tendance à être considérés comme des indifférents : « même ceux qui étaient pas pour les maquisards, ils disaient – qu’est-ce qu’ils vont courir, ça va servir à quoi. Mais ça allait pas plus loin. Ils étaient plutôt indifférents à ce moment là271 ». Cela eu pour incidence sur les villages de ne pas créer de tensions, de clans, comme l’affirme cette dame : « y’avait pas de haine, pas d’hostilité. Ça ne créait pas dans la commune de… les communes elles ont pas été abîmées par ça272 ». Petit bémol à cette déclaration le témoignage de cette même Méaudraise : « après la guerre, en 45-46 on a eu entendu des bruits […] Mais pendant les événements personne ne disait rien273 ». Même si ces faits d’après-guerre débordent du cadre de notre enquête, ils laissent penser toutefois que certains connaissaient les idées « anti-maquis » de leurs voisins. Ceci est confirmé par l’activité du groupe-franc de Villard-de-Lans était justement chargé de surveiller ces derniers, et qui savait par conséquent de qui il s’agissait. Par ailleurs les habitants du plateau n’ont pas dû mettre longtemps à connaître le type de « mesures » qu’il était capable de prendre, ce qui plus que toute autre chose avait dû inciter à rester dans l’ombre ceux qui n’étaient pas favorables aux Résistants. 2) La place de la collaboration Comme nous venons de le voir, il y avait un pas à franchir entre avoir des opinions contre la Résistance en Vercors et agir à son encontre, de même qu’il y en avait un entre se sentir solidaire des Résistants et s’engager à leurs côtés. Cette étape était d’autant plus difficile à franchir qu’elle n’était pas non plus sans risque, la « police du maquis » rôdant et opérant parfois de la plus violente des manière pour contraindre les plus récalcitrant à se tenir tranquille. Ainsi cette habitante de Villard-de-Lans se souvient : 271 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 273 Entretien avec l’auteur. 272 101 « ceux que l’on considère comme des collaborateurs sont arrêtés lorsque l’on apprend que les Allemands sont venus à Saint-Nizier. Quelques-uns sont gardés, puis relâchés. Un couple de Villardiens est tué vers Saint-Martin274 ». Une des raisons pour lesquelles il est difficile d’obtenir des informations sur la place de la collaboration dans le Vercors s’explique par le fait que ceux qui en étaient accusés furent exécutés. A Vassieux où la milice sévit en avril 1944, des villageois qui avaient dû « balancer » des Résistants furent tués après le départ de cette dernière : « peu après le départ des miliciens, de nouveau le sang coule dans notre village, et c’est l’image tragique de trois Français abattus par les Résistants venus venger les leurs. Je revois papa, transportant dans un tombeau les trois cadavres ensanglantés, le sang coule le long des roues, de grosses tâches rouges apparaissent sur le sol275 ». Enfin une autre raison, et non des moindres, qui explique le manque de renseignement concernant la collaboration, est l’assimilation de cette dernière comme le mal absolu. En conséquence, et cela n’est pas spécifique au Vercors, les témoignages de ceux qui y auraient pris part d’une manière ou d’une autre n’existent pas. Il paraît difficilement envisageable pour une personne d’avouer y avoir participé. Cela serait considéré comme une trahison. C’est pourquoi si quelques rares témoignages de collaborateurs existent dans le pays, il est très peu probable d’en obtenir dans une région rurale comme le Vercors car les conséquences sur la réputation de la famille seraient désastreuses. Les changements dans l’activité du village A) Main d’œuvre et activités nouvelles 1) La nouvelle composition du village Nous l’avons vu, la présence d’un contingent de réfugiés juifs avait modifié la composition des villages : « sur Villard on avait accueilli énormément de familles israélites qui venaient de la région parisienne276 ». Ces derniers ne s’étaient pas uniquement installés sur Villard-de-Lans et ses hameaux, mais sur la majeure partie du canton. A cela vint s’ajouter un autre changement : l’absence de nombreux hommes. En effet la guerre, les chantiers de jeunesse, les déportations, ce sont autant de facteurs qui ont provoqué des départs dans les familles, entraînant ainsi une 274 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94. Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.37. 276 Entretien avec l’auteur. 275 102 réduction de la main-d’œuvre sur le plateau, dont cette habitante de Méaudre parle pour les seuls alentours de sa commune : « il y avait pas mal de cultivateurs qui avaient leurs fils…y’en a quatre qui ont été fusillés, deux ou trois qui ont été pendus à Rencurel, ça fait quand même une dixaine de garçons entre dix-huit et vingt ans qui ont disparu entre juin 42 et fin août 44277 ». Il y eu peu d’hommes « ramassés » pour aller travailler en Allemagne car la plupart de ceux qui ont été convoqués prirent le maquis. Cependant, ils n’étaient alors plus présents sur les exploitations pour travailler comme auparavant. Mais ce sont surtout les prisonniers de guerre suite à la débâcle de 1940 qui ont manqué, comme le souligne cet habitant de Villard-deLans : « le seul problème qui s’est posé c’est les prisonniers. Les familles des soldats qui avaient été faits prisonniers en 1940, au moment de la débâcle française ; parce qu’il ne faut pas oublier y’a eu presque deux millions de Français qui ont été faits prisonniers278 ». Cette absence constitua une amputation non négligeable sur la main-d’œuvre disponible. Ainsi d’après ce même homme : « il devait bien en avoir peut-être pas loin d’une centaine, sur 3000 habitants279 ». Nous constatons donc que le Vercors fut privé d’une partie de sa population masculine, ce qui entraîna des changements dans l’organisation du travail et la répartition des tâches. Cette absence fut compensée par l’arrivée sur le plateau d’ouvriers des villes qui cherchèrent des emplois d’ouvriers agricoles, ce qui dans un premier temps devait leur permettre de ne pas être convoqué pour le S.T.O. A ceux là sont venus s’ajouter les jeunes des chantiers de jeunesse. Comme nous l’avons vu précédemment, il y avait autour de Villard-deLans le groupement 11 qui regroupait près de 1200 hommes dans différents camps. Ces jeunes des chantiers avaient des contacts réguliers avec la population, ce dont se souvient cette habitante de Méaudre : « c’était sympa, y’en a beaucoup qui passaient des soirées dans les familles. Y’en a parmi nous des filles qui se sont mariées avec […] des chantiers, mais c’est normal, bon c’est la vie280 ». 2) Une organisation du travail modifiée 277 Entretien avec l’auteur. Entretien avec l’auteur. 279 Ibidem. 280 Entretien avec l’auteur. 278 103 Comme nous venons de le voir, une main d’œuvre nouvelle apparut dans le Vercors, notamment dans les alentours de Villard-de-Lans avec l’arrivée des chantiers de jeunesse. Ainsi ces jeunes furent utilisés pour remplacer les villageois pour effectuer les gros travaux. Par exemple quand il fallait déneiger les routes, avant c’étaient les hommes du village qui s’en occupaient. Mais ceux-ci absents, ce sont les jeunes des chantiers de jeunesse qui s’en sont chargés : « pour déneiger par exemple, […] on déneigeait un peu avec les vaches et les chevaux et puis […] après ceux des chantiers et bien c’étaient eux à la pelle qui arrangeaient les routes281 ». Pour occuper ces pensionnaires des chantiers de jeunesse, il fut convenu de leur faire exécuter différents travaux sur les communes. Ainsi à Méaudre : « on avait une route forestière, qui existe qui est la route qui monte aux Narces où il y a le foyer de fond maintenant, elle a été terminée après la guerre, mais elle a été toute creusée, faite, mais c’est eux, c’est le 15/3 [153e régiment d’infanterie de l’armée monté se réfugier à Méaudre pour ne pas se rendre à l’occupant après la défaite en 1940] qui a commencé et surtout les chantiers de jeunesse après qui l’ont faite282 ». A Villard-de-Lans, un homme se rappelle que ceux-ci s’adonnèrent à la fabrication de charbon de bois. Néanmoins, la technique qu’ils utilisèrent pour le fabriquer différait de celles des charbonniers italiens qui étaient sur le plateau, ce qui n’était pas sans incidence sur la qualité du produit : « Y’a des coupes qui ont été crées pour eux pour les occuper où ils ont fait du charbon de bois. Mais ils l’ont pas fait en meule. C’est là où ils ont sorti les fours pour incinérer, des grands cylindres métalliques. Ils mettaient le bois dedans, y’avait une combustion qui se faisait et ça faisait du charbon de bois. Il valait pas l’autre mais ça faisait du charbon de bois quand même283 ». Suite à l’absence d’un nombre conséquent d’hommes que nous avons constaté précédemment, certains aspects de l’organisation du travail ont dû être modifiés. Il s’agit là de la part des enfants et des femmes aux travaux des champs qui a été accentuée. Il faut dire que déjà en cette époque ces derniers participaient à ces tâches, ce ne fut donc pas une nouveauté : 281 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 283 Entretien avec l’auteur. 282 104 « à ce moment là les femmes travaillaient, tout le monde travaillait à la campagne. A ce moment là la femme allait au champ autant que l’homme. Même les enfants quand l’école était finie tout le monde allait dans les champs284 ». Ainsi pour combler l’absence des bras manquants, le reste de la famille a vu sa charge augmenter. La solidarité qui régnait chez les habitants du Vercors trouva ici une occasion de se manifester, dans l’aide apportée par les villageois entre eux aux familles dont un homme avait été fait prisonnier : « là dans toute la campagne, ça a été les femmes et les voisins qui ont aidés aux familles des personnes qui étaient prisonnières285 ». L’augmentation de la charge de travail, l’aide cumulée des voisins et des jeunes des chantiers parfois, parvint presque à combler l’absence des hommes manquants. Mais toutefois, les familles à qui il manquait au moins un des leurs ont bien souvent dû réduire leur activité. Il est une activité qui n’a pas baissé sur le plateau : le commerce du lait. Il faut dire que celui-ci était particulièrement surveillé car le Vercors était une importante région productrice de lait, qui en ces temps de disette ravitaillait les vallées voisines. Un autre secteur qui se porta bien pendant la guerre dans le Vercors fut celui du bois, et plus particulièrement les scieries. On peut même dire que son activité fut accrue. En effet les scieries du plateau étaient spécialisées dans le bois de construction, ce qui était très demandé en cette période, les reconstructions étant nombreuses du fait des bombardements : « c’étaient des scieries qui traitaient le sapin, pour de la construction. Et comme à ce moment-là y’avaient des bombardements un peu de partout, il fallait reconstruire et tout, y’avait une demande de bois qui était assez forte. Les scieries ont bien tourné pendant la guerre286 ». Par contre, une activité qui a peu à peu disparut pendant les années de guerre est celle de la vente de viande dans les foires. Auparavant les bêtes élevées pendant l’été étaient alors vendues à l’automne à l’occasion de grandes foires où des maquignons venus de Grenoble les achetaient. Mais avec les restrictions qui marquèrent le début des années 1940, celles-ci disparurent progressivement : 284 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 286 Ibidem. 285 105 « elles se sont maintenues pendant la guerre mais y’avait pratiquement rien à vendre, puis alors au fur et à mesure que les restrictions ont été plus importantes ça a pratiquement tout disparu jusqu’à la fin de la guerre287 ». B) Une nouvelle situation économique 1) Une économie « parallèle » L’arrivée de nombreux réfugiés, résidant sur le plateau en location ou prenant des pensions dans des familles, entraîna un apport de nouveaux capitaux sur la région. L’argent des juifs notamment, qui pour la plupart appartenaient à des familles aisées, fut l’apport le plus conséquent parmi celui des nouveaux habitants du Vercors. Cette richesse n’était d’ailleurs pas sans susciter certaines jalousies : « ils avaient de l’argent, ils avaient des avantages sur d’autres populations parce qu’ils pouvaient acheter… y’avait toujours un marché parallèle288 ». Mais outre des fonds d’argent supplémentaires, les nouveaux arrivants apportèrent avec eux de nouvelles activités. Prenons à titre d’exemple le cas de ces réfugiés qui avaient un magasin de vêtements à Grenoble : « ils ont dû faire fortune sur le plateau. Toutes les femmes avaient le même manteau. […] Ma mère nous avait acheté un manteau à nous les filles et puis […] ils avaient vendu des manteaux sur tout le plateau. Parce qu’on avait toutes les manteaux les filles289 ». A Villard-de-Lans, un homme se souvient que des réfugiés israélites s’étaient reconvertis dans le métier de tailleur de vêtements, confectionnant pantalons et chemises. Ceux-ci parvenaient à faire marcher leur commerce et se faisaient payer avec ce qui était une denrée rare à l’époque : de la nourriture. Ainsi un système de troc était mis en place, une sorte d’économie parallèle s’étant établie de cette manière sur le plateau : « en paiement ils se faisaient donner du ravitaillement. C’était un troc290 ». En ce qui concerne les cultivateurs, ils ont entre eux développé leur propre marché. Se sentant lésés de ne pas avoir droit à une denrée comme la viande qu’ils produisaient, et donc de ne pas disposer de tickets pour en acheter, les paysans des hameaux s’organisèrent entre eux pour s’en procurer : « on a commencé à dire puisqu’on a pas le droit, malgré que les bêtes étaient comptées et tout on s’est débrouillé. Dans la campagne y’en a un qui tuait une bête par exemple dans un 287 Ibidem. Entretien avec l’auteur. 289 Entretien avec l’auteur. 290 Entretien avec l’auteur. 288 106 hameau, puis on distribuait la viande, elle se vendait entre tous les propriétaires. Puis la semaine d’après c’était un autre quartier291 ». 2) L’argent de la Résistance Comme le dit Eugène Chavant : « il est certain que si nous n’avions pas eu un centime en poche, nous aurions été appeler à sombrer292 ». Par conséquent il ne fait nul doute que le réseau de Résistance du Vercors disposait de moyens pour mener ses opérations. Il constitua ainsi une nouvelle source d’argent, modifiant les données économiques du plateau. C’est argent d’où provenait-il ? Tout d’abord d’après ce même Eugène Chavant, essentiellement des juifs installés à Villard-de-Lans : « nous devons déclarer que c’est surtout à Villard-de-Lans, parmi l’élite de l’élément israélite de cette région que nous avons rencontré au début le meilleur accueil, […] il faut reconnaître qu’au début de l’organisation, ils nous ont été d’un précieux concours293 ». C’est donc grâce aux collectes réalisées chez les réfugiés que les premiers camps ont pu acheter leur ravitaillement chez les cultivateurs qui les entouraient, ce dont témoigne cet ancien chef du C.1 : « c’était Jacques Samuel qui cherchait l’argent. Cet argent, ça a été au départ des collectes faites dans les différentes communautés de réfugiés, comme par exemple les communautés israélites, qui ont été très généreuses, qui ont donné beaucoup d’argent pour alimenter le premier camp. C’est là que l’argent a été trouvé au début. […] Alors avec cet argent Brunet achetait la nourriture nécessaire, en particulier on avait des accords avec les propriétaires des troupeaux qui montaient ici en transhumance. On avait le droit de casser des bêtes, autant qu’il en fallait pour nourrir les gens. Et on les payait, y’a pas à dire que c’était du vol ou de la razzia, on les achetait294 ». Le reste de l’argent vint ensuite et surtout des instances de la Résistance en France, via Jean Moulin et ses collaborateurs. Ce pouvait être par l’intermédiaire d’agents de liaison ou des parachutages. Il était nécessaire d’exploiter tous les moyens possibles pour en trouver, ainsi des collectes furent organisées dans des usines de la plaine, notamment à Grenoble. A Méaudre, quand la liaison avec Londres fut un temps perdue après les arrestations de mai 291 Ibidem. Conférence Chavant, op. cit. 293 Ibidem. 294 Témoignage d’André Valot, ancien chef du C.1, dans le film de Laurent Lutaud, Vercors : le plateau déchiré, op. cit. 292 107 1943, la commune finança des travaux fictifs de réfection de ses chemins, ce qui lui permit de verser des salaires à quelques personnes du village qui s’occupaient des camps295. Les sommes ainsi reçues n’étaient pas uniquement dévolues au ravitaillement. Elles servaient aussi à équiper maquisards et Résistants du plateau en armes et vêtements car pour cela les coups de main ne suffisaient pas. Cependant de tels achats ne pouvaient s’effectuer qu’au marché noir : « on peut dire que nous avons été des marché-noiristes, je le reconnais bien volontiers. C’était une nécessité du moment, nous ne pouvions pas faire autrement296 ». Le problème qui se posa alors à eux était qu’aucune règle ne régissait le cours des prix, ce qui permettait à certains de pratiquer des tarifs exorbitants, réduisant ainsi considérablement les possibilités d’achat des Résistants : « nous avons payé des pommes de terre jusqu’à 20f. le kilo et nous les achetions par centaines de tonnes à ce moment là. Nous avons également acheté des armes. Nous avons connu de bons armuriers qui, peut-être maintenant déclarent être des Résistants, mais qui n’hésitaient pas à nous vendre un revolver 7/65 : 1400f.297 ». Il fut donc capital pour « l’organisation » de réglementer le marché noir, c’est pourquoi elle détacha certaines personnes à cette tâche : « nous quittions Grenoble le 28 janvier au matin pour nous rendre à Méaudre et là y entrer en contact direct avec notre grand chef Clément […]. Notre premier travail fut de réglementer le marché noir […]. Nous eûmes à trancher beaucoup de ces cas concernant des gens malhonnêtes qui spéculaient sur la misère des autres298 ». Voici d’après ces dernières comment elles parvinrent à convaincre la population que bien qu’agissant dans l’illégalité en achetant au marché noir, les Résistants n’avaient pas de mauvaises intentions : « Pour prouver à ces Messieurs du marché noir qui prétendaient ne faire qu’un petit bénéfice, nous fîmes l’expérience de nous transformer nous-mêmes en bouchers et de vendre nousmêmes la viande à la taxe au profit des gens malheureux. Beaucoup de gens à la suite de cet (sic) expérience, comprirent qu’il y avait deux genres de terroristes : ceux qui travaillaient pour leur compte personnel et ceux qui travaillaient pour la collectivité299 ». Enfin voici, toujours d’après eux, quels types de mesures ils étaient amenés à prendre : 295 Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.90. Conférence Chavant, op. cit. 297 Ibidem. 298 « Un du Vercors nous parle », dans Le trait d’union, ? 299 Ibidem. 296 108 « une fermière qui, en présence de l’un de nous, vendit des œufs 25f. pièce, le beurre 600f. le kilog. etc., etc. devait se trouver quelques instants après délestée de tout son ravitaillement qui fut remis à un camp300 ». Nous constatons donc qu’outre le fait d’introduire sur le plateau de nouveaux capitaux, les Résistants du Vercors tentèrent en plus de contrôler les prix du marché noir. Néanmoins ceci n’empêcha sûrement pas certaines personnes de vendre leurs produits très chers, passant entre les mailles du filet tendus par ces derniers. Le contrôle croissant des autorités A) La complicité de la gendarmerie 1) La relative complaisance envers les réfractaires au S.T.O. Il est difficile d’évaluer le degré de complicité des gendarmes avec les Résistants néanmoins, des passages affirmant leur soutien apparaissent régulièrement dans les témoignages des anciens maquisards ou membres du mouvement. Il y avait deux brigades de gendarmerie dans le Vercors : l’une à Villard-de-Lans et l’autre à La Chapelle-en-Vercors. La première forme de soutien qu’ils apportèrent se manifeste à l’occasion des convocations pour le S.T.O. En effet ils firent preuve de complaisance envers ceux qui ne s’y présentaient pas. Ainsi en ce qui concerne les hommes des communes du Vercors qui ne s’étaient pas présentés à leur convocation pour aller travailler en Allemagne, ils faisaient un semblant d’enquête pour la forme, tout en sachant ce qu’il était advenu des jeunes réfractaires, à savoir qu’ils avaient pris le maquis. Un habitant d’Autrans se souvient : « quand il y avait des jeunes qui recevaient leur feuille de… qu’ils devaient partir au S.T.O. et qui ne s’étaient pas présentés le jour du départ, bon ben y’avait une enquête et les gendarmes venaient à la maison. Bon ben il est parti, il est plus là. Bon il était parti aux Fenêts mais enfin ils le savaient, ils étaient obligés de faire leur truc. _Bon ben si y’a du nouveau vous le faites savoir301 ». Néanmoins cette complicité ne fut pas constatée par tous : « il fallait se méfier toujours de la gendarmerie. A ce moment-là il y avait sept gendarmes à Villard, et on savait jamais si c’étaient des gens qui étaient pour nous ou pas pour nous302 » Ainsi concernant l’attitude de cette même brigade vis-à-vis de réfractaires au S.T.O. ce Villardien rappelle : 300 Ibidem. Entretien avec l’auteur. 302 Entretien avec l’auteur. 301 109 « je sais que nous à la maison, comme on frère était réfractaire et avait déserté les chantiers de jeunesse, ils sont venus perquisitionner sept fois quand même303 ». Il faut donc nuancer l’attitude des gendarmes de Villard-de-Lans, seuls pour lesquels nous disposons d’informations, qui semblent bien avoir joué leur rôle d’agents de l’Etat, se montrant parfois complices des Résistants. 2) Le soutien à la Résistance La complicité des gendarmes se manifestait surtout par le peu d’énergie qu’ils mettaient à pourchasser ceux que le gouvernement appelait alors des « terroristes ». En voici un exemple : les maquisards du camp des Aillières (C.7) décidèrent un coup de main sur un dépôt des chantiers de jeunesse situé à proximité de leur cantonnement. Ils y ont récupéré des chaussures et des sacs de fèves et de haricots. Mais l’un d’eux étant percé, il laissa une trace à l’image de celle laissée par le Petit Poucet, qu’il eût été facile de suivre pour les gendarmes. Il n’en fut rien, ceux-ci bâclant l’enquête et classant rapidement l’événement304. Les brigades de Villard-de-Lans et de La Chapelle-en-Vercors soutenaient aussi les Résistants dans leur quête d’armement. Ils les aidaient de plus à se maintenir en sécurité en les avertissant lors d’incursions ennemies sur le plateau, quand ils savaient que des expéditions sur le Vercors allaient être menées par les occupants ou par des hommes aux ordres des autorités vichyssoises. Gendarmes et Résistants eurent une coopération de plus en plus poussée ce qui conduisit ce responsable du groupe de La Chapelle-en-Vercors à affirmer : « la brigade de Gendarmerie de La Chapelle en Vercors, a été décorée de la Médaille Militaire pour sa brillante conduite pendant la Résistance. Nous étions en contact permanent avec son chef Garcin et nous ne prenions aucune décision sans nous consulter au préalable305 ». A titre d’exemple voici un des faits marquant de l’activité de cette brigade, raconté toujours par le même responsable : « lors de l’opération contre le maquis, d’avril 1944, les miliciens arrêtèrent les gendarmes et les emmenèrent à Vassieux, en n’en laissant qu’un seul à la brigade. Celui-ci […] leur déclara que pour lui, c’était un affront et il exigea de suivre ses camarades306 ». 303 Ibidem. Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.66. 305 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.107. Louis Mossière, de La Chapelle-en-Vercors est ce responsable. 306 Ibidem. Le gendarme en question se nomme Césari. 304 110 Enfin, même si cela dépasse le cadre de notre sujet, l’engagement des gendarmes aux côtés des maquisards à l’heure de la mobilisation est une preuve des sentiments favorables à la Résistance qui les habitaient : « la gendarmerie a toujours été avec nos maquisards. Il ne faut pas laisser ces hommes tomber aux mains des Allemands. Un simulacre d’enlèvement est préparé. Des maquisards armés de mitraillettes sont postés derrière les murs des maisons voisines de la gendarmerie. D’autres font sortir les gendarmes qu’ils font monter dans un car307 ». Ceci concerne la brigade de Villard-de-Lans, au sujet de laquelle nous avons émis quelques réserves précédemment. Là encore il faut tempérer l’engagement des membres de cette dernière : « le jour du 9 juin quand on a mobilisé le Vercors, la Compagnie de Villard ils sont allés à la gendarmerie, et y’en a quelques-uns qui étaient pour nous, ceux-là ils sont venus direct, mais les autres à coups de pieds dans le derrière on les a rentré dans le camion308 ». En ce qui concerne la mobilisation de la brigade de La Chapelle-en-Vercors : « peu avant les événements de juillet 1944, le Haut Commandement, n’ayant plus confiance en ces gendarmes, décida de les déplacer à St-Marcellin. Prévenus et d’accord avec eux, nous les avons interceptés en cours de route et ils restèrent avec nous jusqu’à la fin des événements309 ». B) L’attention croissante portée par Vichy et la Milice 1) Le regard de Vichy Conséquence de la Résistance dans le Vercors, l’attention croissante portée par les autorités sur la région. Malgré les précautions prises pour masquer leurs agissements, les Résistants ne parvinrent pas à les garder parfaitement secrets. De plus, les actes de « désobéissance civique » dont se rendaient responsables certains habitants ne faisaient qu’accroître ce regard. Plus particulièrement pour ce qui concernait les réquisitions pour le Ravitaillement Général. Celles-ci n’étaient faites que sur les fermes. Dans chaque commune une commission composée par des cultivateurs du village, ou des membres du conseil municipal accompagnés du garde-champêtre, dressait une liste des ressources pour chaque exploitation qui permettait de savoir ce que chacun était en mesure de donner. Parallèlement à ces commissions, il y avait des inspecteurs du Ravitaillement Général qui enquêtaient 307 Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », Fond Fernand Rude, op. cit. Entretien avec l’auteur. 309 Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.107. 308 111 directement chez les cultivateurs pour contrôler les informations transmises par ces dernières, et ordonner les réquisitions : « Ils passaient dans les champs alors ils disaient – vous voyez là y’a du blé, là des pommes de terre. Alors sur celles-là il faudra nous en passer tant de kilos310 ». Outre les pommes de terre et le blé, ces réquisitions étaient aussi faites surtout sur le bétail et le foin, mais de manière générale toutes les productions agricoles étaient touchées. Pour essayer de donner le moins possible, les gens essayaient alors de ruser : « On essayait de faire voire que le blé il ne valait rien pour en donner le moins possible. De temps en temps ça marchait311 ». Mais les inspecteurs n’étaient pas dupes et faisaient preuve d’une grande méfiance. Il a donc fallu pour les cultivateurs trouver d’autres moyens. C’est ainsi qu’ils ont décidé de dissimuler une partie de leurs récoltes : « c’est mon père qui était à la ferme à ce moment là, qui prenait les dispositions pour cacher du blé, cacher des pommes de terre, un peu de tout, de façon à soustraire ça au… […] Mais petit à petit depuis 40, 41, 42, 43, les gens étaient devenus malins après312 ». Ces dispositions étaient nécessaires car en ces temps, l’alimentation du pays était un réel problème et les restrictions touchaient tout le monde, même les populations rurales comme celle du Vercors : « Nous craignons […] les agents réquisitionneurs qui passent dans les fermes pour emmener bétail et provisions. Dans quel but ? Pour quels marchés ? Veux-t-nous appauvrir et par là nous empêcher de ravitailler les maquis voisins ? Je suis trop jeune pour donner une réponse à ces questions. […] Je suis bien petite mais je sens que c’est à force de privations que mes parents arrivent à satisfaire les exigences des réquisitionneurs, celle de la propriétaire et nos besoins journaliers dans cette maison où vivent tant de bouches à nourrir313 ». Dans le Vercors, les questions de ravitaillement ne sont pas les seules qui ont retenu l’attention des autorités. Si la plupart des actes de désobéissance aux directives du gouvernement n’étaient pas considérés comme de la plus haute importance, l’un d’eux en revanche requit une attention toute particulière. Il s’agit du refus des jeunes hommes à se rendre à leur convocation pour le S.T.O. et des activités de certaines personnes les aidant à se cacher dans les forêts. Ainsi dans le fond d’archives déposé par Pierre Dalloz314 aux archives 310 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 312 Entretien avec l’auteur. 313 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.27. 314 AD 38, 89J 311 112 départementales de l’Isère, il se trouve une note rédigée par ce dernier qui stipule : « un rapport […] signé de PERONNE, chef du chantier de jeunesse de Villard-de-Lans, fut envoyé en 1943 au Général Laporte du Theil d’une part, au préfet DIDKOWSKI de l’autre ; il dénonçait les activités du maquis315 ». Concernant le même sujet, un article du Dauphiné Libéré316 fait état d’une lettre envoyée par le Général de la Porte du Theil (qui était alors le chef des chantiers de jeunesse) au secrétaire général du gouvernement de Vichy le 29 mars 1943, à laquelle il joignit le « rapport Perrone ». Voici notamment ce qu’il écrivit : « j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint le compte-rendu du chef du groupement 11 à Villard-deLans. Des mesures doivent être prises immédiatement317 ». Dans son rapport, le commandant Péronne dénonçait l’activité du maquis et nommait personnellement certains responsables de son organisation comme par exemple le percepteur de Villard-de-Lans. Il est difficile de savoir comment furent prises en compte ces informations à Vichy, cependant, ce rapport fut envoyé en mars 1943, et à la fin du mois de mai, les Italiens arrêtèrent presque la totalité de l’équipe fondatrice du « Vercors », à Villard-de-Lans et à Grenoble. Comme l’écrivit Pierre Dalloz : « ce peut n’être qu’une coïncidence, mais le rapport eût suffit318 ». Il existe d’autres traces de la surveillance de Vichy sur les activités des Résistants du plateau. Celles-ci sont postérieures au rapport dont nous venons de parler, et tout comme il est indiqué dans ce dernier, elles incriminent en particulier M. Charlier, le percepteur de Villard-de-Lans. C’est pourquoi on peut penser que ce rapport a bien été reçu et étudié à Vichy, entraînant des demandes d’investigation sur les personnes qu’il mettait en cause. Ainsi en date du 22 juin 1943 fut rédigée à Vichy au Secrétariat d’Etat à l’Intérieur une lettre319 à l’attention du préfet régional de Lyon lui demandant de faire procéder à une enquête sur le percepteur de Villardde-Lans. Rappelons que c’est lui que le « rapport Péronne » accusait de « s’occuper » de l’organisation. Dans une lettre320 du 6 juillet, le préfet de l’Isère lui répondit que les Italiens avaient procédé à l’arrestation de ce dernier et qu’il ne possédait par ailleurs aucun renseignement sur son activité. Enfin il est une autre manifestation qui fut visible par tous de l’intérêt porté par les autorités aux agissements des Résistants. Il s’agit des patrouilles effectuées par les troupes des Groupes Mobiles de Réserve sur le plateau comme il en est fait allusion dans le témoignage de cet 315 note de Pierre Dalloz concernant « le rapport PERRONE », AD 38, 89J3. Dalloz ajoute que ces informations ne lui sont parvenues qu’après la Libération et qu’il ignore qui est ce Peronne et ce qu’il est devenu. 316 Article du Dauphiné Libéré du samedi 28 février 1948. Cet article est consultable dans le fond d’archives déposé par Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon. 317 Ibidem. 318 note de Pierre Dalloz concernant « le rapport PERRONE », op. cit. 319 voir annexe p.240. 320 voir annexe p.240. 113 ancien maquisard qui explique avoir attendu en vain son contact à son arrivée à Autrans en juillet 1943 : « nous apprenons alors qu’une alerte déclenchée en prévision d’une visite du G.M.R. sur le plateau explique ce contretemps. L’émissaire du maquis viendra me chercher plus tard. En attendant, je dois rester planqué321 ». 2) La Milice La Milice s’est elle aussi intéressée à l’activité des Résistants du Vercors. Elle exerça secrètement sur eux un contrôle continu. Mais ces derniers, conscients de cette surveillance, veillaient attentivement à ne pas la laisser mener ses investigations sur le plateau. Pour obtenir des renseignements sur le maquis, les miliciens essayaient par exemple d’envoyer certains des leurs dans les camps en tant que maquisards. De cette manière, ceux-ci pouvaient voir comment il était organisé, de la filière d’arrivée aux camps à la gestion et au ravitaillement de ces derniers. D’autres stratagèmes étaient utilisés et dans son témoignage, ce maquisard raconte une anecdote à propos de l’un d’entre eux : « un après-midi, un jeune homme se présente au camp et demande à parler au chef (un homme d’environ 45 ans, pas très dégourdi) lui demandant si ces hommes étaient prêts pour entrer à entrer en action ; et lui dit de se tenir prêt, car il pourrait venir nous prendre la nuit par camion, puis il part. Quelques instants après le chef responsable du camp, M. CHARRIEN [sic : CHARLIER] de Villard-de-Lans, arrive et notre chef de camp le met au courant de la situation. Aussitôt il s’aperçoit que c’est un coup de la milice et renvoie aussitôt son chauffeur au café où s’arrête le car. Heureusement notre homme est là, le chauffeur le prie de monter dans la voiture et le ramène au camp. Au début de son interrogatoire il nie, puis enfin il avoue avoir été envoyé par la milice pour la modique somme de 2000 francs […] Nous le gardons prisonnier trois jours, puis il est transféré sur un autre camp, d’où il s’évade, mais il est repris, puis exécuté322 ». Parmi la population, on ne savait pas vraiment comment les Résistants se prémunissaient contre la Milice : 321 « Premier contact. Autrans. 2 juillet 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. Témoignage d’un maquisard anonyme, consultable dans le fond Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon. 322 114 « les chefs de la Résistance devaient les connaître ceux de la Milice parce qu’on e eu entendu plusieurs bruits que y’en avait un qui avait été arrêté et il ferait plus de mal a personne celuilà323 ». Ce dont on se doutait en revanche, c’est le sort qui était réservé à ses hommes quand les Résistants les attrapaient : « qu’est-ce qu’ils lui avaient fait on en savait rien mais bon, on pensaient bien qu’ils l’avaient tué324 ». Il ne semble pas qu’il y ait eu sur le plateau des réactions dénonçant les sentences infligées aux hommes de la Milice ; d’une part du fait que cela pourrait laisser croire que l’on est du « même bord » qu’eux, s’exposant alors au même danger. Et d’autre part, parce qu’à l’image du ressentiment de la plupart des Français, les miliciens étaient considérés avec beaucoup de mépris, souvent encore plus que les Allemands, car étant Français ils étaient des traîtres à leur patrie et à leurs compatriotes. Ce qui en temps de guerre était le pire des crimes. Si dans les débuts l’action de la Milice fut relativement timide sur le plateau, elle s’accentua avec le temps. Celle-ci, qui se limitait à la base à des opérations anti-marché noir ou pro-S.T.O. se radicalisa. Cette évolution n’est pas spécifique au Vercors mais visible dans tout le pays car à partir de l’été 1943 s’affirma l’efficacité de la Résistance française. Ainsi dans un discours prononcé durant l’hiver 1944 Darnand déclara : « Sur notre sol une bataille que nous n’avons pas voulue est commencée. Nous l’acceptons et nous sommes décidés à la gagner. […] Contre ces hors-la-loi, notre devoir est clair. […] A la violence nous répondrons par une répression juste mais implacable. Des circonstances exceptionnelles ont imposé la création des Cours martiales. Elles ont déjà condamné des terroristes, et ses sentences de mort sont exécutées325 ». Ainsi étaient confiés aux miliciens les moyens d’effectuer une mission que Vichy tentait de légitimer auprès des Français par une propagande intense. Celle-ci mêlait un « occidentalisme menacé »326 par le bolchevisme, auquel on assimilait les maquis car bon nombre étaient formés par des communistes (ce qui n’était pas le cas dans le Vercors, la population locale le savait), et « les intérêts de la nation meurtrie »327, notamment par le désordre que provoquaient ces « terroristes ». D’après Michel Chanal, c’est ainsi que des miliciens « ont pu ainsi finir au coude à coude avec des soldats de la Wehrmacht et bien des 323 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 325 Pierre, Giolitto, Histoire de la Milice, Paris, Librairie Académique Perrin, 199, p.419. 326 Michel Chanal, « La Milice française dans l’Isère (fév.1943-août 1944) », dans Revue d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, n°127, juillet 1982, p.23. 327 Ibidem. 324 115 hommes quelconques rivaliser avec les bourreaux du S.D. »328. Un exemple de ces opérations violentes jugées comme nécessaires par les plus hautes sphères de l’Etat est celle menée contre le maquis des Glières, non loin du Vercors que Laval annonça au conseil des ministres du 19 février 1944 : « cinq cents maquisards sont rassemblés sur le plateau des Glières en Haute-Savoie. Ils sont bien armés, ils ont de l’artillerie et des mortiers et sont ravitaillés par parachutage. Nous sommes contraints d’agir pour éviter les dégâts, car ils mettront la région à feu et à sang »329. Autre opération mettant en scène des hommes de la Milice, et encore plus proche du maquis du Vercors, celle effectuée contre Malleval en janvier 1944. La radicalisation de sa mission, voulue par ses chefs, entraîna en son sein des changements qui expliquent d’autant plus la violence croissante avec laquelle elle agit. En effet compte tenu du changement du caractère des missions qu’on lui confiait, on fit davantage confiance à des groupements durs au détriment de la Milice départementale330. Ainsi dans la région ce fut « le temps de la Milice milicienne, des francs-gardes cantonaux de Jourdan puis de De Campeau, des tortionnaires du groupe Berthon, des hommes de la brigade antisémite de Lyon, des francs-gardes permanent d’Uriage du chef Giaume, ou de Collonges-au-Mont-d’Or du chef d’Agostini »331. Ce sont précisément ces derniers, les hommes de d’Agostini qui prirent part à la triste célèbre expédition sur Vassieux au mois d’avril 1944. Nous n’insisterons pas sur cet événement car il a déjà fait l’objet de plusieurs études et publications. Cependant il n’est pas possible de traiter des agissements de la Milice dans le Vercors sans évoquer son passage à Vassieux du 16 au 24 avril 1944. Nous nous pencherons essentiellement sur la manière dont les Vassivains vécurent « l’occupation » de leur village, laissant de côté la description des exactions qui y furent alors commises. Cette présence d’agents de la Milice dans la petite bourgade a en réalité débuté avant la date du 16 avril puisque deux femmes, qui se sont révélées plus tard être des leurs, s’y étaient déjà installées depuis quelques temps déjà en tant que touristes. Leurs promenades à travers la montagne leur permirent de glaner des informations sur la présence de dépôts d’armes, de munitions, … « deux jeunes filles installées comme touristes dans notre village se joignirent au groupe de miliciens : c’étaient deux espionnes parmi nous332 ». 328 Ibidem. Pierre Giolitto, Histoire de la Milice…, op. cit., p.420. 330 Michel Chanal, « La Milice française dans l’Isère (fév.1943-août 1944) », op. cit., p24. 331 Idem, p.25. 332 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.30. 329 116 Pendant ces quelques jours le village vécut dans la peur et la suspicion. En effet nombreux étaient ceux qui soutenaient, ou qui avaient aidé à un moment ou un autre les maquisards. L’angoisse de la délation était d’ailleurs d’autant plus présente que les miliciens faisaient preuve d’une cruauté toujours plus effrayante. C’est ainsi que pour obtenir des dénonciations ils s’attachèrent à semer le doute parmi les villageois : « nous constatons avec stupéfaction que des miliciens sont invités à prendre le café chez nos voisins. Sans doute la peur les fait agir ainsi, cette famille ne sera pas épargnée par les atrocités nazies, mais les miliciens cherchent avec raffinement à jeter le doute parmi la population afin de rompre les liens d’amitié qui nous unissent et de créer ainsi des tiraillements entre nous, d’où surgiront peut-être de précieux renseignements333 ». De plus, peu après son arrivée, le chef milicien d’Agostini fit placarder des affiches334 dans le village demandant aux habitants de signaler où étaient les dépôts d’armes des maquisards. Puis il fit contrôler les identités des gens à chaque fois qu’ils traversaient leur village, ce qui agaçait particulièrement la population : « la Milice demande inlassablement à chaque Vassivain qui traverse la place du village ou qui se rend dans un magasin de montrer ses papiers, notamment sa carte d’identité ; cette brimade est bien mal supportée par nous tous335 ». Les miliciens étaient montés en nombre, vingt-cinq camions dont une partie était restée à La Chapelle-en-Vercors pour mener le même type d’agissements. Pour se nourrir, ils avaient « réquisitionné » de quoi manger chez des cultivateurs, notamment des pommes de terre qu’ils firent éplucher par les villageois : « la peine la moins sévère infligée aux habitants consiste à leur faire éplucher des pommes de terre durant de longues heures et quelquefois durant des jours336 ». Puis au climat de peur et d’exaspération, dus aux corvées et aux contrôles intempestifs des miliciens, vinrent s’ajouter de terribles exactions : « les résistants pris par la Milice subissent tous un sort cruel : trois d’entre eux arrêtés, torturés, sont condamnés à mort. […] les miliciens font preuve de la même cruauté envers les enfants [X], qu’ils appellent un matin afin qu’ils embrassent leur père ; celui-ci est attaché dans un car, violemment frappé devant ses enfants qui fondent en larmes337 ». 333 Idem, p35. voir annexe p.240. 335 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.30. 336 Idem, p.31. 337 Idem, p.34. 334 117 Concernant l’arrestation de cet homme338, voici le témoignage de ses deux enfants qui avaient alors quatorze et douze ans : « notre père […] s’occupe des maquis du camp 6, […] et des maquis du camp 8 […]. Sa mission consiste à introduire les jeunes, arrivant de toutes parts dans ces camps. […] Nous recevons aussi à la maison le courrier des résistants, ainsi que leur ravitaillement. […] Un dimanche après-midi, le 16 avril notre père est arrêté par la Milice qui est en opération dans le Vercors. […] La Milice ramène notre père à Vassieux, […] et le traduisent devant leur tribunal. Là ils le questionne et le frappent sauvagement […]. N’obtenant rien de notre père, les miliciens le jettent épuisé dans un car339 ». Voici à travers l’exemple de ce Résistant la violence avec laquelle agirent en avril 1944 les miliciens à Vassieux, mais aussi à La Chapelle-en-Vercors où ils installèrent dans un hôtel un simulacre de tribunal. C) Les troupes d’occupation 1) Les Italiens Concernant l’occupation par des armées étrangères, le Vercors fut en premier lieu sous le contrôle des Italiens, comme l’était une partie du sud-est de la France. Par ailleurs, la ligne de démarcation qui coupait le pays en deux entre la zone occupée par les Allemands au nord et celle dite libre au sud se situait à quelques encablures en direction du nord. Ce sont donc les Alpini, les chasseurs alpins italiens, qui devaient maintenir l’ordre dans la région qui nous intéresse. D’après les témoignages des habitants, leur présence n’était pas très « marquée » sur le plateau. Ainsi l’on pourrait qualifier leur surveillance de « lâche ». C’est ce dont se souvient la fille du maire de Méaudre de l’époque lors de leur première expédition sur le village : « les Italiens sont arrivés les premiers, ils sont venus ici mais ils sont restés deux jours. Quand ils sont arrivés ici à cinq heures du matin on voyait une colonne d’Italiens qui venait par Villard-de-Lans, ils arrivaient par la route qui mène sur la place, alors papa y passe parce qu’il s’est dit – vaut mieux que je sois là-bas. Alors il s’est présenté aux officiers italiens. […] Bon ils ont discuté mais ils n’ont pas cherché s’il y avait des maquisards, ils ont pas réclamé… rien du tout340 ». 338 il s’agit de M. André Giroud, cultivateur à Vassieux. Témoignage de Denise et Robert Giroud, dans Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit. 340 Entretien avec l’auteur. 339 118 Toutefois, ce n’est pas parce qu’ils n’en donnaient pas l’impression qu’ils n’effectuaient aucun contrôle. Ce que l’on peut constater avec l’opération qu’ils menèrent fin mai 1943 quand ils arrêtèrent les principaux responsables de la Résistance et qu’ils se rendirent sur les lieux de certains camps dont ils connaissaient les emplacements. En effet, il apparaît bien dans une lettre341 du capitaine du 7e groupe de contrôle et de liaison de la commission italienne d’armistice avec la France, que ces derniers disposaient d’informations sur les Résistants du Vercors, notamment sur le percepteur de Villard-de-Lans qui d’après eux était « compromis dans l’organisation des francs-tireurs ». De même, un rapport émanant de la brigade de gendarmerie de Villard-de-Lans note à propos de l’arrestation par les Italiens de Victor Huillier, un des pionniers et principaux organisateurs du réseau de Résistance du Vercors : « le 19 juin 1943, Monsieur Huillier, Victore [sic], entrepreneur de transport à Villard-deLans a été arrêté par les troupes italiennes à Grenoble. Monsieur Huillier avait déjà été arrêté une première fois par les troupes italiennes le 28 mai 1943 […] a été relâché le 2 juin 1943. Le 19 juin dernier, s’étant rendu à Grenoble pour rendre visite à certains de ses camarades toujours en état d’arrestation, il aurait été appréhendé une seconde fois. D’après les renseignements recueillis, cette seconde arrestation serait due à la suite de la réception par les autorités italiennes d’une lettre anonyme. Il n’a pas été possible de savoir si cette lettre aurait été mise à Villard-de-Lans à la poste où ailleurs. De même que l’on ne connaît pas la teneur de cette lettre »342. Nous avons déjà parlé du rôle joué par les agents des Eaux et Forêts et de l’arrestation de leur chef, Rémy Bayle de Jesse, dont il est question dans cette lettre du chef du bataillon Chagnard, chef du détachement français de liaison, adressée au préfet de l’Isère : « j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint copie d’une note qui m’a été adressée par le Lieutenant-Colonel Chef du Détachement de liaison auprès de la IVe armée Italienne aux sujet des inspecteurs des Eaux et Forêts LE CHATELIER et BAYLE. […] BAYLE Rémy, Ingénieur des Eaux et Forêts, arrêté le 29 mai dernier et déféré au tribunal de guerre de l’Armée comme accusé d’avoir dérobé des explosifs à son collègue LE CHATELIER pour les mettre à disposition des dissidents. […] Dans le cas spécial les deux prévenus ont été d’accord pour déclarer que les explosifs en question étaient destinés à d’autres emplois et plus particulièrement, […] selon BAYLE aux 341 voir annexe p.240. Villard-de-Lans le 25 juin 1943, Brigade de gendarmerie de Villard-de-Lans, rapport du Maréchal des Logis chef Dorveaux, Commandant de la brigade sur l’arrestation de Huillier Victor de Villard-de-Lans par les troupes italiennes ; AD 38, 13R960. 342 119 Francs-Tireurs, afin de pouvoir isoler le massif du « Vercors » pour la destruction des routes343 ». Nous constatons donc que bien que relativement absents du plateau, les Italiens n’avaient pas pour autant démissionné de leur fonction de contrôle, comme en témoignent les quelques arrestations parfaitement ciblées qu’ils opérèrent sur les Résistants. Pour la population du Vercors, l’occupation italienne fut une période de relative tranquillité, du fait de la présence assez faible des transalpins sur le plateau, mais aussi de l’état d’esprit qui caractérisait ces occupants. En effet, les habitants font état à leur sujet de personnes avec qui ils entretenaient de bonnes relations, dans un climat presque détendu. Ce qui ressort le plus dans leurs propos, c’est qu’ils ne leur inspiraient pas de crainte, comparativement à ce qu’ils connurent ensuite avec les Allemands (ce dont nous traiterons par la suite). Pour être plus précis, non seulement ils ne leur faisaient pas peur, mais ils étaient en outre sujets de leurs railleries, comme le raconte cette Vassivaine qui n’était alors qu’une jeune fille : « nous ne gardons pas un mauvais souvenir des occupants italiens. […] A nos yeux d’enfant leur accent les rend comiques et leur désinvolture fait oublier que ce sont des guerriers ennemis. Il n’est pas jusqu’à la plume qui orne leurs chapeaux qui ne soit pas pour nous un sujet de plaisanteries344 ». Concernant ces hommes et leurs chapeaux à plume, cet habitant de Villard-de-Lans se souvient : « ils venaient skier le dimanche. […] alors ils avaient le chapeau à plume, nous on se mettait des plumes de poules au derrière, on skiait avec eux toute la journée ils nous ont jamais rien dit345 ». Même s’il faut prendre avec précaution ce type de déclaration que le temps à tendance à exagérer, il est en effet bien souvent rappelé que les Italiens véhiculaient l’image d’une armée à l’allure presque pittoresque : « Ils étaient plutôt un peu débraillés pour parler poliment. […] Ils nous ont fait voir que c’était plutôt… que c’était pas une armée bien… y’avait pas la discipline346 ». Ce manque de discipline ne s’appliquait d’ailleurs pas uniquement à leur organisation militaire. Ainsi ils firent preuve de désinvolture vis-à-vis de certaines lois en vigueur qu’ils 343 Grenoble le 22 juillet 1943, le chef de bataillon Chagnard, chef du détachement français de liaison à monsieur le préfet de l’Isère ; AD 38, 13R960. 344 Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.27. 345 Entretien avec l’auteur. 346 Entretien avec l’auteur. 120 n’hésitèrent pas à enfreindre, ce qui contribuait à les rendre populaire auprès de la population : « puis alors ils vendaient les cigarettes, ils vendaient tout eux347 ». Cependant les moqueries dont étaient victimes les Italiens dans le Vercors avaient aussi d’autres racines, moins justifiables celles-là. Depuis plusieurs décennies bon nombre de transalpins, parfois avec leurs familles, n’avaient pas hésité à traverser les Alpes pour venir travailler dans les forêts du Vercors comme bûcherons ou comme charbonniers. Avec le temps, certains s’étaient même installés sur le plateau. Ainsi les occupants comptaient de nombreux compatriotes dans cette région. Mais le fait est que ces derniers n’avaient pas encore été complètement intégrés à la population locale, et étaient toujours considérés avec un certain discrédit du fait de leur origine étrangère, ce que reconnaît ce Villardien : « la première occupation qui a été faite par les Italiens, on avait beaucoup d’émigrés Italiens qui travaillaient déjà sur la région. Donc qui avaient monté des entreprises et tout, et avec les Italiens y’avait toujours eu… On les avait pas intégrés tout à fait, faut dire la vérité348 ». Pour résumer la manière dont vécut la population du Vercors l’occupation italienne, nous pourrions presque reprendre ce témoignage de la fille du maire de Méaudre de cette époque, parlant de la venue des Alpini dans son village : « oh ils ont pas effrayé la commune eux, ils ont discuté, papa a discuté avec eux, mais eux ils ont rien réclamé… ils ont pas demandé… ils ont rien réquisitionné… ils ont mangé je sais pas comment. Ils sont resté un soir puis ils sont repartis comme ils étaient venus349 ». 2) Les Allemands Contrairement aux Italiens, les Allemands marquèrent leur période d’occupation par une présence plus régulière dans le Vercors. Celle-ci se manifestait tout d’abord par des patrouilles qui de temps en temps sillonnaient le plateau, ce dont se souvient cette habitante de Méaudre : « c’est arrivé plusieurs fois, y’avait deux trois Allemands en moto qui traversaient. On voyait bien que c’était eux mais bon ils traversaient et puis c’est tout350 ». Il apparaît donc d’après ce témoignage que les Allemands avaient une volonté plus marquée d’affirmer leur occupation. Le fait que ces patrouilles ne fassent essentiellement que circuler dans les villages semble montrer que les occupants voulaient avant tout rappeler leur présence 347 Entretien avec l’auteur. Ibidem. 349 Entretien avec l’auteur. 350 Ibidem. 348 121 à la population pour entretenir un climat de domination que nous évoquerons par la suite. Cependant il faut tout de même noter que de temps à autre, les Allemands venaient dans la région pour arrêter des juifs qui s’y étaient réfugiés : « ils avaient quand même quelques juifs par là travers. Il y avait des juifs pas mal qui étaient venus se réfugier dans les appartements351 ». Lors de ces opérations contre les réfugiés israélites, cette Résistante de Villard-de-Lans note la présence aux côtés des Allemands de civils français, qui très probablement les avaient aidés à obtenir des informations : « lorsque les Allemands arrivent, ils sont peu nombreux. Très souvent accompagnés par des civils français. Ils viennent arrêter des israélites352 ». Nous constatons donc que les Allemands disposaient d’une sorte de service de renseignement qu’il est difficile de décrire compte tenu de sa nature on ne peut plus discrète. Néanmoins il est possible d’en connaître quelques détails : « Faut dire ils infiltraient… y’avait des filles par là travers, y’avait quand même des indics…353 ». Il est d’autant moins aisé d’en connaître les rouages que les Résistants eux-mêmes ne savaient pas vraiment comment il était constitué : « des épingles ils en ont enfilé pour savoir un peu ce qu’il se passait. […] ils avaient un service de renseignements qu’on n’a pas réussi à éliminer complètement354 ». Ce sentiment d’omniprésence « sourde » des Allemands que provoquait la crainte des « indics » laissait planer sur le plateau une réelle tension, à l’opposé de la quasi-détente qui régnait sous « l’ère » italienne. C’est ce changement brutal qui frappe le plus les habitants du plateau aujourd’hui : « quand les Allemands ont pris la suite c’était pas pareil355 », « ils étaient craints. A ce moment là c’était autre chose356 ». Il s’était par ailleurs installé un climat de peur qui était entretenu par le caractère « musclé », violent, des opérations de ces occupants sur le Vercors. En effet quelques coups de main sanglants furent opérés par les troupes allemandes. L’un d’eux eut lieu le 18 mars 1944 à Saint-Julien-en-Vercors où vingt-cinq camions firent irruption dans le village, probablement en raison de la présence du P.C. militaire dans cette localité. Ils y tuèrent sept personnes et 351 Entretien avec l’auteur. Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit. 353 Entretien avec l’auteur. 354 Entretien avec l’auteur. 355 Ibidem. 356 Entretien avec l’auteur. 352 122 brûlèrent une ferme. Un autre, tout aussi violent, se déroula à Saint-Martin-en-Vercors le 24 novembre 1943 où, après avoir détecté la présence d’un poste émetteur radio dans une maison, ils donnèrent l’assaut. Ils criblèrent de balles l’opérateur radio qui essayait de s’enfuir et se retirèrent. Le croyant mort ils l’avaient laissé giser dans une mare de sang, fort heureusement celui-ci était encore vivant et put être secouru. Concernant les groupes de Résistants locaux, l’angoisse suscitée par les Allemands les obligeait à être sur le qui-vive en cas d’incursion de ces derniers sur le plateau. Chargés entre autre de leur sécurité, ils devaient aussi s’assurer que les maquisards ne se fassent attaquer pour une autre raison. En effet si les Allemands attrapaient des maquisards qui se cachaient dans des camps à proximité de villages, il y aurait alors sûrement sur les villageois des représailles qui, compte tenu de la violence avec laquelle les troupes allemandes agissaient, seraient terribles. Ainsi à chaque alerte les Résistants des communes du Vercors étaient mis à contribution pour faciliter le départ des maquisards. Voici quels types de dispositions ils étaient amenés à prendre : « au début mars, on nous signale une opération imminente sur le Vercors. Les armes sont mises en sécurité, les camps étant obliger [sic] de se disperser. Notre groupe nettoie les baraques des maquisards, camoufle leur matériel357 ». Pour conclure sur cette « seconde » occupation du Vercors, faite par les Allemands, nous pouvons dire qu’elle fut beaucoup plus difficile à vivre pour la population. La présence « d’indics » invisibles, les patrouilles, les arrestations de juifs et les opérations coup-de-poing contre la Résistance marquèrent leur volonté de faire appliquer leurs ordres aux habitants de cette région et de les mettre au pas. De plus, la sévérité et la violence qui les caractérisaient, par contraste avec la presque « bonhomie » des Italiens, faisaient régner un climat de vive tension et de peur. 357 « Autrans dans la clandestinité » dans Le Pionnier du Vercors, op. cit. 123 CONCLUSION Quand on parle de Résistants dans le Vercors, c’est traditionnellement aux maquisards que l’on s’intéresse, ainsi qu’à quelques figures civiles de « l’organisation Vercors ». L’installation du maquis dans cette région semble ainsi faire oublier qu’il y avait déjà avant l’établissement des premiers camps des personnes qui menaient selon leurs moyens une fronde contre les nouvelles mesures imposées par Vichy. Il s’agit là des actes que nous avons évoqués sous le terme de « désobéissance civique ». Le fait est qu’ils constituent pour les habitants du plateau une première forme d’entrée en Résistance. Considérer comme tels ce type d’agissements permet de conclure, non pas qu’une grande partie des autochtones étaient des Résistants, mais qu’ils étaient capables de basculer dans l’illégalité pour ne pas obéir au nouveau régime ou à l’occupant. C’est donc sur un terreau marqué par ce type de caractère que s’est implanté le maquis. En partant de cet état d’esprit qui caractérisait une grande part de la population locale dès 1940, nous avons analysé comment celle-ci a été amenée à s’impliquer dans l’organisation du « Vercors », très minoritairement d’abord, puis progressivement jusqu’à sa majorité à la veille du « bouclage » du plateau en juin 1944. Comme nous avons pu le constater au cours de cette enquête, il y eut de la part des autochtones une diversité des sentiments quant à l’installation des camps sur le plateau. C’est ce qui explique qu’il n’y eut pas un comportement global de la population du Vercors vis-àvis des maquisards, mais différentes attitudes nuancées plus ou moins en faveur de ces derniers. Celles-ci allèrent de la collaboration pour les plus récalcitrants, à l’engagement dans la Résistance. Ce sont justement ces derniers, ceux qui se sont investis dans le réseau de Résistance du Vercors, qui ont servi en quelque sorte de relais entre les montagnards et les « terroristes ». C’est de leur engagement passionné pour cette entreprise exceptionnelle que fut la création et l’entretien du maquis, que le reste des villageois se sont petit à petit laissés entraîner dans cette « aventure ». Avec le temps, un important lien d’affectivité s’est créé entre les villages et les camps de maquisards, si bien que les habitants du plateau en sont arrivés à se sentir presque responsables de ceux qu’ils considéraient comme « leurs » maquisards. Bien sûr, comme dans toutes les histoires d’amour il y eut quelques querelles, et ce serait détourner la vérité de dire que tout ce petit monde vivait en totale osmose et en parfaite harmonie. Il arrivait ainsi que les villageois reprochent aux maquisards de leur faire courir trop de risques avec leurs agissements, ou bien concernant les cultivateurs, de les réprimander pour leur avoir pris du ravitaillement sans demander, ce qu’ils auraient dû faire 124 auparavant à leur goût. De leur côté, les maquisards trouvaient parfois que les villageois ne les aidaient pas assez, notamment en matière de ravitaillement comme nous venons de le voir. Si, dans les débuts la complicité entre village et maquis reposait sur l’assise de la solidarité envers ceux que l’Etat voulait envoyer travailler en Allemagne, elle demeurait fragile car les familles n’étaient alors pas concernées pas ces mesures de « déportation ». C’est donc au moment où même les jeunes ouvriers agricoles devinrent requérables pour le S.T.O. que les rapports village/maquis se renforcèrent. Bien que les habitants du plateau éprouvaient une réelle sympathie pour les réfractaires cachés dans les forêts, ils ne se sentaient pas impliqués dans leur cause et se contentaient pour la plupart de « tolérer » la présence de ces jeunes quelque part dans les bois. Mais menacés à leur tour par les réquisitions, leurs états d’esprit de « frondeurs » les poussèrent à prendre part au mouvement et c’est ainsi que de nombreux jeunes du plateau cherchèrent à incorporer les camps. Dès lors, la coopération des villageois entrait dans un second cycle. Même si à ce moment-là les activités des Résistants étaient encore assez secrètes, les gens étaient au courant de ce qu’il se passait au moins dans les grandes lignes, et s’y montraient plutôt favorables. C’est pourquoi les membres du réseau de Résistance du Vercors n’hésitèrent pas à les solliciter de temps à autres, les sachant plus enclins à apporter leur soutien. Le nombre de maquisards croissant rapidement, les camps devinrent quasi-dépendants de l’aide en matière de ravitaillement fournie par la population locale. Mais ce rapport de dépendance ne signifiait pas pour autant un rapport de soumission, bien au contraire. Assez paradoxalement, c’est le maquis qui peu à peu affirma son autorité sur la région et qui y dicta « sa » loi. En effet nous avons vu qu’il s’organisa pour gérer le marché noir sur le plateau et qu’il créa sa propre police pour faire régner « son » ordre et « sa » justice, ce qui rappelons-le n’est pas sans soulever quelques problèmes éthiques. Ce rapport de force entre les Résistants et les habitants du Vercors se manifesta aussi à l’été 1944, à l’heure de la mobilisation générale sur le plateau, où ces derniers furent réquisitionnés souvent de gré mais parfois de force pour prendre les armes. Le début de l’été 1944 marqua une nouvelle phase dans les rapports village/maquis puisque désormais, il était entendu que c’était la Résistance qui avait tout pouvoir quant à la gestion du plateau. Le nouvel ordre ainsi établi atteint son paroxysme avec l’avènement de la « République du Vercors » le 3 juillet 1944, proclamée et administrée par les Résistants euxmêmes. Notre étude s’arrêtant à la veille du « verrouillage » du plateau, et donc avant cette nouvelle phase dans les rapports entre le maquis et la population du Vercors, la barrière temporelle du début de l’été 1944 constitue une première limite à cette enquête. Une seconde 125 qui pourrait être formulée se situe cette fois sur un plan géographique. En effet nous avons dit qu’il était légitime de se restreindre à la zone formée par les seuls cantons de La Chapelle-enVercors et de Villard-de-Lans parce qu’ils correspondaient au territoire concerné par le Plan Montagnards. Néanmoins nous avons aussi vu d’une part qu’il y eut des maquisards en dehors de cette zone, notamment le C.1 d’Ambel. Par ailleurs, toute une partie du réseau de Résistance du Vercors provenait de l’extérieur du plateau. Que se soit de régions plutôt urbaines comme les agglomérations grenobloises, romanaises ou même Pont-en-Royans. Ou de régions rurales pourtant éloignée du Vercors, comme nous l’avons constaté avec l’exemple de l’unité de Marsaz, remontant jusqu’à la vallée du Rhône dans le département de la Drôme où s’étaient organisés des groupes d’hommes qui avaient pour mission de collecter du ravitaillement, et de gagner le plateau à l’heure de la mobilisation des Compagnies civiles. 126 ANNEXES 127 CHRONOLOGIE 1939 _3 septembre 1939 : l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne _1939 : ouverture d’un lycée polonais à Paris qui prend le nom Gymnazjium Cyprian Norwid 1940 _1940 : Eugène Samuel arrive à Villard-de-Lans après sa démobilisation _ juin 1940 : le lycée polonais de Paris est transféré dans les Pyrénées puis en Angleterre _10 juin 1940 : l’Italie déclare la guerre à la France _16 juin 1940 : formation du gouvernement Pétain _17 juin 1940 : la France demande l’armistice _22 juin 1940 : signature de l’armistice franco-allemand à Rethondes _10 juillet 1940 : à Vichy les députés français accordent par vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain _ 30 juillet 1940 : création des Chantiers de jeunesse _1940 : création par l’abbé Johannès Vincent d’un camp à Corrençon pour cacher des juifs, rapidement appelé le « camp Collomb » _ 28 septembre 1940 : au cours d’une réunion à Vichy est décidé l’ouverture d’un lycée polonais à Villard-de-Lans _9 et 15 octobre 1940 : ouverture du lycée polonais de Villard-de-Lans _ 24 octobre 1940 : rencontre Pétain-Hitler à Montoire 1941 _19 mars 1941 : visite du maréchal Pétain à Grenoble _août 1941 : première rencontre entre le Dr. Martin et Jean-Pierre Lévy, chef national de Franc-Tireur _automne 1941 : le Dr. Martin reçoit Raymond Gernez député du Nord venu lui proposer la diffusion du Populaire : arrivée de Georges Perec à Villard-de-Lans 128 _trois derniers mois de 1941 : Eugène Samuel recherche des contacts pour son groupe de Résistants 1942 _début 1942 : Pierre Brunet intègre le mouvement Franc-Tireur _6 avril 1942 : Eugène Samuel et le Dr. Martin se rencontrent à Lans _mai 1942 : création de l’unité de Marsaz _juin 1942 : réunion d’un groupe de Méaudrais et du groupe de Villard-de-Lans dans le restaurant de Théo Racouchot _22 juin 1942 : discours de Laval annonçant l’instauration de la « Relève » _juillet 1942 : Yves Farges vient voir le Dr. Martin pour travailler avec lui _12 juillet 1942 : « Jean-Pierre » rencontre Aimé Pupin > création de Franc-Tireur Isère _22 août 1942 : ordonnance Sauckel instaurant un service du travail obligatoire dans tous les pays occupés _été 1942 : contact établi entre Franc-Tireur et le groupe Combat de Pont-en-Royans _4 septembre 1942 : loi du 4 septembre > les hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans sont requérables pour aller travailler en Allemagne _octobre 1942 : les ouvriers spécialistes sont appelés pour aller travailler en Allemagne _octobre-novembre 1942 : premiers réfractaires cachés dans des fermes _11 novembre 1942 : les Allemands envahissent la zone libre _ 27 novembre 1942 : l’armée d’Armistice est dissoute, quelques officiers rejoignent la Résistance, cachent des armes et créent des camps _novembre 1942 : Aimé Pupin charge Eugène Samuel de trouver un lieu dans le Vercors pour établir un camp _novembre 1942 : création d’un groupe Franc-Tireur à Autrans _décembre 1942 : Pierre Dalloz rédige une première « note sur les possibilités d’utilisation militaire du Vercors » _17 décembre 1942 : Louis Brun, maire de Pont-en-Royans, montre à Simon Samuel la ferme d’Ambel 129 1943 _6 janvier 1943 : homologation du premier camp le C.1 à Ambel _janvier 1943 : création du groupe de La Chapelle-en-Vercors _fin janvier 1943 : Pierre Dalloz porte son projet à Yves Farge, journaliste au Progrès, à Lyon _30 janvier 1943 : création de la Milice _31 janvier 1943 : Farge rencontre Dalloz à Grenoble et lui fait part de l’accord de Jean Moulin quant à son projet et lui remet 20 000 francs _10 février 1943 : rencontre de Dalloz et Farge avec le général Delestraint à Bourg-enBresse : le projet Dalloz devient le projet « Montagnards » _16 février 1943 : instauration du S.T.O. pour les hommes nés en 1920, 1921, 1922 _25 février 1943 : La BBC passe le message : « les montagnards doivent continuer à gravir les cimes » ce qui signifie que le projet est approuvé par les services de la France libre _2 mars 1943 : nombreuse arrestation à Grenoble, Aimé Pupin ne rentre pas chez lui et se réfugie à Autrans _mars 1943 : Autrans cache pendant quelques jours Aimé Pupin _mars 1943 : « Germaine » devient la secrétaire d’Aimé Pupin _mars 1943 : « Charlotte » passe à Franc-Tireur _fin mars 1943 : occupation de la « Maison du Cru » à Méaudre par le C.3 _début mars à fin mai 1943 : Aimé Pupin se réfugie chez Jean Glaudas _6 avril 1943 : visite du général Delestraint, chef de l’A.S., dans le Vercors _24 avril 1943 : arrestation du Dr. Martin par les Italiens _mai 1943 : le C.5 s’installe à Gros-Martel _26 mai 1943 : arrestation de Pont-de-Claix _28 mai 1943 : arrestation de Victor Huillier, Jean et André Glaudas, Marius Charlier, Aimé Pupin, Allemand et Beyle de Jessé _10 et 11 août 1943 : réunion à Darbounouze de l’ensemble des responsables civils et militaires du Vercors _novembre 1943 : création de trois groupes civils à Méaudre _13 novembre 1943 : premier parachutage sur le Vercors à Darbounouze _24 novembre 1943 : premier raid de repérage de la Gestapo sur le plateau 130 1944 _25 janvier 1944 : réunion « Monaco » à Méaudre _29 janvier 1944 : le camp de Malleval est anéanti par les Allemands et la Milice française _18 mars 1944 : une colonne allemande détruit le P.C. préparé pour l’Etat-major de Descour près de Saint-Martin-en-Vercors _20 mai 1944 : premier parachutage pour le groupe Franc-Tireur d’Autrans _9 juin 1944 : mobilisations des compagnies civiles, verrouillage du plateau 131 132 RECIT DU Dr. LEON MARTIN « Le Vercors », dans Bilan de l’action politique du Dr. Martin, député-maire de Grenoble, pp.40-50, Récit du docteur Léon Martin à la demande du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale, consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36. […] Je reçois de LYON, VICHY, NICE, TOULOUSE, des émissaires des groupements clandestins qui apportent des mots d’ordre, des conseils, des plans d’organisation de la défense. Des réunions régionales en sont le résultat. Des tracts nous parviennent, sont distribués et circulent de mains en mains. Les partis politiques se réorganisent clandestinement et se réunissent même. Des bureaux, des Commissions exécutives sont constituées et la propagande s’intensifie. Les députés, surtout les 80, reprennent les contacts nécessaires avec les militants. Je reçois Raymond GERNEZ député du Nord qui organise la distribution du « Populaire », PHILIPPE député du Rhône, Edouard FROMENT député de l’Ardèche, qui sont de passage, font de la propagande, de l’organisation et apportent aux indécis de l’expérience, Pierre Burgeot député du Rhône, qui lui aussi, est décidé à la Résistance. Un des premiers dont je reçus la visite en août 1941, fut « Jean-Pierre » un lieutenant d’artillerie de réserve, qui m’apporta « Franc-Tireur » et me demanda d’en assurer la distribution. Ce fut facile, un bon camarade dévoué se mit au travail aussitôt. Il s’agissait d’élargir la diffusion, de gagner les campagnes, les départements voisins – Chambéry, Modane, Veynes, Gap. Avec Jean-Pierre, nous édifions des projets plus ambitieux. Dès août 1941, avec GERNEZ, nous avons organisé la diffusion du « Populaire clandestin ». C’est un bon et dévoué camarade qui en est chargé : Aimé PUPIN, membre du Parti Socialiste, qui se charge de les cacher et de les porter en lieu sûr. […] Le lundi de Pâques 1942, je suis à LANS et je reçois la visite de RACOUCHOT, de RAVALEC de Villard-de-Lans, qui sont des résistants sûrs et diligents. Ils ont déjà reçu des résistants que nous leur avions adressés, les ont cachés et placés dans des fermes du plateau – Autrans, Méaudre, Corrençon, chez des militants connus et sûrs. RACOUCHOT et 136 RAVALEC sont enthousiastes, dynamiques. « Adressez-nous tous ceux qui sont traqués, nous leur trouverons un refuge », ils tiennent parole. C’est en juillet 1942 que j’ai la visite d’Yves FARGE – un sac de touriste sur le dos. Le Progrès de Lyon s’est sabordé. « Je viens travailler avec vous, me dit-il, dans le Combat, nous avons toujours été du même côté ». Il me communique les renseignements qu’il tient de Londres. Je lui donne quelques détails sur notre activité clandestine. Nous parlons du Vercors – du plateau, de ce que nous pouvons en attendre. C’est le début. Je vais le revoir de loin en loin. Je le mets en contact avec PUPIN et progressivement avec notre équipe. En octobre, novembre 1942, nous arrivons à une phase plus active. Dans les usines on recense les spécialistes pour les envoyer en Allemagne. C’est le S.T.O. […] La Police, la Gendarmerie sont aux trousses des réfractaires, mais nous reconnaissons que leur action est molle, et la plupart des réfractaires peuvent fuir. […] Les cars Huillier facilitant le transport à Villard-de-Lans, et de là dans les communes du canton. Les appels pour le S.T.O. recommencent en janvier 1943 et n’ont pas de succès. Grenoble est occupée par les Italiens et la surveillance devient plus sévère. […] Les cars Huillier continuent à monter les réfractaires ; un service s’organise à FONTAINE pour en monter 20 à 30 à la fois. Le service d’espionnage des Italiens est en éveil et les arrestations commencent. […] A ce jour le Vercors est crée, le Camp d’AMBEL installé ; on savait que l’on s’y battrait, mais à ce moment on décide comment on le défendra. Les Camps s’installent, on instruit et on équipe des hommes, on a besoin d’armes, de munitions, d’équipements, on prépare le combat. On cherche des terrains, des camps, on s’organise. […] Je suis arrêté le 24 avril 1943 par les Italiens et pendant des mois je ne connaîtrai plus rien des événements. 137 RECIT D’AIME PUPIN Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages tapuscrites, consultables aux Archives départementales de l’Isère à Grenoble à la cote 89J3. 1940 De Rouen à BORDEAUX, faisant des navettes avec une sanitaire qui à chaque voyage, s’avérait trop petite, je fus à même de me documenter sur la façon indigne de la conduite des événements par nos chefs du moment. A LA ROCHELLE, un bateau appareillait pour l’ANGLETERRE, quelle tentation ! Mais l’amour de la famille, du sol natal, l’emporta. Et ce fut le repli sur BORDEAUX où j’entrais douze heures avant les hordes allemandes. Ce fut le règne de la « pagaie » et la fuite sur PAU pour ne pas être fait prisonnier. Enfin le retour à GRENOBLE et la démobilisation. L’Armistice ! Les discours de PETAIN, puis la lumière au milieu des ténèbres, le vote courageux à VICHY de 80 Français contre tous les traîtres. Double, triple joie parmi ces 80 - deux de l’Isère – le Dr. Léon MARTIN de GRENOBLE et HUSSEL de VIENNE. Quel est le Grenoblois, et même le Dauphinois, qui ne connaît le Docteur Léon MARTIN, ce diable d’homme, lutteur de toujours, la mèche en bataille, qui toute sa vie s’adonna au bien être des Travailleurs. Ce jour là (10 juillet) au milieu de ceux qui par calcul, ou par peur, approuvèrent PETAIN, il ratifia la confiance de ses électeurs en s’opposant à l’entrée du fascisme en France. […] A l’encontre de FRANCOIS 1er, les vrais Français pouvaient dire : Rien est perdu, hors l’honneur. Jusqu’à la fin de l’année, ce ne furent que des parlottes entre amis sûrs, car déjà en cette pauvre France, déchirée en deux, régnait la délation. Sans le savoir nous avions organisé notre travail dans le sens même des Mouvements de Résistance. C’est ce qui nous a permit de participer à l’organisation de la manifestation du 14 Juillet 1942. Deux jours après. 138 1941 à juillet 1942 RADIO LONDRES, les tracts clandestins qui nous arrivaient on ne sait d’où, mais que nous lisions religieusement, et que nous transmettions à des camarades pour que ceux-ci les lisent et nous les rendent pour les transmettre à d’autres, etc. Je voyais assez souvent mon grand ami, le Dr. MARTIN, avec qui je causais et qui me mettait au courant des visites qu’il recevait. Petit à petit, nous sentions confusément ces petits noyaux de bonne volonté qui se remuaient dans les ténèbres de la Révolution Nationale. Nous causions souvent entre amis. Nous nous tâtions, des discussions mêmes inamicales avaient lieu avec des partisans du régime… Quand à l’automne 1941, le Dr. MARTIN reçut la visite de GUERNEZ (Député du Nord), il venait lui proposer de réorganiser le Parti Socialiste clandestin et la diffusion du POPULAIRE. Nous acceptâmes avec plaisir car cela coordonnait nos efforts et nous donnait un but. La Commission Exécutive Fédérale clandestine de l’Isère était composée du Dr. Léon MARTIN, de HUSSEL de Vienne, de DESCHIERES [sic : DESHIERES] et de PUPIN. Le Dr. Léon MARTIN me chargea de m’occuper de la diffusion de la diffusion et du recrutement des Camarades. Les premiers camarades qui acceptèrent de travailler avec nous furent : DESCHIERES [sic], DEMEURE, VEYRAT, GERMAIN, FERRI de la S.N.C.F., DANTELLA, MACAIRE, GAY Marcel, SERNIDA [sic : SERINDA], DOULAT Fils, GIROUD, BIT, POMPIER, COCAT Henri. Nous nous organisâmes rapidement et chacun des camarades précités avait derrière lui une douzaine d’hommes décidés à tout (quoique sans arme). En plus du « POPULAIRE » que Mme DESCHIERES [sic] allait chercher à LYON, nous recevions des petites pincées de « COMBAT » « LIBERATION » « FRANC-TIREUR » « PERE DUCHESNE », et nous diffusions tout ce qui nous parvenait de Presse Résistante. Nous fonctionnâmes ainsi jusqu’au 12 juillet 1942, où nous pûmes avoir une direction essentiellement résistante. Juillet 1942 (depuis le 12) Jean-Pierre LEVY, créateur et chef national de FRANC-TIREUR avait visité plusieurs fois déjà le Dr. MARTIN afin de se renseigner sur MM. X.Y.Z., susceptibles de lancer le mouvement dans l’Isère. Le Docteur lui donnait des indications, mais FRANC-TIREUR 139 piétinait et le 12 juillet, Jean-Pierre LEVY fit ce par quoi il aurait dû commencer. Il demanda tout bonnement au Docteur de le mettre en contact avec quelqu’un de Grenoble. Le Docteur s’échappant de sa pharmacie arrivait chez moi et me mit au courant me demandant si je voulais me charger de FRANC-TIREUR. Nous décidâmes d’accepter… et une heure plus tard Jean-Pierre m’était présenté. Jean-Pierre LEVY était un jeune homme grand, brun, sympathique qui me plut dès les premiers instants. Une table, deux chaises, deux apéritifs au milieu de mes jeux de boules, loin des oreilles indiscrètes, et le mouvement FRANC-TIREUR prit naissance dans l’Isère. Nous déjeunâmes ensemble, mais auparavant pendant une courte absence de JeanPierre, ma femme me dit ces simples mots ; si justes aujourd’hui hélas : « Mon pauvre ami, tu ne changeras pas, tu ne peux pas rester tranquille chez toi ». Ce fut tout. Aussi Jean-Pierre, pendant le repas dut parfaire ses indications et me préciser ses directives sans crainte. Ma femme fut dès cet instant mon premier collaborateur et mon bras droit. J’alertais immédiatement tous mes camarades pour leur demander de diviser leurs hommes, d’élargir leur recrutement, pas de politique, tous ceux de bonne volonté, n’ayant pas peur et aspirant à se débarrasser des boches, des macars, des pétainistes, et aspirant au retour de la République. Ce fut la manifestation du 14 Juillet 1942. Quel est le Grenoblois qui ne se rappelle cette belle journée où tout GRENOBLE était dans la rue, soit à manifester, soit à encourager les manifestants. Vous vous rappelez cette jeune fille inconnue, vêtue d’une robe à bandes tricolores, coiffée du bonnet phrygien, qui, place Victor-Hugo, s’empare d’un drapeau tricolore jaillit d’on ne sait d’où, prenant la tête de la manifestation qui se rendait à la Préfecture. C’était beau tout cela. Aussitôt DANTELLA et son équipe étaient auprès d’elle pour la protéger. Je reparlerai de cette jeune fille dans le cours de mon récit. Août 1942 Depuis quelques temps déjà, le Dr. MARTIN m’avait baptisé MATHIEU. Ce fut donc mon nom de guerre. J’alertai mon vieil ami GARAVEL de VOIRON, que nous appelâmes Mr. Le Gris, puis le Guste, VILLARD, Instituteur révoqué, BONNAURE du Petit Dauphinois me fut adressé par le Docteur MARTIN, à qui il était allé demander du travail (résistant s’entend) ; Mme LOPEZ de Prix Unic, qui me fut adressée par nos amis de LYON ; son chef, mon 140 camarade de rugby REY ; Louis ALLEMAND, RIGAUDIN de FONTAINE, VOINOW (Durand), BOISSIEUX, Instituteur à RENCUREL. Tous ces hommes avec ceux cité plus haut commandaient à des équipes et souséquipes ou douzaines. Parallèlement nous, s’était organisé à VILLARD DE LANS, sous l’impulsion du Dr. Samuel RAVALEC et de Victor HUILLIER, un groupe de résistants comprenant en outre : GLANDAS [sic : GLAUDAS] Jean, CONVERSO, PIQUERET, BEAUDOINGT, CHARLIER, MASSON, DUMAS, RACOUCHOT, mais ce groupe n’avait aucune liaison. Ce fut mon vieux camarade TEO (Racouchot) qui, un dimanche, conduisit RAVALEC à LANS où ils eurent une entrevue avec le Dr. MARTIN. Rendez-vous fut pris, et la semaine d’après, RAVALEC me fut présenté et j’eus avec lui cette organisation qui nous fut si précieuse par la suite. Je retrouvais là tous mes bons amis de la famille HUILLIER, Victor, Paul, Emile. Nous étions entre connaissance et en parfaite entente. Septembre 1942 Dès ce moment là, je puis dire sans forfanterie, que le mouvement FRANC-TIREUR, était le plus important et le mieux organisé de la région. En effet, car nos camarades prospectèrent le département : DEMEURE, RIGAUDIN organisent FONTAINE GERMAIN fit ROYBON BONNAURE, St MARCELLIN et CHATTE CHEVALLIER : MURINAIS, CHEVRIERE, et la région Nos camarades de VILLARD DE LANS eurent dans tous le plateau, notamment à AUTRANS, LANS, MEAUDRE, LA BALME, PONT EN ROYANS, des sections de FRANC-TIREUR. VILLARD Auguste et REY organisèrent le BOURG D’OISANS FERRY fit la TRONCHE avec BATTAIL et GAYET GARAVEL organisa VOIRON ALLOUARD : St MARTIN LE VINOUX BOISSIEUX : RENCUREL Les douzaines s’organisaient rapidement et j’entrais en contact avec BENOIT, Inspecteur de Police, par le canal du Dr. MARTIN, les frères BES du PETIT DAUPHINOIS. 141 A chaque distribution, le nombre de journaux s’avérait insuffisant et Lyon alerté, était sur les dents. Entre temps, le chantage à la relève sévissait et nos mots d’ordre étaient « ne partez pas, allez dans les fermes ou travaillez dans les bois ». Nombreux sont ceux qui furent aiguillés chez les paysans du Vercors et du département. Parallèlement, nous organisons le service de liaison avec LYON et les divers points du département. Nous étions journellement en contact avec VILLARD. C’était facile, un des chauffeurs des cars HUILLIER, ou PAUL, ou NALLET le mécanicien de la Maison, passait prendre les ordres tous les jours chez moi. Les responsables des autres localités passaient deux fois par semaine au P.C. Novembre 1942 Et c’est Novembre 1942 qui va apporter la reddition de l’armée d’armistice, et dans la nuit du 11 Novembre, les divers régiments de la garnison de GRENOBLE prennent le maquis. […] Puis c’est le S.T.O. Rien à faire, il faut aider les gars. J’étudie la question. Je convoque RAVALEC… et je lui dis… il faut que dans le Vercors tu me trouves un coin pour cacher les réfractaires et où l’on puisse les avoir sous la main. RAVALEC qui n’hésitait jamais me dit, d’accord et il prospecta le Vercors. Décembre 1942 RAVALEC vint me trouver me disant c’est fait, j’ai trouvé la ferme d’AMBEL, appartenant à MM. HUILLIER, V. GLAUDAS, A. GUILLET, et GRAVIER de BRIANCON. J’ai l’accord de HUILLIER et GLAUDAS… d’accord. Marchons et installons. Tout allait bien car c’étaient les locaux d’une exploitation forestière et les Directeurs et Employés habitaient à BOUVANTES (BOURDEAU et BRUNET Paul étaient des francstireurs). LE VERCORS organisé commençait et les premiers hommes montaient à la fin de l’année. […] FRANC-TIREUR prenait de l’extension, les camarades reprenaient cœur à l’ouvrage, car ils avaient un but, ils faisaient quelque chose de précis. 142 -CHAVANT ORGANISAIT L’ÎLE VERTE- Tous les jours, de nouveaux réfractaires nous arrivent et DEMEURE et VEYRAT sont spécialement chargés de les convoyer sur le plateau. Par les cars HUILLIER, par le tramway de St NIZIER, les cars HUILLIER ensuite à VILLARD DE LANS, d’autres convoyeurs les prennent jusqu’à PONT EN ROYANS, et de là ils sont aiguillés sur BOUVANTE et AMBEL. FRANCOISE de LYON est chez moi en liaison le jour où la création du premier camp est chose faite, elle s’est d’ailleurs croisée avec mon agent de liaison qui allait en avertir JEAN-PIERRE. Elle est enthousiasmée par cette idée et me donne tout l’argent de son sac. Par contre, mon agent de liaison revient de LYON avec le désaveu de FRANC-TIREUR qui n’a pas d’argent pour financer l’opération. C’est alors que commence la course à l’argent, nous ne voulons pas ralentir le recrutement et tous les jours, il nous faut de plus en plus de finance. Tous les camarades collectent dans leurs familles, dans leurs usines pour les camps du Vercors. […] Mars 1943 […] Le 2 Mars, FARGES vint coucher chez moi et nous partîmes dans le taxi de Marcel GAY pour visiter le Vercors, nous prîmes DALLOZ […] aux Côtes de Sassenage et RAVALEC à Villard de Lans […] Au retour nous laissâmes RAVALEC à VILLARD, mais avant de rallier GRENOBLE, nous voulions visiter MEAUDRE et AUTRANS. Nous descendons de la Croix PERRIN sur LANS, commentant notre journée, lorsque nous aperçûmes RAVALEC qui venait à notre rencontre. A son arrivée, à VILLARD, et au reçu d’un coup de téléphone de GRENOBLE, Emile HUILLIER l’avait amené à LANS pour qu’il puisse nous rejoindre. Le fait brutal était là. Les Italiens avaient arrêté DEMEURE, VEYRAT, mes premiers adjoints ; Claude LEVY, agent de liaison, Loulou CHABAS, Robert BRUNET, RIGAUDIN, FRAISSE Marcel, FRAISSE René, BATTELI, GAVET, PORTALUPPI, CLET, VISANTIN et Mme RUGGIERO. Ma femme nous faisait savoir que tout était déménagé de chez nous […]. Elle nous avertissait de ne pas rentrer, car elle craignait l’arrivée de la police italienne. 143 Après nous être concertés, nous décidons de descendre à GRENOBLE pour être renseignés. […] GAY et moi arrivons à la maison. Tout nous paraît calme. Je m’apprête à rentrer, lorsque ma femme m’aperçoit et me donne un coup d’œil qui me fait immédiatement comprendre que les policiers sont là. […] Je me rendis à AUTRANS où j’avais de la famille et j’entrais en contact avec le groupe « Franc-Tireur », et Marcel GAY avertit RAVALEC et Victor HUILLIER. Les estafettes arrivèrent de VILLARD, mais le soir Victor HUILLIER et RAVALEC vinrent me chercher et m’emmenèrent à VILLARD DE LANS où je serai plus au centre du Mouvement. Ils m’amenèrent chez Jean GLAUDAS, dont je devins le cousin par le fait de la Résistance. […] Tous les jours, les jeunes gens affluaient au Vercors et nous nous mîmes à l’ouvrage. Le calme revenu, une partie des gas (sic) retourne à AMBEL. Ce fut le C.1, chef de camp SIMON, responsable BOURDEAU ; le C.2 à CORRENCON, chef de camp ANDRE, responsable GO. BEAUDOINT ; le C.3 (camp école) chef de camp ROBERT, responsable MARTIN, Boulanger à MEAUDRE ; le C.4 à COURNOUZE, chef de camp AKERMAN, responsable de St MARTIN ; le C.5 chef de camp FEUTRIER, responsable CHARLIER, d’abord à ROUSSET ensuite à MEAUDRE, puis le C.6 vers LA CHAPELLE EN VERCORS, responsable MALAUSSANE (sic). Le Vercors était une vraie ruche. Rares étaient ceux qui n’avaient pas un emploi ou une mission pour les camps. J’avais entre temps désigné mon ami CHAVANT pour prendre la direction de « Franc-Tireur » à GRENOBLE. DURAND (VOINOV) me fit savoir qu’il voulait m’amener une jeune fille traquée par la police de Vichy. Je les reçus et une grande jeune fille brune me fut présentée. GERMAINE, ou GENEVIEVE GAYET, la fille de mon ami GAYET de LA TRONCHE, celle qui le 14 Juillet 1942 habillée en Marianne prit le drapeau place Victor Hugo et se mit en tête du cortège. De brune, elle devint blonde, et j’en fis ma secrétaire. Quel diable de garçon, GERMAINE. Il fallut la disputer de belles fois pour la freiner, elle fut avec RAVALEC au courant de toute l’histoire du Vercors. 144 A VILLARD DE LANS, toute les femmes de nos camarades militaient au Mouvement avec Mme RAVALEC, Mme Emile HUILLIER (chargée de la censure), GERMAINE, Mme GLAUDAS (la cousine). C’est à ce moment que CHARLOTTE vint avec nous. Elle militait à un autre Mouvement. Mais femme d’action, elle préféra passer au Vercors, où elle put donner la mesure de son courage. […] Nos gas (sic) manquaient de chaussures. GRENOBLE fut alerté et un coup fut décidé contre les chantiers de Jeunesse de St LAURENT DU PONT. Un camion à CONVERSO, l’équipe de choc de VILLARD : SIMON, BEAUDOINT, PIQUERET, NALLET, MAGNAT, OLLECK, le camarade de GRENOBLE, et le coup est fait, bien organisé par nos soins. Il réussit à la perfection et nos gars sont chaussés. Un deuxième coup sur les chantiers de CORRENCON nous rapporte moins. Malgré toutes les enquêtes, rien ne transpire et la police ne trouve aucun indice. […] Un poste émetteur était installé aux Jarrands, à 100m de la route, et toutes les voitures détectrices de radio passaient à côté de lui sans le découvrir. […] Notre camarade DUMAS, Electricien, fut chargé de monter un poste émetteur de radio de la puissance minimum d’Alpes-Grenoble. Un nouvel incident vint nous désoler. Notre grand ami et chef, le Dr. MARTIN, venait d’être arrêté par les Italiens et déporté au Fort de l’Essaillon, ce coup nous frappa, car il était aimé et admiré de tous ceux qui le connaissaient. […] Tous les soirs chez Jean GLAUDAS, RAVALEC, Paul et Victor HUILLIER et les principaux chefs et responsables venaient au rapport dans ma chambre. Les autres que j’avais à voir, je les recevais chez ROSENTHAL, le dentiste. Mai 1943 Mai 1943, le dernier mois de ma Résistance en France. […] FARGES auquel je parle d’un coup de main sur camion d’essence à MENS, car nous brûlons toute celle de la Maison HUILLIER et Victor commence à être à sec, me met en rapport avec le capitaine VIREL qui doit organiser l’affaire. De notre côté, nous alertons le groupe volant, sous les ordres de SIMON et BEAUDOINT. Viennent PIQUERET, NALLET, MAGNAT, OLLECK, AKERMAN, CONVERSO Baptiste et son chauffeur et un autre. A GRENOBLE ils prendront MACAIRE, SURLE et VIREL. […] 145 Arrivés à MENS, le camion citerne est bloqué par un car en panne, une roue crevée et un ressort cassé. Les Mécaniciens se mettent à l’ouvrage alors que la sentinelle italienne est à 20 mètres d’eux. Ils s’aperçoivent que le véhicule est un diesel. Le jour approche, ils sont désespérés, SIMON donne l’ordre de repli et la camionnette les ramène, mais ne suit pas l’itinéraire pour ramener VIREL à GRENOBLE. Une bombe vient d’éclater à PONT DE CLAIX. Les Italiens sont sur pieds et nos hommes qui dormaient tranquilles se font crocher à PONT DE CLAIX. Victor HUILLIER et moi de grand matin, sillonnons les routes pour avoir des nouvelles. Nous n’avons plus qu’un espoir : que le jour ait surprit nos hommes et qu’ils se soient réfugiés dans une ferme […] Vers 9 heures le remplaçant de SURLE aux P.T.T. nous avise que les camarades sont arrêtés. […] C’était le 26 Mai. […] Charlotte, CHARLIER vont aux renseignements. Rien de nouveau. L’après-midi du 27 Mai, un camion et une voiture vienne t à VILLARD : nous pensons à la perquisition, mais hélas, quelqu’un a parlé. Ils prennent Victor HUILLIER, Jean GLAUDAS, son frère ANDRE, CHARLIER et ils viennent chez Jean GLAUDAS. Avec la cousine, nous avons juste le temps de faire disparaître les papiers, et je suis pris à mon tour. […] Mon Camarade ALLEMAND s’était fait prendre aussi et le Lieutenant des Eaux et Forêts était venu à la caserne pour faire libérer deux de ses gardes forestiers. BEYLE DE GESSE fut gardé à leur place. La toute première équipe de Franc-Tireur et du Vercors disparaissait presque en entier. DANTELLA, DEMEURE, VEYRAT, RIGAUDIN, LEVY, FRAISSE René, FRAISSE Marcel, Dr. MARTIN, SIMON, BEAUDOINGT, PIQUERET, CONVERSO, GLAUDAS Jean, AKERMAN, MAGNAT, SURLE, MACAIRE, ALLEMAND, BEYLE DE GESSE, VIREL, NALLET, tous les pionniers de « Franc-Tireur » et du « Vercors ». Quelques jeunes et PUPIN, Victor HUILLIER et André GLAUDAS furent relâchés, mais Victor fut repris et interné à EMBRUN. Que nous importait ! Les hommes passent, et l’organisation reste. J’avais depuis longtemps déjà désigné RAVALEC et CHAVANT pour me remplacer ; RAVALEC et GERMAINE continuèrent de suite et CHAVAND (sic) vint les rejoindre quelques mois après. Je viens de passer en revue les événements tels qu’ils se sont passés. Je n’ai pas fait du roman. Tout est véridique et contrôlable. Si j’ai oublié quelques camarades, que ceux-là ne 146 m’en veuillent pas. Ce n’est pas par méchanceté, mais j’ai passé deux ans en Italie et ma mémoire des noms à pu me faire défaut. Le Vercors a continué. Tout le monde sait son histoire glorieuse. Mais pas un de ceux qui l’ont contée, ne connaissait vraiment les débuts. Trop de ces héros obscurs qui, dès le début, luttèrent dans l’ombre, sont aujourd’hui dans l’oubli. Je me devais de les rappeler à la mémoire des Français. J’ai fait cela en toute objectivité, avec franchise et impartialité. N’oublions jamais que le premier Chef de la Résistance, de toute la Résistance dans l’Isère, fut le Dr. MARTIN, l’actuel maire de GRENOBLE. PUPIN Aimé (alias MATHIEU) 147 CONFERENCE CHAVANT Discours prononcé par Eugène Chavant alias « Clément » lors d’une conférence le 6 février 1945, consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36. Messieurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Camarades, Si l’assemblée qui est présente ici s’est attendue à trouver devant elle un orateur de talent, je vous préviens d’ores et déjà qu’elle s’est trompée. Si dans le maquis nous avons donné des cours, ce ne sont pas des cours de ce genre. Nous avons appris à nos hommes le maniement des armes, nous leur avons appris à faire du service en campagne, nous leur avons appris aussi le maniement des explosifs. Mais dans aucun cas, nous avons pensé qu’il était nécessaire de faire des maquisards des orateurs. Nous avons pensé, bien au contraire, et nous continuons à penser encore que le moment n’est pas venu de se montrer dans des réunions publiques. Il a fallut y être contrait car j’avais pris cet engagement de ne jamais parler du « Vercors ». Lorsqu’on parle du « Vercors », l’on parle d’une « Résistance » qui a été à l’avantgarde dans la France entière et je vous en apporterais, tout à l’heure, quelques preuves. Lorsque l’on parle du « Vercors », c’est toujours après en avoir mûrement réfléchi. C’est toujours avec une certaine piété que l’on doit penser au « Vercors ». Ce n’est pas par conséquent dans une réunion publique que l’ont peut favorablement parler du « Vercors ». Les raisons de notre réunion ce soir, s’il y a encore quelques Grenoblois qui l’ignorent, je voudrais, tout de même, pouvoir les mettre au courant. Ça se passait, je crois, vers le 15 décembre 1944. J’étais à Paris avec mes camarades du Comité Départemental de Libération Nationale, prenant part aux travaux du congrès qui rassemblait tous les comités départementaux de France, lorsque j’appris qu’une « immonde feuille de chou » avait été répandue dans certaines boites aux lettres de Grenoble. Ma première réaction fut de la dédaigner, comme nous avons toujours fait de toutes les lettres anonymes que nous avons pu recevoir. Mais, hélas, un de nos bons amis, un de nos bons camarades à qui je veux rendre ici, ce soir, un hommage : le commandant « Nal-Brunet » était mon associé dans toutes ces calomnies. Il avait, lui, immédiatement pris la décision de répondre à ces accusations par vois de presse. 148 Rentrant à Grenoble, j’appris cette décision et, ma foi, sachant très bien et connaissant aussi le proverbe qui dit : « calomniez-calomniez, il en restera toujours quelque chose », j’ai pensé que si je ne me défendais pas, moi-même, immédiatement, l’on pourrait supposer que puisque je ne disais rien : j’étais plus ou moins compromis. C’est la raison qui fait que j’ai cru devoir répondre également par la presse et que j’ai pris à ce moment-là, après avoir consulté mes camarades, l’engagement de faire une réunion publique où nous viendrons ici, ce soir, faire appel à nos détracteurs, qui, je pense, auront le courage de monter à cette tribune pour éclairer un peu la situation. Il se peut, que dans quelques instants, je sois peut-être appelé – je dis « peut-être » - à les traiter de « sinistres comédiens » ou de « parfaites canailles », si je ne vais pas plus loin. Pour le moment, je m’en tiendrai là. Voici en quelque sorte la raison qui a motivé notre réunion de ce soir. Il m’appartient maintenant, comme notre camarade « Président » vous l’a indiqué, de vous parler du « Vercors », d’en parler assez rapidement. Ce n’est pas dans une soirée que l’on peut retracer toute l’histoire du Vercors et je n’ai pas la prétention de pouvoir le faire seul, car je sais, que pour cela, il faut faire appel à bien des hommes qui ne sont pas présents, parce qu’il y en a encore qui sont en Italie, dans les prisons italiennes peut-être, nous le supposons, et nous le souhaitons, à moins que toutefois, ils soient morts, aussi. Il y a là-bas, un des précurseurs du Vercors. C’est notre camarade Mathieu et ma foi, je ne sais pas si j’ai le droit de donner ici son nom propre. Je m’abstiendrai de le faire, car je dois vous dire que je ne citerai des noms de camarades que chaque fois que j’aurais été autorisé à le faire parce que, dans les circonstances présentes, quelque fois la situation qui évolue tous les jours de plus en plus favorablement, il n’en reste pas moins qu’il y a encore des camarades qui, les uns par modestie, veulent rester dans l’obscurité, et d’autres peut-être, aussi parce qu’ils craignent encor certains revers que nous ne craignons pas, nous. Ce qu’a été le Vercors ? Il faut peut-être remonter à une période plus éloignée. Il faut d’abord que je vous dise en quelques mots comment il a pris naissance. Je pense qu’il y a dans cette salle beaucoup d’anciens résistants, parce que vous me permettez tout de même, et là je demande l’indulgence de la société, - vous me permettez, et ça a toujours été notre habitude de dire ce que nous pensons – c’est qu’au moment de la Libération, nous avons été, nous, les véritables résistants, plus ou moins surpris, par le nombre considérable de gens qui, se sont couverts de drapeaux, et couverts de gloire, alors que bon nombre parmi eux, étaient pour nous, de célèbres inconnus. 149 Je dis par conséquent que je veux remonter presque à l’origine. Je citerai quelques noms et vais vous dire comment a pris naissance le Vercors. C’était vers la fin de 1941, au moment où déjà nous militions par des moyens plus ou moins favorables, parce qu’il faut bien dire que les véritables résistants le sont depuis 1940. Ils ont toujours eu foi dans les destinées de notre pays et ils n’ont jamais cru à la victoire allemande … [illisible] nous ne pouvions pas supposer qu’une République qui, certes, méritait d’être modifiée et nous en parlerons peut-être tout à l’heure – ne pouvait pas disparaître – ne pouvait pas être battue et que nos libertés ne pouvaient pas nous être ravies, par une horde sanguinaire qui venait de l’autre côté du Rhin. A ce moment là, nous avons déjà fait l’impossible, mais véritablement – le Vercors a pris corps au lendemain d’une réunion que nous avons tenue dans un café situé rue de Polygone où il y avait là cinq hommes. Je ne veux pas dire leurs noms, mais je citerai notre camarade Mathieu, notre camarade Déshières. Je ne peux parler de lui parce qu’il est encore déporté quelque part en Allemagne et nous ne savons pas du tout où il peut se trouver, si toutefois, comme bon nombre de nos camarades, il n’est pas mort lui aussi. Un quatrième personnage : Ferrafiat garagiste et moi-même. Ça a été la première réunion qui a donné naissance véritablement à la Résistance et aux Francs-Tireurs de l’Isère. Ensuite sont venus s’ajouter à nous, des hommes qui sont ici sur cette tribune. Je m’excuse auprès des camarades dont je ne citerai pas les noms ici, ce soir, car il m’est impossible de me rappeler tous ces noms. Voici dans quelles conditions est né le « Vercors ». Comment d’abord avons-nous opéré ? Nous avons immédiatement cherché des liaisons à Lyon. Nous n’étions, à ce moment là, pas encore les Francs-Tireurs de l’Isère, mais en cherchant ces liaisons à Lyon, nous sommes tombés sur une organisation de Francs-Tireurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes devenus les Francs-Tireurs de l’Isère. Nous aurions aussi bien pu appartenir à « Combat » ou à toute autre organisation. Comment avons-nous vécu dans les débuts ? Et c’est là où je vais commencer à toucher la corde sensible. C’est là où nous allons pouvoir démontrer l’emploi des millions que l’on nous reproche d’avoir enterrés quelque part, soit en Angleterre, soit dans certains cimetières, soit aussi dans une banque de Villard-de-Lans qui était tenus part notre camarade Edouard Masson, ici présent, où il y a paraît-il un compte de trois millions. 150 Je vais commencer, dis-je à toucher la corde sensible parce que c’est uniquement d’aumônes que nous avons vécu. C’est en quémandant auprès de nos camarades, c’est en tapant aussi, permettez-moi de vous le dire, dans notre modeste bourse. Voilà où nous prenions l’argent, notre argent, au début tout au moins. Et puis, comment avons-nous pu continuer à vivre ? Il est certain, et vous devez bien-sûr le supposer, que nous avions besoin tout de même de quelques deniers pour pouvoir accomplir notre mission et jouer notre rôle. Il est certain que si nous n’avions pas eu un centime en poche, nous aurions été appelé à sombrer. Par conséquent, il fallait employer d’autres moyens. Nous avons à ce moment-là organisé des collectes et nous devons déclarer que c’est surtout à Villard-de-Lans, parmi l’élite de l’élément israélite de cette région que nous avons rencontré au début le meilleur accueil, et c’est grâce à eux, je ne suis pas antisémite et ne voudrais pas l’être, et ne voudrais pas ici, non plus faire l’apothéose en quelque sorte des Juifs, mais il faut reconnaître qu’au début de l’organisation, ils nous ont été d’un précieux concours. Quels étaient donc les hommes, qui à ce moment-là, étaient à la tête de notre organisation ? Là il m’appartient tout de même de citer des noms : Il y avait en premier lieu, celui que je vous ai indiqué tout à l’heure que nous appelons à ce moment-là « Mathieu ». Il a été pris comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure et emmené en Italie. Il y avait ensuite les hommes qui sont ici, à cette tribune : Edouard Masson, Léon Martin. Il y en avait d’autres à Villard-de-Lans. Il y en avait à Pont-en-Royans, il y en avait un peu dans tout le Vercors. Mais ce qu’il y avait surtout, ce qui nous a permis de développer assez rapidement notre organisation (là je tiens à rendre hommage à tous) c’est cette population du Vercors qui a si terriblement souffert (je reprendrai une expression qui m’a toujours été chère, c’est que nous n’avons rencontré dans tout le Vercors que des francstireurs, avec leurs fusils de chasse et avec les armes que nous avons pu leur donner par la suite. […] Nous nous trouvions à ce moment-là, aux mois de février mars 1943. C’est à cette époque que nous avons eu notre premier désastre. Quatre, cinq, six de nos camarades furent arrêtés. Ces camarades furent emmenés en Italie. Mais auparavant, il faut qu’on vous dise comment sont nés les camps, chose absolument capitale. 151 C’est le 6 janvier 1943 que le 1er camp a été homologué dans le Vercors, le 6 janvier 1943 est aussi le premier camp de France. Il se tenait à la ferme d’Ambel. Vous dire les soucis que nous avons eus, les nuits passées par nos camarades de Ponten-Royans, parce que je crois que c’est là-bas que ce faisait le transit : les gens étaient pris à Grenoble et ailleurs, emmenés à Pont-en-Royans et, grâce à l’appui de nos camardes : Père Brun et d’autres dont les noms m’échappent : de Pont-en-Royans ils traversaient la nuit, à la barque la Bourne, pour être aiguillés sur St Jean-en-Royans, où une nouvelle équipe là, les reprenait pour les monter dans la forêt de Lente. […] Je vous ai parlé du premier camp, mais immédiatement après de nombreux camps se sont installés et nous ne parlerons pas de tous, nous parlerons simplement de ceux de Méaudre, de ceux d’Autrans, de ceux des Allières, de ceux de Saint-Martin-en-Vercors, du camp des Combes, des camps de Vassieux etc… etc… tant et si bien qu’un moment donné nous avions douze camps groupant ensemble sept à huit cent hommes qu’il fallait ravitailler uniquement au marché noir. On peut dire que nous avons été des marchés-noiristes, je le reconnais bien volontiers. C’était une nécessité du moment, nous ne pouvions pas faire autrement. Nous avons payé des pommes de terre jusqu’à 20 francs le kilo et nous les achetions par centaines de tonnes à ce moment-là. Nous avons également acheté des armes. Nous avons connu de bons armuriers qui, peut-être maintenant déclarent être des Résistants, mais qui n’hésitaient pas à nous vendre un revolver 7/65 : 1400 f. Nous en sommes par conséquent à la formation des camps. Les difficultés inouïes, insurmontables, de ravitaillement se sont révélées immédiatement. […] J’en arrive au 26 mai 1943, c’est là le désastre de Pont-de-Claix. […] Voici, par conséquent, où nous en sommes au mois de mai 1943. A ce moment-là non seulement les camps ont été obligé de se disperser, mais toute l’équipe de commandement s’est trouvée recherchée. C’est que le comité de « Combat » dont je vous ai parlé, il y a quelques instants, et qui avait dans une assez large mesure, remédié à nos inconvénients d’ordre financier, avait été, lui aussi, obligé de se disperser, et là j’ouvre une parenthèse. J’ouvre une parenthèse pour vous dire comment nous avons pris contact avec ceux que nous appelons : « le comité de Combat ». 152 Je vous ai indiqué comment avaient pris naissance les camps. Je vous ai indiqué comment, dans les premiers moments, nous avons pu remédier à tous les inconvénients et quel est l’appui financier que nous avons eu. Il faut que je vous déclare maintenant qu’au moment où nous avons penser envoyer dans le Vercors des hommes pour les soustraire au Service du Travail Obligatoire, au même moment dis-je, d’autres hommes avaient songé faire du Vercors (il faut tout de même employer les mots tels qu’ils sont) un pied à terre à l’intérieur des terres, une tête de pont à l’intérieur des terres. Des hommes qualifiés s’étaient rendus compte de la valeur stratégique de cette enceinte fortifiée naturelle, car le Vercors est un plateau riche où l’on trouve à peu près tout, où le ravitaillement est relativement facile. Ce plateau n’est pas mal desservi par plusieurs routes et également bien protégé parce qu’il est entouré de montagnes abruptes avec des falaises infranchissables. A ce moment-là, des hommes dont je n’ai pas à citer les noms, ici, ce soir, parce que je n’ai pas pu à temps leur demander l’autorisation avaient pensé faire du Vercors ce que je viens de vous dire, et c’est à ce moment-là que nous avons pris contact avec eux. […] Voici dans quelle situation nous nous trouvions. Alors qu’aidés par ces camarades, financièrement, nous avons pu tenir pendant quelques mois, lors du désastre de Pont-de-Claix, ce comité a été obligé de se volatiliser. Exactement pourquoi ? Nous n’en savons rien et nous ne voulons même pas chercher à le savoir. Nous ne voulons pas chercher à le savoir parce que tous ceux qui ont fait de la Résistance savent parfaitement bien quels étaient les engagements que nous prenions et que nous devions tenir, savoir : « que nous ne pourrions pas en vouloir à nos camarades, ou a un camarade, qui à la suite de tortures, aurait même donné le nom d’un autre camarade ». Voici pourquoi ces gens du « Comité de Combat » ont été obligés de se disperser, car sans doute recherchés. Fort probablement, parce que, quelqu’un de nos camarde qui aurait été pris, dans les tortures qu’il aurait subies, avait probablement lâché quelques noms. Mais ce « Comité de Combat » en se dissolvant, nous enlevait tous les moyens financiers. Nous n’avions plus de possibilité de travailler et c’est la raison pour laquelle « Jacques » dont je n’ai pas encore parlé, Jacques a immédiatement pris la succession de Mathieu parce qu’alors Mathieu est parti – les camarades le savent – et il faut bien que je retrace ce passage, à seule fin qu’il n’y ait pas d’équivoque. 153 Avant que Mathieu ne soit pris, il m’avait écrit et c’est Germaine dont je parlerai tout à l’heure, qui m’avait remis la lettre – et m’avait indiquer que je devais personnellement le remplacer en tout et pour tout. Mais, devant les circonstances, devant l’impossibilité de réaction, devant l’impossibilité de pouvoir faire vivre nos camps, « Jacques » a pris la sage résolution de renvoyer dans les fermes, de renvoyer même chez eux, certains de nos camarades, parce que nous n’avions pas la certitude absolue de pouvoir continuer à les alimenter. Fort heureusement, les événements se sont déroulés d’une façon favorable. Nous avons pu très rapidement reprendre contact avec des gens qui nous avaient aidés et nous avons pu très rapidement réorganiser nos camps. […] A ce moment-là, la situation financière s’avérait toujours difficile. Nous ne recevions à nouveau plus rien, absolument rien. Le commandant Rouvier touchait de l’argent pour la nourriture de ses camps, mais nous ne touchions absolument rien pour l’entretien de ce que nous appelions nos « Compagnies Civiles ». Parce qu’en dehors des camps, nous avons fait une énorme prospection dans toute la région qui entoure le Vercors. Nous étions dans les granges, dans les loges à cochons, dans les écuries, faire des réunions publiques. Nous étions allés pour prospecter, pour constituer nos compagnies civiles. Celles-ci étaient commandées par un officier chaque fois que nous le pouvions. Il se révélait qu’il était nécessaire de donner à ces hommes un entraînement intensif. Et nous avions fait des exercices de cadres. Nous voulions faire et nous avons fait de l’entraînement sur le terrain, nous voulions faire et nous avons fait du maniement d’armes. Mais pour cela, il fallait des hommes qui s’en occupent constamment, d’où la nécessité de payer ces hommes. Impossibilité pour nous de le faire puisque nous n’avions pas d’argent. 154 HISTORIQUE DU 1er CAMP DU VERCORS, LE C.1 Ce témoignage est consultable à la Bibliothèque Municipale de Lyon dans le fond Fernand Rude. Témoignage de M. Pierre BRUNET Né le 17 novembre 1912 Chef de ce camp Témoignage recueilli par A. VINCENT-BEAUME COMMISSION D’HISTOIRE DE LA RESISTANCE, DROME Fait prisonnier en 1940, j’étais en captivité dans la citadelle de Laon (Aisne). Je m’en évadai en juin 1941 et revins chez moi à Pont-en-Royans. Je revis souvent alors un de mes amis d’enfance, PUPIN, qui pendant 4 ans avait été mon condisciple et mon voisin. En 1941, il tenait un café, rue du Polygone à Grenoble mais venait souvent à Pont-en-Royans. Nous avions les mêmes sentiments vis-à-vis des occupants et vis-à-vis des autorités vichyssoises. PUPIN m’appris que sous le nom de MATHIEU il était un des dirigeants du mouvement Franc-Tireur dans l’Isère. Il m’incorpora dans son mouvement en 1942, me fit connaître des camarades de ce mouvement dont le docteur Jacques SAMUEL de Villard-de-Lans, de son frère Simon, de Victor HUILLIER, etc… Ils me chargèrent dans la région de la distribution de journaux clandestins et de tracts. Pendant l’été 1942, nous avons appris qu’à St-Jean-en-Royans, s’était constitué un groupement de Résistants dépendant du Mouvement Combat, dont le chef était M. MALOSSANE, Directeur d’Ecole. Nous somme entrés en contact avec ce groupement et nous nous sommes promis de nous aider mutuellement et de nous communiquer nos informations. La propagande résistante se faisait sans prendre beaucoup de précaution dans cette région favorable à nos idées. Mais dès le 1er novembre 1942 le mouvement fut obligé de donner un coup de frein, des inspecteurs de la brigade spéciale d’Annecy étant venus enquêter au sujet de menées antinationales et de diffusion de tracts. Quelques jours après la zone sud de la France était occupée et le S.T.O. posa un grave problème. 166 Nous tînmes à ce sujet de nombreuses réunions. La propagande de Londres conseillant à ceux qui étaient désignés pour le S.T.O. de ne pas partir fut entendue, ainsi que celle que nous faisions dans la région. De Grenoble, de Romans on nous signale de nombreux réfractaires et on nous demande de les cacher. On put en cacher quelques-uns dans les fermes, mais ce moyen était limité, d’autant plus qu’en cette saison les réfractaires ne pouvaient rendre que très peu de services. Nous pensions que là où nous pourrions en cacher beaucoup c’était dans les exploitations forestières. Pour abattre les arbres, pour le transport, etc… il fallait un personnel nombreux, difficile à contrôler parque dispersé dans les bois. D’autre part les réfractaires en faisant preuve de bonne volonté pouvaient gagner leur subsistance. Sur le conseil de Jacques et de PUPIN, je sollicitai un emploi de sous-directeur, à la Société forestière exploitant la forêt d’Ambel. Cette forêt appartenait à quatre propriétaires différents : Victor HUILLIER et GLAUDAS de Villard-de-Lans, qui partageaient nos idées et étaient au courant de ce que nous voulions faire et de GRANIER de Briançon et GUILLET de Grenoble, qui ignoraient tout et qui d’ailleurs ne venaient jamais voir la forêt. Je fut donc nommé sous-directeur de l’exploitation et chargé des questions matérielles de nourriture et logement du personnel, comptabilité, embauche. Le directeur était chargé de l’exploitation de la coupe. C’était un capitaine de réserve nommé BOURDEAUX. Au début nous l’avons tenu à l’écart de nos agissements, nous nous sommes même méfiés de lui. Mais, par la force des choses j’ai été obligé de le mettre au courant et il a accepté de participer à notre travail de planquage. Je me mis en relation avec des organisations officielles à Romans, à Valence, avec des mairies, je me procurais des tampons et j’établis pour chaque réfractaire un jeu de papiers parfaitement en règle. Pour le ravitaillement j’eus une entrevue avec M. MALOSSANE de StJean-en-Royans, chef du mouvement Combat. Je le mis au courant de nos projets, il parut enchanté et immédiatement convoqua plusieurs de ses amis. Il leur demanda de se mettre à notre disposition et de nous aider au maximum dans la mesure de leurs moyens. Il me présenta à un boulanger, à un épicier, etc… À partir de ce moment, nous avons toujours travaillé en collaboration intime avec le groupe Combat de St-Jean-en-Royans. […] Pour rejoindre Ambel les réfractaires n’y venaient pas directement. Nous avions organisé des filières que devaient suivre obligatoirement ceux, qui après une rapide enquête de camarades bien placés à Grenoble, à St-Marcellin, à Romans, à Valence, etc… étaient 167 autorisés à rejoindre le Camp. Les filières aboutissaient chez Louis BRUN de Pont-enRoyans. Celui-ci, avec quelques amis, avait pour mission de nous les amener, après leur avoir fait traverser la Bourne en barque en leur faisant emprunter des itinéraires compliqués utilisant les sentiers et évitant les routes. […] Je signale en passant que les autres chefs de camp du Vercors ont pu nourrir leur personnel grâce à des indemnités journalières qu’ils touchaient pour leurs hommes et grâce aussi à des services qui avaient été organisés pour l’ensemble des Camps. Personnellement je n’ai jamais reçu d’argent du trésorier des camps, ni bénéficié des services du ravitaillement. J’ai nourri mes hommes avec le prix de leur travail. Les fausses identités que je leur avais fabriquées me permettaient d’ailleurs de me procurer beaucoup de choses régulièrement. D’autre part le travail étant préférable à l’oisiveté le moral dans l’ensemble à été bon au C.1. Avant de terminer cette question du ravitaillement je signale que je m’étais entendu avec M. ROBINEAU de Grenoble qui avait un troupeau de bovins à Ambel. Il m’autorisait à faire abattre des bêtes pour la nourriture de mon personnel lorsque je ne pouvais faire autrement. C’est ainsi que j’ai eu la possibilité d’assurer le ravitaillement de mon personnel en viande pendant la clandestinité et ensuite pendant l’affaire du Vercors. 168 TEMOIGNAGE DE PAUL BELMONT Témoignage de Paul Belmont daté du 3 novembre 1976, consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36. « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 » Nous arrivons à Villard-de-Lans en septembre 1940, après un long exode à travers la France, bien décidés à ne plus bouger, quoi qu’il arrive. Rapidement se constitue une équipe de chrétiens décidés de contribuer au redressement de la France, selon leurs moyens. Le curé Paturle, de nombreux réfugiés (certains sont célèbres aujourd’hui) le chef des chantiers de jeunesse, Nouvel, et ses adjoints. Il existe de nombreux juifs sur le plateau. Certains sont très riches : ils ont des billets de banque, de l’or, des pierres précieuses. J’enseigne au cours St Louis, replié de Paris à Villard-de-Lans. On applique le programme du Maréchal : travail, famille, patrie, salut aux couleurs chaque lundi. Il y a des élèves dont les pères ont été tués au combat et qu’on charge de hisser les couleurs. Des visites – le général Huntziger, ministre de la guerre, nous commente l’armistice, accepté « dans l’horreur » et nous exhorte. Un choc : Montoire. Longs commentaires dans Villard-de-Lans. Il est chrétien de se sacrifier, mais quelle suite aura cette poignée de main ? Les années 1941 et 1942 sont, semble-t-il, sans histoire. On essaie de vivre, de manger… Je fonde mon collège en juillet 1941 et j’essaie de former une jeunesse valable pour je ne sais quelle tâche. Les chantiers de jeunesse font de bon travail ; forêts, sentiers, etc. Trois professeurs du collège et plusieurs élèves sont juifs, en général avec des noms d’emprunt, des états-civils falsifiés, et même des certificats de baptême ! A partir de 1943, on commence à rencontrer dans les forêts et les alpages des figures inattendues, certaines assez inquiétantes. Un de mes élèves de Première disparaît ; je préviens la famille ; ce n’est pas une fugue, il est parti dans les bois, avec qui ? La famille ne peut pas me renseigner. Le général Marion, père de mon élève, préfet de Haute-Savoie, est assassiné à Annecy. 169 A une date que je ne puis préciser, de jeunes hommes, armés, entrent dans mon bureau. « Nous sommes les Résistants. Etes-vous pour nous ou contre nous ? » Je n’ai pas de peine à comprendre qu’ils veulent mon adhésion, peut-être même mon départ avec eux. Je n’ai pas de peine à leur montrer que c’est impossible. Le 6 juin 1944, je suis allé ramasser des fleurs dan la montagne ! En rentrant à Villardde-Lans je rencontre les motos pétaradantes, tout le pays en effervescence. Le débarquement est commencé, c’est la libération. À partir de ce moment, c’est le va-et-vient, ce sont les départs, les retours, beaucoup de têtes nouvelles. Un matin c’est la mobilisation générale. Beaucoup acceptent de partir, d’autres sont entraînés sans bien le vouloir, quelques-uns (rares) osent refuser. Je n’ai pas eu à me prononcer car on ne m’a rien demandé. J’aurais refusé à cause de mes responsabilités (famille, collège). 170 LA RESISTANCE A MEAUDRE « La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14. Dès juin 1942, Georges BUISSON et Léon VINCENT-MARTIN, entrent en contact avec la Résistance par Jean GLAUDAS à Villard-de-Lans. Ils participent avec Mathieu REPELLIN, Marcel ROCHAS (dit Tiotio) et SAVIOUX l’instituteur, à une réunion au restaurant de Théo RACOUCHOT à Villard-de-Lans où se trouvent Jean GLAUDAS, Edouard MASSON ? Marius CHARLIER le percepteur, Jo BEAUDOING, les frères HUILLIER, Baptiste CONVERSO. Fin 1942, CHARLIER cherche une « planque » pour les jeunes réfractaires. Léon VINCENTMARTIN lui propose d’utiliser la « Maison du Cru » (maison de l’accoucheuse Mme REPELLIN-VILLARD) à Méaudre. CHARLIER effectue les démarches nécessaires et fin mars 1943 l’occupation est effective par les réfractaires rejoints par cinq jeunes de Pont-enRoyans. C’est le début du Camp 3 (C3) qui un peu plus tard est mis en émoi par un groupe de soldats italiens venus « en manœuvre » à Méaudre, et qui se dirige droit vers la « Maison du Cru »… puis la dépasse en continuant plus loin sa manœuvre. Ouf ! Mais le 20 mai, une troupe plus importante débarque sur la place de Méaudre. L’alerte fonctionne et le C3 déjà replié sur la baraque des Feuilles se réfugie plus haut sur la baraque d’Achieux en direction de Gros-Martel. À la même époque le C5 venu du Rousset vient s’installer à Gros-Martel, commandé par le lieutenant BILCKE (dit DUPUY), il est soutenu par l’intendance de Méaudre, le lieutenant RUETTARD, commandant à la fois le C3 et le C5. En novembre 1943 trois groupes civils se sont constitués à Méaudre : 1er groupe de : Georges BUISSON, Joseph REPELLIN, Raymond GAMOND, Paul DURAND-POUDRET, Léon DURAND-POUDRET, Emile CHABERT, Joseph COING, Fernand BUISSON, Pierre ROCHAS. 2ème groupe de : Léon VINCENT-MARTIN, Marcel FANJAS, Constantin RVIX, Paul GRIAT, Marcel REPELLIN, Pierre RECOLLIN-BELLON, Gaston SUBLET, Déléon GODARD. 171 3ème groupe de : Mathieu REPELLIN, Albert REPELLIN, Paul REPELLIN, Georges THYBAUD, Léon REPELLIN, Louis GUSMINI, Camille ROCHAS, Paul WALPERSCHVYLER. Ces groupes sont aidés par les deux secrétaires de Mairie, Valentine REPELLIN et MarieLouise DURAND-POUDRET et ils suivent l’instruction militaire donnée par le sergent Georges BUISSON. Ils ont assuré la garde de nuit dans les Gorges de la Bourne à la fin de l’année 1943. Le 9 mars 44 le C5 perd quatre de ses membres fusillés par les Allemands à BeauregardBarret : le lieutenant RUETTARD, le lieutenant BILCKE (DUPUY), PRIANT (dit Fils), et BROYER (dit Marco). Le groupe-franc de Villard-de-Lans, crée par Jo BEAUDOING à été formé à Méaudre par Georges RAGACHE, puis dirigé par Georges RAVINET. Il est composé de Jo BEAUDOING, Georges RAGACHE, Georges PETITPAS (dit Gaston), Paul FUSTINOLI (dit Charipe), Geneviève GAYET (dite Germaine) et Charlotte MAYAUD. Ce groupe-franc est renforcé par des éléments du C5 et des groupes civils de Méaudre, a assuré le 25 janvier 1944 la sécurité de la très importante réunion des chefs de la Résistance de l’Isère, dite « REUNION MONACO » qui s’est tenue chez Tiotio (Marcel ROCHAS et ses sœurs), Hôtel de la Poste à Méaudre, pour constituer la COMITE DEPARTEMENTAL DE LIBERATION NATIONALE et programmer la suite des actions axées sur la guérilla. Le 26 mars 44, ce groupe-franc, au cours d’une intervention difficile où Georges RAVINET fut gravement blessé, ramena de Saint-Nizier les corps d’Henri TARZE (Bob) et Jean BOCQ (Jimmy) tués par les Allemands. Lors de la fondation de l’Association Nationale des Pionniers par Eugène CHAVANT (Clément) en 1944, les résistants de Méaudre y ont adhéré, formant ainsi la Section de Méaudre. En 1985, après la disparition de Georges BUISSON, les sections voisines et amies de Méaudre et Autrans ont fusionné en une seule Section Autrans-Méaudre, pour mieux assurer comme au temps de leur combat commun, leur solidarité et leur force dans le « devoir de mémoire ». (Renseignements recueillis auprès de Léon VINCENT-MARTIN par André ARNAUD et Jean CONTAT). 172 LE PREMIER PARACHUTAGE. ARBOUNOUZE, NOVEMBRE 1943 « Le premier parachutage. Arbounouze 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°92, janvier 1996, pp.9-12. […] Tout commence le 10 novembre, à 16 heures, quand la dite équipe, qui se trouve à Méaudre, entend à la radio un message attendu depuis plusieurs lunes : « Nous allons visiter Marrakech ». Rappelons la procédure : un premier message simple émit le matin annonce la probabilité du parachutage pour la nuit suivante. Le message répété dans la journée selon la formule « Je redis, etc. » confirme l’opération. Hélas, nos camarades n’ont pas capté le premier message et n’ont donc pas pris les dispositions préparatoires. Alors, tout s’accélère. Une course contre la montre commence pour Léon Martin, Georges Buisson et Ernest. D’abord dénicher de l’essence (denrée rarissime en cette période de pénurie) pour l’automobile qui doit les amener au pied du plateau. Ensuite, foncer sur St-Martin-en-Vercors par la route heureusement sans neige. Là, ils prennent Roche qui les attend avec les sacs d’herbe sèche et de brindilles destinées à allumer les feux de balisages. Puis c’est la marche forcée dans la nuit vers la hauteur d’Arbounouze. Lorsqu’ils parviennent à la prairie, ils n’en croient pas leurs oreilles. On entend un ronronnement lointain d’avions : les voilà ! A quelques minutes près, le rendez-vous était manqué ! Tout se passe très vite. On court pour baliser le terrain et allumer les feux. Les avions débouchent brusquement de la crête boisée, par le sud, dans la clarté de la plaine lune, surprenant l’équipe encore sur le terrain et qui n’a pas le temps d’émettre avec la lampe torche le signal convenu (un point, deux traits). Les appareils volent si bas qu’instinctivement les hommes baissent la tête. Ils sont quatre qui se succèdent en lâchant les containers dans le claquement soyeux des parachutes qui s’ouvrent. Fort heureusement, aucun ne se met en torche comme cela se produira en d’autres occasions, laissant choir leur charge comme une bombe. Déjà les avions ont disparu au nord. Le ronflement des moteurs s’estompe peu à peu. La prairie est maintenant parsemée de tâches sombres des containers et des flaques plus claires des parachutes multicolores étalés. Nos hommes encore essoufflés n’ont plus, si j’ose dire, qu’à rassembler la manne céleste dans un lieu plus discret et camoufler les parachutes en attendant la relève. Cette tâche les occupe le restant de la nuit avec l’aide de quelques recrues montées de Saint-Martin les rejoindre après coup. Le largage impeccable, à très basse altitude, 173 facilite le travail. Aucune charge n’est allée s’accrocher dans la forêt. La petite troupe prend le chemin du retour, harassée, mais satisfaite de la mission accomplie. Le jour se lève. […] 174 A PROPOS DE « MONACO » « A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, n°76, septembre 1991. Nous avons reçu, de notre camarade de Résistance Marie-Louise Buisson, le récit suivant qui situe très bien l’atmosphère qui pouvait régner dans un petit village de montagne à l’époque qui précéda les terribles événements de juillet 1944. En la remerciant très vivement pour sa collaboration spontanée, nous souhaitons que d’autres témoins de l’époque nous écrivent au sujet des actions qu’ils ont alors connues. C’est cela qui contribue à faire l’HISTOIRE. J’ai pu constater à l’occasion de la cérémonie du 13 juin 1991 à Méaudre que, 47 ans après, les souvenirs que je conserve de l’événement qui s’est déroulé dans cette localité, la réunion « Monaco » sont toujours aussi vivants. Pourquoi Méaudre ? Après la disparition de plusieurs responsables en décembre 1943, Benoît (Léon Chevallet) devait quitter Grenoble. Germaine nous contacta à Méaudre, Georges, Léon, Valentine et moi-même afin de trouver une « planque » sûre. Il fut convenu que je demanderais conseil mes parents pour la ferme Durand-Poudret, qui servait d’asile à trois kilomètres du village, dans ce petit hameau à proximité de la forêt et du sentier conduisant au col de Pertuzon. Mon père ne fut pas très chaud, mais lorsqu’ils se rencontrèrent, Benoît et lui, le courant passa. C’est ainsi que Benoit vécu de décembre 1943 à mars 1944 dans notre famille. Il s’entendait bien avec tout le monde, adorait ma mère. Cet hiver 43-44 fut très dur, il y eu souvent de violentes tempêtes de neige. Mais en vrais montagnards, ils se virent très souvent avec Chavant qui arrivait en début d’après-midi, s’isolait avec Benoit dans sa chambre pour leur « travail ». Chavant restait durant la veillée pour de longues parties de tarot avec mes frères : détente, éclats de rires, ils oubliaient un instant les soucis, les angoisses. Chavant repartait à pied pour rejoindre l’hôtel de la poste, « Tiotio » où il logeait. Cet hiver là, Benoit et lui se virent (presque journellement) soit au village,soit à la ferme. C’est ainsi qu’ils décidèrent que « Monaco » pouvait avoir lieu en tout sécurité à Méaudre avec la neige comme alliée. Le 25 janvier 1944, en plein jour, le groupe civil Buisson avec l’appui du C.5 hivernant aux « Feuilles » organisa la sécurité en amont (à la Croix Perrin) et en aval (aux Jarrands). Dans le 175 village, très discrètement, les gars du groupe civil veillaient. « Tiotio » lui-même, ainsi que Léon, assuraient une garde vigilante à l’intérieur de l’hôtel, rien ne filtra à l’époque. 176 LEON CHEVALLET « Souvenir », dans Le Dauphiné Libéré, ? Souvenir À l’initiative de la section des pionniers du Vercors de Méaudre, Autrans et Villard-de-Lans, une plaque a été apposée sur la maison de Désiré Durand-Poudret. Celle-ci rappelle les services rendus à la Résistance par la famille de Jules Durand-Poudret. Comme d’autres sur le Vercors, cette famille a pris de gros risques à cette époque, notamment en hébergeant des résistants. Pour la famille Durand-Poudret, il s’agit entre autres de Léon Chevallet, alias Benoit, chef de l’exécutif de la France combattante créée par le docteur Valois. Après avoir échappé de justesse à l’arrestation qui devait coûter la vie du Dr Valois, à Bistesi, Doyen-Gosse, Pain, Carrier et Perrault, il se réfugia à Méaudre où il remit sur pied un nouvel état-major. Léon Vincent-Martin, au nom des pionniers, a rappelé ensuite le rôle important de la famille Jules Durand-Poudret pendant cette période dramatique et ajouta ses remerciements à ceux de M. le maire pour Jeanine et Désiré qui ont accepté que cette plaque du souvenir soit apposée sur leur maison. « Portrait Léon Chevallet », dans Le Pionnier du Vercors, ? Dans les années 30, Léon Chevallet est gérant d’une coopérative d’alimentation à la cité jardins Paul Mistral dans la banlieue ouest de Grenoble. Il est socialiste, mais en septembre 1939, au lendemain de l’interdiction du Parti Communiste, il aide les militants à « planquer » le matériel de la fête du « Travailleur Alpin » en préparation au stade Bachelard tout proche, avant l’intervention de la police. Cela dénote en lui une énorme générosité et une absence totale de sectarisme. Mieux encore, fin décembre 1940 et début 1941, il paiera de sa poche un grand avocat pour assumer la défense de jeunes communistes du quartier traduits en correctionnelle pour activités antiVichystes. Il prit également à sa charge les frais d’obsèques de l’un des jeunes militants (Paul Rolland) décédé à sa sortie de prison. Un tel caractère ne pouvait pas ne pas réagir à 177 l’armistice honteux conclu par Pétain, et lui, ancien combattant de 14/18 à 50 ans, il s’engage de toutes ses forces dans la Résistance et camoufle son nom sous les pseudonymes de Benoit ou Laroche, ou Bayard. Dès novembre, il tient les premières réunions avec le Dr Martin, Léon Perrier, le Dr Valois. En mai 1941, Léon Perrier est arrêté chez lui Place Jean Macé à Grenoble au cours d’une réunion clandestine ; Chevallet s’échappe de justesse. Les contacts se précisent : on distribue le journal « Vérité » en liaison avec Batistin (Combat), le colonel Henri et le doyen Gosse, aux côtés d’André Dufour, Paul Monval et Roger il participe à la création du Front National de la Résistance, dans l’Isère. En novembre 1942 il contribue à récupérer les armes de l’armée d’armistice et les camoufle tant chez lui que chez des amis. Dès l’envahissement de la zone sud l’organisation se précise : Création de la France Combattante avec Chavant-Dufour-Weber-Coquat. En juillet 1943 c’est l’organisation de l’AS avec Aubry. Les premiers de fin 42 s’équipent péniblement au Plateau St Ange-Maleval- Vercors. Un comité exécutif de la France combattante est créé avec le Dr Valois- PEL (FTP)- Chevallet (FN). C’est sous l’instigation de ce comité exécutif que se feront tous les coups de main qui ont rendu Grenoble célèbre dans la Résistance. Ce sera : Nov 43- L’expédition du polygone et sa destruction partielle (Groupe NAL et Requet). Le 2 décembre 1943- en liaison avec les Yougoslaves de la caserne de Bonne l’explosion à jamais célèbre. Entre temps l’Etat Major de la Résistance est décapité par l’arrestation et la mort ou la déportation du Dr Valois- Bitesi- Doyen Gosse- Pain- Carrier- Peraut. Chevallet y échappe par miracle et se réfugie à La Tronche d’où il remet sur pied un nouvel Etat Major. Complètement « grillé » à Grenoble il se rend au Vercors à Méaudre où se tient la fameuse réunion « Monaco » (février 44) ayant pour but la mise sur pied de l’organisation du Comité Départemental de Libération avec M. Chavant, capitaine de Reynies- commandant Le RayVernet- Sibellas- etc. Nommé responsable du Comité Départemental il fait jusqu’en avril 44 les liaisons nécessaires à Grenoble du Grésivaudan en Romanche. Il met sur pied l’évasion de Bercier de Chaudesaigues (cantal) et la mène à bien le 4 avril 44. Au retour, il récupère des armes à Beaurepaire. Enfin, le 5 mai 44, il prend son P.C. avec Vauban à Laval puis Glapigneux. De ce P.C., adjoint de Vauban, il dirigera les actions qui firent la gloire du Secteur VI- Grésivaudan et permirent la libération de la région sans aucune aide alliée. Léon Chevallet( Benoit) pilier de la Résistance iséroise fut l’une des plus belles figures de cette époque. Il mérite bien la place que lui ont accordée les initiateurs de 178 l’exposition « un village dans la ville », tant il aura marqué de sa personnalité la vie de la citéjardin Paul Mistral. 179 LA BOULANGERE FEMME DANS LA RESISTANCE « la boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, n°81, décembre 1992. Nous qui avons eu le privilège de la côtoyer, de l’apprécier, pour l’exemple, la modestie, le courage, le calme apparent, dont elle a fait preuve pendant si longtemps, nous devons en parler. C’est notre DEVOIR. Veuve de la première guerre mondiale, elle avait pensé un moment que Munich sauverait la PAIX, mais les premiers discours de Pétain ont éclairé bien des gens. Un monsieur « haut placé », en vacances au village, essayait de lui expliquer que Pétain faisait ce qu’il pouvait ; elle le conduisit devant le monument aux Morts de 14-18 : « Voyez la liste, 152 noms, pourquoi sont-ils morts ? Si j’avais été Pétain, je me serais fait couper les deux mains plutôt que de signer cette capitulation sans conditions ». « Lorsque la Résistance nous a contacté, mon fils, la famille, nos employés, tous nous nous sommes mis à la disposition de la Résistance ». Ici, nous pourrions ouvrir un questionnaire, combien des camps 3 et 5 tous jeunes, pourraient parler de la boulangère ? La liste serait très longue. Ils étaient accueillis, nourris, réconfortés, accompagnés vers la sortie « de secours » du fournil, le jardin ensuite, puis le sentier conduisant à la forêt. L’accueil et le doux sourire de la boulangère aux cheveux blancs étaient inoubliables. Par contre elle savait très bien jouer la comédie et jouer le change. Un certain jour, elle fut confrontée à un contrôleur du ravitaillement général. Celui-ci voulait à tout prix la persuader, lui expliquer qu’il lui manquait des tickets de ravitaillement pour l’équivalence de dix balles de farine. « Que voulez-vous que je vous dise ? J’ai collé tous vos tickets, je n’en ai oublié aucun et je n’y comprends rien à votre système ». Elle s’énerva, se fâchant tout rouge. De guerre lasse, le contrôleur sortit en secouant la tête et en pensant que cette femme était retombée dans l’enfance et qu’elle ne comprendrait jamais rien. La boulangère respira profondément, rentra dans sa cuisine, posa son fameux lorgnon et dans une explosion de joie : « Ouf, je l’ai bien eu ». Comme toute maman, elle vécut l’occupation, les humiliations des occupants, la peur, le manque de nouvelles de son fils. 180 La boulangère, vous l’avez compris était la maman de Léon Martin, résistant de la première heure, et si nos amis des camps 3 et 5 eurent du pain, ce fut grâce à la petite boulangère de Méaudre. Rendons hommage à Léon Martin, discret, efficace, toujours sur la brèche, se donnant à fond pour être plus tard, beaucoup critiqué. Notre boulangère est partie à 80 ans, discrètement, sans honneur, sans décoration, et repose dans le cimetière de Saint-Egrève, village où elle est née. Nous qui avons eu le privilège, à l’époque d’être un peu ses enfants, nous ne l’oublierons jamais. C’était une grande Dame, notre boulangère. Germaine et Marie-Louise. 181 AUTRANS DANS LA CLANDESTINITE « Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, n°55, juillet 1986, pp.19-21. Après la libération, un document établi par les résistants d’Autrans, qui résumait l’action du groupe de cette commune depuis la fin de 1942 jusqu’au mois d’août 1944. Ce document était déposé à la mairie d’Autrans le 10 février 1945 et nous en donnons ci-dessous la teneur complète et littérale. Nous avons demandé à Robert Sechi (Roméo) qui commanda à l’époque le camp C.3, d’apporter à ce texte les compléments, précisions et observations qu’il jugerait utiles. Nous les avons portés en renvois. Vie de la section d’Autrans dans la clandestinité En novembre 1942, un sous-officier de réserve est présenté pour former un groupe « Franc-Tireur ». Aussitôt il se met à l’œuvre, rassemble quelques camarades sûrs et éprouvés, dont beaucoup ont reçu le baptême du feu. La liaison est assurée par Jacques. Petit à petit, le groupe grossit et compte quinze camarades. Notre rôle se borne à quelques petits coups de main et surveillance. Arrive le S.T.O. Quelques citadins arrivent dans le pays pour se soustraire à la déportation, nous les dirigeons sur le maquis en formation. Par la suite, des jeunes gens du pays sont astreints au travail obligatoire. Nous organisons un maquis dans les bois et tous ces jeunes grossissent notre formation locale. En mars 1943, nous cachons pendant quelques jours le chef Mathieu traqué par les Italiens. En mai 1943, les Italiens font une opération sur le plateau. La liaison est perdue quelque temps, mais Germaine rétablit le contact entre les groupes. Le camp C.3, le plus ancien des maquis du Vercors, s’établit à Autrans pendant toute l’année 1943. Notre groupe leur apporte, ainsi qu’au camp de Sornin commandé par le lieutenant Raoul une aide précieuse. Les transports, fournitures diverses et services sanitaires sont mis à leur disposition. En novembre 1943, le lieutenant Ruettard, du 153e RIA, très connu et estimé dans le pays, prend le commandement des camps pour la zone nord et devient d’un précieux appui pour notre groupe. 182 En janvier 1944, un sergent-chef prend le commandement du groupe. Nous faisons 35km à skis pour nous approvisionner en armes et munitions encore bien réduites : grenades, mitraillettes, mortier. Un nouveau camp, le C.1, s’installe dans le pays. Nos camarades se font un plaisir de leur monter le ravitaillement. Au début mars, on nous signale une opération imminente contre le Vercors. Les armes sont mises en sécurité, les camps étant obligés de se disperser. Notre groupe nettoie les baraques des maquisards, camoufle leur matériel. Nos réfractaires se dispersent, beaucoup se réfugient dans la plaine. […] En avril 1944, nous attendons notre premier parachutage. Le temps est mauvais, le plafond bas, les avions ne viennent pas. A quelque temps de là, nous recevons le message. La nuit est superbe, la lune illumine notre terrain d’atterrissage, les containers nous arrivent par dizaines. Cette fois-ci, nous serons armés. Nous étudions le maniement des armes anglaises et pour cela, nous faisons appel à l’adjudantchef en retraite Esch, père de cinq enfants, pour l’instruction des jeunes du groupe. Celui-ci commandera notre section aux combats de Saint-Nizier. Le groupe se transforme en section : trois groupes sont formés, chacun possédant un fusilmitrailleur. L’instruction se poursuit sur le terrain : exercices de combats, tir au fusil et au fusil-mitrailleur. Les parachutages d’armes se poursuivent. […] Le 13 juillet, tous les jeunes des classes 1940, 41, 42, 43 et 44 habitant la commune et ne faisant pas partie de l’équipe civile reçurent un ordre de mobilisation et tous rejoignirent les forces de résistance, soit 32 jeunes. 183 LA VIE DU C.3 A CARTEAUX. ETE 1943 « La vie du C.3 à Carteaux. Eté 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°91, octobre 1994, pp.25-27. […] Lorsque je rejoins donc le C.3 en ce début de juillet 1943, le camp y est installé depuis a mijuin et un gros travail est déjà fait. Les fondations de la bergerie effondrée ont été reconstituées pierre par pierre, un toit confectionné à l’aide de sapins coupés dans la forêt et des couchettes aménagées pour une quarantaine de personnes. Les principaux artisans en sont notre maître charpentier Charlot, les Pontois Ploc et Titou. Cependant, s’il est vrai qu’un toit représente le minimum de confort requis, la nourriture, elle, s’impose comme une nécessité vitale, c’est pourquoi le ravitaillement est organisé activement. Ce n’est pas une mince affaire de nourrir trente hommes en période de pénurie, sans tickets d’alimentation et sur une région où quatre camps ont la même nécessité. Une intendance clandestine est mise en place grâce aux précieuses complicités mises sans lesquelles aucun maquis n’aurait pu survivre. Ces complicités, c’est la filière grenobloise avec Bob et Odette, qui nous procurent des tickets d’alimentation avec risques et périls, et qui autorisent quelques achats réguliers acheminés de temps à autre de Grenoble par un transporteur résistant ; ce sont certains fermiers à qui nous achetons une vache quand nos moyens le permettent ainsi que du lait, du pain, du blé concassé. Les ressources financières sont réduites aux modestes subsides attribués à chaque camps par l’organisation de la Résistance Vercors. Grâce à quoi, nos cuistots improvisés Marcel, Fend la Bise et Bob réussissent à remplir tant bien que mal les estomacs du C.3. Sully, responsable du ravitaillement connaîtra bientôt chaque pierre des sentiers sillonnés sac au dos par d’incessants voyages, en quête d’approvisionnement. Au mois d’août, la cueillette des framboises sous le pas de la Clé ou le pas de Brochier et, plus tard, les champignons complèteront l’ordinaire. Cependant, une place particulière doit être attribuée à l’événement que constitue l’abattage d’une vache au camp, prélude à plusieurs repas copieux. Cette vache, achetée à Autrans ou à Méaudre, il faut d’abord aller la chercher et la ramener discrètement à la faveur de la nuit à travers les bois. Il convient ensuite de l’abattre sur place et la dépecer avec l’aide de Dédé Arnaud, le fils du boucher d’Autrans, grâce à qui l’anatomie de l’animal et la classification des morceaux n’ont plus de secrets pour nous. Ainsi, Marcel deviendra-t-il l’apprenti boucher, 184 délégué à cette fonction en l’absence du professionnel. Pour la consommation, le rituel est inchangé. On commence à manger la « sanguette » qui ne se conserve pas. On a droit les jours suivant aux beefsteacks, puis viennent les bas morceaux en ragoût, pour finir ensuite par les tripes, tétines et autres abats. Ce décrescendo savamment dosé conduit à un point final : les os dans la soupe qui font la joie des « crevards », récurant les miettes de viande rescapées du dépeçage. Ainsi, rien n’est perdu en cette période de disette, pas même la graisse du ragoût figée dans nos gamelles, ce qui ne va pas sans quelques inconvénients de santé. Avant d’en arriver là, il aura fallu convoyer la précieuse vache jusqu’au camp. C’est ainsi que le tour arrive pour mon compagnon et moi d’aller en chercher une à Méaudre, chez Georges Buisson. Nous en prenons discrètement livraison de nuit, comme il se doit. Et nous voilà partis tous trois, direction les Carteaux en longeant la forêt à l’écart des habitations. Cahincaha, nous réglons notre pas sur l’exaspérante lenteur de l’animal. A ce rythme, le chemin nous paraît interminable dans l’obscurité, au point que par moments nous nous surprenons à somnoler contre le flanc de la vache. Fatigue ou difficulté du terrain, il faudra sur la fin tirer et pousser notre compagne pour arriver à bon port. […] 185 LES RELATIONS DU C.3 AVEC AUTRANS « Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, n°93, juillet 1996, pp.1315. Endurcis sans doute par les conditions d’existence, la santé dans l’ensemble est satisfaisante. Les quelques cas sérieux seront soignés à l’infirmerie de fortune installée chez le docteur Chauve, dans une pièce discrète. […] Désigné, en quelques occasions au rôle d’infirmier, je ferais, au cours de cet hiver, plusieurs incursions au village. Cette mission Croix-Rouge ne va pas sans avantage. Outre le dépaysement d’un bref séjour en terre habitée, il me procure le plaisir de goûter au gratin de pommes de terre à la crème de Mme Bernard souvent pourvoyeuse de repas aux hospitalisés. Quel suprême délice en ces temps de disette, sauf le respect dû à nos valeureux cuistots. […] Nous ne soulignerons jamais assez le soutien apporté au maquis par cette population du Vercors. Ravitaillement, surveillance des routes, soins aux malades, comment cela pourrait-il se réaliser sans la complicité tacite ou active de la population. Le C.3, quant à lui, est le plus fréquemment en relation avec l’hôtel Barnier, où la sollicitude de Mme Barnier pour les jeunes du C.3 est appréciée, avec Mme Bernard et Jeannette autre maison hospitalière, avec les docteurs Chauve et Féret et Mme Arnaud l’accoucheuse et d’autres encore, sans compter l’équipe civile d’Autrans qui fait partie intégrante de l’organisation Vercors. Seuls les camarades en service commandé se manifestent discrètement dans le village. Nos deux ravitailleurs Sully et Guy sont souvent amenés à fréquenter le village, aussi sont-ils les plus connus des Autranais. La stricte discipline imposée par le chef Robert en ce qui concerne les déplacements hors du camp contribue aux bons rapports que le maquis entretient avec la population. 186 LE PERCEPTEUR DE VILLARD-DE-LANS MARIUS CHARLIER, SURVEILLE PAR LES AUTORITES Vichy le 22 juin 1943, lettre du Secrétariat d’Etat à l’Intérieur, du Cabinet du Conseiller d’Etat secrétaire général à la Police, adressée au préfet régional de Lyon. « Monsieur le Préfet, d’après des renseignements qui me sont parvenus, le percepteur de Villard-de-Lans serait, avec l’un des bouchers de cette commune, l’organisateur des mouvements de Résistance. Il s’occuperait, en particulier, de faire filer dans la montagne des jeunes gens de la classe 42 appelés par le Service du Travail Obligatoire. Je vous serai très obligé de vouloir bien faire procéder à une enquête et, le cas échéant, prendre toute mesure pour mettre ces individus dans l’impossibilité de continuer leurs agissements ». Archives départementales de l’Isère, 13R960. Grenoble le 1er juillet 1943, lettre du capitaine du 7e groupe de contrôle et de liaison de la Commission Italienne d’armistice avec la France au Commandant Chagnard, chef du Détachement français de liaison. « Le commandement supérieur, auquel nous avons transmis la demande du Préfet de l’Isère, adressée par vous, relativement à la situation de Monsieur Charlier à Villard-de-Lans, informe que tout en tenant compte de ce qui nous a été exposé, il n’est pas possible de prendre aucune mesure de ménagement à son égard, étant donné qu’il est compromis dans l’organisation des Francs-tireurs. Signé : Capitaine BANDINI ». Archives départementales de l’Isère, 13R960. Le 6 juillet 1943, lettre du Préfet de l’Isère au Préfet régional de Lyon « J’ai l’honneur de vous faire connaître que ce sont les autorités italiennes d’opération qui ont procédé à l’arrestation de M. CHARLIER, le Percepteur en question, grand mutilé de la guerre de 1914-1918. Je ne possède, en ce qui me concerne, aucun renseignement précis sur l’activité de ce fonctionnaire. Les autorités italiennes, auprès desquelles j’étais intervenu, m’ont informé que M. CHARLIER était « compromis dans l’organisation des Francstireurs ». Archives départementales de l’Isère, 13R960. 187 DES TRACTS SUR LE PLATEAU 1. UN TRACT ANTI MILICE A VILLARD-DE-LANS Archives départementales de l’Isère, 13R933. GENDARMERIE NATIONALE, Compagnie de l’Isère, Section de Grenoble, Brigade de Villard-de-Lans, n°969 du 12 décembre 1943 Procès-verbal de Renseignements sur la découverte de tracts anti-Gouvernementaux dans une rue de Villard-de-Lans. « Cejourd’hui, douze décembre mille neuf cent quarante trois à neuf heures, Nous, soussignés [X] et [Y], gendarmes à la résidence de Villard-de-Lans, département de l’Isère, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos Chefs, rapportons ce qui suit : Le 11 décembre, étant à notre caserne, s’y est présenté M. [Z], électricien à Villard-de-Lans, qui nous a remis 7 tracts anti-gouvernementaux, trouvés par lui, le 10 décembre 1943, rue de la République à Villard-de-Lans. Le titre de ces tracts est le suivant : IL FAUT EN FINIR AVEC LES ASSASSINS ET PROVOCATEURS DE LA MILICE. Au jour et à l’heure, portés en tête du présent procédant à une enquête, nous avons reçu les déclarations suivantes : 1° de Monsieur [Z], « le 10 décembre, vers 20 heures 30’, je passais devant le bureau des cars Huillier, rue de la République à Villard-de-Lans, lorsque j’ai aperçu à terre, plusieurs feuilles de papier, dont un seul côté était imprimé. En ayant lu un, j’ai constaté qu’il s’agissait d’un tract anti-gouvernemental. J’ai aussitôt ramassé les autres tracts qui se trouvaient sur la route et sur une distance de 20 mètres, pour vous les remettre. Vers 20 heures 30’ le car de Grenoble arrive et en raison de l’affluence, je n’ai remarqué aucune personne qui les jetait. Je ne pense pas que d’autre personne en ont ramassé ». Lecture faite, persiste et signe. 2° de Mademoiselle HUILLIER, Fernande, 24 ans, secrétaire de l’entreprise de transport Huillier de Villard-de-Lans, rue de la République. « J’ignorais que des tracts antigouvernementaux avaient été découverts dans la rue et à proximité de notre bureau, le 10 décembre 1943 vers 20 heures 30’. Bien que me tenant toujours au bureau à cette heure là, je n’ai pour ma part rien remarqué d’anormal et je ne puis vous fournir aucun renseignement sur l’identité de la personne ayant jeté ces tracts ». Lecture faite, persiste et signe. Malgré les recherches effectuées, aucune autre personne des environs n’a pu fournir le moindre renseignement, sur cette découverte de tracts. Il paraît vraisemblable, que ces tracts 188 ont été apportés par les individus inconnus, ayant fait sauter à l’aide de bombes une partie de la scierie [XX] dans la nuit du 10 au 11 décembre 1943 ; (P.V. n°967 de notre brigade en date du 11 décembre 1943). Nous joignons un tract par expédition du présent, le surplus sera joint à l’expédition de Mr. le Procureur. Cinq expéditions, destinées ; la 1ère à Mr. le Préfet de l’Isère ; la 2e à Mr. le Procureur de l’Etat Français de Grenoble ; la 3e à Mr. le Commissaire Divisionnaire, Chef du Service Régional de la Police de Sûreté à Lyon ; la 4e à Mr. le Chef d’Escadron Commandant la Compagnie de Gendarmerie de l’Isère ; la 5e à nos Chefs. Fait et clos à Villard-de-Lans, les jours, mois et an que dessus. 2. UN TRACT ENCOURAGEANT A LA DESERTION CHEZ LE GROUPEMENT 11 DES CHANTIERS DE JEUNESSE Archives départementales de l’Isère, 13R933. GENDARMERIE NATIONALE, Compagnie de l’Isère, Section de Grenoble, Brigade de Villard-de-Lans, n°426 du 5 novembre 1942. PROCES-VERBAL de renseignements sur la découverte de tracts antinationnaux transmis par la voie postale au Groupement de Jeunesse n°11 à Villard-de-Lans (Isère). « Cejourd’hui, cinq novembre, mil neuf cent quarante deux à dix heures. Nous, soussigné, [XY], gendarme à la résidence de Villard-de-Lans, département de l’Isère, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, à notre caserne avons reçu de : Monsieur [XZ], 36 ans, Commissaire Adjoint au Chef du Groupement de Jeunesse n°11 à Villard-deLans (Isère), la déclaration suivante : « le courrier reçu au Groupement le 4 novembre 1942 contenait des plis dont ci-joints les spécimens. L’Assistant [YY] faisant fonction de Commandant du 4e groupe se trouvait au bureau du vaguemestre, à l’arrivée du courrier. On lui remis [sic] le pli destiné au 4e groupe. Après avoir pris [sic] connaissance, il a prescrit au vaguemestre d’arrêter les plis semblables et me rendit compte immédiatement. Les plis semblables au nombre de huit ont été saisis par moi ». Lecture faite, persiste et signe. Monsieur [XZ] nous a rendu cinq enveloppes contenant chacune deux tracts : ALERTE JEUNES DES CHANTIERS ON VOUS LIVRE A L’ALLEMAGNE et signés : LE COMITE POPULAIRE DE RESISTANCE AUX DEPORTATIONS. Effectuant une enquête nous entendons : Monsieur [ZZ], 22 ans, Comis-Vaguemestre au Groupement de la Jeunesse à Villard-de-Lans (Isère), qui déclare : « hier, 4 novembre 1942 à la distribution du courrier j’ai remis différentes lettres au Chef du 4e Groupe. Ayant remarqué une lettre adressée à son secrétaire, mais non personnelle, il l’a ouverte et il s’y trouvait deux 189 tracts gaullistes. Immédiatement il m’a fait retirer des différents paquets les lettres destinées à tous les secrétaires de Groupe et il les a remises au Chef [XZ]. J’ignore de quelle façon ces lettres ont été remises ». Lecture faite, persiste et signe. ALERTE JEUNES DES CHANTIERS, ON VOUS LIVRE A L’ALLEMAGNE : Vous venez de finir votre stage de chantier. Avec quelle joie impatiente, vous attendiez le retour au milieu des vôtres. À la place du retour au foyer, on prolonge votre séjour aux Chantiers. On vient de vous dire que vous allez partir pour la Z.O. On vous dit également que vos cartes d’alimentation ne vous seront plus rendues. Jeune : Tu as déjà compris de quoi il s’agit ! ON VEUT TE LIVRER AUX BOCHES ! On veut te faire travailler pour la machine de guerre allemande. Mais on essaie de te cacher cela ! Sais-tu pourquoi on te ment ? C’est parce qu’on connaît ta haine de l’ennemi. Parce qu’on sait que tu es prêt à tout pour assurer la défaite de l’envahisseur. C’est pourquoi on te ment en te disant que tu vas travailler dans la Z.O. Sais-tu encore pourquoi on ne te dis (sic) pas qu’on t’envoie en Bochie ? C’est parce que dans toute la France les ouvriers et les cheminots ont répondu aux mesures de déportations par une résistance farouche. Métallos et cheminots de Lyon, de Grenoble, de Montpellier, StEtienne, Marseille et des héroïques villes de la Z.O. ont répondu par des grèves massives et la fuite soit à la campagne, soit chez des amis ou connaissances, aux tentatives faites pour les envoyer en Bochie. Toi aussi Métallo, Electricien, Ouvrier, qui vient de terminer ton stage aux chantiers, tu refuseras par tous les moyens et par toutes les ruses de travailler pour notre éternel ennemi « le boche ». Jeune des chantiers, ton courage doit être égal au courage des milliers de Français qui font leur devoir patriotique ! Ton courage doit être égal au courage des combattants d’Angleterre, des Etats-Unis, de l’Union Soviétique qui sur les champs de bataille versent leur sang pour l’indépendance de leur pays et pour l’indépendance de notre chère France ! Jeune plein de générosité ! En refusant de partir en Bochie tu hâtes le retour de nos chers prisonniers. Le Boche ne laisse actuellement revenir en France que des éclopés et des malades qui ne peuvent être d’aucun (sic) aide pour leur machine de guerre. Mais si toi, Jeune, tu suis l’exemple donné par des milliers d’ouvriers Français qui refusent d’aider l’Allemagne très affaiblie par ses pertes sanglantes sur l’invincible Front russe, tu auras contribué à hâter la défaite de l’Allemagne et tu auras ainsi contribué à délivrer rapidement nos chers prisonniers. JEUNE DES CHANTIERS NE PARS PAS EN ALLEMAGNE ! Main dans la main avec tes camarades décide la résistance. Il n’y a pas une porte française qui refusera de s’ouvrir pour t’abriter si tu dis que tu fuis le bagne boche. Il n’y a pas un Français 190 qui refusera de te tendre une main secourable si tu lui dis que tu accomplis ton devoir patriotique. C’est en France que tu veux vivre, c’est pour la France que tu veux travailler, c’est la France que tu veux délivrer. VIVE LA RESISTANCE DE TOUS LES FRANÇAIS ! VIVE LA FRANCE LIBRE ET INDEPENDANTE QUE TOI JEUNE TU VEUX FORGER ! « Le Comité Populaire De Résistance Aux Déportations ». 191 LE GROUPE-FRANC Liste de délits commis dans le Vercors qui pourraient lui être attribués Le 24 novembre 1943 à une heure, 10 individus armés de mitraillettes et de revolvers ont fait irruption dans la ferme de M. [XY.], sujet italien résident au hameau de la ville Vieille à VILLARD-de-LANS. Après avoir réduit à l’impuissance M. [XY.], sa femme et son fils, ils ont tué et emporté six porcs dont un de 300kgrs. Ils ont fouillé la maison entièrement. Les intéressés sont âgés de 30 à 35 ans et le chef serait italien. Ils ont interdit à M. [XY.] de porter plainte à la Gendarmerie sous peine de mort. Il s’agit très probablement d’une bande provenant de l’armée dissoute tenant le maquis du Vercors. Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374. Le 11 décembre 1943, entre 4h30 et 5 heures, 5 bombes ont explosé à la scierie [X.], à Villard-de-Lans. L’incendie fait rage. Le 11 décembre, à 4h30, 6 ou 7 individus masqués et armés de mitraillettes et de gourdins ont placé 7 bombes à la scierie [X.], à Villard-de-Lans, après avoir fait sortir de leur maison proche de la scierie les ouvriers qu’ils ont tenus en respect avec leurs armes. L’explosion de 5 bombes a détruit 5 scies et une turbine et provoqué un commencement d’incendie rapidement circonscrit. Une sixième bombe n’a occasionné aucun dégât. La septième constitués (sic) par une boite de conserve (sic) pleine de cheddite n’a pas éclaté. La scierie qui occupaient (sic) 20 ouvriers travaillait pour les troupes d’occupation. Pas de chômage envisagé. 800 000 à 1 million de dégâts. Auteurs inconnus. Pas de signalement. Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374. Le 9 janvier 1944, à 21 heures, une attaque à main armée a eu lieu, chez Mme [Y.], ressortissante américaine, par 5 individus armés de mitraillettes. Pendant que les un (sic) interdisaient aux personnes habitant l’immeuble de sortir, les autres fouillaient l’appartement de l’américaine. Ils ont dérobé tous ses bijoux d’une valeur approximative de « un million ». Ils ont obligé cette femme à monter dans leur voiture 192 et l’ont emmenée à environ 1km de VILLARD-de-LANS, au lieu dit « FOND NOIR ». A cet endroit, ils l’ont déchargée et lui ont rendu sa liberté. Des 5 individus aucun signalement n’a pu être obtenu sur eux. Ils montaient une voiture Citroën, traction-avant. Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374. Le 17 janvier 1944 vers 21 heures 45’, à VILLARD-de-Lans, 20 ou 25 individus armés de mitraillettes se sont présentés chez M. [Z.], garagiste à VILLARD-de-LANS et l’ont obligé à lui remettre toute l’essence qu’il possédait soit 225 litres. Ces individus ont détérioré le téléphone en détachant l’appareil combiné afin d’empêcher, de prévenir la Gendarmerie. Ils ont chargé l’essence sur un camion qui stationnait devant le garage et ont pris la fuite après avoir payé le garagiste de la valeur de l’essence. Direction prise inconnue. Aucun signalement n’a pu être donné. Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374. 9 avril 1944, à Méaudre, Agression contre M. [XZ]. Les malfaiteurs voulaient se faire remettre une somme de 19500 Frs. Archives départementales de l’Isère, listes des attentats commis dans le département envoyées par le cabinet du préfet au secrétariat général de police et au cabinet du préfet régional ; AD 38, 13R946. 14 avril 1944, Villard-de-Lans, attentat contre une botteleuse appartenant à M. [ZZ], dégâts 100 000 Frs et botteleuse hors d’usage, M. [ZZ] travaillait pour le ravitaillement Général. Archives départementales de l’Isère, listes des attentats commis dans le département envoyées par le cabinet du préfet au secrétariat général de police et au cabinet du préfet régional ; AD 38, 13R946. Le 17 mai 1944 à 21 heures, 4 individus armés et montés dans une voiture, ont attaqué une camionnette de messagerie appartenant à M. HUILLIER, de VILLARD-DELANS (Isère), sur la route nationale n°53, entre les hameaux de Bouilly et des Eymards, territoire de la commune de Lans, canton de Villard-de-Lans (Isère). Ils ont dérobé du sucre, des pâtes, du rhum, destinés à des personnes de Villard-de-Lans. Archives départementales de l’Isère, 52M440. 193 Le 17 mai 1944 vers 23 heures, 8 individus armés se sont rendu chez M. [XX.], laitier fromager à VILLARD-DE-LANS, canton du dit (Isère). Ils se sont fait remettre 250kgs de beurre, 650kgs de fromage bleu qu’ils ont chargé sur une camionnette. Préjudice causé : 32 000Frs. Archives départementales de l’Isère, 52M440. Le 19 mai 1944 à 15h30, sur le territoire de la commune d’AUTRANS (Isère), 3 individus armés et masqués, ont obligé le conducteur du car de l’Entreprise Huillier à stopper. Pendant que l’un d’eux gardait sous la menace de son arme, les deux autres ont emmené une caisse de 60kgs de cuivre et métaux non-ferreux, qui devait être transporté à Grenoble, au titre de l’impôt-métal. Direction prise inconnue. Archives départementales de l’Isère, 52M440. 194 LA MILICE A VASSIEUX Retranscription des affiches placardées dans Vassieux lors du passage de la Milice en avril 1944. Modèle retrouvé dans Joseph La Picirella, Le martyre de Vassieux-en-Vercors, auto-édition, Lyon, 1994, 150p. MILICE FRANCAISE VASSIEUX LE 18 AVRIL 1944 Troupes d’opérations : AVIS A LA POPULATION URBAINE ET RURALE Tous les habitants de la commune de VASSIEUX-EN-VERCORS sont avisés que : 1°) Ils doivent avant demain matin 11 heures signaler au Bureau de la Milice (Hôtel Allard) les dépôts d’armes qui ont été constitués par les ennemis du Pays. 2°) Des recherches seront effectuées par les troupes de la Milice pour trouver tous les dépôts d’armes. 3°) Tout dépôt non signalé et se trouvant à proximité d’une ferme entraînera les sanctions suivantes : 1. Arrestation des hommes comme otages 2. Saisie du bétail et du matériel 3. Incendie des bâtiments de la ferme Je fais appel à vos cœurs de Français pour nous permettre de réduire cette armée. Je tiens à vous dire que les gens de la Milice ne sont pas des barbares comme le dit la radio anglaise ; mais qu’ils sont des Français ; qui tous ont fait le don de leur personne pour la France et le Maréchal. Habitants du Vercors vous avez été trompés et terrorisés, nous sommes là pour vous protéger et non pour vous brutaliser. Le Chef : Dagostini Chevalier de la Légion d’Honneur_ 9 citations Commandant de la Milice Française. 195 INDEX d’Agostini (chef) : p.86, 87 Archimbaud (Léon) : p.25 Arnaud (Dédé) : p.45 M. Barnier : p.38 Bayle de Jesse (Rémy) : p.48, 58, 89 Beaudoing (Clément) : p.29, 37 Bec : p.33 Belmont (Paul) : p.64 Berger (Ernest) : p.22 Berthet (Constant) : p.34, 36 M. Berthézène : p.25 Blache (Jules) : p.24 Blanc (Amédé): p.36 Blanchard (Raoul) : p.6, 24 M. Bobrowski : p.21 M. Bouchier : p.35 M. Bourdeau : p.34 Brun (Louis) : p.34, 40 Brunet (Pierre) : p.33, 34 Buisson (Georges) : p.37, 38 Chanal (Michel) : p.85 Charlier (Marlius) : p.29, 37, 38, 83, 84, 89 Chauve (docteur) : p.48 Chavant (Eugène alias « Clément ») : p.30, 46, 49, 61, 69, 77, 78 Chevallet (Léon) : p.44 Chevallier (Denis): p.6, 7 Clergé (Georges) : p.36 M. Collomb: p.23 Converso (Baptiste) : p.29, 47, 48 Dalloz (Pierre) : p.34, 82, 84 Darnand (Joseph) : p.85 De la Porte du Theil (général) : p.83 Delestraint (général alias « Vidal ») : p.36, 49 Descours (général) : p.61 Deshières : p.30 Didkowski (préfet de l’Isère) : p.83 M. Doucin : p.33 Dreyfus (Paul): p.1, 62, 67 Dumas (Marcel) : p.29, 47, 48 Dupont (P.) : p.34 Durand-Poudret : p.44, 89 Farges (Yves) : p.34 Ferrand (Henri) : p.24 Ferro (Marc) : p.67 Ferroul (J.) : p.34 Gabert (Michèle) : p.28 M. Garcin : p.80 225 Gayet (Geneviève alias « Germaine ») : p.44, 69 Gernez (Raymond) : p.29, 30 Glaudas (André) : p.33 Glaudas (Jean) : p.29, 37, 44, 68 M. Godlewski : p.21 M. Gravier : p.33 M. Guillet : p.33 Hardy (capitaine) : p.63 Huillier (cars) : p.32, 37, 46 Huillier (Emile) : p.29, 32,37 Huillier (Paul) : p.29, 32, 37 Huillier (Victor) : p.29, 32, 33, 36, 37, 47, 69, 89 M. Hussel : p.29, 30 Istre (Paul alias « Loulette ») : p.36, 37 Jansen (Paul) : p.49 Jenin (Gustave) : p.36, 47 M. Kawalkowski : p.21 Kedward (Harry Roderick) : p.2, 13 Laborie (Pierre) : p.27 La Picirella (Joseph) : p.1, 2 Laval (Pierre) : p.12, 86 Le Ray (général) : p.62 Lévy (Jean-Pierre) : p.30 M. Lieber : p.23 Magnan (Léon) : p.37 Malossane (Benjamin) : p.33, 34, 35, 40 Marcot (François) : p.13 M. Marquisio : p.35 Martin (Léon) : p.29, 30, 31, 37 Masson (Edouard) : p.29, 37, 48 Morin (Albert) : p.36 Mossière (Louis) : p.36, 38, 47 Nallet : p.32 Noaro (Denise) : p.44, 66, 68 Payot (lieutenant) : p.63 Perec (Georges) : p.19, 20 M. Peronne : p.83 Perriat (transports) : p.47 Pétain (maréchal Philippe) : p.27, 28, 29, 63, 64 Piqueret : p.29 M. Plumel : p.25 Pupin (Aimé alias « Mathieu ») : p.30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 44, 46, 66, 68, 69 Racouchot (Théophile) : p.29, 31, 37 Repellin (Paul) : p.37 Rey (Fabien alias « Marseille ») : p.36, 38, 47 Rivail (P.) : p.34 Rochas (Marcel alias « Tiotio »): p.37, 63 Roche (Alfred) : p.45 M. Rosenthal : p.36 Samuel (Eugène alias « Jacques Ravalec ») : p.29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 59, 69, 77 226 Samuel (Simon) : p.31, 34, 36 Sauckel (Fritz) : p.12, 13 M. Savioux : p.37 Silvestre (Suzanne et Paul) : p.2, 13, 22, 23, 61, 62 Valot (André) : p.77 Vergnon (Gilles) : p.1 Vertacomicori : p.24 Vincent (abbé Johannès) : p.22, 23, 49 Vincent-Beaume (André) : p.35 Vincent-Martin (Léon) : p.37, 38, 45, 63 M. Zabielo : p.21 M. Zaleski : p.21 227 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ………………………………………………………………………………………………..1 BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………………………………...12 LA FRANCE RURALE CONTEMPORAINE ……………………………………………………………….12 Ouvrages généraux ………………………………………………………………………………………12 Ouvrages spécialisés ……………………………………………………………………………………..13 Synthèses régionales ……………………………………………………………………………………..14 LA FRANCE SOUS LA TROISIEME REPUBLIQUE ……………………………………………………...14 La société française ………………………………………………………………………………………14 Les partis politiques ………………………………………………………………………………………14 LA FRANCE DE VICHY …………………………………………………………………………………….15 LA RESISTANCE EN France ….………………………………………………………………….………... 17 LA RESISTANCE DANS LA REGION R1 (concernant en partie la maquis du Vercors)……….……..……19 LES SOCIALISTES ET LA RESISTANCE …..….…………….…………………………………………….20 GENERALITES SUR LE VERCORS …………….………….…………………………………..…………...21 GENERALITES SUR LA DROME ET L’ISERE ….……….…………………………………..…………….23 ETUDES SUR LES MAQUIS ………….………………….…………………………………..……………...25 OUVRAGES SUR LE MAQUIS DU VERCORS ………...…………………………………..………………26 Etudes sur le maquis ………………………………………………………………………………………26 Témoignages ……………………………………………………………………………………………….27 FILMOGRAPHIE ……………………………………………………………………………………………..30 ETAT DES SOURCES …………………………………………………………………………………………31 ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA DROME ……………………………………………………...32 ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L’ISERE ………………………………………………………….37 CENTRE D’HISTOIRE DE LA RESISTANCE ET DE LA DEPORTATION DE LYON ………………….41 BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE LYON ………………………………………………………………..41 MAISON DU PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS ……………………………………………...41 LE VERCORS EN RESISTANCE …………………………………………………………………………….42 PREMIERS ACTES DE DESOBEISSANCE…………………………………………………………………42 A) Les premières « combines » contre le régime …………………………………………………………...42 1) Des emplois à la campagne…………………………………………………………………………..42 2) Un ravitaillement illicite ……………………………………………………………………………44 B) Déjà un espace de refuge ………………………………………………………………………………..48 1) Les réfugiés ………………………………………………………………………………………….48 2) Pourquoi ce caractère d’espace de refuge……………………………………………………………53 NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT DE LA RESISTANCE EN VERCORS……………………………..56 A)Le refus de la défaite ……………………………………………………………………………………..56 1) Naissance de groupes de Résistants à Villard-de-Lans et à Grenoble……………………………….56 228 2) La fusion des deux groupes sous l’égide de Franc-Tireur…………………………………………...60 B) La constitution d’un réseau ……………………………………………………………………………...63 1) L’incorporation de Résistants drômois………………………………………………………………63 2) L’élargissement du réseau sur les communes du Vercors…………………………………………...65 LA RESISTANCE AU VILLAGE…………………………………………………………………………….69 A)Les soutiens de la communauté villageoise ………………………………………………………………69 1) Le ravitaillement……………………………………………………………………………………..69 2) Les autres formes de l’engagement…………………………………………………………………..73 B)Dans l’ombre du village ………………………………………………………………………………….79 1) La Compagnie civile du Vercors……………………………………………………………………..79 2) Le groupe-franc………………………………………………………………………………………82 3) En marge du village : la forêt………………………………………………………………………...85 VIVRE EN VERCORS PENDANT LA GUERRE …………………………………………………………...89 LE CLIMAT AU VILLAGE…………………………………………………………………………………...89 A) Qui savait ………………………………………………………………………………………………...89 1) « Les deux premières années c’était presque secret »………………………………………………..89 2) Un secret partagé……………………………………………………………………………………..91 B) La perception de la Résistance par les habitants ………………………………………………………..93 1) Entre soutien et appréhension………………………………………………………………………..93 2) Des Résistants conscients des risques encourus……………………………………………………...98 C) Les personnes « hostiles » à la Résistance ……………………………………………………………..100 1) « Ils n’ont jamais rien fait »………………………………………………………………………...100 2) La place de la collaboration………………………………………………………………………...101 LES CHANGEMENTS DANS L’ACTIVITE DU VILLAGE………………………………………………102 A) Main d’œuvre et activités nouvelles ……………………………………………………………………102 1) La nouvelle composition du village………………………………………………………………...102 2) Une organisation du travail modifiée……………………………………………………………….103 B) Une nouvelle situation économique …………………………………………………………………….106 1) Une économie « parallèle »…………………………………………………………………………106 2) L’argent de la Résistance…………………………………………………………………………...107 LE CONTRÔLE CROISSANT DES AUTORITES………………………………………………………….109 A) La complicité de la gendarmerie ……………………………………………………………………….109 1) La relative complaisance envers les réfractaires au S.T.O………………………………………….109 2) Le soutien à la Résistance…………………………………………………………………………..110 B) L’attention croissante portée par Vichy et la Milice …………………………………………………...111 1) Le regard de Vichy………………………………………………………………………………….111 2) La Milice……………………………………………………………………………………………114 C) Les troupes d’occupation ………………………………………………………………………………118 1) Les Italiens …………………………………………………………………………………………118 2) Les Allemands………………………………………………………………………………………121 229 CONCLUSION ………………………………………………………………………………………………...124 CHRONOLOGIE ……………………………………………………………………………………………...128 LE VERCORS : ENTRE GRENOBLE ET PONT-EN-ROYANS …………………………………………132 LE PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS ………………………………………………………..133 LES COMMUNES DES CANTONS DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS ET DE VILLARD-DELANS …………………………………………………………………………………………………………...134 ORGANIGRAMME DU MOUVEMENT DE RESISTANCE DU VERCORS EN MAI 1943 …………..135 RECIT DU DR. LEON MARTIN …………………………………………………………………………….136 RECIT D’AIME PUPIN ………………………………………………………………………………………138 CONFERENCE CHAVANT ………………………………………………………………………………….148 TEMOIGNAGE D’EUGENE SAMUEL …………………………………………………………………….155 TEMOIGNAGE DE DENISE NOARO ……………………………………………………………………...162 HISTORIQUE DU 1er CAMP DU VERCORS, LE C.1 ……………………………………………………..166 TEMOIGNAGE DE PAUL BELMONT ……………………………………………………………………..169 LA RESISTANCE A MEAUDRE ……………………………………………………………………………171 LE PREMIER PARACHUTAGE. ARBOUNOUZE, NOVEMBRE 1943 ………………………………...173 A PROPOS DE « MONACO » ………………………………………………………………………………..175 LEON CHEVALLET …………………………………………………………………………………………177 LA BOULANGERE …………………………………………………………………………………………...180 AUTRANS DANS LA CLANDESTINITE …………………………………………………………………..182 LA VIE DU C.3 A CARTEAUX. ETE 1943 …………………………………………………………………184 LES RELATIONS DU C.3 AVEC AUTRANS ……………………………………………………………...186 LE PERCEPTEUR DE VILLARD-DE-LANS MARLIUS CHARLIER SURVEILLE PAR LES AUTORITES …………………………………………………………………………………………………..187 VICHY LE 22 JUIN 1943, LETTRE DU SECRETARIAT D’ETAT A L’INTERIEUR, DU CABINET DU CONSEILLER D’ETAT SECRETAIRE GENERAL A LA POLICE, ADRESSEE AU PREFET REGIONAL DE LYON ……………………………………………………………………………….187 GRENOBLE LE 1er JUILLET 1943, LETTRE DU CAPITAINE DU 7ème GROUPE DE CONTRÔLE ET DE LIAISON DE LA COMMISSION ITALIENNE D’ARMISTICE AVEC LA FRANCE AU COMMANDANT CHAGNARD, CHEF DU DETACHEMENT FRANÇAIS DE LIAISON……….187 DES TRACTS SUR LE PLATEAU ………………………………………………………………………….188 UN TRACT ANTI-MILICE A VILLARD-DE-LANS………………………………………………..188 UN TRACT ENCOURAGEANT A LA DESERTION CHEZ LE GROUPEMENT 11 DES CHANTIERS DE JEUNESSE…………………………………………………………………………189 LE GROUPE-FRANC ………………………………………………………………………………………...192 LA MILICE A VASSIEUX …………………………………………………………………………………...195 LYCEE POLONAIS DE VILLARD-DE-LANS 1940-1946 – 1976 ………………………………………...196 MARSAZ, UN FOYER DE RESISTANCE ………………………………………………………………….206 ANNEXE A L’HISTORIQUE DE LA RESISTANCE A MARSAZ. FORMATION D’UN GROUPE DE RESISTANTS A CLAVEYSON ……………………………………………………………………………...211 230 NOURRIR LES REFRACTAIRES …………………………………………………………………………..212 NOURRIR LES REFRACTAIRES (deux anecdotes) ………………………………………………………215 ORGANIGRAMME DE L’UNITE DE MARSAZ ………………………………………………………….216 PLAN D’ALERTE …………………………………………………………………………………………….217 COMBATS DU VERCORS …………………………………………………………………………………..218 MARSAZ, CEREMONIE DU 19 AOÛT 1945 : INAUGURATION OFFICIELLE DE LA PLAQUE COMMEMORANT LE SOUVENIR DES RESISTANTS DE MARSAZ MORTS POUR LA FRANCE. DISCOURS PRONONCE PAR LE CAPITAINE VINCENT-BEAUME …………………………………222 INDEX ………………………………………………………………………………………………………….225 TABLE DES MATIERES …………………………………………………………………………………….228 231