Café philo
de Latresne
Philosophie et Société
Faut-il être sceptique ?
Compte-rendu de la rencontre du 10 mars 2016
Introduction Version 1 du 11-3-16
Pas de chemin vers la Vérité
Le scepticisme (du grec skeptikos, « qui examine ») est une doctrine selon laquelle la pensée
humaine ne peut déterminer une vérité avec certitude. Etre sceptique c’est douter de quelque chose
et poursuivre la recherche, ne jamais prétendre être parvenu à une vérité absolue.
L’objectif n'est pas d’éviter l'erreur, mais de parvenir à la quiétude (ataraxia), loin des
conflits de dogmes et de la douleur que l'on peut ressentir lorsqu'on découvre de l'incohérence dans
ses certitudes.
Le scepticisme « faible » affirme que l'homme ne peut trouver réponse ni aux questions
philosophiques, ni aux énigmes de la nature, même si elle existe. (*1)
Rien n’est, tout apparaît
Pour le scepticisme « fort », la réalité des phénomènes est tenue pour certaine, c'est-à-dire
que l'apparence est telle qu'elle nous apparaît. Il ne dit pas : « cet objet (comme substance) est tel
(qualité intrinsèque) » ; mais : « cet objet, en tant qu'il m'apparaît, apparaît avec telle qualité
sensible ».
Du point de vue de la connaissance, cela revient à nier la catégorie de substance, pour
n'affirmer que des apparences liées sans substrat métaphysique.
D'un point de vue moral, cette distinction permet d'établir des règles de vie issues de
l’expérience : en général, le sceptique suit les croyances établies, même s'il n'y croit pas. Les
opinions du sens commun lui sont indifférentes. (*1)
2
La vraie doctrine de Pyrrhon
Pyrrhon n’a rien écrit, parce qu’on ne peut être sage et auteur, parce que le langage dit l’être,
en dédoublant l’apparence et en l’opposant à l’être.
Pour établir sa doctrine, il faut donc faire confiance à d’autres en appliquant deux règles :
Proximité dans le temps et Séparation des doctrines exposées par les commentateurs.
Ceci conduit à rejeter le témoignage du philosophe Sextus Empiricus qui atténue la portée
du scepticisme de Pyrrhon et à préférer ceux d’Aristoclès pour la doctrine et d’Antigone pour les
faits et gestes. (*3)
Un scepticisme absolu
Pyrrhon d’Elis (360-275 av JC) est le philosophe grec sceptique extrême et pour lui :
« Chaque chose n’est pas plus qu’elle n’est pas, ou qu’elle est et n’est pas ou qu’elle n’est ni n’est
pas ».
Pour lui, Ce qu’il y a n’est pas de l’être, mais cependant n’est pas rien, c’est l’apparence
absolue qui ne laisse rien hors d’elle. (*3)
Tout n’est qu’apparence
Dans la conception pyrrhonienne, si la réalité est scindée en deux, d’un côté une apparence,
ce qui change sans cesse et de l’autre côté l’essence, l’être, ce qui ne change pas et demeure, alors :
La réalité s’épuise dans un pur paraître et il y a évanouissement de l’essence éternelle. La
réalité n’est qu’apparence, mais apparence absolue. (*3)
3
Apparence, vie et oeuvre
« Du point de vue du temps infini qui est celui de la Nature, tous les êtres (dont l’homme), ne
sont que des apparences fugitives. » (*2)
« Il y a donc une catégorie de l’Apparence qui n’a pas l’être pour corrélat. » (*3)
« La sagesse tragique qui n’est orientée ni vers le plaisir, ni vers le bonheur, vise à donner le
plus de valeur possible à la vie et à l’œuvre en dépit de leur caractère périssable. » (*2)
Pas de connaissance possible
Pour Pyrrhon, il n’y a que deux termes, les apparences et la pensée et il n’y aura jamais de
révélation du réel plus profonde que l’auto dévoilement de l’apparence.
Il ne peut y avoir de connaissance consistant en un progrès vers l’essence des choses, seulement
une substitution d’apparences à d’autres apparences.
Il n’y a rien à savoir, il n’y a qu’à vivre. L’accord avec la nature se trouve non dans le savoir,
mais dans le non savoir. (*3)
4
Douter et croire ?
Le scepticisme fut vigoureusement combattu durant tout le Moyen Age par l’Eglise chrétienne qui
l’identifiait à l’impiété.
Or, à la même époque, l’islam faisait preuve de beaucoup plus de finesse, ainsi le Théologien
acharite Abu Hamid Al-Ghazali (1058-1111), après avoir longtemps critiqué la philosophie grecque :
Qu’est-ce que cette sagesse non révélée issue d’un peuple païen ?
S’autorise-t-on à questionner ce qui est révélé?
Dira pourtant à la fin de sa vie : « Qui n’examine pas ne croît pas, qui ne doute pas, n’examine
pas ».
« Rester dans le scepticisme fait partie de la foi ». (*5)
Le scepticisme islamique
Les théologiens Al-Ghazâli (1058-1111) et Ibn Taymiyya (1263-1328) bien qu’acharites vont
adopter la méthodologie aristotélicienne pour s’opposer à la philosophie grecque dans son objectif de
recherche de connaissance vraie.
Pour eux, il n’est pas nécessaire qu’un effet suive sa cause, les choses peuvent toujours être
autrement, les phénomènes se produisent au contact et non par nécessité.
L’homme n’a pas la capacité de connaître la causalité. La nécessité n’est pas dans les choses et la
connaissance humaine ne peut pas aller au-delà de l’observable. Cette position reflète un empirisme et un
scepticisme affirmés. (*6)
Scepticisme dans le judaïsme
Pour Maïmonide (1138-1204) dans son « Guide des perplexes », l’accession vers la perfection est
possible par le phénomène prophétique avec une « aide divine » et par voie naturelle, le savoir et la
philosophie.
5
Il fait la synthèse des connaissances en physique et en métaphysique sur la création du
monde et l'existence de Dieu. Il adopte une perplexité féconde synonyme de découverte d'une nouvelle
manière de penser : un certain scepticisme devant ce qu'il perçoit comme étant une aporie.
Il reprend l'idée d’Aristote que par l'activité intellectuelle, voie de perfection, la philosophie
permet à l'homme de se rapprocher de Dieu à travers trois idéaux : chercher l'immortalité, concevoir des
choses intelligibles, et s'unir avec l'intellect. (*8)
Le moi objet de connaissance ?
Les humanistes de la Renaissance reprennent la lecture des Anciens, afin de renouveler leur vision
du monde.
Ils ne trouveront que contradictions entre les différentes écoles, sans qu'on puisse
raisonnablement donner la préférence à l'une d'elles.
Le principal représentant du scepticisme, Montaigne (1533-1592), en déduira qu'il est vain de
tenter de découvrir le fonctionnement du monde. Le seul domaine de recherche qui est autorisé au
philosophe, c'est sa propre intériorité.
« Pourquoi nous penser comme être, durant cet instant qui n’est qu’un éclair dans le cours infini
d’une nuit éternelle et un arrêt si bref de notre perpétuelle et naturelle condition ? » Essais II – 12
Descartes : douter pour ne plus douter
Descartes (1596-1650) part d'une nouvelle définition de la souveraineté du sujet pensant, de
l'individu, et pour qui le doute sceptique n'est qu'une étape de la pensée.
Chez lui le scepticisme est le premier pas vers la connaissance. Il est un moment à dépasser pour
construire un savoir.
C'est sur le doute qu'est bâti son « Discours de la méthode », mais son objectif principal est de
renverser le scepticisme ambiant, en montrant qu'il est possible d'avoir des connaissances. (*1)
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