28 Chapitre 5 Fonction d’un variable réelle : limite, continuité 5.1 Notations f : fonction numérique R → R Df : son ensemble de définition (a, b) : intervalle ouvert, semi-ouvert ou fermé (a < b). Sauf cas contraire signalé, on considérera que a peut être −∞ et que b peut être +∞. 5.2 Limite Définition : Soit c ∈ R tel que ]a, c[∪]c, b[⊂ Df , ou ]a, c[⊂ Df ou ]c, b[⊂ Df . On dit que f (x) tend vers l ∈ R lorsque x tend vers c si ∀ε > 0, ∃η > 0, |x − c| < η et x ∈ Df =⇒ |f (x) − l| < ε. On dit aussi que la fonction f admet l pour limite en c et on note : lim f (x) = l. x→c Remarques : 1. Cette définition est valable que c soit ou non dans Df . 2. Si f admet l pour limite en c et que c ∈ Df , f (c) est défini et doit donc appartenir à tout voisinage de l ce qui n’est possible que si f (c) = l. On reviendra sur la continuité plus tard. 3. Une limite n’existe pas forcément. Voici un exemple qui permet d’illustrer cette définition : cliquer sur le bouton ”commencer” puis modifiez au besoin le choix de c, de ε ou de η. Exemples : A partir simplement de la visualisation graphique ci dessus : 1. Pour c = 0.5 et ǫ = 0.1, η = 0.09 convient ? 2. Pour c = 0.5 et ǫ = 0.1, η = 0.04 convient ? 3. Pour c = 0.8 et ǫ = 0.1, η = 0.09 convient ? 4. Pour c = 0.8 et ǫ = 0.1, η = 0.04 convient ? 5. Pour c = 0.8 et ǫ = 0.05, η = 0.09 convient ? p √ Exemple : Etudier les ensembles de définition et les limites en 0 de f (x) = x, g(x) = |x| et h(x) = x − ⌊x⌋. 5.3 Limite à gauche ou à droite Définition : Soit c ∈ Df tel qu’il existe α > 0 tel que ]c, c + α[⊂ Df . On dit que f admet l pour limite à droite en c et on note : lim f (x) = l si ∀ε > 0, ∃η > 0, x ∈ Df ∩]c, c + η[=⇒ |f (x) − l| < ε x→c,x>c Soit c ∈ Df tel qu’il existe α > 0 tel que ]c − α, c[⊂ Df . On dit que f admet l pour limite à gauche en c et on note : lim f (x) = l si ∀ε > 0, ∃η > 0, x ∈ Df ∩]c − η, c[=⇒ |f (x) − l| < ε x→c,x<c 29 30 CHAPITRE 5. FONCTION D’UN VARIABLE RÉELLE : LIMITE, CONTINUITÉ Remarque : On trouvera aussi les notations f (c+) et f (c−). Proposition : – Si c ∈ Df , f admet l pour limite en c si et seulement si f admet l pour limite à droite et à gauche en c et f (c) = l. – Si c ∈ / Df , f admet l pour limite en c si et seulement si f admet l pour limite à droite et à gauche en c. Exemples : – Etudier la limite, la limite à gauche, la limite à droite en 0 et 1 de f (x) = x − ⌊x⌋. – Etudier la limite (à gauche, à droite) en 0 de f (x) = x/|x|. (Df = R∗ , f (x) = 1 si x > 0 et f (x) = −1 si x < 0.) 5.4 Limite infinie ou en l’infini Définition : Dans ce qui suit, c et l sont deux réels. lim f (x) = −∞ ssi ∀M ∈ R, ∃η > 0, x ∈ Df ∩] − ∞, c[ et |x − c| < η =⇒ f (x) < M lim f (x) = −∞ ssi ∀M ∈ R, ∃η > 0, x ∈ Df ∩]c, +∞[ et |x − c| < η =⇒ f (x) < M lim f (x) = +∞ ssi ∀M ∈ R, ∃η > 0, x ∈ Df ∩] − ∞, c[ et |x − c| < η =⇒ f (x) > M lim f (x) = +∞ ssi ∀M ∈ R, ∃η > 0, x ∈ Df ∩]c, +∞[ et |x − c| < η =⇒ f (x) > M x→c,x<c x→c,x>c x→c,x<c x→c,x>c lim f (x) = l ssi ∀ε > 0, ∃P < 0, x ∈ Df et x < P =⇒ |f (x) − l| < ε x→−∞ lim f (x) = l ssi ∀ε > 0, ∃P > 0, x ∈ Df et x > P =⇒ |f (x) − l| < ε x→+∞ lim f (x) = +∞ ssi ∀M ∈ R, ∃P > 0, x ∈ Df et x > P =⇒ f (x) > M x→+∞ lim f (x) = −∞ ssi ∀M ∈ R, ∃P > 0, x ∈ Df et x > P =⇒ f (x) < M x→+∞ 5.5 Unicité de la limite Proposition : Il existe au plus un élément l ∈ R tel que f (x) tende vers l lorsque x tend vers c. Démonstration 5.6 Lien avec les suites Proposition : Soit c ∈ R, f admet l pour limite en c si et seulement si pour toute suite (xn , n ∈ N) d’éléments de Df convergeant vers c, la suite (f (xn ), n ∈ N) converge vers l. Cet énoncé reste vrai lorsque c ou l prennent les valeurs +∞ ou −∞ pourvu que l’ensemble de définition de f le permette. De même, f admet l pour limite à gauche en c si et seulement si pour toute suite (xn , n ∈ N) d’éléments de Df telle que pour tout n ∈ N, xn < c et qui converge vers c, la suite (f (xn ), n ∈ N) converge vers l. Et f admet l pour limite à droite en c si et seulement si pour toute suite (xn , n ∈ N) d’éléments de Df telle que pour tout n ∈ N, xn > c et qui converge vers c, la suite (f (xn ), n ∈ N) converge vers l. Démonstration Exemples : – Etudier la limite quand x tend vers +∞ de f (x) = cos(x). – Soit f (x) = sin(1/x). Sur quel ensemble peut-on définir f ? Etudier l’existence de limites en 0. 5.7 Opérations sur les limites Proposition : Soient f et g deux fonctions numériques. Dans les tableaux qui suivent les limites sont prises en c, qui est un réel appartenant à Df ∩ Dg , en +∞ ou en −∞ si les ensembles Df et Dg le permettent. Si f a pour limite et si g a pour limite alors f + g a pour limite l l′ l + l′ l +∞ +∞ l −∞ −∞ +∞ +∞ +∞ −∞ −∞ −∞ +∞ −∞ indét. 31 5.8. INÉGALITÉS SUR LES LIMITES f g fg l l′ ll′ l>0 +∞ +∞ l>0 −∞ −∞ f g f /g l l′ 6= 0 l/l′ f g l > 0 ou +∞ 0 >0 +∞ f /g l<0 +∞ −∞ l −∞ ou +∞ 0 Il y a donc 4 formes indéterminées. l<0 −∞ +∞ +∞ l′ > 0 +∞ l > 0 ou +∞ 0 <0 −∞ +∞ +∞ +∞ +∞ l′ < 0 −∞ +∞ −∞ −∞ −∞ l′ > 0 −∞ l < 0 ou −∞ 0 >0 −∞ −∞ −∞ +∞ 0 −∞ ou +∞ indét. −∞ l′ < 0 +∞ −∞ ou +∞ −∞ ou +∞ indét. l < 0 ou −∞ 0 <0 +∞ 0 0 indét. Proposition : Si f (x) tend vers b quand x tend vers a et si g(y) tend vers c quand y tend vers b, alors g ◦ f (x) tend vers c quand x tend vers a. Cet énoncé reste vrai lorsque a, b ou c prennent les valeurs +∞ ou −∞. Démonstration Exemples : Etudier l’ensemble de définition puis, en utilisant les théorèmes énoncés précédemment, les limites des fonctions suivantes : 1. limite en −∞ et en +∞ de f (x) = sin(1/x) : limx→−∞ 1/x = 0 et limy→0 sin(y) = 0. 1 2. limite à droite en 1/3 de f (x) = √ : 3x − 1 √ limx→(1/3)+ 3x − 1 = 0+, limy→0+ y = 0+ et limz→0+ 1/z = +∞. √ 3. limite en +∞ de f (x) = 2x2 + x 5.8 Inégalités sur les limites Proposition : Soient f et g deux fonctions numériques. On suppose que c ∈ Df ∩ Dg , f (x) tend vers l quand x tend vers c et g(x) tend vers l′ quand x tend vers c. 1. Si f = g sur un intervalle I ⊂ Df ∩ Dg de type ]a, b) ou (b, a[, alors l = l′ . 2. Si f ≤ g sur un intervalle I ⊂ Df ∩ Dg de type ]a, b) ou (b, a[, alors l ≤ l′ . 3. Si f < g sur un intervalle I ⊂ Df ∩ Dg de type ]a, b) ou (b, a[, alors l ≤ l′ . Démonstration Remarque : Cet énoncé reste valable si a est égal à +∞ ou −∞ mais dans ce cas l’intervalle I doit être de la forme (b, +∞[ ou ] − ∞, b) : cf proposition détaillée suivante. Remarque : Pour 3., on vérifie qu’on ne peut pas espérer avoir une inégalité stricte à droite : considérer f (x) = x2 et g(x) = x4 sur ]0, 1[. On a bien f > g sur ]0, 1[ mais limx→0 f (x) = limx→0 g(x) = 0 et limx→1 f (x) = limx→1 g(x) = 1 Corollaire : Soient a, b, u, v des réels et soit f : [a, b] → (u, v). Si f admet l pour limite en c ∈ [a, b] alors l ∈ [u, v]. Proposition : On suppose que f (x) tend vers l quand x tend vers a et h(x) tend vers l quand x tend vers a. Si f ≤ g ≤ h sur un intervalle ouvert I contenant a, alors g admet l pour limite en a. Démonstration Exemple : Etudier la limite de (sin(2x) + cos(3x)).x en 0 : | sin(2x) + cos(3x)| ≤ 2 sur I = R. On en déduit que 0 ≤ |(sin(2x) + cos(3x)).x| ≤ 2|x| et donc que limx→0 |(sin(2x) + cos(3x)).x| = 0. Proposition : Soient f et g deux fonctions numériques. Supposons que I =]a, +∞[⊂ Df ∩ Dg . Si f ≤ g sur I et lim f (x) = +∞, alors lim g(x) = +∞. x→+∞ x→+∞ Si f ≤ g sur I et lim g(x) = −∞, alors lim f (x) = −∞. x→+∞ x→+∞ Supposons que J =] − ∞, b[⊂ Df ∩ Dg . Si f ≤ g sur J et lim f (x) = +∞, alors lim g(x) = +∞. x→−∞ x→−∞ Si f ≤ g sur J et lim g(x) = −∞, alors lim f (x) = −∞. x→−∞ x→−∞ Exemples : – Etudier la limite en 0 de cos(x)/x : cos(x) ≥ 1/2 sur I =]0, π/3] et donc cos(x)/x ≥ 1 + (sin(x)/x) x + sin x : écrire f (x) = . – Limite en +∞ de f (x) = 2x + 1 2 + 1/x 1 2x sur I. 32 CHAPITRE 5. FONCTION D’UN VARIABLE RÉELLE : LIMITE, CONTINUITÉ 5.9 Limites de fonctions monotones Proposition : Soit f une fonction numérique croissante sur I ⊂ Df , un intervalle ouvert R. Alors f admet une limite à gauche et à droite finie en tout point de I. De plus, si I =]α, +∞[, f admet une limite à gauche (finie ou non) en +∞ et si I =] − ∞, α[, f admet une limite à droite (finie ou non) en −∞. Démonstration Remarque : Si f est décroissante, alors −f est croissante, et on peut appliquer la proposition précédente. 5.10 Continuité Définition : Soient f une fonction numérique et I ⊂ Df un intervalle. Soit c ∈ I, on dit que f est continue en c si f admet f (c) pour limite en c. f est continue sur I si elle est continue en tout point de I. On dira que f est continue à gauche en c si f admet f (c) pour limite à gauche en c et que f est continue à droite en c si f admet f (c) pour limite à droite en c (quand les limites à gauche et à droite sont définies). Remarque : On ne définit donc la continuité qu’en des points en lesquels la fonction f est définie. Exercice : Soit f une fonction définie sur ]a, b[, continue en x0 ∈]a, b[ et telle que f (x0 ) > 0. Montrer qu’il existe un intervalle ]c, d[ inclus dans ]a, b[ et contenant x0 tel que f est strictement positive sur ]c, d[. Démonstration 5.11 Lien avec les suites Proposition : Soit c ∈ R, f est continue en c si et seulement si pour toute suite (xn , n ∈ N) d’éléments de A convergeant vers c, la suite (f (xn ), n ∈ N) converge vers f (c). f est continue à gauche (resp. limite à droite) en c si et seulement si pour toute suite (xn , n ∈ N) d’éléments de A telle que pour tout n ∈ N, xn ≤ c (resp. xn ≥ c), convergeant vers c, la suite (f (xn ), n ∈ N) converge vers f (c). 5.12 Prolongement par continuité Définition : Supposons que A = (a, c[∪]c, b) ⊂ Df , c réel. On dit que f est prolongeable par continuité en c si f admet une limite finie l en c. Supposons maintenant que Df =]c, b) (resp. Df = (a, c[), c réel. On dit que f est prolongeable par continuité en c si f admet une limite finie l à droite (resp. à gauche) en c. Dans les deux cas, on dira que l’on prolonge f par continuité si l’on construit une nouvelle fonction f¯ égale à f sur A et telle que f¯(c) = l. 5.13 Comment démontrer la continuité d’une fonction Théorème : Soient f et g deux fonctions numériques telles que A = Df ∩ Dg 6= ∅. On suppose que f et g sont continues au point a ∈ A. Alors les fonctions f + g et f g sont continues au point a. Il en est de même de f /g si g(a) 6= 0. Corollaire : Toute fonction polynôme à variable réelle est continue sur R. Toute fonction rationnelle d’une variable réelle est continue sur son ensemble de définition. Rappel : Une fonction rationnelle est un quotient de deux polynômes. Proposition : Les foncions sin, cos, tan, cotan sont continues sur leur domaine de définition. Théorème : Soient A et B deux intervalles de R. Soient f : A → B et g : B → R telles que A ⊂ Df et B ⊂ Dg . Si f est continue en a ∈ A et si g est continue en f (a), alors g ◦ f est continue en a. Si f est continue sur A et g continue sur B, alors g ◦ f est continue sur A. Exemple : Etudier l’ensemble de définition et la continuité des fonctions g(x) = cos(sin(x)), h(x) = cos(3x2 − x). 1. sin et cos sont définies sur R donc Dg = R. sin : R → [−1, 1] et cos : R → [−1, 1] et ces deux fonctions sont continues donc g est continue sur R. 2. P (x) = 3x2 − x et cos sont définies sur R donc Dh = R. P : R → R et cos : R → [−1, 1] et ces deux fonctions sont continues donc h est continue sur R. Théorème : Si f est bijective et continue d’un intervalle I dans un intervalle J, alors f −1 est continue sur J. 5.14. FONCTION LIPSCHITZIENNE 5.14 33 Fonction lipschitzienne Définition : Soit k ∈ R∗+ . On dit que la fonction numérique f est lipschitzienne de rapport k sur un intervalle I ⊂ Df si, pour tout couple (x, y) de I 2 on a |f (x) − f (y)| ≤ k|x − y|. Théorème : Toute fonction lipschitzienne sur un intervalle I est continue sur I. 5.15 Théorème des valeurs intermédiaires Théorème : Soit f une fonction numérique continue sur un intervalle [a, b] ⊂ Df . Alors f est bornée et atteint sur [a, b] sa borne supérieure M et sa borne inférieure m. Démonstration Théorème (valeurs intermédiaires) : Soit f une fonction numérique continue sur un intervalle I ⊂ Df et soient M = supx∈I f (x) et m = inf x∈I f (x). On suppose M > m. Alors, pour tout y ∈]m, M [, il existe au moins un x ∈ I tel que f (x) = y. Démonstration Corollaire : L’image par une fonction numérique continue d’un intervalle de R est un intervalle de R. L’image par une fonction numérique continue d’un intervalle fermé borné de R est un intervalle fermé borné de R. Corollaire : Soit f une fonction numérique continue sur un intervalle I de R, s’il existe deux réels a et b de I tels que f (a) < 0 et f (b) > 0, alors l’équation f (x) = 0 admet au moins une solution (on dit aussi une racine) dans [a, b]. Exercice : Montrer que l’équation tg(x) = x admet une solution dans ] − π/2, π/2[. Démonstration Corollaire : Soit f une fonction numérique continue sur un intervalle I de R. Si f ne s’annule pas sur I, alors f garde un signe constant sur I. Corollaire : Soit f une fonction numérique continue et strictement monotone sur un intervalle I de R. f est bijective de I dans f (I).