Pyrrhon le Sceptique
Capsule philosophique
Dans le langage courant, on emploie l’adjectif
« sceptique » pour qualifier une personne qui doute de quelque
chose ou qui a tendance à être incrédule. Or, le scepticisme, au
temps des Grecs de l’Antiquité, était une attitude
philosophique beaucoup plus radicale qui remonterait à
Pyrrhon d’Elis (-365 à -275).
Le scepticisme de Pyrrhon est une éthique eudémoniste, c’est-à-dire qui
affirme comme beaucoup d’autres philosophies antiques que la finalité de la vie
humaine est le bonheur. Mais comment trouver le bonheur? Là est toute la
question! Pyrrhon croit qu’est heureux celui qui a atteint une quiétude
(« ataraxia », en grec) résultant de la suspension de son jugement (« epokhè »). En
effet, devant toutes choses, il faut s’abstenir de porter un jugement : la santé, les
lois, la nourriture, etc. L’homme ne peut savoir ce qui est bon ou mauvais.
Cette neutralité face aux événements est justifiée par l’idée que pour Pyrrhon, le
monde est inconnaissable car il est par nature instable et trompe nos sens. La
preuve : personne ne s’entend sur ce qui est bon au goût ou beau pour les yeux.
Si les sens nous font croire que ceci est meilleur que cela, il n’en est rien. Ce qui
peut sembler préférable ne l’est peut-être pas. Ainsi, il faut se détacher du
témoignage de notre appareil sensoriel. (Mais cela est quelque peu ardu! En
effet, comment vivre si on ne peut se fier sur nos perceptions? Par exemple, il
faudrait rester de glace devant un chien qui s’apprête à nous attaquer sous
prétexte que c’est peut-être là une illusion… Voilà un des nombreux problèmes
que pose le pyrrhonisme.)
Ne pouvant rien affirmer ou nier, préférer ou abhorrer, le sceptique doit
rester muet (« aphasia ») devant le spectacle qui se déroule devant ses yeux. On
ne s’étonnera donc pas d’apprendre que Pyrrhon n’a rien écrit et qu’on le
connaît seulement à travers ses héritiers! Parce qu’on ne sait si les richesses, le
pouvoir, la popularité sont des biens à rechercher, il ne sert donc à rien de
s’inquiéter de les posséder ou de les perdre. C’est pourquoi selon Pyrrhon,
l’attitude sceptique est la seule voie véritable vers la vie paisible et heureuse.
Catherine Guindon, département de philosophie
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