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Fiche d’exploitation pédagogique
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L’euro fort dans le viseur
Direct Matin, 15 avril 2014
À 1,38 dollar, la devise européenne atteint à nouveau des sommets. Un phénomène qui
fait planer plusieurs risques sur l’Union.
C’est devenu l’ennemi public n° 1. L’euro fort est fustigé de tous les côtés comme la cause de
la mauvaise santé économique de la France. Il serait "un frein à la croissance", selon le
ministre des Finances, Michel Sapin.
Il faut dire qu’en 2013, la monnaie unique s’est appréciée de 10 % par rapport à l’américaine.
Son taux de change, de 1,38 dollar, est proche des hauts niveaux de 2011 (1,48 dollar),
notamment à cause des afflux de capitaux dans la zone euro : les investisseurs anticipent une
amélioration de la situation économique de pays comme l’Espagne ou l’Italie.
Où est donc le problème d’une devise puissante ? A priori, cela présente des avantages,
comme celui de renforcer le pouvoir d’achat des États, entreprises ou particuliers qui
négocient dans des monnaies de moindre valeur.
Un risque de déflation
"Quand l’euro augmente, les produits importés sont moins chers", résume Christophe Blot,
économiste à l’OFCE. Ainsi, le pétrole étant facturé en dollars, la facture énergétique des pays
de la zone euro ne s’est pas envolée ces dernières années. Et l’euro fort reste une bonne
nouvelle pour le porte-monnaie des Français qui, par exemple, voudraient partir en vacances à
New York ou acquérir une voiture japonaise.
Mais cette mécanique est perverse, avertit Christophe Blot, car elle peut entraîner une
déflation." En effet, si les produits importés sont bon marché, les entreprises françaises
perdent en compétitivité. Si elles ne veulent pas voir leurs marges disparaître, il ne leur reste
qu’à revoir leurs prix à la baisse, donc réduire leurs coûts. Ce qui peut avoir un impact négatif
sur les salaires et l’emploi.
En outre, l’euro fort renchérit la valeur des produits destinés à l’export, qui se vendent donc
moins. Au total, selon les estimations de Marc Touati, président du cabinet de conseil
ACDEFI et auteur du Dictionnaire terrifiant de la dette, "une appréciation de l’euro de 10 %
fait perdre 0,5 % de croissance".
La BCE doit prendre des mesures
Rien d’étonnant, donc, à ce que les politiques s’emparent du problème. Contrairement à la
monnaie chinoise, encore politiquement sous-évaluée, "l’euro est déterminé sur les marchés,
on ne peut pas décréter sa valeur", insiste Christophe Blot.
Mais la Banque centrale européenne (BCE) peut actionner plusieurs leviers indirects.
"D’abord en baissant ses taux d’intérêt", explique Marc Touati. Ces derniers étant déjà bas, à
0,25 %, la marge de manœuvre reste faible.
La BCE pourrait alors décider de faire fonctionner la planche à billets et injecter des liquidités
dans l’économie. Une politique non conventionnelle qui l’a pour l’instant rebutée. Mais les
récentes interventions de son président, Mario Draghi, qui a confié ce week-end à Washington
que la situation "pourrait nécessiter une action monétaire", laissent présager un changement
de cap.