Le Vercors en Résistance - Parc Naturel Régional du Vercors

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Mathieu GALLIOT-BISMUTH
Mémoire de Master1 Histoire Contemporaine mention Etudes Rurales
Sous la direction de M. Edouard Lynch
Université Lumière Lyon II
Année 2004-2005
LE VERCORS EN RESISTANCE
Les rapports entre villages et maquis dans les cantons de
La Chapelle-en-Vercors et Villard-de-Lans.
Mémoire soutenu le 26 septembre 2005 devant un jury composé par MM. Jean-Luc Mayaud,
Professeur des universités, et Edouard Lynch, Maître de conférence, tous deux professant à
l’Université Lumière Lyon II.
Ce jury accorda au présent mémoire la mention très bien.
Que reste-t-il encore à dire sur le Vercors ? Depuis plus de soixante ans maintenant,
nombreuses ont été les publications de témoignages et d’études sur ce sujet. Protagonistes de
la Résistance, historiens, acteurs du « Vercors » devenus historiens, les personnes s’étant
penchées sur cette page de l’histoire de France sont légion. Alors pourquoi un nouveau travail
de recherche concernant ce maquis ?
Parce que la parole n’a que très peu été donnée aux autochtones. Pourtant tous sont unanimes,
aussi bien les militaires que les jeunes maquisards et les Résistants des vallées voisines qui
envoyaient dans le massif « leurs » réfractaires au S.T.O. : sans l’aide de la population locale
rien n’eût été possible. Ainsi le thème des rapports entre le maquis et la population rurale qui
le soutient, et les changements que cela entraîne sur la vie de cette dernière, demeure encore
neuf. Nous tenterons donc dans les pages qui vont suivre de revoir l’histoire du maquis du
Vercors, mais cette fois du point de vue de la population qui habitait cette région.
L’implantation du maquis dans le Vercors fut celle d’une sorte de seconde société, mais
clandestine celle-ci. Malgré la nécessité de retrait pour cette dernière, question de sécurité,
elle ne pouvait vivre en complète autarcie, et était donc en interaction avec la population
autochtone. Rapidement elle s’est même trouvée dans une situation de dépendance. En ce qui
concerne les habitants du Vercors, la présence sur leur terre de ces « terroristes »(c’est ainsi
que les maquisards étaient appelés par les occupants et par Vichy) engendra des modifications
de leurs conditions d’existence. Nous verrons donc au cours de cette enquête comment des
liens se sont tissés entre ces deux « sociétés » d’une part, et d’autre part quels en furent les
conséquences sur les modes de vie, les quotidiens des habitants du plateau.
Cette étude s’arrête à la veille du « verrouillage » du plateau, avant une nouvelle phase dans
les rapports entre le maquis et la population du Vercors. La barrière temporelle du début de
l’été 1944 constitue donc une première limite à cette enquête. Une seconde qui pourrait être
formulée se situe cette fois sur un plan géographique. En effet il est légitime de se restreindre
à la zone formée par les seuls cantons de La Chapelle-en-Vercors et de Villard-de-Lans parce
qu’ils correspondaient au territoire concerné par le Plan Montagnards. Néanmoins nous
savons qu’il y eut aussi des maquisards en dehors de cette zone, notamment le C.1 d’Ambel.
Par ailleurs, toute une partie du réseau de Résistance du Vercors provenait de l’extérieur du
plateau. Que se soit de régions plutôt urbaines comme les agglomérations grenobloisse,
romanaises ou même Pont-en-Royans. Ou de régions rurales pourtant éloignée du Vercors,
remontant notamment jusqu’à la vallée du Rhône dans le département de la Drôme où
s’étaient organisés des groupes d’hommes qui avaient pour mission de collecter du
ravitaillement, et de gagner le plateau à l’heure de la mobilisation des Compagnies civiles.
INTRODUCTION
Que reste-t-il encore à dire sur le Vercors ? Depuis plus de soixante ans maintenant,
nombreuses ont été les publications de témoignages et d’études sur ce sujet. Protagonistes de
la Résistance, historiens, acteurs du « Vercors » devenus historiens, les personnes s’étant
penchées sur cette page de l’histoire de France sont légion. Les premiers ouvrages qui lui
furent consacrés décrivaient avant tout l’attaque allemande et les atrocités qui furent
commises sur le plateau comme c’est le cas par exemple dans Le livre noir du Vercors1, paru
en 1944 ou dans Crimes hitlériens. Ascq. Le Vercors2, en 1946. Par la suite, c’est le thème de
la « trahison » qui a été développé. En effet un débat fut ouvert sur l’éventuel abandon du
Vercors par les plus hautes autorités de la résistance française à Londres et à Alger. De là
naquit entre autre Tears of glory. The betrayal of Vercors3 en 1978. Puis dans une phase
suivante, ce sont les témoignages personnels, où militaires, maquisards, et simples civils
racontèrent leurs propres épopées ou celles de compagnons dont ils furent les témoins.
Cependant l’historiographie du Vercors a été ponctuée d’enquêtes qui sortirent du courant qui
dominait les publications de leur époque. Notons en premier lieu l’ouvrage de Paul Dreyfus
Vercors, Citadelle de la Liberté4 paru pour la première fois en 1969. Première entreprise
visant à analyser l’histoire du Vercors depuis ses débuts jusqu’aux combats de juillet 1944, il
reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence incontournable. Vient ensuite le
Témoignages sur le Vercors5 de Joseph La Picirella, ancien maquisard et fondateur d’un
musée de la Résistance à Vassieux-en-Vercors. Dans ce livre essentiellement constitué de
témoignages comme son nom l’indique, pour la première fois la parole est donné aux
habitants du plateau. Il se démarque notamment par sa grande précision sur la narration des
faits, et par son style emprunt d’émotions. Plus récemment vient de paraître la « version
courte » de la thèse de Gilles Vergnon Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis6,
principalement consacré à la place du maquis du Vercors dans la mémoire collective et à la
construction de sa Légende.
1
Albert Béguin, Pierre Courthion, Paul Du Bochet, Richard Heyd, Georges Menkès, Lucien Tronchet, Le livre
noir du Vercors, Neuchâtel, Idées et Calendes, 1944.
2
Louis Jacob, Crimes hitlériens. Ascq. Le Vercors, Paris, Mellottée, 1946.
3
Michael Pearson, Tears of glory. The betrayal of Vercors, Londres, Macmillan, 1978.
4
Paul Dreyfus, Vercors, Citadelle de la Liberté, Grenoble, Arthaud, 1969.
5
Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors, Lyon, 14e édition, 1991.
6
Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, Paris, Les Editions de l’Atelier/Editions
Ouvrières, 2002.
1
Alors pourquoi un nouveau travail de recherche concernant ce maquis ? Parce que
comme nous l’avons dit, la parole n’a que très peu été donnée aux autochtones. Pourtant tous
sont unanimes, aussi bien les militaires que les jeunes maquisards et les Résistants des vallées
voisines qui envoyaient dans le massif « leurs » réfractaires au S.T.O. : sans l’aide de la
population locale rien n’eût été possible. Précurseur dans la place accordée aux habitants du
Vercors, Joseph La Picirella a été suivi dans cette idée par Suzanne et Paul Silvestre dans leur
ouvrage Chronique des maquis de l’Isère7 : 1943-1944, paru en 1996. Pas seulement consacré
au Vercors, ce livre contient des passages où pour la première fois il est fait allusion aux
rapports villages/maquis sur le plateau. Nous reprendrons d’ailleurs plusieurs thèmes qui y ont
été abordés. Cette nouvelle orientation de la recherche sur l’étude des maquis semble
s’affirmer avec la parution en France en 1999 de A la recherche du maquis8, étude réalisée par
l’historien anglais Harry Roderick Kedward. Celle-ci repose sur l’analyse des relations entre
les maquis et les villages qui les bordent, dans le sud-ouest de la France. Il n’y est pas
question du Vercors mais les problématiques soulevées se rapprochent de celles que nous
aborderons.
Ainsi le thème des rapports entre le maquis et la population rurale qui le soutient, et
les changements que cela entraîne sur la vie de cette dernière, demeure encore neuf. Nous
tenterons donc dans les pages qui vont suivre de revoir, et non réécrire, l’histoire du maquis
du Vercors, mais cette fois du point de vue de la population qui habitait cette région. Avant de
se pencher sur les évolutions engendrées sur le plateau par l’activité des Résistants,
intéressons-nous à ce qu’était le Vercors avant la guerre.
En prélude à cette description, il nous faut tout d’abord définir un point : qu’est-ce que
le « Vercors ». C’est à dire, quel est l’espace géographique qui est déterminé par cette
appellation. Dans le cadre de notre enquête, nous retiendrons pour ce terme la zone formée
par deux cantons, l’un dans le département de la Drôme, l’autre dans celui de l’Isère, qui à
eux deux forment ce que l’on appelle le plateau du Vercors. Il s’agit respectivement des
cantons de La Chapelle-en-Vercors et de Villard-de-Lans. Ce découpage pourrait paraître
restrictif car en effet le Vercors au sens large descend beaucoup plus vers le sud jusqu’au
Diois, de même qu’il englobe quelques autres communes au nord et à l’ouest. Cependant,
c’est dans les deux cantons que nous avons cités que se trouvèrent la quasi-totalité des camps
de maquisards constitués par ce que nous appèlerons le réseau de Résistance du Vercors.
7
8
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère : 1943-1944, Grenoble, PUG, 1996.
Harry Roderick Kedward, A la recherche du maquis, Paris, Cerf, 1999.
2
Ainsi le massif découpé tel que nous l’avons fait correspond à une entité : « le maquis du
Vercors », tel qu’il était délimité dans le plan d’organisation militaire. De ce fait, le choix de
s’intéresser à ces deux cantons, s’il n’est pas sans poser des difficultés quant à la recherche en
archives, présente l’intérêt d’être le principal lieu de théâtre des « événements » du
« Vercors ».
Région rurale de moyenne montagne, le Vercors est à la veille de la Seconde Guerre
mondiale une terre de petites exploitations agricoles. La plupart d’entre-elles ne sont
exploitées que par un ménage, mais il arrive que celui-ci puisse recevoir l’apport d’ouvriers
agricoles. Dans la majeure partie des cas donc, seule la famille du cultivateur travaille sur
l’exploitation. Il lui faut alors pour la mettre à profit au mieux, faire participer tous ses
membres. Chacun est mit à contribution suivant ses moyens pourvu qu’il puisse mener sa
tâche à bien et, en quelque sorte, apporter sa pierre à l’édifice. Devant la rudesse du labeur de
paysan, on voit donc apparaître comme une « solidarité familiale » qui fait participer tout le
monde au travail. En effet dès l’âge de huit ans environ, on commence à confier des charges
aux enfants. Du fait de leurs capacités physiques qui sont encore faibles, ils reçoivent bien
souvent la mission de garder les troupeaux quand ceux-ci sont en champs. De leur côté les
femmes ne sont pas en reste. Elle sont, si l’on peut dire, les responsables de tout ce qui
concerne l’intérieur de la maison. Mais leur rôle ne se limite pas à cela. Elles prennent aussi
part à certains travaux agricoles. Evoquant les jours où son mari partait travailler en forêt avec
les vaches, cette dame raconte : « Il fallait se lever à trois heures du matin, soigner les vaches,
on leur donnait, comme on dit, d’abord deux données. On les faisait boire, on leur redonnait
une donnée, quand elles avaient fini, il fallait leur donner la farine, l’avoine, tout ce qu’il
fallait leur donner […] et puis mon mari partait avec bien souvent un ouvrier, avec deux ou
quatre vaches et le cheval, et il fallait qu’ils partent, ça dépend où ils allaient, une heure
avant le jour, pour être sur place comme le jour. Si c’était le jour à six heures, on soignait les
vaches de trois heures à cinq heures pour faire leur journée. Ils rentraient le soir, et quand ils
venaient, il fallait soigner les bêtes… Alors là, c’étaient des journées ! Et bien souvent […]
c’était moi qui me levais pour laisser mon mari se reposer un peu, qui donnais aux bêtes
[…] »9. Ce témoignage résume bien la participation des femmes au travail, dont les faits
relatés par cette dame n’en sont qu’un exemple parmi d’autres. On perçoit de plus dans ses
paroles l’état d’esprit de solidarité qui règne au sein de la famille quand elle dit qu’elle se met
9
Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle… Un hiver. Les traditions rurales de quelques familles du pays des Quatre
Montagnes à travers le témoignage oral, Grenoble, Parc Naturel Régional du Vercors, 1982, pp.65-66.
3
à la tâche pour laisser un peu de repos à son mari. Voici une démonstration de cette union face
aux difficultés engendrées par la région, et notamment le relief dans ce cas précis. Le climat y
joue aussi certainement un rôle. En effet les régulières chutes de neige de la fin de l’automne
jusqu’au printemps, engendrent un important plateau nival qui s’établit dans les villages vers
la mi-décembre, pour disparaître durant la deuxième moitié du mois de mars de l’année
suivante10. Le plateau neigeux étant donc conséquent en hiver, les cultivateurs dispersés dans
les hameaux n’en sont que plus isolés les uns des autres. Ainsi les difficultés de déplacement
et de communication ne font que renforcer au sein des ménages le sentiment d’être tous unis
« dans le même bateau », d’où il résulte une grande solidarité pour surmonter les conditions
de vie.
Il ne faut cependant pas croire que la relative isolation des habitants du Vercors durant
l’hiver incite chacun à vivre de son côté sans se soucier des autres. Il existe dans cette région
rurale de montagne un sentiment d’appartenance à une communauté villageoise. Il paraît
normal en effet que l’on se sente solidaire de voisins qui mènent une existence similaire,
rencontrant les mêmes contraintes et les mêmes difficultés que soi. C’est ainsi que l’on
retrouve chez ces populations le souci de l’entraide, c’est ce que l’on appellera la « solidarité
villageoise ». Une autre caractéristique qui découle de cette appartenance à la communauté est
l’attention portée à l’intérêt collectif. Pour en témoigner, prenons par exemple le cas du
déneigement des routes. Les chasse-neige comme nous les connaissons aujourd’hui n’existant
pas, les hommes du village devaient s’entendre pour que certains prêtent des vaches ou des
chevaux de manière à ce que ceux-ci, en tirant un châssis triangulaire en fer ou en bois de
hêtre, puissent faire la trace de la route11. Cet état d’esprit n’est pas spécifique à la région, et
on peut le retrouver dans bien d’autres endroits. Néanmoins, le fait qu’il s’inscrive dans les
mentalités locales pourrait peut-être apporter un premier élément de réponse quant aux raisons
de l’assistance apportée aux maquisards. En effet ces derniers n’ont eu de cesse de remercier
la population pour son aide. Mais la question des raisons de ce soutien, et surtout celle de la
« communion » entre les villageois et les Résistants que l’on retrouve aujourd’hui dans les
mémoires demeure encore assez inexplorée.
Il est de fait que cette solidarité dont nous avons évoqué la place dans le mode de vie
et les comportements trouve aussi ses racines dans la religion. Le Vercors est un pays peuplé
de catholiques, en partie pratiquants. C’est ainsi que les fêtes religieuses sont un moyen de
10
Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales. T.1 : Les Préalpes françaises du nord, Paris, Arthaud, 1944.
Jean-Claude Duclos et Michel Wullschleger, Le Vercors. Pays, paysans, paysages, Grenoble, Editions Glénat,
1990.
11
4
rassembler la communauté et de renforcer encore plus son union. Suivant les communes
certaines prennent plus d’importance que d’autres. Par exemple à Méaudre, le 17 janvier, pour
la Saint Antoine, il y avait une messe au cours de laquelle du pain béni était distribué en petits
morceaux. Il était en général fait par quelques familles qui s’étaient proposées ou commandé
au boulanger. Ensuite les hommes allaient manger à l’hôtel où il y avait un repas, mais là, les
femmes n’étaient pas conviées12. A Autrans, le pain que l’on bénissait était donné aux
animaux tandis qu’à Villard-de-Lans il était destiné aux semences. A Corrençon, la plus
grande fête était celle de la Sainte-Croix le 3mai car l’église s’appelait Sainte-Croix de
Corrençon. On bénissait alors des petites croix en bois que faisaient les agriculteurs, que ces
derniers mettaient ensuite dans leurs champs13. A Villard-de-Lans, on célébrait la Fête-Dieu.
On se retrouvait aussi lors d’autres fêtes comme Pâques, la Toussaint ou la Chandeleur au
cours de laquelle les gens chantaient et dansaient autour des feux appelés les « bourdes ». Par
contre Noël n’était pas l’occasion de grandes festivités mais simplement d’une messe de
minuit. Cela peut s’expliquer par le froid et l’enneigement du mois de décembre14. La religion
apparaît donc comme un élément unificateur de la communauté. Nous constatons donc que le
Vercors, et en particulier les communes du canton de Villard-de-Lans, demeure à l’orée de la
guerre un territoire très christianisé. On peut se demander alors si cela n’a pas eu une
incidence sur les comportements de sa population vis-à-vis de tous ceux qui sont venus
chercher refuge dans les forêts et même dans les fermes. En effet la religion catholique
n’incite-t-elle pas ses croyants à aider, à secourir son prochain quand celui-ci se trouve dans la
difficulté ? Si les positions de la hiérarchie ecclésiastique, jusqu’au plus haut niveau, n’ont
pas toujours été très claires pendant la guerre, on sait en revanche qu’à la base de l’institution
nombreux furent ceux qui agirent en faveur de la Résistance, notamment en ce qui concerne la
cache de juifs. Ne retrouve-t-on pas cet état de fait dans le Vercors ? Ses habitants n’ont ils
pas considéré comme leur devoir de venir en aide à ceux qui la sollicitaient d’une manière ou
d’une autre ? De fait l’influence de la religion aurait-elle pu dépasser le cadre de la stricte
communauté villageoise ou des habitants du plateau, et provoquer dans le contexte belliqueux
un sentiment de solidarité envers tous ceux qui était victimes de la guerre ?
Avant l’arrivée de la guerre, l’élevage bovin était la première spéculation des paysans
du Vercors. Quasiment toutes les exploitations en possédaient une ou deux au minimum. Il est
possible d’évaluer le cheptel présent sur le plateau grâce aux enquêtes agricoles qui ont été
12
I.P.I.M.O.V., 8110/2.
I.P.I.M.O.V., 8046/1-2.
14
Ibidem.
13
5
réalisées dans les communes. Malheureusement, toutes ces enquêtes n’ont pas été conservées
et, au plus proche du début de la guerre, seules sont disponibles celles de 1938 pour le canton
de Villard-de-Lans et de novembre 1941 pour celui de La Chapelle-en-Vercors. C’est donc à
partir de ces résultats que nous essayerons d’évaluer la présence des bovins dans l’espace qui
nous intéresse. En tout premier lieu, on remarque une disparité dans la répartition des bêtes,
celles-ci étant beaucoup plus nombreuses du côté isérois avec un nombre de 400915 têtes
contre seulement 284316 côté drômois. Une autre caractéristique ressort de ces statistiques :
c’est la quasi-absence de bœufs de plus de deux ans. Ce chiffre pourrait paraître paradoxal
puisque, comme nous le verrons, une partie des bovins élevés était destinée à la boucherie.
Cependant selon Denis Chevallier les agriculteurs avaient l’habitude de ne garder la
reproduction mâle qu’une saison avant sa vente quand ils n’avaient pas besoins de taureaux17.
Comme le dit Raoul Blanchard, c’est l’intensification de l’élevage bovin notamment pour son
lait qui « a rendu droit de cité aux chèvres, animal chargé du lait du ménage »18. Mises à part
dans les communes de Méaudre, Corrençon et Saint-Julien-en-Vercors, on remarque la
présence d’un effectif non négligeable de brebis dans le Vercors. A l’inverse de l’espèce
bovine elles sont plus nombreuses dans le canton drômois. A partir des mêmes enquêtes
agricoles, elles apparaissent en effet en plus grand nombre surtout à La Chapelle-en-Vercors
et Saint-Agnan-en-Vercors avec 78 et 69 têtes respectivement. Dans le reste du plateau les
chiffres oscillent entre 25 et 45. Concernant les porcins, ils sont un autre réactif de l’élevage
bovin comme le souligne Raoul Blanchard19. Les chiffres issus des statistiques agricoles
indiquent que dans la majorité des fermes il y avait quelques porcs à l’engrais20. Leur
présence est répartie de manière homogène sur le plateau.
Nous l’avons vu, le Vercors avant la Deuxième Guerre mondiale est une terre
d’agriculture et plus particulièrement d’élevage bovin. Ainsi sur l’ensemble du plateau les
cultures leur sont majoritairement dévolues. C’est ce qu’indiquent les statistiques agricoles
que nous avons évoqué précédemment : celle de 1938 pour le canton de Villard-de-Lans et de
1941 pour celui de La Chapelle-en-Vercors. On y remarque la presque omniprésence des
productions fourragères et des prairies naturelles qui constituaient très nettement l’essentiel
des terres. Le plateau était ainsi recouvert de prés dont l’herbe fauchée était convertie en foin
15
Archives départementales de l’Isère (AD38), 3426W10.
AD26, 945W3.
17
Denis Chevallier (dir.), Le temps des villardes, une race bovine de montagne, Lyon, La Manufacture,
collection : « L’homme et la nature », 1986.
18
Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales…, op. cit.
19
Ibidem.
20
AD26 945W3 et AD38 3426W10
16
6
et d’herbages donnés en pâtures aux animaux. Cependant d’autres cultures étaient présentes
avec parcimonie comme les céréales. Alors que le méteil était privilégié côté isérois, on lui
préférait le blé ou le froment côté drômois21, mais tout ceci ne restait que dans de petites
proportions puisqu’en moyenne seulement entre 50 et 100 hectares y étaient consacrés.
Cependant la présence de ces céréales ajoutée à d’autres comme l’avoine, l’orge ou le seigle,
avait permis à certains habitants de pouvoir faire leur pain. Ceci a eu son importance quand il
a fallut trouver de quoi nourrir les nombreux réfugiés et maquisards installés dans le Vercors
alors que les problèmes de ravitaillement en France incitaient Vichy à contrôler le
rationnement de chacun. Autre culture qui a joué un rôle pendant la présence des maquis : le
pomme de terre. D’après les statistiques dont nous disposons, c’est environ 10 hectares par
commune qui y étaient consacrés dans le canton drômois et le double dans le canton isérois22.
Pour le reste, on peut noter la timide présence de betteraves fourragères et l’absence de
cultures fruitières, de plantes industrielles comme le tabac ou de production viticole. Dans la
statistique concernant le canton de Villard-de-Lans, il est spécifié l’existence de 17 hectares
de cultures maraîchères qui étaient les jardins cultivés pour les besoins des exploitants. On a
ainsi l’affirmation de la présence de ressources qui ont certes dû servir en partie à
l’approvisionnement de la famille travaillant sur l’exploitation, mais dont une autre partie a
très bien pu être revendue.
D’après Denis Chevallier, « A l’approche de la Seconde Guerre mondiale, la
population des villardes est à son apogée »23. On la retrouve de partout dans le département de
l’Isère mais aussi au-delà dans le Valentinois, le Romanais et ailleurs encore. Le principal lieu
de commerce de cette race bovine de Villard-de-Lans était les foires dans les villages du
Vercors et notamment celles de Villard-de-Lans et de La Chapelle-en-Vercors. Les acheteurs
étaient aussi bien des cultivateurs du plateau que des maquignons ou des paysans des vallées
voisines, et l’on s’y livrait à de nombreuses transactions. Les bovins étaient vendus soit pour
leur travail à d’autres agriculteurs, soit pour leur viande à la boucherie. A Villard-de-Lans, il y
avait quatre foires : le 10 avril, le 22 août, le 26 septembre et le 2 novembre. Les plus
importantes étaient celles d’avril et de septembre. Lors de ces manifestations, les vaches les
plus chères, âgées entre cinq et sept ans et dressées, pouvaient être vendues jusqu’à 3000
francs la paire. A noter qu’à l’occasion de la foire du 10 avril on vendait aussi des porcs24.
21
ibidem.
ibidem.
23
Denis Chevallier (dir.), Le temps des villarde…, op. cit., p.23.
24
I.P.I.M.O.V., 8211/2-3.
22
7
A cette époque, l’agriculture du Vercors possédait une autre ressource qu’elle exportait hors
de son territoire : le lait, et plus particulièrement celui des vaches. Pour la plupart des fermes
c’est lui qui constituait la principale source de revenu. Un Villardien raconte comment
s’organisait ce commerce : « Y’avait une coopérative laitière qui avait été créée par les
producteurs laitiers après la guerre de 1914, vers 1920 peut-être. Y’avait beaucoup de
producteurs qui donnaient leur lait là puis alors y’avait une autre… une entreprise familiale,
[…] qui avait une laiterie aussi. Le ramassage du lait se faisait avec un mulet ou avec une
espèce de camionnette. Ils ramassaient le lait tous les matins, ils l’amenaient à la fruitière, et
là on traitait le lait. Et après toutes les fins de mois les producteurs étaient payés ». Dans ces
fruitières le lait était transformé en beurre ou en fromages qui étaient vendus dans les vallées.
« Il est peu d’endroits en Vercors où l’on ait pas fabriqué de charbon de bois 25».
Léger et facilement transportable, c’était avant la construction de routes desservant le plateau
le seul moyen pour les habitants de tirer profit de la forêt. Si le charbonnage se pratiquait de
moins en moins à la veille de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci lui apporta un regain
d’activité. En effet elle fut marquée entre autre pour les populations par une pénurie de
charbon et d’essence. De ce fait il fallut trouver un autre carburant pour les véhicules à
moteur. C’est ainsi que furent inventés les véhicules à gazogène, dits les « gazos » qui
fonctionnaient à partir de la combustion de charbon de bois. Cependant, la profession de
charbonnier présentait une particularité, celle d’être délaissée par la population autochtone.
Deux vagues d’émigration de l’Italie vers la France provoquèrent cet état de fait. Au tournant
du XXème siècle, la première était due à une recherche d’amélioration des conditions de vie
et de travail. L’origine de la deuxième est toute autre. En effet une crise dans l’industrie du
bois provoqua une baisse des salaires des ouvriers de la forêt et de ce fait l’abandon du métier
pour la plupart. Mais devant la nécessité de trouver de la main-d’œuvre, les exploitants
forestiers ont organisé l’immigration de travailleurs italiens grâce au concours des autorités
gouvernementales26. Parallèlement des Espagnols ont aussi été embauchés mais dans un
nombre beaucoup plus restreint. Si les charbonniers sont en grande majorité transalpins, ils ne
sont pas pour autant étrangers au mode de vie du Vercors. Ils viennent eux aussi de régions
montagneuses dont les habitants vivent de petites exploitations agricoles et de la forêt, qui
leur apporte, tout comme c’était le cas dans le Vercors auparavant, un revenu supplémentaire.
Néanmoins cette pluriactivité nécessaire à leur subsistance n’était pas suffisante pour tous, et
25
26
Jean-Claude Duclos et Michel Wullschleger, Le Vercors…, op. cit.
Idem, p.109.
8
c’est ainsi que certains décidèrent de proposer leurs services en France. Dans les premières
décennies du XXème siècle, ces charbonniers italiens venaient sans leur famille à qui ils
laissaient la charge de s’occuper de l’exploitation agricole. Ils travaillaient comme
saisonniers, arrivant à la fin de l’hiver et repartant aux premières neige de l’automne, vers la
Toussaint27. Puis au fil des saisons ils firent venir leur famille avec eux. Petit à petit, la plupart
de ces familles ne rentrèrent plus au pays. Une fois la saison terminée et en attendant la
suivante, elles descendaient dans les vallées proposer leurs services. A partir des années 1930,
certains, présents depuis quelques temps sur le plateau, montaient « leurs propres affaires et
[devenaient] à leur tour exploitants forestiers »28. D’autres manifestaient leur désir de changer
de vie en quittant les bois et en devenant propriétaire, souvent d’une vieille ferme, et optaient
ainsi pour une activité moins rude. Néanmoins leur intégration au sein de la communauté
villageoise ne s’est pas faite sans encombres. Les témoignages de nos jours bien souvent ne
rapportent qu’une vision partielle de ce que fut la perception de ces populations par les
habitants du Vercors. La mémoire, enjolivant la situation de l’époque, n’en retient que les
aspects folkloriques. Ainsi l’on se rappelle de leurs recettes de cuisine, notamment la polenta,
leur élégance le dimanche à la messe ou bien la fière allure des jeunes Italiens au bal. Mais
tout cela ne doit pas faire oublier les côtés plus sombres des relations entre ces charbonniers
étrangers et les villageois. Les débuts furent marqués par une réelle mise à l’écart, parfois
même un climat de tension. Ceci était dû en premier lieu à la provenance de ces ouvriers de la
forêt qui étaient doublement des « étrangers ». Ils l’étaient à la fois au pays du Vercors, mais
aussi au pays de la France ; la barrière de la langue et donc de la communication constituant
un premier obstacle. Par ailleurs la baisse de la rémunération des charbonniers entraîna une
déqualification de la profession, encore que celle-ci ne fut que partielle car les plus anciens
avaient su transmettre leur mémoire concernant le métier dont ils savaient la grande dureté.
C’est ainsi que le discrédit dont étaient victimes ces travailleurs laissa bientôt place à une
« réelle admiration »29. Aujourd’hui encore la mémoire collective reconnaît la rudesse et la
qualité du travail de ces gens qui ne « rechignaient pas au travail »30. Un autre facteur
d’intégration fut, nous l’avons évoqué précédemment, la ressemblance entre leurs régions
d’origine et le Vercors. Ils avaient quitté une terre d’agriculteurs-forestiers pour en gagner une
nouvelle, où la société était elle aussi composée d’agriculteurs-forestiers, ce qui facilita leur
acculturation. Ainsi ayant les mêmes modes de vie et étant détenteurs d’un savoir-faire qui
27
Idem, p.112.
Idem, p.107.
29
Idem, p.113.
30
Ibidem.
28
9
faisait l’admiration, les charbonniers italiens furent petit à petit intégrés à la communauté
villageoise si bien que certains décidèrent même d’abandonner la profession et de s’installer
au village.
Dans le Vercors, nombreux étaient en effet les paysans qui associent à leur activité
d’éleveur celle de bûcheron occasionnel. Il arrivait que ceux-ci montent en forêt pour couper
du bois. Il s’agit là d’une pluriactivité de subsistance qui permettait aux ménages d’obtenir
des revenus supplémentaires. « Quand ça venait, l’automne, tout le monde allait au bois… On
allait couper des bois, tous »31. On partait alors dans la forêt avec des bêtes car c’est elles qui
devaient ensuite ramener le bois coupé. Ainsi cet homme se souvient : « on les chargeait sur
des chars, on avait des roues exprès pour charger sur des chars. On menait ça avec des
chevaux ou avec des vaches »32. A cette saison, la neige avait déjà fait son apparition. Il fallait
alors ferrer les animaux de manière spécifique à l’aide de « crampons »33 comme le raconte
cet autre habitant du plateau : « quand elles travaillaient dans la neige ou quand elles
passaient le chasse-neige on leur mettait des crampons »34. Toutefois cette neige n’était pas
une contrainte, bien au contraire. Elle permettait de faire glisser les chars sur lesquels étaient
posés les troncs d’arbres, ce qui facilitait leur transport. Certains attendaient même cette
couche nivale pour transporter leurs coupes : « Les gens, l’hiver, du côté de Corrençon par là,
là-bas, la Balmette, ils charriaient tout l’hiver avec des traîneaux. […] A l’automne, ils le
mettaient en tas et l’hiver, ils le charriaient comme ça. Ils faisaient un voyage par jour »35. Si
une partie était conservée pour le bois de chauffe, le reste était ensuite revendu soit aux
scieries locales soit à des marchands de bois de Grenoble36.
Outre les charbonniers au printemps et en été, certains bûcherons vivaient aussi dans la
forêt pour être directement sur leur lieu de travail. Ils résidaient dans ce que l’on appelle des
baraques forestières. La construction de ces dernières n’était pas systématique et dépendait
surtout de l’accessibilité des bois. Lorsqu’il n’y avait pas de voie de communication pour s’y
rendre, il était plus simple de s’installer dans une baraque construite à cet effet. Cependant
tous ne choisissaient pas d’y demeurer. Il n’y a pas de règle générale pour expliquer cela mais
plutôt divers cas de figure qui incitaient à opter ou non pour la vie en forêt. Ce pouvait être
par exemple, comme le raconte un ancien forestier du Vercors, la possession d’un moyen de
locomotion qui permettait de se rendre au travail rapidement et sans efforts : « si le bûcheron
31
Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle…, op. cit., p.83.
Idem, p.84.
33
I.P.I.M.O.V., 7859/1à3.
34
I.P.I.M.O.V., 8211/2-3.
35
Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle…, op. cit., p.84.
36
Ibidem.
32
10
il a des moyens de communication, il va travailler la journée et puis il redescend. […] Le
bûcheron de 40-41, s’il avait la chance d’avoir une pétrolette et un peu d’essence ça l’aidait.
Après le même bûcheron, l’essence y’a plus moyen d’en trouver […], il restera en forêt »37.
On voit donc que c’est logiquement la localisation du lieu de coupe qui détermine dans un
premier temps le choix de l’installation dans une baraque. Ainsi « Une équipe qui travaille
dans une forêt où il y en a pour une journée à monter à pied, ces gens là ils faisaient une
baraque »38. Mais d’autres paramètres comme l’âge des bûcherons entraient en ligne de
compte. Si ces dernières étaient érigées parce que les lieux n’étaient pas faciles d’accès, cette
difficulté n’était pas la même pour tous. Alors que les plus jeunes pouvaient éventuellement
redescendre tous les soirs, les plus anciens ne rentraient au village que le week-end.
Il reste un secteur de l’économie locale que nous n’avons pas abordé : le tourisme.
Celui-ci avait connu un développement très inégal sur le plateau. Ressource importante de la
ville de Villard-de-Lans qui s’était dès le début du siècle spécialisée dans l’accueil des enfants
tuberculeux, puis ensuite dans les sports d’hiver, il n’en était encore qu’à ses balbutiement
dans le Vercors-sud.
Voici ce qui constitue les principaux traits de la vie en Vercors à l’heure de la
Deuxième Guerre mondiale. C’est donc sur ce « terreau » que l’esprit de Résistance est
apparu, aboutissant à l’implantation d’une sorte de seconde société, mais clandestine celle-ci,
sur le plateau. Malgré la nécessité de retrait pour cette dernière, question de sécurité, elle ne
pouvait vivre en complète autarcie, et était donc en interaction avec la population autochtone.
Rapidement elle s’est même trouvée dans une situation de dépendance. En ce qui concerne les
habitants du Vercors, la présence sur leur terre de ces « terroristes », c’est ainsi que les
maquisards étaient appelés par les occupants et par Vichy, engendra des modifications de
leurs conditions d’existence. Nous verrons donc au cours de cette enquête comment des liens
se sont tissés entre ces deux « sociétés » d’une part, et d’autre part quels en furent les
conséquences sur les modes de vie, les quotidiens des habitants du plateau.
37
38
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
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Européennes, n° ?, pp.567 à 576.
Colonel, POLHARD, « Pas d’armes… », dans Le Monde, 29 août 1974, p.18.
J., REVOL, « Encore le maquis du Vercors et les limites de la guérilla », dans Revue Militaire
Suisse, n°7, juillet 1954.
Jean, ROSENTHAL, Capitaine cantinier, « Un abcès de fixation », dans Le Monde, 29 août
1974, p.18.
Jean-Pierre, ROSNAY, « Hommage aux Résistants du Vercors, morts au combat ou en
déportation », dans Croix de Guerre, octobre-décembre 1990, pp.15 à 18.
# Lieutenant, STEPHEN, Vercors premier maquis de France, Grenoble, édité par
l’Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors, 3e édition,
1991, 182p.
Pierre, TANANT, Vercors, Haut-lieu de France, Grenoble, Arthaud, 1983, 260p.
André, VINCENT-BEAUME, Sur la Résistance en Vercors, dans Etudes Drômoises, numéro
spécial « Regards sur le Vercors », 1ère édition 1974, pp.125 à 130.
Henri, Général, ZELLER, « De la chute du Vercors à la libération de Grenoble », in Revue
Historique de l’Armée, n°4/1969, pp.90 à 98.
FILMOGRAPHIE
Jean-Paul, LE CHANOIS, Au cœur de l’orage, Film documentaire, 1948, 100min.
Laurent, LUTAUD, Vercors : le plateau déchiré, documentaire France 3, « Montagnes
Magazine », 1992, 87min.
Frédéric, ROSSIF, (avec la collaboration des « Pionniers du Vercors », conseiller historique
Robert Aron), La bataille du Vercors, documentaire ORTF, juin 1964, 54min.
30
ETAT DES SOURCES
L’espace étudié étant composé de deux cantons issus de départements différents, il
faut compter dans la recherche aux archives départementales avec les disparités d’un dépôt à
l’autre. Ainsi les sources disponibles quant aux cantons de La Chapelle-en-Vercors pour la
Drôme et Villard-de-Lans pour l’Isère sont parfois de nature différente.
Durant ce que l’on pourrait appeler la première étape de mes recherches, je me suis attaché à
collecter de quoi « faire connaissance » avec le territoire qui nous préoccupe. Ainsi je me suis
intéressé aux recensements de population, aux résultats des élections précédant la guerre et
aux statistiques agricoles. Concernant les mœurs de l’époque, j’ai pu bénéficier des résultats
d’une enquête menée par le Parc Naturel Régional du Vercors sous le nom d’Inventaire du
Patrimoine Iconographique et de la Mémoire Orale du Vercors (I.P.I.M.O.V.). Enfin j’ai
cherché à obtenir des informations sur l’état d’esprit de la population durant cette période
dans des rapports de préfets, sous-préfets ou commissaires spéciaux, mais en vain.
Dans la seconde étape, l’objectif était de trouver des renseignements sur les Résistants du
Vercors. Il s’agit là uniquement de ceux qui habitaient le plateau. Le but était donc autant
d’apprendre leurs identités que d’avoir plus de détails sur leurs activités. Pour cela, ce sont
surtout des témoignages que j’ai exploité. Toujours dans l’idée de recueillir des informations
sur les activités des Résistants, ou sur les actes de la population qui fit preuve de
désobéissance civile de temps à autre, j’ai consulté les procès-verbaux établis par la
gendarmerie durant la période étudiée, ainsi que les amendes établies pour non livraison de
ravitaillement. J’ai aussi essayé de récolter des informations sur les habitants du Vercors
convoqués pour le S.T.O. mais les archives conservées à ce sujet sont quasi-inexistantes pour
les deux cantons.
La troisième étape fut consacrée au regard des différentes autorités sur le Vercors. A savoir
celles de Vichy, les Italiens et les Allemands. C’est essentiellement aux archives
départementales de l’Isère que j’ai trouvé ces renseignements puisqu’il y est conservé de
nombreux rapports issus du cabinet du préfet, mais aussi des organismes de liaison avec les
occupants italiens puis allemands.
Enfin, pour compléter mes informations, j’ai pu bénéficier de fonds d’archives privés comme
les fonds Silvestre et Dalloz aux archives départementales de l’Isère, mais aussi le fond
Vincent-Beaume dans celles de la Drôme, ou encore le fond Fernand Rude à la Bibliothèque
Municipale de Lyon. Dans ces derniers se trouvaient des notes rédigées par les historiens qui
31
les avaient déposés, ainsi que des témoignages qu’ils avaient recueillis, des articles, … J’ai
aussi pu consulter des sources concernant le Vercors au Centre d’Histoire de la Résistance et
de la Déportation de Lyon, à la Maison du Parc Naturel Régional du Vercors à Lans-enVercors et à la Maison du Patrimoine de Villard-de-Lans, où j’ai notamment pu obtenir
beaucoup d’informations sur le lycée polonais qui s’installa dans cette localité. Pour finir, je
me suis livré à des interviews sur le plateau, interrogeant un panel de protagonistes de
l’époque assez varié tel que la fille d’un maire de l’époque, un Résistant membre d’une
compagnie civile, la fille d’une famille pionnière de la résistance en Vercors et deux
personnes qui étaient adolescentes au moment des faits et qui n’avaient rien à voir avec la
Résistance.
Archives départementales de la Drôme
Série J
Fonds du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale de la Drôme
9J1-2 Photo, tracts, affiches, journaux
9J3-7 Récits, témoignages, rapports, notes diverses
9J6 Liste des ouvriers défaillants au STO
9J8-9 Comité d’Histoire de la Seconde Guerre Mondiale : récits, témoignages, rapports, notes
diverses
9J8 Rapports journaliers de l’armée allemande sur les opérations du Vercors
9J36 Ravitaillement
9J40-44 Légion française de combattants : dossiers des sections communales
9J66 Presse
Fonds de la Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la
Drôme
97J Témoignages sur Vercors
Fonds Vincent-Beaume (a été le correspondant pour la Drôme du comité d’Histoire de
la Seconde Guerre Mondiale)
132J Correspondance avec les mairies, gendarmeries et administrations ; récits, témoignages,
rapports, notes diverses ; déportations et pertes de la Résistance
Fonds Pierre de Saint Prix (préfet de la Libération à janvier 1945)
J680 témoignages, correspondance, documents isolés
Série M
3M240 Elections législatives des 26 avril et 3 mai 1936
3M257 Elections sénatoriales du 23 octobre 1936
3M379 Elections aux conseils généraux et aux conseils d’arrondissement : renouvellement
triennal de 1937 ; généralités Conseil général : dossier d’élection du canton de La Chapelleen-Vercors
32
3M486 Elections municipales : dossiers par communes : La Chapelle-en-Vercors (1831-1935)
3M711 Idem : St Agnan-en-Vercors (1831-1935)
3M726 Idem : St Julien-en-Vercors (1831-1935)
3M732 Idem : St Martin-en-Vercors 51831-1935)
3M787 Idem : Vassieux-en-Vercors (1831-1935)
6M227 Dénombrement de la population par commune : La Chapelle-en-Vercors (1936)
6M429 Idem : St Agnan-en-Vercors (1936)
6M444 Idem : St Julien-en-Vercors (1936)
6M448 Idem : St Martin-en-Vercors (1936)
6M510 Idem : Vassieux-en-Vercors
10M514-516 Main d’oeuvre agricole : accidents du travail, salaires, enquêtes, etc (19241932)
Documents microfilmés
1Mi322 Cours de justice de la Drôme : faits relatifs à la collaboration
1Mi436 STO : listes des volontaires et requis saisies à la préfecture en 1944 (janvier 1943juin 1944)
1Mi15, 1Mi83, 1Mi281-284, 1Mi312, 1Mi353, 1Mi398, 4Mi137-145 Récits, témoignages,
rapports, notes diverses
Série P
Cadastre
La Chapelle-en-Vercors
3P514 Etats de sections : tableau indicatif des propriétés foncières, de leurs contenances et de
leurs revenus
3P517 Matrices des propriétés bâties (1910-1957)
3P518-519 Matrices des propriétés non bâties (1914-1957)
3P3325 Plan : cadastre parcellaire
Saint Agnan-en-Vercors
3P2071 Etats de sections
3P2075 Matrices des propriétés bâties (1910-1973)
3P2076-2077 Matrices des propriétés non bâties (1914-1973)
3P3543 Plan : cadastre parcellaire
Saint Julien-en-Vercors
3P2170 Etats de sections
3P2173 Matrices des propriétés bâties (1910-1970)
3P2174 Matrices des propriétés non bâties (1914-1970)
3P3558 Plan : cadastre parcellaire
Saint Martin-en-Vercors
3P2199 Etats de sections
3P2203 Matrices des propriétés bâties (1910-1951)
3P2204 Matrices des propriétés non bâties (1914-1951)
3P3564 Plan : cadastre parcellaire
Vassieux-en-Vercors
3P2630 Etats de sections
3P2634 Matrices des propriétés bâties (1910-1973)
3P2635 Matrices des propriétés non bâties (1914-1973)
3P3617 Plan : cadastre parcellaire
33
Série W
4W2 Justice : tribunal de Die : parquet : statistiques et états mensuels (1940-1943)
49W4 Statistique agricole : rapports sur la situation économique du département, états des
cultures (1940-1942)
49W6 Main d’œuvre agricole : contrôle de la main d’œuvre (1940)
49W19 Corporation nationale paysanne : correspondance (1944)
49W21 Ravitaillement : instructions, propagande (1940-1941)
49W58 Etats des quantités de bétail livrées au Ravitaillement général (1943-1945)
52W1 Gendarmerie : procès verbaux (juin à décembre 1944)
Répartition des charbons par communes : enquêtes, demandes et autorisations
d’approvisionnement, correspondance
58W40 La Chapelle-en-Vercors (1939-1947)
58W115 St Agnan-en-Vercors (1939-1947)
58W117 St Julien-en-Vercors (1940)
58W118 St Martin-en-Vercors (1939-1947)
58W166 Vassieux-en-Vercors (1939-1942)
Infractions aux lois économiques et du ravitaillement
177W11-12 Etats statistiques bimensuels des amendes, confiscations et transactions
acquittées (1944-1945)
177W13-14 Correspondance, procès-verbaux, rapports divers (1944-1949)
177W15 à 21 Sanctions administratives (1944-1949)
177W58 Etats nominatifs des sanctions, correspondance, procès-verbaux (1944-1948)
180W46 Réquisition agricole : arrêtés et refus de levées agricoles (1944-1947)
268W1-2 Rapports de gendarmerie : procès verbaux (1942-1944)
268W2 Démissions, révocations, nominations : lettres concernant les maires, conseillers
municipaux, les membres de délégations spéciales (1940-1944)
268W6 STO (1943-1944), ravitaillement (1944-1945)
348W8 Liste des maires et adjoints par nuance politique
348W12 à 16 Rapports mensuels du préfet
348W36 Rapports des commissaires de police (1938-1939)
357W1 Ravitaillement : rapports sur la raréfaction des denrées alimentaires (1940-1950)
500W23 Gendarmerie : procès-verbaux (1944-1945), correspondance et affaires diverses
(1944-1960)
558W(68/20 n°30) Agriculture : statistiques diverses (1939-1945)
558W(68/20 n°36) Enquête agricole de 1943
558W41 Enquêtes agricoles : correspondance générale (1944-1952), statistiques agricoles
annuelles (1934-1957)
558W47 Enquêtes agricoles : récapitulatif de l’enquête (1943-1944), tableaux synthétiques
par régions drômoises
653W19 Monographie agricole sommaire du département de la Drôme ; rapports mensuels du
contrôle de l’approvisionnement et du contentieux (1944-1945) ; rapports mensuels au
ministre (1941-1943), comptes-rendus bimensuels dans les districts (1942-1943), contrôle de
l’approvisionnement : rapports, procès-verbaux de constats (1942-1943)
653W23 Cheptel : instructions, correspondance, procès-verbaux, dossiers nominatifs états
653W24 Cheptel : fausses déclarations de cheptels, procès-verbaux d’audition, listes
nominatives des propriétaires
653W27 Viandes : correspondance, procès-verbaux, dossiers nominatifs
34
653W29-30 Pommes de terre : procès-verbaux de renseignement des stocks (1942), amendes
pour non livraison et ordres de versements (1943)
653W49 Epicerie et produits divers : procès-verbaux, dossiers nominatifs, états, répartitions
diverses (1942-1948)
653W50 Contrôles divers : procès-verbaux, dossiers nominatifs, états, tickets et cartes,
demande d’amnistie (1945-1948)
653W51 Contentieux : instructions, correspondance, saisies, procès-verbaux, dossiers
nominatifs (1942-1943)
653W52 idem (1943-1945)
653W53 Contentieux : liste des producteurs de la commune n’ayant pas satisfait à leur
imposition (1943)
653W54 Relevés des infractions et états divers (1941-1943)
653W55 Contrôles et saisies diverses (1942-1943)
653W56 Procès-verbaux des infractions, procès-verbaux d’auditions et de constatations,
rapports des contrôleurs (1942-1945)
653W68 Amendes prononcées, maintenues et annulées : arrêtés des sanctions, procès-verbaux
de gendarmerie, instructions, bordereaux, correspondance (1940-1946)
653W70 Registre des infractions et sanctions prononcées (1944-1945)
654W82-97 Gestion des forêts communales : vente de coupes de bois (an X-1938)
655W1 Coupes de bois des communes : procès-verbaux d’adjudication, procès-verbaux de
dénombrement, procès-verbaux de reconnaissance de bris de réserves, concession, bail,
correspondance, demandes d’autorisation : La Chapelle-en-Vercors (1941-1942), St Agnanen-Vercors (1941-1943), St Julien-en-Vercors (1943)
655W35 Acquisitions de terrain par l’Etat (1891-1937)
655W40-59 Gestion des forêts communales : vente de coupes de bois (an IX- 1936)
655W60-71 Gestion des forêts domaniales : rapports de l’inspecteur, arrêtés d’exploitation,
demandes d’autorisation diverses, correspondance, procès-verbaux d’adjudication de coupes
de bois, copies d’actes de vente de terrains cédés à l’Etat, plans, etc (1807-1938)
Sous-préfecture de Die
711W (76/7 n°4) Cabinet : instructions (1942-1943)
711W(76/7 n°5-6) Cabinet : correspondance (1939-1945)
711W(76/7 n°38) Maires, conseillers municipaux, membres de délégations spéciales :
démissions d’office (1941) ; nomination de délégations spéciales (1941) ; nomination de
conseils municipaux (1944)
711W(76/7 n°51-52) Cabinet : affaires concernant la guerre 1939-1945)
711W(76/7 n°53) Cabinet : dossiers politiques (1941-1961)
711W(76/7 n°55) Surveillance contrôle : rapports de gendarmerie (1932-1961)
711W(76/7 n°82) Surveillance contrôle : saufs conduits et cartes d’identité (1939-1945)
711W(76/7 n°127) Ravitaillement : rapports et correspondance (1935-1952)
711W(76/7 n°128) Ravitaillement : denrées alimentaires (1940-1947)
711W(76/7 n°132) Agriculture : enquêtes (1940)
711W(76/7 n°133-134) Agriculture : instructions et correspondance (1938-1961)
758W47 Dossiers communaux : St Julien-en-Vercors, St Martin-en-Vercors
758W80 Génie rural : électrification rurale généralités (1923-1939)
758W85 Idem (1937-1939)
758W89 Dossiers communaux : Vassieux-en-Vercors
758W99 Dossiers communaux : La Chapelle-en-Vercors (1929-1931)
927W3 Main d’œuvre : STO listes des convoqués des classes 1943-1944
927W4 Main d’œuvre : feuilles de renseignements, personnel licencié (1943)
35
944W5 Ravitaillement : service de la viande : rapports, éléments de rapports (1943-1945),
états récapitulatifs de certificats de besoin (1943-1945), plans d’exploitation de la viande
porcine ovine et bovine (1944-1945), relevés des producteurs qui ont livrés des veaux à la
commission d’achat du 1er avril 1943 et au 1er novembre 1943, registre d’importation du bétail
(1944-1945)
944W6 Enquêtes agricoles : bulletins récapitulatifs communaux (1943)
945W Enquêtes agricoles de 1941, 1942 et 1943
946W1 Ravitaillement : instructions générales (1940-1947)
946W4 Instructions sur le rationnement (1941-1942), affiches propagandistes du Maréchal
Pétain (1941)
946W5 Registre des coupures de presse nationale et locale relatives au ravitaillement (19441946)
946W7 Rapports sur l’organisation et le fonctionnement du service départemental du
ravitaillement de la Drôme, comptes-rendus d’activité de ce services, rapports divers,
situation alimentaire du département (1941-1946)
946W14-15 Etats des impositions par communes (1943-1944)
946W16 Recensement de population : répartition par catégories de communes et de
consommateurs, états de répartition par profession des habitants pour les communes de plus
de 500 habitants (1941-1942) ; relevés statistiques des différentes catégories de
consommateurs (1942-1945)
946W17 Situation économique agricole : rapports mensuels sur l’état des cultures (19411947)
946W18 Recensement des commerçants et des exploitations agricoles (1942)
946W20 Bordereaux hebdomadaires statistiques et récapitulatifs des mouvements de légumes
secs (1941-1943) ; ressources agricoles de fruits et légumes : tableaux statistiques (19411943), de denrées et sacs (1938), de bétail (1938)
946W21 Statistique des ressources agricoles pour les produits de basse-cour avec graphiques
(1941-1946) ; cahiers statistiques du comité central des groupements interprofessionnels
laitiers, tableaux statistiques d’arrivage de lait avec graphiques (1944)
Commission d’achat de La Chapelle-en-Vercors
946W73 Journal, grand livre centralisateur (février 1940-juin 1942)
946W74 Registre des profits et pertes (mai 1940-décembre 1942)
946W75 Registre de comptes de frais généraux (février 1940-décembre 1942)
946W188 Titres d’alimentation : instructions adressées aux maires, travail à effectuer par les
mairies, procès-verbaux de gendarmerie relatifs à des vols de cartes dans les mairies (19401949)
946W221 Corporation nationale paysanne : circulaires, instructions, correspondance, tracts
(1942-1944)
Comité central de ravitaillement des fruits et légumes
948W2 Rapports mensuels du délégué départemental (octobre 1943-octobre 1944)
948W3 Comptes-rendus mensuels des chefs de collecte (octobre 1943-octobre 1944), fiches
personnelles de renseignements et notations (1943-1944)
948W4 Liste des chefs de collecte de la Drôme et territoire de leur juridiction, listes des
collecteurs de fruits et légumes de la Drôme, listes des bureaux d’expédition
948W11 Dossiers de presse (1944)
949W Ravitaillement : instructions, correspondance, questionnaires aux maires (1940-1947)
1920W507 à 533 Dossiers nominatifs de demande de carte de Combattant Volontaire de la
Résistance
36
Archives départementales de l’Isère
Série J
Fonds Paul et Suzanne Silvestre
57J36 Le Vercors (conférence d’Eugène Chavant sur l’histoire du Vercors)
Fonds Pierre Dalloz
89J3 Notes d’Aimé Pupin sur l’histoire du Vercors
89J6 Articles de presse ; correspondance avec Paul Dreyfus
2J650 La Résistance/Le Vercors (récit de Léon Martin)
Série M
Elections législatives de 1936
8M49 Circulaires, instructions, déclaration des candidats, procès verbaux de recensement des
votes, renseignements divers
8M50 Coupures de presse, affiches, correspondance, divers
8M58 Elections législatives. Documents statistiques, généralités
Elections cantonales
12M23 Elections complémentaires de 1936, état du personnel des conseils d’arrondissements
1931-1938, documents généraux, procès verbaux de recensement général des votes
10M35 Procès verbaux, recensement général des votes
10M36 Affiches, professions de foi, listes, conseillers d’arrondissement
10M38 Elections cantonales, conseil général. Procès verbaux
12M24 Elections cantonales, conseils d’arrondissements. Procès verbaux de recensement
général des votes
12M25 Elections cantonales, conseils d’arrondissements à Villard-de-Lans
Elections municipales de 1935
15M96 Mobilisation des maires et adjoints
15M97 Listes des maires, adjoints et conseillés municipaux nommés
16M353,354 Affiches des candidats par ordre alphabétique des communes
16M369 Elections de 1935, période 1935-1944 (canton de Villard-de-Lans)
Elections sénatoriales
17M36 Elections complémentaires de 1935, documents généraux, procès verbaux d’élection
des délégués aux élections sénatoriales (canton de Villard-de-Lans)
52M81 Correspondance générale du Préfet (1930-1936)
52M90 Rapports mensuels du Préfet au ministère de l’Intérieur concernant les événements
politiques et économiques du département (1935-1936)
52M91 idem 1937
52M92 idem 1938
52M93 Rapports des Sous-préfets et des commissaires de police au Préfet sur les affaires
politiques, sociales et économiques (années 1939-1940-1942)
52M125 STO, instructions diverses. Recensements volontaires, défaillants (1943-1944)
37
52M131 Renseignements confidentiels sur les Sénateurs, Députés, Conseillés Généraux,
Conseillés d’Arrondissement, Maires des agglomérations les plus importantes, et diverses
personnalités. Notices individuelles (1942)
52M136 Police générale. Correspondance du Préfet : rapports mensuels d’information (19401941)
52M137 idem (1942)
52M138 idem (1943)
52M139 idem (1944)
52M14O Rapport du commissaire régional de la République (1944)
52M149 Tournées du Préfet et des Sous-préfets : renseignement sur les communes (1941 à
1944)
52M151 Correspondance avec les communes : affaires diverses, ravitaillement et marché noir,
lettres anonymes, dénonciations, enquêtes, gardes messiers (1940-1945)
52M163 Personnes ayant fait l’objet d’une enquête (1940-1943)
52M165 Personnalités politiques, syndicalistes, notables : notices individuelles (1942)
52M170 Individus à rechercher, personnalités inquiétées, maquis des inciviques, Francsmaçons (1943-1948)
52M180 Notes d’informations quotidiennes adressées au Préfet (1944)
52M301 Correspondance du Préfet. Interventions a/s de personnes arrêtées : réfractaires,
maquis, marché noir (1944)
52M302 Police générale : suspects divers signalés pour idées hostiles au Maréchal Pétain
(1941-1943)
82M5 Sûreté générale : recherche de suspects (décembre 1940-novembre 1941)
100M10 Sociétés, associations diverses (1941-1943)
123M354 Dénombrement de 1936 : canton de Villard-de-Lans
137M84 Statistiques agricoles annuelles (1935)
137M85 idem (1936)
137M86 idem (1937)
137M87 idem (1938)
140M16 et 17 Prix et médailles. Mandatement de primes. Imprimés et pièces diverses (19301936)
140M47 Concours agricoles divers. Médailles, primes (1932-1941)
Série P
Plans cadastraux
4P5/21 Autrans
4P5/128 Corrençon-en-Vercors
4P5/203 Lans-en-Vercors
4P5/545 Villard-de-Lans
(il n’a été conservé aucun plan cadastral pour la commune de Méaudre durant notre période)
Série Q
3Q11/1665 à 1672 Registre des baux (du 27 août 1934 au 19 février 1941)
3Q11/2307 à 2311 Tables des décès et successions (1935-1939)
3Q38/94 Actes civils publics (du 5 avril 1933 au 28 février 1935)
3Q38/134 Baux d’immeubles (du 29 novembre 1931 au 28 février 1935)
38
3Q38/184 Mutations par décès (du 18 août 1933 au 25 février 1935)
3Q38/211 Tables des décès et successions (1930-1935)
Série R
Relations avec les autorités de l’Occupation
13R906 Correspondance de la section française de liaison à l’adresse du Verbindungstaab, du
Sicherheitsdienst et du Préfet de l’Isère (octobre-décembre 1943). Correspondance diverse
(gouvernement de Vichy, Croix-Rouge, particuliers) adressée au Verbindungstaab
13R907 et 908 Correspondance de la section française de liaison adressée au Préfet de l’Isère,
au gouvernement de Vichy, à divers organismes et particuliers (1944)
13R909 Correspondance du Préfet de l’Isère à l’adresse du Verbindungstaab et du
Sicherheistdienst (janvier à juillet 1944)
13R910 Rapports quotidiens du Préfet au commandement du Verbindungstaab (déc.1943août 1944). Comptes-rendus adressés au gouvernement de Vichy par le Préfet de l’Isère (juinjuillet 1944)
13R928 STO : instructions, télégrammes officiels, correspondance avec l’office de placement,
listes (1943-1944)
13R929 et 930 Dossiers des travailleurs recrutés par les autorités occupantes
13R931 Recherche des réfractaires. Comité d’entraide aux Français travaillant en Allemagne
(1943-1944)
Résistance
13R933 Tracts et journaux clandestins : rapports de police (1941-1944)
13R938 à 945 Rapports de police et de gendarmerie sur les attentats et les sabotages (19421944)
13R946 Comptes-rendus quotidiens adressés au Préfet et au secrétaire général de la police
(nov.1943-juin 1944)
13R947 à 958 Etats quotidiens des attentats (nov.1943-juillet 1944)
Arrestations et répression
13R959 Recherche de dissidents : instructions, enquêtes (1940-1941)
13R960 Opérations de police effectuées par les troupes d’occupation : arrestations,
perquisitions (1942-1944)
13R961 Arrestations opérées par les autorités italiennes, allemandes et françaises (1943-1944)
13R962 Etats mensuels, arrestations et libérations (fév.1943-juin 1944)
13R963 Fiches des personnes arrêtées (mai 1943-juillet 1944)
13R968 Dossiers individuels des arrestations (novembre à décembre 1943)
13R970 à 974 idem (1944)
13R986 Etats statistiques des tués, fusillés civils, déportés, FFI tués, disparus dans le
département de l’Isère
13R987 Liste de Résistants tués. Associations de prisonniers et déportés (1944-1946)
13R1036 Membres du Mouvement de Libération Nationale : fiches
13R1045 Enquêtes auprès des communes sous l’Occupation et la Libération : réponses des
instituteurs
13R1046 et 1047 Documents traitant essentiellement de la Résistance dans le Vercors
Série U
39
Justice de paix du canton de Villard-de-Lans
9U2925 Actes civils (1928-1939)
9U2928 Conciliations et non-conciliations (1852-1939)
9U2952 Jugements civils (1925-1939)
9U2960 Tribunal de simple police (1914-1939)
Justice de paix de Sassenage
9U3633 à 3636 Jugements civils (1941-1944)
9U3650 à 3653 Actes civils (1941-1944)
9U3666 à 3668 Jugements de simple police (1941-1942-1944)
Série W
2101W43 Comité de ravitaillement de Libération Nationale : comités locaux, attestations,
réquisitions du maquis (1944-1945)
Ravitaillement de l’Isère
Service du contentieux
2105W125 Registre des poursuites
2105W126 Registre des amendes et confiscations (1943-1948)
2105W131 à 137 Fiches statistiques des délinquants (1942-1949)
2105W138 Sanctions laitières, amendes pour le blé (1942-1948)
2105W147 à 159 Dossiers des poursuites terminées
2105W160 Répertoire des textes législatifs sur le ravitaillement (1940-1948)
2105W161 Répertoire sur la législation et la réglementation des infractions en matière de
ravitaillement (1940-1948)
2105W162 Circulaires. Instructions concernant le contentieux du ravitaillement général
(1940-1949)
2109W104 Suites judiciaires, transmission au parquet
2109W105 Amendes pour abbatages clandestins, divers (1942-1947)
21019W106 Marché noir : trafic de cartes d’alimentations, hausse et stocks illicites, abbatages
clandestins (1941-1944)
2109W107 Idem, amendes, sanctions, commission contentieuse (1943-1948)
2109W108 Internements, amendes aux producteurs pour refus de livraison (1943-1947)
2109W109 à 125 Sanctions et fermetures administratives : dossiers individuels (1942-1948)
Statistiques agricoles
3426W9 et 10 Tableaux cantonaux et communaux des productions agricoles : enquêtes
diverses (1929-1940)
3426W11 à 26 Culture, cheptel, surface des exploitations, ressources commerciales et
industrielles. Etat des animaux à ferrer (1941)
3426W47 Récapitulation concernant la population et les exploitations (1942)
Matrices cadastrales et états de sections
6136W5 à 8 Autrans
6136W21 à 24 Corrençon-en-Vercors
6136W41 à 44 Lans-en-Vercors
6136W45à 49 Méaudre
40
6136W199 à 206 Villard-de-Lans
Journaux et périodiques dépouillés
PER1852/1 à 3 Le Pionnier du Vercors
Centre d’Histoire de la Recherche et de la Déportation de Lyon
Article 614 : « Mon premier journal de marche », témoignage de Pierre Lefort
Article 627a : Témoignage de Henri Chosson alias MIK dans la Résistance sur les actions de
l’unité de Marsaz
Article 1157 : « Formes diverses d’engagement de maquis alpins », par le Général Le Ray
ASSOCIATION NATIONALE DES PIONNIERS ET COMBATTANTS VOLONTAIRES
DU VERCORS, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, édité par l’association, Valence,
1990, 432p.
Joseph, LA PICIRELLA, Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1991, 474p.
Lucette, MARTIN-DE-LUCAS, Rescapée de Vassieux-en-Vercors. Souvenirs d’une fillette de
dix ans, Lyon, Imprimerie Rey, 1977, 152p.
Bibliothèque Municipale de Lyon
Fonds Fernand Rude
Boite217 : Témoignage d’un maquisard (anonyme)
Boite220 : Lettre de « Mathieu » PUPIN à DALLOZ
« Historique du 1er camp du Vercors, le C.1 », témoignage de M. Pierre Brunet
Boite225 : « Un du Vercors nous parle… », article issu de Le trait d’union
Boite226 : Article du Dauphiné Libéré du samedi 28 février 1948 (dans cet article il est fait
état d’un rapport envoyé par le général de la Porte du Theil, alors chef des Chantiers de
Jeunesse, à Vichy concernant la situation dans le Vercors)
Boite227 : Section de Villard-de-Lans ; liste de résistants de Villard-de-Lans ; liste de
résistants de Méaudre
Boite326 : Denise Noaro, La Résistance à Villard-de-Lans, témoignage de Denise Noaro, à
l’époque épouse de Jean Glaudas, tapuscrit de 12 pages adressé à Mme Silvestre dté du 26
janvier 1967
Maison du Parc Naturel Régional du Vercors
Les femmes dans la Résistance du Vercors
Enquête sur la mémoire orale des anciens du maquis du Vercors
Fonds I.P.I.M.O.V. (Inventaire du Patrimoine Iconographique et de la Mémoire Orale
du Vercors)
813-2 et 3 : Traditions de Villard-de-Lans et Rencurel
818 : La fruitière d’Autrans
7859-1 à 3 : Mémoire orale du Vercors : un maréchal-ferrant de Villard
8046-1 et 2 : La vie religieuse, les fêtes dans le canton de Villard-de-Lans
8110-2 : Vie et coutumes de Méaudre
8127-1 et 2 : La vie rurale dans le Vercors nord au début du siècle
8129 : La Résistance
8210-1 et 2 : Enquête sur la race bovine de Villard-de-Lans
8211-2 et 3 : L’élevage bovin : race de Villard-de-Lans
8212-1 et 2 : Race bovine de Villard-de-Lans : la station d’élevage
41
LE VERCORS EN RESISTANCE
Premiers actes de désobéissance
A) Les premières « combines » contre le régime
1) Des emplois à la campagne
Dans son discours du 22 juin 1942, Pierre Laval dit : « Je souhaite la victoire de
l’Allemagne parce que, sans elle, le bolchevisme, demain, s’installerait partout ». Dans le
même discours, il annonça par la suite aux Français l’instauration d’un système qu’il appela la
« Relève ». Celui-ci répondait aux exigences allemandes qui demandaient à la France de lui
fournir de la main-d’œuvre ouvrière pour son effort de guerre. Ainsi il prévoyait le départ
pour l’Allemagne d’ouvriers spécialisés sur la base du volontariat. Le système ainsi conçu
permettait le retour d’un prisonnier de guerre pour trois ouvriers spécialisés partis travailler de
l’autre côté du Rhin. De ce fait une importante propagande reposant sur la culpabilisation des
Français fut entreprise pour les inciter à partir. A la radio, dans la presse, sur des affiches, on
présentait comme un devoir moral, civique, d’aller travailler en Allemagne pour permettre le
retour des prisonniers. Ainsi on peut lire sur une affiche « travailleurs français vous libérez
les prisonniers en travaillant en Allemagne ». Cependant grâce aux courriers envoyés par les
premiers expatriés ou aux permissions qui leur avaient été accordées, la population fut
rapidement mise au courant de ce qui attendait ceux qui décideraient de partir travailler pour
le Reich. Ainsi ils furent peu nombreux, ou du moins leur nombre fut inférieur aux demandes
de Fritz Sauckel, le commissaire allemand à la main-d’œuvre. En conséquence, dans une
ordonnance du 22 août, celui-ci décida de soumettre au travail obligatoire tous les hommes et
toutes les femmes, pas seulement de la France mais de tous les pays occupés. De cette
ordonnance les journaux français ne parlèrent pas et donc la majeure partie de la population
ignora son existence. C’est en réponse à cette dernière que la loi du 4 septembre fut
promulguée. Elle était certes moins contraignante que le projet de Sauckel mais assujettissait
quand même tous les hommes entre 18 et 50 ans et toutes les femmes célibataires de 21 à 35
ans. Durant plusieurs mois une ambiguïté fut maintenue entre le volontariat des départs et les
mesures coercitives du gouvernement. Cependant sur les 240 000 ouvriers partis travailler en
Allemagne au 31 décembre 1942, seulement 64 00039 l’avaient fait avant le 17 octobre. On
peut donc en conclure que c’est véritablement l’établissement de la contrainte qui fut à
l’origine de ces départs, ce qui incita les gens à les assimiler déjà à des déportations. Au mois
39
ces chiffres sont issus de l’ouvrage d’Henri Amouroux, La grande histoire des Français sous l’occupation,
t.5 : Les passions et les haines. Avril-décembre 1942, Paris, Robert Laffont, 1981, p.128.
42
de janvier 1943, Sauckel exigea un nouveau contingent de 250 000 hommes, suite à quoi fut
créée une nouvelle loi. Celle-ci fut promulguée le 16 février 1943, c’est elle qui institua le
Service du Travail Obligatoire. Ainsi la France livrait sa jeunesse puisque dès lors tous les
jeunes hommes nés en 1920, 1921 et 1922 devenaient requérables pour aller travailler en
Allemagne.
Bien souvent, on associe la montée aux maquis du Vercors à l’instauration du Service
du Travail Obligatoire. Cependant nous avons vu que d’autres mesures antérieures
contraignirent des ouvriers français à partir outre Rhin. En fait, dès l’été 1942 et ses premières
mesures, le Vercors commence à être une terre de refuge pour certains. Si le régime de Vichy
s’est appuyé en ses débuts sur le monde agricole, François Marcot estime qu’entre ces deux,
la « lune de miel […] ne dure guère au-delà de 1941 »40 et que le « prestige du gouvernement
et de l’Administration sont sérieusement atteints avant même le S.T.O. »41. Par ailleurs il
affirme que même si elle ne les concerne pas, la Relève indigne les paysans car elle porte
atteinte à leur patriotisme. Ainsi à l’heure des premières mesures coercitives à l’égard des
ouvriers, la campagne est toute disposée à leur apporter son soutien. Comme les ouvriers
agricoles n’était pas concernés par ces mobilisations, nombreux furent les jeunes hommes qui
cherchèrent à se faire embaucher dans des fermes pour échapper à ce qu’ils considéraient
comme une déportation. Si de tels agissements sont difficiles à quantifier parce qu’il n’ont pas
toujours été opérés dans la plus complète régularité, les témoignages font état de plusieurs
jeunes hommes venus travailler sur le plateau pour éviter d’être requis. Pour Harry Roderick
Kedward cette « sympathie » montrée par les ruraux à l’égard de ceux qui refusent le travail
en Allemagne est un acte politique car elle démontre la volonté de désobéir à la loi et donc de
désapprouver le gouvernement et sa politique42. Par ailleurs ce même historien note qu’à
partir du mois de mai 1943, lorsque pour la première fois le S.T.O. implique les agriculteurs
de la classe 1942, et donc touche le monde rural jusqu’alors épargné, on assiste à un
renforcement de la complicité entre paysans et réfractaires43. Dès lors, et c’est le cas dans le
Vercors, se produit ce que Suzanne et Paul Silvestre appellent une « interpénétration du
40
François Marcot, « Les paysans et la Résistance, problèmes d’une approche sociologique », dans Christian
Bougeard et Jacqueline Sainclivier, La Résistance et les Français. Enjeux stratégiques et environnement social,
Actes du colloque international : « La Résistance et les Français : le poids de la stratégie, Résistance et société »,
29-30 septembre-1er octobre 1994, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1995.
41
Ibidem.
42
Harry Roderick Kedward, « STO et Maquis », dans Jean-Pierre Azéma et François Bédarida (dir.), La France
des années noires, t.2 : De l’occupation à la Libération, Paris, Seuil, 1993.
43
Ibidem.
43
milieu rural traditionnel et du monde ouvrier »44. C’est ainsi que le plateau absorbe dès qu’il
le peut les jeunes gens en fuite, à l’occasion par exemple des travaux agricoles à la saison des
foins ou des labours. Mais nous le savons, le Vercors est aussi un pays d’exploitation
forestière ; ce dont profitent bon nombre de garçons en obtenant un emploi de bûcheron ou
d’agent des Eaux et Forêts. Par conséquent, on voit qu’avant même l’installation des premiers
camps de maquisards, le Vercors est déjà entré dans une première forme de Résistance. Celleci n’est pas encore organisée et se développe de manière empirique au cas par cas. Elle
consiste en un camouflage individuel de jeunes hommes des villes qui veulent profiter des
mesures de protection accordées aux travailleurs du monde agricole. En effet grâce à celles-ci
ils peuvent éviter les réquisitions qui les emmèneraient directement dans les usines
allemandes.
2) Un ravitaillement illicite
Les années de guerre furent une période de difficulté concernant l’approvisionnement
en nourriture des Français. Ainsi on créa le Ravitaillement Général pour répartir les
productions et garantir le rationnement de chacun. Les paysans se voyaient donc ponctionner
une partie de leurs productions pour assurer la pérennité de ce système. Cependant il pouvait
arriver que pour diverses raisons ils ne purent livrer les quantités requises. Ce pouvait être de
bonne foi du fait de mauvaises récoltes, ou par opposition au système en préférant les
revendre à un prix plus élevé au marché noir, en les réservant pour des personnes que l’on
connaissait ou même pour soi. Quoi qu’il en soit, il est de fait qu’à ce sujet la coopération du
monde agricole ne fut pas la plus parfaite, et cela notamment dans le Vercors. Cependant du
fait de l’illégalité de tels agissements, il est difficile aujourd’hui d’une part d’en trouver trace,
et d’autre part d’évaluer son importance. En ce qui concerne notre étude nous nous appuierons
sur trois types de sources : les procès-verbaux pour non livraison au Ravitaillement Général,
les statistiques agricoles et les témoignages. Bien évidemment chacune comporte des limites
qu’il convient de prendre en considération, néanmoins l’association de ces trois approches
permet une vision assez juste de ce qu’était la situation. Premier indicateur des fraudes au
Ravitaillement Général, les procès-verbaux pour non livraison. S’ils ne témoignent
uniquement des malversations repérées par les autorités, ils permettent en revanche d’avoir
des informations précises sur les quantités non livrées. Leur origine était diverse puisqu’ils
pouvaient aussi bien être dressés par le service du Contentieux des Infractions au
44
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère. 1943-1944, Grenoble, Presses Universitaires de
Grenoble, 1995.
44
Ravitaillement Général, que par les gendarmes. On retrouve plus aisément ce type de sources
pour la Drôme que pour l’Isère, par conséquent nous disposons de plus d’exemples
concernant le canton de La Chapelle-en-Vercors. Ainsi dans les rapports mensuels du ministre
concernant le contrôle du ravitaillement retrouve-t-on en date du 10 décembre 1941 les cas de
deux cultivateurs de Saint-Martin-en-Vercors ayant été verbalisés pour non remise de lait aux
ramasseurs45. De même le 10 avril 1942 pour un cultivateur de Saint-Julien-enVercors qui
s’est vu de plus confisqué son stock de pommes de terre46, comme ce fut le cas aussi le 6
janvier 1943 pour un paysan de Villard-de-Lans a qui il en a été pris 335kg47. On le voit ce
type d’événements s’est produit dès les premières années de la guerre et sur l’ensemble du
plateau. Dans une lettre datée du 6 avril 1943 adressée au directeur départemental du
ravitaillement général par un cultivateur de Vassieux-en-Vercors, nous pouvons retrouver les
raisons qui amenaient certains à s’opposer à ces réquisitions.
« Monsieur le Directeur. Je reçois aujourd’hui 6 avril votre avis du 19 mars dernier me
faisant connaître que je dois payer une amende de : frs 625 pour non livraison de pommes de
terre. J’ai le regret de vous informer que je refuse de la façon la plus formelle et la plus
catégorique de payer l’amende que vous avez cru devoir m’infliger. A la date du 10 novembre
1942 je livrai au collecteur 123 kilogs [sic] de pommes de terre ce qui représentait à 10 kilogs
[sic] près le deux cinquièmes de ma maigre récolte. L’intence [sic] sécheresse que nous avons
subie l’an dernier ne m’a pas permis de retirer seulement la moitié des fruits de mon travail.
Etais-je de ce fait condamné de livrer la totalité de ma récolte sans en garder seulement pour
ma semence de cette année ?? Je pourrais m’étendre longuement là-dessus, je ne le ferai pas,
car il n’appartient pas à un paysan ignorant de faire des leçons à des gens qui possèdent la
science infuse en matière agricole comme ceux du Ravitaillement Général. Je me permettrai
seulement de vous poser deux questions. 1° Comment se fait-il qu’en septembre dernier, alors
que j’avais demandé une expertise de ma récolte le contrôleur [M.] ai [sic] refusé de venir
chez moi. 2° Comment se fait-il que d’après la liste des sanctions parvenues a la Mairie, pour
des manquements de livraisons plus important [sic] certains soient frappé [sic] d’amendes
moins lourdes que d’autres ?? Monsieur le Directeur, j’estime que dans les temps graves que
nous vivons, il appartient à tout homme investie [sic] d’une fonction publique de prendre la
responsabilité de ses actes, je vous demande donc instamment et au nom de tous mes
collégues [sic] frappés déraisonnablement comme moi d’avoir le courage de venir nous
45
AD26, 653W19.
Ibidem.
47
Ibidem.
46
45
démontrer comment nous devions faire pour livrer, ce que cette autre calamité, qui a été la
sécheresse, ne nous a pas permis de récolter. !!! Je tiens d’autre part à vous prévenir en ce
qui me concerne personnellement, que quelles que soient les coercitions que l’arsenal des lois
met à votre disposition pour frapper injustement d’honnêtes travailleurs paysans victimes des
intempéries, je ne suis pas décidé à me soumettre à l’arbitraire odieux que vous avez cru
devoir m’imposer. Reconnaissant pas les formules de politesse qui terminent ces sortes de
lettres, je ne vous en met pas »48.
Il faut tout de même reconnaître que les autorités qui géraient les sanctions savaient aussi faire
preuve de clémence comme le démontre cette lettre envoyée le 26 avril 1943 à une
cultivatrice de La Chapelle-en-Vercors.
« J’ai l’honneur de vous informer qu’en application de la Loi et de l’arrêté ministériel cidessous, je vous ai infligé, pour n’avoir pas rempli vos obligations, en ce qui concerne les
livraisons de pommes de terre, une amende administrative de Frs : 1350. Par mesure de
bienveillance, j’ai décidé de vous accorder le bénéfice du sursis. Vous n’aurez donc à payer
cette amende que dans le cas dûment constaté et admis où – sauf raison de force majeure –
vous ne livreriez pas intégralement votre imposition de 1943. Je vous prie de considérer la
présente lettre comme un avertissement et d’en prendre bonne note »49.
Toutefois elles pouvaient faire preuve de fermeté à l’encontre de ceux qui montraient trop de
mauvaise volonté comme en témoigne le cas de cet agriculteur de Vassieux-en-Vercors. Ainsi
on put lire dans une lettre du contrôle de l’approvisionnement au préfet datée du 5 décembre
1942 :
« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à la suite du procès-verbal du Commis de District
[X.], en date du 22 octobre, pour non livraison de produits laitiers au Ravitaillement Général,
[Y.] cultivateur à Vassieux-en-Vercors a fait l’objet d’une décision de réquisition de 2 vaches
laitières et 34 quintaux de fourrage. Au terme du procès-verbal de gendarmerie de La
Chapelle-en-Vercors du 3 décembre, M.[Z.], Président de la Commission d’achat n°6 à StJean-en-Royans s’étant présenté chez ce cultivateur en vue d’opérer la réquisition ordonnée,
M.[Y.] est entré dans une violente colère et, après des paroles grossières, est allé jusqu’à
menacer de mort M.[Z.]. Eu égard à la gravité des faits ci-dessus, j’ai l’honneur de vous
demander de bien vouloir prendre une mesure d’internement administratif contre M.[Y.], tout
en déférant ce dernier au Parquet en vue des poursuites judiciaires »50.
48
AD26, 653W29.
Ibidem.
50
AD26, 653W51.
49
46
Ce à quoi une lettre du cabinet du préfet de la Drôme répondit le 12 février 1943.
« J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’à la suite d’une infraction en matière de
ravitaillement (non livraison de produits laitiers) j’ai prononcé l’internement administratif
pour un mois au centre de séjour surveillé de SISTERON de M.[Y.], propriétaire à Vassieuxen-Vercors »51.
Ainsi par le biais des amendes sanctionnant les paysans pour des défauts de livraison de leurs
productions au Ravitaillement Général, on remarque la présence d’un sentiment d’opposition
à ce système. Cela se manifeste par des réticences de leur part à livrer le fruit de leur travail.
Un autre moyen pour mesurer ce manque de coopération apparaît dans les statistiques
agricoles établies durant les années noires. En effet les chiffres rapportant les résultats des
différentes cultures et élevages apparaissent parfois étrangement inférieurs à ceux d’avant
guerre. Il arrive même, comme ce fut le cas pour la commune de La Chapelle-en-Vercors en
1943, que le délégué du directeur des services agricoles du département chargé de recueillir
ces enquêtes dans les villages y ajoutes des annotations comme « pas beaucoup de souci
d’exactitude » ou « exactitude douteuse »52. Le fait que ces enquêtes soient réalisées dans les
communes par des commissions de statistiques constituées de cultivateurs de la localité n’est
probablement pas étranger à toute malversation. C’est pour cela qu’il faut être prudent avec
leurs résultats, du fait du manque éventuel d’honnêteté avec lequel ils ont été établis. Enfin la
mémoire des protagonistes, et du fait du temps qui s’écoule, celle aujourd’hui de leurs
enfants, témoigne que malgré la crainte des sanctions s’est développé comme un « savoirfaire » pour éviter de livrer la totalité des quantités imposées par les réquisitions. Cependant
comme tout témoignage ils sont à prendre avec les précautions d’usage, notamment ceux des
personnes qui étaient enfants ou adolescents à l’époque car il est probable que certains
n’étaient pas au courant de tous les agissements, même illégaux, de leurs parents.
Il est un autre type d’agissement que l’on pourrait considérer comme une forme
primitive de Résistance, c’est la création d’un marché parallèle concernant la nourriture. Tous
les témoignages s’accordent à le dire, le Vercors n’a pas vraiment souffert de la faim durant
les années de guerre, même si ses habitants ont connu néanmoins des restrictions. Ainsi ils se
considéraient comme privilégiés comme on peut le constater dans ce témoignage : « Par
rapport aux personnes des villes […] on avait pas beaucoup de tout, mais on avait de tout »53.
Du fait de l’agriculture de subsistance qui était pratiquée sur le plateau, les autochtones
51
Ibidem.
AD26, 945W45.
53
Jeannie Bauvois, Un siècle…, op. cit., p.258.
52
47
avaient de quoi manger. Cette situation avantageuse, certains ont décidé de la partager en
faisant profiter ceux qui étaient dans le besoin d’une partie de leurs productions. Evidemment
cela n’était pas gratuit, cependant les tarifs pratiqués démontrent que ces ventes n’avaient pas
pour but de « faire de l’argent » comme on a pu le reprocher à bien des paysans. Elles ne
résultaient pas non plus de la simple tradition de solidarité que nous avons évoqué plus tôt. Ce
que traduisent les bas prix auxquels étaient vendus ces denrées, c’est aussi la désapprobation
du régime par ces agriculteurs qui n’hésitent pas à contourner la loi. De ce fait, dans une
région où la politique du gouvernement ne faisait pas l’unanimité, nombreux étaient ceux qui
s’approvisionnaient ainsi comme le raconte cet ancien cultivateur qui confectionnait alors son
pain :
« il y avait beaucoup d’amis qui venaient. Le plus meilleur client c’était les gendarmes. Le
pain était taxé 1,35 le kilog…1,37. Nous, on le vendait 1,50… Ils auraient été tous les jours
là ! Je sais que, une semaine, j’ai cuit quatre jours consécutifs »54.
Néanmoins on ne vendait alors qu’à des gens que l’on connaissait, que l’on savait sûrs, du fait
d’une part de l’illégalité, mais aussi, et l’on retrouve peut-être là l’esprit de solidarité qui
habitait ces gens, par peur d’avoir à faire à des professionnels du marché noir. Pour eux cette
nourriture était destinée à ceux qui en avaient besoin et non à gagner de l’argent. Le même
cultivateur qui faisait son pain relate une anecdote symptomatique de cet état d’esprit :
« par contre, je me suis trouvé avec une dame qui voulait…qui savait qu’on avait battu. [M.
R.] leur avait dit qu’on avait battu (…) Alors, je montre…c’était un mélange de blé et de
seigle avec lequel, nous, nous faisions le pain : Ah non, non, pas bonne ! (c’était une
Italienne) J’ai dit : voulez-vous m’foutre le camp ! Ah c’est pas bon ! Vous n’avez pas bien
faim ! elle est partie, elle n’a plus rien dit après. (…) Alors, je lui aurais vendu mettons,
quatre, cinq kilos de blé à un prix de…, elle le vendait le double en arrivant à Sassenage.
C’était des trafiquants ça alors »55.
Ainsi vendre de la nourriture en dehors du système établi par Vichy devient un acte politique,
à l’image du soutient qui était apporté aux premiers réfractaires. De ce point de vue, on peut
dire que la campagne, et le Vercors en particulier entre en Résistance bien avant d’être le lieu
d’installation de maquis.
B) Déjà un espace de refuge
1) Les réfugiés
54
55
Ibidem, p.256.
Ibidem, p.258.
48
Avant d’être un espace de refuge pour ceux refusèrent le S.T.O., le Vercors fut une
terre d’accueil pour bon nombre de familles qui déménagèrent à cause de la guerre. Ce
pouvait être par obligation, à l’image d’Alsaciens qui s’étaient fait expulser de chez eux par
les Allemands. Mais aussi par choix, ce qui conduisit par exemple certains habitants de
grandes villes à les quitter par peur des bombardements. Ou alors la recherche d’un lieu
paisible en zone libre par des habitants de la zone occupée. Enfin, pour les juifs, le plateau
avait le double avantage d’être une zone rurale de montagne, donc assez « reculée », et d’être
sous le contrôle des Italiens, dont on connaît les réticences vis-à-vis de la politique anti-juive.
Ainsi de nombreuses personnes, seules ou en famille, s’y sont installées en prenant une
pension dans une ferme, en louant une maison ou un appartement, ou bien en résidant dans les
hôtels. Néanmoins, il est difficile d’évaluer la présence de ces réfugiés. En effet leur
établissement dans le Vercors s’étant souvent produit dans la clandestinité, ils n’ont pas laissé
de traces de leur arrivée au moment des faits. Ainsi la seule source dont nous disposons
renseignant sur leur présence réside dans les témoignages. Ce sont alors ceux des autochtones,
mais ceux interrogés de nos jours n’étaient que de jeunes gens à l’époque. Ils n’avaient
probablement pas connaissance des détails et leurs souvenirs à ce sujet se limitent à des
anecdotes de la vie quotidienne. Des informations plus précises résident dans les récits des
réfugiés. On y apprend plus facilement leurs régions d’origine, les raisons de leur fuite ou
leurs états d’âme quant à cette situation. Il existe un cas célèbre, assez représentatif de ce que
pouvait être l’établissement de réfugiés juifs sur le plateau : c’est celui de l’écrivain Georges
Perec, qui n’était alors qu’un petit enfant, et de membres de sa famille. C’est à l’automne
1941 que le jeune garçon arrive à Villard-de-Lans pour vivre avec sa tante Esther et son oncle
David, qui partageaient une maison louée par Berthe, la sœur de celui-ci, et son mari Robert.
Tout ce petit monde vivait assez confortablement car pour gagner de l’argent, David servait
d’expert dans des transactions illicites de bijoux à Grenoble. L’enfant poursuivit sa scolarité
normalement. Du fait de son jeune âge, il est d’abord inscrit dans une école maternelle : le
Clos-Margot, puis lors de l’année scolaire 1942-1943, il intègre un internat catholique de
garçons : le collège de Turenne. A cette époque, le Vercors est considéré comme une région
sûre. Ainsi « David et Esther ne jugèrent même pas nécessaire de se faire faire des faux
papiers, ni de changer de nom »56. Le jeune Perec lui ne comprend pas la situation particulière
dans laquelle il se trouve, c’est ce qu’il écrira dans un de ses romans, W ou le souvenir
d’enfance, « du monde extérieur, je ne savais rien, sinon qu’il y avait la guerre »57. Durant le
56
57
David Bellios, Georges Perec. Une vie dans les mots, Paris, Seuil, 1994, p.88.
Idem, p.118.
49
printemps ou l’été 1943, sa grand-mère Rose fuit Paris et gagne à son tour Villard-de-Lans.
Mais l’arrivée de l’automne se conjugua avec celle des Allemands à Grenoble. David décida
donc de se procurer des fausses cartes d’identité pour lui, sa femme et sa fille et tous trois
déménagèrent pour un coin encore plus tranquille : Saint-Martin-en-Vercors. Là-bas, ils
vécurent à côté des autorités militaires commandant le « Vercors », celles-ci ayant établi leur
P.C. dans cette localité. Ainsi au cours du printemps de l’année 1944, Perec se souvient d’un
dîner dans leur maison en compagnie de ces derniers et des membres d’une mission
interalliée, le P.C. étant voisin de leur demeure58. Cependant le petit Georges n’y était pas
souvent car s’il rentrait tous les week-end quand ils habitaient Villard-de-Lans, il ne put le
faire une fois l’établissement à Saint-Martin-en-Vercors du fait de la trop importante distance
à parcourir. Fin juin 1944, sa grand-mère Rose décida de quitter Villard-de-Lans pour le
village voisin de Lans et elle emmena son petit-fils avec elle. Pourquoi ce départ, le garçon
n’en saura rien mais il fut une bonne initiative car la bourgade fut relativement épargnée par
les Allemands. De ce transit, Georges Perec se souvient surtout du périple pour rallier sa
nouvelle adresse : « quoi qu’il en soit, je me retrouvai un jour d’été sur une route, avec ma
grand-mère. Elle portait une grosse valise et moi une petite. Il faisait chaud. Nous nous
arrêtions souvent ; ma grand-mère s’asseyait sur sa valise et moi par terre, ou sur une borne
kilométrique. Cela a duré un temps considérablement long. Je devais avoir huit ans et ma
grand-mère au moins soixante-cinq et il nous a fallu tout un après-midi pour parcourir les sept
kilomètres qui séparent Villard-de-Lans de Lans-en-Vercors »59. Bien sûr cette histoire n’est
celle que d’une famille, étant entendu qu’elles sont différentes pour chacune de celles qui sont
venues se réfugier dans le Vercors. Néanmoins, à travers elle on découvre certains aspects de
la vie qui furent communs aux réfugiés sur le plateau. Ainsi l’on est renseigné sur leurs
conditions d’hébergement, encore qu’à ce sujet il faudrait s’intéresser à l’identité des
personnes qui acceptèrent de recevoir chez eux ou de louer à ces réfugiés. En effet peut-être
retrouverions-nous des gens qui plus tard furent impliqués d’une autre manière dans la
Résistance, car au moment d’accueillir les réfugiés, outre la tradition de solidarité, des
considérations plus politiques ont certainement dû motiver ce désir d’entraide. Par ailleurs on
pourrait aussi s’interroger sur l’importance des transactions financières quant à
l’hébergement, que ce soit sous forme de loyer, de pension ou autre. On le voit l’étude des
réfugiés sur le plateau n’en est qu’à ses débuts, il reste bien des choses à découvrir.
58
59
Idem, p.96.
Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Paris, Denoël, collection « Les Lettres Nouvelles », 1975, p.171.
50
En 1939 est rouvert le lycée polonais des Batignolles à Paris, qui avait été crée en
1842 et fermé en 1922 faute d’élèves. Désormais il porte le nom de Gymnazjium Cyprian
Norwid et est pris en charge par le gouvernement polonais constitué à Paris. En juin 1940 le
lycée est évacué d’abord dans les Basses Pyrénées puis en Angleterre, cependant les
terminales restent dans la capitale pour passer leur baccalauréat avant de traverser la Manche.
C’est au cours d’une réunion à Vichy le 28 septembre 1940 que cinq personnes décidèrent la
création d’un lycée polonais dans les Alpes, à proximité de Grenoble et de la Suisse. Ce
comité était composé de M. Zabielo, délégué du gouvernement polonais, M. Kawalkowski,
consul général de Pologne à Lille auprès de Vichy, M. Bobrowski, délégué régional de la
Croix-Rouge Polonaise dans l’Isère, M. Zaleski, délégué en France du Ministère polonais de
l’instruction publique et de M. Godlewski, lecteur de polonais à la faculté de lettres de
l’université de Lille. Leur choix s’est porté sur Villard-de-Lans car la commune se situait dans
une zone à la fois isolée, mais aussi pourvue d’hôtels laissés libres par les touristes, donc
qu’ils pourraient occuper. C’est ainsi que les 9 et 15 octobre 1940 le lycée ouvrit ses portes
dans les locaux de l’Hôtel du Parc et du Château, loués par la Croix-Rouge Polonaise. Il
comptait alors environ 125 élèves auxquels il faut ajouter douze professeurs et des
domestiques. Il était alors dirigé par deux personnes, Godlewski et Zaleski. Très vite il fallut
trouver des annexes pour l’agrandir car il fallait faire face non seulement au nombre
grandissant d’élèves, mais il fallait aussi loger les membres des familles des professeurs ainsi
que le reste du personnel composé de trois cuisinières, deux domestiques, deux chauffeurs, un
garçon de service et le personnel administratif60. Ainsi d’autres hôtels furent occupés par le
lycée. C’étaient l’Hôtel de la Poste, situé à côté de la place du village, l’Hôtel Beau Site face à
l’Eglise, l’Hôtel des Loisirs, l’Hôtel Fleur des Alpes en bas du village et Le Rocher dans la
partie supérieure du bourg61. Dans plusieurs d’entre eux l’on retrouvait des dortoirs pour les
filles et aussi des salles de classe. Mais si les logements étaient séparés, les cours en revanche
étaient mixtes. En outre, une autre annexe fut créée dans le village voisin de Lans pour les
jeunes filles n’ayant pu trouver de place à Villard-de-Lans, mais aussi pour loger les parents
des élèves et pour servir d’école primaire aux jeunes enfants. Par son extension et la position
de ses infrastructures situées aussi bien au centre qu’aux abords du village, le lycée ne vivait
nullement en marge de celui-ci, mais il en faisait bien partie intégrante. De plus grâce à ses
différentes activités, des échanges se sont établis avec la population locale. Dans ce domaine
60
Valérie Terrel, Le lycée Cyprian Norwid de Villard-de-Lans : acte de Résistance pendant la Seconde Guerre
mondiale et consécration d’une tradition d’émigration polonaise en France, Grenoble, Institut d’Etudes
Politiques, 1986-1987, 182p.
61
Ibidem.
51
les Polonais créèrent une chorale sous l’impulsion d’un professeur, M. Ernest Berger, dont la
renommée dépassa le cadre local. Celle-ci suscitait l’admiration des Villardiens et se
produisait tous les dimanches lors de la messe. Mais la communion culturelle ne se limitait
pas à cela. Il y avait un désir de part et d’autre de partage des coutumes, c’est ainsi par
exemple que les habitants de Villard étaient conviés au « Château » à l’occasion de fêtes
célébrées par les Polonais62. Les activités sportives furent aussi le théâtre de l’entente entre
villageois et lycéens. Ainsi par exemple les équipes de ski et de boxe remportèrent la quasitotalité des titres universitaires nationaux français63. Un climat de collaboration et d’amitié
régnait, favorisé dans les débuts par l’intervention des membres français du corps professoral
du lycée qui jouèrent le rôle d’intermédiaires. Un autre élément rassembleur était constitué
par les difficultés de la vie matérielle puisque de manière générale, les Polonais étaient soumis
aux mêmes restrictions que les Villardiens dans leur quotidien64. L’installation de ce lycée à
Villard-de-Lans constituait à plus d’un titre un acte de Résistance. C’était en premier lieu
l’accueil et le soutien apporté à des personnes persécutées par les Nazis qui voulaient les
réduire à l’état de peuple servile. Mais cet établissement était aussi le centre d’une Résistance
intellectuelle visant à faire perdurer la culture polonaise que les allemands cherchaient à
détruire. Enfin, il fut le lieu d’une Résistance militaire. A l’origine cela vient du fait que ses
premiers élèves étaient en grande majorité des anciens soldats qui avaient participé aux
campagnes de Pologne, de Norvège ou encore de France. Ainsi, sous l’impulsion de ses
professeurs engagés dans la poursuite de la lutte, le lycée devint le point de départ d’une
filière qui via l’Espagne conduisait des soldats vers l’Angleterre, où ceux qui avaient obtenu
leur baccalauréat pouvaient devenir officiers, surtout dans l’armée de l’air65. Enfin, lors de
l’été 1944, professeurs et lycéens prirent part aux côtés des Français aux combats du Vercors.
Bien avant l’établissement sur le plateau de ceux que l’on appelle aujourd’hui les
maquisards, dès 1940, le Vercors accueillit déjà en son sein des groupes de personnes vivant
retranchées à l’écart des habitations. Suite aux travaux de Suzanne et Paul Silvestre66, on
apprend qu’une de ces premières formes de camp vit le jour à Corrençon à l’initiative de
l’abbé Johannès Vincent, qui avait été récemment désigné secrétaire de mairie de la localité.
Blessé au cours de la campagne de France, il était un ancien du 140e RI, régiment de réserve
du 159e RIA. Grâce à l’amicale des anciens de ce régiment, il fit la connaissance de M.
62
Ibidem.
« En Vercors, le Souvenir français s’unit au Souvenir polonais…l’un et l’autre ne s’oublient pas… », dans
Bulletin municipal de Villard-de-Lans, n°19, juillet 1980.
64
Valérie Terrel, Le lycée Cyprian Norwid, op. cit.
65
Ibidem.
66
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.49.
63
52
Lieber, un israélite grenoblois venu s’installer dans la commune. Très vite, celui-ci sollicita
l’aide de l’abbé pour cacher des juifs, ce que ce dernier accepta. C’est ainsi que les personnes
envoyées par M. Lieber furent dirigées vers des sortes de campements situés à l’orée de la
forêt. C’est dans des tentes que ces premiers réfugiés s’étaient installés. Par la suite, un certain
« M. Collomb » vint regrouper ces gens dans un camp. Ainsi était constitué le « camp
Collomb ». Puis avec l’arrivée du S.T.O., des réfractaires vinrent s’ajouter à cet effectif. C’est
alors que M. Collomb disparut. L’abbé Johannès Vincent fit alors appel aux responsables de
Franc-Tireur de Villard-de-Lans pour prendre en charge le camp, ce qu’ils firent en orientant
ses pensionnaires vers d’autres camps, notamment celui d’Ambel. Il est à noter que ce camp
établi très tôt à Corrençon est différent du C.2 ou du camp des Ravières F.T.P. Ainsi l’on
remarque la présence des les premières années d’occupation et avant l’instauration du S.T.O.,
d’un camp servant à camoufler des personnes qui devait très certainement être connues de
tous. La présence de tentes au bord des bois, donc visibles par tous, semble indiquer que très
tôt les habitants, ceux du village de Corrençon du moins, se sont impliqués dans le soutien de
ceux qui étaient touchés par les injustices du régime. En effet il est plus que probable que
certains habitants du village aient eu à leur apporter une aide, qu’elle fut matérielle ou en
matière de ravitaillement. De plus, il existe dans le Vercors d’autres exemples de camps
s’étant installés à proximité d’un village dès le début de l’Occupation. Certains militaires
n’acceptant pas la défaite ont refusé la création de l’armée d’armistice et ont préféré ne pas se
soumettre à ses autorités. En conséquence, de nombreux groupes de soldats se sont dissimulés
dans les forêts le temps de trouver un moyen de poursuivre la lutte. Ainsi par exemple un petit
groupe s’est établit à Méaudre où il a noué des liens avec la population67. De même qu’à
Corrençon, grâce à la connexion existant entre la localité et le régiment, des hommes de
l’ancien 159e RIA se sont mêlés dans le milieu de 1941 au « camp Collomb »68. L’idée de
camps retranchés, en utilisant la forêt pour se cacher fait donc son apparition rapidement dans
le Vercors. Ils sont une des manifestations des capacités de la population locale à agir à
l’encontre du nouveau régime. C’est en ce sens que ces « maquis sans le nom », pour
reprendre l’expression de Suzanne et Paul Silvestre, constituent une forme primitive de la
Résistance dans la région.
2) Pourquoi ce caractère d’espace de refuge
67
68
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.50.
Ibidem.
53
A l’époque encore plus qu’aujourd’hui, le Vercors se distinguait par son caractère
d’espace de refuge. Il y avait surtout deux raisons à cela. La première vient de son histoire,
nous pourrions même dire de sa légende. En effet le patronyme « Vercors » est issu du nom
d’une tribu celtique, les Vertacomicori, qui vivaient sur ce territoire et qui y sont restés libres
de la domination de l’Empire romain dont ils avaient repoussé les assauts69. Ainsi dans
l’imaginaire, le Vercors apparaissait déjà comme une terre de liberté, tout du moins pour les
personnes qui en connaissaient l’histoire, ce qui n’était tout de même pas le cas de la majorité
des gens. L’image de la citadelle était elle par contre beaucoup plus répandue. Celle-ci est due
notamment aux travaux de géographes grenoblois tels Jules Blache ou Raoul Blanchard qui,
pour sa part, qualifiait le Vercors de « citadelle naturelle »70. Pour Henri Ferrand, il était un
« quadrilatère inexpugnable… pour les maladies et les soucis de la vie ordinaire »71. Ce qui
est intéressant dans cette citation, et qui constitue le deuxième point pour lequel le Vercors
pouvait être considéré comme un espace de refuge, c’est qu’il était un lieu où l’on allait pour
être à l’abri des maladies. Si déjà auparavant des tuberculeux avaient pris l’habitude de gagner
le plateau, c’est le 14 novembre 1926 que Villard-de-Lans fut déclaré « station de tourisme
spécialisée pour le séjour d’hiver des enfants délicats et convalescents » sous le nom de
« Paradis des enfants »72. Le climatisme est le nom que l’on donne à cette activité touristique
qui se base sur un climat tempéré et la proximité des forêts, ce qui confère à la région une
qualité de régénératrice. Une loi du 24 septembre 1919, réglementant les stations thermales et
climatiques, légitima en outre cette reconnaissance du Vercors comme une terre isolée « des
plaies et des vices de la société moderne73 ». Ainsi le plateau apparaissait une fois de plus
comme un territoire de refuge, ce qui concordait avec l’état d’esprit des autochtones.
En effet une vieille tradition de solidarité caractérisait les habitants du plateau.
Cependant ce trait de comportement à lui seul ne suffit pas pour expliquer les agissements
d’une population qui n’hésita pas à défier les autorités et contourner la loi. Leurs actes de
fronde nous l’avons dit revêtaient aussi un caractère politique. Pour les comprendre,
intéressons nous aux préférences politiques des autochtones. Nous le ferons par le biais des
différents scrutins précédant la guerre. Dans l’intérêt de notre étude, nous remontrons
jusqu’aux élections municipales de 1935, ainsi nous aurons l’occasion de rencontrer plusieurs
69
Henri Ferrand, Le Vercors en 1900, Grenoble, Librairie A. Gratier et J. Rey Editeurs, 1904, réédition Textel,
Lyon, 1988, pp.7, 23, 50.
70
Raoul Blanchard, Les Alpes occidentales. I Les Préalpes françaises du Nord, Tours, Arnault, 1938, p.15.
71
Henri Ferrand, Le Vercors…, op. cit., p.59.
72
Christine Baccon, Au paradis climatique, maîtrise d’ethnologie, sous la direction de François Portet, Lyon 2.
73
George Jorre, “L’établissement des routes dans le massif du Vercors », dans Revue de Géographie Alpine, n°9,
1921.
54
types d’élections, aussi bien locales que nationales. Au cours de ces municipales, ce sont en
majorité des équipes à tendance radicale-socialiste qui ont été élues74. De ce fait, quand Vichy
décidait la révocation d’un maire, il était remplacé par quelqu’un qui était de la même
sensibilité parmi le conseil municipal. Le scrutin suivant fut le 26 avril 1936, à l’occasion des
législatives. Dans l’arrondissement de Die, auquel appartient le canton drômois de La
Chapelle-en-Vercors, le maire Radical de Die Léon Archimbaud « règne » sans partage
puisqu’il avait déjà été désigné comme représentant à la Chambre en 1932 avec 73,5% des
suffrages exprimés. En 1936, il est le candidat du Front Populaire et même si son score baisse
un peu, il est tout de même réélu dès le premier tour. Dans les cinq villages de notre canton du
Vercors-sud, il apparaît en tête comme le montrent ces résultats :
Elections législatives de 1936 : canton de La Chapelle-en Vercors75
inscrits votants nuls Suffrages Archimbaud Berthézène
Exprimés (Rad-Soc)
La Chapelle- 277
Plumel
Richaud
(Rad.
(Soc.
(communiste)
Indépendant)
Indépendant)
219
11
208
107
69
14
18
170
13
157
71
57
0
29
70
0
70
28
22
0
20
150
2
148
105
29
3
11
en-Vercors
St Agan-en- 214
Vercors
St Julien-en- 97
Vercors
St
Martin- 198
en-Vercors
Vassieux
175
149
4
145
86
29
1
29
Total
961
758
30
728
397
206
18
107
Néanmoins nous constatons l’absence de candidat de droite ce qui pourrait aussi être une
raison de ce succès, les plus modérés reportant alors leurs votes sur le candidat Radical. En ce
qui concerne le canton isérois de Villard-de-Lans, la situation est différente. Les résultats des
urnes laissent apercevoir beaucoup plus nettement un clivage «gauche-droite », qui se traduit
par un partage sensiblement égal des suffrages entre Joannès Ravanat, député sortant S.F.I.O.,
et Jules Hyvrard, conseiller général Démocrate Populaire.
74
75
AD26, 3M486, 3M711, 3M726, 3M732, 3M787 et AD38, 16M369, 15M97.
AD26, 3M240.
55
Elections législatives de 1936 : canton de Villard-de-Lans76
inscrits votants nuls exprimés Ravanat
Hyvrard Suppo
(S.F.I.O.) (D.P.)
(Communiste)
Lans
248
176
1
175
73
96
6
Autrans
286
221
0
221
120
91
10
Corrençon
64
51
1
50
15
33
2
Villard-de-Lans 538
438
5
433
161
265
7
Méaudre
207
177
2
175
117
48
10
Total
1343
1063
9
1054
486
533
35
A la vue de ces résultas, on remarque que contrairement à son homologue situé dans la partie
drômoise du Vercors, ce canton paraît plus marqué par les idées conservatrices. Cependant la
quasi-équité des scores avec le candidat socialiste indique la présence considérable d’une
opinion progressiste. C’est ce que l’on peut voir lors des élections cantonales du 10 octobre
1937 qui opposent au second tour deux candidats radicaux77. Pour le canton de la Chapelleen-Vercors, ces élections confirment sa qualité de « terre radicale » avec la victoire écrasante
du maire radical de cette dernière commune78. Ainsi l’on peut dire que dans l’ensemble, les
habitants du Vercors sont de tendance « gauche modérée », ce qui ce traduit dans les urnes par
des élections de candidats radicaux-socialistes. Ceci contraste avec les régions qui bordent le
plateau qui sont teintées d’un rose beaucoup plus vif. Que ce soit le Royans d’un côté, ou
Grenoble de l’autre, ces deux territoires sont des bastions socialistes. On retrouve donc dans
les préférences politiques des autochtones une explication des actes de désobéissance civile
dont le Vercors fut le théâtre dès l’avènement du régime de Vichy.
Naissance et développement de la Résistance en Vercors
A) Le refus de la défaite
1) Naissance de groupes de Résistants à Villard-de-Lans et à Grenoble
Lorsque à la fin du mois de juin 1940 furent signés successivement les armistices
franco-allemand et franco-italien, c’est avec un grand soulagement que la majorité des
Français acceptèrent la fin des combats. Cette guerre dont on était persuadé de l’issue
76
AD38, 8M49.
AD38, 10M35.
78
AD26, 3M379.
77
56
victorieuse avait provoqué un immense désarroi dans la population. Après tout, la propagande
officielle n’avait elle pas promis que : « nous vaincrons parce que nous sommes les plus
forts79 ». L’officialisation de la défaite, aussi rapide qu’écrasante, a donc apporté un nouvel
élément d’incompréhension face à une situation que bon nombre déjà ne semblaient pas
comprendre. En effet ce conflit dont on ne voulait pas avait été annoncé comme évité après
les accords de Munich, qui avaient été de ce fait approuvés par une population
majoritairement pacifiste. Ajouté à cela le fort sentiment d’une vie politique en pleine crise,
dont les tenants étaient perçus comme marqués du sceau de l’oisiveté, de la corruption et des
« affaires ». Tout cela avait déjà amené avant la guerre certains à s’interroger sur le bien
fondé du régime démocratique alors en vigueur, à la vue des modèles autocratiques présentés
par les voisins allemands et italiens notamment. C’est ainsi qu’au sortir de la guerre en 1940,
les Français avaient perdu toute foi en la classe politique, qu’ils considéraient comme
responsable de leurs maux, puisque cette dernière leur avait assuré d’abord la paix, puis
ensuite la victoire ; et ce fut l’effondrement de la IIIe République. Par conséquent, l’arrivée du
maréchal Pétain aux rennes du pays fut favorablement accueillie. Il bénéficiait d’une image
totalement opposée à celle de ses prédécesseurs. « En raison de son prestige exceptionnel, de
son passé de vainqueur, d’une simplicité attentive au sort des hommes, d’une prudence de
paysans qui lui évite d’être classé comme l’homme d’un clan, d’une réputation de bon sens et
de désintéressement que son grand âge ne peut que confirmer, Philippe Pétain est perçu par
les Français comme la première de ces certitudes80 ». Résumant ainsi l’aura dont jouissait ce
dernier dans le pays, Pierre Laborie81 le décrit comme étant considéré comme le « point fixe »
jugé nécessaire par les Français pour le redressement de la nation. Garant des valeurs et de
l’identité de la France, c’est lui qui devait aider ces derniers à retrouver leurs repères et leurs
« certitudes ». Il était « l’homme de la situation » et allait devenir le « Père de la patrie ».
Dans un discours du 21 juin 1940, il déclarait : « depuis la victoire, l’esprit de jouissance l’a
emporté sur l’esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu’on a servi. On a voulu épargner
l’effort ; on rencontre aujourd’hui le malheur ». C’est en s’appuyant sur cette image du
rédempteur que Vichy recherchait l’adhésion, présentant la défaite comme méritée et
exhortant la population à se repentir. Il était temps désormais de se soumettre et d’obéir pour
le salut de la nation. Dans un premier temps, cette politique était de manière générale acceptée
par les habitants de l’Hexagone. Il en était de même dans la région qui nous concerne comme
79
Michèle Gabert, Entrés en Résistance. Isère. Des hommes et des femmes dans la Résistance, Grenoble, Presses
Universitaires de Grenoble, collection « Résistances », 2000, p.207.
80
Pierre Laborie, L’opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, collection « L’univers historique », 1990, p.229.
81
Ibidem.
57
en témoigne la visite du Maréchal à Grenoble le 19 mars 1941 au cours de laquelle « la foule
se pressait sur l’ensemble du parcours, les fenêtres étaient pavoisées82 ». Dans Le Petit
Dauphinois, on put lire : « Grenoble bouleversé de reconnaissance a fait au Père de la Patrie
une réception d’apothéose ».
Cependant cet état de fait ne faisait pas l’unanimité. Il y en avait pour qui le
soulagement que nous évoquions précédemment constituait « une honte83 ». Ceux-là
n’acceptaient pas la défaite et la domination allemande. Ils la refusaient d’autant plus dans le
Dauphiné que l’armée française avait vaincu les Italiens dans les Alpes et contenu les
Allemands à Voreppe. Par ailleurs, découvrant ensuite le nouvel ordre que tentait d’instaurer
le gouvernement de Vichy, ils trouvaient dans l’antifascisme un nouveau motif de refus de la
situation. C’est de cette volonté de refus de la soumission, à la fois face à l’envahisseur, mais
aussi face à un gouvernement au sein duquel on percevait l’influence fasciste de l’ennemi, que
sont nés les premiers Résistants. Très peu nombreux au début, ce sont surtout des hommes
d’âge mûr. Michèle Gabert84 explique cela d’une part du fait de la situation démographique de
la France ; bon nombre de jeunes étaient alors soit retenus prisonniers en Allemagne, soit
incorporés dans les Chantiers de jeunesse. D’autre part à cause du contexte d’égarement et
d’interrogations quant à la situation politique du pays, où seuls des personnes avec une
certaine expérience de la vie politique pouvaient entreprendre une quelconque action à son
encontre. Car au temps de ces pionniers de la Résistance, c’est bien sur ce domaine que
portait l’essentiel de leur effort. Ce pouvait être par la diffusion d’une information autre que
celle propagée par Vichy, au moyen de tracts ou papiers en tous genres. Mais cela n’était
possible uniquement pour la minorité qui avait trouvé moyen d’agir. Pour la grande majorité,
l’activité se résumait à des réunions en secret où l’on discutait de la situation et où l’on
cherchait comment « refaire le monde ».
Ainsi naquit le groupe des premiers Résistants de Villard-de-Lans. A l’image de ceux
qui prenaient forme un peu partout, il n’était constitué que de peu de personnes, du fait de son
mode de recrutement. Durant cette période, les langues étaient loin d’être déliées car les
« murs avaient des oreilles », disait-on. En effet déjà les dénonciateurs avaient entrepris leurs
agissements. Par conséquent, lorsqu’on se sentait en désaccord avec la conduite des
événements, on osait en parler uniquement avec des personnes que l’on savait « sûres », qui
étaient du même bord. Les possibilités de découvrir un « ami » n’en étaient donc que plus
82
Michèle Gabert, Entrés en Résistance…, op. cit., p.211
Idem, p.207.
84
Idem, p.212.
83
58
restreintes, et c’est ainsi que l’aire de recrutement de ces groupes se limitait au cercle des amis
proches, de la famille ou des amis militants, dont on connaissait les opinions. Les hommes qui
composaient le groupe villardien répondaient aux différents critères qui caractérisaient les
premiers Résistants et à leurs tentatives de regroupement. D’âge mûr, certains avaient connu
l’engagement politique comme militants, d’autres avaient été mobilisés pour cette guerre,
d’autres enfin étaient de simples amis ou collègues de travail. Il était composé de Clément
Beaudoing qui était fermier ; Marlius Charlier, percepteur ; Baptiste Converso ; Marcel
Dumas, agent de la compagnie d’électricité Fure et Morge ; les frères Emile, Paul et Victor
Huillier qui tenaient l’entreprise de transport Huillier ; Jean Glaudas, marchand de charbon et
de vin ; Edouard Masson qui tenait la banque populaire ; Théo Racouchot, hôtelier et
Piqueret. Tous ces hommes étaient emmenés par un docteur d’origine roumaine85, Eugène
Samuel, arrivé à Villard-de-Lans après sa démobilisation en 1940 et venu rejoindre sa femme
qui y tenait une pharmacie. On peut distinguer dans cette composition certaines des affinités
qui ont certainement été à l’origine de leur association. Par exemple, Paul Huillier, Théo
Racouchot et Edouard Masson étaient des militants socialistes86. Piqueret, lui, étant
mécanicien dans l’entreprise des cars Huillier, put trouver facilement en ses patrons des
personnes partageant ses opinions. Edouard Masson, qui ne devait pas à l’origine être un
proche du docteur Samuel, est décrit par ce dernier comme « l’ami87 » de Marlius Charlier qui
était emprunt d’« ardeur patriotique88 ».
Vichy, 10 juillet 1940, les députés français accordent les pleins pouvoirs au maréchal
Pétain pour sauver le pays. Tous ? Non ! Certains irréductibles résistent encore et toujours,
n’acceptant pas de voter l’établissement d’un tel pouvoir. Au nombre de 80, on pouvait
compter parmi eux deux députés socialistes de l’Isère, M. Hussel, de Vienne, et l’ancien
maire de Grenoble le docteur Léon Martin. Autour de celui-ci se constitua dans
l’agglomération iséroise un petit groupe de Résistants composé d’amis militants. Dans les
débuts, ces derniers se limitaient à des causeries « entre amis sûrs, car déjà en cette pauvre
France, déchirée en deux, régnait la délation »89. Le docteur prit l’habitude de recevoir chez
lui des émissaires de groupements clandestins, et c’est ainsi qu’en 1941 il reçut Raymond
85
Gilles Vergnon, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, Paris,
2002.
86
Ibidem.
87
Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu,
Grenoble, Association Nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors, p.41.
88
Ibidem.
89
Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages dactylographiées,
AD38 , fonds Pierre Dalloz, 89J3.
59
Gernez, député du Nord, qui organisait la diffusion du Populaire clandestin90. Ce dernier était
venu proposer au docteur Martin de se charger de la diffusion du journal en Isère et de
réorganiser le Parti socialiste clandestin. La mission acceptée, le docteur chargea un des ses
amis, Aimé Pupin, avec qui il avait pris l’habitude de discuter de ses visites, d’assurer la
distribution du journal. C’était Mme Deshières qui allait chercher à Lyon les numéros du
Populaire. Il lui arrivait parfois de ramener aussi d’autres éléments de la presse clandestine
comme Combat, Libération, Franc-Tireur ou Père Duchesne91. En ce qui concerne le parti, la
Commission Exécutive Fédérale clandestine de l’Isère fut créée. Elle comprenait Léon
Martin, M. Hussel, Deshières, Eugène Chavant et Aimé Pupin. Leur activité consistait en la
recherche de liens avec d’autres socialistes des environs92 pour créer des cellules clandestines
du parti et participer à la diffusion des différents papiers de la Résistance. A l’image du
comportement de la majorité des socialistes dans le pays, l’essentiel de leur action se situait
sur un plan politique ; préféré à la lutte armée93. Il s’agissait surtout de propager une opinion
critique du gouvernement car l’information était complètement muselée et contrôlée par
Vichy.
2) La fusion des deux groupes sous l’égide de Franc-Tireur
Jean-Pierre Lévy, créateur et chef national de Franc-Tireur, avait rendu visite au
docteur Martin à plusieurs reprises pour obtenir des informations sur des personnes à qui il
voulait confier la tâche de lancer le mouvement dans l’Isère. Mais son entreprise n’avançait
pas. Il demanda donc à l’ancien maire de le mettre en contact avec quelqu’un. C’était le 12
juillet 1942. Ce dernier accourut aussitôt chez son ami Aimé Pupin pour lui demander s’il
accepterait cette nouvelle mission ; ce qu’il fit. Une heure plus tard les deux hommes étaient
présentés : « une table, deux chaises, deux apéritifs au milieu de mes jeux de boules, loin des
oreilles indiscrètes, et le mouvement FRANC-TIREUR prit naissance dans l’Isère »94.
Sous le pseudonyme de « Mathieu », Pupin structura l’organisation, de manière à ce
que ses proches collaborateurs soient à la tête d’équipes qui elles-mêmes commandent des
sous-équipes ou douzaines, etc. Pour tous ces hommes les premiers temps furent difficiles.
Ceux furent ceux de l’inaction. Et pourtant, Eugène Samuel les considère comme les plus
90
Ibidem
Ibidem
92
Anna Balzarro, Le Vercors et la zone libre de l’Alto Tortonese. Récits, mémoire, histoire, Paris, L’Harmattan,
2002.
93
« Le Parti socialiste dans la Résistance », dans Pierre Guidoni et Robert Verdier, Les socialistes en Résistance.
1940-1944, Paris, Editions Seli Arslan, 1999.
94
Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages dactylographiées,
AD38 , fonds Pierre Dalloz, 89J3.
91
60
passionnants95, comme ceux qui laissèrent « au cœur des vrais Résistants les souvenirs les
plus profonds96 ». En effet ils furent marqués tout d’abord par les douloureux sentiments
provoqués par la défaite et par l’armistice. Vint ensuite la recherche d’autres personnes qui,
comme soi, ne se satisfaisaient pas de la situation dans laquelle se trouvait le pays. Comme le
dit ce même docteur97 :
« c’est un mot, quelque fois moins qu’un mot, une expression fugitive et involontaire du
visage » qui permettait de découvrir quelqu’un qui était « dans la foule des soumis, des
vaincus réels, un frère, un illuminé comme [soi] qui croyait encore à la victoire possible ».
Cependant leur envie d’agir se heurtait aux difficultés d’entrer en action, de trouver des
liaisons avec d’autres groupes et d’obtenir des directives pour pouvoir enfin mener des
opérations contre l’occupant. Donc en attendant cela, nos hommes à Villard-de-Lans se
contentaient de se réunir dans l’arrière-boutique de la pharmacie du docteur Samuel98, dont le
frère Simon, était rapidement venu s’ajouter au nombre des participants. Comte tenu du climat
du moment, ces réunions se faisaient la nuit, dans le plus grand secret. Personne au village ne
devait savoir ce qu’il se passait, et ce fut le cas. Mais l’inaction et l’attente commençaient à
refroidir leurs ardeurs. Ainsi Eugène Samuel consacra les trois derniers mois de l’année 1941
à rechercher une quelconque liaison, à la suite de quoi, ces hommes obtinrent leur première
victoire. Ils avaient enfin réussi à établir un contact avec un autre groupe de Résistants. Par
l’intermédiaire de son « vieux camarade99 » Théo Racouchot, Pupin avait fait entrer en
contact « Samuel Ravalec100 », alias le docteur Eugène Samuel, et le docteur Léon Martin à
Lans, dans une maison de ce dernier, le lundi de Pâques 1942101. Mais l’ancien maire de
Grenoble se sachant surveillé du fait de sa double appartenance au Parti socialiste et au
groupe des 80 parlementaires du 10 juillet 1940, il orienta le Villardien vers Pupin. C’est ainsi
qu’une semaine plus tard ils se rencontrèrent102. Là, prenant connaissance de ceux qui
constituaient le groupe des Résistants de Villard-de-Lans, ce dernier eu l’agréable surprise d’y
95
Eugène Samuel, « La Résistance… », op. cit., p.41.
Ibidem.
97
Ibidem.
98
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit.,
p.90.
99
Notes originales d’Aimé Pupin…, op. cit.
100
Il fut d’abord surnommé « Ernest » puis « Jacques », c’est ce qu’affirme Pierre Dalloz dans son ouvrage
Vérités sur le drame de Vercors, Paris, Fernand Lanore, 1979, p. « Ravalec » était le nom de jeune fille de sa
femme.
101
Léon Martin, « Le Vercors », dans Bilan de l’action politique du Dr Martin, député-maire de Grenoble,
pp.40-50, AD Isère, fonds Paul et Suzanne Silvestre, 57J36. Ceci est un récit d’une centaine de pages
dactylographiées, rédigé par le docteur Léon Martin à la demande du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre
mondiale.
102
Notes originales d’Aimé Pupin…, op. cit.
96
61
retrouver des personnes qu’il connaissait déjà : « je retrouvais là tous mes bons amis de la
famille Huillier, Victor, Paul, Emile. Nous étions entre connaissance et en parfaite
entente103 ». Ainsi lorsqu’il prit en charge l’organisation de Franc-Tireur, c’est tout
naturellement qu’il s’adressa au groupe villardien pour prospecter sur tout le plateau et créer
des sections dans les communes. C’est ainsi que débuta la collaboration entre ces deux
groupes de Résistants de la première heure. L’un était devenu l’avant-garde du mouvement
Franc-Tireur dans l’Isère et était dirigé par « Mathieu », et l’autre autour de « Jacques
Ravalec » à Villard-de-Lans était venu se greffer à l’organisation.
Cette entente a rapidement débouché sur des applications concrètes. Le gouvernement
avait instauré le principe de la Relève, grâce auquel on obtenait le retour d’un prisonnier pour
deux ouvriers partis travailler en Allemagne. Devant l’échec de cette mesure, des ouvriers
« spécialistes » ont été appelé à partir dès le mois d’octobre 1942 pour étoffer ce contingent.
Pour nos deux groupes de Résistants qui n’en formaient désormais plus qu’un, le mot d’ordre
était clair, il fallait encourager à ne pas partir, à aller travailler dans les fermes ou dans les
bois, car seuls les ouvriers des usines étaient alors concernés par ces mesures. C’est ainsi que
bon nombre d’hommes furent envoyés dans les fermes du Vercors ou d’ailleurs dans le
département104. Pour les complices du docteur Samuel qui jusqu’alors brûlaient d’impatience
d’entrer en action, était enfin venu le temps d’agir. Aux premières demandes de Grenoble ils
répondirent par l’affirmative : « adressez-nous tous ceux qui sont traqués, nous leur
trouverons un refuge105 ». Le problème est qu’à cette époque, s’ils se disaient bien qu’il devait
être effectivement possible de cacher des hommes dans le Vercors, ils ne savaient pas encore
comment. C’est ainsi que pour eux « le sport commence106 ». Car s’ils avaient la volonté
farouche de venir en aide aux réfractaires, usant de tous leurs moyens pour les accueillir, leur
parcours était semé d’embûches. A tel point que durant cette période, c’était « par une
improvisation magnifique [qu’ils arrivaient] à les caser107 ». Un contact quotidien était assuré
entre Villard-de-lans et Grenoble grâce à l’entreprise de cars Huillier. Un chauffeur, le
mécanicien Nallet ou Paul Huillier lui-même, se rendait tous les jours chez Pupin recueillir les
ordres. Par ailleurs c’est aussi par ces cars que les hommes gagnaient le plateau. Déposés sur
des lieux spécifiques, la filière les conduisait toujours vers l’un ou l’autre des pionniers de la
Résistance villardienne qui les emmenait ensuite jusque dans une ferme ; c’était toujours la
103
Ibidem.
Ibidem.
105
Léon Martin, « Le Vercors », op. cit.
106
Eugène Samuel, « La Résistance… », op. cit., p.43.
107
Ibidem.
104
62
même. Ils pouvaient leur arriver d’y rester deux ou trois jours le temps de trouver une solution
quant à leur hébergement108. L’arrivée régulière de nouveaux hommes à cacher conduisit
cependant à s’interroger sur moyens d’accueil les concernant car il est évident que les places
dans les fermes étaient en nombre limité. Ainsi prit forme l’idée de camps, dans lesquels on
pourrait en accueillir beaucoup plus. Au mois de novembre, Aimé Pupin chargea donc le Dr
Samuel de trouver un endroit pour en établir un. C’est durant le mois de décembre que ce
dernier lui répondit qu’après avoir prospecté le Vercors, il avait trouvé un lieu : la ferme
d’Ambel. Elle appartenait à quatre personnes. Parmi elles, MM. Victor Huillier et André
Glaudas son beau-frère, que l’on sait acquises à la cause de la Résistance et qui donnèrent de
ce fait leur accord. Quant aux deux autres, MM. Guillet et Gravier qui étaient de Briançon et
de Grenoble, il ne fut pas jugé nécessaire de les avertir car ils ne se rendaient jamais sur place.
Cette ferme était le lieu d’une exploitation forestière, ce qui était parfait pour l’utilisation
qu’ils voulaient en faire puisqu’elle permettait d’héberger beaucoup d’hommes, qui pouvaient
par ailleurs se disperser facilement dans les bois en cas d’alerte. Cependant, elle était située
sur un territoire d’où l’organisation Franc-Tireur dirigée par « Mathieu » était absente. Il fallut
alors entrer en contact avec la Résistance locale pour l’informer sur le projet et obtenir son
concours.
B) La constitution d’un réseau
1) L’incorporation de Résistants drômois
Aimé Pupin avait l’habitude de se rendre régulièrement à Pont-en-Royans. Lors de ces
déplacements, il profitait de l’occasion pour rendre visite à un de ses amis d’enfance, Pierre
Brunet. Réalisant qu’ils avaient le même sentiment vis-à-vis du régime vichyssois, il lui
révéla que sous le nom de « Mathieu » il était l’un des dirigeants du mouvement de Résistance
Franc-Tireur dans l’Isère109. Durant la première moitié de l’année 1942 il le fit entrer dans
l’organisation et il le présenta aux Résistants villardiens. Il lui confia la mission de diffuser
des journaux clandestins et des tracts dans sa région. C’est au cours de l’été que Brunet
découvrit qu’un groupe de Résistants existait dans sa ville. Celui-ci dépendait du mouvement
Combat et avait pour chef Benjamin Malossane, maire et directeur de l’école de Saint-Jeanen-Royans. Les autres membres étaient : Bec, instituteur, Doucin, lieutenant en congé
108
Ibidem.
Historique du premier camp du Vercors. Le C.1, témoignage de M. Pierre Brunet (qui fut un des chefs de ce
camp) recueilli par A. Vincent-Beaume pour la Commission d’Histoire de la Résistance de la Drôme,
Bibliothèque municipale de Lyon, fonds Fernand Rude, boîte 220.
109
63
d’armistice, P. Dupont, J. Ferroul, charron, L. Ferroul, directeur d’école, P. Rivail110, Louis
Brun et Constant Berthet (alias « Molaire » car il était dentiste). Il établit le contact avec eux
et ils décidèrent de coopérer, s’échangeant leurs informations et se rendant services lorsque
c’était possible111. C’est ainsi qu’au mois de décembre, quand les hommes de « Ravalec »
prospectèrent le Vercors à la recherche d’un lieu propice à l’établissement d’un camp, les
collaborateurs de M. Malossane participèrent à cette quête. Et c’est le 17 décembre que la
ferme d’Ambel fut présentée à Simon Samuel, le frère du docteur, par Louis Brun, maire de
Pont-en-Royans et membre du groupe Combat de cette commune.
Une fois le site choisi pour les raisons évoquées précédemment, il fallut infiltrer
l’exploitation forestière de partisans de la Résistance. Pupin et le Dr. Samuel incitèrent donc
Pierre Brunet à y solliciter un emploi de sous-directeur, ce qu’il fit avec réussite112. Celui-ci se
retrouva chargé de tout ce qui concernait l’intendance et l’embauche, le directeur ne
s’occupant uniquement que de la coupe du bois. Seul responsable des questions de personnel,
de nourriture ou de logement, il put opérer dans la plus totale discrétion, cachant ses
agissements à son supérieur. Celui-ci s’appelait Bourdeau et était capitaine de réserve.
Maintenu à l’écart dans les premiers temps, il fallut rapidement le mettre au courant, ce qui
finalement ne posa aucun problème puisqu’il accepta de prendre part à l’opération113.
Mais le nombre d’hommes à cacher allant grandissant, cela conduisait Pierre Brunet à
rechercher un ravitaillement toujours plus important. Il fit donc appel à Benjamin Malossane,
qui, emballé par le projet, proposa de lui apporter le concours de toutes ses relations. Ce
dernier demanda donc à ses amis de se mettre à la disposition du groupe Franc-Tireur et de lui
apporter toute l’aide possible dans la mesure de leurs moyens114. A partir de ce moment
débute une « collaboration intime avec le groupe Combat de Saint-Jean-en-Royans »115
Cette collaboration ne se limitait pas au simple apport de quelques personnes qui
offrirent leur aide quand elles le purent. C’est toute une logistique qui fut mise en place pour
répondre aux besoins en ravitaillement toujours plus grands avec la création des nouveaux
camps. On peut ainsi lire dans une lettre datée du 5 octobre 1948 d’Yves Farges à Pierre
Dalloz, deux des premiers promoteurs du Plan Montagnard :
110
Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, p.133
Historique du premier camp du Vercors…, op. cit.
112
Ibidem.
113
Ibidem.
114
Ibidem.
115
Ibidem.
111
64
« tout cela ne doit pas faire négliger les efforts de trois hommes qui […] ont été sans conteste
les premiers ravitailleurs du Vercors : Bouchier, Malaussane (sic) et Marquisio116 ».
On trouve un exemple de cet apport des hommes de Pont-en-Royans quand, suite au
développement du Plan Montagnard, furent créées des unités dans les communes avoisinant le
Vercors, qui seraient mobilisées pour prendre les armes au jour dit. A cette occasion les
Résistants drômois se mobilisèrent non seulement pour en créer le plus possible, mais aussi
pour les faire participer à l’effort de ravitaillement. Prenons l’exemple de l’unité de Marsaz117.
Elle fut créée sous l’impulsion d’André Vincent-Beaume qui y fut instituteur de 1919 à 1924
et qui y avait gardé des contacts avec un ancien élève. Ses membres qui avaient pris en charge
la diffusion de journaux clandestins dans leur région furent rapidement mis à contribution
pour collecter de la nourriture destinée aux maquis. L’aide qu’ils apportèrent en matière de
ravitaillement se faisait sous deux formes. Grâce à la complicité des secrétaires de mairie des
communes voisines, ils purent se procurer des cartes d’alimentation qu’ils faisaient ensuite
parvenir aux maquisards. Parallèlement à cela ils collectaient un maximum de denrées comme
la viande, des légumes, du vin ou du blé, qui étaient par la suite convoyées par camion
jusqu’au Vercors. Ils avaient par ailleurs trouvé d’autres moyens d’obtenir occasionnellement
des vivres pour la Résistance118.
Forte de son succès, l’initiative des Francs-Tireurs de l’Isère s’est étendue au-delà de
ses bases, nécessitant ainsi la collaboration d’autres Résistants. Simples soutiens dans les
débuts, les hommes du groupe de Pont-en-Royans prirent une part de plus en plus importante
dans l’organisation du « Vercors ». Ceci était dû en premier lieu au fait de leur influence dans
les communes drômoises du plateau vers lesquelles leur situation géographique les orientait ;
de même que Grenoble était naturellement tourné vers le canton de Villard-de-Lans. Ils
permirent ainsi à la Résistance de couvrir les deux côtés du massif. Par ailleurs la contribution
qu’ils apportèrent en matière de ravitaillement les rendit indispensables.
2) L’élargissement du réseau sur les communes du Vercors
Après l’établissement du premier camp, le C.1, dans la ferme d’Ambel, « homologué »
le 6 janvier 1943, il fallut aussitôt en créer un nouveau, puis trois autres au cours du mois de
février, de même qu’au mois de mars. C’est à l’occasion de la création de ces nouveaux
116
Lettre de Yves Farges à Pierre Dalloz du 5 octobre 1948. Elle est retranscrite dans « Genèse des maquis du
Vercors », dans Vérités sur le drame du Vercors, op. cit.
117
Ce choix totalement arbitraire se justifie uniquement par l’existence du témoignage de Henri Chosson alias
MIK dans la Résistance sur les actions de l’unité de Marsaz, disponible aux archives du Centre d’Histoire de la
Résistance et de la Déportation de Lyon à la côte 627a.
118
voir annexe p.265.
65
camps que le réseau de la Résistance dans le Vercors a connu un nouvel élargissement. Parti
de Villard-de-Lans il a d’abord rencontré une organisation grenobloise. De cette union est née
l’idée d’utilisation du plateau comme refuge pour ceux qui ne voulaient pas aller travailler en
Allemagne. Le mouvement s’est alors agrandi puisque sa concrétisation nécessita la
collaboration d’un groupe de Résistants de Pont-en-Royans. Le réseau était donc structuré
ainsi : un pôle de décision à Grenoble qui se chargeait d’envoyer ceux qui voulaient se cacher
vers les groupes de Villard-de-Lans et de Pont-en-Royans, qui eux devaient ensuite les
convoyer jusque dans les camps qui assuraient la planque. Mais pour un bon fonctionnement
de ces derniers, il était indispensable d’avoir des soutiens à proximité de leurs emplacements.
C’est ainsi qu’une nouvelle ramification fit son apparition dans l’organisation avec la création
de sous-groupes dans certaines communes du plateau.
Si le mouvement avait un point d’encrage dans la partie nord du plateau à Villard-deLans, il en était encore démuni au sud, dans la partie drômoise. Alors les principaux
responsables se rendirent dans les communes du canton de La Chapelle-en-Vercors pour
chercher des partisans. Unissant les informations qu’ils avaient pu requérir sur ses habitants,
ils allèrent directement proposer à certains de prendre part à leurs opérations comme le
témoigna Louis Mossière, laitier à La Chapelle-en-Vercors :
« le lundi 4 janvier 1943, jour de marché aux bestiaux à La Chapelle-en-Vercors, M. Victor
Huillier de Villard-de-Lans et M. Pupin (Mathieu) de Grenoble qui me fut présenté comme le
chef de la zone nord, me demandèrent si je voulais participer à la Résistance. Je fis comme
tous le monde, j’acceptai119 ».
Puis après avoir trouvé quelques hommes intéressés par la perspective d’agir, il fallut les
réunir pour leur expliquer en quoi constituait le projet et ce qu’il leur serait demandé. Georges
Clergé, industriel à La Chapelle-en-Vercors raconte :
« au début de l’année 1943, se tint chez Gustave Jenin, électricien une importante réunion à
laquelle assistèrent Aimé Pupin, instigateur avec le général Delestraint du maquis du
Vercors, Jacques et Simon Samuel, Rosenthal, Mossière, Victor Huillier, Berthet (Molaire),
Fabien Rey (Blaireau), Albert Morin, Istre (Loulette) et moi-même. A l’issue de cette réunion
mes camarades me confièrent la Responsabilité du groupe de La Chapelle-en-Vercors120 ».
Concernant cette réunion, Gustave Jenin note aussi la présence d’Amédé Blanc qui était
boucher121. Quant aux autres, Rey était berger, Morin scieur et Istre chauffeur. Absent de cette
119
Joseph La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Drôme. Isère, 14e édition, Lyon, 1991, p.18
Ibidem.
121
Idem, p.19.
120
66
réunion Léon Magnan, chef de secteur à E.D.F., faisait néanmoins partie des Résistants de ce
village. Voici donc un exemple de création de « sous-groupe » qui prolongea le « réseau de
Résistance du Vercors » jusqu’à sa cellule de base, c’est à dire les habitants du plateau qui
étaient en contact direct et permanent avec les camps de maquisards. Suivant le même modèle
que les groupes de Villard-de-Lans ou Pont-en-Royans, les personnes qui les constituaient
étaient reliées par des liens de parenté, d’amitié ou des affinités politiques. Il y en avait même
qui avaient des liens avec une ou plusieurs personnes d’un autre groupe, ce qui explique
l’exportation du modèle de commune en commune. En effet sachant ce qu’il se faisait, ceuxci étaient alors chargés de recruter des volontaires pour former des « sous-groupes » à
l’identique dans leurs villages. On remarque ainsi dans le « sous-groupe » de La Chapelle-enVercors la présence de Paul Istre, qui était chauffeur dans l’entreprise de cars Huillier, dont on
connaît la participation importante à la Résistance dès les premiers temps.
Dans la partie nord du plateau l’extension du réseau fut un peu différente. En effet lors
de son incorporation au mouvement Franc-Tireur de l’Isère, le groupe d’Eugène Samuel reçut
la mission de créer des sections dans les communes avoisinantes. Ainsi il en fut formé deux à
Autrans et Méaudre dont Théo Racouchot fut désigné responsable122. Avant d’entrer dans les
détails de leurs compositions, notons l’importance qu’ont eu ces formations. En effet résultant
de la prise de contact entre les groupes Léon Martin/Aimé Pupin et Eugène Samuel, elles
virent le jour avant l’hiver 1942/1943123. Par conséquent elles existaient déjà, ou tout du
moins leur ossature, au moment de la création des premiers camps. Par conséquent, lorsqu’il
fut nécessaire de solliciter l’intervention de populations locales, les contacts étaient déjà
établis. En effet c’est dès juin 1942 que des habitants de Méaudre se mirent en relation avec la
Résistance villardienne. Ils furent conviés à une réunion dans le restaurant de Théo Racouchot
où étaient présents outre l’hôte : Jean Glaudas par qui la liaison avait été établie, Edouard
Masson, Marius Charlier, Clément Beaudoing, Baptiste Converso et les frères Huillier. De
leur côté les Méaudrais étaient au nombre de cinq. Il s’agissait de Georges Buisson et Léon
Vincent-Martin, tous deux à l’origine des contacts avec Jean Glaudas, mais aussi Mathieu
Repellin, Marcel Rochas (dit « Tiotio ») et l’instituteur Savioux124. A Autrans, c’est un sousofficier de réserve, Paul Repellin, qui oeuvra pour former un groupe Franc-Tireur dans sa
122
Dominique Veillon, Le Franc-Tireur. Un journal clandestin, un mouvement de Résistance. 1940-1044, Paris,
Flammarion, 1977.
123
Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit. Dans ce récit Pupin parle de sections existantes à Lans, Méaudre et
Autrans au mois de septembre 1942.
124
« La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14.
67
localité. La liaison avec Villard-de-Lans étant assurée par Jacques (Dr Samuel)125. Ainsi
lorsque fut crée le C.3 à Front-Scellier près d’Autrans, ses responsables civils furent Barnier
hôtelier à Autrans, le négociant en bestiaux Georges Buisson et Léon Vincent Martin
boulanger à Méaudre126. Ces deux derniers eurent aussi à leur charge le C.5 en compagnie de
Marius Charlier qui en était le principal responsable. Lors de la formation de ces camps, la
Résistance disposait donc déjà de groupes d’hommes prêts à entrer en action.
Parallèlement à l’élaboration de ces « sous-groupes », les responsables du mouvement
de Résistance du Vercors partirent à la recherche de soutiens individuels spécifiques dans les
localités où de tels groupes organisés n’existaient pas et où des camps s’étaient établis. Par
exemple, lors de l’installation du C.4 en février 1943 à Cournouse, à l’ouest de Saint-Martinen-Vercors, l’épicier de cette commune fut contacté directement par le docteur Samuel pour
devenir le responsable civil du camp127. Il devait donc s’occuper de la réception des nouveaux
maquisards, mais aussi du ravitaillement et par la suite de l’armement. Etranger à
l’organisation au début, cet homme y prit ensuite une responsabilité importante. On peut alors
s’interroger sur les moyens dont disposaient les chefs de la Résistance en Vercors pour
déceler parmi la population les personnes capables d’accepter et d’assumer de telles charges.
Au cours du mois de mars de la même année fut créé le C.8 près de Vassieux. Rapidement
celui-ci dû déménager. Le « groupe » de La Chapelle-en-Vercors se mit donc en quête d’un
nouveau lieu pour accueillir ce dernier, et c’est ainsi qu’un cultivateur vassivain se vit
demander sa ferme :
« A la création du S.T.O. par le gouvernement de Vichy, MM. Mossière et Fabien Rey, dit
« Marseille » tous deux de La Chapelle en Vercors vinrent me trouver et me demandèrent si je
connaissais un endroit où l’on pourrait regrouper les réfractaires. Je leur proposai ma ferme
du Chomas, située à 3km du village et ainsi naquit le camp qui devint plus tard le C.8 »128.
Là encore le travail de prospection du plateau et de ses habitants semble avoir porté ses fruits.
On retrouve donc ça et là des personnes qui ont intégré le réseau de Résistance du Vercors
individuellement et qui n’ont pas fait de démarche pour l’incorporer, mais qui ont été
contactées par celui-ci pour obtenir leur concours. A travers l’élargissement du réseau sur les
communes du plateau, nous pouvons alors déceler deux types d’entrée en Résistance pour les
autochtones. Le premier semble guidé par des considérations politiques, avec les
regroupements d’hommes qui n’acceptent pas la situation et qui unissent leurs efforts pour
125
« Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, n°55, juillet 1986, pp.19-21.
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.25.
127
Idem, p.24.
128
Idem, p.30.
126
68
agir contre le régime en vigueur. Le second paraît plus empirique, où des personnes qui
n’auraient pas trouvé la motivation suffisante pour entrer dans la lutte apporteraient leur
soutien aux premiers car elles partagent les mêmes sentiments vis-à-vis de la situation du
pays.
La Résistance au village
Dans cette partie nous traiterons des actes de Résistance dont la population connaissait
vaguement l’existence. Car si dans leur ensemble les gens ne savaient pas exactement qui
faisait quoi, ni dans quelle proportion, ils savaient tout de même que des choses se passaient
dans leurs villages. Ce sont précisément ces agissements là que nous allons étudier.
A) Les soutiens de la communauté villageoise
1) Le ravitaillement
Lors de la formation des premiers camps, de nombreux jeunes hommes du Vercors
décidèrent de s’y réfugier. Ce pouvait être par peur de se faire « ramasser » pour aller
travailler en Allemagne ou pour d’autres il s’agissait de déserter les chantiers de jeunesse.
Leurs familles résidant non loin dans les bourgs ou les hameaux, elles pouvaient à l’occasion
leur apporter de quoi se nourrir. Ceci constitue la première forme d’aide en matière de
ravitaillement apportée par la population du plateau. A l’heure des débuts de la Résistance
dans cette région, seuls les responsables du mouvement et les familles des jeunes hommes
cachés dans les forêts avaient connaissance du phénomène. C’est pourquoi eux seuls
acheminaient des vivres vers les camps. Dans chaque village, cette charge reposait donc sur
quelques familles qui agissaient alors avec la plus grande discrétion. Prenons l’exemple de
cette famille de Méaudre dont plusieurs enfants étaient montés se cacher en forêt, et qui
habitait une ferme proche de celle où s’était installé initialement le C.3. La benjamine de cette
famille qui avait alors quatorze ans se souvient qu’en compagnie d’un de ses frères à peine
plus âgé, elle leur montait du ravitaillement :
« j’y allait avec mon frère qui avait deux, trois ans de plus que moi. On partait avec nos sacs
tyroliens sur le dos, les patates toutes chaudes qui nous brûlaient le dos, et on montait à
travers bois porter les patates ».129
129
Entretien avec l’auteur. Toutes les informations concernant cette famille en sont issues.
69
Les vivres qu’elle leur apportait étaient essentiellement constitués de pommes de terre, de lard
et de saucisson. S’il n’y avait pas de fréquence précise quant à cet approvisionnement, c’est à
peu près une fois par semaine qu’elle leur amenait de la nourriture. A cela il faut ajouter les
contributions des quelques autres familles qui avaient des enfants réfugiés dans cette ferme, et
celles des responsables de la Résistance du village. Par exemple le boulanger qui était l’un
d’eux fournissait le pain.
« Chacun montait un peu. […] Tous ceux qui s’en occupaient, chacun de la famille envoyait
quelque chose »130.
Les jeunes maquisards ne quittaient que très rarement leur planque et se contentaient de ce
qu’on leur donnait, mais il arrivait qu’ils se rendent dans une ferme « sûre » pour retrouver le
temps d’un repas un peu de confort et de chaleur humaine :
« une fois je sais qu’ils étaient descendus chez moi, il se trouvait ce jour là une ribambelle de
garçons […]. Ces jeunes étaient venus un peu pour se raser, se laver, ils en profitaient »131.
Au fur et à mesure que de nouveaux camps ont été créés, l’organisation du
ravitaillement empirique des débuts a été modifiée. Désormais celui-ci était assuré par un
réseau structuré qui avait divisé le plateau en plusieurs secteurs comme ceux de Pont-enRoyans dont M. Brun avait la charge, celui de Saint-Jean-en-Royans géré par M. Malossane,
ou celui de Villard-de-Lans, dont certains des membres du groupe initial de Résistants de ce
village étaient les responsables. Intéressons-nous à ce dernier secteur sur lequel s’étaient
établis le C.2 au Puits des Ravières à proximité de Villard, le C.3 transféré de Méaudre à
Autrans et le C.5 à Méaudre. Dans chacun de ces trois villages il avait été créé une section de
la Compagnie civile du Vercors, à laquelle nous nous intéresserons plus en détail par la suite,
qui était composée d’hommes de la localité et qui assurait la bonne marche du ravitaillement.
Un membre de la section de Villard se rappelle du fonctionnement de ce que l’on appelait
alors « l’organisation » dans son village de Villard-de-Lans :
« ils ont fait des coups de main pour prendre des tickets d’alimentation. Puis alors après il
fallait acheter le ravitaillement d’un côté, puis y’avait la collecte qui était faite dans toutes les
fermes. On donnait des pommes de terre, et après on a abattu des bêtes pour la viande »132.
Ceci est le rôle qui était dévolu aux responsables locaux qui avaient accepté de prendre en
charge la gestion du ravitaillement des camps situés sur leur secteur. Après la mise à
contribution des cultivateurs avec la collecte dans les fermes, les villageois étaient de
130
Ibidem.
Ibidem.
132
Entretien avec l’auteur.
131
70
nouveaux sollicités pour la diffusion de la nourriture vers les maquisards. C’est là qu’entrent
en scène les membres de la section de Villard.
« Y’avait nos chefs de sixaine qui nous disaient il y a du ravitaillement à monter […]. Par
exemple y’avait un groupe qui était chargé de monter le ravitaillement une fois ici, la fois
d’après c’était un autre groupe qui le montait pour le même camp »133.
Cependant il ne faut pas croire qu’avec ce système la discrétion des premiers temps avait
disparu. Ceci était dû au mode de fonctionnement des sections au sein desquelles le plus
grand secret était de rigueur. Par ailleurs, la manière d’apporter aux maquisards leur
ravitaillement garantissait discrétion et sécurité.
« Quand il fallait ravitailler par exemple le Puits des Ravières, on n’avait jamais de contacts
avec les maquisards. Vous montez le ravitaillement, on vous dit y’a des sacs à monter, vous le
montez à tel endroit, vous le laissez, après c’est tout. Les autres viennent et les récupèrent
après. Y’avait pas de contact »134.
Dans certains camps, les maquisards nouaient tout de même des relations avec les
habitants des fermes environnantes. Ce pouvait être parce que certains d’entre eux étant du
village, ils y avaient de la famille et connaissaient les autres fermiers. Il est arrivé aussi qu’à la
suite de coups de main lors de travaux agricoles, ou à l’occasion des remises du
ravitaillement, des affinités se créèrent avec les cultivateurs et leurs familles car par endroits,
c’est une ferme en particulier qui servait de lieu de dépôt pour le ravitaillement. Un lien entre
village et maquis s’est ainsi créé, favorisé par la parenté de certains des hommes réfugiés dans
les forêts avec les autochtones. Ceci a contribué au développement d’une « assistance » de la
population villageoise solidaire de « ses » maquisards, en parallèle du ravitaillement organisé
par le réseau de Résistance. A Autrans, cet homme se souvient :
« Quand je suis monté c’était histoire de famille quoi. Bon j’avais mon frère là-haut alors on
montait. Ils en profitait tous mais enfin ils étaient déjà aidés par les familles, et puis quand
même il y en avait qui donnaient »135.
Il faut dire que les responsables locaux du réseau oeuvraient pour faciliter cette mise en
rapport.
« Ils [les maquisards] avaient des antennes, ils avaient demandé un peu est-ce qu’on pourrait
avoir ça ou ça, ils savaient à peu près où ils allaient chercher leur ravitaillement »136.
133
Ibidem.
Ibidem.
135
Entretien avec l’auteur.
136
Entretien avec l’auteur.
134
71
Comme toujours la discrétion était de rigueur. Par mesure de sécurité c’est donc une fois la
nuit tombée qu’ils se rendaient dans les fermes pour prendre possession des vivres :
« ils descendent pendant la nuit et puis voilà. Ils ne voyageaient pas trop de jour »137.
Cependant si les gens étaient sollicités pour apporter une contribution, ils n’étaient pas
contraints de le faire :
« les gens étaient libres de faire ce qu’ils voulaient […]. Y’a aucune raison de forcer les
gens »138.
Il arrivait toutefois que ces relations entre maquisards et cultivateurs soient ponctuées de
discordes. Comme le raconte cette femme :
« Des fois on les sermonnait parce que volontiers au lieu d’acheter des … […], ils les
auraient pris sans demander. Même si on leur les vendait pas, des fois bon… […] Les
cultivateurs du plateau ils étaient pas…ils leur donnaient volontiers. Ce qu’ils aimaient pas
c’est quand… »139.
Une partie du ravitaillement était donc achetée par les maquisards directement aux paysans
des villages grâce à l’argent et aux tickets d’alimentation que leur procurait « l’organisation ».
C’est ainsi qu’ils obtenaient de ces derniers une partie de leur alimentation et qu’ils
s’assuraient leur concours, le fait de payer quand ils en avaient la possibilité aidant à
maintenir de bonnes relations avec des personnes qui étaient dans l’ensemble acquises à leur
cause.
« Des fois ils venaient à la commune, ils demandaient à la commune est-ce qu’on ne pourrait
pas avoir…on aurait besoin de viande, est-ce qu’on pourrait pas avoir une bête pour dire de
se partager à plusieurs groupes. Tout le monde s’arrangeait, c’était pas un drame. Les gens
étaient pas contre »140.
Ainsi l’on distingue trois formes d’implication de la population du Vercors en ce qui
concerne le l’aide au ravitaillement des camps de maquisards. Tout d’abord les familles des
premiers réfractaires, qui dans la plus grande clandestinité ont acheminé des vivres à leurs
parents cachés dans les forêts, quand elles habitaient à proximité des planques. Avec elles, les
responsables civils de ces camps oeuvraient pour trouver de la nourriture. Par la suite, avec
l’élaboration d’un réseau de soutien dans les communes, cette responsabilité fut confiée à des
groupes de villageois, qu’ils soient organisés en simple groupe de Résistants de la localité, ou
en section de la Compagnie civile du Vercors dont nous parlerons ultérieurement. Enfin,
137
Ibidem.
Ibidem.
139
Ibidem.
140
Ibidem.
138
72
pratique qui est allée grandissante au fur et à mesure des événements, c’est la descente de
maquisards jusque dans les fermes pour obtenir directement des cultivateurs de quoi
s’approvisionner.
2) Les autres formes de l’engagement
Pour une partie des habitants du Vercors, faire acte de Résistance ne se limitait à aider
les maquisards à trouver de quoi se ravitailler. Certaines familles ont aussi accepté de venir en
aide à des juifs qui cherchaient à fuir les grandes villes. Nous l’avons vu, la région offrait de
bonnes conditions pour ceux qui voulaient vivre dans la discrétion, mais encore fallait-il que
ses habitants acceptent de les accueillir. Ce fut le cas et c’est ainsi que le retrouva de
nombreux juifs sur le plateau et notamment dans les environs de Villard-de-Lans :
« quand les Allemands ont envahi la France, comme Villard était déjà une station où il y avait
pas mal d’hôtels et d’appartements […], ils sont tous venus sur Villard. Je ne peux pas vous
dire le nombre qu’il y avait mais c’était incroyable »141.
Pour se loger, ceux-ci pouvaient soit trouver une location, comme nous l’avons vu avec la
famille de George Perec, soit prendre une pension dans une ferme et vivre avec une famille
d’autochtones. Dans ce dernier cas, les deux parties étaient bien souvent mises en relation par
des interconnaissances qui garantissaient l’honnêteté et la respectabilité de tous.
« Mes parents en ont caché une année […] ils avaient une chambre c’était le frère et la sœur.
[…] Nous c’est mon frère qui habitait à Fontaine qui connaissait quelqu’un qui était très ami
avec ces gens, il fallait absolument qu’ils quittent Grenoble alors bon ils étaient venus un
mois ou deux chez mes parents »142.
Les juifs ainsi réfugiés menaient alors une vie plutôt paisible :
« les juifs ils étaient tranquille ici […]. Bon ils menaient leur vie, ils étaient en location ou
dans les familles, mais ils menaient une vie tranquille, discrète. […] ils faisaient leur vie
normalement »143.
D’après des témoignages d’habitants du Vercors aujourd’hui recueillis, il ne semble pas que
ces réfugiés aient participé aux travaux des champs. Néanmoins leurs rapports avec la
population locale paraissent avoir été assez bons dans l’ensemble.
Cette activité « d’hébergement », il n’y a pas que des familles juives qui en ont profité.
Durant cette période, de nombreux Résistants ont été caché dans des maisons. Dans le plus
141
Entretien avec l’auteur.
Entretien avec l’auteur.
143
Entretien avec l’auteur.
142
73
grand secret, certaines familles abritaient des responsables de la Résistance recherchés par les
autorités pour leurs activités « antinationales ». Dans le Vercors, l’exemple le plus connu est
celui de la famille de Jean Glaudas, l’un des membres du groupe initial de Résistants de
Villard-de-Lans. Pendant près de trois mois, de début mars à fin mai 1943, a vécu dans sa
demeure Aimé Pupin alias « Mathieu », premier chef civil du « Vercors », comme le raconte
son ancienne épouse :
« Un jour, mon mari m’apprend que le responsable de la Résistance de Grenoble […] a vu de
loin sa maison cernée par la troupe italienne. Il […] s’est réfugié chez son cousin, boulanger
à Autrans. Le coin n’est pas sûr, on le cherchera dans sa famille. Notre décision est vite prise,
nous donnerons asile à Pupin. […] Mathieu sera un cousin éloigné, très fatigué et venant se
reposer à la maison »144.
Il existe aussi à Méaudre un exemple connu aujourd’hui de ce type d’hébergement. Sur la
maison Durand-Poudret145 à été apposée une plaque rappelant les services rendus par cette
famille à la Résistance, notamment en hébergeant Léon Chevallet146. Alors jeune fille à
l’époque, la benjamine de la famille se rappelle :
« M. Chevallet il s’était caché chez nous […] il est resté à peu près deux mois et demi chez
mes parents. Puis après je sais pas où il est allé parce qu’il ne restait jamais au même
endroit »147.
Dans un article du Pionnier du Vercors, sa grande sœur raconte l’arrivée de cet homme :
« Après la disparition de plusieurs responsables en décembre 1943, Benoît (Léon Chevallet)
devait quitter Grenoble. Germaine nous contacta à Méaudre […] afin de trouver une planque
sûre. Il fut convenu que je demanderais conseil à mes parents pour la ferme Durand-Poudret
[…]. Mon père ne fut pas très chaud, mais lorsqu’ils se rencontrèrent, Benoît et lui, le
courant passa. C’est ainsi que Benoît vécu de décembre 1943 à mars 1944 dans notre
famille148 ».
Que ce soit dans la plus grande clandestinité ou alors de manière beaucoup plus visible
comme avec les juifs, certains habitants n’ont pas hésité à recevoir chez eux des personnes
traquées par les autorités. Cette activité d’hébergement, au même titre que la désobéissance
civile dont nous avons déjà parlé et que l’aide en matière de ravitaillement, doit être
considérée comme une forme de Résistance sur le plateau.
144
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », dans Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu, op. cit.,
p.90.
145
voir annexe p.230.
146
Ibidem.
147
Entretien avec l’auteur.
148
« A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, n°76, septembre 1991.
74
Une autre manifestation de cet état d’esprit de Résistance qui a pris corps en Vercors
est l’ensemble des actes de ceux qui ont apporté un soutien grâce à leur profession. En effet
certains ont fait profiter la Résistance des facilités que leur offrait leur métier, notamment en
matière de nourriture. Des boulangers par exemple, comme à Méaudre où celui-ci
approvisionnait en pain les camps installés sur la commune dont il faisait partie des
responsables locaux149. Sa mère, « la boulangère », participa aussi à cette entreprise à tel point
que l’on peut lire dans un article de Le pionnier du Vercors : « si nos amis des camps 3 et 5
eurent du pain, ce fut grâce à la petite boulangère de Méaudre »150. A La Chapelle-enVercors, un témoignage rapporte qu’au printemps de 1944, le boulanger recevait chaque
semaine quelques maquisards pour servir de mitrons, permettant ainsi à ces derniers de
produire leur pain151. Les bouchers pouvaient aussi être sollicités. En effet il arrivait aux
maquisards d’abattre des bêtes pour se nourrir. Mais encore fallait-il savoir comment les
découper ensuite. Cet ainsi par exemple qu’intervint le fils du boucher d’Autrans :
« cette vache […] il faut d’abord aller la chercher et la ramener discrètement à la faveur de
la nuit à travers les bois. Il convient ensuite de l’abattre sur place et la dépecer avec l’aide de
Dédé Arnaud, le fils du boucher d’Autrans, grâce à qui l’anatomie de l’animal et la
classification des morceaux n’ont plus de secret pour nous152 ».
Du fait de leurs facilités à obtenir de la nourriture, les épiciers pouvaient être sollicités pour
devenir responsables du ravitaillement de certains camps. Ainsi l’épicier de Saint-Martin-enVercors, se vit confier l’approvisionnement du C.4153. Mais les épiciers apportaient une aide
d’un autre type. Ils étaient les complices des maquisards quand ceux-ci utilisaient les tickets
d’alimentation qu’ils s’étaient procurés.
« Pour certaines choses il fallait une inscription chez l’épicier du coin. Il fallait donc, comme
les maquisards étaient nombreux, on se partageait entre plusieurs épiceries, pour ne pas faire
un afflux anormal de clientèle. Alors tout ça, évidemment ça marchait, mais fallait pour ça
une complicité de la population »154.
Ces tickets d’alimentation, ils les obtenaient par des coups de main opérés à l’échelle
départementale ou bien grâce à la complicité des secrétaires de mairies des communes du
Vercors qui leur en procuraient. Méaudre par exemple, vit en quelques semaines sur les
149
Ibidem.
« La boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, n°81, décembre 1992.
151
« Mon premier journal de marche », Témoignage de Pierre Lefort interviewé le 26 juin 1995, consultable aux
archives du Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon à la côte 614.
152
« La vie du C.3 à Carteaux. Eté 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°91, octobre 1995, pp.25-27.
153
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.24. Cet épicier s’appelait Alfred Roche.
154
Témoignage du général Costa de Beauregard dans le film de Laurent Lutaud Vercors : le plateau déchiré,
FR3 Montagne/Chromatiques, collection « Paroles de Résistants », 1992, 87min.
150
75
registres sa population augmenter de soixante-dix personnes, en ajoutant des identités
fantômes ou en ne rayant pas des listes les personnes décédées :
« les gens qui étaient morts, elles refaisaient des cartes d’alimentation. Parce que bon les
Allemands ne venaient quand même pas consulter les agendas des décès de la commune
depuis des années »155.
Ceci permit à la municipalité d’acquérir davantage de tickets, et donc de pouvoir en
redistribuer une partie à la Résistance156. Par ailleurs ces secrétaires de mairies aidaient aussi
les Résistants à se procurer des faux papiers157. Enfin les hôteliers mettaient aussi au profit de
la Résistance les facilités qu’ils avaient à obtenir de la nourriture en plus d’une aide en
matière d’hébergement qu’ils étaient les plus à même d’apporter. Ainsi Eugène Chavant
séjourna quelques temps à l’Hôtel de la Poste à Méaudre durant l’hiver 1943-1944158, pour
préparer la réunion « Monaco » qui se tint dans cet hôtel le 25 janvier 1944 au cours de
laquelle le Comité de la France Combattante de l’Isère devint le Comité Départemental de la
Libération.
Un autre secteur dans lequel les habitants du Vercors mirent à la disposition de la Résistance
les avantages que leur procurait leur profession fut celui des transports. Dès les débuts les
entreprises de cars firent partie intégrante de la filière que devait suivre les jeunes réfractaires
au S.T.O., qu’elles convoyèrent vers les responsables chargés de conduire ces derniers
jusqu’aux camps. Ainsi par exemple l’entreprise de cars Huillier de Villard-de-Lans, qui prit
part aux débuts du mouvement, permit d’assurer dans les premiers temps la liaison entre
Grenoble et le plateau grâce à des visites quotidiennes de ses chauffeurs chez Aimé Pupin, où
ils venaient chercher les consignes159. Ensuite, ses cars permirent d’emmener ceux qui
désiraient prendre le maquis vers le Vercors, où ils étaient pris en charge par des Résistants
qui devaient alors les mener jusqu’à un camp. Notons la complicité de cette entreprise de car à
travers le témoignage de cet ancien maquisard :
« lorsque je débarque du car Huillier sur la place d’Autrans, […] les plus perspicaces des
Autranais, qui observent derrière leur fenêtre l’arrivée quotidienne du car, ne s’y trompent
sans doute pas : voilà encore un maquisard ! […] je balaie du regard les alentours à la
recherche du « contact » qui normalement devait me prendre en charge. Personne ! […]
Comme personne ne se manifeste, ma sœur Odette […] s’avance vers le chauffeur pour lui
155
Entretien avec l’auteur.
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis…, op. cit..
157
Entretien avec l’auteur.
158
« A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
159
Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit.
156
76
faire part de notre perplexité. En effet, celui-ci appartient à la filière, puisque c’est à lui
qu’on nous a adressé au départ de Grenoble. L’initiative est bonne. Il descend et nous conduit
à quelques pas de là160 ».
Parallèlement à cette activité, la maison Huillier aidait aussi pour le transport du
ravitaillement comme en témoigne cet ancien chauffeur de l’entreprise :
« employé comme chauffeur chez M. Victor Huillier de Villard-de-Lans, je transportai le
ravitaillement destiné au camp d’Ambel161 ».
Autre Résistant de la première heure, Baptiste Converso de Lans mettait aussi ses véhicules à
disposition. Ils étaient utilisés entre autre pour effectuer des coups de mains, certains avec
succès :
« un coup fut décidé contre les chantiers de Jeunesse de St LAURENT DU PONT. Un camion
à CONVERSO, l’équipe de choc de VILLARD […], et le coup est fait, bien organisé par nos
soins. Il réussit à la perfection et nos gars sont chaussés162 ».
D’autres avec moins de réussite comme le triste célèbre échec de Pont-de-Claix dans la nuit
du 25 au 26 mai 1943. Les transports Perriat, de La Chapelle-en-Vercors, s’impliquèrent eux
aussi dans la Résistance. Un cultivateur de Vassieux-en-Vercors se rappelle :
« Les réfractaires arrivèrent guidés soit par Mossière ou Marseille, soit directement par les
cars Perriat163 ».
A cette époque l’essence était un bien rare et précieux, c’est pourquoi ceux qui possédaient un
véhicule en état de marche étaient peu nombreux. Il s’agissait en majorité de ceux qui les
utilisaient pour les besoins de leur profession. Ainsi le chef de secteur à l’Energie Industrielle
qui résidait à La Chapelle-en-Vercors et qui avait une camionnette, s’en servait aussi pour
emmener des réfractaires vers le camp d’Ambel notamment164. Dumas, de Villard-de-Lans,
apportait lui aussi un soutien à la Résistance dans le domaine des transports :
« Dumas qui était un employé de Fure et Morge, parce qu’à ce moment là E.D.F. n’existait
pas, Fure et Morge c’était la compagnie d’électricité. Alors lui avait des facilités comme il
fallait se déplacer pour l’électricité165 ».
Comme il était difficile de se procurer de l’essence, il fut inventé un nouveau type de véhicule
à moteur, les véhicules à gazogène, dits les « gazos ». Ceux-ci fonctionnaient avec du charbon
de bois, par la distillation « vers les cylindres du moteur [d’]un mélange gazeux inflammable,
160
« Premier contact. Autrans. 2 juillet 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°90, avril 1995, pp.14-15.
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.19.
162
Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit.
163
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.30.
164
Idem, p.19.
165
Entretien avec l’auteur.
161
77
obtenu par la combustion incomplète du charbon166 ». Rémy Beyle de Jesse, inspecteur des
Eaux et Forêts en possédait un, et faisant partie du premier Comité Militaire Clandestin du
Vercors, il le mit à la disposition de l’organisation.
Enfin du fait des difficultés à obtenir de l’essence, la pénurie entraînant avec elle une hausse
des prix, il fallut pour s’en procurer compter sur la complicité des pompistes. C’est ainsi que
des coups de mains « fictifs » furent opérés contre certains d’entre eux. En effet ces derniers
étant de mèche avec les Résistants, ils leur donnaient une quantité de carburant auparavant
convenue moyennant compensation financière, puis ils s’en allaient porter plainte à la
gendarmerie. Bien sûr cela était mis en scène de façon à laisser croire à un vol. Néanmoins
tous les pompistes n’étaient pas aussi coopératifs, et il arrivait que de réelles opérations soient
menées.
La sécurité est un autre domaine dans lequel les habitants du Vercors ont pu faire profiter la
Résistance des avantages de leur profession. En ce qui concerne les alertes par exemple, un
système fut élaboré à partir d’une usine électrique :
« M. Dumas, comme y’ avait une usine électrique en dessous d’Engins, […]quand il y avait
des Allemands ou des Italiens qui prenaient la route du Vercors, ils faisaient des signaux avec
l’électricité ils éteignaient, ils éclairaient. Ça se répercutait donc sur Engins ; à Engins les
voitures montaient et ils avertissaient vite tout partout167 ».
En terme de santé, certains docteurs du plateau étaient mis à contribution comme à Autrans où
les hommes du C.3 étaient « soignés à l’infirmerie de fortune installée pour l’occasion chez le
docteur Chauve, dans une pièce discrète168 ».
La sécurité des maquisards étaient aussi assurée par les gendarmes du plateau qui faisaient
preuve d’une certaine complaisance quand ils n’étaient pas engagés à par entière dans le
mouvement, mais nous traiterons de leur comportement ultérieurement.
Les Résistants essayaient de profiter au mieux de toutes les possibilités que leur offraient
leurs différentes professions. C’est ainsi que le directeur de l’agence de Villard-de-Lans de la
Banque d’Escompte et de Crédit de la région Dauphinoise, qui était l’un des membres du
groupe initial de résistants de la commune, fut chargé de conserver l’argent du mouvement en
ouvrant un compte au nom de François Tirard (Franc-Tireur)169.
166
Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors. Petite histoire des hommes dans la forêt, Lans-enVercors, Parc naturel régional du Vercors, collection « Etudes et chroniques », 2000, p. 120.
167
Entretien avec l’auteur.
168
« Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, n°93, juillet 1996, pp.13-15.
169
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.32.
78
D’autres hommes se sont rangés aux côtés des Résistants, il s’agit des curés. Nous avons déjà
évoqué l’entreprise de l’abbé Johannès Vincent à Lans mais d’autres de ses homologues se
sont illustrés. Ainsi le curé de Saint-Agnan-en-Vercors était complice des agissements de ses
fidèles170. De même que celui de Saint-Martin-en-Vercors qui de plus aida des Résistants de
Romans à cacher des jeunes dans sa commune. Ceux-ci étaient envoyés par Paul Jansen via la
Maison des Jeunes de Romans dont il était le directeur, vers un camp d’abord créé sur SaintMartin-en-Vercors début juin 1943 puis rapidement déménagé sur Saint-Agnan-en-Vercors.
Quant au curé, son rôle était d’accueillir les jeunes qui arrivaient par un car dont le chauffeur
était dans le coup, jusqu’en décembre 1943, date à laquelle ce camp reçut l’ordre de quitter le
massif du Vercors171.
Enfin, il y a une corporation qui s’est engagée dans la Résistance en n’acceptant pas les
mesures discriminatoires de Vichy à l’encontre des juifs, il s’agit des enseignants. Nous
l’avons vu de nombreux juifs s’étaient installés dans le Vercors avec leurs enfants. Ces
derniers ont pu poursuivre leur scolarité grâce à la complicité des instituteurs et professeurs
qui gardèrent secrètes leurs véritables identités. Le directeur d’un collège de Villard-de-Lans
se rappelle :
« trois professeur du collège et plusieurs élèves sont juifs, en général avec des noms
d’emprunt, des états-civils falsifiés, et même des certificats de baptême !172 »
B) Dans l’ombre du village
1) La Compagnie civile du Vercors
Dans le plan d’utilisation militaire du Vercors, le plan « Montagnards », ainsi baptisé
par le général Délestraint (alias Vidal dans la Résistance), il était question de créer dans les
communes avoisinant le Vercors des groupes de civils capables de prendre les armes et de
gagner le plateau au jour dit. C’est dans ce but que fut créée la Compagnie civile du Vercors.
C’est ainsi que de nombreuses sections de cette compagnie virent le jour dans des communes
situées à proximité du Vercors. Lors d’une conférence, Eugène Chavant raconta comment
celles-ci naquirent :
« en dehors des camps, nous avons fait une énorme prospection dans toute la région qui
entoure le « Vercors ». Nous étions dans les granges, dans les loges à cochons, dans les
170
Idem, p.28.
« Maquisards à Saint-Agnan », dans Henri Chosson, Marcel Desgranges et Pierre Lefort, Drôme-nord. Terre
d’asile et de révolte. 1940-1944, Valence, Editions Peuple Libre, 1993, pp.131-132.
172
Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 ». Ceci est un témoignage
daté du 3 novembre 1976 consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36.
171
79
écuries, faire des réunions publiques. Nous étions allés pour prospecter, pour constituer nos
compagnies civiles173 ».
Ce projet fut également entrepris sur le plateau, ce qui aboutit à la formation de trois sections
à Villard-de-Lans, à Autrans et à Méaudre. On note qu’il s’agit là des trois communes dans
lesquelles furent constitués des groupes de Résistants « officiellement » rattachés à
l’organisation Franc-Tireur. D’après le témoignage d’un ancien membre de la section de
Villard-de-Lans, voici comment celle-ci s’était constituée :
« les compagnies civiles elles s’adressaient à tous les gens du pays. Là c’était du bouche à
oreille […]. Alors tous ces groupes civils c’était très secret parce que pour rentrer dedans
c’était toujours par copain ou un truc comme ça174 ».
L’instruction militaire des hommes du pays était en effet une des principales missions de ces
sections :
« A partir des premiers parachutages de novembre 1943, 13 novembre 1943 à Arbounouze,
on a reçu une instruction militaire de façon à se familiariser avec les armes anglaises et
américaines qu’on ne connaissait pas du tout. Parce qu’au début on avait commencé à
s’entraîner avec des armes françaises qui avaient été récupérées sur l’armée française
d’armistice175 ».
Bien que de nombreuses personnes étaient concernées par ces dernières, le plus grand secret
était gardé quant à leur composition. Ceci à tel point que même leurs membres ne
connaissaient les identités que de très peu de leurs homologues. Voici une anecdote quelque
peu cocasse qui résume bien cet état de fait :
« je me suis trouvé avec un copain on montait à l’instruction […]. Je montais en vélo, puis le
copain me dit – tu vas où ? Je lui dis – je vais chez mon cousin – au L?, puis après j’arrive au
L? il était toujours avec moi, alors j’attends un moment, il me dit – tu vas pas plus loin ?, je
lui dis – oh je sais pas. Il me dit – je sais pas si tu vas pas au même endroit que moi, je lui dis
– pourquoi, alors il y avait un mot de passe où je sais pas quoi et je lui dis – oui176 ».
Au sein même des familles une certaine réserve était de mise :
173
Conférence Chavant du 6 février 1945. Une transcription du discours d’Eugène Chavant est consultable aux
archives départementales de l’Isère à la cote 57J36.
174
Entretien avec l’auteur.
175
Ibidem.
176
Ibidem.
80
« j’ai entendu parler mes frères qui disaient on va à l’instruction mais bon, on ne savait pas
ni où, ni… nous on ne savait pas à la maison où ils allaient. […] ça durait une demi journée
et puis ils revenaient177 ».
Cette instruction était faite par les responsables locaux de la Résistance à Méaudre et Villardde-Lans, tandis que les Autranais firent appel à un ancien militaire178.
Outre la formation militaire, les sections du plateau de la Compagnie civile du Vercors
remplissaient d’autres tâches. Nous avons déjà vu dans la partie consacrée au ravitaillement
comment l’une d’entre elles consistait à apporter leur ravitaillement aux camps qui étaient sur
leurs secteurs. Une autre était d’assurer la sécurité de ces derniers :
« c’était tous des jeunes du pays qui étaient chargés d’assurer le ravitaillement pour ces
camps et tout, et puis la surveillance un peu179 ».
En effet un système de garde avait été élaboré pour prévenir les maquisards en cas d’alerte :
« on prenait la garde souvent au cas où il y ait des alertes pendant la nuit de façon à avertir
les jeunes des camps pour qu’ils ne soient pas surpris180 ».
Voici comment cela se déroulait à Villard-de-Lans :
« à Villard y’avait une garde qui s’effectuait, […]. Y’avait un château d’eau en haut, alors on
prenait la garde à tour de rôle les jeunes de Villard, pour voir dans la nuit s’il y avait des
phares qui arrivaient, si des colonnes allemandes arrivaient sur Lans, parce qu’on voit assez
loin181 ».
En cas d’alerte, un autre témoignage raconte qu’on tirait des coups de feu dans la rue pour
avertir la population et lui permettre de gagner les bois ou la campagne avant l’arrivée des
troupes ennemies182. De la même manière les différents groupes de la section de Méaudre se
sont relayés à la fin de l’année 1943 pour assurer la garde de nuit dans les Gorges de la
Bourne183. Une autre manifestation de cette fonction de surveillance apparaît lors de la
réunion « Monaco » à Méaudre en janvier 1944 : « Le groupe-franc de Villard-de-Lans […]
renforcé par des éléments du C5 et des groupes civils de Méaudre, a assuré le 25 janvier 1944,
la sécurité de la très importante réunion des chefs de la Résistance de l’Isère, dite REUNION
MONACO184 ».
177
Entretien avec l’auteur.
« Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
179
Entretien avec l’auteur.
180
Ibidem.
181
Ibidem.
182
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94.
183
« La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14.
184
Ibidem.
178
81
2) Le groupe-franc
Comme nous venons de le constater, il y avait ce que l’on appelait un groupe-franc à
Villard-de-Lans. C’était l’unique groupe-franc qui existait sur le plateau. Beaucoup de secret
entoure ce dernier néanmoins nous pouvons trouver une partie de sa composition dans un
article de Le Pionnier du Vercors185. Voici quel était son rôle :
« y’avait deux groupes-francs qui étaient chargés de faire la police au fur et à mesure que le
maquis s’est gonflé, à partir de 42 déjà. Donc ces groupes-francs y’en avait un qui était basé
sur Villard-de-Lans, […] et l’autre qui était sur Romans […]. Alors ces groupes-francs
c’étaient des groupes où ils étaient cinq/six, ils étaient équipés d’une traction avant, […] et ils
étaient chargés de faire la police, de surveiller tout au cas où il y ait des personnes qui
viennent s’intégrer et qui montent dans le Vercors. C’est pour ça qu’on a jamais laissé
monter le ver dans le fruit186 ».
Sa principale mission était donc d’assurer la sécurité du maquis par une surveillance
minutieuse du plateau et des ses habitants :
« y’avait toute une surveillance, tout un réseau de renseignement qui agissait, et si la
personne n’était pas dangereuse y’avait aucun problème187 ».
On peut se demander alors quels étaient les moyens à sa disposition pour effectuer cette
surveillance d’une part, et d’autre part jusqu’à quel point on considérait une personne comme
non dangereuse, car une fois ce seuil atteint, ses membres entraient en action :
« si elle était dangereuse, à ce moment là ils prenaient les dispositions et c’était fini188 ».
Difficile de savoir avec précision quelles étaient ces « dispositions » mais il semble très
probable que la mort fût l’une d’entre elles, en voici un exemple :
« une femme que l’on jugeait dangereuse est emmenée à la patinoire, puis entraînée sous un
prétexte galant au coin d’un bois où l’on retrouvera peut-être ses os un jour189 ».
C’est ainsi que de temps en temps :
185
Ibidem. Voici ce que l’on peut lire dans cet article : « Le groupe-franc de Villard-de-Lans, crée par Jo
BEAUDOING à été formé à Méaudre par Georges RAGACHE, puis dirigé par Georges RAVINET. Il est
composé de Jo BEAUDOING, Georges RAGACHE, Georges PETITPAS (dit Gaston), Paul FUSTINOLI (dit
Charipe), Geneviève GAYET (dite Germaine) et Charlotte MAYAUD ». D’après E A-N il fut d’abord
commandé par Pierre Vesse.
186
Entretien avec l’auteur.
187
Ibidem.
188
Ibidem.
189
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94.
82
« il arrive que voitures et passagers disparaissent sans laisser de trace. Les gorges de la
Bourne et du Furon sont favorables à cela. Des hommes, des femmes suspects disparaissent
de la même façon190 ».
Si cette surveillance s’exerçait sur tout le monde avec le plus de discrétion possible, elle était
accrue sur certaines personnes :
« ceux qu’on savait qui étaient pas pour la Résistance, ils étaient sous une surveillance
beaucoup plus importante, les déplacements et tout191 ».
Une autre fonction du groupe-franc était de mener à bien les principaux coups de main. Il
pouvait s’agir de récupérer des armes, de l’argent, des tickets d’alimentation ou toutes sortes
de choses nécessaires au mouvement de Résistance du Vercors. Ainsi l’on peut lire sur ce
compte-rendu de gendarmerie de la brigade de Villard-de-Lans :
« le 24 décembre 1943 à 1 heure 10 individus armés de mitraillettes et de revolvers ont fait
irruption dans la ferme de [M. X.], sujet italien résidant au hameau de la ville Vieille à
VILLARD-de-LANS. Après avoir réduit à l’impuissance [M. X.], sa femme et son fils, ils ont
tué et emporté 6 porcs dont 1 de 300kgrs. Ils ont fouillé la maison entièrement. Les intéressés
sont âgés de 30 à 35 ans et le chef serait italien. Ils ont interdit à [M. X.] de porter plainte à
la Gendarmerie sous peine de mort. Il s’agit très probablement d’une bande provenant de
l’armée dissoute tenant le maquis du Vercors192 ».
Un autre exemple de ce type d’agissement est notable à la date du 9 janvier 1944 :
« à 21 heures, une attaque à main armée a eu lieu, chez [Mme Y.], ressortissante américaine,
par 5 individus armés de mitraillettes. Pendant que les un [sic] interdisaient aux personnes
habitant l’immeuble de sortir, les autres fouillaient l’appartement de l’américaine. Ils ont
dérobé tous ses bijoux d’une valeur approximative de « un million ». Ils ont obligé cette
femme à monter dans leur voiture et l’ont emmené à environ 1 km de VILLARD-de-LANS, au
lieu dit « FOND NOIR ». A cet endroit, ils l’ont déchargée et lui ont rendu sa liberté. Des 5
individus aucun signalement n’a pu être obtenu sur eux. Ils montaient une voiture Citroën,
traction avant193 ».
En cette période de pénurie, l’essence était l’un des leurs objectifs premiers :
190
Ibidem.
Entretien avec l’auteur.
192
AD 38, 52M374.
193
Ibidem.
191
83
« l’essence fut toujours un des objectifs principaux de nos groupes-francs et il arriva même
que des réserves appartenant à des membres de notre organisation soient cambriolées par
nous-mêmes194 ».
On retrouve la trace de ce type d’opération sur les comptes-rendus quotidiens de gendarmerie
qui énumèrent les événements survenus au cours d’une journée. Ainsi pour la brigade de
Villard-de-Lans on constate en date du 17 janvier 1944 :
« vers 21 heures 45’, à VILLARD-de-Lans, 20 à 25 individus armés de mitraillettes se sont
présentés chez [M. Z.], garagiste à VILLARD-de-LANS et l’ont obligé à lui remettre toute
l’essence qu’il possédait soit 225 litres. Ces individus ont détérioré le téléphone en détachant
l’appareil combiné afin d’empêcher de prévenir la Gendarmerie. Ils ont chargé l’essence sur
un camion qui stationnait devant le garage et ont pris la fuite après avoir payé le garagiste de
la valeur de l’essence. Direction prise inconnue. Aucun signalement n’a pu être donné195 ».
Toutefois on ne peut pas savoir pour cette fois-ci si le garagiste était complice. Par ailleurs
nous ne pouvons avoir la certitude que ces délits, dont la trace a été retrouvée dans des
comptes-rendus de gendarmerie, ont bien été commis par les hommes du groupe-franc.
Cependant vu la manière dont ils sont décrits, leur signature semble s’imposer. En effet les
objectifs qu’ils poursuivirent paraissent répondre aux besoins du mouvement de Résistance du
Vercors ainsi qu’aux types de mission qu’il était coutume de leur confier. Sans compter que le
mode opératoire ressemble presque à l’identique au leur. Cela même pour les opérations où ils
seraient intervenus en grand nombre car il pouvait arriver qu’ils fassent appel à des
maquisards pour leur prêter main forte :
« des fois ils avaient besoin de jeunes des camps, ils prenaient un ou deux volontaires qui
étaient dans les camps de ceux qui ne pouvaient pas sortir. Par exemple pour le premier
parachutage le 13 novembre à Arbounouze, ils avaient ramené pratiquement tous les jeunes
qui étaient dans les camps pour faire la surveillance autour, de façon à interdire l’accès à
toute personne196 ».
Avec l’arrivée des parachutages, l’activité du groupe-franc fut quelque peu modifiée :
« la manne tombant désormais du ciel nos groupes-francs commencèrent à sentir le poids de
l’inaction, aussi tombèrent à pic les nouvelles consignes enjoignant le sabotage et le
harcèlement de l’ennemi197 ».
194
Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.46.
AD 38, 52M374.
196
Entretien avec l’auteur.
197
Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.46.
195
84
Si les activités du groupe-franc étaient motivées par des raisons louables de sécurité des
Résistants et de bon fonctionnement de leur organisation, il n’en reste pas moins qu’elles
posent quelques questions. En effet peut-on justifier ses agissements illégaux par le fait
d’appartenir à un mouvement de Résistance ? Avait-il le droit au nom de cette dernière de
faire régner sa propre « justice » ? Car celle-ci ne reposant pas sur des lois mais sur des
personnes, on peut se demander si elle fût toujours juste et équitable, s’il n’y eût pas d’abus
voir même d’erreurs. Certains l’ont jugée nécessaire pour effectuer une épuration qu'ils
considèrent comme bénéfique au Vercors puisqu’elle a conduit à ce qu’il n’y ait pas
d’exaction à l’heure de la Libération. Mais d’autres se rappellent que :
« tout [ne fut] pas toujours beau198 », que « des femmes que l’on a vu parler ou fréquenter les
Allemands [furent] tondues et promenées dans la rue199 » et que « sous le couvert de la
résistance, certains [réglèrent] leurs petites affaires200 ».
3) En marge du village : la forêt
Le Vercors est un espace recouvert par de nombreuses forêts dans lesquelles beaucoup
de personnes gravitaient. Nombreux étaient les paysans qui associaient à leur activité
d’éleveur celle de bûcheron occasionnel. En effet il n’était pas rare que ceux-ci montent en
forêt pour couper du bois. Il s’agissait là d’une pluriactivité de subsistance qui permettait aux
ménages d’obtenir des revenus supplémentaires. « Quand ça venait, l’automne, tout le monde
allait au bois… On allait couper des bois, tous 201 ». On partait alors dans la forêt avec des
bêtes car c’est elles qui devaient ensuite ramener le bois coupé. Un ancien cultivateur se
souvient :
« on les chargeait sur des chars, on avait des roues exprès pour charger sur des chars. On
menait ça avec des chevaux ou avec des vaches202 ».
Par ailleurs l’exploitation de la forêt était aussi pourvoyeuse d’activité pour les jeunes
hommes des villages. Toujours d’après ce cultivateur :
« Y’avait des commerçants en bois à Villard : ils prenaient des jeunes pour couper leur bois,
oui, ou le sortir ça dépend […] »203.
198
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans ». Cette citation n’est pas issue de l’ouvrage Le Vercors
raconté par ceux qui l’ont vécu, qui est une version condensée de son témoignage. Nous en avons trouvé une
autre version non expurgée dans le fond versé par Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon.
199
Ibidem.
200
Ibidem.
201
Jeannie Bauvois (dir.), Un siècle… Un hiver. Les traditions rurales de quelques familles du pays des Quatre
Montagnes à travers le témoignage oral, Grenoble, Parc Naturel Régional du Vercors, 1982, p.83.
202
Ibidem.
203
Ibidem.
85
Ainsi on constate que la forêt ne constitue pas un élément étranger dans la vie des habitants du
Vercors. Outre les maquisards qui s’y cachaient, on retrouvait donc dans les bois des habitants
du plateau qui y travaillaient :
« on était pratiquement toujours en forêt pour débarder la forêt, c’était le métier annexe à
l’agriculture. Donc on avait des contacts avec tous les groupes qui étaient en forêt204 ».
Cependant ils se voyaient rarement car les maquisards évitaient les contacts et se déplaçaient
souvent en fin de journée. Il arrivait néanmoins qu’ils se rencontrent parfois :
« quand on revenait de la forêt, les bêtes elles avaient un tombereau qui était derrière où on
mettait les outils et tout, donc on tombait des fois sur un groupe de quatre ou cinq jeunes qui
se déplaçaient d’un camp à un autre. Alors comme ils étaient chargés, ils mettaient les sacs
dans le tombereau205 ».
A cette époque on retrouvait d’autres groupes de personnes dans les forêts, il s’agit des
Chantiers de jeunesse. Dans le Vercors, et plus précisément à Villard-de-Lans, c’était le
groupement 11 qui s’était installé. Comme il comptait de nombreux jeunes, il était divisé en
plusieurs camps éparpillés dans les communes avoisinantes :
« c’étaient des camps qui avaient 200 personnes dedans. Il y en avait un à la Fauche, un au
Bois Barbu, un à Valchevrière, un à Autrans, Méaudre, et puis Villard y’avait le centre qui
était un peu comme le centre de régiment. Y’avait l’intendance, le pain, le ravitaillement qui
arrivait et tout… 206».
Du fait que ces camps étaient disséminés dans la campagne, des contacts se sont créés petit à
petit. Par ailleurs, pour ne pas laisser les jeunes dans l’inactivité, on leur donnait des travaux à
effectuer. C’est ainsi par exemple que certains furent envoyés en forêt pour faire du
bûcheronnage ou du charbonnage, notamment en ce qui concerne les hommes du C.3 de
Gèves pour pouvoir passer l’hiver au chaud :
« avec la complicité du garde forestier, nous sélectionnons les arbres à abattre, respectant
comme il se doit l’équilibre de la forêt domaniale… Armée de cognées et de scies passepartout, une équipe descend désormais chaque jour s’initier utilement au dur labeur des
bûcherons207 ».
De ces travaux en commun sont nés échanges et complicité entre ces personnes qui avaient
investi les bois :
204
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
206
Ibidem.
207
Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors…, op. cit., p.124.
205
86
« après ces jeunes là ils leur ont fait faire du charbon de bois. Donc comme ils étaient en
forêt y’en a qui ont eu des contacts et tout, c’est pour ça qu’après y’a eu beaucoup de
désertions, des jeunes qui sont partis, notamment des Savoyards qui sont rentrés chez eux et
qui ont formé des maquis aussi208 ».
Il faut dire que grâce à ces contacts notamment, les Résistants encourageaient les jeunes des
Chantiers à déserter et à rejoindre leurs rangs. Signe de cette propagande résistante, les tracts
« antinationaux » reçus par le groupement 11 le 4 novembre 1942 dont nous pouvons
retrouver l’existence grâce à un procès-verbal de gendarmerie établi le lendemain par la
brigade de Villard-de-Lans209. Envoyés de Grenoble par le « Comité Populaire de Résistance
aux Déportation », ils étaient intitulés « Alerte. Jeunes des chantiers, on vous livre à
l’Allemagne210 ».
Outre les charbonniers au printemps et en été, certains bûcherons vivaient aussi dans la
forêt pour être directement sur leur lieu de travail. Ils résidaient dans ce que l’on appelle des
baraques forestières. La construction de ces dernières n’était pas systématique et dépendait
surtout de l’accessibilité des bois. En effet lorsqu’il n’y avait pas de voie de communication
pour s’y rendre, alors pour économiser du temps et de l’énergie il était plus simple de
s’installer dans une baraque construite à cet effet. Il n’y a pas de règle générale pour expliquer
cela mais plutôt divers cas de figure qui incitaient à opter ou non pour la vie en forêt.
L’existence même de ces baraques due à la situation des coupes de bois retranchées dans des
forêts leur confère un caractère de lieu isolé. Refuges des bûcherons dans les bois, leur
fonctionnement possède déjà certains aspects que connurent aussi les camps de maquisards.
Isolement, existence en marge du village, nécessité de ravitaillement ; pour la population
locale la vie dans la forêt est quelque chose de connu et ce dès avant la guerre. On peut donc
penser qu’au moment de cacher des hommes en nombre, l’idée d’utiliser les habitations des
bûcherons apparut naturellement à l’esprit des protagonistes de la Résistance. Ainsi remarquet-on dans les premiers lieux retenus pour abriter des hommes l’exploitation forestière
d’Ambel, ou deux baraques forestières à Méaudre, celle de Gros-Martel et la cabane des
Feuilles. De plus les agents des Eaux et Forêts furent complices des Résistants en les aidant à
s’installer dans ces baraques, comme au mois de mars 1943 quand il fallut déplacer les
hommes d’Ambel suite à une dénonciation :
208
Ibidem.
P.V. n°426 du 5/11/42 ; AD 38, 13R933.
210
Voir annexe p.242.
209
87
« nous avons tout toléré, même l’armistice ! Mais cette fois-ci le vase est plein ! Venez toutes
les baraques forestières sont à votre disposition211 ».
Ce soutient qu’ils apportèrent n’était pas sans risques et certains le payèrent cher. L’exemple
le plus connu est celui de leur lieutenant, Rémy Beyle de Jesse, qui bien que recherché par les
Italiens s’était rendu à la caserne Hoche à Grenoble pour tenter de faire libérer deux de ses
confrères. C’est lui qui fut gardé à leur place. Nous retrouvons une trace de cette arrestation
dans une note datée du 22 juillet 1943, du chef du détachement français de liaison au préfet de
l’Isère212. En ce qui concerne les autochtones, leur soutient aux maquisards pourrait paraître
d’autant plus compréhensible qu’il constituait comme une continuité dans le mode de vie.
L’aide et la compassion pour les bûcherons vivant dans les forêts étaient remplacées par l’aide
et la compassion envers ceux qui voulaient échapper aux injustices du régime en se cachant
dans les mêmes forêts, parfois dans les mêmes habitations que les bûcherons.
Nous avons dit précédemment que des personnes vivaient dans les forêts en marge des
villages. Il s’agissait des bûcherons et des charbonniers. Eux aussi ont joué un rôle, dans
l’ombre du réseau de Résistance. En effet vivant dans le même élément que les maquisards,
ils étaient de ce fait leurs plus proches recours en cas de problème. Voici d’après le
témoignage d’une fille de charbonniers quels types de services ils pouvaient leur rendre :
« des jeunes maquisards étaient venus chercher de l’eau dans notre jerrican de 200 litres, on
l’avait entendu couler. On leur mettait des patates, ce qu’on pouvait213 ».
Même si elle rapporte des faits postérieurs à notre enquête, cette anecdote démontre l’entraide
qui existait entre travailleurs des forêts et maquisards :
« j’ai même caché 36 jeunes de Villard, c’était un mercredi, le 23 juillet 1944. en tête, il y
avait le curé de Corrençon. J’allais à l’eau avec mon laissez-passer quand je les ai croisés.
Ils voulaient que je les accompagne jusqu’à Cournouze, pour pouvoir s’échapper. […] Mais
pour les mettre en lieu sûr, il a fallu que je marche pendant deux heures et je les ai emmenés
jusqu’à la petite Cournouze sur le sentier…214 ».
211
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.28.
voir annexe p.240.
213
Philippe Hanus, Je suis né charbonnier dans le Vercors…, op. cit., p.125.
214
Ibidem, op. cit., p.126.
212
88
VIVRE EN VERCORS PENDANT LA GUERRE
Le « climat » au village
A) Qui savait ?
1) « Les deux premières années c’était presque secret215 »
Le débarquement de Normandie et la mobilisation générale qui lui fit suite sur le
plateau au mois de juin 1944 conduisirent les Résistants à boucler le Vercors. Dès lors ce
territoire était devenu une terre de Résistance qui vivait cet état sans se cacher, en le
revendiquant même au nez et à la barbe des Allemands. Mais avant d’en arriver là, ils fut long
le temps où le maître mot était « discrétion ». En effet depuis les débuts et durant toute
l’attente du « jour dit » qui devait marquer le début des grandes manœuvres, le réseau de
Résistance du Vercors tenta de conserver ses agissements les plus secrets possible.
Remontons aux prémices de celui-ci, lors des premières réunions dans l’arrière-salle
de la pharmacie d’Eugène Samuel où ce dernier retrouvait ses compères « la nuit, dans le plus
grand secret216 » et en nombre restreint car « il ne [s’agissait] pas de s’adjoindre des éléments
douteux217 ». Par la suite, malgré l’essor du mouvement, le phénomène resta toujours très
discret. Des informations transpiraient, mais uniquement dans les familles concernées par
l’éventuel départ de leurs jeunes pour aller travailler en Allemagne. Ce sont ces familles qui
ont vu leurs jeunes hommes partir se cacher dans les camps en premier. Encore que, même au
sein de ces dernières, tout ne se disait pas :
« je savais que mes frères avaient des réunions par-ci par-là, mais je ne savais pas
pourquoi218 ».
Par conséquent voici comment une adolescente dont les frères étaient des Résistants de la
première heure résumait la situation :
« on savait qu’il y avait des gens qui se cachaient parce qu’ils ne voulaient pas partir en
Allemagne, on disait toujours – ils ne veulent pas partir en Allemagne ils vont se cacher dans
les bois219 ».
Ainsi le « Vercors » resta une organisation très secrète pendant longtemps :
« presque tout le long. Jusqu’à début 44, après ça s’est quand même mieux su. La majorité
des gens ne savaient pas la première année, mais après fin 43 début 44 ça se savait220 ».
215
Entretien avec l’auteur.
Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.41.
217
Ibidem.
218
Entretien avec l’auteur.
219
Ibidem.
216
89
Tout au long de l’année 1943, c’est lentement mais sûrement que la population
s’aperçut de ce qui se tramait sur ses terres. Cependant la prudence des Résistants maintint les
gens dans une sorte de « demi ignorance ». C’est à dire qu’ils savaient que quelque chose se
passait, que des gens se cachaient dans les forêts, mais il leur était difficile voir impossible de
décrire le phénomène avec précision. D’autant plus que ce n’était pas un sujet de conversation
qu’on abordait fréquemment, bien au contraire :
« à la campagne y’a des gens qui ne parlent pas beaucoup. Les gens savaient mais ne disaient
rien221 ».
Ceci était dû aussi au fait que la propagande résistante à la radio incitait à la plus grande
discrétion :
« la radio de Londres nous disait – taisez-vous, méfiez-vous, les murs ont des oreilles 222».
Par exemple en ce qui concerne le ravitaillement :
« y’avait pas beaucoup de gens qui savaient. Ça se disait un peu sous le manteau que y’avait
des maquisards mais personne ne savait exactement qui c’était et qui les ravitaillait. […]
ceux qui donnaient le savaient223 ».
Avec le temps, le nombre de maquisards augmenta. Ils durent donc pour se ravitailler
s’adresser à un nombre croissant de cultivateurs. C’est aussi de cette manière que le secret
s’est propagé :
« on le savait parce qu’ils venaient, ils cherchaient à se ravitailler224 ».
En matière de ravitaillement, de plus en plus de monde connaissaient les besoins des
maquisards et les villageois firent preuve d’une grande solidarité à leur égard. Celle-ci était
exacerbée par moment, comme lors des fêtes de fin d’année : « le réveillon du C.3 est
demeuré […] mémorable. Une circulaire avait été adressée aux soutiens paysans d’Autrans
qui ont alors collecté de quoi nourrir le camp pendant huit jours225 ». Parallèlement à cela les
langues ont commencé à se délier et la population du Vercors eu une meilleure connaissance
des événements. D’autant plus que l’arrivée d’un nombre grandissant d’hommes venant se
réfugier dans les camps devenait de plus en plus visible :
« c’était de la discrétion puis bon après c’est qu’il y avait beaucoup de jeunes qui venaient.
Beaucoup de jeunes d’en bas qui montaient se cacher ici. Quand ça se savait un petit peu,
220
Ibidem.
Entretien avec l’auteur.
222
Ibidem.
223
Entretien avec l’auteur.
224
Entretien avec l’auteur.
225
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.175.
221
90
comme ça… qui c’est qu’il fallait rencontrer, c’était soit à Villard-de-Lans, soit à Méaudre,
on rencontrait untel – vous allez lui demander nous on ne sait pas226 ».
Comme nous pouvons le constater, les habitants apprirent aussi avec le temps les identités de
ceux qui étaient les responsables du mouvement de Résistance du Vercors dans leurs
communes. Par contre ils ne connaissaient pas les principaux responsables civils, ni même les
chefs militaires, qu’ils ne virent quasiment pas jusqu’au printemps 1944 environ :
« les têtes sont toujours restées carrément cachées. Moi Chavant on l’a peut-être vu une fois
ou deux mais sinon jamais. Même les officiers car les officiers ils étaient en civil […] Les
gens étaient habillés à ce moment là tous en tenue de montagnards […] C’était comme ça que
le général Descours naviguait de partout. Il fallait se mettre dans le bain227 ».
Quant aux responsables locaux, ils vécurent une sorte de double vie, ils «vivaient leur vie
comme si ils n’étaient rien […], ils étaient chez eux, ils faisaient leur travail chez eux comme
si ils ne faisaient pas partie de la Résistance228 ».
L’existence de ces camps laissait tout de même quelques traces, ce qui fit que les villageois,
même s’ils ne connaissaient pas leurs emplacements exacts, savaient à peu près dans quelle
zone ils étaient situés :
« ce qui donnait un peu des points de repère c’était des fois les lueurs le soir, quand il y avait
du feu un peu, de la fumée. Ou alors quand il y avait un exercice de tir229 ».
2) Un secret partagé
Il était donc très difficile de masquer totalement la présence des maquisards. D’autant
plus que ces derniers trouvant le temps long isolés dans les forêts, il leur arrivait d’aller se
mêler à la population pour se changer les esprits. Ainsi d’après Suzanne et Paul Silvestre,
ceux des camps de Lans et de Villard-de-Lans pouvaient obtenir des permissions de sortie
dans ce dernier village. Surveillés alors discrètement par quelques civils, ils avaient la
possibilité de se rendre au cinéma, à la patinoire, etc… les gendarmes ayant promis de ne pas
les inquiéter230. A Méaudre, l’ « insertion dans la communauté villageoise [fut] consolidée
grâce à l’organisation de bals clandestins à l’orée du bois dans une ferme amie »231, bien que
Vichy ait interdit les bals. A cette époque, pour les jeunes, les occasions de se retrouver
étaient rares :
226
Entretien avec l’auteur.
Entretien avec l’auteur.
228
Entretien avec l’auteur.
229
Entretien avec l’auteur.
230
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.94.
231
Idem, p.64.
227
91
« on se retrouvait par exemple à la veillée, ou le dimanche, ou… pendant toute la guerre
même que les bals soient interdits on a fait des bals tout le temps232 ».
Il régnait cependant chez les maquisards une certaine discipline pour garantir leur sécurité,
mais aussi pour conserver de bons rapports avec la population locale comme en témoigne cet
ancien du C.3 :
« seuls les camarades en service commandé se manifestent discrètement dans le village. […]
La stricte discipline imposée par le chef Robert en ce qui concerne les déplacements hors du
camp contribue aux bons rapports que le maquis entretien avec la population233 ».
Les parachutages étaient aussi des occasions de contact entre maquisards et villageois. Dès le
premier, le 13 novembre 1943 à Arbounouze, des habitants du plateau se trouvèrent sur place
aux côtés des Résistants. Suzanne et Paul Silvestre ont écrit à ce sujet : « le texte des
messages annonciateurs - était largement connu sur le plateau dit Paul Dreyfus. Sachant que la
phrase clé a filtré, Le Ray a demandé le changement du message –. Quand passe sans la
modification prévue la phrase – nous irons visiter Marrakech – tous se précipitent : de SaintMartin, de La Chapelle, de Méaudre »234. A Vassieux, celle qui n’était alors qu’une enfant se
souvient :
« les Vassivains aident les maquisards au moment des parachutages et ont ainsi quelquefois
la possibilité de garder pour eux un parachute. Le blanc est très recherché. On peut y tailler
de beaux corsages, des chemises d’hommes, de jolies combinaisons qui sont pratiquement
inusables. Nous défaisons les cordons des parachutes et enroulons leur fil en coton de pelotes
qui ferons de magnifiques chaussettes, inusables elles aussi 235 ».
Ainsi tout le monde y trouve son compte : les maquisards reçoivent de l’aide pour
réceptionner leurs parachutages, et les villageois peuvent en retour garder certaines denrées
qui parfois provoquent quelques surprises :
« des produits américains, arrivés sans doute dans un container, circulent entre les mains des
enfants. Nous utilisons les nouveaux pansements individuels jusqu’alors inconnus. Et nous
faisons un usage intempestif de la poudre de dentifrice au goût très curieux. Ainsi nos dents
connaissent des brossages réguliers que nos parents approuvent en souriant, heureux de cet
engouement pour une hygiène qu’il est si difficile de faire adopter pour les enfants236 ».
232
Entretien avec l’auteur.
« Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
234
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.143.
235
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors. Souvenirs d’une fillette de dix ans, Lyon,
Imprimerie Rey, 1977,p.47.
236
Idem, p.45.
233
92
Dans ce village, maquisards et habitants avaient des contacts réguliers ce qui n’était pas sans
conséquences, mais pas forcément celles dues à un manque de discrétion auxquelles on
pourrait s’attendre :
« dans notre village vont et viennent le lieutenant « Payot » et le jeune capitaine « Hardy »,
bel officier de vingt-quatre ans, souriant, aimable, qui fait rêver les jeunes filles237 ».
Il restait néanmoins des choses qui demeuraient dans la plus grande confidentialité,
comme par exemple l’organisation de la réunion « Monaco » à Méaudre dans l’Hôtel de la
Poste :
« les gens savaient qu’il y avait des Résistants cachés à l’Hôtel mais ils ne savaient pas
trop…238 ».
Concernant cette même réunion, on peut lire dans un article de Le Pionnier du
Vercors : « dans le village, très discrètement, les gars du groupe civil veillaient. «Tiotio» luimême, ainsi que Léon, assuraient une garde vigilante à l’intérieur de l’hôtel, rien ne filtra à
l’époque239 ».
B) La perception de la Résistance par les habitants
1) Entre soutien et appréhension
Face à a situation dans laquelle se trouvait le pays, il est intéressant de noter comment
ont évolué les opinions des habitants du plateau vis-à-vis du nouveau régime et de la
Résistance.
A l’heure de la défaite et de l’armistice, nombreux en France étaient ceux qui firent
confiance au maréchal Pétain pour le redressement de la nation. En effet nous l’avons vu
précédemment, les pionniers de la Résistance s’élevant contre le nouveau gouvernement de
Vichy et voulant continuer la lutte, n’étaient à cette époque qu’en nombre très réduit. Il en
était de même dans le Vercors, notamment parce qu’il comptait beaucoup d’anciens
combattants de la Première Guerre mondiale chez qui le maréchal bénéficiait d’une estime
importante. C’est pourquoi dans les premiers temps Vichy fut plutôt assez bien accepté :
« au début Vichy y’en a beaucoup qui l’ont soutenu parce que Pétain avait une image qui
était restée très forte auprès des combattants de 1914. Au début les gens avaient pratiquement
confiance en lui240 ».
237
Idem, p39.
Entretien avec l’auteur.
239
« A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
240
Entretien avec l’auteur.
238
93
La vie continuait et l’on suivait les principes du gouvernement. Par exemple à l’école : « on
[appliquait] le programme du Maréchal : travail, famille, patrie, salut aux couleurs chaque
lundi241 ».
Puis, petit à petit, l’opinion a commencé à se détacher de Vichy, accentuant les actes de
désobéissance civique que nous avons évoqué auparavant. L’instauration des mesures
obligeant des personnes à aller travailler en Allemagne fut aussi un facteur aggravant de cette
baisse de popularité dont le régime ne se remit jamais, c’est ce dont se souvient cet habitant
de Villard-de-Lans :
« quand il y a eu Laval puis l’instauration du S.T.O., alors là y’a une partie des gens qui ont
tourné242 ».
D’autres événements, comme la poignée de mains de Montoire entre Hitler et Pétain, ont
provoqué des troubles dans les esprits comme le raconte cet ancien professeur de Villard-deLans :
« un choc : Montoire. Longs commentaires dans Villard-de-Lans : il est chrétien de se
sacrifier, mais quelle suite aura cette poignée de mains ?243 ».
La propagande résistante, l’occupation allemande, la collaboration des autorités de l’Etat avec
les occupants ont conduit à assimiler de plus en plus ce dernier comme un ennemi. Le
témoignage de cette habitante d’Autrans qui n’était à l’époque qu’une jeune adolescente
symbolise assez bien l’évolution de l’opinion :
« au début on ne savait pas trop et puis vous savez dans les campagnes, on fait son travail et
puis on ne s’intéresse pas trop à ce qu’il se passe. Et puis petit à petit on a quand même eu…
une autre vision des choses. On a quand même compris que bon, c’était pas tellement bien et
puis après, quand les Allemands ont occupé Grenoble, là on a compris ce que c’était244 ».
Cette évolution a cependant été progressive et marquée par une longue période d’ambiguïté
où les sentiments étaient mitigés. Au bout du compte, c’était une certaine incompréhension
qui habitait les gens :
« mon père il avait fait la guerre de 14, il disait du bien de Pétain. C’est pour ça que nous on
y comprenait rien. On disait mais comment ça se fait, Pétain, et puis alors maintenant il
complote avec les Allemands245 ».
241
Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit.
Entretien avec l’auteur.
243
Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit.
244
Entretien avec l’auteur.
245
Entretien avec l’auteur.
242
94
Il est vrai que la situation n’étant déjà pas simple pour les adultes, on comprend qu’elle parut
bien compliquée pour les plus jeunes :
« on ne comprenait pas. A l’école ils nous faisaient chanter – Maréchal nous voilà – , et puis
à la maison il ne fallait pas parler de ça246 ».
Il ne faut pas oublier que de leur côté les gens avaient d’autres soucis plus concrets
concernant leur travail, la nourriture ou d’autres aspects de la vie quotidienne :
« ici les gens ils menaient leurs fermes, le reste ça se passait…bon. On est au courant par les
journaux, mais après les journaux ils disent aussi toujours un peu ce qu’ils veulent247 ».
Finalement « il y a eu une certaine époque, y’a eu un an et demi qu’on ne savait pas trop quoi
penser de la religion, de la politique248 ».
Cependant là situation politique n’était pas la première préoccupation des habitants du
Vercors. Du fait de sa complexité et de l’ambiguïté de leurs sentiments, la plupart n’y
accordaient qu’un intérêt modéré. C’est dans ce contexte d’attentisme que les premiers
Résistants ont opéré, c’est pourquoi leurs agissements ont été tolérés quand ils ont été
connus :
« c’est parti par des gens qui avaient un peu d’instruction. C’est vrai que nous on n’était pas
instruits, on se foutait un peu de…on n’était pas pour les Allemands, d’accord, mais tout ce
qui tournait autour, c’était pas notre souci249 ».
Il est vrai que la Résistance est née dans le Vercors de personnes d’un certain âge, qui avaient
de l’intérêt pour la chose politique quand elles n’étaient pas militantes dans un parti. C’est
pourquoi leurs activités revêtirent d’abord un caractère politique, ce qui explique au départ le
faible intérêt qu’elles suscitèrent. Il faut ajouter à cela le fait qu’à l’origine, les premières
mesures concernant le travail en Allemagne n’impliquaient pas les ouvriers agricoles,
excluant de ce fait la plupart des jeunes du plateau. Ainsi, pour une grande majorité de
personnes, ceux qui voulaient faire de la Résistance pouvaient bien agir, tant que cela
n’affectait pas les autres. Il existait cependant à leur égard une certaine méfiance qui se
généralisa rapidement. Comme le dit cette Méaudraise :
« tout le monde se méfiait de tout le monde250 ».
246
Ibidem.
Entretien avec l’auteur.
248
Entretien avec l’auteur.
249
Entretien avec l’auteur.
250
Entretien avec l’auteur.
247
95
C’est pourquoi même si l’opinion générale tendait à l’attentisme, il existait malgré tout une
pointe d’appréhension. Nous pouvons ressentir cette dernière à travers le témoignage de cet
ancien habitant de Villard-de-Lans :
« à partir de 1943, on commence à rencontrer dans les forêts et dans les alpages des figures
inattendues, certaines assez inquiétantes251 ».
Vichy, la Résistance, la collaboration, le maquis, en cette période de troubles les avis
étaient partagés. Comme partout ailleurs, le Vercors comptait des partisans et des détracteurs
du régime, des personnes collaborant avec les autorités vichyssoises et d’autres engagées dans
la Résistance, et nous l’avons vu une majorité plutôt attentiste qui essayait d’abord de survivre
le mieux possible. Nous le savons, les prémices de la Résistance dans le Vercors furent
accompagnés d’un grand secret, qui s’explique d’autant plus par la période de grande
méfiance que traversait le plateau. Celle-ci explique pourquoi ils avaient besoin de savoir de
quels bords étaient leurs voisins, où allaient leurs préférences, chose que l’on arrivait bien à
connaître d’une manière ou d’une autre :
« vous savez on savait vite qui est-ce qui était un peu… le bouche à oreilles ça va vite. En
discutant vous voyez tout de suite la personne252 ».
Avec le temps, la méfiance des débuts laissa place à une plus grande adhésion. En
effet contrairement aux idées reçues, c’est progressivement que la population prit fait et cause
pour la Résistance :
« au début y’en a pas beaucoup qui étaient pour. Il faut dire la vérité. Maintenant tout le
monde se dit Résistant mais… c’était pas ça253 ».
Néanmoins il faut reconnaître qu’une fois que les habitants du plateau furent convaincus par
la cause des Résistants, leur confiance et leur soutien envers ceux-ci s’affirmèrent fortement.
Ainsi dès le mois de mai 1943, au moment où la première équipe dirigeante du maquis fut
décimée par de nombreuses arrestations, les gens montrèrent leur soutien à l’action qu’elle
avait entreprise. C’est ce dont se souvient cette Résistante de Villard-de-Lans dont le mari
était un des pionniers du mouvement, en compagnie de qui elle fut arrêtée ainsi que d’Aimé
Pupin qui se cachait alors chez eux :
« Le cinquième jour, on me rend ma liberté. Arrivée au car du soir à Villard-de-Lans, je suis
accueillie avec des fleurs par toute la population. […] Notre arrestation avait rendu public le
251
Paul Belmont, « Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 », op. cit.
Entretien avec l’auteur.
253
Ibidem.
252
96
mouvement. Peu de gens sur le plateau furent contre. Les volontaires ne manquèrent pas pour
remplacer les absents254 ».
Il est aussi possible de trouver une trace de cet état d’esprit gagné à la Résistance et au maquis
dans les rapports d’information envoyés aux préfets par les Renseignement Généraux, ou dans
ceux émis par la préfecture de l’Isère notamment vers ses instances supérieures. Ainsi pour le
mois de mai 1944, le commissaire principal des R.G. de l’Isère écrivit dans un paragraphe
concernant les causes des réactions défavorables au gouvernement :
« elles n’ont pas varié par rapport au mois précédent, et relèvent toujours des mêmes motifs ;
état d’esprit général, la propagande étrangère sous toutes ses formes, l’influence des
mouvements dissidents, et la présence de l’occupant qui s’impose parfois avec un peu trop de
rigueur à l’encontre des populations255 ».
Ainsi la Résistance fut d’abord accueillie sur le plateau assez favorablement mais sans
susciter un réel intérêt, et surtout non sans une certaine méfiance. Si celle-ci s’est peu à peu
dissipée entraînant l’adhésion et le soutien de la plupart, elle se maintint voir s’accentua chez
une minorité qui demeura hostile, ou tout du moins distante par rapport à l’action des
Résistants. Ce qui provoquait ce retrait, ce n’est pas tant une divergence d’opinion mais plutôt
la peur des risques encourus et notamment les représailles des occupants, ce dont se souvient
cette habitante de Méaudre :
« il y avait des gens qui étaient pas pour. Ils disaient – tous ces Résistants ils vont nous
amener les Allemands. Les Allemands vont faire des représailles256 ».
Une certaine angoisse s’était installée sur le plateau, gagnant tous ceux qui n’étaient pas
directement concernés par la Résistance. Un ancien maquisard témoigne de ce climat :
« je me rappelle très bien que j’avais mon uniforme du Vercors, 6e B.C.A. avec un petit truc
noir où il y avait marqué Vercors, et ma tante me dit – Marco, t’es devenu un terroriste. Ça
dépeint aussi le climat, c’est à dire que pour les gens qui n’étaient pas dans la Résistance, les
Résistants risquaient de leur attirer des ennuis. D’où l’hostilité aux Résistants, ce qui ne veut
pas dire qu’on était hostile aux Américains, aux Anglais, ou favorable aux Allemands, c’est
tout à fait différent. Donc l’atmosphère générale était tout de même de solidarité avec les
ennemis des Allemands mais fallait pas que ça attire d’ennuis à ceux qui n’était pas
effectivement Résistants257 ».
254
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.92.
AD 38, 52M440.
256
Entretien avec l’auteur.
257
Témoignage de Marc Ferro, ancien maquisard dans le Vercors ; dans le film de Laurent Lutaud, Vercors :
« Le plateau déchiré », FR3 Montagne/Chromatiques, collection « Paroles de Résistants », 1992, 87min.
255
97
Voici comment Paul Dreyfus, historien du Vercors, décrit cette tension qui s’était établie en
filigrane dans les rapports entre villages et maquis :
« quelque chose qu’on ne peut pas cacher, une espèce d’angoisse sourde de la population du
Vercors qui se disait – c’est bien gentil, ils défendent la France, ils sont pour la liberté, nous
sommes pour la France nous aussi, nous sommes pour la liberté nous aussi, mais étant là où
ils sont ils vont attirer la foudre sur ce plateau258 ».
Tel était donc le ressentiment des habitants du plateau vis-à-vis des Résistants. Mais qu’en
était-il de ces derniers ? Leur engagement les exposant au danger, on peut se demander alors
s’ils étaient bien conscients des risques qu’ils encouraient.
2) Des Résistants conscients des risques encourus
Compte tenu des grandes précautions prises par les membres du réseau de Résistance
pour garder leurs activités les plus secrètes possible, il semble que ce fut le cas. Notons par
exemple la prudence de ces deux Résistants de La Chapelle-en-Vercors :
« personne ne doit rien savoir ! Tu brûleras toutes les notes que tu recevras259 ».
D’autre part, les témoignages rapportent bien des fois la frayeur provoquée par des situations
qui auraient pu ou qui tournèrent à leur désavantage. Elle était ressentie par exemple par les
femmes des Résistants qui partaient effectuer des opérations pour le compte de
« l’organisation », comme celle-ci qui déclare :
« lorsqu’il y a des expéditions nocturnes, nous passons une partie de la nuit à attendre
l’estafette qui viendra dire : mission accomplie260 ».
Autre exemple dans cette famille chez qui des jeunes maquisards étaient venus chercher
l’espace de quelques temps un peu de réconfort :
« on avait eu peur soi disant, je sais plus qui nous avait dit qui revenait du village qu’il y
avait une troupe qui arrivait. Alors tous ces jeunes ils étaient allé se cacher dans le foin ;
pendant une heure ou deux qui ont suivi, ma mère tremblait, on savait plus où on était261 ».
Le grand secret que nous avons évoqué précédemment qui entourait l’action des Résistants
s’explique donc en partie par les risques que ces derniers prenaient en s’engageant ainsi. Les
grandes précautions qu’ils prenaient dans leurs agissements pour garantir leur sécurité
démontrent bien qu’ils en connaissaient les risques. Voici une illustration de ces précautions,
258
Témoignage de Paul Dreyfus dans le film de Laurent Lutaud, Vercors : le plateau déchiré, op. cit.
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.30.
260
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.91.
261
Entretien avec l’auteur.
259
98
quand Aimé Pupin alias « Mathieu » était réfugié chez Jean Glaudas et son épouse Denise qui
raconte :
« lorsque je suis là, c’est moi qui reçoit les visiteurs, mais il faut montrer patte blanche,
lorsque je ne connais pas. Pupin n’ouvre à personne262 ».
Par peur d’être démasqués, il arrivait aussi aux Résistants de se déguiser pour mieux
disparaître. Ce fut le cas pour ce même « Mathieu » à Villard-de-Lans qui s’était laissé
pousser la barbe et qui portait des lunettes noires263, et pour Victor Huillier à Vassieux :
« M. Victor Huillier, […] recherché par la Milice, se cache dans notre village, vêtu d’une
veste blanche, portant de sombres moustaches, il est serveur à l’Hôtel Revol264 ».
On s’aperçoit donc que les Résistants du Vercors étaient parfaitement conscients des risques
qu’ils encouraient, ce qui rend leur action d’autant plus courageuse. Ils savaient qu’il était
possible qu’ils soient arrêtés voir séquestrés. C’est ainsi qu’Eugène Chavant dit :
« tous ceux qui ont fait de la Résistance savent parfaitement quels étaient les engagements
que nous prenions et que nous devions tenir, savoir : que nous ne pourrions pas en vouloir à
nos camarades, ou à un camarade, qui à la suite de tortures, aurait même donné le nom d’un
autre camarade265 ».
Ce risque rendait les moments de distraction encore plus agréables. Dans cette famille de
Résistants de Méaudre, une des filles raconte dans un article du Pionnier du Vercors :
« Chavant restait durant la veillée pour de longues parties de tarot avec mes frères : détente,
éclats de rires, ils oubliaient un instant les soucis, les angoisses266 ».
Malgré toutes les recommandations de prudence, il y avait tout de même quelques fois
où certains adoptèrent des attitudes trop cavalières, bravant le danger sans en mesurer tous les
risques. C’était par exemple le cas de « Germaine » qu’Aimé Pupin décrit comme sa
« secrétaire ». Il la qualifie de « diable de garçon », qu’« il fallut disputer de belles fois pour
la freiner267 ». Il semble qu’il arrivait qu’en certaines occasions des Résistants appréhendent
les événements auxquels ils étaient confrontés un peu comme une farce, se jouant des risques
comme si la situation était tout autre. C’est ainsi que racontant l’arrivée des premiers
réfractaires et décrivant la difficulté à les cacher, Eugène Samuel alias « Ravalec » écrivit
« enfin le sport commence268 », laissant par là l’impression d’une personne ayant hâte de
262
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.90.
Ibidem.
264
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.34.
265
Conférence Chavant, op. cit.
266
« A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
267
Aimé Pupin, Notes originales…, op. cit.
268
Eugène Samuel, « La Résistance dans le Vercors », op. cit., p.43.
263
99
débuter un jeu. Et que dire de l’attitude de la boulangère de Méaudre qui joua la comédie à un
contrôleur du ravitaillement général, feignant de ne pas comprendre le système des tickets de
ravitaillement pour en détourner quelques uns pour la Résistance269. Cependant mises à part
de rares occasions, la rigueur était de mise, tant les conséquence d’une situation prise trop à la
légère pouvaient être dangereuses.
C) Les personnes « hostiles » à la Résistance
1) « Ils n’ont jamais rien fait »
Le mythe s’étant emparé du l’histoire du « Vercors », il a entraîné avec lui une
certaine déformation dans les esprits de ce que fut la réalité. En effet l’image d’une population
totalement dévouée à la cause des Résistants ne reflète pas la vérité. S’il est possible d’obtenir
des estimations plutôt fiables quant à la proportion générale des habitants du plateau à
soutenir les maquisards, il est par contre beaucoup plus difficile de connaître la quantité de
ceux qui y étaient hostiles ; la non adhésion à une de ces deux catégories de personnes ne
signifiant pas pour autant que l’on appartenait à l’autre. Durant les faits déjà, le climat de
méfiance n’incitait pas les gens à s’exprimer sur ce sujet. Puis dans les années qui suivirent
la « bataille du Vercors », l’héroïsation des protagonistes a bien sûr conduit ceux qui leur
étaient alors opposés à se taire, voir à mentir sur leurs opinions d’antan. Ce qui rend là le
travail du chercheur d’autant plus difficile. C’est pourquoi nous n’essayerons pas de quantifier
précisément la part de ceux qui n’étaient pas favorables au maquis. Nous considérerons que
de la fin de l’année 1942 à juin 1944 leur nombre est allé décroissant, partant d’une valeur
sensiblement égale à celle de ceux qui s’étaient engagés dans la Résistance, la majorité des
gens s’étant plutôt réfugiés dans l’attentisme comme nous l’avons vu.
Contrairement aux idées reçues il y avait donc bien sur le plateau des personnes
hostiles à la présence des maquisards. Comment s’est-elle manifestée ? D’après les
témoignages des autochtones, surtout par quelques paroles, mais quasiment jamais par des
actes. C’est ce que rapporte cette Méaudraise :
« ils ne faisaient rien pour empêcher mais ils montraient par une certaine… […] C’était des
non-dits mais qui se comprenaient quoi270 ».
Cette déclaration semble effectivement bien décrire l’attitude générale des récalcitrants.
Cependant si ceux-ci ont agit, il paraît très probable qu’ils l’aient fait le plus secrètement
possible comme par exemple la délation anonyme le permettait. Il est donc légitime de penser
269
270
« La boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
Entretien avec l’auteur.
100
qu’on ne peut catégoriquement affirmer qu’ils ne se soient limités à de simples paroles, tout
en reconnaissant que rares sont les traces d’éventuels agissements, si elles existent encore…
Par conséquent n’affichant pas leur hostilité, les « hostiles » avaient tendance à être
considérés comme des indifférents :
« même ceux qui étaient pas pour les maquisards, ils disaient – qu’est-ce qu’ils vont courir,
ça va servir à quoi. Mais ça allait pas plus loin. Ils étaient plutôt indifférents à ce moment
là271 ».
Cela eu pour incidence sur les villages de ne pas créer de tensions, de clans, comme l’affirme
cette dame :
« y’avait pas de haine, pas d’hostilité. Ça ne créait pas dans la commune de… les communes
elles ont pas été abîmées par ça272 ».
Petit bémol à cette déclaration le témoignage de cette même Méaudraise :
« après la guerre, en 45-46 on a eu entendu des bruits […] Mais pendant les événements
personne ne disait rien273 ».
Même si ces faits d’après-guerre débordent du cadre de notre enquête, ils laissent penser
toutefois que certains connaissaient les idées « anti-maquis » de leurs voisins. Ceci est
confirmé par l’activité du groupe-franc de Villard-de-Lans était justement chargé de surveiller
ces derniers, et qui savait par conséquent de qui il s’agissait. Par ailleurs les habitants du
plateau n’ont pas dû mettre longtemps à connaître le type de « mesures » qu’il était capable de
prendre, ce qui plus que toute autre chose avait dû inciter à rester dans l’ombre ceux qui
n’étaient pas favorables aux Résistants.
2) La place de la collaboration
Comme nous venons de le voir, il y avait un pas à franchir entre avoir des opinions
contre la Résistance en Vercors et agir à son encontre, de même qu’il y en avait un entre se
sentir solidaire des Résistants et s’engager à leurs côtés. Cette étape était d’autant plus
difficile à franchir qu’elle n’était pas non plus sans risque, la « police du maquis » rôdant et
opérant parfois de la plus violente des manière pour contraindre les plus récalcitrant à se tenir
tranquille. Ainsi cette habitante de Villard-de-Lans se souvient :
271
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
273
Entretien avec l’auteur.
272
101
« ceux que l’on considère comme des collaborateurs sont arrêtés lorsque l’on apprend que
les Allemands sont venus à Saint-Nizier. Quelques-uns sont gardés, puis relâchés. Un couple
de Villardiens est tué vers Saint-Martin274 ».
Une des raisons pour lesquelles il est difficile d’obtenir des informations sur la place de la
collaboration dans le Vercors s’explique par le fait que ceux qui en étaient accusés furent
exécutés. A Vassieux où la milice sévit en avril 1944, des villageois qui avaient dû
« balancer » des Résistants furent tués après le départ de cette dernière :
« peu après le départ des miliciens, de nouveau le sang coule dans notre village, et c’est
l’image tragique de trois Français abattus par les Résistants venus venger les leurs. Je revois
papa, transportant dans un tombeau les trois cadavres ensanglantés, le sang coule le long des
roues, de grosses tâches rouges apparaissent sur le sol275 ».
Enfin une autre raison, et non des moindres, qui explique le manque de renseignement
concernant la collaboration, est l’assimilation de cette dernière comme le mal absolu. En
conséquence, et cela n’est pas spécifique au Vercors, les témoignages de ceux qui y auraient
pris part d’une manière ou d’une autre n’existent pas. Il paraît difficilement envisageable pour
une personne d’avouer y avoir participé. Cela serait considéré comme une trahison. C’est
pourquoi si quelques rares témoignages de collaborateurs existent dans le pays, il est très peu
probable d’en obtenir dans une région rurale comme le Vercors car les conséquences sur la
réputation de la famille seraient désastreuses.
Les changements dans l’activité du village
A) Main d’œuvre et activités nouvelles
1) La nouvelle composition du village
Nous l’avons vu, la présence d’un contingent de réfugiés juifs avait modifié la
composition des villages :
« sur Villard on avait accueilli énormément de familles israélites qui venaient de la région
parisienne276 ».
Ces derniers ne s’étaient pas uniquement installés sur Villard-de-Lans et ses hameaux, mais
sur la majeure partie du canton. A cela vint s’ajouter un autre changement : l’absence de
nombreux hommes. En effet la guerre, les chantiers de jeunesse, les déportations, ce sont
autant de facteurs qui ont provoqué des départs dans les familles, entraînant ainsi une
274
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit., p.94.
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.37.
276
Entretien avec l’auteur.
275
102
réduction de la main-d’œuvre sur le plateau, dont cette habitante de Méaudre parle pour les
seuls alentours de sa commune :
« il y avait pas mal de cultivateurs qui avaient leurs fils…y’en a quatre qui ont été fusillés,
deux ou trois qui ont été pendus à Rencurel, ça fait quand même une dixaine de garçons entre
dix-huit et vingt ans qui ont disparu entre juin 42 et fin août 44277 ».
Il y eu peu d’hommes « ramassés » pour aller travailler en Allemagne car la plupart de ceux
qui ont été convoqués prirent le maquis. Cependant, ils n’étaient alors plus présents sur les
exploitations pour travailler comme auparavant. Mais ce sont surtout les prisonniers de guerre
suite à la débâcle de 1940 qui ont manqué, comme le souligne cet habitant de Villard-deLans :
« le seul problème qui s’est posé c’est les prisonniers. Les familles des soldats qui avaient été
faits prisonniers en 1940, au moment de la débâcle française ; parce qu’il ne faut pas oublier
y’a eu presque deux millions de Français qui ont été faits prisonniers278 ».
Cette absence constitua une amputation non négligeable sur la main-d’œuvre disponible.
Ainsi d’après ce même homme :
« il devait bien en avoir peut-être pas loin d’une centaine, sur 3000 habitants279 ».
Nous constatons donc que le Vercors fut privé d’une partie de sa population masculine, ce qui
entraîna des changements dans l’organisation du travail et la répartition des tâches.
Cette absence fut compensée par l’arrivée sur le plateau d’ouvriers des villes qui
cherchèrent des emplois d’ouvriers agricoles, ce qui dans un premier temps devait leur
permettre de ne pas être convoqué pour le S.T.O. A ceux là sont venus s’ajouter les jeunes des
chantiers de jeunesse. Comme nous l’avons vu précédemment, il y avait autour de Villard-deLans le groupement 11 qui regroupait près de 1200 hommes dans différents camps. Ces
jeunes des chantiers avaient des contacts réguliers avec la population, ce dont se souvient
cette habitante de Méaudre :
« c’était sympa, y’en a beaucoup qui passaient des soirées dans les familles. Y’en a parmi
nous des filles qui se sont mariées avec […] des chantiers, mais c’est normal, bon c’est la
vie280 ».
2) Une organisation du travail modifiée
277
Entretien avec l’auteur.
Entretien avec l’auteur.
279
Ibidem.
280
Entretien avec l’auteur.
278
103
Comme nous venons de le voir, une main d’œuvre nouvelle apparut dans le Vercors,
notamment dans les alentours de Villard-de-Lans avec l’arrivée des chantiers de jeunesse.
Ainsi ces jeunes furent utilisés pour remplacer les villageois pour effectuer les gros travaux.
Par exemple quand il fallait déneiger les routes, avant c’étaient les hommes du village qui
s’en occupaient. Mais ceux-ci absents, ce sont les jeunes des chantiers de jeunesse qui s’en
sont chargés :
« pour déneiger par exemple, […] on déneigeait un peu avec les vaches et les chevaux et puis
[…] après ceux des chantiers et bien c’étaient eux à la pelle qui arrangeaient les routes281 ».
Pour occuper ces pensionnaires des chantiers de jeunesse, il fut convenu de leur faire exécuter
différents travaux sur les communes. Ainsi à Méaudre :
« on avait une route forestière, qui existe qui est la route qui monte aux Narces où il y a le
foyer de fond maintenant, elle a été terminée après la guerre, mais elle a été toute creusée,
faite, mais c’est eux, c’est le 15/3 [153e régiment d’infanterie de l’armée monté se réfugier à
Méaudre pour ne pas se rendre à l’occupant après la défaite en 1940] qui a commencé et
surtout les chantiers de jeunesse après qui l’ont faite282 ».
A Villard-de-Lans, un homme se rappelle que ceux-ci s’adonnèrent à la fabrication de
charbon de bois. Néanmoins, la technique qu’ils utilisèrent pour le fabriquer différait de celles
des charbonniers italiens qui étaient sur le plateau, ce qui n’était pas sans incidence sur la
qualité du produit :
« Y’a des coupes qui ont été crées pour eux pour les occuper où ils ont fait du charbon de
bois. Mais ils l’ont pas fait en meule. C’est là où ils ont sorti les fours pour incinérer, des
grands cylindres métalliques. Ils mettaient le bois dedans, y’avait une combustion qui se
faisait et ça faisait du charbon de bois. Il valait pas l’autre mais ça faisait du charbon de bois
quand même283 ».
Suite à l’absence d’un nombre conséquent d’hommes que nous avons constaté
précédemment, certains aspects de l’organisation du travail ont dû être modifiés. Il s’agit là de
la part des enfants et des femmes aux travaux des champs qui a été accentuée. Il faut dire que
déjà en cette époque ces derniers participaient à ces tâches, ce ne fut donc pas une nouveauté :
281
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
283
Entretien avec l’auteur.
282
104
« à ce moment là les femmes travaillaient, tout le monde travaillait à la campagne. A ce
moment là la femme allait au champ autant que l’homme. Même les enfants quand l’école
était finie tout le monde allait dans les champs284 ».
Ainsi pour combler l’absence des bras manquants, le reste de la famille a vu sa charge
augmenter. La solidarité qui régnait chez les habitants du Vercors trouva ici une occasion de
se manifester, dans l’aide apportée par les villageois entre eux aux familles dont un homme
avait été fait prisonnier :
« là dans toute la campagne, ça a été les femmes et les voisins qui ont aidés aux familles des
personnes qui étaient prisonnières285 ».
L’augmentation de la charge de travail, l’aide cumulée des voisins et des jeunes des chantiers
parfois, parvint presque à combler l’absence des hommes manquants. Mais toutefois, les
familles à qui il manquait au moins un des leurs ont bien souvent dû réduire leur activité.
Il est une activité qui n’a pas baissé sur le plateau : le commerce du lait. Il faut dire
que celui-ci était particulièrement surveillé car le Vercors était une importante région
productrice de lait, qui en ces temps de disette ravitaillait les vallées voisines. Un autre secteur
qui se porta bien pendant la guerre dans le Vercors fut celui du bois, et plus particulièrement
les scieries. On peut même dire que son activité fut accrue. En effet les scieries du plateau
étaient spécialisées dans le bois de construction, ce qui était très demandé en cette période, les
reconstructions étant nombreuses du fait des bombardements :
« c’étaient des scieries qui traitaient le sapin, pour de la construction. Et comme à ce
moment-là y’avaient des bombardements un peu de partout, il fallait reconstruire et tout,
y’avait une demande de bois qui était assez forte. Les scieries ont bien tourné pendant la
guerre286 ».
Par contre, une activité qui a peu à peu disparut pendant les années de guerre est celle de la
vente de viande dans les foires. Auparavant les bêtes élevées pendant l’été étaient alors
vendues à l’automne à l’occasion de grandes foires où des maquignons venus de Grenoble les
achetaient. Mais avec les restrictions qui marquèrent le début des années 1940, celles-ci
disparurent progressivement :
284
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
286
Ibidem.
285
105
« elles se sont maintenues pendant la guerre mais y’avait pratiquement rien à vendre, puis
alors au fur et à mesure que les restrictions ont été plus importantes ça a pratiquement tout
disparu jusqu’à la fin de la guerre287 ».
B) Une nouvelle situation économique
1) Une économie « parallèle »
L’arrivée de nombreux réfugiés, résidant sur le plateau en location ou prenant des
pensions dans des familles, entraîna un apport de nouveaux capitaux sur la région. L’argent
des juifs notamment, qui pour la plupart appartenaient à des familles aisées, fut l’apport le
plus conséquent parmi celui des nouveaux habitants du Vercors. Cette richesse n’était
d’ailleurs pas sans susciter certaines jalousies :
« ils avaient de l’argent, ils avaient des avantages sur d’autres populations parce qu’ils
pouvaient acheter… y’avait toujours un marché parallèle288 ».
Mais outre des fonds d’argent supplémentaires, les nouveaux arrivants apportèrent avec eux
de nouvelles activités. Prenons à titre d’exemple le cas de ces réfugiés qui avaient un magasin
de vêtements à Grenoble :
« ils ont dû faire fortune sur le plateau. Toutes les femmes avaient le même manteau. […] Ma
mère nous avait acheté un manteau à nous les filles et puis […] ils avaient vendu des
manteaux sur tout le plateau. Parce qu’on avait toutes les manteaux les filles289 ».
A Villard-de-Lans, un homme se souvient que des réfugiés israélites s’étaient reconvertis dans
le métier de tailleur de vêtements, confectionnant pantalons et chemises. Ceux-ci parvenaient
à faire marcher leur commerce et se faisaient payer avec ce qui était une denrée rare à
l’époque : de la nourriture. Ainsi un système de troc était mis en place, une sorte d’économie
parallèle s’étant établie de cette manière sur le plateau :
« en paiement ils se faisaient donner du ravitaillement. C’était un troc290 ».
En ce qui concerne les cultivateurs, ils ont entre eux développé leur propre marché. Se sentant
lésés de ne pas avoir droit à une denrée comme la viande qu’ils produisaient, et donc de ne
pas disposer de tickets pour en acheter, les paysans des hameaux s’organisèrent entre eux pour
s’en procurer :
« on a commencé à dire puisqu’on a pas le droit, malgré que les bêtes étaient comptées et tout
on s’est débrouillé. Dans la campagne y’en a un qui tuait une bête par exemple dans un
287
Ibidem.
Entretien avec l’auteur.
289
Entretien avec l’auteur.
290
Entretien avec l’auteur.
288
106
hameau, puis on distribuait la viande, elle se vendait entre tous les propriétaires. Puis la
semaine d’après c’était un autre quartier291 ».
2) L’argent de la Résistance
Comme le dit Eugène Chavant : « il est certain que si nous n’avions pas eu un centime
en poche, nous aurions été appeler à sombrer292 ».
Par conséquent il ne fait nul doute que le réseau de Résistance du Vercors disposait de
moyens pour mener ses opérations. Il constitua ainsi une nouvelle source d’argent, modifiant
les données économiques du plateau. C’est argent d’où provenait-il ? Tout d’abord d’après ce
même Eugène Chavant, essentiellement des juifs installés à Villard-de-Lans :
« nous devons déclarer que c’est surtout à Villard-de-Lans, parmi l’élite de l’élément israélite
de cette région que nous avons rencontré au début le meilleur accueil, […] il faut reconnaître
qu’au début de l’organisation, ils nous ont été d’un précieux concours293 ».
C’est donc grâce aux collectes réalisées chez les réfugiés que les premiers camps ont pu
acheter leur ravitaillement chez les cultivateurs qui les entouraient, ce dont témoigne cet
ancien chef du C.1 :
« c’était Jacques Samuel qui cherchait l’argent. Cet argent, ça a été au départ des collectes
faites dans les différentes communautés de réfugiés, comme par exemple les communautés
israélites, qui ont été très généreuses, qui ont donné beaucoup d’argent pour alimenter le
premier camp. C’est là que l’argent a été trouvé au début. […] Alors avec cet argent Brunet
achetait la nourriture nécessaire, en particulier on avait des accords avec les propriétaires
des troupeaux qui montaient ici en transhumance. On avait le droit de casser des bêtes,
autant qu’il en fallait pour nourrir les gens. Et on les payait, y’a pas à dire que c’était du vol
ou de la razzia, on les achetait294 ».
Le reste de l’argent vint ensuite et surtout des instances de la Résistance en France, via Jean
Moulin et ses collaborateurs. Ce pouvait être par l’intermédiaire d’agents de liaison ou des
parachutages. Il était nécessaire d’exploiter tous les moyens possibles pour en trouver, ainsi
des collectes furent organisées dans des usines de la plaine, notamment à Grenoble. A
Méaudre, quand la liaison avec Londres fut un temps perdue après les arrestations de mai
291
Ibidem.
Conférence Chavant, op. cit.
293
Ibidem.
294
Témoignage d’André Valot, ancien chef du C.1, dans le film de Laurent Lutaud, Vercors : le plateau déchiré,
op. cit.
292
107
1943, la commune finança des travaux fictifs de réfection de ses chemins, ce qui lui permit de
verser des salaires à quelques personnes du village qui s’occupaient des camps295.
Les sommes ainsi reçues n’étaient pas uniquement dévolues au ravitaillement. Elles
servaient aussi à équiper maquisards et Résistants du plateau en armes et vêtements car pour
cela les coups de main ne suffisaient pas. Cependant de tels achats ne pouvaient s’effectuer
qu’au marché noir :
« on peut dire que nous avons été des marché-noiristes, je le reconnais bien volontiers.
C’était une nécessité du moment, nous ne pouvions pas faire autrement296 ».
Le problème qui se posa alors à eux était qu’aucune règle ne régissait le cours des prix, ce qui
permettait à certains de pratiquer des tarifs exorbitants, réduisant ainsi considérablement les
possibilités d’achat des Résistants :
« nous avons payé des pommes de terre jusqu’à 20f. le kilo et nous les achetions par
centaines de tonnes à ce moment là. Nous avons également acheté des armes. Nous avons
connu de bons armuriers qui, peut-être maintenant déclarent être des Résistants, mais qui
n’hésitaient pas à nous vendre un revolver 7/65 : 1400f.297 ».
Il fut donc capital pour « l’organisation » de réglementer le marché noir, c’est pourquoi elle
détacha certaines personnes à cette tâche :
« nous quittions Grenoble le 28 janvier au matin pour nous rendre à Méaudre et là y entrer
en contact direct avec notre grand chef Clément […]. Notre premier travail fut de
réglementer le marché noir […]. Nous eûmes à trancher beaucoup de ces cas concernant des
gens malhonnêtes qui spéculaient sur la misère des autres298 ».
Voici d’après ces dernières comment elles parvinrent à convaincre la population que bien
qu’agissant dans l’illégalité en achetant au marché noir, les Résistants n’avaient pas de
mauvaises intentions :
« Pour prouver à ces Messieurs du marché noir qui prétendaient ne faire qu’un petit bénéfice,
nous fîmes l’expérience de nous transformer nous-mêmes en bouchers et de vendre nousmêmes la viande à la taxe au profit des gens malheureux. Beaucoup de gens à la suite de cet
(sic) expérience, comprirent qu’il y avait deux genres de terroristes : ceux qui travaillaient
pour leur compte personnel et ceux qui travaillaient pour la collectivité299 ».
Enfin voici, toujours d’après eux, quels types de mesures ils étaient amenés à prendre :
295
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.90.
Conférence Chavant, op. cit.
297
Ibidem.
298
« Un du Vercors nous parle », dans Le trait d’union, ?
299
Ibidem.
296
108
« une fermière qui, en présence de l’un de nous, vendit des œufs 25f. pièce, le beurre 600f. le
kilog. etc., etc. devait se trouver quelques instants après délestée de tout son ravitaillement
qui fut remis à un camp300 ».
Nous constatons donc qu’outre le fait d’introduire sur le plateau de nouveaux capitaux, les
Résistants du Vercors tentèrent en plus de contrôler les prix du marché noir. Néanmoins ceci
n’empêcha sûrement pas certaines personnes de vendre leurs produits très chers, passant entre
les mailles du filet tendus par ces derniers.
Le contrôle croissant des autorités
A) La complicité de la gendarmerie
1) La relative complaisance envers les réfractaires au S.T.O.
Il est difficile d’évaluer le degré de complicité des gendarmes avec les Résistants
néanmoins, des passages affirmant leur soutien apparaissent régulièrement dans les
témoignages des anciens maquisards ou membres du mouvement. Il y avait deux brigades de
gendarmerie dans le Vercors : l’une à Villard-de-Lans et l’autre à La Chapelle-en-Vercors. La
première forme de soutien qu’ils apportèrent se manifeste à l’occasion des convocations pour
le S.T.O. En effet ils firent preuve de complaisance envers ceux qui ne s’y présentaient pas.
Ainsi en ce qui concerne les hommes des communes du Vercors qui ne s’étaient pas présentés
à leur convocation pour aller travailler en Allemagne, ils faisaient un semblant d’enquête pour
la forme, tout en sachant ce qu’il était advenu des jeunes réfractaires, à savoir qu’ils avaient
pris le maquis. Un habitant d’Autrans se souvient :
« quand il y avait des jeunes qui recevaient leur feuille de… qu’ils devaient partir au S.T.O. et
qui ne s’étaient pas présentés le jour du départ, bon ben y’avait une enquête et les gendarmes
venaient à la maison. Bon ben il est parti, il est plus là. Bon il était parti aux Fenêts mais
enfin ils le savaient, ils étaient obligés de faire leur truc. _Bon ben si y’a du nouveau vous le
faites savoir301 ».
Néanmoins cette complicité ne fut pas constatée par tous :
« il fallait se méfier toujours de la gendarmerie. A ce moment-là il y avait sept gendarmes à
Villard, et on savait jamais si c’étaient des gens qui étaient pour nous ou pas pour nous302 »
Ainsi concernant l’attitude de cette même brigade vis-à-vis de réfractaires au S.T.O. ce
Villardien rappelle :
300
Ibidem.
Entretien avec l’auteur.
302
Entretien avec l’auteur.
301
109
« je sais que nous à la maison, comme on frère était réfractaire et avait déserté les chantiers
de jeunesse, ils sont venus perquisitionner sept fois quand même303 ».
Il faut donc nuancer l’attitude des gendarmes de Villard-de-Lans, seuls pour lesquels nous
disposons d’informations, qui semblent bien avoir joué leur rôle d’agents de l’Etat, se
montrant parfois complices des Résistants.
2) Le soutien à la Résistance
La complicité des gendarmes se manifestait surtout par le peu d’énergie qu’ils
mettaient à pourchasser ceux que le gouvernement appelait alors des « terroristes ». En voici
un exemple : les maquisards du camp des Aillières (C.7) décidèrent un coup de main sur un
dépôt des chantiers de jeunesse situé à proximité de leur cantonnement. Ils y ont récupéré des
chaussures et des sacs de fèves et de haricots. Mais l’un d’eux étant percé, il laissa une trace à
l’image de celle laissée par le Petit Poucet, qu’il eût été facile de suivre pour les gendarmes. Il
n’en fut rien, ceux-ci bâclant l’enquête et classant rapidement l’événement304.
Les brigades de Villard-de-Lans et de La Chapelle-en-Vercors soutenaient aussi les Résistants
dans leur quête d’armement. Ils les aidaient de plus à se maintenir en sécurité en les
avertissant lors d’incursions ennemies sur le plateau, quand ils savaient que des expéditions
sur le Vercors allaient être menées par les occupants ou par des hommes aux ordres des
autorités vichyssoises.
Gendarmes et Résistants eurent une coopération de plus en plus poussée ce qui conduisit ce
responsable du groupe de La Chapelle-en-Vercors à affirmer :
« la brigade de Gendarmerie de La Chapelle en Vercors, a été décorée de la Médaille
Militaire pour sa brillante conduite pendant la Résistance. Nous étions en contact permanent
avec son chef Garcin et nous ne prenions aucune décision sans nous consulter au
préalable305 ».
A titre d’exemple voici un des faits marquant de l’activité de cette brigade, raconté toujours
par le même responsable :
« lors de l’opération contre le maquis, d’avril 1944, les miliciens arrêtèrent les gendarmes et
les emmenèrent à Vassieux, en n’en laissant qu’un seul à la brigade. Celui-ci […] leur
déclara que pour lui, c’était un affront et il exigea de suivre ses camarades306 ».
303
Ibidem.
Paul et Suzanne Silvestre, Chronique des maquis de l’Isère…, op. cit., p.66.
305
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.107. Louis Mossière, de La Chapelle-en-Vercors est ce
responsable.
306
Ibidem. Le gendarme en question se nomme Césari.
304
110
Enfin, même si cela dépasse le cadre de notre sujet, l’engagement des gendarmes aux côtés
des maquisards à l’heure de la mobilisation est une preuve des sentiments favorables à la
Résistance qui les habitaient :
« la gendarmerie a toujours été avec nos maquisards. Il ne faut pas laisser ces hommes
tomber aux mains des Allemands. Un simulacre d’enlèvement est préparé. Des maquisards
armés de mitraillettes sont postés derrière les murs des maisons voisines de la gendarmerie.
D’autres font sortir les gendarmes qu’ils font monter dans un car307 ».
Ceci concerne la brigade de Villard-de-Lans, au sujet de laquelle nous avons émis quelques
réserves précédemment. Là encore il faut tempérer l’engagement des membres de cette
dernière :
« le jour du 9 juin quand on a mobilisé le Vercors, la Compagnie de Villard ils sont allés à la
gendarmerie, et y’en a quelques-uns qui étaient pour nous, ceux-là ils sont venus direct, mais
les autres à coups de pieds dans le derrière on les a rentré dans le camion308 ».
En ce qui concerne la mobilisation de la brigade de La Chapelle-en-Vercors :
« peu avant les événements de juillet 1944, le Haut Commandement, n’ayant plus confiance
en ces gendarmes, décida de les déplacer à St-Marcellin. Prévenus et d’accord avec eux, nous
les avons interceptés en cours de route et ils restèrent avec nous jusqu’à la fin des
événements309 ».
B) L’attention croissante portée par Vichy et la Milice
1) Le regard de Vichy
Conséquence de la Résistance dans le Vercors, l’attention croissante portée par les
autorités sur la région. Malgré les précautions prises pour masquer leurs agissements, les
Résistants ne parvinrent pas à les garder parfaitement secrets. De plus, les actes de
« désobéissance civique » dont se rendaient responsables certains habitants ne faisaient
qu’accroître ce regard. Plus particulièrement pour ce qui concernait les réquisitions pour le
Ravitaillement Général. Celles-ci n’étaient faites que sur les fermes. Dans chaque commune
une commission composée par des cultivateurs du village, ou des membres du conseil
municipal accompagnés du garde-champêtre, dressait une liste des ressources pour chaque
exploitation qui permettait de savoir ce que chacun était en mesure de donner. Parallèlement à
ces commissions, il y avait des inspecteurs du Ravitaillement Général qui enquêtaient
307
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », Fond Fernand Rude, op. cit.
Entretien avec l’auteur.
309
Joseph La Picirella, Témoignages…, op. cit., p.107.
308
111
directement chez les cultivateurs pour contrôler les informations transmises par ces dernières,
et ordonner les réquisitions :
« Ils passaient dans les champs alors ils disaient – vous voyez là y’a du blé, là des pommes de
terre. Alors sur celles-là il faudra nous en passer tant de kilos310 ».
Outre les pommes de terre et le blé, ces réquisitions étaient aussi faites surtout sur le bétail et
le foin, mais de manière générale toutes les productions agricoles étaient touchées.
Pour essayer de donner le moins possible, les gens essayaient alors de ruser :
« On essayait de faire voire que le blé il ne valait rien pour en donner le moins possible. De
temps en temps ça marchait311 ».
Mais les inspecteurs n’étaient pas dupes et faisaient preuve d’une grande méfiance. Il a donc
fallu pour les cultivateurs trouver d’autres moyens. C’est ainsi qu’ils ont décidé de dissimuler
une partie de leurs récoltes :
« c’est mon père qui était à la ferme à ce moment là, qui prenait les dispositions pour cacher
du blé, cacher des pommes de terre, un peu de tout, de façon à soustraire ça au… […] Mais
petit à petit depuis 40, 41, 42, 43, les gens étaient devenus malins après312 ».
Ces dispositions étaient nécessaires car en ces temps, l’alimentation du pays était un réel
problème et les restrictions touchaient tout le monde, même les populations rurales comme
celle du Vercors :
« Nous craignons […] les agents réquisitionneurs qui passent dans les fermes pour emmener
bétail et provisions. Dans quel but ? Pour quels marchés ? Veux-t-nous appauvrir et par là
nous empêcher de ravitailler les maquis voisins ? Je suis trop jeune pour donner une réponse
à ces questions. […] Je suis bien petite mais je sens que c’est à force de privations que mes
parents arrivent à satisfaire les exigences des réquisitionneurs, celle de la propriétaire et nos
besoins journaliers dans cette maison où vivent tant de bouches à nourrir313 ».
Dans le Vercors, les questions de ravitaillement ne sont pas les seules qui ont retenu
l’attention des autorités. Si la plupart des actes de désobéissance aux directives du
gouvernement n’étaient pas considérés comme de la plus haute importance, l’un d’eux en
revanche requit une attention toute particulière. Il s’agit du refus des jeunes hommes à se
rendre à leur convocation pour le S.T.O. et des activités de certaines personnes les aidant à se
cacher dans les forêts. Ainsi dans le fond d’archives déposé par Pierre Dalloz314 aux archives
310
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
312
Entretien avec l’auteur.
313
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.27.
314
AD 38, 89J
311
112
départementales de l’Isère, il se trouve une note rédigée par ce dernier qui stipule : « un
rapport […] signé de PERONNE, chef du chantier de jeunesse de Villard-de-Lans, fut envoyé
en 1943 au Général Laporte du Theil d’une part, au préfet DIDKOWSKI de l’autre ; il
dénonçait les activités du maquis315 ». Concernant le même sujet, un article du Dauphiné
Libéré316 fait état d’une lettre envoyée par le Général de la Porte du Theil (qui était alors le
chef des chantiers de jeunesse) au secrétaire général du gouvernement de Vichy le 29 mars
1943, à laquelle il joignit le « rapport Perrone ». Voici notamment ce qu’il écrivit : « j’ai
l’honneur de vous adresser ci-joint le compte-rendu du chef du groupement 11 à Villard-deLans. Des mesures doivent être prises immédiatement317 ». Dans son rapport, le commandant
Péronne dénonçait l’activité du maquis et nommait personnellement certains responsables de
son organisation comme par exemple le percepteur de Villard-de-Lans. Il est difficile de
savoir comment furent prises en compte ces informations à Vichy, cependant, ce rapport fut
envoyé en mars 1943, et à la fin du mois de mai, les Italiens arrêtèrent presque la totalité de
l’équipe fondatrice du « Vercors », à Villard-de-Lans et à Grenoble. Comme l’écrivit Pierre
Dalloz : « ce peut n’être qu’une coïncidence, mais le rapport eût suffit318 ». Il existe d’autres
traces de la surveillance de Vichy sur les activités des Résistants du plateau. Celles-ci sont
postérieures au rapport dont nous venons de parler, et tout comme il est indiqué dans ce
dernier, elles incriminent en particulier M. Charlier, le percepteur de Villard-de-Lans. C’est
pourquoi on peut penser que ce rapport a bien été reçu et étudié à Vichy, entraînant des
demandes d’investigation sur les personnes qu’il mettait en cause. Ainsi en date du 22 juin
1943 fut rédigée à Vichy au Secrétariat d’Etat à l’Intérieur une lettre319 à l’attention du préfet
régional de Lyon lui demandant de faire procéder à une enquête sur le percepteur de Villardde-Lans. Rappelons que c’est lui que le « rapport Péronne » accusait de « s’occuper » de
l’organisation. Dans une lettre320 du 6 juillet, le préfet de l’Isère lui répondit que les Italiens
avaient procédé à l’arrestation de ce dernier et qu’il ne possédait par ailleurs aucun
renseignement sur son activité.
Enfin il est une autre manifestation qui fut visible par tous de l’intérêt porté par les autorités
aux agissements des Résistants. Il s’agit des patrouilles effectuées par les troupes des Groupes
Mobiles de Réserve sur le plateau comme il en est fait allusion dans le témoignage de cet
315
note de Pierre Dalloz concernant « le rapport PERRONE », AD 38, 89J3. Dalloz ajoute que ces informations
ne lui sont parvenues qu’après la Libération et qu’il ignore qui est ce Peronne et ce qu’il est devenu.
316
Article du Dauphiné Libéré du samedi 28 février 1948. Cet article est consultable dans le fond d’archives
déposé par Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale de Lyon.
317
Ibidem.
318
note de Pierre Dalloz concernant « le rapport PERRONE », op. cit.
319
voir annexe p.240.
320
voir annexe p.240.
113
ancien maquisard qui explique avoir attendu en vain son contact à son arrivée à Autrans en
juillet 1943 :
« nous apprenons alors qu’une alerte déclenchée en prévision d’une visite du G.M.R. sur le
plateau explique ce contretemps. L’émissaire du maquis viendra me chercher plus tard. En
attendant, je dois rester planqué321 ».
2) La Milice
La Milice s’est elle aussi intéressée à l’activité des Résistants du Vercors. Elle exerça
secrètement sur eux un contrôle continu. Mais ces derniers, conscients de cette surveillance,
veillaient attentivement à ne pas la laisser mener ses investigations sur le plateau. Pour obtenir
des renseignements sur le maquis, les miliciens essayaient par exemple d’envoyer certains des
leurs dans les camps en tant que maquisards. De cette manière, ceux-ci pouvaient voir
comment il était organisé, de la filière d’arrivée aux camps à la gestion et au ravitaillement de
ces derniers. D’autres stratagèmes étaient utilisés et dans son témoignage, ce maquisard
raconte une anecdote à propos de l’un d’entre eux :
« un après-midi, un jeune homme se présente au camp et demande à parler au chef (un
homme d’environ 45 ans, pas très dégourdi) lui demandant si ces hommes étaient prêts pour
entrer à entrer en action ; et lui dit de se tenir prêt, car il pourrait venir nous prendre la nuit
par camion, puis il part. Quelques instants après le chef responsable du camp, M.
CHARRIEN [sic : CHARLIER] de Villard-de-Lans, arrive et notre chef de camp le met au
courant de la situation. Aussitôt il s’aperçoit que c’est un coup de la milice et renvoie aussitôt
son chauffeur au café où s’arrête le car. Heureusement notre homme est là, le chauffeur le
prie de monter dans la voiture et le ramène au camp. Au début de son interrogatoire il nie,
puis enfin il avoue avoir été envoyé par la milice pour la modique somme de 2000 francs […]
Nous le gardons prisonnier trois jours, puis il est transféré sur un autre camp, d’où il
s’évade, mais il est repris, puis exécuté322 ».
Parmi la population, on ne savait pas vraiment comment les Résistants se prémunissaient
contre la Milice :
321
« Premier contact. Autrans. 2 juillet 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
Témoignage d’un maquisard anonyme, consultable dans le fond Fernand Rude à la Bibliothèque Municipale
de Lyon.
322
114
« les chefs de la Résistance devaient les connaître ceux de la Milice parce qu’on e eu entendu
plusieurs bruits que y’en avait un qui avait été arrêté et il ferait plus de mal a personne celuilà323 ».
Ce dont on se doutait en revanche, c’est le sort qui était réservé à ses hommes quand les
Résistants les attrapaient :
« qu’est-ce qu’ils lui avaient fait on en savait rien mais bon, on pensaient bien qu’ils l’avaient
tué324 ».
Il ne semble pas qu’il y ait eu sur le plateau des réactions dénonçant les sentences infligées
aux hommes de la Milice ; d’une part du fait que cela pourrait laisser croire que l’on est du
« même bord » qu’eux, s’exposant alors au même danger. Et d’autre part, parce qu’à l’image
du ressentiment de la plupart des Français, les miliciens étaient considérés avec beaucoup de
mépris, souvent encore plus que les Allemands, car étant Français ils étaient des traîtres à leur
patrie et à leurs compatriotes. Ce qui en temps de guerre était le pire des crimes.
Si dans les débuts l’action de la Milice fut relativement timide sur le plateau, elle
s’accentua avec le temps. Celle-ci, qui se limitait à la base à des opérations anti-marché noir
ou pro-S.T.O. se radicalisa. Cette évolution n’est pas spécifique au Vercors mais visible dans
tout le pays car à partir de l’été 1943 s’affirma l’efficacité de la Résistance française. Ainsi
dans un discours prononcé durant l’hiver 1944 Darnand déclara : « Sur notre sol une bataille
que nous n’avons pas voulue est commencée. Nous l’acceptons et nous sommes décidés à la
gagner. […] Contre ces hors-la-loi, notre devoir est clair. […] A la violence nous répondrons
par une répression juste mais implacable. Des circonstances exceptionnelles ont imposé la
création des Cours martiales. Elles ont déjà condamné des terroristes, et ses sentences de mort
sont exécutées325 ». Ainsi étaient confiés aux miliciens les moyens d’effectuer une mission
que Vichy tentait de légitimer auprès des Français par une propagande intense. Celle-ci mêlait
un « occidentalisme menacé »326 par le bolchevisme, auquel on assimilait les maquis car bon
nombre étaient formés par des communistes (ce qui n’était pas le cas dans le Vercors, la
population locale le savait), et « les intérêts de la nation meurtrie »327, notamment par le
désordre que provoquaient ces « terroristes ». D’après Michel Chanal, c’est ainsi que des
miliciens « ont pu ainsi finir au coude à coude avec des soldats de la Wehrmacht et bien des
323
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
325
Pierre, Giolitto, Histoire de la Milice, Paris, Librairie Académique Perrin, 199, p.419.
326
Michel Chanal, « La Milice française dans l’Isère (fév.1943-août 1944) », dans Revue d’Histoire de la
Deuxième Guerre mondiale et des conflits contemporains, n°127, juillet 1982, p.23.
327
Ibidem.
324
115
hommes quelconques rivaliser avec les bourreaux du S.D. »328. Un exemple de ces opérations
violentes jugées comme nécessaires par les plus hautes sphères de l’Etat est celle menée
contre le maquis des Glières, non loin du Vercors que Laval annonça au conseil des ministres
du 19 février 1944 : « cinq cents maquisards sont rassemblés sur le plateau des Glières en
Haute-Savoie. Ils sont bien armés, ils ont de l’artillerie et des mortiers et sont ravitaillés par
parachutage. Nous sommes contraints d’agir pour éviter les dégâts, car ils mettront la région à
feu et à sang »329. Autre opération mettant en scène des hommes de la Milice, et encore plus
proche du maquis du Vercors, celle effectuée contre Malleval en janvier 1944.
La radicalisation de sa mission, voulue par ses chefs, entraîna en son sein des changements
qui expliquent d’autant plus la violence croissante avec laquelle elle agit. En effet compte
tenu du changement du caractère des missions qu’on lui confiait, on fit davantage confiance à
des groupements durs au détriment de la Milice départementale330. Ainsi dans la région ce
fut « le temps de la Milice milicienne, des francs-gardes cantonaux de Jourdan puis de De
Campeau, des tortionnaires du groupe Berthon, des hommes de la brigade antisémite de Lyon,
des francs-gardes permanent d’Uriage du chef Giaume, ou de Collonges-au-Mont-d’Or du
chef d’Agostini »331. Ce sont précisément ces derniers, les hommes de d’Agostini qui prirent
part à la triste célèbre expédition sur Vassieux au mois d’avril 1944.
Nous n’insisterons pas sur cet événement car il a déjà fait l’objet de plusieurs études et
publications. Cependant il n’est pas possible de traiter des agissements de la Milice dans le
Vercors sans évoquer son passage à Vassieux du 16 au 24 avril 1944. Nous nous pencherons
essentiellement sur la manière dont les Vassivains vécurent « l’occupation » de leur village,
laissant de côté la description des exactions qui y furent alors commises.
Cette présence d’agents de la Milice dans la petite bourgade a en réalité débuté avant la date
du 16 avril puisque deux femmes, qui se sont révélées plus tard être des leurs, s’y étaient déjà
installées depuis quelques temps déjà en tant que touristes. Leurs promenades à travers la
montagne leur permirent de glaner des informations sur la présence de dépôts d’armes, de
munitions, …
« deux jeunes filles installées comme touristes dans notre village se joignirent au groupe de
miliciens : c’étaient deux espionnes parmi nous332 ».
328
Ibidem.
Pierre Giolitto, Histoire de la Milice…, op. cit., p.420.
330
Michel Chanal, « La Milice française dans l’Isère (fév.1943-août 1944) », op. cit., p24.
331
Idem, p.25.
332
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.30.
329
116
Pendant ces quelques jours le village vécut dans la peur et la suspicion. En effet nombreux
étaient ceux qui soutenaient, ou qui avaient aidé à un moment ou un autre les maquisards.
L’angoisse de la délation était d’ailleurs d’autant plus présente que les miliciens faisaient
preuve d’une cruauté toujours plus effrayante. C’est ainsi que pour obtenir des dénonciations
ils s’attachèrent à semer le doute parmi les villageois :
« nous constatons avec stupéfaction que des miliciens sont invités à prendre le café chez nos
voisins. Sans doute la peur les fait agir ainsi, cette famille ne sera pas épargnée par les
atrocités nazies, mais les miliciens cherchent avec raffinement à jeter le doute parmi la
population afin de rompre les liens d’amitié qui nous unissent et de créer ainsi des
tiraillements entre nous, d’où surgiront peut-être de précieux renseignements333 ».
De plus, peu après son arrivée, le chef milicien d’Agostini fit placarder des affiches334 dans le
village demandant aux habitants de signaler où étaient les dépôts d’armes des maquisards.
Puis il fit contrôler les identités des gens à chaque fois qu’ils traversaient leur village, ce qui
agaçait particulièrement la population :
« la Milice demande inlassablement à chaque Vassivain qui traverse la place du village ou
qui se rend dans un magasin de montrer ses papiers, notamment sa carte d’identité ; cette
brimade est bien mal supportée par nous tous335 ».
Les miliciens étaient montés en nombre, vingt-cinq camions dont une partie était restée à La
Chapelle-en-Vercors pour mener le même type d’agissements. Pour se nourrir, ils avaient
« réquisitionné » de quoi manger chez des cultivateurs, notamment des pommes de terre qu’ils
firent éplucher par les villageois :
« la peine la moins sévère infligée aux habitants consiste à leur faire éplucher des pommes
de terre durant de longues heures et quelquefois durant des jours336 ».
Puis au climat de peur et d’exaspération, dus aux corvées et aux contrôles intempestifs des
miliciens, vinrent s’ajouter de terribles exactions :
« les résistants pris par la Milice subissent tous un sort cruel : trois d’entre eux arrêtés,
torturés, sont condamnés à mort. […] les miliciens font preuve de la même cruauté envers les
enfants [X], qu’ils appellent un matin afin qu’ils embrassent leur père ; celui-ci est attaché
dans un car, violemment frappé devant ses enfants qui fondent en larmes337 ».
333
Idem, p35.
voir annexe p.240.
335
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.30.
336
Idem, p.31.
337
Idem, p.34.
334
117
Concernant l’arrestation de cet homme338, voici le témoignage de ses deux enfants qui avaient
alors quatorze et douze ans :
« notre père […] s’occupe des maquis du camp 6, […] et des maquis du camp 8 […]. Sa
mission consiste à introduire les jeunes, arrivant de toutes parts dans ces camps. […] Nous
recevons aussi à la maison le courrier des résistants, ainsi que leur ravitaillement. […] Un
dimanche après-midi, le 16 avril notre père est arrêté par la Milice qui est en opération dans
le Vercors. […] La Milice ramène notre père à Vassieux, […] et le traduisent devant leur
tribunal. Là ils le questionne et le frappent sauvagement […]. N’obtenant rien de notre père,
les miliciens le jettent épuisé dans un car339 ».
Voici à travers l’exemple de ce Résistant la violence avec laquelle agirent en avril 1944 les
miliciens à Vassieux, mais aussi à La Chapelle-en-Vercors où ils installèrent dans un hôtel un
simulacre de tribunal.
C) Les troupes d’occupation
1) Les Italiens
Concernant l’occupation par des armées étrangères, le Vercors fut en premier lieu sous
le contrôle des Italiens, comme l’était une partie du sud-est de la France. Par ailleurs, la ligne
de démarcation qui coupait le pays en deux entre la zone occupée par les Allemands au nord
et celle dite libre au sud se situait à quelques encablures en direction du nord. Ce sont donc les
Alpini, les chasseurs alpins italiens, qui devaient maintenir l’ordre dans la région qui nous
intéresse. D’après les témoignages des habitants, leur présence n’était pas très « marquée »
sur le plateau. Ainsi l’on pourrait qualifier leur surveillance de « lâche ». C’est ce dont se
souvient la fille du maire de Méaudre de l’époque lors de leur première expédition sur le
village :
« les Italiens sont arrivés les premiers, ils sont venus ici mais ils sont restés deux jours.
Quand ils sont arrivés ici à cinq heures du matin on voyait une colonne d’Italiens qui venait
par Villard-de-Lans, ils arrivaient par la route qui mène sur la place, alors papa y passe
parce qu’il s’est dit – vaut mieux que je sois là-bas. Alors il s’est présenté aux officiers
italiens. […] Bon ils ont discuté mais ils n’ont pas cherché s’il y avait des maquisards, ils ont
pas réclamé… rien du tout340 ».
338
il s’agit de M. André Giroud, cultivateur à Vassieux.
Témoignage de Denise et Robert Giroud, dans Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…,
op. cit.
340
Entretien avec l’auteur.
339
118
Toutefois, ce n’est pas parce qu’ils n’en donnaient pas l’impression qu’ils n’effectuaient
aucun contrôle. Ce que l’on peut constater avec l’opération qu’ils menèrent fin mai 1943
quand ils arrêtèrent les principaux responsables de la Résistance et qu’ils se rendirent sur les
lieux de certains camps dont ils connaissaient les emplacements. En effet, il apparaît bien
dans une lettre341 du capitaine du 7e groupe de contrôle et de liaison de la commission
italienne d’armistice avec la France, que ces derniers disposaient d’informations sur les
Résistants du Vercors, notamment sur le percepteur de Villard-de-Lans qui d’après eux était
« compromis dans l’organisation des francs-tireurs ». De même, un rapport émanant de la
brigade de gendarmerie de Villard-de-Lans note à propos de l’arrestation par les Italiens de
Victor Huillier, un des pionniers et principaux organisateurs du réseau de Résistance du
Vercors :
« le 19 juin 1943, Monsieur Huillier, Victore [sic], entrepreneur de transport à Villard-deLans a été arrêté par les troupes italiennes à Grenoble. Monsieur Huillier avait déjà été
arrêté une première fois par les troupes italiennes le 28 mai 1943 […] a été relâché le 2 juin
1943. Le 19 juin dernier, s’étant rendu à Grenoble pour rendre visite à certains de ses
camarades toujours en état d’arrestation, il aurait été appréhendé une seconde fois. D’après
les renseignements recueillis, cette seconde arrestation serait due à la suite de la réception
par les autorités italiennes d’une lettre anonyme. Il n’a pas été possible de savoir si cette
lettre aurait été mise à Villard-de-Lans à la poste où ailleurs. De même que l’on ne connaît
pas la teneur de cette lettre »342.
Nous avons déjà parlé du rôle joué par les agents des Eaux et Forêts et de l’arrestation de leur
chef, Rémy Bayle de Jesse, dont il est question dans cette lettre du chef du bataillon
Chagnard, chef du détachement français de liaison, adressée au préfet de l’Isère :
« j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint copie d’une note qui m’a été adressée par le
Lieutenant-Colonel Chef du Détachement de liaison auprès de la IVe armée Italienne aux
sujet des inspecteurs des Eaux et Forêts LE CHATELIER et BAYLE. […]
BAYLE Rémy, Ingénieur des Eaux et Forêts, arrêté le 29 mai dernier et déféré au tribunal de
guerre de l’Armée comme accusé d’avoir dérobé des explosifs à son collègue LE
CHATELIER pour les mettre à disposition des dissidents. […]
Dans le cas spécial les deux prévenus ont été d’accord pour déclarer que les explosifs en
question étaient destinés à d’autres emplois et plus particulièrement, […] selon BAYLE aux
341
voir annexe p.240.
Villard-de-Lans le 25 juin 1943, Brigade de gendarmerie de Villard-de-Lans, rapport du Maréchal des Logis
chef Dorveaux, Commandant de la brigade sur l’arrestation de Huillier Victor de Villard-de-Lans par les troupes
italiennes ; AD 38, 13R960.
342
119
Francs-Tireurs, afin de pouvoir isoler le massif du « Vercors » pour la destruction des
routes343 ».
Nous constatons donc que bien que relativement absents du plateau, les Italiens n’avaient pas
pour autant démissionné de leur fonction de contrôle, comme en témoignent les quelques
arrestations parfaitement ciblées qu’ils opérèrent sur les Résistants.
Pour la population du Vercors, l’occupation italienne fut une période de relative
tranquillité, du fait de la présence assez faible des transalpins sur le plateau, mais aussi de
l’état d’esprit qui caractérisait ces occupants. En effet, les habitants font état à leur sujet de
personnes avec qui ils entretenaient de bonnes relations, dans un climat presque détendu. Ce
qui ressort le plus dans leurs propos, c’est qu’ils ne leur inspiraient pas de crainte,
comparativement à ce qu’ils connurent ensuite avec les Allemands (ce dont nous traiterons
par la suite). Pour être plus précis, non seulement ils ne leur faisaient pas peur, mais ils étaient
en outre sujets de leurs railleries, comme le raconte cette Vassivaine qui n’était alors qu’une
jeune fille :
« nous ne gardons pas un mauvais souvenir des occupants italiens. […] A nos yeux d’enfant
leur accent les rend comiques et leur désinvolture fait oublier que ce sont des guerriers
ennemis. Il n’est pas jusqu’à la plume qui orne leurs chapeaux qui ne soit pas pour nous un
sujet de plaisanteries344 ».
Concernant ces hommes et leurs chapeaux à plume, cet habitant de Villard-de-Lans se
souvient :
« ils venaient skier le dimanche. […] alors ils avaient le chapeau à plume, nous on se mettait
des plumes de poules au derrière, on skiait avec eux toute la journée ils nous ont jamais rien
dit345 ».
Même s’il faut prendre avec précaution ce type de déclaration que le temps à tendance à
exagérer, il est en effet bien souvent rappelé que les Italiens véhiculaient l’image d’une armée
à l’allure presque pittoresque :
« Ils étaient plutôt un peu débraillés pour parler poliment. […] Ils nous ont fait voir que
c’était plutôt… que c’était pas une armée bien… y’avait pas la discipline346 ».
Ce manque de discipline ne s’appliquait d’ailleurs pas uniquement à leur organisation
militaire. Ainsi ils firent preuve de désinvolture vis-à-vis de certaines lois en vigueur qu’ils
343
Grenoble le 22 juillet 1943, le chef de bataillon Chagnard, chef du détachement français de liaison à monsieur
le préfet de l’Isère ; AD 38, 13R960.
344
Lucette Martin-de-Luca, Rescapée de Vassieux-en-Vercors…, op. cit., p.27.
345
Entretien avec l’auteur.
346
Entretien avec l’auteur.
120
n’hésitèrent pas à enfreindre, ce qui contribuait à les rendre populaire auprès de la
population :
« puis alors ils vendaient les cigarettes, ils vendaient tout eux347 ».
Cependant les moqueries dont étaient victimes les Italiens dans le Vercors avaient aussi
d’autres racines, moins justifiables celles-là. Depuis plusieurs décennies bon nombre de
transalpins, parfois avec leurs familles, n’avaient pas hésité à traverser les Alpes pour venir
travailler dans les forêts du Vercors comme bûcherons ou comme charbonniers. Avec le
temps, certains s’étaient même installés sur le plateau. Ainsi les occupants comptaient de
nombreux compatriotes dans cette région. Mais le fait est que ces derniers n’avaient pas
encore été complètement intégrés à la population locale, et étaient toujours considérés avec un
certain discrédit du fait de leur origine étrangère, ce que reconnaît ce Villardien :
« la première occupation qui a été faite par les Italiens, on avait beaucoup d’émigrés Italiens
qui travaillaient déjà sur la région. Donc qui avaient monté des entreprises et tout, et avec les
Italiens y’avait toujours eu… On les avait pas intégrés tout à fait, faut dire la vérité348 ».
Pour résumer la manière dont vécut la population du Vercors l’occupation italienne, nous
pourrions presque reprendre ce témoignage de la fille du maire de Méaudre de cette époque,
parlant de la venue des Alpini dans son village :
« oh ils ont pas effrayé la commune eux, ils ont discuté, papa a discuté avec eux, mais eux ils
ont rien réclamé… ils ont pas demandé… ils ont rien réquisitionné… ils ont mangé je sais pas
comment. Ils sont resté un soir puis ils sont repartis comme ils étaient venus349 ».
2) Les Allemands
Contrairement aux Italiens, les Allemands marquèrent leur période d’occupation par
une présence plus régulière dans le Vercors. Celle-ci se manifestait tout d’abord par des
patrouilles qui de temps en temps sillonnaient le plateau, ce dont se souvient cette habitante
de Méaudre :
« c’est arrivé plusieurs fois, y’avait deux trois Allemands en moto qui traversaient. On voyait
bien que c’était eux mais bon ils traversaient et puis c’est tout350 ».
Il apparaît donc d’après ce témoignage que les Allemands avaient une volonté plus marquée
d’affirmer leur occupation. Le fait que ces patrouilles ne fassent essentiellement que circuler
dans les villages semble montrer que les occupants voulaient avant tout rappeler leur présence
347
Entretien avec l’auteur.
Ibidem.
349
Entretien avec l’auteur.
350
Ibidem.
348
121
à la population pour entretenir un climat de domination que nous évoquerons par la suite.
Cependant il faut tout de même noter que de temps à autre, les Allemands venaient dans la
région pour arrêter des juifs qui s’y étaient réfugiés :
« ils avaient quand même quelques juifs par là travers. Il y avait des juifs pas mal qui étaient
venus se réfugier dans les appartements351 ».
Lors de ces opérations contre les réfugiés israélites, cette Résistante de Villard-de-Lans note
la présence aux côtés des Allemands de civils français, qui très probablement les avaient aidés
à obtenir des informations :
« lorsque les Allemands arrivent, ils sont peu nombreux. Très souvent accompagnés par des
civils français. Ils viennent arrêter des israélites352 ».
Nous constatons donc que les Allemands disposaient d’une sorte de service de renseignement
qu’il est difficile de décrire compte tenu de sa nature on ne peut plus discrète. Néanmoins il
est possible d’en connaître quelques détails :
« Faut dire ils infiltraient… y’avait des filles par là travers, y’avait quand même des
indics…353 ».
Il est d’autant moins aisé d’en connaître les rouages que les Résistants eux-mêmes ne savaient
pas vraiment comment il était constitué :
« des épingles ils en ont enfilé pour savoir un peu ce qu’il se passait. […] ils avaient un
service de renseignements qu’on n’a pas réussi à éliminer complètement354 ».
Ce sentiment d’omniprésence « sourde » des Allemands que provoquait la crainte des
« indics » laissait planer sur le plateau une réelle tension, à l’opposé de la quasi-détente qui
régnait sous « l’ère » italienne. C’est ce changement brutal qui frappe le plus les habitants du
plateau aujourd’hui :
« quand les Allemands ont pris la suite c’était pas pareil355 », « ils étaient craints. A ce
moment là c’était autre chose356 ».
Il s’était par ailleurs installé un climat de peur qui était entretenu par le caractère « musclé »,
violent, des opérations de ces occupants sur le Vercors. En effet quelques coups de main
sanglants furent opérés par les troupes allemandes. L’un d’eux eut lieu le 18 mars 1944 à
Saint-Julien-en-Vercors où vingt-cinq camions firent irruption dans le village, probablement
en raison de la présence du P.C. militaire dans cette localité. Ils y tuèrent sept personnes et
351
Entretien avec l’auteur.
Denise Noaro, « La Résistance à Villard-de-Lans », op. cit.
353
Entretien avec l’auteur.
354
Entretien avec l’auteur.
355
Ibidem.
356
Entretien avec l’auteur.
352
122
brûlèrent une ferme. Un autre, tout aussi violent, se déroula à Saint-Martin-en-Vercors le 24
novembre 1943 où, après avoir détecté la présence d’un poste émetteur radio dans une
maison, ils donnèrent l’assaut. Ils criblèrent de balles l’opérateur radio qui essayait de s’enfuir
et se retirèrent. Le croyant mort ils l’avaient laissé giser dans une mare de sang, fort
heureusement celui-ci était encore vivant et put être secouru.
Concernant les groupes de Résistants locaux, l’angoisse suscitée par les Allemands les
obligeait à être sur le qui-vive en cas d’incursion de ces derniers sur le plateau. Chargés entre
autre de leur sécurité, ils devaient aussi s’assurer que les maquisards ne se fassent attaquer
pour une autre raison. En effet si les Allemands attrapaient des maquisards qui se cachaient
dans des camps à proximité de villages, il y aurait alors sûrement sur les villageois des
représailles qui, compte tenu de la violence avec laquelle les troupes allemandes agissaient,
seraient terribles. Ainsi à chaque alerte les Résistants des communes du Vercors étaient mis à
contribution pour faciliter le départ des maquisards. Voici quels types de dispositions ils
étaient amenés à prendre :
« au début mars, on nous signale une opération imminente sur le Vercors. Les armes sont
mises en sécurité, les camps étant obliger [sic] de se disperser. Notre groupe nettoie les
baraques des maquisards, camoufle leur matériel357 ».
Pour conclure sur cette « seconde » occupation du Vercors, faite par les Allemands, nous
pouvons dire qu’elle fut beaucoup plus difficile à vivre pour la population. La présence
« d’indics » invisibles, les patrouilles, les arrestations de juifs et les opérations coup-de-poing
contre la Résistance marquèrent leur volonté de faire appliquer leurs ordres aux habitants de
cette région et de les mettre au pas. De plus, la sévérité et la violence qui les caractérisaient,
par contraste avec la presque « bonhomie » des Italiens, faisaient régner un climat de vive
tension et de peur.
357
« Autrans dans la clandestinité » dans Le Pionnier du Vercors, op. cit.
123
CONCLUSION
Quand on parle de Résistants dans le Vercors, c’est traditionnellement aux maquisards
que l’on s’intéresse, ainsi qu’à quelques figures civiles de « l’organisation Vercors ».
L’installation du maquis dans cette région semble ainsi faire oublier qu’il y avait déjà avant
l’établissement des premiers camps des personnes qui menaient selon leurs moyens une
fronde contre les nouvelles mesures imposées par Vichy. Il s’agit là des actes que nous avons
évoqués sous le terme de « désobéissance civique ». Le fait est qu’ils constituent pour les
habitants du plateau une première forme d’entrée en Résistance. Considérer comme tels ce
type d’agissements permet de conclure, non pas qu’une grande partie des autochtones étaient
des Résistants, mais qu’ils étaient capables de basculer dans l’illégalité pour ne pas obéir au
nouveau régime ou à l’occupant. C’est donc sur un terreau marqué par ce type de caractère
que s’est implanté le maquis. En partant de cet état d’esprit qui caractérisait une grande part
de la population locale dès 1940, nous avons analysé comment celle-ci a été amenée à
s’impliquer dans l’organisation du « Vercors », très minoritairement d’abord, puis
progressivement jusqu’à sa majorité à la veille du « bouclage » du plateau en juin 1944.
Comme nous avons pu le constater au cours de cette enquête, il y eut de la part des
autochtones une diversité des sentiments quant à l’installation des camps sur le plateau. C’est
ce qui explique qu’il n’y eut pas un comportement global de la population du Vercors vis-àvis des maquisards, mais différentes attitudes nuancées plus ou moins en faveur de ces
derniers. Celles-ci allèrent de la collaboration pour les plus récalcitrants, à l’engagement dans
la Résistance. Ce sont justement ces derniers, ceux qui se sont investis dans le réseau de
Résistance du Vercors, qui ont servi en quelque sorte de relais entre les montagnards et les
« terroristes ». C’est de leur engagement passionné pour cette entreprise exceptionnelle que
fut la création et l’entretien du maquis, que le reste des villageois se sont petit à petit laissés
entraîner dans cette « aventure ». Avec le temps, un important lien d’affectivité s’est créé
entre les villages et les camps de maquisards, si bien que les habitants du plateau en sont
arrivés à se sentir presque responsables de ceux qu’ils considéraient comme « leurs »
maquisards. Bien sûr, comme dans toutes les histoires d’amour il y eut quelques querelles, et
ce serait détourner la vérité de dire que tout ce petit monde vivait en totale osmose et en
parfaite harmonie. Il arrivait ainsi que les villageois reprochent aux maquisards de leur faire
courir trop de risques avec leurs agissements, ou bien concernant les cultivateurs, de les
réprimander pour leur avoir pris du ravitaillement sans demander, ce qu’ils auraient dû faire
124
auparavant à leur goût. De leur côté, les maquisards trouvaient parfois que les villageois ne les
aidaient pas assez, notamment en matière de ravitaillement comme nous venons de le voir.
Si, dans les débuts la complicité entre village et maquis reposait sur l’assise de la
solidarité envers ceux que l’Etat voulait envoyer travailler en Allemagne, elle demeurait
fragile car les familles n’étaient alors pas concernées pas ces mesures de « déportation ».
C’est donc au moment où même les jeunes ouvriers agricoles devinrent requérables pour le
S.T.O. que les rapports village/maquis se renforcèrent. Bien que les habitants du plateau
éprouvaient une réelle sympathie pour les réfractaires cachés dans les forêts, ils ne se
sentaient pas impliqués dans leur cause et se contentaient pour la plupart de « tolérer » la
présence de ces jeunes quelque part dans les bois. Mais menacés à leur tour par les
réquisitions, leurs états d’esprit de « frondeurs » les poussèrent à prendre part au mouvement
et c’est ainsi que de nombreux jeunes du plateau cherchèrent à incorporer les camps. Dès lors,
la coopération des villageois entrait dans un second cycle. Même si à ce moment-là les
activités des Résistants étaient encore assez secrètes, les gens étaient au courant de ce qu’il se
passait au moins dans les grandes lignes, et s’y montraient plutôt favorables. C’est pourquoi
les membres du réseau de Résistance du Vercors n’hésitèrent pas à les solliciter de temps à
autres, les sachant plus enclins à apporter leur soutien. Le nombre de maquisards croissant
rapidement, les camps devinrent quasi-dépendants de l’aide en matière de ravitaillement
fournie par la population locale. Mais ce rapport de dépendance ne signifiait pas pour autant
un rapport de soumission, bien au contraire. Assez paradoxalement, c’est le maquis qui peu à
peu affirma son autorité sur la région et qui y dicta « sa » loi. En effet nous avons vu qu’il
s’organisa pour gérer le marché noir sur le plateau et qu’il créa sa propre police pour faire
régner « son » ordre et « sa » justice, ce qui rappelons-le n’est pas sans soulever quelques
problèmes éthiques. Ce rapport de force entre les Résistants et les habitants du Vercors se
manifesta aussi à l’été 1944, à l’heure de la mobilisation générale sur le plateau, où ces
derniers furent réquisitionnés souvent de gré mais parfois de force pour prendre les armes. Le
début de l’été 1944 marqua une nouvelle phase dans les rapports village/maquis puisque
désormais, il était entendu que c’était la Résistance qui avait tout pouvoir quant à la gestion
du plateau. Le nouvel ordre ainsi établi atteint son paroxysme avec l’avènement de la
« République du Vercors » le 3 juillet 1944, proclamée et administrée par les Résistants euxmêmes.
Notre étude s’arrêtant à la veille du « verrouillage » du plateau, et donc avant cette
nouvelle phase dans les rapports entre le maquis et la population du Vercors, la barrière
temporelle du début de l’été 1944 constitue une première limite à cette enquête. Une seconde
125
qui pourrait être formulée se situe cette fois sur un plan géographique. En effet nous avons dit
qu’il était légitime de se restreindre à la zone formée par les seuls cantons de La Chapelle-enVercors et de Villard-de-Lans parce qu’ils correspondaient au territoire concerné par le Plan
Montagnards. Néanmoins nous avons aussi vu d’une part qu’il y eut des maquisards en dehors
de cette zone, notamment le C.1 d’Ambel. Par ailleurs, toute une partie du réseau de
Résistance du Vercors provenait de l’extérieur du plateau. Que se soit de régions plutôt
urbaines comme les agglomérations grenobloises, romanaises ou même Pont-en-Royans. Ou
de régions rurales pourtant éloignée du Vercors, comme nous l’avons constaté avec l’exemple
de l’unité de Marsaz, remontant jusqu’à la vallée du Rhône dans le département de la Drôme
où s’étaient organisés des groupes d’hommes qui avaient pour mission de collecter du
ravitaillement, et de gagner le plateau à l’heure de la mobilisation des Compagnies civiles.
126
ANNEXES
127
CHRONOLOGIE
1939
_3 septembre 1939 : l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne
_1939 : ouverture d’un lycée polonais à Paris qui prend le nom Gymnazjium Cyprian Norwid
1940
_1940 : Eugène Samuel arrive à Villard-de-Lans après sa démobilisation
_ juin 1940 : le lycée polonais de Paris est transféré dans les Pyrénées puis en Angleterre
_10 juin 1940 : l’Italie déclare la guerre à la France
_16 juin 1940 : formation du gouvernement Pétain
_17 juin 1940 : la France demande l’armistice
_22 juin 1940 : signature de l’armistice franco-allemand à Rethondes
_10 juillet 1940 : à Vichy les députés français accordent par vote les pleins pouvoirs au
maréchal Pétain
_ 30 juillet 1940 : création des Chantiers de jeunesse
_1940 : création par l’abbé Johannès Vincent d’un camp à Corrençon pour cacher des juifs,
rapidement appelé le « camp Collomb »
_ 28 septembre 1940 : au cours d’une réunion à Vichy est décidé l’ouverture d’un lycée
polonais à Villard-de-Lans
_9 et 15 octobre 1940 : ouverture du lycée polonais de Villard-de-Lans
_ 24 octobre 1940 : rencontre Pétain-Hitler à Montoire
1941
_19 mars 1941 : visite du maréchal Pétain à Grenoble
_août 1941 : première rencontre entre le Dr. Martin et Jean-Pierre Lévy, chef national de
Franc-Tireur
_automne 1941 : le Dr. Martin reçoit Raymond Gernez député du Nord venu lui proposer la
diffusion du Populaire
: arrivée de Georges Perec à Villard-de-Lans
128
_trois derniers mois de 1941 : Eugène Samuel recherche des contacts pour son groupe de
Résistants
1942
_début 1942 : Pierre Brunet intègre le mouvement Franc-Tireur
_6 avril 1942 : Eugène Samuel et le Dr. Martin se rencontrent à Lans
_mai 1942 : création de l’unité de Marsaz
_juin 1942 : réunion d’un groupe de Méaudrais et du groupe de Villard-de-Lans dans le
restaurant de Théo Racouchot
_22 juin 1942 : discours de Laval annonçant l’instauration de la « Relève »
_juillet 1942 : Yves Farges vient voir le Dr. Martin pour travailler avec lui
_12 juillet 1942 : « Jean-Pierre » rencontre Aimé Pupin > création de Franc-Tireur Isère
_22 août 1942 : ordonnance Sauckel instaurant un service du travail obligatoire dans tous les
pays occupés
_été 1942 : contact établi entre Franc-Tireur et le groupe Combat de Pont-en-Royans
_4 septembre 1942 : loi du 4 septembre > les hommes de 18 à 50 ans et les femmes
célibataires de 21 à 35 ans sont requérables pour aller travailler en Allemagne
_octobre 1942 : les ouvriers spécialistes sont appelés pour aller travailler en Allemagne
_octobre-novembre 1942 : premiers réfractaires cachés dans des fermes
_11 novembre 1942 : les Allemands envahissent la zone libre
_ 27 novembre 1942 : l’armée d’Armistice est dissoute, quelques officiers rejoignent la
Résistance, cachent des armes et créent des camps
_novembre 1942 : Aimé Pupin charge Eugène Samuel de trouver un lieu dans le Vercors pour
établir un camp
_novembre 1942 : création d’un groupe Franc-Tireur à Autrans
_décembre 1942 : Pierre Dalloz rédige une première « note sur les possibilités d’utilisation
militaire du Vercors »
_17 décembre 1942 : Louis Brun, maire de Pont-en-Royans, montre à Simon Samuel la ferme
d’Ambel
129
1943
_6 janvier 1943 : homologation du premier camp le C.1 à Ambel
_janvier 1943 : création du groupe de La Chapelle-en-Vercors
_fin janvier 1943 : Pierre Dalloz porte son projet à Yves Farge, journaliste au Progrès, à Lyon
_30 janvier 1943 : création de la Milice
_31 janvier 1943 : Farge rencontre Dalloz à Grenoble et lui fait part de l’accord de Jean
Moulin quant à son projet et lui remet 20 000 francs
_10 février 1943 : rencontre de Dalloz et Farge avec le général Delestraint à Bourg-enBresse : le projet Dalloz devient le projet « Montagnards »
_16 février 1943 : instauration du S.T.O. pour les hommes nés en 1920, 1921, 1922
_25 février 1943 : La BBC passe le message : « les montagnards doivent continuer à gravir les
cimes » ce qui signifie que le projet est approuvé par les services de la France libre
_2 mars 1943 : nombreuse arrestation à Grenoble, Aimé Pupin ne rentre pas chez lui et se
réfugie à Autrans
_mars 1943 : Autrans cache pendant quelques jours Aimé Pupin
_mars 1943 : « Germaine » devient la secrétaire d’Aimé Pupin
_mars 1943 : « Charlotte » passe à Franc-Tireur
_fin mars 1943 : occupation de la « Maison du Cru » à Méaudre par le C.3
_début mars à fin mai 1943 : Aimé Pupin se réfugie chez Jean Glaudas
_6 avril 1943 : visite du général Delestraint, chef de l’A.S., dans le Vercors
_24 avril 1943 : arrestation du Dr. Martin par les Italiens
_mai 1943 : le C.5 s’installe à Gros-Martel
_26 mai 1943 : arrestation de Pont-de-Claix
_28 mai 1943 : arrestation de Victor Huillier, Jean et André Glaudas, Marius Charlier, Aimé
Pupin, Allemand et Beyle de Jessé
_10 et 11 août 1943 : réunion à Darbounouze de l’ensemble des responsables civils et
militaires du Vercors
_novembre 1943 : création de trois groupes civils à Méaudre
_13 novembre 1943 : premier parachutage sur le Vercors à Darbounouze
_24 novembre 1943 : premier raid de repérage de la Gestapo sur le plateau
130
1944
_25 janvier 1944 : réunion « Monaco » à Méaudre
_29 janvier 1944 : le camp de Malleval est anéanti par les Allemands et la Milice française
_18 mars 1944 : une colonne allemande détruit le P.C. préparé pour l’Etat-major de Descour
près de Saint-Martin-en-Vercors
_20 mai 1944 : premier parachutage pour le groupe Franc-Tireur d’Autrans
_9 juin 1944 : mobilisations des compagnies civiles, verrouillage du plateau
131
132
RECIT DU Dr. LEON MARTIN
« Le Vercors », dans Bilan de l’action politique du Dr. Martin, député-maire de Grenoble,
pp.40-50, Récit du docteur Léon Martin à la demande du Comité d’Histoire de la Seconde
Guerre mondiale, consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36.
[…]
Je reçois de LYON, VICHY, NICE, TOULOUSE, des émissaires des groupements
clandestins qui apportent des mots d’ordre, des conseils, des plans d’organisation de la
défense.
Des réunions régionales en sont le résultat. Des tracts nous parviennent, sont distribués
et circulent de mains en mains.
Les partis politiques se réorganisent clandestinement et se réunissent même. Des
bureaux, des Commissions exécutives sont constituées et la propagande s’intensifie. Les
députés, surtout les 80, reprennent les contacts nécessaires avec les militants.
Je reçois Raymond GERNEZ député du Nord qui organise la distribution du
« Populaire », PHILIPPE député du Rhône, Edouard FROMENT député de l’Ardèche, qui
sont de passage, font de la propagande, de l’organisation et apportent aux indécis de
l’expérience, Pierre Burgeot député du Rhône, qui lui aussi, est décidé à la Résistance.
Un des premiers dont je reçus la visite en août 1941, fut « Jean-Pierre » un lieutenant
d’artillerie de réserve, qui m’apporta « Franc-Tireur » et me demanda d’en assurer la
distribution. Ce fut facile, un bon camarade dévoué se mit au travail aussitôt. Il s’agissait
d’élargir la diffusion, de gagner les campagnes, les départements voisins – Chambéry,
Modane, Veynes, Gap.
Avec Jean-Pierre, nous édifions des projets plus ambitieux.
Dès août 1941, avec GERNEZ, nous avons organisé la diffusion du « Populaire
clandestin ». C’est un bon et dévoué camarade qui en est chargé : Aimé PUPIN, membre du
Parti Socialiste, qui se charge de les cacher et de les porter en lieu sûr.
[…]
Le lundi de Pâques 1942, je suis à LANS et je reçois la visite de RACOUCHOT, de
RAVALEC de Villard-de-Lans, qui sont des résistants sûrs et diligents. Ils ont déjà reçu des
résistants que nous leur avions adressés, les ont cachés et placés dans des fermes du plateau –
Autrans, Méaudre, Corrençon, chez des militants connus et sûrs. RACOUCHOT et
136
RAVALEC sont enthousiastes, dynamiques. « Adressez-nous tous ceux qui sont traqués, nous
leur trouverons un refuge », ils tiennent parole.
C’est en juillet 1942 que j’ai la visite d’Yves FARGE – un sac de touriste sur le dos.
Le Progrès de Lyon s’est sabordé. « Je viens travailler avec vous, me dit-il, dans le Combat,
nous avons toujours été du même côté ». Il me communique les renseignements qu’il tient de
Londres. Je lui donne quelques détails sur notre activité clandestine. Nous parlons du Vercors
– du plateau, de ce que nous pouvons en attendre. C’est le début. Je vais le revoir de loin en
loin. Je le mets en contact avec PUPIN et progressivement avec notre équipe.
En octobre, novembre 1942, nous arrivons à une phase plus active. Dans les usines on
recense les spécialistes pour les envoyer en Allemagne. C’est le S.T.O.
[…]
La Police, la Gendarmerie sont aux trousses des réfractaires, mais nous reconnaissons
que leur action est molle, et la plupart des réfractaires peuvent fuir.
[…]
Les cars Huillier facilitant le transport à Villard-de-Lans, et de là dans les communes
du canton. Les appels pour le S.T.O. recommencent en janvier 1943 et n’ont pas de succès.
Grenoble est occupée par les Italiens et la surveillance devient plus sévère.
[…]
Les cars Huillier continuent à monter les réfractaires ; un service s’organise à
FONTAINE pour en monter 20 à 30 à la fois. Le service d’espionnage des Italiens est en éveil
et les arrestations commencent.
[…]
A ce jour le Vercors est crée, le Camp d’AMBEL installé ; on savait que l’on s’y
battrait, mais à ce moment on décide comment on le défendra. Les Camps s’installent, on
instruit et on équipe des hommes, on a besoin d’armes, de munitions, d’équipements, on
prépare le combat.
On cherche des terrains, des camps, on s’organise.
[…]
Je suis arrêté le 24 avril 1943 par les Italiens et pendant des mois je ne connaîtrai plus
rien des événements.
137
RECIT D’AIME PUPIN
Notes originales d’Aimé Pupin sur la première histoire du maquis du Vercors, 31 pages
tapuscrites, consultables aux Archives départementales de l’Isère à Grenoble à la cote 89J3.
1940
De Rouen à BORDEAUX, faisant des navettes avec une sanitaire qui à chaque
voyage, s’avérait trop petite, je fus à même de me documenter sur la façon indigne de la
conduite des événements par nos chefs du moment.
A LA ROCHELLE, un bateau appareillait pour l’ANGLETERRE, quelle tentation !
Mais l’amour de la famille, du sol natal, l’emporta. Et ce fut le repli sur BORDEAUX où
j’entrais douze heures avant les hordes allemandes.
Ce fut le règne de la « pagaie » et la fuite sur PAU pour ne pas être fait prisonnier.
Enfin le retour à GRENOBLE et la démobilisation.
L’Armistice ! Les discours de PETAIN, puis la lumière au milieu des ténèbres, le vote
courageux à VICHY de 80 Français contre tous les traîtres.
Double, triple joie parmi ces 80 - deux de l’Isère – le Dr. Léon MARTIN de
GRENOBLE et HUSSEL de VIENNE.
Quel est le Grenoblois, et même le Dauphinois, qui ne connaît le Docteur Léon
MARTIN, ce diable d’homme, lutteur de toujours, la mèche en bataille, qui toute sa vie
s’adonna au bien être des Travailleurs. Ce jour là (10 juillet) au milieu de ceux qui par calcul,
ou par peur, approuvèrent PETAIN, il ratifia la confiance de ses électeurs en s’opposant à
l’entrée du fascisme en France. […]
A l’encontre de FRANCOIS 1er, les vrais Français pouvaient dire : Rien est perdu,
hors l’honneur.
Jusqu’à la fin de l’année, ce ne furent que des parlottes entre amis sûrs, car déjà en
cette pauvre France, déchirée en deux, régnait la délation.
Sans le savoir nous avions organisé notre travail dans le sens même des Mouvements
de Résistance. C’est ce qui nous a permit de participer à l’organisation de la manifestation du
14 Juillet 1942. Deux jours après.
138
1941 à juillet 1942
RADIO LONDRES, les tracts clandestins qui nous arrivaient on ne sait d’où, mais que
nous lisions religieusement, et que nous transmettions à des camarades pour que ceux-ci les
lisent et nous les rendent pour les transmettre à d’autres, etc.
Je voyais assez souvent mon grand ami, le Dr. MARTIN, avec qui je causais et qui me
mettait au courant des visites qu’il recevait. Petit à petit, nous sentions confusément ces petits
noyaux de bonne volonté qui se remuaient dans les ténèbres de la Révolution Nationale.
Nous causions souvent entre amis. Nous nous tâtions, des discussions mêmes
inamicales avaient lieu avec des partisans du régime…
Quand à l’automne 1941, le Dr. MARTIN reçut la visite de GUERNEZ (Député du
Nord), il venait lui proposer de réorganiser le Parti Socialiste clandestin et la diffusion du
POPULAIRE.
Nous acceptâmes avec plaisir car cela coordonnait nos efforts et nous donnait un but.
La Commission Exécutive Fédérale clandestine de l’Isère était composée du Dr. Léon
MARTIN, de HUSSEL de Vienne, de DESCHIERES [sic : DESHIERES] et de PUPIN.
Le Dr. Léon MARTIN me chargea de m’occuper de la diffusion de la diffusion et du
recrutement des Camarades.
Les premiers camarades qui acceptèrent de travailler avec nous furent : DESCHIERES
[sic], DEMEURE, VEYRAT, GERMAIN, FERRI de la S.N.C.F., DANTELLA, MACAIRE,
GAY Marcel, SERNIDA [sic : SERINDA], DOULAT Fils, GIROUD, BIT, POMPIER,
COCAT Henri.
Nous nous organisâmes rapidement et chacun des camarades précités avait derrière lui
une douzaine d’hommes décidés à tout (quoique sans arme).
En plus du « POPULAIRE » que Mme DESCHIERES [sic] allait chercher à LYON,
nous recevions des petites pincées de « COMBAT » « LIBERATION » « FRANC-TIREUR »
« PERE DUCHESNE », et nous diffusions tout ce qui nous parvenait de Presse Résistante.
Nous fonctionnâmes ainsi jusqu’au 12 juillet 1942, où nous pûmes avoir une direction
essentiellement résistante.
Juillet 1942 (depuis le 12)
Jean-Pierre LEVY, créateur et chef national de FRANC-TIREUR avait visité plusieurs
fois déjà le Dr. MARTIN afin de se renseigner sur MM. X.Y.Z., susceptibles de lancer le
mouvement dans l’Isère. Le Docteur lui donnait des indications, mais FRANC-TIREUR
139
piétinait et le 12 juillet, Jean-Pierre LEVY fit ce par quoi il aurait dû commencer. Il demanda
tout bonnement au Docteur de le mettre en contact avec quelqu’un de Grenoble.
Le Docteur s’échappant de sa pharmacie arrivait chez moi et me mit au courant me
demandant si je voulais me charger de FRANC-TIREUR. Nous décidâmes d’accepter… et
une heure plus tard Jean-Pierre m’était présenté.
Jean-Pierre LEVY était un jeune homme grand, brun, sympathique qui me plut dès les
premiers instants.
Une table, deux chaises, deux apéritifs au milieu de mes jeux de boules, loin des
oreilles indiscrètes, et le mouvement FRANC-TIREUR prit naissance dans l’Isère.
Nous déjeunâmes ensemble, mais auparavant pendant une courte absence de JeanPierre, ma femme me dit ces simples mots ; si justes aujourd’hui hélas : « Mon pauvre ami, tu
ne changeras pas, tu ne peux pas rester tranquille chez toi ». Ce fut tout. Aussi Jean-Pierre,
pendant le repas dut parfaire ses indications et me préciser ses directives sans crainte.
Ma femme fut dès cet instant mon premier collaborateur et mon bras droit.
J’alertais immédiatement tous mes camarades pour leur demander de diviser leurs
hommes, d’élargir leur recrutement, pas de politique, tous ceux de bonne volonté, n’ayant pas
peur et aspirant à se débarrasser des boches, des macars, des pétainistes, et aspirant au retour
de la République.
Ce fut la manifestation du 14 Juillet 1942.
Quel est le Grenoblois qui ne se rappelle cette belle journée où tout GRENOBLE était
dans la rue, soit à manifester, soit à encourager les manifestants. Vous vous rappelez cette
jeune fille inconnue, vêtue d’une robe à bandes tricolores, coiffée du bonnet phrygien, qui,
place Victor-Hugo, s’empare d’un drapeau tricolore jaillit d’on ne sait d’où, prenant la tête de
la manifestation qui se rendait à la Préfecture. C’était beau tout cela. Aussitôt DANTELLA et
son équipe étaient auprès d’elle pour la protéger. Je reparlerai de cette jeune fille dans le cours
de mon récit.
Août 1942
Depuis quelques temps déjà, le Dr. MARTIN m’avait baptisé MATHIEU. Ce fut donc
mon nom de guerre.
J’alertai mon vieil ami GARAVEL de VOIRON, que nous appelâmes Mr. Le Gris,
puis le Guste, VILLARD, Instituteur révoqué, BONNAURE du Petit Dauphinois me fut
adressé par le Docteur MARTIN, à qui il était allé demander du travail (résistant s’entend) ;
Mme LOPEZ de Prix Unic, qui me fut adressée par nos amis de LYON ; son chef, mon
140
camarade de rugby REY ; Louis ALLEMAND, RIGAUDIN de FONTAINE, VOINOW
(Durand), BOISSIEUX, Instituteur à RENCUREL.
Tous ces hommes avec ceux cité plus haut commandaient à des équipes et souséquipes ou douzaines.
Parallèlement nous, s’était organisé à VILLARD DE LANS, sous l’impulsion du Dr.
Samuel RAVALEC et de Victor HUILLIER, un groupe de résistants comprenant en outre :
GLANDAS
[sic :
GLAUDAS]
Jean,
CONVERSO,
PIQUERET,
BEAUDOINGT,
CHARLIER, MASSON, DUMAS, RACOUCHOT, mais ce groupe n’avait aucune liaison.
Ce fut mon vieux camarade TEO (Racouchot) qui, un dimanche, conduisit RAVALEC
à LANS où ils eurent une entrevue avec le Dr. MARTIN.
Rendez-vous fut pris, et la semaine d’après, RAVALEC me fut présenté et j’eus avec
lui cette organisation qui nous fut si précieuse par la suite.
Je retrouvais là tous mes bons amis de la famille HUILLIER, Victor, Paul, Emile.
Nous étions entre connaissance et en parfaite entente.
Septembre 1942
Dès ce moment là, je puis dire sans forfanterie, que le mouvement FRANC-TIREUR,
était le plus important et le mieux organisé de la région.
En effet, car nos camarades prospectèrent le département :
DEMEURE, RIGAUDIN organisent FONTAINE
GERMAIN fit ROYBON
BONNAURE, St MARCELLIN et CHATTE
CHEVALLIER : MURINAIS, CHEVRIERE, et la région
Nos camarades de VILLARD DE LANS eurent dans tous le plateau, notamment à
AUTRANS, LANS, MEAUDRE, LA BALME, PONT EN ROYANS, des sections de
FRANC-TIREUR.
VILLARD Auguste et REY organisèrent le BOURG D’OISANS
FERRY fit la TRONCHE avec BATTAIL et GAYET
GARAVEL organisa VOIRON
ALLOUARD : St MARTIN LE VINOUX
BOISSIEUX : RENCUREL
Les douzaines s’organisaient rapidement et j’entrais en contact avec BENOIT,
Inspecteur de Police, par le canal du Dr. MARTIN, les frères BES du PETIT DAUPHINOIS.
141
A chaque distribution, le nombre de journaux s’avérait insuffisant et Lyon alerté, était sur les
dents.
Entre temps, le chantage à la relève sévissait et nos mots d’ordre étaient « ne partez
pas, allez dans les fermes ou travaillez dans les bois ». Nombreux sont ceux qui furent
aiguillés chez les paysans du Vercors et du département.
Parallèlement, nous organisons le service de liaison avec LYON et les divers points du
département. Nous étions journellement en contact avec VILLARD. C’était facile, un des
chauffeurs des cars HUILLIER, ou PAUL, ou NALLET le mécanicien de la Maison, passait
prendre les ordres tous les jours chez moi. Les responsables des autres localités passaient deux
fois par semaine au P.C.
Novembre 1942
Et c’est Novembre 1942 qui va apporter la reddition de l’armée d’armistice, et dans la
nuit du 11 Novembre, les divers régiments de la garnison de GRENOBLE prennent le maquis.
[…]
Puis c’est le S.T.O. Rien à faire, il faut aider les gars.
J’étudie la question. Je convoque RAVALEC… et je lui dis… il faut que dans le Vercors tu
me trouves un coin pour cacher les réfractaires et où l’on puisse les avoir sous la main.
RAVALEC qui n’hésitait jamais me dit, d’accord et il prospecta le Vercors.
Décembre 1942
RAVALEC vint me trouver me disant c’est fait, j’ai trouvé la ferme d’AMBEL,
appartenant à MM. HUILLIER, V.
GLAUDAS, A.
GUILLET, et GRAVIER de
BRIANCON. J’ai l’accord de HUILLIER et GLAUDAS… d’accord. Marchons et installons.
Tout allait bien car c’étaient les locaux d’une exploitation forestière et les Directeurs et
Employés habitaient à BOUVANTES (BOURDEAU et BRUNET Paul étaient des francstireurs).
LE VERCORS organisé commençait et les premiers hommes montaient à la fin de
l’année. […]
FRANC-TIREUR prenait de l’extension, les camarades reprenaient cœur à l’ouvrage,
car ils avaient un but, ils faisaient quelque chose de précis.
142
-CHAVANT ORGANISAIT L’ÎLE VERTE-
Tous les jours, de nouveaux réfractaires nous arrivent et DEMEURE et VEYRAT sont
spécialement chargés de les convoyer sur le plateau. Par les cars HUILLIER, par le tramway
de St NIZIER, les cars HUILLIER ensuite à VILLARD DE LANS, d’autres convoyeurs les
prennent jusqu’à PONT EN ROYANS, et de là ils sont aiguillés sur BOUVANTE et
AMBEL.
FRANCOISE de LYON est chez moi en liaison le jour où la création du premier camp
est chose faite, elle s’est d’ailleurs croisée avec mon agent de liaison qui allait en avertir
JEAN-PIERRE. Elle est enthousiasmée par cette idée et me donne tout l’argent de son sac.
Par contre, mon agent de liaison revient de LYON avec le désaveu de FRANC-TIREUR qui
n’a pas d’argent pour financer l’opération.
C’est alors que commence la course à l’argent, nous ne voulons pas ralentir le
recrutement et tous les jours, il nous faut de plus en plus de finance.
Tous les camarades collectent dans leurs familles, dans leurs usines pour les camps du
Vercors. […]
Mars 1943
[…] Le 2 Mars, FARGES vint coucher chez moi et nous partîmes dans le taxi de
Marcel GAY pour visiter le Vercors, nous prîmes DALLOZ […] aux Côtes de Sassenage et
RAVALEC à Villard de Lans […] Au retour nous laissâmes RAVALEC à VILLARD, mais
avant de rallier GRENOBLE, nous voulions visiter MEAUDRE et AUTRANS.
Nous descendons de la Croix PERRIN sur LANS, commentant notre journée, lorsque
nous aperçûmes RAVALEC qui venait à notre rencontre.
A son arrivée, à VILLARD, et au reçu d’un coup de téléphone de GRENOBLE, Emile
HUILLIER l’avait amené à LANS pour qu’il puisse nous rejoindre.
Le fait brutal était là.
Les Italiens avaient arrêté DEMEURE, VEYRAT, mes premiers adjoints ; Claude
LEVY, agent de liaison, Loulou CHABAS, Robert BRUNET, RIGAUDIN, FRAISSE
Marcel, FRAISSE René, BATTELI, GAVET, PORTALUPPI, CLET, VISANTIN et Mme
RUGGIERO.
Ma femme nous faisait savoir que tout était déménagé de chez nous […]. Elle nous
avertissait de ne pas rentrer, car elle craignait l’arrivée de la police italienne.
143
Après nous être concertés, nous décidons de descendre à GRENOBLE pour être
renseignés. […]
GAY et moi arrivons à la maison. Tout nous paraît calme. Je m’apprête à rentrer,
lorsque ma femme m’aperçoit et me donne un coup d’œil qui me fait immédiatement
comprendre que les policiers sont là. […]
Je me rendis à AUTRANS où j’avais de la famille et j’entrais en contact avec le
groupe « Franc-Tireur », et Marcel GAY avertit RAVALEC et Victor HUILLIER.
Les estafettes arrivèrent de VILLARD, mais le soir Victor HUILLIER et RAVALEC
vinrent me chercher et m’emmenèrent à VILLARD DE LANS où je serai plus au centre du
Mouvement.
Ils m’amenèrent chez Jean GLAUDAS, dont je devins le cousin par le fait de la
Résistance. […]
Tous les jours, les jeunes gens affluaient au Vercors et nous nous mîmes à l’ouvrage.
Le calme revenu, une partie des gas (sic) retourne à AMBEL. Ce fut le C.1, chef de
camp SIMON, responsable BOURDEAU ; le C.2 à CORRENCON, chef de camp ANDRE,
responsable GO. BEAUDOINT ; le C.3 (camp école) chef de camp ROBERT, responsable
MARTIN, Boulanger à MEAUDRE ; le C.4 à COURNOUZE, chef de camp AKERMAN,
responsable de St MARTIN ; le C.5 chef de camp FEUTRIER, responsable CHARLIER,
d’abord à ROUSSET ensuite à MEAUDRE, puis le C.6 vers LA CHAPELLE EN
VERCORS, responsable MALAUSSANE (sic).
Le Vercors était une vraie ruche. Rares étaient ceux qui n’avaient pas un emploi ou
une mission pour les camps.
J’avais entre temps désigné mon ami CHAVANT pour prendre la direction de
« Franc-Tireur » à GRENOBLE.
DURAND (VOINOV) me fit savoir qu’il voulait m’amener une jeune fille traquée par
la police de Vichy. Je les reçus et une grande jeune fille brune me fut présentée. GERMAINE,
ou GENEVIEVE GAYET, la fille de mon ami GAYET de LA TRONCHE, celle qui le 14
Juillet 1942 habillée en Marianne prit le drapeau place Victor Hugo et se mit en tête du
cortège.
De brune, elle devint blonde, et j’en fis ma secrétaire. Quel diable de garçon,
GERMAINE. Il fallut la disputer de belles fois pour la freiner, elle fut avec RAVALEC au
courant de toute l’histoire du Vercors.
144
A VILLARD DE LANS, toute les femmes de nos camarades militaient au Mouvement
avec Mme RAVALEC, Mme Emile HUILLIER (chargée de la censure), GERMAINE, Mme
GLAUDAS (la cousine).
C’est à ce moment que CHARLOTTE vint avec nous. Elle militait à un autre
Mouvement. Mais femme d’action, elle préféra passer au Vercors, où elle put donner la
mesure de son courage. […]
Nos gas (sic) manquaient de chaussures. GRENOBLE fut alerté et un coup fut décidé
contre les chantiers de Jeunesse de St LAURENT DU PONT. Un camion à CONVERSO,
l’équipe de choc de VILLARD : SIMON, BEAUDOINT, PIQUERET, NALLET, MAGNAT,
OLLECK, le camarade de GRENOBLE, et le coup est fait, bien organisé par nos soins. Il
réussit à la perfection et nos gars sont chaussés.
Un deuxième coup sur les chantiers de CORRENCON nous rapporte moins.
Malgré toutes les enquêtes, rien ne transpire et la police ne trouve aucun indice. […]
Un poste émetteur était installé aux Jarrands, à 100m de la route, et toutes les voitures
détectrices de radio passaient à côté de lui sans le découvrir. […]
Notre camarade DUMAS, Electricien, fut chargé de monter un poste émetteur de radio
de la puissance minimum d’Alpes-Grenoble.
Un nouvel incident vint nous désoler. Notre grand ami et chef, le Dr. MARTIN, venait
d’être arrêté par les Italiens et déporté au Fort de l’Essaillon, ce coup nous frappa, car il était
aimé et admiré de tous ceux qui le connaissaient.
[…] Tous les soirs chez Jean GLAUDAS, RAVALEC, Paul et Victor HUILLIER et
les principaux chefs et responsables venaient au rapport dans ma chambre.
Les autres que j’avais à voir, je les recevais chez ROSENTHAL, le dentiste.
Mai 1943
Mai 1943, le dernier mois de ma Résistance en France. […]
FARGES auquel je parle d’un coup de main sur camion d’essence à MENS, car nous
brûlons toute celle de la Maison HUILLIER et Victor commence à être à sec, me met en
rapport avec le capitaine VIREL qui doit organiser l’affaire. De notre côté, nous alertons le
groupe volant, sous les ordres de SIMON et BEAUDOINT. Viennent PIQUERET, NALLET,
MAGNAT, OLLECK, AKERMAN, CONVERSO Baptiste et son chauffeur et un autre. A
GRENOBLE ils prendront MACAIRE, SURLE et VIREL. […]
145
Arrivés à MENS, le camion citerne est bloqué par un car en panne, une roue crevée et
un ressort cassé. Les Mécaniciens se mettent à l’ouvrage alors que la sentinelle italienne est à
20 mètres d’eux.
Ils s’aperçoivent que le véhicule est un diesel. Le jour approche, ils sont désespérés,
SIMON donne l’ordre de repli et la camionnette les ramène, mais ne suit pas l’itinéraire pour
ramener VIREL à GRENOBLE.
Une bombe vient d’éclater à PONT DE CLAIX. Les Italiens sont sur pieds et nos
hommes qui dormaient tranquilles se font crocher à PONT DE CLAIX.
Victor HUILLIER et moi de grand matin, sillonnons les routes pour avoir des
nouvelles.
Nous n’avons plus qu’un espoir : que le jour ait surprit nos hommes et qu’ils se soient
réfugiés dans une ferme […] Vers 9 heures le remplaçant de SURLE aux P.T.T. nous avise
que les camarades sont arrêtés. […] C’était le 26 Mai. […]
Charlotte, CHARLIER vont aux renseignements. Rien de nouveau. L’après-midi du
27 Mai, un camion et une voiture vienne t à VILLARD : nous pensons à la perquisition, mais
hélas, quelqu’un a parlé. Ils prennent Victor HUILLIER, Jean GLAUDAS, son frère ANDRE,
CHARLIER et ils viennent chez Jean GLAUDAS. Avec la cousine, nous avons juste le temps
de faire disparaître les papiers, et je suis pris à mon tour. […]
Mon Camarade ALLEMAND s’était fait prendre aussi et le Lieutenant des Eaux et
Forêts était venu à la caserne pour faire libérer deux de ses gardes forestiers. BEYLE DE
GESSE fut gardé à leur place.
La toute première équipe de Franc-Tireur et du Vercors disparaissait presque en entier.
DANTELLA, DEMEURE, VEYRAT, RIGAUDIN, LEVY, FRAISSE René,
FRAISSE Marcel, Dr. MARTIN, SIMON, BEAUDOINGT, PIQUERET, CONVERSO,
GLAUDAS Jean, AKERMAN, MAGNAT, SURLE, MACAIRE, ALLEMAND, BEYLE DE
GESSE, VIREL, NALLET, tous les pionniers de « Franc-Tireur » et du « Vercors ».
Quelques jeunes et PUPIN, Victor HUILLIER et André GLAUDAS furent relâchés, mais
Victor fut repris et interné à EMBRUN.
Que nous importait ! Les hommes passent, et l’organisation reste.
J’avais depuis longtemps déjà désigné RAVALEC et CHAVANT pour me remplacer ;
RAVALEC et GERMAINE continuèrent de suite et CHAVAND (sic) vint les rejoindre
quelques mois après.
Je viens de passer en revue les événements tels qu’ils se sont passés. Je n’ai pas fait du
roman. Tout est véridique et contrôlable. Si j’ai oublié quelques camarades, que ceux-là ne
146
m’en veuillent pas. Ce n’est pas par méchanceté, mais j’ai passé deux ans en Italie et ma
mémoire des noms à pu me faire défaut.
Le Vercors a continué. Tout le monde sait son histoire glorieuse. Mais pas un de ceux
qui l’ont contée, ne connaissait vraiment les débuts.
Trop de ces héros obscurs qui, dès le début, luttèrent dans l’ombre, sont aujourd’hui
dans l’oubli. Je me devais de les rappeler à la mémoire des Français.
J’ai fait cela en toute objectivité, avec franchise et impartialité.
N’oublions jamais que le premier Chef de la Résistance, de toute la Résistance dans
l’Isère, fut le Dr. MARTIN, l’actuel maire de GRENOBLE.
PUPIN Aimé (alias MATHIEU)
147
CONFERENCE CHAVANT
Discours prononcé par Eugène Chavant alias « Clément » lors d’une conférence le 6 février
1945, consultable aux archives départementales de l’Isère à la cote 57J36.
Messieurs, Mesdames, Mesdemoiselles, Camarades,
Si l’assemblée qui est présente ici s’est attendue à trouver devant elle un orateur de
talent, je vous préviens d’ores et déjà qu’elle s’est trompée. Si dans le maquis nous avons
donné des cours, ce ne sont pas des cours de ce genre. Nous avons appris à nos hommes le
maniement des armes, nous leur avons appris à faire du service en campagne, nous leur avons
appris aussi le maniement des explosifs. Mais dans aucun cas, nous avons pensé qu’il était
nécessaire de faire des maquisards des orateurs. Nous avons pensé, bien au contraire, et nous
continuons à penser encore que le moment n’est pas venu de se montrer dans des réunions
publiques. Il a fallut y être contrait car j’avais pris cet engagement de ne jamais parler du
« Vercors ».
Lorsqu’on parle du « Vercors », l’on parle d’une « Résistance » qui a été à l’avantgarde dans la France entière et je vous en apporterais, tout à l’heure, quelques preuves.
Lorsque l’on parle du « Vercors », c’est toujours après en avoir mûrement réfléchi. C’est
toujours avec une certaine piété que l’on doit penser au « Vercors ». Ce n’est pas par
conséquent dans une réunion publique que l’ont peut favorablement parler du « Vercors ».
Les raisons de notre réunion ce soir, s’il y a encore quelques Grenoblois qui l’ignorent,
je voudrais, tout de même, pouvoir les mettre au courant.
Ça se passait, je crois, vers le 15 décembre 1944.
J’étais à Paris avec mes camarades du Comité Départemental de Libération Nationale,
prenant part aux travaux du congrès qui rassemblait tous les comités départementaux de
France, lorsque j’appris qu’une « immonde feuille de chou » avait été répandue dans certaines
boites aux lettres de Grenoble.
Ma première réaction fut de la dédaigner, comme nous avons toujours fait de toutes les
lettres anonymes que nous avons pu recevoir. Mais, hélas, un de nos bons amis, un de nos
bons camarades à qui je veux rendre ici, ce soir, un hommage : le commandant « Nal-Brunet »
était mon associé dans toutes ces calomnies. Il avait, lui, immédiatement pris la décision de
répondre à ces accusations par vois de presse.
148
Rentrant à Grenoble, j’appris cette décision et, ma foi, sachant très bien et connaissant
aussi le proverbe qui dit : « calomniez-calomniez, il en restera toujours quelque chose », j’ai
pensé que si je ne me défendais pas, moi-même, immédiatement, l’on pourrait supposer que
puisque je ne disais rien : j’étais plus ou moins compromis.
C’est la raison qui fait que j’ai cru devoir répondre également par la presse et que j’ai
pris à ce moment-là, après avoir consulté mes camarades, l’engagement de faire une réunion
publique où nous viendrons ici, ce soir, faire appel à nos détracteurs, qui, je pense, auront le
courage de monter à cette tribune pour éclairer un peu la situation.
Il se peut, que dans quelques instants, je sois peut-être appelé – je dis « peut-être » - à
les traiter de « sinistres comédiens » ou de « parfaites canailles », si je ne vais pas plus loin.
Pour le moment, je m’en tiendrai là.
Voici en quelque sorte la raison qui a motivé notre réunion de ce soir.
Il m’appartient maintenant, comme notre camarade « Président » vous l’a indiqué, de
vous parler du « Vercors », d’en parler assez rapidement. Ce n’est pas dans une soirée que
l’on peut retracer toute l’histoire du Vercors et je n’ai pas la prétention de pouvoir le faire
seul, car je sais, que pour cela, il faut faire appel à bien des hommes qui ne sont pas présents,
parce qu’il y en a encore qui sont en Italie, dans les prisons italiennes peut-être, nous le
supposons, et nous le souhaitons, à moins que toutefois, ils soient morts, aussi.
Il y a là-bas, un des précurseurs du Vercors. C’est notre camarade Mathieu et ma foi,
je ne sais pas si j’ai le droit de donner ici son nom propre. Je m’abstiendrai de le faire, car je
dois vous dire que je ne citerai des noms de camarades que chaque fois que j’aurais été
autorisé à le faire parce que, dans les circonstances présentes, quelque fois la situation qui
évolue tous les jours de plus en plus favorablement, il n’en reste pas moins qu’il y a encore
des camarades qui, les uns par modestie, veulent rester dans l’obscurité, et d’autres peut-être,
aussi parce qu’ils craignent encor certains revers que nous ne craignons pas, nous.
Ce qu’a été le Vercors ?
Il faut peut-être remonter à une période plus éloignée. Il faut d’abord que je vous dise en
quelques mots comment il a pris naissance.
Je pense qu’il y a dans cette salle beaucoup d’anciens résistants, parce que vous me
permettez tout de même, et là je demande l’indulgence de la société, - vous me permettez, et
ça a toujours été notre habitude de dire ce que nous pensons – c’est qu’au moment de la
Libération, nous avons été, nous, les véritables résistants, plus ou moins surpris, par le nombre
considérable de gens qui, se sont couverts de drapeaux, et couverts de gloire, alors que bon
nombre parmi eux, étaient pour nous, de célèbres inconnus.
149
Je dis par conséquent que je veux remonter presque à l’origine.
Je citerai quelques noms et vais vous dire comment a pris naissance le Vercors.
C’était vers la fin de 1941, au moment où déjà nous militions par des moyens plus ou
moins favorables, parce qu’il faut bien dire que les véritables résistants le sont depuis 1940.
Ils ont toujours eu foi dans les destinées de notre pays et ils n’ont jamais cru à la victoire
allemande … [illisible] nous ne pouvions pas supposer qu’une République qui, certes, méritait
d’être modifiée et nous en parlerons peut-être tout à l’heure – ne pouvait pas disparaître – ne
pouvait pas être battue et que nos libertés ne pouvaient pas nous être ravies, par une horde
sanguinaire qui venait de l’autre côté du Rhin.
A ce moment là, nous avons déjà fait l’impossible, mais véritablement – le Vercors a
pris corps au lendemain d’une réunion que nous avons tenue dans un café situé rue de
Polygone où il y avait là cinq hommes. Je ne veux pas dire leurs noms, mais je citerai notre
camarade Mathieu, notre camarade Déshières. Je ne peux parler de lui parce qu’il est encore
déporté quelque part en Allemagne et nous ne savons pas du tout où il peut se trouver, si
toutefois, comme bon nombre de nos camarades, il n’est pas mort lui aussi. Un quatrième
personnage : Ferrafiat garagiste et moi-même.
Ça a été la première réunion qui a donné naissance véritablement à la Résistance et
aux Francs-Tireurs de l’Isère. Ensuite sont venus s’ajouter à nous, des hommes qui sont ici sur
cette tribune. Je m’excuse auprès des camarades dont je ne citerai pas les noms ici, ce soir, car
il m’est impossible de me rappeler tous ces noms.
Voici dans quelles conditions est né le « Vercors ».
Comment d’abord avons-nous opéré ?
Nous avons immédiatement cherché des liaisons à Lyon. Nous n’étions, à ce moment là, pas
encore les Francs-Tireurs de l’Isère, mais en cherchant ces liaisons à Lyon, nous sommes
tombés sur une organisation de Francs-Tireurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes
devenus les Francs-Tireurs de l’Isère. Nous aurions aussi bien pu appartenir à « Combat » ou
à toute autre organisation.
Comment avons-nous vécu dans les débuts ?
Et c’est là où je vais commencer à toucher la corde sensible. C’est là où nous allons pouvoir
démontrer l’emploi des millions que l’on nous reproche d’avoir enterrés quelque part, soit en
Angleterre, soit dans certains cimetières, soit aussi dans une banque de Villard-de-Lans qui
était tenus part notre camarade Edouard Masson, ici présent, où il y a paraît-il un compte de
trois millions.
150
Je vais commencer, dis-je à toucher la corde sensible parce que c’est uniquement d’aumônes
que nous avons vécu.
C’est en quémandant auprès de nos camarades, c’est en tapant aussi, permettez-moi de vous le
dire, dans notre modeste bourse. Voilà où nous prenions l’argent, notre argent, au début tout
au moins.
Et puis, comment avons-nous pu continuer à vivre ?
Il est certain, et vous devez bien-sûr le supposer, que nous avions besoin tout de même de
quelques deniers pour pouvoir accomplir notre mission et jouer notre rôle. Il est certain que si
nous n’avions pas eu un centime en poche, nous aurions été appelé à sombrer. Par conséquent,
il fallait employer d’autres moyens. Nous avons à ce moment-là organisé des collectes et nous
devons déclarer que c’est surtout à Villard-de-Lans, parmi l’élite de l’élément israélite de
cette région que nous avons rencontré au début le meilleur accueil, et c’est grâce à eux, je ne
suis pas antisémite et ne voudrais pas l’être, et ne voudrais pas ici, non plus faire l’apothéose
en quelque sorte des Juifs, mais il faut reconnaître qu’au début de l’organisation, ils nous ont
été d’un précieux concours.
Quels étaient donc les hommes, qui à ce moment-là, étaient à la tête de notre
organisation ?
Là il m’appartient tout de même de citer des noms :
Il y avait en premier lieu, celui que je vous ai indiqué tout à l’heure que nous appelons à ce
moment-là « Mathieu ». Il a été pris comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure et emmené en
Italie. Il y avait ensuite les hommes qui sont ici, à cette tribune : Edouard Masson, Léon
Martin. Il y en avait d’autres à Villard-de-Lans. Il y en avait à Pont-en-Royans, il y en avait
un peu dans tout le Vercors. Mais ce qu’il y avait surtout, ce qui nous a permis de développer
assez rapidement notre organisation (là je tiens à rendre hommage à tous) c’est cette
population du Vercors qui a si terriblement souffert (je reprendrai une expression qui m’a
toujours été chère, c’est que nous n’avons rencontré dans tout le Vercors que des francstireurs, avec leurs fusils de chasse et avec les armes que nous avons pu leur donner par la
suite.
[…]
Nous nous trouvions à ce moment-là, aux mois de février mars 1943. C’est à cette époque que
nous avons eu notre premier désastre. Quatre, cinq, six de nos camarades furent arrêtés. Ces
camarades furent emmenés en Italie.
Mais auparavant, il faut qu’on vous dise comment sont nés les camps, chose
absolument capitale.
151
C’est le 6 janvier 1943 que le 1er camp a été homologué dans le Vercors, le 6 janvier
1943 est aussi le premier camp de France. Il se tenait à la ferme d’Ambel.
Vous dire les soucis que nous avons eus, les nuits passées par nos camarades de Ponten-Royans, parce que je crois que c’est là-bas que ce faisait le transit : les gens étaient pris à
Grenoble et ailleurs, emmenés à Pont-en-Royans et, grâce à l’appui de nos camardes : Père
Brun et d’autres dont les noms m’échappent : de Pont-en-Royans ils traversaient la nuit, à la
barque la Bourne, pour être aiguillés sur St Jean-en-Royans, où une nouvelle équipe là, les
reprenait pour les monter dans la forêt de Lente.
[…]
Je vous ai parlé du premier camp, mais immédiatement après de nombreux camps se sont
installés et nous ne parlerons pas de tous, nous parlerons simplement de ceux de Méaudre, de
ceux d’Autrans, de ceux des Allières, de ceux de Saint-Martin-en-Vercors, du camp des
Combes, des camps de Vassieux etc… etc… tant et si bien qu’un moment donné nous avions
douze camps groupant ensemble sept à huit cent hommes qu’il fallait ravitailler uniquement
au marché noir. On peut dire que nous avons été des marchés-noiristes, je le reconnais bien
volontiers. C’était une nécessité du moment, nous ne pouvions pas faire autrement. Nous
avons payé des pommes de terre jusqu’à 20 francs le kilo et nous les achetions par centaines
de tonnes à ce moment-là.
Nous avons également acheté des armes.
Nous avons connu de bons armuriers qui, peut-être maintenant déclarent être des
Résistants, mais qui n’hésitaient pas à nous vendre un revolver 7/65 : 1400 f.
Nous en sommes par conséquent à la formation des camps. Les difficultés inouïes,
insurmontables, de ravitaillement se sont révélées immédiatement.
[…]
J’en arrive au 26 mai 1943, c’est là le désastre de Pont-de-Claix.
[…]
Voici, par conséquent, où nous en sommes au mois de mai 1943. A ce moment-là non
seulement les camps ont été obligé de se disperser, mais toute l’équipe de commandement
s’est trouvée recherchée.
C’est que le comité de « Combat » dont je vous ai parlé, il y a quelques instants, et qui
avait dans une assez large mesure, remédié à nos inconvénients d’ordre financier, avait été, lui
aussi, obligé de se disperser, et là j’ouvre une parenthèse. J’ouvre une parenthèse pour vous
dire comment nous avons pris contact avec ceux que nous appelons : « le comité de
Combat ».
152
Je vous ai indiqué comment avaient pris naissance les camps. Je vous ai indiqué
comment, dans les premiers moments, nous avons pu remédier à tous les inconvénients et
quel est l’appui financier que nous avons eu.
Il faut que je vous déclare maintenant qu’au moment où nous avons penser envoyer
dans le Vercors des hommes pour les soustraire au Service du Travail Obligatoire, au même
moment dis-je, d’autres hommes avaient songé faire du Vercors (il faut tout de même
employer les mots tels qu’ils sont) un pied à terre à l’intérieur des terres, une tête de pont à
l’intérieur des terres.
Des hommes qualifiés s’étaient rendus compte de la valeur stratégique de cette
enceinte fortifiée naturelle, car le Vercors est un plateau riche où l’on trouve à peu près tout,
où le ravitaillement est relativement facile. Ce plateau n’est pas mal desservi par plusieurs
routes et également bien protégé parce qu’il est entouré de montagnes abruptes avec des
falaises infranchissables. A ce moment-là, des hommes dont je n’ai pas à citer les noms, ici,
ce soir, parce que je n’ai pas pu à temps leur demander l’autorisation avaient pensé faire du
Vercors ce que je viens de vous dire, et c’est à ce moment-là que nous avons pris contact avec
eux.
[…]
Voici dans quelle situation nous nous trouvions. Alors qu’aidés par ces camarades,
financièrement, nous avons pu tenir pendant quelques mois, lors du désastre de Pont-de-Claix,
ce comité a été obligé de se volatiliser. Exactement pourquoi ? Nous n’en savons rien et nous
ne voulons même pas chercher à le savoir. Nous ne voulons pas chercher à le savoir parce que
tous ceux qui ont fait de la Résistance savent parfaitement bien quels étaient les engagements
que nous prenions et que nous devions tenir, savoir : « que nous ne pourrions pas en vouloir à
nos camarades, ou a un camarade, qui à la suite de tortures, aurait même donné le nom d’un
autre camarade ».
Voici pourquoi ces gens du « Comité de Combat » ont été obligés de se disperser, car
sans doute recherchés. Fort probablement, parce que, quelqu’un de nos camarde qui aurait été
pris, dans les tortures qu’il aurait subies, avait probablement lâché quelques noms. Mais ce
« Comité de Combat » en se dissolvant, nous enlevait tous les moyens financiers. Nous
n’avions plus de possibilité de travailler et c’est la raison pour laquelle « Jacques » dont je
n’ai pas encore parlé, Jacques a immédiatement pris la succession de Mathieu parce qu’alors
Mathieu est parti – les camarades le savent – et il faut bien que je retrace ce passage, à seule
fin qu’il n’y ait pas d’équivoque.
153
Avant que Mathieu ne soit pris, il m’avait écrit et c’est Germaine dont je parlerai tout à
l’heure, qui m’avait remis la lettre – et m’avait indiquer que je devais personnellement le
remplacer en tout et pour tout. Mais, devant les circonstances, devant l’impossibilité de
réaction, devant l’impossibilité de pouvoir faire vivre nos camps, « Jacques » a pris la sage
résolution de renvoyer dans les fermes, de renvoyer même chez eux, certains de nos
camarades, parce que nous n’avions pas la certitude absolue de pouvoir continuer à les
alimenter. Fort heureusement, les événements se sont déroulés d’une façon favorable. Nous
avons pu très rapidement reprendre contact avec des gens qui nous avaient aidés et nous avons
pu très rapidement réorganiser nos camps.
[…]
A ce moment-là, la situation financière s’avérait toujours difficile. Nous ne recevions à
nouveau plus rien, absolument rien. Le commandant Rouvier touchait de l’argent pour la
nourriture de ses camps, mais nous ne touchions absolument rien pour l’entretien de ce que
nous appelions nos « Compagnies Civiles ». Parce qu’en dehors des camps, nous avons fait
une énorme prospection dans toute la région qui entoure le Vercors. Nous étions dans les
granges, dans les loges à cochons, dans les écuries, faire des réunions publiques. Nous étions
allés pour prospecter, pour constituer nos compagnies civiles. Celles-ci étaient commandées
par un officier chaque fois que nous le pouvions. Il se révélait qu’il était nécessaire de donner
à ces hommes un entraînement intensif. Et nous avions fait des exercices de cadres. Nous
voulions faire et nous avons fait de l’entraînement sur le terrain, nous voulions faire et nous
avons fait du maniement d’armes. Mais pour cela, il fallait des hommes qui s’en occupent
constamment, d’où la nécessité de payer ces hommes. Impossibilité pour nous de le faire
puisque nous n’avions pas d’argent.
154
HISTORIQUE DU 1er CAMP DU VERCORS, LE C.1
Ce témoignage est consultable à la Bibliothèque Municipale de Lyon dans le fond Fernand
Rude.
Témoignage de M. Pierre BRUNET
Né le 17 novembre 1912
Chef de ce camp
Témoignage recueilli par A. VINCENT-BEAUME
COMMISSION D’HISTOIRE DE LA RESISTANCE, DROME
Fait prisonnier en 1940, j’étais en captivité dans la citadelle de Laon (Aisne). Je m’en
évadai en juin 1941 et revins chez moi à Pont-en-Royans.
Je revis souvent alors un de mes amis d’enfance, PUPIN, qui pendant 4 ans avait été
mon condisciple et mon voisin. En 1941, il tenait un café, rue du Polygone à Grenoble mais
venait souvent à Pont-en-Royans. Nous avions les mêmes sentiments vis-à-vis des occupants
et vis-à-vis des autorités vichyssoises. PUPIN m’appris que sous le nom de MATHIEU il était
un des dirigeants du mouvement Franc-Tireur dans l’Isère. Il m’incorpora dans son
mouvement en 1942, me fit connaître des camarades de ce mouvement dont le docteur
Jacques SAMUEL de Villard-de-Lans, de son frère Simon, de Victor HUILLIER, etc… Ils
me chargèrent dans la région de la distribution de journaux clandestins et de tracts.
Pendant l’été 1942, nous avons appris qu’à St-Jean-en-Royans, s’était constitué un
groupement de Résistants dépendant du Mouvement Combat, dont le chef était M.
MALOSSANE, Directeur d’Ecole.
Nous somme entrés en contact avec ce groupement et nous nous sommes promis de
nous aider mutuellement et de nous communiquer nos informations.
La propagande résistante se faisait sans prendre beaucoup de précaution dans cette
région favorable à nos idées. Mais dès le 1er novembre 1942 le mouvement fut obligé de
donner un coup de frein, des inspecteurs de la brigade spéciale d’Annecy étant venus enquêter
au sujet de menées antinationales et de diffusion de tracts.
Quelques jours après la zone sud de la France était occupée et le S.T.O. posa un grave
problème.
166
Nous tînmes à ce sujet de nombreuses réunions. La propagande de Londres conseillant
à ceux qui étaient désignés pour le S.T.O. de ne pas partir fut entendue, ainsi que celle que
nous faisions dans la région. De Grenoble, de Romans on nous signale de nombreux
réfractaires et on nous demande de les cacher.
On put en cacher quelques-uns dans les fermes, mais ce moyen était limité, d’autant
plus qu’en cette saison les réfractaires ne pouvaient rendre que très peu de services. Nous
pensions que là où nous pourrions en cacher beaucoup c’était dans les exploitations
forestières. Pour abattre les arbres, pour le transport, etc… il fallait un personnel nombreux,
difficile à contrôler parque dispersé dans les bois. D’autre part les réfractaires en faisant
preuve de bonne volonté pouvaient gagner leur subsistance. Sur le conseil de Jacques et de
PUPIN, je sollicitai un emploi de sous-directeur, à la Société forestière exploitant la forêt
d’Ambel.
Cette forêt appartenait à quatre propriétaires différents : Victor HUILLIER et
GLAUDAS de Villard-de-Lans, qui partageaient nos idées et étaient au courant de ce que
nous voulions faire et de GRANIER de Briançon et GUILLET de Grenoble, qui ignoraient
tout et qui d’ailleurs ne venaient jamais voir la forêt.
Je fut donc nommé sous-directeur de l’exploitation et chargé des questions matérielles
de nourriture et logement du personnel, comptabilité, embauche. Le directeur était chargé de
l’exploitation de la coupe. C’était un capitaine de réserve nommé BOURDEAUX. Au début
nous l’avons tenu à l’écart de nos agissements, nous nous sommes même méfiés de lui. Mais,
par la force des choses j’ai été obligé de le mettre au courant et il a accepté de participer à
notre travail de planquage.
Je me mis en relation avec des organisations officielles à Romans, à Valence, avec des
mairies, je me procurais des tampons et j’établis pour chaque réfractaire un jeu de papiers
parfaitement en règle. Pour le ravitaillement j’eus une entrevue avec M. MALOSSANE de StJean-en-Royans, chef du mouvement Combat. Je le mis au courant de nos projets, il parut
enchanté et immédiatement convoqua plusieurs de ses amis. Il leur demanda de se mettre à
notre disposition et de nous aider au maximum dans la mesure de leurs moyens. Il me
présenta à un boulanger, à un épicier, etc… À partir de ce moment, nous avons toujours
travaillé en collaboration intime avec le groupe Combat de St-Jean-en-Royans.
[…]
Pour rejoindre Ambel les réfractaires n’y venaient pas directement. Nous avions
organisé des filières que devaient suivre obligatoirement ceux, qui après une rapide enquête
de camarades bien placés à Grenoble, à St-Marcellin, à Romans, à Valence, etc… étaient
167
autorisés à rejoindre le Camp. Les filières aboutissaient chez Louis BRUN de Pont-enRoyans. Celui-ci, avec quelques amis, avait pour mission de nous les amener, après leur avoir
fait traverser la Bourne en barque en leur faisant emprunter des itinéraires compliqués
utilisant les sentiers et évitant les routes.
[…]
Je signale en passant que les autres chefs de camp du Vercors ont pu nourrir leur
personnel grâce à des indemnités journalières qu’ils touchaient pour leurs hommes et grâce
aussi à des services qui avaient été organisés pour l’ensemble des Camps. Personnellement je
n’ai jamais reçu d’argent du trésorier des camps, ni bénéficié des services du ravitaillement.
J’ai nourri mes hommes avec le prix de leur travail. Les fausses identités que je leur avais
fabriquées me permettaient d’ailleurs de me procurer beaucoup de choses régulièrement.
D’autre part le travail étant préférable à l’oisiveté le moral dans l’ensemble à été bon au C.1.
Avant de terminer cette question du ravitaillement je signale que je m’étais entendu
avec M. ROBINEAU de Grenoble qui avait un troupeau de bovins à Ambel. Il m’autorisait à
faire abattre des bêtes pour la nourriture de mon personnel lorsque je ne pouvais faire
autrement. C’est ainsi que j’ai eu la possibilité d’assurer le ravitaillement de mon personnel en
viande pendant la clandestinité et ensuite pendant l’affaire du Vercors.
168
TEMOIGNAGE DE PAUL BELMONT
Témoignage de Paul Belmont daté du 3 novembre 1976, consultable aux archives
départementales de l’Isère à la cote 57J36.
« Souvenirs d’un Français moyen dans le Vercors de 1940 à 1945 »
Nous arrivons à Villard-de-Lans en septembre 1940, après un long exode à travers la
France, bien décidés à ne plus bouger, quoi qu’il arrive.
Rapidement se constitue une équipe de chrétiens décidés de contribuer au
redressement de la France, selon leurs moyens. Le curé Paturle, de nombreux réfugiés
(certains sont célèbres aujourd’hui) le chef des chantiers de jeunesse, Nouvel, et ses adjoints.
Il existe de nombreux juifs sur le plateau. Certains sont très riches : ils ont des billets de
banque, de l’or, des pierres précieuses.
J’enseigne au cours St Louis, replié de Paris à Villard-de-Lans. On applique le
programme du Maréchal : travail, famille, patrie, salut aux couleurs chaque lundi. Il y a des
élèves dont les pères ont été tués au combat et qu’on charge de hisser les couleurs. Des visites
– le général Huntziger, ministre de la guerre, nous commente l’armistice, accepté « dans
l’horreur » et nous exhorte.
Un choc : Montoire. Longs commentaires dans Villard-de-Lans. Il est chrétien de se
sacrifier, mais quelle suite aura cette poignée de main ?
Les années 1941 et 1942 sont, semble-t-il, sans histoire. On essaie de vivre, de
manger… Je fonde mon collège en juillet 1941 et j’essaie de former une jeunesse valable pour
je ne sais quelle tâche. Les chantiers de jeunesse font de bon travail ; forêts, sentiers, etc.
Trois professeurs du collège et plusieurs élèves sont juifs, en général avec des noms
d’emprunt, des états-civils falsifiés, et même des certificats de baptême !
A partir de 1943, on commence à rencontrer dans les forêts et les alpages des figures
inattendues, certaines assez inquiétantes. Un de mes élèves de Première disparaît ; je préviens
la famille ; ce n’est pas une fugue, il est parti dans les bois, avec qui ? La famille ne peut pas
me renseigner.
Le général Marion, père de mon élève, préfet de Haute-Savoie, est assassiné à Annecy.
169
A une date que je ne puis préciser, de jeunes hommes, armés, entrent dans mon
bureau. « Nous sommes les Résistants. Etes-vous pour nous ou contre nous ? » Je n’ai pas de
peine à comprendre qu’ils veulent mon adhésion, peut-être même mon départ avec eux. Je
n’ai pas de peine à leur montrer que c’est impossible.
Le 6 juin 1944, je suis allé ramasser des fleurs dan la montagne ! En rentrant à Villardde-Lans je rencontre les motos pétaradantes, tout le pays en effervescence. Le débarquement
est commencé, c’est la libération. À partir de ce moment, c’est le va-et-vient, ce sont les
départs, les retours, beaucoup de têtes nouvelles. Un matin c’est la mobilisation générale.
Beaucoup acceptent de partir, d’autres sont entraînés sans bien le vouloir, quelques-uns
(rares) osent refuser. Je n’ai pas eu à me prononcer car on ne m’a rien demandé. J’aurais
refusé à cause de mes responsabilités (famille, collège).
170
LA RESISTANCE A MEAUDRE
« La Résistance à Méaudre », dans Le Pionnier du Vercors, n°99, mai 1999, p 14.
Dès juin 1942, Georges BUISSON et Léon VINCENT-MARTIN, entrent en contact
avec la Résistance par Jean GLAUDAS à Villard-de-Lans. Ils participent avec Mathieu
REPELLIN, Marcel ROCHAS (dit Tiotio) et SAVIOUX l’instituteur, à une réunion au
restaurant de Théo RACOUCHOT à Villard-de-Lans où se trouvent Jean GLAUDAS,
Edouard MASSON ? Marius CHARLIER le percepteur, Jo BEAUDOING, les frères
HUILLIER, Baptiste CONVERSO.
Fin 1942, CHARLIER cherche une « planque » pour les jeunes réfractaires. Léon VINCENTMARTIN lui propose d’utiliser la « Maison du Cru » (maison de l’accoucheuse Mme
REPELLIN-VILLARD) à Méaudre. CHARLIER effectue les démarches nécessaires et fin
mars 1943 l’occupation est effective par les réfractaires rejoints par cinq jeunes de Pont-enRoyans. C’est le début du Camp 3 (C3) qui un peu plus tard est mis en émoi par un groupe de
soldats italiens venus « en manœuvre » à Méaudre, et qui se dirige droit vers la « Maison du
Cru »… puis la dépasse en continuant plus loin sa manœuvre. Ouf ! Mais le 20 mai, une
troupe plus importante débarque sur la place de Méaudre. L’alerte fonctionne et le C3 déjà
replié sur la baraque des Feuilles se réfugie plus haut sur la baraque d’Achieux en direction de
Gros-Martel.
À la même époque le C5 venu du Rousset vient s’installer à Gros-Martel, commandé par le
lieutenant BILCKE (dit DUPUY), il est soutenu par l’intendance de Méaudre, le lieutenant
RUETTARD, commandant à la fois le C3 et le C5.
En novembre 1943 trois groupes civils se sont constitués à Méaudre :
1er groupe de : Georges BUISSON, Joseph REPELLIN, Raymond GAMOND, Paul
DURAND-POUDRET, Léon DURAND-POUDRET, Emile CHABERT, Joseph COING,
Fernand BUISSON, Pierre ROCHAS.
2ème groupe de : Léon VINCENT-MARTIN, Marcel FANJAS, Constantin RVIX, Paul
GRIAT, Marcel REPELLIN, Pierre RECOLLIN-BELLON, Gaston SUBLET, Déléon
GODARD.
171
3ème groupe de : Mathieu REPELLIN, Albert REPELLIN, Paul REPELLIN, Georges
THYBAUD,
Léon
REPELLIN,
Louis
GUSMINI,
Camille
ROCHAS,
Paul
WALPERSCHVYLER.
Ces groupes sont aidés par les deux secrétaires de Mairie, Valentine REPELLIN et MarieLouise DURAND-POUDRET et ils suivent l’instruction militaire donnée par le sergent
Georges BUISSON.
Ils ont assuré la garde de nuit dans les Gorges de la Bourne à la fin de l’année 1943.
Le 9 mars 44 le C5 perd quatre de ses membres fusillés par les Allemands à BeauregardBarret : le lieutenant RUETTARD, le lieutenant BILCKE (DUPUY), PRIANT (dit Fils), et
BROYER (dit Marco).
Le groupe-franc de Villard-de-Lans, crée par Jo BEAUDOING à été formé à Méaudre par
Georges RAGACHE, puis dirigé par Georges RAVINET. Il est composé de Jo
BEAUDOING, Georges RAGACHE, Georges PETITPAS (dit Gaston), Paul FUSTINOLI
(dit Charipe), Geneviève GAYET (dite Germaine) et Charlotte MAYAUD. Ce groupe-franc
est renforcé par des éléments du C5 et des groupes civils de Méaudre, a assuré le 25 janvier
1944 la sécurité de la très importante réunion des chefs de la Résistance de l’Isère,
dite « REUNION MONACO » qui s’est tenue chez Tiotio (Marcel ROCHAS et ses sœurs),
Hôtel de la Poste à Méaudre, pour constituer la COMITE DEPARTEMENTAL DE
LIBERATION NATIONALE et programmer la suite des actions axées sur la guérilla.
Le 26 mars 44, ce groupe-franc, au cours d’une intervention difficile où Georges RAVINET
fut gravement blessé, ramena de Saint-Nizier les corps d’Henri TARZE (Bob) et Jean BOCQ
(Jimmy) tués par les Allemands.
Lors de la fondation de l’Association Nationale des Pionniers par Eugène CHAVANT
(Clément) en 1944, les résistants de Méaudre y ont adhéré, formant ainsi la Section de
Méaudre.
En 1985, après la disparition de Georges BUISSON, les sections voisines et amies de
Méaudre et Autrans ont fusionné en une seule Section Autrans-Méaudre, pour mieux assurer
comme au temps de leur combat commun, leur solidarité et leur force dans le « devoir de
mémoire ».
(Renseignements recueillis auprès de Léon VINCENT-MARTIN par André ARNAUD et Jean
CONTAT).
172
LE PREMIER PARACHUTAGE. ARBOUNOUZE, NOVEMBRE 1943
« Le premier parachutage. Arbounouze 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°92, janvier
1996, pp.9-12.
[…]
Tout commence le 10 novembre, à 16 heures, quand la dite équipe, qui se trouve à Méaudre,
entend à la radio un message attendu depuis plusieurs lunes : « Nous allons visiter
Marrakech ». Rappelons la procédure : un premier message simple émit le matin annonce la
probabilité du parachutage pour la nuit suivante. Le message répété dans la journée selon la
formule « Je redis, etc. » confirme l’opération. Hélas, nos camarades n’ont pas capté le
premier message et n’ont donc pas pris les dispositions préparatoires. Alors, tout s’accélère.
Une course contre la montre commence pour Léon Martin, Georges Buisson et Ernest.
D’abord dénicher de l’essence (denrée rarissime en cette période de pénurie) pour
l’automobile qui doit les amener au pied du plateau. Ensuite, foncer sur St-Martin-en-Vercors
par la route heureusement sans neige. Là, ils prennent Roche qui les attend avec les sacs
d’herbe sèche et de brindilles destinées à allumer les feux de balisages. Puis c’est la marche
forcée dans la nuit vers la hauteur d’Arbounouze. Lorsqu’ils parviennent à la prairie, ils n’en
croient pas leurs oreilles. On entend un ronronnement lointain d’avions : les voilà ! A
quelques minutes près, le rendez-vous était manqué ! Tout se passe très vite. On court pour
baliser le terrain et allumer les feux. Les avions débouchent brusquement de la crête boisée,
par le sud, dans la clarté de la plaine lune, surprenant l’équipe encore sur le terrain et qui n’a
pas le temps d’émettre avec la lampe torche le signal convenu (un point, deux traits). Les
appareils volent si bas qu’instinctivement les hommes baissent la tête. Ils sont quatre qui se
succèdent en lâchant les containers dans le claquement soyeux des parachutes qui s’ouvrent.
Fort heureusement, aucun ne se met en torche comme cela se produira en d’autres occasions,
laissant choir leur charge comme une bombe. Déjà les avions ont disparu au nord. Le
ronflement des moteurs s’estompe peu à peu.
La prairie est maintenant parsemée de tâches sombres des containers et des flaques plus
claires des parachutes multicolores étalés. Nos hommes encore essoufflés n’ont plus, si j’ose
dire, qu’à rassembler la manne céleste dans un lieu plus discret et camoufler les parachutes en
attendant la relève. Cette tâche les occupe le restant de la nuit avec l’aide de quelques recrues
montées de Saint-Martin les rejoindre après coup. Le largage impeccable, à très basse altitude,
173
facilite le travail. Aucune charge n’est allée s’accrocher dans la forêt. La petite troupe prend le
chemin du retour, harassée, mais satisfaite de la mission accomplie. Le jour se lève.
[…]
174
A PROPOS DE « MONACO »
« A propos de Monaco », dans Le Pionnier du Vercors, n°76, septembre 1991.
Nous avons reçu, de notre camarade de Résistance Marie-Louise Buisson, le récit suivant qui
situe très bien l’atmosphère qui pouvait régner dans un petit village de montagne à l’époque
qui précéda les terribles événements de juillet 1944. En la remerciant très vivement pour sa
collaboration spontanée, nous souhaitons que d’autres témoins de l’époque nous écrivent au
sujet des actions qu’ils ont alors connues. C’est cela qui contribue à faire l’HISTOIRE.
J’ai pu constater à l’occasion de la cérémonie du 13 juin 1991 à Méaudre que, 47 ans après,
les souvenirs que je conserve de l’événement qui s’est déroulé dans cette localité, la réunion
« Monaco » sont toujours aussi vivants.
Pourquoi Méaudre ?
Après la disparition de plusieurs responsables en décembre 1943, Benoît (Léon Chevallet)
devait quitter Grenoble. Germaine nous contacta à Méaudre, Georges, Léon, Valentine et
moi-même afin de trouver une « planque » sûre. Il fut convenu que je demanderais conseil
mes parents pour la ferme Durand-Poudret, qui servait d’asile à trois kilomètres du village,
dans ce petit hameau à proximité de la forêt et du sentier conduisant au col de Pertuzon.
Mon père ne fut pas très chaud, mais lorsqu’ils se rencontrèrent, Benoît et lui, le courant
passa. C’est ainsi que Benoit vécu de décembre 1943 à mars 1944 dans notre famille. Il
s’entendait bien avec tout le monde, adorait ma mère. Cet hiver 43-44 fut très dur, il y eu
souvent de violentes tempêtes de neige. Mais en vrais montagnards, ils se virent très souvent
avec Chavant qui arrivait en début d’après-midi, s’isolait avec Benoit dans sa chambre pour
leur « travail ». Chavant restait durant la veillée pour de longues parties de tarot avec mes
frères : détente, éclats de rires, ils oubliaient un instant les soucis, les angoisses. Chavant
repartait à pied pour rejoindre l’hôtel de la poste, « Tiotio » où il logeait.
Cet hiver là, Benoit et lui se virent (presque journellement) soit au village,soit à la ferme.
C’est ainsi qu’ils décidèrent que « Monaco » pouvait avoir lieu en tout sécurité à Méaudre
avec la neige comme alliée.
Le 25 janvier 1944, en plein jour, le groupe civil Buisson avec l’appui du C.5 hivernant aux
« Feuilles » organisa la sécurité en amont (à la Croix Perrin) et en aval (aux Jarrands). Dans le
175
village, très discrètement, les gars du groupe civil veillaient. « Tiotio » lui-même, ainsi que
Léon, assuraient une garde vigilante à l’intérieur de l’hôtel, rien ne filtra à l’époque.
176
LEON CHEVALLET
« Souvenir », dans Le Dauphiné Libéré, ?
Souvenir
À l’initiative de la section des pionniers du Vercors de Méaudre, Autrans et Villard-de-Lans,
une plaque a été apposée sur la maison de Désiré Durand-Poudret. Celle-ci rappelle les
services rendus à la Résistance par la famille de Jules Durand-Poudret. Comme d’autres sur le
Vercors, cette famille a pris de gros risques à cette époque, notamment en hébergeant des
résistants.
Pour la famille Durand-Poudret, il s’agit entre autres de Léon Chevallet, alias Benoit, chef de
l’exécutif de la France combattante créée par le docteur Valois. Après avoir échappé de
justesse à l’arrestation qui devait coûter la vie du Dr Valois, à Bistesi, Doyen-Gosse, Pain,
Carrier et Perrault, il se réfugia à Méaudre où il remit sur pied un nouvel état-major.
Léon Vincent-Martin, au nom des pionniers, a rappelé ensuite le rôle important de la famille
Jules Durand-Poudret pendant cette période dramatique et ajouta ses remerciements à ceux de
M. le maire pour Jeanine et Désiré qui ont accepté que cette plaque du souvenir soit apposée
sur leur maison.
« Portrait Léon Chevallet », dans Le Pionnier du Vercors, ?
Dans les années 30, Léon Chevallet est gérant d’une coopérative d’alimentation à la cité
jardins Paul Mistral dans la banlieue ouest de Grenoble. Il est socialiste, mais en septembre
1939, au lendemain de l’interdiction du Parti Communiste, il aide les militants à « planquer »
le matériel de la fête du « Travailleur Alpin » en préparation au stade Bachelard tout proche,
avant l’intervention de la police.
Cela dénote en lui une énorme générosité et une absence totale de sectarisme. Mieux encore,
fin décembre 1940 et début 1941, il paiera de sa poche un grand avocat pour assumer la
défense de jeunes communistes du quartier traduits en correctionnelle pour activités antiVichystes. Il prit également à sa charge les frais d’obsèques de l’un des jeunes militants (Paul
Rolland) décédé à sa sortie de prison. Un tel caractère ne pouvait pas ne pas réagir à
177
l’armistice honteux conclu par Pétain, et lui, ancien combattant de 14/18 à 50 ans, il s’engage
de toutes ses forces dans la Résistance et camoufle son nom sous les pseudonymes de Benoit
ou Laroche, ou Bayard. Dès novembre, il tient les premières réunions avec le Dr Martin, Léon
Perrier, le Dr Valois.
En mai 1941, Léon Perrier est arrêté chez lui Place Jean Macé à Grenoble au cours d’une
réunion clandestine ; Chevallet s’échappe de justesse. Les contacts se précisent : on distribue
le journal « Vérité » en liaison avec Batistin (Combat), le colonel Henri et le doyen Gosse,
aux côtés d’André Dufour, Paul Monval et Roger il participe à la création du Front National
de la Résistance, dans l’Isère.
En novembre 1942 il contribue à récupérer les armes de l’armée d’armistice et les camoufle
tant chez lui que chez des amis. Dès l’envahissement de la zone sud l’organisation se précise :
Création de la France Combattante avec Chavant-Dufour-Weber-Coquat.
En juillet 1943 c’est l’organisation de l’AS avec Aubry. Les premiers de fin 42 s’équipent
péniblement au Plateau St Ange-Maleval- Vercors. Un comité exécutif de la France
combattante est créé avec le Dr Valois- PEL (FTP)- Chevallet (FN).
C’est sous l’instigation de ce comité exécutif que se feront tous les coups de main qui ont
rendu Grenoble célèbre dans la Résistance. Ce sera :
Nov 43- L’expédition du polygone et sa destruction partielle (Groupe NAL et Requet).
Le 2 décembre 1943- en liaison avec les Yougoslaves de la caserne de Bonne l’explosion à
jamais célèbre. Entre temps l’Etat Major de la Résistance est décapité par l’arrestation et la
mort ou la déportation du Dr Valois- Bitesi- Doyen Gosse- Pain- Carrier- Peraut. Chevallet y
échappe par miracle et se réfugie à La Tronche d’où il remet sur pied un nouvel Etat Major.
Complètement « grillé » à Grenoble il se rend au Vercors à Méaudre où se tient la fameuse
réunion « Monaco » (février 44) ayant pour but la mise sur pied de l’organisation du Comité
Départemental de Libération avec M. Chavant, capitaine de Reynies- commandant Le RayVernet- Sibellas- etc. Nommé responsable du Comité Départemental il fait jusqu’en avril 44
les liaisons nécessaires à Grenoble du Grésivaudan en Romanche. Il met sur pied l’évasion de
Bercier de Chaudesaigues (cantal) et la mène à bien le 4 avril 44.
Au retour, il récupère des armes à Beaurepaire. Enfin, le 5 mai 44, il prend son P.C. avec
Vauban à Laval puis Glapigneux. De ce P.C., adjoint de Vauban, il dirigera les actions qui
firent la gloire du Secteur VI- Grésivaudan et permirent la libération de la région sans aucune
aide alliée. Léon Chevallet( Benoit) pilier de la Résistance iséroise fut l’une des plus belles
figures de cette époque. Il mérite bien la place que lui ont accordée les initiateurs de
178
l’exposition « un village dans la ville », tant il aura marqué de sa personnalité la vie de la citéjardin Paul Mistral.
179
LA BOULANGERE
FEMME DANS LA RESISTANCE « la boulangère », dans Le Pionnier du Vercors, n°81,
décembre 1992.
Nous qui avons eu le privilège de la côtoyer, de l’apprécier, pour l’exemple, la modestie, le
courage, le calme apparent, dont elle a fait preuve pendant si longtemps, nous devons en
parler. C’est notre DEVOIR.
Veuve de la première guerre mondiale, elle avait pensé un moment que Munich sauverait la
PAIX, mais les premiers discours de Pétain ont éclairé bien des gens.
Un monsieur « haut placé », en vacances au village, essayait de lui expliquer que Pétain
faisait ce qu’il pouvait ; elle le conduisit devant le monument aux Morts de 14-18 : « Voyez la
liste, 152 noms, pourquoi sont-ils morts ? Si j’avais été Pétain, je me serais fait couper les
deux mains plutôt que de signer cette capitulation sans conditions ».
« Lorsque la Résistance nous a contacté, mon fils, la famille, nos employés, tous nous nous
sommes mis à la disposition de la Résistance ».
Ici, nous pourrions ouvrir un questionnaire, combien des camps 3 et 5 tous jeunes, pourraient
parler de la boulangère ? La liste serait très longue. Ils étaient accueillis, nourris, réconfortés,
accompagnés vers la sortie « de secours » du fournil, le jardin ensuite, puis le sentier
conduisant à la forêt.
L’accueil et le doux sourire de la boulangère aux cheveux blancs étaient inoubliables.
Par contre elle savait très bien jouer la comédie et jouer le change.
Un certain jour, elle fut confrontée à un contrôleur du ravitaillement général. Celui-ci voulait
à tout prix la persuader, lui expliquer qu’il lui manquait des tickets de ravitaillement pour
l’équivalence de dix balles de farine.
« Que voulez-vous que je vous dise ? J’ai collé tous vos tickets, je n’en ai oublié aucun et je
n’y comprends rien à votre système ». Elle s’énerva, se fâchant tout rouge. De guerre lasse, le
contrôleur sortit en secouant la tête et en pensant que cette femme était retombée dans
l’enfance et qu’elle ne comprendrait jamais rien. La boulangère respira profondément, rentra
dans sa cuisine, posa son fameux lorgnon et dans une explosion de joie : « Ouf, je l’ai bien
eu ». Comme toute maman, elle vécut l’occupation, les humiliations des occupants, la peur, le
manque de nouvelles de son fils.
180
La boulangère, vous l’avez compris était la maman de Léon Martin, résistant de la première
heure, et si nos amis des camps 3 et 5 eurent du pain, ce fut grâce à la petite boulangère de
Méaudre.
Rendons hommage à Léon Martin, discret, efficace, toujours sur la brèche, se donnant à fond
pour être plus tard, beaucoup critiqué.
Notre boulangère est partie à 80 ans, discrètement, sans honneur, sans décoration, et repose
dans le cimetière de Saint-Egrève, village où elle est née.
Nous qui avons eu le privilège, à l’époque d’être un peu ses enfants, nous ne l’oublierons
jamais.
C’était une grande Dame, notre boulangère.
Germaine et Marie-Louise.
181
AUTRANS DANS LA CLANDESTINITE
« Autrans dans la clandestinité », dans Le Pionnier du Vercors, n°55, juillet 1986, pp.19-21.
Après la libération, un document établi par les résistants d’Autrans, qui résumait
l’action du groupe de cette commune depuis la fin de 1942 jusqu’au mois d’août 1944. Ce
document était déposé à la mairie d’Autrans le 10 février 1945 et nous en donnons ci-dessous
la teneur complète et littérale.
Nous avons demandé à Robert Sechi (Roméo) qui commanda à l’époque le camp C.3,
d’apporter à ce texte les compléments, précisions et observations qu’il jugerait utiles. Nous
les avons portés en renvois.
Vie de la section d’Autrans dans la clandestinité
En novembre 1942, un sous-officier de réserve est présenté pour former un groupe
« Franc-Tireur ». Aussitôt il se met à l’œuvre, rassemble quelques camarades sûrs et
éprouvés, dont beaucoup ont reçu le baptême du feu. La liaison est assurée par Jacques. Petit à
petit, le groupe grossit et compte quinze camarades. Notre rôle se borne à quelques petits
coups de main et surveillance. Arrive le S.T.O. Quelques citadins arrivent dans le pays pour
se soustraire à la déportation, nous les dirigeons sur le maquis en formation. Par la suite, des
jeunes gens du pays sont astreints au travail obligatoire. Nous organisons un maquis dans les
bois et tous ces jeunes grossissent notre formation locale.
En mars 1943, nous cachons pendant quelques jours le chef Mathieu traqué par les Italiens.
En mai 1943, les Italiens font une opération sur le plateau. La liaison est perdue quelque
temps, mais Germaine rétablit le contact entre les groupes.
Le camp C.3, le plus ancien des maquis du Vercors, s’établit à Autrans pendant toute l’année
1943. Notre groupe leur apporte, ainsi qu’au camp de Sornin commandé par le lieutenant
Raoul une aide précieuse. Les transports, fournitures diverses et services sanitaires sont mis à
leur disposition.
En novembre 1943, le lieutenant Ruettard, du 153e RIA, très connu et estimé dans le pays,
prend le commandement des camps pour la zone nord et devient d’un précieux appui pour
notre groupe.
182
En janvier 1944, un sergent-chef prend le commandement du groupe. Nous faisons 35km à
skis pour nous approvisionner en armes et munitions encore bien réduites : grenades,
mitraillettes, mortier.
Un nouveau camp, le C.1, s’installe dans le pays. Nos camarades se font un plaisir de leur
monter le ravitaillement.
Au début mars, on nous signale une opération imminente contre le Vercors. Les armes sont
mises en sécurité, les camps étant obligés de se disperser. Notre groupe nettoie les baraques
des maquisards, camoufle leur matériel. Nos réfractaires se dispersent, beaucoup se réfugient
dans la plaine.
[…] En avril 1944, nous attendons notre premier parachutage. Le temps est mauvais, le
plafond bas, les avions ne viennent pas. A quelque temps de là, nous recevons le message. La
nuit est superbe, la lune illumine notre terrain d’atterrissage, les containers nous arrivent par
dizaines. Cette fois-ci, nous serons armés.
Nous étudions le maniement des armes anglaises et pour cela, nous faisons appel à l’adjudantchef en retraite Esch, père de cinq enfants, pour l’instruction des jeunes du groupe. Celui-ci
commandera notre section aux combats de Saint-Nizier.
Le groupe se transforme en section : trois groupes sont formés, chacun possédant un fusilmitrailleur. L’instruction se poursuit sur le terrain : exercices de combats, tir au fusil et au
fusil-mitrailleur. Les parachutages d’armes se poursuivent.
[…] Le 13 juillet, tous les jeunes des classes 1940, 41, 42, 43 et 44 habitant la commune et ne
faisant pas partie de l’équipe civile reçurent un ordre de mobilisation et tous rejoignirent les
forces de résistance, soit 32 jeunes.
183
LA VIE DU C.3 A CARTEAUX. ETE 1943
« La vie du C.3 à Carteaux. Eté 1943 », dans Le Pionnier du Vercors, n°91, octobre 1994,
pp.25-27.
[…]
Lorsque je rejoins donc le C.3 en ce début de juillet 1943, le camp y est installé depuis a mijuin et un gros travail est déjà fait. Les fondations de la bergerie effondrée ont été
reconstituées pierre par pierre, un toit confectionné à l’aide de sapins coupés dans la forêt et
des couchettes aménagées pour une quarantaine de personnes. Les principaux artisans en sont
notre maître charpentier Charlot, les Pontois Ploc et Titou. Cependant, s’il est vrai qu’un toit
représente le minimum de confort requis, la nourriture, elle, s’impose comme une nécessité
vitale, c’est pourquoi le ravitaillement est organisé activement. Ce n’est pas une mince affaire
de nourrir trente hommes en période de pénurie, sans tickets d’alimentation et sur une région
où quatre camps ont la même nécessité. Une intendance clandestine est mise en place grâce
aux précieuses complicités mises sans lesquelles aucun maquis n’aurait pu survivre. Ces
complicités, c’est la filière grenobloise avec Bob et Odette, qui nous procurent des tickets
d’alimentation avec risques et périls, et qui autorisent quelques achats réguliers acheminés de
temps à autre de Grenoble par un transporteur résistant ; ce sont certains fermiers à qui nous
achetons une vache quand nos moyens le permettent ainsi que du lait, du pain, du blé
concassé. Les ressources financières sont réduites aux modestes subsides attribués à chaque
camps par l’organisation de la Résistance Vercors. Grâce à quoi, nos cuistots improvisés
Marcel, Fend la Bise et Bob réussissent à remplir tant bien que mal les estomacs du C.3.
Sully, responsable du ravitaillement connaîtra bientôt chaque pierre des sentiers sillonnés sac
au dos par d’incessants voyages, en quête d’approvisionnement. Au mois d’août, la cueillette
des framboises sous le pas de la Clé ou le pas de Brochier et, plus tard, les champignons
complèteront l’ordinaire.
Cependant, une place particulière doit être attribuée à l’événement que constitue l’abattage
d’une vache au camp, prélude à plusieurs repas copieux. Cette vache, achetée à Autrans ou à
Méaudre, il faut d’abord aller la chercher et la ramener discrètement à la faveur de la nuit à
travers les bois. Il convient ensuite de l’abattre sur place et la dépecer avec l’aide de Dédé
Arnaud, le fils du boucher d’Autrans, grâce à qui l’anatomie de l’animal et la classification
des morceaux n’ont plus de secrets pour nous. Ainsi, Marcel deviendra-t-il l’apprenti boucher,
184
délégué à cette fonction en l’absence du professionnel. Pour la consommation, le rituel est
inchangé. On commence à manger la « sanguette » qui ne se conserve pas. On a droit les jours
suivant aux beefsteacks, puis viennent les bas morceaux en ragoût, pour finir ensuite par les
tripes, tétines et autres abats. Ce décrescendo savamment dosé conduit à un point final : les os
dans la soupe qui font la joie des « crevards », récurant les miettes de viande rescapées du
dépeçage. Ainsi, rien n’est perdu en cette période de disette, pas même la graisse du ragoût
figée dans nos gamelles, ce qui ne va pas sans quelques inconvénients de santé.
Avant d’en arriver là, il aura fallu convoyer la précieuse vache jusqu’au camp. C’est ainsi que
le tour arrive pour mon compagnon et moi d’aller en chercher une à Méaudre, chez Georges
Buisson. Nous en prenons discrètement livraison de nuit, comme il se doit. Et nous voilà
partis tous trois, direction les Carteaux en longeant la forêt à l’écart des habitations. Cahincaha, nous réglons notre pas sur l’exaspérante lenteur de l’animal. A ce rythme, le chemin
nous paraît interminable dans l’obscurité, au point que par moments nous nous surprenons à
somnoler contre le flanc de la vache. Fatigue ou difficulté du terrain, il faudra sur la fin tirer et
pousser notre compagne pour arriver à bon port.
[…]
185
LES RELATIONS DU C.3 AVEC AUTRANS
« Les relations du C.3 avec Autrans », dans Le Pionnier du Vercors, n°93, juillet 1996, pp.1315.
Endurcis sans doute par les conditions d’existence, la santé dans l’ensemble est satisfaisante.
Les quelques cas sérieux seront soignés à l’infirmerie de fortune installée chez le docteur
Chauve, dans une pièce discrète. […]
Désigné, en quelques occasions au rôle d’infirmier, je ferais, au cours de cet hiver, plusieurs
incursions au village. Cette mission Croix-Rouge ne va pas sans avantage. Outre le
dépaysement d’un bref séjour en terre habitée, il me procure le plaisir de goûter au gratin de
pommes de terre à la crème de Mme Bernard souvent pourvoyeuse de repas aux hospitalisés.
Quel suprême délice en ces temps de disette, sauf le respect dû à nos valeureux cuistots. […]
Nous ne soulignerons jamais assez le soutien apporté au maquis par cette population du
Vercors. Ravitaillement, surveillance des routes, soins aux malades, comment cela pourrait-il
se réaliser sans la complicité tacite ou active de la population. Le C.3, quant à lui, est le plus
fréquemment en relation avec l’hôtel Barnier, où la sollicitude de Mme Barnier pour les
jeunes du C.3 est appréciée, avec Mme Bernard et Jeannette autre maison hospitalière, avec
les docteurs Chauve et Féret et Mme Arnaud l’accoucheuse et d’autres encore, sans compter
l’équipe civile d’Autrans qui fait partie intégrante de l’organisation Vercors. Seuls les
camarades en service commandé se manifestent discrètement dans le village. Nos deux
ravitailleurs Sully et Guy sont souvent amenés à fréquenter le village, aussi sont-ils les plus
connus des Autranais. La stricte discipline imposée par le chef Robert en ce qui concerne les
déplacements hors du camp contribue aux bons rapports que le maquis entretient avec la
population.
186
LE PERCEPTEUR DE VILLARD-DE-LANS MARIUS CHARLIER,
SURVEILLE PAR LES AUTORITES
Vichy le 22 juin 1943, lettre du Secrétariat d’Etat à l’Intérieur, du Cabinet du
Conseiller d’Etat secrétaire général à la Police, adressée au préfet régional de Lyon.
« Monsieur le Préfet, d’après des renseignements qui me sont parvenus, le percepteur de
Villard-de-Lans serait, avec l’un des bouchers de cette commune, l’organisateur des
mouvements de Résistance. Il s’occuperait, en particulier, de faire filer dans la montagne des
jeunes gens de la classe 42 appelés par le Service du Travail Obligatoire. Je vous serai très
obligé de vouloir bien faire procéder à une enquête et, le cas échéant, prendre toute mesure
pour mettre ces individus dans l’impossibilité de continuer leurs agissements ».
Archives départementales de l’Isère, 13R960.
Grenoble le 1er juillet 1943, lettre du capitaine du 7e groupe de contrôle et de liaison de
la Commission Italienne d’armistice avec la France au Commandant Chagnard, chef
du Détachement français de liaison.
« Le commandement supérieur, auquel nous avons transmis la demande du Préfet de l’Isère,
adressée par vous, relativement à la situation de Monsieur Charlier à Villard-de-Lans, informe
que tout en tenant compte de ce qui nous a été exposé, il n’est pas possible de prendre aucune
mesure de ménagement à son égard, étant donné qu’il est compromis dans l’organisation des
Francs-tireurs. Signé : Capitaine BANDINI ».
Archives départementales de l’Isère, 13R960.
Le 6 juillet 1943, lettre du Préfet de l’Isère au Préfet régional de Lyon
« J’ai l’honneur de vous faire connaître que ce sont les autorités italiennes d’opération qui ont
procédé à l’arrestation de M. CHARLIER, le Percepteur en question, grand mutilé de la
guerre de 1914-1918. Je ne possède, en ce qui me concerne, aucun renseignement précis sur
l’activité de ce fonctionnaire. Les autorités italiennes, auprès desquelles j’étais intervenu,
m’ont informé que M. CHARLIER était « compromis dans l’organisation des Francstireurs ».
Archives départementales de l’Isère, 13R960.
187
DES TRACTS SUR LE PLATEAU
1. UN TRACT ANTI MILICE A VILLARD-DE-LANS
Archives départementales de l’Isère, 13R933.
GENDARMERIE NATIONALE, Compagnie de l’Isère, Section de Grenoble, Brigade de
Villard-de-Lans, n°969 du 12 décembre 1943
Procès-verbal de Renseignements sur la découverte de tracts anti-Gouvernementaux dans une
rue de Villard-de-Lans.
« Cejourd’hui, douze décembre mille neuf cent quarante trois à neuf heures, Nous, soussignés
[X] et [Y], gendarmes à la résidence de Villard-de-Lans, département de l’Isère, revêtus de
notre uniforme et conformément aux ordres de nos Chefs, rapportons ce qui suit : Le 11
décembre, étant à notre caserne, s’y est présenté M. [Z], électricien à Villard-de-Lans, qui
nous a remis 7 tracts anti-gouvernementaux, trouvés par lui, le 10 décembre 1943, rue de la
République à Villard-de-Lans. Le titre de ces tracts est le suivant : IL FAUT EN FINIR
AVEC LES ASSASSINS ET PROVOCATEURS DE LA MILICE. Au jour et à l’heure,
portés en tête du présent procédant à une enquête, nous avons reçu les déclarations suivantes :
1° de Monsieur [Z], « le 10 décembre, vers 20 heures 30’, je passais devant le bureau des cars
Huillier, rue de la République à Villard-de-Lans, lorsque j’ai aperçu à terre, plusieurs feuilles
de papier, dont un seul côté était imprimé. En ayant lu un, j’ai constaté qu’il s’agissait d’un
tract anti-gouvernemental. J’ai aussitôt ramassé les autres tracts qui se trouvaient sur la route
et sur une distance de 20 mètres, pour vous les remettre. Vers 20 heures 30’ le car de
Grenoble arrive et en raison de l’affluence, je n’ai remarqué aucune personne qui les jetait. Je
ne pense pas que d’autre personne en ont ramassé ». Lecture faite, persiste et signe.
2° de Mademoiselle HUILLIER, Fernande, 24 ans, secrétaire de l’entreprise de transport
Huillier de Villard-de-Lans, rue de la République. « J’ignorais que des tracts antigouvernementaux avaient été découverts dans la rue et à proximité de notre bureau, le 10
décembre 1943 vers 20 heures 30’. Bien que me tenant toujours au bureau à cette heure là, je
n’ai pour ma part rien remarqué d’anormal et je ne puis vous fournir aucun renseignement sur
l’identité de la personne ayant jeté ces tracts ». Lecture faite, persiste et signe.
Malgré les recherches effectuées, aucune autre personne des environs n’a pu fournir le
moindre renseignement, sur cette découverte de tracts. Il paraît vraisemblable, que ces tracts
188
ont été apportés par les individus inconnus, ayant fait sauter à l’aide de bombes une partie de
la scierie [XX] dans la nuit du 10 au 11 décembre 1943 ; (P.V. n°967 de notre brigade en date
du 11 décembre 1943). Nous joignons un tract par expédition du présent, le surplus sera joint
à l’expédition de Mr. le Procureur. Cinq expéditions, destinées ; la 1ère à Mr. le Préfet de
l’Isère ; la 2e à Mr. le Procureur de l’Etat Français de Grenoble ; la 3e à Mr. le Commissaire
Divisionnaire, Chef du Service Régional de la Police de Sûreté à Lyon ; la 4e à Mr. le Chef
d’Escadron Commandant la Compagnie de Gendarmerie de l’Isère ; la 5e à nos Chefs. Fait et
clos à Villard-de-Lans, les jours, mois et an que dessus.
2. UN TRACT ENCOURAGEANT A LA DESERTION CHEZ LE GROUPEMENT 11
DES CHANTIERS DE JEUNESSE
Archives départementales de l’Isère, 13R933.
GENDARMERIE NATIONALE, Compagnie de l’Isère, Section de Grenoble, Brigade de
Villard-de-Lans, n°426 du 5 novembre 1942.
PROCES-VERBAL de renseignements sur la découverte de tracts antinationnaux transmis
par la voie postale au Groupement de Jeunesse n°11 à Villard-de-Lans (Isère).
« Cejourd’hui, cinq novembre, mil neuf cent quarante deux à dix heures. Nous, soussigné,
[XY], gendarme à la résidence de Villard-de-Lans, département de l’Isère, revêtus de notre
uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, à notre caserne avons reçu de : Monsieur
[XZ], 36 ans, Commissaire Adjoint au Chef du Groupement de Jeunesse n°11 à Villard-deLans (Isère), la déclaration suivante : « le courrier reçu au Groupement le 4 novembre 1942
contenait des plis dont ci-joints les spécimens. L’Assistant [YY] faisant fonction de
Commandant du 4e groupe se trouvait au bureau du vaguemestre, à l’arrivée du courrier. On
lui remis [sic] le pli destiné au 4e groupe. Après avoir pris [sic] connaissance, il a prescrit au
vaguemestre d’arrêter les plis semblables et me rendit compte immédiatement. Les plis
semblables au nombre de huit ont été saisis par moi ». Lecture faite, persiste et signe.
Monsieur [XZ] nous a rendu cinq enveloppes contenant chacune deux tracts : ALERTE
JEUNES DES CHANTIERS ON VOUS LIVRE A L’ALLEMAGNE et signés : LE COMITE
POPULAIRE DE RESISTANCE AUX DEPORTATIONS.
Effectuant une enquête nous entendons : Monsieur [ZZ], 22 ans, Comis-Vaguemestre au
Groupement de la Jeunesse à Villard-de-Lans (Isère), qui déclare : « hier, 4 novembre 1942 à
la distribution du courrier j’ai remis différentes lettres au Chef du 4e Groupe. Ayant remarqué
une lettre adressée à son secrétaire, mais non personnelle, il l’a ouverte et il s’y trouvait deux
189
tracts gaullistes. Immédiatement il m’a fait retirer des différents paquets les lettres destinées à
tous les secrétaires de Groupe et il les a remises au Chef [XZ]. J’ignore de quelle façon ces
lettres ont été remises ». Lecture faite, persiste et signe.
ALERTE
JEUNES DES CHANTIERS, ON VOUS LIVRE A L’ALLEMAGNE :
Vous venez de finir votre stage de chantier. Avec quelle joie impatiente, vous attendiez le
retour au milieu des vôtres. À la place du retour au foyer, on prolonge votre séjour aux
Chantiers. On vient de vous dire que vous allez partir pour la Z.O. On vous dit également que
vos cartes d’alimentation ne vous seront plus rendues. Jeune : Tu as déjà compris de quoi il
s’agit ! ON VEUT TE LIVRER AUX BOCHES ! On veut te faire travailler pour la machine
de guerre allemande. Mais on essaie de te cacher cela ! Sais-tu pourquoi on te ment ? C’est
parce qu’on connaît ta haine de l’ennemi. Parce qu’on sait que tu es prêt à tout pour assurer la
défaite de l’envahisseur. C’est pourquoi on te ment en te disant que tu vas travailler dans la
Z.O. Sais-tu encore pourquoi on ne te dis (sic) pas qu’on t’envoie en Bochie ? C’est parce que
dans toute la France les ouvriers et les cheminots ont répondu aux mesures de déportations par
une résistance farouche. Métallos et cheminots de Lyon, de Grenoble, de Montpellier, StEtienne, Marseille et des héroïques villes de la Z.O. ont répondu par des grèves massives et la
fuite soit à la campagne, soit chez des amis ou connaissances, aux tentatives faites pour les
envoyer en Bochie. Toi aussi Métallo, Electricien, Ouvrier, qui vient de terminer ton stage
aux chantiers, tu refuseras par tous les moyens et par toutes les ruses de travailler pour notre
éternel ennemi « le boche ». Jeune des chantiers, ton courage doit être égal au courage des
milliers de Français qui font leur devoir patriotique ! Ton courage doit être égal au courage
des combattants d’Angleterre, des Etats-Unis, de l’Union Soviétique qui sur les champs de
bataille versent leur sang pour l’indépendance de leur pays et pour l’indépendance de notre
chère France ! Jeune plein de générosité ! En refusant de partir en Bochie tu hâtes le retour de
nos chers prisonniers. Le Boche ne laisse actuellement revenir en France que des éclopés et
des malades qui ne peuvent être d’aucun (sic) aide pour leur machine de guerre. Mais si toi,
Jeune, tu suis l’exemple donné par des milliers d’ouvriers Français qui refusent d’aider
l’Allemagne très affaiblie par ses pertes sanglantes sur l’invincible Front russe, tu auras
contribué à hâter la défaite de l’Allemagne et tu auras ainsi contribué à délivrer rapidement
nos chers prisonniers. JEUNE DES CHANTIERS NE PARS PAS EN ALLEMAGNE ! Main
dans la main avec tes camarades décide la résistance. Il n’y a pas une porte française qui
refusera de s’ouvrir pour t’abriter si tu dis que tu fuis le bagne boche. Il n’y a pas un Français
190
qui refusera de te tendre une main secourable si tu lui dis que tu accomplis ton devoir
patriotique. C’est en France que tu veux vivre, c’est pour la France que tu veux travailler,
c’est la France que tu veux délivrer. VIVE LA RESISTANCE DE TOUS LES FRANÇAIS !
VIVE LA FRANCE LIBRE ET INDEPENDANTE QUE TOI JEUNE TU VEUX FORGER !
« Le Comité Populaire De Résistance Aux Déportations ».
191
LE GROUPE-FRANC
Liste de délits commis dans le Vercors qui pourraient lui être attribués
Le 24 novembre 1943 à une heure, 10 individus armés de mitraillettes et de revolvers
ont fait irruption dans la ferme de M. [XY.], sujet italien résident au hameau de la ville
Vieille à VILLARD-de-LANS.
Après avoir réduit à l’impuissance M. [XY.], sa femme et son fils, ils ont tué et
emporté six porcs dont un de 300kgrs. Ils ont fouillé la maison entièrement. Les
intéressés sont âgés de 30 à 35 ans et le chef serait italien. Ils ont interdit à M. [XY.]
de porter plainte à la Gendarmerie sous peine de mort. Il s’agit très probablement
d’une bande provenant de l’armée dissoute tenant le maquis du Vercors.
Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374.
Le 11 décembre 1943, entre 4h30 et 5 heures, 5 bombes ont explosé à la scierie [X.], à
Villard-de-Lans. L’incendie fait rage.
Le 11 décembre, à 4h30, 6 ou 7 individus masqués et armés de mitraillettes et de
gourdins ont placé 7 bombes à la scierie [X.], à Villard-de-Lans, après avoir fait sortir
de leur maison proche de la scierie les ouvriers qu’ils ont tenus en respect avec leurs
armes.
L’explosion de 5 bombes a détruit 5 scies et une turbine et provoqué un
commencement d’incendie rapidement circonscrit. Une sixième bombe n’a occasionné
aucun dégât. La septième constitués (sic) par une boite de conserve (sic) pleine de
cheddite n’a pas éclaté. La scierie qui occupaient (sic) 20 ouvriers travaillait pour les
troupes d’occupation. Pas de chômage envisagé. 800 000 à 1 million de dégâts.
Auteurs inconnus. Pas de signalement.
Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374.
Le 9 janvier 1944, à 21 heures, une attaque à main armée a eu lieu, chez Mme [Y.],
ressortissante américaine, par 5 individus armés de mitraillettes. Pendant que les un
(sic) interdisaient aux personnes habitant l’immeuble de sortir, les autres fouillaient
l’appartement de l’américaine. Ils ont dérobé tous ses bijoux d’une valeur
approximative de « un million ». Ils ont obligé cette femme à monter dans leur voiture
192
et l’ont emmenée à environ 1km de VILLARD-de-LANS, au lieu dit « FOND
NOIR ». A cet endroit, ils l’ont déchargée et lui ont rendu sa liberté. Des 5 individus
aucun signalement n’a pu être obtenu sur eux. Ils montaient une voiture Citroën,
traction-avant.
Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374.
Le 17 janvier 1944 vers 21 heures 45’, à VILLARD-de-Lans, 20 ou 25 individus
armés de mitraillettes se sont présentés chez M. [Z.], garagiste à VILLARD-de-LANS
et l’ont obligé à lui remettre toute l’essence qu’il possédait soit 225 litres. Ces
individus ont détérioré le téléphone en détachant l’appareil combiné afin d’empêcher,
de prévenir la Gendarmerie. Ils ont chargé l’essence sur un camion qui stationnait
devant le garage et ont pris la fuite après avoir payé le garagiste de la valeur de
l’essence. Direction prise inconnue. Aucun signalement n’a pu être donné.
Archives départementales de l’Isère, comptes-rendus quotidiens de gendarmerie, 52M374.
9 avril 1944, à Méaudre, Agression contre M. [XZ]. Les malfaiteurs voulaient se faire
remettre une somme de 19500 Frs.
Archives départementales de l’Isère, listes des attentats commis dans le département envoyées
par le cabinet du préfet au secrétariat général de police et au cabinet du préfet régional ; AD
38, 13R946.
14 avril 1944, Villard-de-Lans, attentat contre une botteleuse appartenant à M. [ZZ],
dégâts 100 000 Frs et botteleuse hors d’usage, M. [ZZ] travaillait pour le
ravitaillement Général.
Archives départementales de l’Isère, listes des attentats commis dans le département envoyées
par le cabinet du préfet au secrétariat général de police et au cabinet du préfet régional ; AD
38, 13R946.
Le 17 mai 1944 à 21 heures, 4 individus armés et montés dans une voiture, ont attaqué
une camionnette de messagerie appartenant à M. HUILLIER, de VILLARD-DELANS (Isère), sur la route nationale n°53, entre les hameaux de Bouilly et des
Eymards, territoire de la commune de Lans, canton de Villard-de-Lans (Isère). Ils ont
dérobé du sucre, des pâtes, du rhum, destinés à des personnes de Villard-de-Lans.
Archives départementales de l’Isère, 52M440.
193
Le 17 mai 1944 vers 23 heures, 8 individus armés se sont rendu chez M. [XX.], laitier
fromager à VILLARD-DE-LANS, canton du dit (Isère). Ils se sont fait remettre
250kgs de beurre, 650kgs de fromage bleu qu’ils ont chargé sur une camionnette.
Préjudice causé : 32 000Frs.
Archives départementales de l’Isère, 52M440.
Le 19 mai 1944 à 15h30, sur le territoire de la commune d’AUTRANS (Isère), 3
individus armés et masqués, ont obligé le conducteur du car de l’Entreprise Huillier à
stopper. Pendant que l’un d’eux gardait sous la menace de son arme, les deux autres
ont emmené une caisse de 60kgs de cuivre et métaux non-ferreux, qui devait être
transporté à Grenoble, au titre de l’impôt-métal. Direction prise inconnue.
Archives départementales de l’Isère, 52M440.
194
LA MILICE A VASSIEUX
Retranscription des affiches placardées dans Vassieux lors du passage de la Milice en avril
1944.
Modèle retrouvé dans Joseph La Picirella, Le martyre de Vassieux-en-Vercors, auto-édition,
Lyon, 1994, 150p.
MILICE FRANCAISE
VASSIEUX LE 18 AVRIL 1944
Troupes d’opérations :
AVIS A LA POPULATION URBAINE ET RURALE
Tous les habitants de la commune de VASSIEUX-EN-VERCORS sont avisés que :
1°) Ils doivent avant demain matin 11 heures signaler au Bureau de la Milice (Hôtel Allard)
les dépôts d’armes qui ont été constitués par les ennemis du Pays.
2°) Des recherches seront effectuées par les troupes de la Milice pour trouver tous les dépôts
d’armes.
3°) Tout dépôt non signalé et se trouvant à proximité d’une ferme entraînera les sanctions
suivantes :
1. Arrestation des hommes comme otages
2. Saisie du bétail et du matériel
3. Incendie des bâtiments de la ferme
Je fais appel à vos cœurs de Français pour nous permettre de réduire cette armée. Je tiens à
vous dire que les gens de la Milice ne sont pas des barbares comme le dit la radio anglaise ;
mais qu’ils sont des Français ; qui tous ont fait le don de leur personne pour la France et le
Maréchal.
Habitants du Vercors vous avez été trompés et terrorisés, nous sommes là pour vous protéger
et non pour vous brutaliser.
Le Chef : Dagostini
Chevalier de la Légion d’Honneur_ 9 citations
Commandant de la Milice Française.
195
INDEX
d’Agostini (chef) : p.86, 87
Archimbaud (Léon) : p.25
Arnaud (Dédé) : p.45
M. Barnier : p.38
Bayle de Jesse (Rémy) : p.48, 58, 89
Beaudoing (Clément) : p.29, 37
Bec : p.33
Belmont (Paul) : p.64
Berger (Ernest) : p.22
Berthet (Constant) : p.34, 36
M. Berthézène : p.25
Blache (Jules) : p.24
Blanc (Amédé): p.36
Blanchard (Raoul) : p.6, 24
M. Bobrowski : p.21
M. Bouchier : p.35
M. Bourdeau : p.34
Brun (Louis) : p.34, 40
Brunet (Pierre) : p.33, 34
Buisson (Georges) : p.37, 38
Chanal (Michel) : p.85
Charlier (Marlius) : p.29, 37, 38, 83, 84, 89
Chauve (docteur) : p.48
Chavant (Eugène alias « Clément ») : p.30, 46, 49, 61, 69, 77, 78
Chevallet (Léon) : p.44
Chevallier (Denis): p.6, 7
Clergé (Georges) : p.36
M. Collomb: p.23
Converso (Baptiste) : p.29, 47, 48
Dalloz (Pierre) : p.34, 82, 84
Darnand (Joseph) : p.85
De la Porte du Theil (général) : p.83
Delestraint (général alias « Vidal ») : p.36, 49
Descours (général) : p.61
Deshières : p.30
Didkowski (préfet de l’Isère) : p.83
M. Doucin : p.33
Dreyfus (Paul): p.1, 62, 67
Dumas (Marcel) : p.29, 47, 48
Dupont (P.) : p.34
Durand-Poudret : p.44, 89
Farges (Yves) : p.34
Ferrand (Henri) : p.24
Ferro (Marc) : p.67
Ferroul (J.) : p.34
Gabert (Michèle) : p.28
M. Garcin : p.80
225
Gayet (Geneviève alias « Germaine ») : p.44, 69
Gernez (Raymond) : p.29, 30
Glaudas (André) : p.33
Glaudas (Jean) : p.29, 37, 44, 68
M. Godlewski : p.21
M. Gravier : p.33
M. Guillet : p.33
Hardy (capitaine) : p.63
Huillier (cars) : p.32, 37, 46
Huillier (Emile) : p.29, 32,37
Huillier (Paul) : p.29, 32, 37
Huillier (Victor) : p.29, 32, 33, 36, 37, 47, 69, 89
M. Hussel : p.29, 30
Istre (Paul alias « Loulette ») : p.36, 37
Jansen (Paul) : p.49
Jenin (Gustave) : p.36, 47
M. Kawalkowski : p.21
Kedward (Harry Roderick) : p.2, 13
Laborie (Pierre) : p.27
La Picirella (Joseph) : p.1, 2
Laval (Pierre) : p.12, 86
Le Ray (général) : p.62
Lévy (Jean-Pierre) : p.30
M. Lieber : p.23
Magnan (Léon) : p.37
Malossane (Benjamin) : p.33, 34, 35, 40
Marcot (François) : p.13
M. Marquisio : p.35
Martin (Léon) : p.29, 30, 31, 37
Masson (Edouard) : p.29, 37, 48
Morin (Albert) : p.36
Mossière (Louis) : p.36, 38, 47
Nallet : p.32
Noaro (Denise) : p.44, 66, 68
Payot (lieutenant) : p.63
Perec (Georges) : p.19, 20
M. Peronne : p.83
Perriat (transports) : p.47
Pétain (maréchal Philippe) : p.27, 28, 29, 63, 64
Piqueret : p.29
M. Plumel : p.25
Pupin (Aimé alias « Mathieu ») : p.30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 44, 46, 66, 68, 69
Racouchot (Théophile) : p.29, 31, 37
Repellin (Paul) : p.37
Rey (Fabien alias « Marseille ») : p.36, 38, 47
Rivail (P.) : p.34
Rochas (Marcel alias « Tiotio »): p.37, 63
Roche (Alfred) : p.45
M. Rosenthal : p.36
Samuel (Eugène alias « Jacques Ravalec ») : p.29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 59, 69, 77
226
Samuel (Simon) : p.31, 34, 36
Sauckel (Fritz) : p.12, 13
M. Savioux : p.37
Silvestre (Suzanne et Paul) : p.2, 13, 22, 23, 61, 62
Valot (André) : p.77
Vergnon (Gilles) : p.1
Vertacomicori : p.24
Vincent (abbé Johannès) : p.22, 23, 49
Vincent-Beaume (André) : p.35
Vincent-Martin (Léon) : p.37, 38, 45, 63
M. Zabielo : p.21
M. Zaleski : p.21
227
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ………………………………………………………………………………………………..1
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………………………………...12
LA FRANCE RURALE CONTEMPORAINE ……………………………………………………………….12
Ouvrages généraux ………………………………………………………………………………………12
Ouvrages spécialisés ……………………………………………………………………………………..13
Synthèses régionales ……………………………………………………………………………………..14
LA FRANCE SOUS LA TROISIEME REPUBLIQUE ……………………………………………………...14
La société française ………………………………………………………………………………………14
Les partis politiques ………………………………………………………………………………………14
LA FRANCE DE VICHY …………………………………………………………………………………….15
LA RESISTANCE EN France ….………………………………………………………………….………... 17
LA RESISTANCE DANS LA REGION R1 (concernant en partie la maquis du Vercors)……….……..……19
LES SOCIALISTES ET LA RESISTANCE …..….…………….…………………………………………….20
GENERALITES SUR LE VERCORS …………….………….…………………………………..…………...21
GENERALITES SUR LA DROME ET L’ISERE ….……….…………………………………..…………….23
ETUDES SUR LES MAQUIS ………….………………….…………………………………..……………...25
OUVRAGES SUR LE MAQUIS DU VERCORS ………...…………………………………..………………26
Etudes sur le maquis ………………………………………………………………………………………26
Témoignages ……………………………………………………………………………………………….27
FILMOGRAPHIE ……………………………………………………………………………………………..30
ETAT DES SOURCES …………………………………………………………………………………………31
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE LA DROME ……………………………………………………...32
ARCHIVES DEPARTEMENTALES DE L’ISERE ………………………………………………………….37
CENTRE D’HISTOIRE DE LA RESISTANCE ET DE LA DEPORTATION DE LYON ………………….41
BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE DE LYON ………………………………………………………………..41
MAISON DU PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS ……………………………………………...41
LE VERCORS EN RESISTANCE …………………………………………………………………………….42
PREMIERS ACTES DE DESOBEISSANCE…………………………………………………………………42
A) Les premières « combines » contre le régime …………………………………………………………...42
1) Des emplois à la campagne…………………………………………………………………………..42
2) Un ravitaillement illicite ……………………………………………………………………………44
B) Déjà un espace de refuge ………………………………………………………………………………..48
1) Les réfugiés ………………………………………………………………………………………….48
2) Pourquoi ce caractère d’espace de refuge……………………………………………………………53
NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT DE LA RESISTANCE EN VERCORS……………………………..56
A)Le refus de la défaite ……………………………………………………………………………………..56
1) Naissance de groupes de Résistants à Villard-de-Lans et à Grenoble……………………………….56
228
2) La fusion des deux groupes sous l’égide de Franc-Tireur…………………………………………...60
B) La constitution d’un réseau ……………………………………………………………………………...63
1) L’incorporation de Résistants drômois………………………………………………………………63
2) L’élargissement du réseau sur les communes du Vercors…………………………………………...65
LA RESISTANCE AU VILLAGE…………………………………………………………………………….69
A)Les soutiens de la communauté villageoise ………………………………………………………………69
1) Le ravitaillement……………………………………………………………………………………..69
2) Les autres formes de l’engagement…………………………………………………………………..73
B)Dans l’ombre du village ………………………………………………………………………………….79
1) La Compagnie civile du Vercors……………………………………………………………………..79
2) Le groupe-franc………………………………………………………………………………………82
3) En marge du village : la forêt………………………………………………………………………...85
VIVRE EN VERCORS PENDANT LA GUERRE …………………………………………………………...89
LE CLIMAT AU VILLAGE…………………………………………………………………………………...89
A) Qui savait ………………………………………………………………………………………………...89
1) « Les deux premières années c’était presque secret »………………………………………………..89
2) Un secret partagé……………………………………………………………………………………..91
B) La perception de la Résistance par les habitants ………………………………………………………..93
1) Entre soutien et appréhension………………………………………………………………………..93
2) Des Résistants conscients des risques encourus……………………………………………………...98
C) Les personnes « hostiles » à la Résistance ……………………………………………………………..100
1) « Ils n’ont jamais rien fait »………………………………………………………………………...100
2) La place de la collaboration………………………………………………………………………...101
LES CHANGEMENTS DANS L’ACTIVITE DU VILLAGE………………………………………………102
A) Main d’œuvre et activités nouvelles ……………………………………………………………………102
1) La nouvelle composition du village………………………………………………………………...102
2) Une organisation du travail modifiée……………………………………………………………….103
B) Une nouvelle situation économique …………………………………………………………………….106
1) Une économie « parallèle »…………………………………………………………………………106
2) L’argent de la Résistance…………………………………………………………………………...107
LE CONTRÔLE CROISSANT DES AUTORITES………………………………………………………….109
A) La complicité de la gendarmerie ……………………………………………………………………….109
1) La relative complaisance envers les réfractaires au S.T.O………………………………………….109
2) Le soutien à la Résistance…………………………………………………………………………..110
B) L’attention croissante portée par Vichy et la Milice …………………………………………………...111
1) Le regard de Vichy………………………………………………………………………………….111
2) La Milice……………………………………………………………………………………………114
C) Les troupes d’occupation ………………………………………………………………………………118
1) Les Italiens …………………………………………………………………………………………118
2) Les Allemands………………………………………………………………………………………121
229
CONCLUSION ………………………………………………………………………………………………...124
CHRONOLOGIE ……………………………………………………………………………………………...128
LE VERCORS : ENTRE GRENOBLE ET PONT-EN-ROYANS …………………………………………132
LE PARC NATUREL REGIONAL DU VERCORS ………………………………………………………..133
LES COMMUNES DES CANTONS DE LA CHAPELLE-EN-VERCORS ET DE VILLARD-DELANS …………………………………………………………………………………………………………...134
ORGANIGRAMME DU MOUVEMENT DE RESISTANCE DU VERCORS EN MAI 1943 …………..135
RECIT DU DR. LEON MARTIN …………………………………………………………………………….136
RECIT D’AIME PUPIN ………………………………………………………………………………………138
CONFERENCE CHAVANT ………………………………………………………………………………….148
TEMOIGNAGE D’EUGENE SAMUEL …………………………………………………………………….155
TEMOIGNAGE DE DENISE NOARO ……………………………………………………………………...162
HISTORIQUE DU 1er CAMP DU VERCORS, LE C.1 ……………………………………………………..166
TEMOIGNAGE DE PAUL BELMONT ……………………………………………………………………..169
LA RESISTANCE A MEAUDRE ……………………………………………………………………………171
LE PREMIER PARACHUTAGE. ARBOUNOUZE, NOVEMBRE 1943 ………………………………...173
A PROPOS DE « MONACO » ………………………………………………………………………………..175
LEON CHEVALLET …………………………………………………………………………………………177
LA BOULANGERE …………………………………………………………………………………………...180
AUTRANS DANS LA CLANDESTINITE …………………………………………………………………..182
LA VIE DU C.3 A CARTEAUX. ETE 1943 …………………………………………………………………184
LES RELATIONS DU C.3 AVEC AUTRANS ……………………………………………………………...186
LE PERCEPTEUR DE VILLARD-DE-LANS MARLIUS CHARLIER SURVEILLE PAR LES
AUTORITES …………………………………………………………………………………………………..187
VICHY LE 22 JUIN 1943, LETTRE DU SECRETARIAT D’ETAT A L’INTERIEUR, DU CABINET
DU CONSEILLER D’ETAT SECRETAIRE GENERAL A LA POLICE, ADRESSEE AU PREFET
REGIONAL DE LYON ……………………………………………………………………………….187
GRENOBLE LE 1er JUILLET 1943, LETTRE DU CAPITAINE DU 7ème GROUPE DE CONTRÔLE
ET DE LIAISON DE LA COMMISSION ITALIENNE D’ARMISTICE AVEC LA FRANCE AU
COMMANDANT CHAGNARD, CHEF DU DETACHEMENT FRANÇAIS DE LIAISON……….187
DES TRACTS SUR LE PLATEAU ………………………………………………………………………….188
UN TRACT ANTI-MILICE A VILLARD-DE-LANS………………………………………………..188
UN TRACT ENCOURAGEANT A LA DESERTION CHEZ LE GROUPEMENT 11 DES
CHANTIERS DE JEUNESSE…………………………………………………………………………189
LE GROUPE-FRANC ………………………………………………………………………………………...192
LA MILICE A VASSIEUX …………………………………………………………………………………...195
LYCEE POLONAIS DE VILLARD-DE-LANS 1940-1946 – 1976 ………………………………………...196
MARSAZ, UN FOYER DE RESISTANCE ………………………………………………………………….206
ANNEXE A L’HISTORIQUE DE LA RESISTANCE A MARSAZ. FORMATION D’UN GROUPE DE
RESISTANTS A CLAVEYSON ……………………………………………………………………………...211
230
NOURRIR LES REFRACTAIRES …………………………………………………………………………..212
NOURRIR LES REFRACTAIRES (deux anecdotes) ………………………………………………………215
ORGANIGRAMME DE L’UNITE DE MARSAZ ………………………………………………………….216
PLAN D’ALERTE …………………………………………………………………………………………….217
COMBATS DU VERCORS …………………………………………………………………………………..218
MARSAZ, CEREMONIE DU 19 AOÛT 1945 : INAUGURATION OFFICIELLE DE LA PLAQUE
COMMEMORANT LE SOUVENIR DES RESISTANTS DE MARSAZ MORTS POUR LA FRANCE.
DISCOURS PRONONCE PAR LE CAPITAINE VINCENT-BEAUME …………………………………222
INDEX ………………………………………………………………………………………………………….225
TABLE DES MATIERES …………………………………………………………………………………….228
231
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